le 21/12/2021

L’action en démolition sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage est indépendante de l’application des dispositions de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

Cass. Civ., 3ème, 20 octobre 2021, n° 19-23.233, n° 19-26.155, n° 19-26.156

Principe :
Sur le fondement du droit de propriété a été développée la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux du voisinage selon laquelle nul ne doit occasionner à autrui de troubles qui excèdent les sujétions propres aux relations de voisinage.

 

 

Ainsi, lorsqu’il est démontré que le trouble dépasse le seuil des inconvénients normaux de voisinage, la victime peut prétendre à la réparation de son préjudice.

 

Afin d’apprécier l’anormalité du trouble, les critères environnementaux doivent être pris en considération. Ainsi et pour être réparable, le trouble doit excéder les inconvénients normaux du voisinage eu égard au secteur dans lequel sont édifiées les constructions litigieuses.

 

Selon une jurisprudence constante, le principe est que la réparation intégrale ne peut être obtenue par la victime qu’au moyen de la démolition de la construction irrégulière ou de la remise en état. Toutefois, la Cour de cassation procède, de plus en plus, à un contrôle de proportionnalité de la mesure de démolition ou remise en état.

 

L’action en démolition exercée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage doit être distinguée de l’action fondée sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme visant à obtenir la démolition des constructions réalisées en violation des règles d’urbanisme.

Clarification :
Aux termes de cet arrêt du 20 octobre 2021, des propriétaires ont construit une extension de leur maison, conformément à un permis de construire délivré, puis annulé par la juridiction administrative. Leurs voisins, se plaignant de ce que l’extension leur occasionnait un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage du fait d’une perte de vue et d’ensoleillement les ont assignés aux fins d’obtenir la démolition des constructions litigieuses.

 

La Cour d’appel a relevé que l’extension de la maison avait été construite en limite de propriété, dans une zone de faible densité urbaine, sur une longueur de 17 mètres, pour une emprise au sol de 70 m² et une hauteur de 4 mètres. Elle retient également que les voisins ont désormais une vue sur un mur de parpaings au lieu d’une vue dégagée sur les collines, caractérisant un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, et ce, sans qu’il n’y ait besoin de rechercher si une faute avait été commise.

 

Les propriétaires de l’extension ont donc formé un pourvoi contre l’arrêt ayant ordonné la démolition de l’extension, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir fait application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme et constaté que la construction en cause ne se situait pas dans l’un des périmètres dans lesquels la destruction pouvait être prononcée par le Juge.

 

La Cour de cassation précise ainsi que les dispositions de l’article L. 480-13 1° du Code de l’urbanisme ne s’applique qu’aux demandes de démolition fondées sur la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique et n’a donc pas vocation à s’appliquer lorsque la demande est fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.

 

La Cour de cassation réaffirme, s’il le fallait, que l’action en démolition fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage et celle fondée sur les dispositions de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, visant à sanctionner les violations aux règles d’urbanisme sont indépendantes et autonomes.

 

En effet, une construction, même édifiée conformément aux règles d’urbanisme, peut être de nature à occasionner un trouble anormal du voisinage justifiant sa démolition.

Myriam Dahmane