le 16/12/2021

La lourde condamnation d’un DG d’OPH par l’ANCOLS

Décision du 26 mars 2021

Nouvelle illustration des pouvoirs de sanction de l’ANCOLS après la révocation du Directeur général de l’Office public de l’habitat (ci-dessous « OPH ») de Saint-Claude par arrêté ministériel du 28 février 2020, la condamnation de l’ancien Directeur général de l’OPH Confluence Habitat (77), au versement de la somme de 174. 000 euros a été prononcée par arrêté du 26 mars 2021 de la Ministre de la Transition écologique.

En effet, l’ANCOLS dispose depuis quelques années du pouvoir de recommander au Ministre dont elle relève plusieurs mesures, dont la suspension ou la révocation d’un membre du conseil d’administration, l’interdiction d’y participer pour au plus 10 ans, la dissolution de l’organisme et la condamnation à une sanction pécuniaire ne pouvant excéder deux millions d’euros (article L. 342-14 du Code de la construction et de l’habitation, ci-dessous « CCH »).

Ces sanctions sont rares, et leur contestation devant le Conseil d’Etat, juge compétent et premier et dernier ressort, encore plus.

Pour autant, la lecture des quelques arrêts rendus permet d’avoir un premier aperçu de la doctrine dégagée par la Haute Juridiction sur ces décisions.

Il a ainsi été jugé par le Conseil d’Etat que la sanction de 20. 000 euros infligée à un OPAC en raison de l’absence de respect de la procédure permettant de loger 13 locataires dont les revenus dépassaient les plafonds des ressources autorisés, était fondée, les manquements étant établis[1].

De la même manière, la sanction pécuniaire d’un montant à visée clairement punitive d’un million d’euros infligée à l’OPH de Puteaux a été ramenée par le Conseil d’Etat à 81. 822 euros pour non-respect du droit de réservation de l’Etat et refus d’appliquer le supplément de loyer de solidarité, en raison de l’impossibilité de sanctionner à l’époque les fautes graves de gestion et en l’espèce l’aménagement d’un parking[2].

A propos plus précisément de cette sanction pécuniaire, l’article L. 342-16 du CCH prévoit que son montant est fixé en fonction « de la gravité des faits reprochés, de la situation financière et de la taille de l’organisme », et c’est à cet égard que la sanction infligée à l’ancien Directeur général de l’OPH Confluence Habitat (77) est lourde.

Le Conseil d’Etat mène en effet une analyse très concrète de l’évaluation du montant même de la sanction : ainsi, s’agissant d’un OPH qui avait attribué onze logements à des locataires ne respectant pas les plafonds de ressources autorisés, le Conseil d’Etat devait procéder à l’annulation de la décision sur le fondement d’une absence de prise en compte de divers critères pour apprécier le montant de la sanction pécuniaire : « le montant de cette sanction pécuniaire doit être fixé en tenant compte, non seulement de l’ampleur des dépassements, mais aussi, notamment, de leur fréquence, des raisons pour lesquelles ils sont intervenus, des conséquences de ces attributions irrégulières sur les objectifs fixés par les articles L. 441 et L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, de la taille de l’organisme ou de sa situation financière et, le cas échéant, des mesures prises par l’organisme pour les faire cesser »[3].

En l’espèce, la décision inflige à l’ancien Directeur général une sanction pécuniaire de 174 000 euros en détaillant clairement le calcul de la somme et en justifiant principalement que c’est en fonction des conséquences sur les finances de l’OPH, mais également au regard de la gravité des manquements et de leur caractère répétitif, que le montant a été défini.

Plus précisément, la Ministre a considéré, d’après le rapport de l’ANCOLS, que l’ancien Directeur général a plusieurs reprises s’était mis en position de commettre une prise illégale d’intérêts, d’une part en obtenant du conseil d’administration de l’Office, au cours d’une séance à laquelle il participait, l’octroi irrégulier d’un véhicule de fonction, des tickets restaurants, d’autre part qu’il avait signé une convention au nom de l’Office lui payant une formation en sophrologie et enfin en engageant un membre de sa famille.

En outre, il a octroyé des ruptures conventionnelles à une dizaine de salariés avec un montant maximal de 24 mois, quelle que soit leur ancienneté, y compris quand elle n’était que d’un an et ce en violation des normes encadrant ces ruptures. Ce dernier manquement est qualifié d’acte de gestion contraire aux intérêts financiers de l’Office et a du peser significativement dans l’appréciation du quantum de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée.

Si le préjudice financier de l’Office n’est pas expressément chiffré dans la décision, aucune norme ne l’impose. Pour autant, il est surprenant de constater que la décision est davantage motivée dans un article du Parisien[4] que dans ses visas. Nul doute que l’ancien Directeur l’aura fait valoir si il a contesté la décision devant le Conseil d’Etat.

 

[1] Conseil d’Etat, 18 mai 2018, OPAC de l’Isère, req. 410031.

[2] Conseil d’Etat, 26 avril 2018, req. 409870.

[3] Conseil d’Etat, 16 juin 2021, req. 432682.

[4] Le Parisien, 9 décembre 2021 « Montereau : l’ex-directeur de l’office HLM condamné à 174 000 euros d’amende.