La réforme du secteur des transports et de la mobilité se poursuit

Le secteur des transports, et plus largement, le domaine de la mobilité vont prochainement connaître des mutations importantes.

Tout d’abord s’agissant du secteur ferroviaire, la remise au Gouvernement du rapport « Spinetta » sur l’avenir du transport ferroviaire français n’aura échappé à personne.

Parmi les propositions phares de ce rapport, on peut retenir :

  • la suppression des « petites lignes» de desserte régionale, selon une procédure juridique assouplie. Il est préconisé que les lignes identifiées comme obsolètes après un audit socio-économique complet ne reçoivent plus aucun crédit de l’Etat. Les sommes économisées doivent être redistribuées pour la modernisation des parties du réseau ferroviaire les plus empruntées. Sur ce point, la Ministre des transports, Elisabeth Borne, a, depuis, indiqué publiquement qu’il n’était pas question de supprimer les lignes d’intérêt local ;
  • la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’Etat via un transfert unique ou « glissant». Celle-ci s’élevait à 46 milliards d’euros en 2017 et devrait atteindre 62 milliards d’euros en 2026 ;
  • l’extinction progressive du statut de « cheminot » : les nouveaux personnels recrutés ne bénéficieraient pas de ce statut, en revanche, il ne serait pas remis en cause pour ceux qui en bénéficient déjà. Le rapport ne s’intéresse pas au régime spécial de retraite, qui fera l’objet d’un traitement à l’occasion de la réforme globale de régimes spéciaux de retraite annoncés par le Président de la République ;
  • la transformation de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau en société nationale à capitaux publics ;
  • enfin, l’ouverture progressive à la concurrence du système ferroviaire, compte tenu du cadre prévu par le quatrième paquet ferroviaire européen, et qui implique la fin du monopole d’exploitation actuellement prévu au profit de SNCF Mobilités. Les délais d’ouverture à la concurrence proposés pour l’Ile-de-France ne sont d’ailleurs pas totalement compatibles avec les exigences européennes.

S’agissant des transports publics et de la mobilité, le grand projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) annoncé par le Gouvernement ne devrait vraisemblablement pas être déposé au Parlement avant le mois de juillet prochain, voire, plus vraisemblablement, à compter du mois de septembre. Le texte sera préalablement soumis à l’avis du Conseil d’Etat puis adopté en Conseil des ministres, conformément à l’article 39 de la Constitution français.

De nombreuses propositions et recommandations ont d’ores et déjà éclos des Assises de la Mobilité, et des divers groupes de travail constitués à cette occasion, lors de cette vaste concertation de trois mois.

Parmi les mesures envisagées, on peut relever :

  • le développement des péages urbains (hors du seul champ de l’expérimentation), la mise en place d’une contribution kilométrique ou d’une vignette nationale pour les poids lourds ;
  • le développement des solutions de mobilités innovantes, notamment pour permettre une meilleure desserte des zones péri-urbaines et rurales, dites zones peu denses. Un appel à manifestation d’intérêt national a d’ores et déjà été lancé (French Mobility – Territoires d’expérimentation de nouvelles mobilités durables) ;
  • le renforcement du rôle des régions en matière de mobilité, en dehors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ;
  • l’idée d’une gouvernance davantage partagée pour la mise en œuvre des politiques locales de mobilité ;
  • de nombreuses mesures pour l’ouverture, la mutualisation et le partage des données de mobilité, dans une logique de conciliation entre les objectifs d’open data et celui de la régulation (protection des données personnelles) mais également pour permettre le bon développement de la « Mobilité comme un service» (Mobility as a service, dit MAAS, qui vise à faire de la mobilité un tout intégré dont l’usager doit disposer selon une logique de paiement à l’usage) ;
  • les « arrêts à la demande» pour les bus en soirée et la nuit. Une expérimentation en ce sens vient d’être lancée sur onze lignes de bus en Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis, à partir de 22 heures.

Le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a également récemment remis son rapport à la Ministre des transports, lequel traite du volet investissement et financement de la réforme des transports.

La documentation des Assises de la mobilité : https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/syntheses 

Le rapport du COI :

https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.01_synthese_rapport_conseil_d_orientation_des_infrastructures_0.pdf

Mineurs étrangers isolés : l’office du juge du référé-liberté

Dans un contexte caractérisé par l’arrivée d’un nombre important de mineurs étrangers isolés sur le territoire français – mineurs non accompagnés selon l’actuelle terminologie administrative -, ce qui a justifié d’ailleurs l’engagement d’une réflexion sur la prise en charge de ces mineurs , le Conseil d’Etat est venu utilement préciser, par deux ordonnances n° 418451 et 418454 du 13 mars 2018, l’office du juge du référé-liberté lorsqu’il est saisi de l’exécution d’une ordonnance du juge des enfants de placement d’un mineur non accompagné auprès du service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE). 

Aux cas précis, M. X et M. Y étaient tous deux arrivés à Marseille au cours de l’année 2017 après avoir quitté seuls leur pays d’origine. Le Département des Bouches-du-Rhône, confronté à un afflux important de mineurs isolés sur son territoire, avait alors pris l’initiative d’ouvrir en urgence un centre d’accueil en novembre 2017 afin de leur assurer un hébergement. MM. X et Y, comme environ 60 autres mineurs, ont ainsi été pris en charge dans ce centre dès son ouverture, le 24 novembre 2017 et avant toute décision de placement judiciaire. Ils ont par la suite été confiés, en qualité de mineurs non accompagnés, aux services de l’aide sociale à l’enfance du Département par décision du juge des enfants.

Estimant que l’autorité départementale n’avait pas exécuté ces décisions du juge des enfants, les deux mineurs ont saisi le juge du référé-liberté du Tribunal administratif de Marseille de requêtes tendant, sur le fondement de l’article L 521-2 du Code de justice administrative, à ce qu’il soit enjoint au Département d’assurer leur hébergement et leur prise en charge sous astreinte. Par deux ordonnances du 5 février 2017, le juge des référés a fait droit à ces demandes.

Saisi en appel par le Département des Bouches-du-Rhône, le Conseil d’Etat a annulé les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille et rejeté les conclusions présentées par MM. X et Y devant celui-ci.

Aux termes de deux ordonnances très motivées, le Conseil d’Etat a pris soin de statuer précisément sur les deux conditions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA) – l’urgence et l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En premier lieu,  le Conseil d’État a, compte tenu de la circonstance que les mineurs en cause avaient été placés dans un centre d’accueil dès le 24 novembre 2017 où ils faisaient l’objet d’un suivi par une équipe éducative, estimé que l’intervention du juge dans un délai de 48h n’était pas justifiée. Ce faisant, le Conseil d’Etat fait une application concrète de son arrêt du 27 juillet 2016 Département du Nord (n° 400055) selon lequel : 
 
« l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative est subordonnée au constat que la situation litigieuse permet de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires ».
 
Il en résulte qu’une prise en charge du mineur, notamment de son hébergement, par l’autorité départementale ne permet pas de caractériser l’urgence particulière exigée par les dispositions de l’article L. 521-2 du CJA justifiant que le juge statue dans le délai contraint de 48 h.
 
En second lieu, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’était pas remplie en relevant notamment que les mineurs étaient encadrés par des éducateurs, avaient passé des examens médicaux et bénéficié, à l’instar de tous les jeunes migrants primo-arrivants, des tests CASNAV (centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage).

La prise en charge d’urgence opérée par le Département, dès lors qu’elle s’accompagnait d’un suivi médical et éducatif, faisait donc obstacle à ce qu’une quelconque carence caractérisée dans son action soit constituée.

A cette occasion, le Conseil d’Etat a procédé à une application de sa jurisprudence précitée Département du Nord qui exige, pour que la condition d’atteinte grave et manifestement illégale soit remplie, qu’une carence caractérisée dans l’action menée par l’autorité départementale soit démontrée. Et il incombe au juge du référé-liberté d’apprécier, dans chaque cas, en tenant compte des moyens dont l’administration disposait ainsi que de la situation du mineur intéressé, les mesures pouvant être utilement ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA.

En l’espèce, le juge des référés a pris en compte les moyens du Département qui  faisait état de la situation particulière à laquelle il était confronté du fait de l’augmentation substantielle du nombre de mineurs non accompagnés. Il a ainsi estimé que ces

« circonstances matérielles particulières expliqu[aient] le recours au centre d’accueil temporaire».

En jugeant ainsi, le Conseil d’Etat a examiné les diligences accomplies par l’administration compte tenu des moyens dont elle disposait, conformément à sa jurisprudence.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a censuré les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille lequel s’était fondé à tort sur le droit à l’hébergement d’urgence en reprenant les termes de l’arrêt Département de l’Isère (CE, 25 août 2017, n° 413549). Dans cette affaire, le juge était saisi de la situation d’un mineur qui s’était vu opposer un refus d’accès au dispositif d’hébergement et d’évaluation du Département, dispositif distinct du placement judiciaire des mineurs décidé par le juge des enfants. Dans la mesure où le mineur ne faisait l’objet d’aucune prise en charge, le juge du référé-liberté avait constaté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’hébergement d’urgence.

Les cas d’espèce se distinguent de cette hypothèse dès lors que MM. X et Y avaient fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire du juge des enfants et étaient effectivement pris en charge par les services départementaux. La question se situait donc davantage sur l’exécution de cette ordonnance de placement dans le cadre particulier de la procédure de référé-liberté.

Pour conclure, dès lors que les services départementaux de l’ASE assurent une prise en charge du mineur, malgré son caractère temporaire dans l’attente d’une réorientation vers une maison d’enfants, le juge du référé-libertés fondamentales n’a pas vocation à intervenir faute d’urgence à 48 heures et de carence caractérisée, seule constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Denis GARREAU – Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et Margaux NGUYEN CHANH – Stagiaire . 

 

Application zélée de la jurisprudence Dahan à une faute grave

L’arrêt du Conseil d’Etat du 13 novembre 2013 Dahan (n° 347704) a renforcé l’intensité du contrôle par le Juge administratif des sanctions disciplinaires des agents, en réduisant d’autant le pouvoir d’appréciation de l’employeur.

Ce contrôle désormais dit « normal » amène le Juge à prendre en considération non seulement les faits reprochés et leur gravité mais aussi la situation de l’agent dans son ensemble (passif disciplinaire, évaluation de la manière de servir, grade etc.), la conscience qu’il peut avoir ou non des griefs qui lui sont faits, les effets de la situation sur l’employeur, comme par exemple l’ébruitement d’une affaire et ses incidences sur l’image de la collectivité.

C’est ainsi que la gravité d’une faute pour notablement être diminuée à l’aune de certains éléments et que, en la matière, le Juge administratif est parfois particulièrement zélé (Voir par exemple : CAA de Versailles, 13 mars 2014, Monsieur D. c/ Commune de Velizy-Villacoublay, req. n° 12VE03012).

Tel est le cas de la Cour administrative d’appel de Nancy qui vient de juger que la révocation par la Région Grand Est d’un adjoint technique territorial exerçant des fonctions de cuisinier dans un lycée, laquelle était fondée sur des échanges de messages à caractère sexuel avec un élève de l’établissement en classe de seconde (auquel il avait notamment proposé des relations sexuelles), était disproportionnée.

Notamment, la Cour a relevé que l’élève, âgé de plus de quinze ans, avait consenti à ces conversations puis que, lorsqu’il a souhaité y mettre un terme, l’agent ne s’y est pas opposé. La Cour a également pris en considération les excuses de l’agent et une expertise psychologique de l’intéressé selon laquelle il ne présenterait pas de danger particulier pour les enfants et adolescents. Ont également été prises en considération des attestations produites par le requérant démontrant qu’il s’investissait depuis de nombreuses années dans l’encadrement des enfants et des adolescents avec une « bonne moralité » et un « dévouement » unanimement soulignés, sans par ailleurs qu’il ne soit démontré d’atteinte à la réputation de l’établissement scolaire.

La faute reprochée « pour grave qu’elle soit » ayant enfin revêtu un caractère isolé, la Cour a annulé l’avis du Conseil de discipline de recours confirmant celle-ci.

Il s’agit là d’un deuxième point notable dans la mesure où, en principe, le recours d’un agent contre l’avis d’un conseil de discipline de recours est jugé irrecevable, en tant que l’avis, qui s’impose à la seule autorité territoriale, ne fait pas grief à l’agent (CE, 4 février 1994, Monsieur L. c/ Département de la Vendée, req n° 101003 ; CAA de Versailles, 16 juin 2016, Monsieur B. c/ Commune du Perray-en-Yvelines, req. n° 14VE03082), contrairement à la décision de sanction qui, dans cette affaire, n’a pas été contestée. Moyen susceptible d’être relevé d’office, celui-ci n’a donc visiblement pas retenu l’attention des premiers juges ni celle de la Cour.

Fonction publique – L’expérimentation de la médiation préalable obligatoire

C’était une mesure passée – presque – inaperçue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle : l’introduction d’une expérimentation de médiation préalable obligatoire aux contentieux – notamment – de la fonction publique.

Au sein de son titre II relatif à l’introduction de modes alternatifs de règlement des différends, dont la faculté de médiation devant le juge administratif ouverte par le nouveau Chapitre IV du Titre Ier du Livre Ier du code de justice administrative (articles L. 114-1 et suivants), le IV de l’article 5 de la loi prévoyait une mesure de médiation préalable obligatoire dans la fonction publique de l’éducation nationale et la fonction publique territoriale :

« V.-A titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi peuvent faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

Il aura toutefois fallu attendre le mois de mars 2018 pour que ce texte trouve application.

C’est chose faite avec le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux et, pour la fonction publique, l’arrêté des ministres de la justice et de l’éducation nationale du 1er mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique de l’éducation nationale et l’arrêté des ministres de la justice, de l’intérieur et de la cohésion des territoires du 2 mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale.

Un certain nombre de litiges entre les fonctionnaires et leurs employeurs doivent donc dorénavant à titre expérimental, dans les conditions que nous détaillerons dans cet article, obligatoirement être précédés d’une médiation, sous peine d’irrecevabilité du recours devant le tribunal administratif.

L’objectif affiché du gouvernement est de tenter de désengorger les Tribunaux administratifs de certains contentieux de fonction publique, mais également de privilégier le dialogue afin de désamorcer certaines situations laissées en suspens et qui peuvent conduire, à défaut d’une prise en main pédagogique rapide, à des contentieux plus importants.

I-             Les agents concernés

Tous les agents ne sont pas concernés.

D’une part, pour la fonction publique de l’Etat, seuls sont soumis à la médiation préalable obligatoire :

  • Les agents affectés dans les services du ministère chargé des affaires étrangères[1];
  • Les agents affectés dans les services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et établissements publics locaux d’enseignement des académies d’Aix-Marseille, Clermont-Ferrand et Montpellier[2];

D’autre part, pour les fonctionnaires territoriaux, seuls sont concernés les agents des collectivités et établissements publics territoriaux situés dans les départements suivants : Aisne, Aude, Aveyron, Bas-Rhin, Charente-Maritime, Côtes d’Armor, Drôme, Essonne, Eure, Finistère, Gard, Gironde, Guadeloupe, Guyane, Haute-Loire, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Haute-Savoie, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Isère, Landes, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Manche, Martinique, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Seine-Maritime, Seine-Saint-Denis, Tarn, Val-de-Marne, Val-d’Oise, Vendée, Vienne, Yonne, Yvelines[3].

Ne seront toutefois régis par ce dispositif que les agents territoriaux des collectivités et établissements qui auront conclu, avant le 1er septembre 2018, une convention en ce sens avec leur centre départemental de gestion, lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents[4].

Il semble que cette convention ne soit pas obligatoire : chaque collectivité et établissement public local devra donc décider, avant cette date, de souscrire ou non à l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire aux contentieux.

Passé cette date, il ne sera plus possible de souscrire au dispositif.

II-            La limitation des décisions concernées

Le décret[5] fixe une liste limitative de décisions pour lesquelles tout litige devra être précédé d’une saisine du médiateur. Il ne s’agit que des litiges relatifs aux décisions individuelles défavorables dans les domaines suivants :

  • Rémunération[6];
  • Refus de détachement, de disponibilité, de congés non rémunérés des agents contractuels[7];
  • Réintégration à l’issue du détachement, d’une disponibilité, d’un congé parental ou réemploi d’un contractuel à l’issue d’un congé non rémunéré ;
  • Classement à la suite d’un avancement de grade ou d’un changement de corps (le texte omet, probablement involontairement, les changements de cadre d’emplois : ils ne seront donc pas concernés) ;
  • Formation professionnelle ;
  • Mesures appropriées prises à l’égard des travailleurs handicapés[8]
  • Aménagement des conditions de travail des fonctionnaires inaptes ;

Sont concernées naturellement tant les décisions explicites qu’implicites. Par ailleurs, le texte ne le précisant pas, seront concernés à notre sens tant les recours en excès de pouvoir que les recours de plein contentieux.

Notons aussi que ne sont concernées que les décisions intervenues à compter du 1er avril 2018 et susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux jusqu’au 18 novembre 2020.

III-           Les modalités de la médiation

Les agents des administrations concernées, lorsqu’ils souhaiteront attaquer une des décisions susvisées, devront saisir le médiateur avant de déposer une requête devant le tribunal dans le délai de recours contentieux de deux mois.

La saisine du médiateur suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à l’issue de la procédure de médiation, et interrompt le délai de recours contentieux, un nouveau délai de deux mois repartant à l’issue de la médiation.

Toutefois, un recours hiérarchique ou gracieux effectué après la médiation n’interrompra pas à nouveau le délai contentieux (sauf si ce recours constitue lui aussi un recours préalable obligatoire, auquel cas il n’y aura pas de priorité entre les deux modalités préalables)[9]. Seul le recours hiérarchique ou contentieux exercé avant la médiation aura un tel effet[10].

Pour que le délai de recours soit opposable aux agents, l’obligation de médiation préalable dans le délai de recours contentieux devra être mentionnée dans la décision avec indication des coordonnées du médiateur compétent (complétant la mention des voies et délais de recours)[11].

Les parties peuvent décider, d’un commun accord, de suspendre les effets de la décision litigieuse pendant la durée de la médiation[12]. A défaut, et par principe donc, il n’y aura pas de suspension. Mais compte tenu de la brièveté des délais de recours, il y aura tout intérêt à la solliciter.

C’est à l’agent qu’il appartient de saisir le médiateur par le biais d’une lettre de saisine avec copie de la décision contestée ou de la demande initiale s’il s’agit d’une décision implicite de rejet[13].

La médiation est gratuite pour les deux parties[14].

Elle est soumise, sauf accord contraire des parties, à un strict principe de confidentialité : les échanges ayant eu lieu lors de la médiation et les constatations du médiateur ne pourront pas être divulgués aux tiers ni être réutilisés devant une quelconque instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord commun des parties[15].

Notons que le Code de justice administrative impose au médiateur une obligation d’impartialité, de compétence et de diligence[16]. Si l’inscription de ces principes est récente et ne permet pas encore d’en dégager les conséquences, notamment par le biais de jurisprudences, elle laisse à penser qu’il incombera aux médiateurs d’avoir reçu une formation spécifique et qu’il conviendra, pour les administrations d’Etat concernées et les centres départementaux de gestion de s’assurer de ce que les conditions de recrutement et d’emploi des médiateurs coïncident avec ces exigences.

IV-          L’issue de la médiation

Le médiateur n’a aucun pouvoir de décision. Ce sont donc les parties, seules, qui peuvent donner une suite ou non à la médiation.

La médiation étant un processus de tentative d’explication et d’accord, et le médiateur n’étant présent que pour tenter de permettre aux parties de discuter et d’échanger sur les difficultés rencontrées autour de la décision et de trouver un potentiel accord, il peut être mis fin à la médiation à tout moment :

  • Par le médiateur ;
  • Par l’une ou l’autre des parties, ensemble ou séparément[17].

Mais dans cette hypothèse, la déclaration de fin de médiation doit être non équivoque et permettre, par tout moyen, d’en assurer la connaissance par toutes les parties.

L’administration peut procéder au retrait de sa décision. Les parties peuvent également rédiger un accord, lequel pourra faire l’objet d’une homologation par le juge administratif pour lui donner force exécutoire, à la demande d’une ou des deux parties[18].

Le Code de justice administrative rappelle à cet égard que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition » : l’administration, pas plus que son agent, ne peuvent s’engager à des concessions qu’elles ne peuvent assurer.

On soulignera également que les décisions issues de la médiation devront évidemment répondre à l’impératif de légalité, aussi bien sur le fond que dans le processus conduisant à leur adoption.

On aurait pu légitimement s’interroger quant à la possibilité pour le représentant de l’administration d’engager financièrement la collectivité territoriale ou l’établissement public local dans le cadre d’un accord de médiation, sans autorisation du conseil municipal.

Dans cette hypothèse, il nous semble que l’accord auxquelles les parties peuvent aboutir à l’issue d’une médiation n’est autre qu’une transaction au sens de l’article L.2044 du code civil, qui énonce que « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

Le Code de justice administrative ne semble pas avoir créé de nouvel accord spécifique qui dérogerait au régime de la transaction. Au contraire, le dispositif de médiation convie, à notre sens, les administrations à envisager la transaction comme mode alternatif de règlement des litiges.

Or, pour la fonction publique territoriale une transaction, lorsqu’elle comporte un engagement financier, doit nécessairement être validée préalablement par l’organe délibérant, qui seul peut autoriser l’exécutif à la signer[19]. Dans cette hypothèse, « lorsqu’il entend autoriser le maire à conclure une transaction, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin » (CE, 11 septembre 2006, Commune de Théoule-sur-Mer, n° 255273)

C’est la procédure que devra suivre à notre sens l’accord de médiation s’il comporte des engagements financiers, lequel devra ainsi également être soumis au contrôle de légalité.

Si cette procédure semble nuire à la confidentialité de l’accord de médiation, elle a été entièrement envisagée par le Code de justice administrative qui rappelle qu’il est fait exception à cette confidentialité « lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre. »[20]

Dans cette hypothèse, l’homologation de l’accord de médiation par le juge administratif recouvre donc à notre sens un intérêt limité.

En conclusion, le processus de médiation préalable obligatoire en matière de fonction publique a pour vocation d’amener les administrations et leurs agents à échanger sur les litiges à naître, permettant soit à l’agent de revoir l’éventualité d’un contentieux, soit à l’administration d’envisager, lorsque la situation s’y prête, de retirer la décision litigieuse ou de transiger.

Des interrogations restent en suspend sur les médiateurs qui seront nommés dans les administrations centrales et déconcentrées et dans les centres départementaux de gestion : quelle personne interviendra ? Quel sera son parcours ? Sa formation ? Quel sera le degré d’indépendance exigé par rapport aux administrations sujettes à la médiation ? (cumul d’activités, carrière de l’agent médiateur…)

Dans cette hypothèse également, nous ne pouvons que conseiller aux administrations locales de prendre attache avec les centres de gestion afin de définir avec eux les modalités de cette médiation : les centres de gestion de chaque département concerné se sont portés volontaires pour gérer le dispositif et ont déjà, nécessairement, engagé des démarches pour organiser au mieux son déroulement.

Il conviendra aussi de prendre un soin particulier à la rédaction des conventions de mise en place du dispositif.

Naturellement, il semble nécessaire, lorsque le dispositif entrera en vigueur ou, s’il est déjà entré en vigueur, d’informer les agents, par une note interne, de ces nouvelles règles, lesquelles n’ont vocation qu’à faciliter le dialogue avec l’administration.

Il est très probable qu’à l’issue du dispositif expérimental, la médiation préalable soit étendue aux autres administrations et à un nombre plus grand de décisions, ce pourquoi souscrire au dispositif peut être une anticipation intéressante d’une évolution juridique à moyen terme.

Notons naturellement que, si le texte n’en prévoit pas expressément la possibilité, les parties peuvent naturellement se faire accompagner lors de la médiation par leurs conseils habituels afin de sécuriser l’intégralité du processus.

Emilien BATÔT – Avocat Sénior référent 

 

[1] Art. 1, II 1° du décret n° 2018-101.

[2] Liste dressée par l’arrêté du 1er mars 2018 (NOR JUSC1724093A), en application du 2° du II de l’art. 1 du décret n° 2018-101.

[3] Liste dressée par l’arrêté du 2 mars 2018 (NOR JUSC1802894A), en application du 3° du II de l’art. 1 du décret n° 2018-101.

[4] Art. 1er, II, 3° du décret n° 2018-101.

[5] Art. 1, I.

[6] Le texte indique « un des éléments de rémunération mentionnés au premier alinéa de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée »

[7] Il s’agit des congés suivants :

  • Congé pour élever un enfant de moins de huit ans, sonner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire de PACS, à un ascendant à la suite d’un accident ou d’une maladie grave ou atteint d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne pour suivre son conjoint ou partenaire de PACS ;
  • Congé pour convenances personnelles ;
  • Congé pour création d’entreprise ;
  • Congé de mobilité.

[8] Art. 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

[9] Art. 4 du décret n° 2018-101 et art. R. 213-4 du cCde de justice administrative.

[10] Sur le fondement de l’art. L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration, lequel précise que ce recours doit être effectué dans le délai de recours « initial » et qu’il crée un nouveau délai de recours à son issue.

[11] Art. 3 al. 2 du décret n° 2018-101.

[12] Art. 5 du décret n° 2018-101.

[13] Art. 3 al. 3 du décret n° 2018-101.

[14] Art. L. 213-5 du Code de justice administrative.

[15] Art. L. 213-2 du Code de justice administrative.

[16] Art. L. 213-2 du Code de justice administrative.

[17] Art. 4 al. 1er du décret n° 2018-101.

[18] Art. L. 213-4 du Code de justice administrative.

[19] Art. L. 122-19 du Code des communes.

[20] Art. L. 213-2 al. 5 du Code de justice administrative.

Condamnation pénale d’un maire pour avoir fait échec a l’exécution de la loi en matière de police judiciaire

Par arrêt en date du 21 mars 2018, la Cour a confirmé la condamnation d’un Maire du chef de trois délits distincts:
Immixtion dans l’exercice d’une fonction publique, délit prévu et réprimé par l’article L.433-12 du Code pénal ; 
Détournement ou destruction de biens publics, délit prévu et réprimé par l’article 432-15 du Code pénal ;
Prise de mesure destinée à faire échec à l’exécution de la loi par une personne dépositaire de l’autorité publique, délit prévu et réprimé par l’article 432-1 du Code pénal.

En l’espèce, le Maire d’une grande ville avait ordonné à ses policiers municipaux de ne pas constater certaines contraventions, qu’ils étaient pourtant tenus de relever dans le cadre de leur mission d’agents de police judiciaire adjoints (mission prévue par les articles L. 511-1 du Code de sécurité intérieure et 21 du Code de procédure pénale).

Au soutien de sa décision, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait suffisamment caractérisé les trois délits précités, sans méconnaître le principe non bis in idem selon lequel nul ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites pénales pour les mêmes faits.

D’abord, les juges ont retenu la culpabilité pour immixtion dans la mesure où le Maire décidait de transmettre ou non certains procès-verbaux de contraventions au Procureur de la République, s’immisçant ainsi dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites, conféré à lui seul par l’article 40-1 du Code de procédure pénale.

Ensuite, les juges ont retenu la culpabilité du prévenu pour le délit de détournement de biens publics, résultant, selon eux, du détournement « de plusieurs milliers de procès-verbaux, qui découle de l’infraction d’immixtion » et de « l’effacement de la saisie des contraventions dans le logiciel destiné à établir l’état des amendes forfaitaires majorées constituant la soustraction d’un titre effet ou pièce représentatif d’une recette publique et donc de fonds publics à recouvrer ».

A cet égard, il est à noter que la Cour n’a pas relevé de violation du principe non bis in idem du fait de la condamnation du prévenu du chef des deux délits précités. En effet, ces deux infractions reposent sur des faits que la Cour a jugé distincts : celui de transmettre ou non certains procès-verbaux de contraventions à la place du Procureur de la République d’une part, et celui d’annuler les références des contraventions constatées d’autre part.

Enfin, les juges ont considéré que les agissements reprochés avait fait échec à l’application des articles L. 511-1 du Code de sécurité intérieure et 21 du Code de procédure pénale, imposant aux policiers municipaux, en leur qualité d’agents de police judiciaire adjoints, « de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance ».

En définitive, cette décision a le mérite de rappeler que les policiers municipaux placés sous l’autorité du Maire, lui-même officier de policier judicaire n’ayant pas l’opportunité des poursuites judiciaires, ont également la qualité d’agents de police judiciaire adjoints, dont les attributions doivent être exercées « sous la seule autorité du Procureur de la République ».

L’extension de la dérogation aux seuils des petites extensions de capacité des ESSMS

Un décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017, relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au directeur général de l’agence régionale de santé, vient d’autoriser quatre Directeurs généraux d’Autorités régionales de santé, à déroger au seuil des petites extensions de capacité des établissements ou services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), à compter du 1er janvier 2018 et pour une durée de deux ans.

L’article L. 313-1-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit en effet que les projets de création, de transformation et d’extension des ESSMS sont soumis à autorisation préalable. Dès lors que ces projets mobilisent des financements publics, l’autorité compétente doit, en outre, saisir pour avis une commission de sélection d’appel à projet social ou médico-social, associant notamment des représentants des usagers. 

L’article D. 313-2 du CASF prévoit les conditions dans lesquelles cette est commission saisie, et notamment son caractère facultatif en deçà de certains seuils.  Aussi, sa saisine est facultative pour tout projet d’extension d’un ESSMS inférieur à 30% de sa capacité d’accueil initiale. Elle est également facultative s’agissant des projets d’extension d’établissements d’une capacité d’accueil initiale inférieure à 10 places et dont le projet la porterait à 14 places maximum.

Le décret du 29 décembre 2017 prévoit donc la possibilité, pour les Directeur généraux des ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur, de déroger aux seuils prévus par l’article D. 313-2 du CASF, sous deux conditions : la dérogation est justifiée par un motif d’intérêt général ; elle tient compte des circonstances locales.

Le présent décret permet également de déroger aux dispositions du 4° de l’article R. 313-4-1 du CASF, qui encadre strictement les délais de réponse des candidats aux avis d’appels à projets d’extension des ESSMS.

Il est à noter que ces dérogations ne sont pas prévues par le CASF. Le Premier ministre s’est fondé sur son droit général à l’expérimentation découlant de l’article 37-1 de la Constitution pour déroger aux dispositions réglementaires précitées. Cette pratique, relativement rare dans le domaine médico-social, reste encadrée par le Conseil constitutionnel, selon lequel l’article 37-1 de la Constitution permet « d’autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi ; que, toutefois, le législateur doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle » (décision n° 2004-503 DC du 12 aout 2004).

Le décret a fait l’objet d’une instruction ministérielle du Ministère des solidarités et de la santé n°SG/2018/66 du 16 février 2018, qui vise à la mise en œuvre de chacune des mesures de dérogation autorisée et qui en précise les modalités de suivi et d’évaluation.   

Validation partielle par le Conseil d’Etat des tarifs plafonds des ESAT pour l’année 2015

Par une décision n° 394811 du 28 juillet 2017, le Conseil d’Etat a très partiellement censuré l’arrêté du ministre des finances et des comptes publics et du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes du 18 mai 2015 fixant les tarifs plafond des dotations régionales limitatives destinées au financement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT).
L’article L. 314-4 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que le montant total des dépenses prises en compte pour le calcul de dotation globale de fonctionnement des ESAT est constitué en dotations régionales limitatives, dont le montant est fixé par arrêté ministériel. Comme chaque année depuis 2009, les ministres concernés arrêtaient ces montants, le 18 mai 2015 en l’occurrence. Ils fixaient ainsi les tarifs plafonds applicables aux ESAT en disposant qu’ils sont opposables à l’ensemble d’entre eux, exception faite de ceux qui avaient conclu un Contrat Pluriannuel d’Objectifs de Moyens avant le 21 mai 2014 et encore en cours de validité pour l’année 2015.
Saisi d’un recours contre l’arrêté ministériel par des fédérations d’établissements et d’usagers, le Conseil d’Etat a censuré les dispositions imposant aux CPOM signés à compter de la parution de l’arrêté de comporter un volet financier prévoyant les modalités de fixation annuelle de tarification conformes aux règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne d’une décision du 7 avril 2016 par laquelle le Conseil d’Etat avait censuré des dispositions similaires d’un arrêté du 30 avril 2014 au motif qu’elles méconnaissaient les dispositions de l’article R. 314-40 dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017. Ce dernier prévoyait, dans sa rédaction d’alors, des modalités de financement excluant l’application de tout plafond de financement, privant ainsi de base légale l’arrêté contesté qui disposait que « les modalités de fixation annuelle de la tarification [doivent être] conformes aux règles permettant de ramener les tarifs pratiques au niveau des tarifs plafonds ».

Détermination du délai applicable pour l’instruction d’une demande de permis de construire portant sur la transformation partielle d’un hangar agricole en logement

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt en date du 26 mars 2018, par lequel il précise le champ d’application du délai de trois mois (durée maximale), applicable à l’instruction des demandes de permis de construire portant sur des projets autres que des maisons individuelles.
Rappelons qu’en application de l’article R. 423-23 du Code de l’urbanisme :
« Le délai d’instruction de droit commun est de :
(…) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation, ou ses annexes ;
c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager ».
En l’espèce, un particulier s’était vu refuser l’octroi d’un permis de construire aux fins de régularisation de travaux de transformation d’une partie d’un hangar agricole en logement (pour une surface de plancher de 138,46 m² dans un hangar d’une surface totale de 534,05 m²).
Sollicitant l’annulation de la décision de refus de permis, le demandeur du permis se prévalait de l’octroi d’une décision de permis de construire tacite, en arguant de l’application du délai d’instruction de deux mois prévu par le b° de l’article R. 423-23 du Code de l’urbanisme.
Le Tribunal administratif de Marseille, puis la Cour administrative d’appel de Marseille ont rejeté son recours, considérant que le délai de trois mois prévu par le c° de l’article R. 423-23 du Code de l’urbanisme s’appliquait.
Le Conseil d’Etat en a fait de même en retenant que « relèvent seules du b de cet article R. 423-23 les demandes portant sur un immeuble dont les surfaces sont exclusivement ou principalement affectées à un usage d’habitation et qui, selon les termes de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation, ne comporte « pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage ».
En l’occurrence, le bâtiment en question gardait une vocation agricole prédominante, de sorte que le délai de trois mois s’appliquait pour l’instruction de la demande de permis de construire.

Un règlement de PLU ne peut fixer des règles trop précises sur la répartition de logements dans les projets d’habitat collectif

Par un arrêt en date du 30 mars 2018 mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat apporte des précisions intéressantes quant au contenu du règlement d’un plan local d’urbanisme (ci-après « PLU »), concernant la répartition des logements dans les programmes de logements collectifs.

Il convient de rappeler que l’article L. 151-14 du Code de l’urbanisme (ancien article L. 123-1-5 II 3°) prévoit que « le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d’une taille minimale qu’il fixe ».

Au cas particulier, une société s’était vu refuser l’octroi d’un permis de construire portant sur un projet de 13 logements par le maire des Sables-d’Olonne au motif qu’il méconnaissait l’article UB 2.3 du règlement du PLU, qui impose une répartition très précise des logements dans les programmes de logements collectifs, en l’occurrence l’obligation de consacrer au moins 80 % de la surface de plancher totale à l’aménagement de T3 ou de logements de taille plus importante.

Le refus de permis avait été annulé par le Tribunal administratif qui avait considéré que les rédacteurs du PLU étaient allés au-delà de ce que permettait l’article L. 123-1-5 II 3° du Code de l’urbanisme, alors applicable.

La commune des Sables-d’Olonne avait interjeté appel, tout en demandant le sursis à exécution du jugement rendu en première instance, en vain.

Sur pourvoi de la Commune, la Haute juridiction administrative a censuré l’arrêt de la cour d’appel pour insuffisance de motivation, tout en rejetant la demande de sursis à exécution du jugement rendu en première instance, approuvant ainsi les premiers juges d’avoir considéré que le règlement du PLU excédait ce que permet le législateur :

« Considérant que si, en application de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 25 mars 2009 dont elles sont issues, le plan local d’urbanisme peut imposer, dans les secteurs des zones urbaines ou à urbaniser qu’il définit, que les programmes immobiliers comportent, afin d’assurer une meilleure prise en compte des besoins des familles, une proportion de logements d’une taille minimale, définie en fonction du nombre de pièces dont ils se composent, proportion qui peut être exprimée sous la forme d’un pourcentage de la surface totale des logements, il ne saurait, en revanche imposer sur ce fondement aux constructeurs une répartition détaillée des logements selon leur taille, notamment en imposant plusieurs types de logements et en fixant des proportions minimales à respecter pour plusieurs types ».

Cet arrêt vient ainsi rappeler aux rédacteurs de PLU qu’il est nécessaire de garder une certaine mesure dans la fixation des obligations qu’ils entendent imposer aux constructeurs.

Le contrôle du juge administratif de l’exception d’ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public

Le devoir d’obéissance hiérarchique des fonctionnaires prévu par les dispositions de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires n’est pas absolu, puisqu’il prévoit que cette obligation peut être écartée dans l’hypothèse « où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ».

Par un arrêt en date du 15 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles a eu à faire application de ce principe à l’occasion de l’examen d’un recours dirigé contre deux sanctions disciplinaires du premier groupe.

Le requérant avait fait l’objet d’un avertissement puis d’une exclusion temporaire de fonctions prononcée un mois après, pour avoir refusé à deux reprises de se soumettre à un système d’horodatage des horaires par biométrie pendant un mois.

Quant à la question de savoir si l’obligation de procéder à cet enregistrement biométrique était constitutif d’un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public, la Cour s’est livrée à une analyse très complète des dispositions applicables. En l’espèce, la Cour relève qu’une délibération du 27 avril 2006 de la CNIL prévoyait un régime d’autorisation s’agissant de la gestion des horaires et des contrôles d’accès aux locaux par un dispositif biométrique.

Bien que la commune n’ait pas respecté l’obligation de procéder à une information individuelle préalable des personnels concernés par ce dispositif, telle qu’elle lui avait été rappelée à deux reprises par la CNIL, la Cour a relevé que cette méconnaissance ne rendait pas inopposable la décision instaurant ce système biométrique aux personnels concernés.

Par ailleurs, la Cour relève que si la CNIL, par une délibération du 20 septembre 2012 a estimé que l’usage de la biométrie pour contrôler les horaires des agents municipaux est disproportionnée à l’objectif recherché, la circonstance qu’elle ait donné un délai de cinq ans aux organismes publics et privés concernés pour mettre en conformité leurs dispositifs de contrôle empêchait de regarder l’atteinte à la vie privée induite par ces systèmes de contrôle biométrique comme un motif légitime de s’opposer au traitement des données personnelles.

Enfin, la Cour observe que le requérant s’est borné à se prévaloir de considérations générales tendant à remettre en cause la mise en œuvre d’un système de contrôle biométrique du temps de présence des agents, sans apporter d’éléments précis relatifs à sa situation particulière.

En définitive, la Cour considère que l’ordre donné au requérant n’était ni manifestement illégal, et n’était pas de nature à compromettre gravement un intérêt public.

En conséquence, elle considère que les deux sanctions attaquées, et notamment l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux jours motivée par la persistance du comportement fautif du requérant n’étaient pas disproportionnées.

Les partenariats public-privé : des outils insuffisants et des avantages limités selon la Cour des comptes européenne

La Cour des comptes européenne (ci-après, la « CCE ») a publié le 20 mars 2018 un rapport intitulé « Les partenariats public-privé dans l’UE : de multiples insuffisances et des avantages limités », mettant en garde les Etats membres sur les insuffisances liées au recours aux partenariats public-privé (ci-après, les « PPP »).

Dans le cadre de ce rapport, la CCE dresse un bilan de l’audit de 12 PPP (sur les 84 PPP cofinancés en UE entre les mêmes années) cofinancés par l’UE entre les années 2000 et 2014 dans le domaine des technologies de la communication et dont le coût total s’élevait à 9,6 milliards d’euros.

A l’occasion de ce rapport, la CCE a dégagé de nombreuses problématiques relatives à l’usage des PPP sur le plan de la concurrence, de l’efficience, des coûts engendrés et de l’insuffisante maîtrise de cet outil contractuel par les pouvoirs adjudicateurs de plusieurs Etats membres.

En premier lieu, la CCE a relevé que ces partenariats, qui permettent de confier la réalisation de grandes infrastructures à un partenaire unique, accroissent le risque de concurrence insuffisante et fragilisent par là même le pouvoir de négociation des pouvoirs adjudicateurs.

En deuxième lieu, la CCE a souligné l’inefficience des PPP et les risques de dérapage des coûts. Elle a ainsi constaté d’importantes carences, notamment dans la phase de construction, puisque les projets dans leur majorité ont accusé des retards allant jusqu’à cinquante-deux mois ainsi qu’une augmentation de leurs coûts. Le rapport souligne effectivement que des « fonds publics supplémentaires d’un montant de près de 1,5 milliards d’euros ont été nécessaires à l’achèvement de cinq autoroutes auditées en Grèce et en Espagne ».

En troisième lieu, les auditeurs ont constaté une maîtrise insuffisante de cet outil contractuel par les pouvoirs adjudicateurs. Le rapport affirme ainsi que les analyses préalables sont fréquemment fondées sur des scénarios trop optimistes et que la répartition des risques entre les partenaires publics et privés est « souvent inappropriée, incohérente et inefficace ». Enfin, la CCE a indiqué que « les taux de rémunération élevée (jusqu’à 14%) du capital-risque du partenaire privé ne reflétaient pas toujours les faibles risques supportés par celui-ci ».

Au regard de ce qui précède, la CCE conclut que seul un faible nombre d’Etats membres disposent actuellement des cadres institutionnels et juridiques appropriés assortis des capacités administratives pour assurer une mise en œuvre réussie des PPP.

Partant de ce constat, les auditeurs préconisent les recommandations suivantes à l’intention de la Commission européenne et des Etats membres quant à la bonne utilisation des PPP :

–          Ne pas promouvoir un recours accru et généralisé aux PPP tant que les problèmes relevés n’auront pas été résolus (on notera que la France a d’ores et déjà opté pour cette solution en rendant le recours aux PPP plus strict dans le cadre de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret d’application) ;

–          Atténuer l’impact financier des retards et de la renégociation de la part des coûts des PPP supportée par le partenaire public ;

–          Fonder le choix du PPP sur des analyses comparatives solides de la meilleure option en matière de marchés publics ;

–          Veiller à disposer de la capacité administrative nécessaire et définir des politiques et stratégies claires dans le domaine des PPP afin de réussir la mise en œuvre des PPP soutenues par l’UE ;

–          Améliorer le cadre de l’UE afin d’augmenter l’efficacité des projets en PPP, afin que le choix de cette option soit justifié par des considérations en matière d’optimisation des ressources.

Communications électroniques : Taxe sur la valeur ajoutée et majoration de relance en cas d’impayé

Dans le cadre de son activité de commercialisation d’abonnements aux services d’accès au téléphone fixe et mobile, à internet et à la télévision numérique, Orange prévoit, au titre des conditions générales d’abonnement de sa gamme « Livebox 1 haut débit », une majoration de relance qualifiée de « pénalité », s’élevant à 9,48 euros et distincte du montant correspondant à la majoration pour retard de paiement, appliquée à l’encontre des clients ne s’étant pas acquittés du paiement de leur abonnement après avoir fait l’objet d’une lettre de relance pour impayé.

L’administration fiscale considérait que cette majoration de relance devait s’analyser comme la contrepartie d’un service rendu par Orange, à savoir l’abonnement à la gamme « Livebox 1 haut débit », dès lors qu’Orange maintenait les services de cette gamme aux clients en cause et ne résiliait pas l’abonnement nonobstant les retards de paiement. En d’autres termes, la majoration de relance demeurait, selon l’administration fiscale, la contrepartie directe du service rendue par Orange et devait en conséquence être imposée à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après, « TVA »).

Le Tribunal administratif de Montreuil n’a pas suivi cette argumentation et a jugé que cette majoration de relance avait pour « objet de réparer le préjudice né de l’absence de paiement jusqu’à la dernière lettre de relance de la société Orange, lequel ne se réduit pas au retard d’encaissement des sommes dues, ainsi que de pénaliser les clients n’ayant pas payé leur facture ». Le Tribunal a donc conclu que cette « pénalité » ne constituait pas la contrepartie directe d’une prestation de service assujettie à la TVA. Le tribunal a donc jugé que la société Orange était bien fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relative à l’application, par l’administration fiscale, de la TVA aux majorations de relance.

Le Conseil d’Etat confirme que la possibilité donnée à l’acheteur d’autoriser les soumissionnaires à régulariser leurs offres n’est qu’une faculté et non une obligation

Par une décision en date du 21 mars 2018, le Conseil d’Etat fait application de l’article 59-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et confirme que la possibilité offerte aux acheteurs d’autoriser la régularisation des offres irrégulières est une simple faculté et non une obligation.

Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet l’exécution de travaux d’entretien, de rénovation, de réparation et d’amélioration des bâtiments de son patrimoine immobilier, le département des Bouches-du-Rhône a rejeté comme irrégulière l’offre que la société coopérative de peinture et d’aménagement (SCPA) avait présenté pour un des lots. Par une ordonnance du 8 novembre 2017, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a annulé la procédure de passation au stade de l’analyse des offres.

Saisi d’un pourvoi en cassation par le département des Bouches-du-Rhône, le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’aux termes de l’article 59-II du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : « I. L’acheteur vérifie que les offres (…) sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète (…) / II. Dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses (…) / IV. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (…) ».

Elle déduit de ces dispositions, et c’est là tout l’intérêt de la décision, que « si, dans les procédures d’appel d’offres, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l’offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu’elle n’est pas anormalement basse et que la régularisation n’a pas pour effet d’en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s’agit toutefois que d’une faculté, non d’une obligation ».

Elle conclut que le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le département des Bouches-du-Rhône ne pouvait éliminer l’offre de la société SCPA sans l’inviter au préalable à la régulariser et annule son ordonnance.

 

 

 

Clause Molière : la Cour administrative d’appel de Paris suspend l’exécution d’un marché public de services contenant une clause intitulée  » Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations « 

Par un arrêt en date du 13 mars 2018, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a annulé l’ordonnance n° 1715915/9 du juge des référés du tribunal administratif (TA) de Paris du 15 novembre 2017.

Par une délibération du 22 juin 2016, le conseil d’administration du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a décidé de créer une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) pour l’exploitation de l’usine d’épuration de Seine-Amont et de lancer une procédure d’appel d’offres pour sélectionner l’actionnaire opérateur économique de cette société. Le marché a été attribué, par délibération du 6 juillet 2017, à la société Véolia Eau – Compagnie générale des eaux pour un montant de 397.253.586 euros HT sur une période de douze ans. Le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, a saisi le TA de Paris d’un déféré tendant à l’annulation de ce contrat, ainsi que le juge des référés de ce tribunal d’une demande tendant à sa suspension. La société Suez Services France, candidate évincée, a également fait une demande d’intervention à l’appui de cette requête.

Par une ordonnance du 15 novembre 2017, le juge des référés a rejeté l’intervention de la société Suez Services France et suspendu l’exécution du contrat à compter du 1er décembre 2017 si à cette date la signature n’avait pas été régularisée par la SEMOP. Il a par ailleurs estimé qu’aucun des autres vices invoqués par le préfet n’apparaissait de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute quant à la validité du contrat objet du litige en question.

Saisie par le préfet et la société Suez Services France, la CAA de Paris, par cet arrêt du 13 mars 2018, annule cette ordonnance.

Outre le fait qu’elle admet l’intervention de la société Suez Services France, la Cour considère, contrairement au juge des référés du TA de Paris, que le moyen tiré de la contrariété des dispositions de l’article 8.5 du règlement de la consultation, intitulé « Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations », selon lesquelles « La langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement », avec les libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, était de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité du contrat.

En outre, la Cour juge que la suspension de l’exécution de ce contrat ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à l’intérêt général compte tenu des possibilités de prolongation de l’actuel contrat qui, selon elle, n’ont pas été « sérieusement contestées », ceci quand bien même la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux avait appelé à tenir compte d’une première prolongation de 10 mois.

S’inscrivant dans la jurisprudence récente sur les clauses dites « Molière » (v. nos brèves sur CE, 4 décembre 2017, Ministre de l’Intérieur c/ Région Pays de la Loire, req. n° 413366 ; TA, 13 décembre 2017, Préfet de Région Auvergne-Rhône-Alpes, req. n° 1707697), cette affaire se distingue en ce que les dispositions visant à imposer l’usage exclusif du français portent ici sur un marché public de services et non de travaux.

Extension de la garantie décennale au fournisseur de béton agissant comme un maître d’œuvre

En vue de l’édification d’un bâtiment industriel, un maître d’ouvrage avait commandé un certain type de béton auprès d’un fournisseur pour la réalisation d’une dalle.

Se plaignant de désordres, le maître d’ouvrage assignait le fournisseur en réparation, ce dernier appelant en garantie l’entreprise chargée de la pose.

La Cour d’appel retenait la responsabilité décennale du fournisseur en relevant « que la société Lafarge, dont le préposé, présent sur les lieux lors du coulage des deux premières trames, avait donné au poseur des instructions techniques précises, notamment quant à l’inutilité de joints de fractionnement complémentaires, auxquelles le maçon, qui ne connaissait pas les caractéristiques du matériau sophistiqué fourni, s’était conformé, avait ainsi participé activement à la construction dont elle avait assumé la maîtrise d’œuvre ».

Le fournisseur formait un pourvoi en cassation en soutenant, d’une part, que le contrat le liant au maître d’ouvrage est un contrat de vente et non de louage d’ouvrage, condition nécessaire pour engager sa responsabilité décennale. D’autre part, l’obligation de conseil du vendeur imposant de donner des prescriptions techniques pour la pose du produit ne pouvait être assimilée à un rôle de maître d’œuvre. Enfin, le fournisseur considère que le béton litigieux ne peut entrer dans la situation de l’article 1792-4 du Code civil alinéa 1er prévoyant la qualification d’élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire (EPERS).

La Cour de cassation rejette ces trois branches du moyen soulevé en se ralliant au raisonnement des juges du fond qui ont pu en déduire « que la société Lafarge n’était pas seulement intervenue comme fournisseur du matériau, mais en qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil (…) »

L’appel en garantie de l’entreprise chargée de la pose est également rejeté, la faute reposant uniquement sur les instructions précises du fournisseur.

On observait déjà une tendance générale de la Cour de cassation à étendre le champ matériel  de la garantie décennale (cf. jurisprudence relative à l’application de la garantie décennale à des éléments d’équipements dissociables sur existants : Cass., 3ème civ., 15 juin 2017, n° 16-19640 ; Cass., 3ème civ., 14 septembre 2017, n° 16-17.323 ; Cass. 3ème civ., 26 octobre 2017, n° 16-18.120).

La Cour de cassation semble donc également poursuivre cette application de la responsabilité décennale jusqu’aux fournisseurs de produits dans le cadre d’une opération de construction, cette tendance étant particulièrement sévère pour les fournisseurs concernés qui se voient contraints de souscrire une assurance décennale pour leurs produits dans des conditions qui restent à préciser par le juge civil.

 

Les éléments d’appréciation d’un sous-critère n’ont pas à être communiqués par le pouvoir adjudicateur lorsque ceux-ci n’influencent pas la présentation des offres

Cette affaire a donné l’occasion au Conseil d’Etat de rappeler les modalités de communication des éléments d’appréciation des sous-critères d’attribution d’un marché.

En l’espèce, à la suite d’un appel d’offres pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande portant sur la création et la maintenance d’un système de gestion des bibliothèques numériques, le Ministère de la défense a attribué ledit marché à la Société AUSY. Par une ordonnance contre laquelle le Ministère de la défense se pourvoit en cassation, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation à la demande de la Société ARCHIMED dont l’offre avait été rejetée.

Pour annuler la procédure de passation du marché, le juge des référés retenait que : « les candidats n’avaient pas été informés par les documents de la consultation que l’un des sous-critères d’appréciation du critère technique serait apprécié à partir d’éléments devant eux-mêmes être regardés comme des critères d’attribution du marché ».

Dans cette espèce, le chapitre VI du règlement de la consultation, prévoyait deux critères : l’un financier l’autre technique, pour une valeur pondérée respectivement à hauteur de 30% et 70%.

Le critère technique se divisait en cinq sous-critères, parmi lesquels un sous-critères dit SC2 – libellé « Présentation de la solution » –  représentait la note de 30 points sur 100.

Le litige s’est ainsi cristallisé sur les modalités d’appréciation du sous-critère SC2, puisque deux éléments d’appréciation (« présentation de la solution hors robustesses » ; « présentation de la solution – partie robustesse ») pondérés à l’identique, n’avaient pas été portés à la connaissance des soumissionnaires.

Censurant l’ordonnance rendue par le juge des référés, Le Conseil d’Etat a considéré que celui-ci avait commis une erreur de qualification juridique « en estimant qu’il s’agissait de critères qui aurait dû être communiqués aux candidats, alors que ces mentions constituaient seulement des éléments d’appréciation, définis par le pouvoir adjudicateur pour préciser ses attentes au regard de chaque critère, lesquels n’étaient pas susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres, la pondération identique de ces deux éléments manifestant l’intention du pouvoir adjudicateur de ne pas accorder à l’un d’entre eux une importance particulière ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat entend rappeler le principe selon lequel, le pouvoir adjudicateur est tenu d’informer les candidats d’un sous-critère si et seulement si, celui-ci est susceptible d’exercer une influence sur la présentation des offres. Dans la présente affaire, l’identique pondération des éléments d’appréciation du sous-critère SC2, matérialisait l’absence d’influence sur la présentation des offres.

En définitive, « une méthode de notation traduit l’existence d’un critère ou sous-critère lorsqu’elle a pour effet de donner à certaines caractéristiques des offres qui n’ont pas été identifiées au nombre des critères ou sous-critères annoncés une importance particulière dans leur évaluation[1] ». En l’espèce au vu de leur importance marginale, les éléments attachés au sous-critère SC2 revêtaient le caractère de simples éléments d’appréciation et non celui de critères d’attribution. Par conséquent, le Ministère de la Défense était fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.

[1] CE, 6 avril 2016, Commune de la Bohalle, req. n° 388123 : Conclusions du rapporteur Gilles Pellissier

Impacts sur la gestion des données personnelles des salariés par les employeurs du Règlement européen sur la protection des données personnelles

Le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel (RGPD) entrera en application le 25 mai prochain.
Directement applicable sans nécessiter de transposition comme tout Règlement de l’UE, le RGPD conduira à la modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (loi « informatique et libertés ») par le biais d’un projet de loi en cours d’examen par le Parlement.
Pour les employeurs, le RGPD maintient les obligations tenant :
– à la licéité du traitement qui doit sous réserve de certaines dérogations prévues par les textes, soit reposer sur le consentement, soit être nécessaire à l’exécution d’un contrat, ou au respect d’une obligation légale, ou à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique, ou à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique ou aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers ;
– au respect de la ou des finalités préalablement déterminées pour lesquelles les données sont recueillies ;
– à la limitation de la durée de conservation des données qui ne doit pas excéder celle qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées et doit être en tout état de cause, « limitée au strict minimum » ;
– à la mise en place de procédures visant à garantir l’effectivité des droits d’accès, d’opposition et de rectification dont bénéficient le salarié ou toute personne concernée par le traitement des données.
En outre, le RGPD vient renforcer des obligations déjà existantes, dans la mesure où :
– il instaure une obligation de transparence qui constitue une mutation de l’obligation d’information. En effet, la personne auprès de qui les données sont collectées doit se voir délivrer une information « d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples » ;
– il accroit l’obligation de sécurité puisque le responsable de traitement devra « garantir un niveau de sécurité adapté au risque » notamment par la mise en place de mesures techniques et organisationnelles, ce qui suppose en pratique, la réalisation en amont, d’un audit détaillé de l’infrastructure et la configuration du réseau et des postes, et de tous les périphériques en réseau (imprimantes partagées, serveurs NAS, etc.) ;
– il transforme l’obligation de proportionnalité (adéquation de la collecte des données à la finalité poursuivie) en un principe de minimisation : le responsable de traitement doit collecter et traiter uniquement les données strictement nécessaires au traitement.
Par exemple, lors de la phase de recrutement d’un salarié, les données collectées devront être limitées à celles strictement nécessaires à l’évaluation des capacités du candidat à occuper le poste proposé. Dans ces conditions, seules les données relatives à la qualification et à l’expérience du candidat pourront être collectées (ex : formations et diplômes, emplois précédemment occupés,…).
Par conséquent, les formulaires de candidature ne peuvent imposer la divulgation de données à caractère personnel qui révèle la situation familiale, l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale du candidat. De même, ne pourront être collectées par l’employeur les données génétiques ou biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, celles concernant la santé ou concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle du candidat.
– il raccourcit le délai entre la demande d’accès aux données à caractère personnel formulée par l’intéressé et la réponse faite par le responsable de traitement, celui-ci passant de deux à un mois.
Par ailleurs, le RGPD crée de nouvelles obligations à la charge des employeurs, à savoir :
– des obligations de notification de violation des données présentant un « risque pour les droits et libertés des personnes physiques » à la CNIL dans un délai de 72 heures et lorsque ce risque est « élevé », à la personne concernée ;
– l’obligation d’établir un registre des traitements puisqu’en cas de contrôle, le responsable de traitement doit pouvoir démontrer qu’il a documenté ses traitements et tout événement impactant ceux-ci. Le registre devra préciser les finalités, les catégories de données, les destinataires, les durées de conservation, les mesures de sécurité mises en place, les éventuels transferts dans un pays tiers, etc. ;
– l’obligation des sous-traitants de justifier de garanties suffisantes et de disposer d’un registre des traitements, ce dont les entreprises utilisatrices doivent s’assurer ;
– l’obligation de mener une étude d’impact en cas de « risques élevés » pour la vie privée des personnes concernées ;
– l’obligation de désigner un délégué à la protection des données (ou data protection officer [DPO]) qui succède au correspondant informatique et libertés (CIL), pour les organismes publics, les entreprises qui traitent des données sensibles à grande échelle et les entreprises qui font du profilage. Pour les autres entreprises, cette désignation est facultative. Doté de missions plus étendues et différentes de celles du CIL, le DPO a surtout une mission de contrôle et de conseil de l’entreprise dans ses activités de traitement de données.
Parallèlement, le RGPD crée de nouveaux droits aux profits des personnes concernées tels que :
– un droit à la limitation du traitement. Lorsque le traitement est mis en œuvre, la personne concernée peut demander, par exemple, qu’il soit suspendu notamment lorsqu’il existe un doute ou une contestation quant à l’exactitude des données ;
– un droit à la portabilité des données à caractère personnel traitées de manière automatisée consistant en une possibilité pour l’intéressé, de demander à ce que les données qu’il a fournies lui soient transmises ou qu’elles soient communiquées à un autre responsable de traitement.
Enfin, le RGPD augmente considérablement les sanctions en cas de non-respect des obligations, le plafond des amendes étant porté, selon les types de manquement, à 10 millions ou pour les entreprise, à 2% du chiffre d’affaires mondial, et 20 millions d’euros ou pour les entreprise, à 4 % du chiffre d’affaires mondial, le montant retenu étant la somme la plus élevée.

Majeurs protégés : qualification d’acte grave d’une demande de transfert dans un autre établissement de soins

Le 20 avril, la première Chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur la qualification juridique d’une demande de transfert dans un autre établissement de soins d’une personne mise sous tutelle.  

En l’espèce, une personne née en 1976 avait été victime le 29 septembre 2008 d’un accident de la circulation, lequel lui avait causé un grave traumatisme crânien et l’avait rendu tétraplégique.

Par jugement du 10 mars 2016, le Juge des tutelles l’avait placé sous tutelle pour une durée de cent vingt mois, désignant son épouse en qualité de tutrice pour le représenter dans l’administration de ses biens et la protection de sa personne.

Par requête du 12 août 2016, les parents de la personne mise sous tutelle ainsi que l’un de ses demi-frères et l’une de ses sœurs ont saisi le Juge des tutelles d’une requête aux fins, notamment, de transfert du mis sous tutelle dans un autre établissement hospitalier.

Le Juge des tutelles ayant déclaré leur requête irrecevable, les demandeurs ont alors interjeté appel de la décision.

Par arrêt du 24 mars 2017, la Cour d’appel de Reims a infirmé partiellement la décision rendue en première instance et déclaré la demande des appelants recevable, au motif  qu’aucun texte ne précisait les personnes habilitées à saisir le Juge des tutelles sur le fondement de l’article 459-2 du Code civil, de sorte que les membres de la famille et proches devaient pouvoir saisir le Juge des difficultés relatives au lieu de vie de la personne protégée.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

  • La 1ère Chambre civile a en effet rappelé dans un attendu de principe et aux visas des articles 459-2 et 459 alinéa 3 du Code civil, que le droit fondamental de la personne au libre choix de son établissement de santé incluait celui de changer d’établissement au cours de la prise en charge, de sorte que dans le cas d’un majeur représenté par son tuteur pour les actes relatifs à sa personne, seul le tuteur pouvait exercer ce droit.
  • La Cour de cassation a donc rappelé dans cet arrêt de principe que, dans le cadre d’une tutelle, le transfert dans un autre établissement de soins constitue un acte grave au sens de l’article 439 alinéa 3 du Code civil et que, partant, seul le tuteur est recevable à présenter la requête. 

Les demandes reconventionnelles formées après l’échec d’une médiation sont directement recevables devant le juge, sauf stipulations expressément contraires

La médiation a vocation à être de plus en plus fréquemment mobilisée dans le règlement des conflits civils. A ce titre, nombre d’opérateurs prévoient désormais, dès la formalisation de leurs engagements contractuels, la mise en œuvre d’une clause de médiation en cas de conflit dans l’exécution de leurs obligations.

La Cour de cassation a précisé la portée des clauses de médiation, notamment lorsque l’échec d’une première médiation a conduit l’une des Parties à saisir le juge.

En l’espèce, une société A avait contracté avec une société B. Il était prévu aux termes du contrat que si les Parties devaient entrer en désaccord, elles s’efforceraient alors de trouver une issue amiable à leur difficulté.

Or, un différend est né entre elles de sorte que conformément aux stipulations de leur contrat, elles ont entamé une médiation.

Cette dernière s’est soldée par un échec si bien que la société A a saisi la juridiction compétente d’une demande principale en paiement de sommes contractuellement dues et, subsidiairement, d’une demande en résiliation du contrat.

Une fois l’instance introduite, la société B, faisant part d’autres griefs, a sollicité à titre reconventionnel la résiliation du contrat.

La société A a soulevé l’irrecevabilité de cette demande reconventionnelle au motif qu’elle n’avait pas été précédée de la procédure de médiation contractuellement prévue.

La Cour d’appel a fait droit à cette argumentation, jugeant la situation de défenderesse de la société B à la procédure engagée par la société A ne lui interdisait nullement de saisir le médiateur des nouveaux griefs qu’elle opposait.

Saisi d’un pourvoi, la Cour de cassation a censuré cette analyse, jugeant au visa des article 122, 126 et ensemble 53 du Code de procédure civile que :

 » Attendu que l’instance étant en cours au moment où elle est formée, la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge ;

Attendu que pour dire irrecevable la demande reconventionnelle de la société IDD, l’arrêt retient que sa situation de défenderesse à la procédure engagée par la société Biogaran ne lui interdisait nullement de saisir le médiateur des nouveaux griefs qu’elle opposait ; 

 

Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat n’instituait pas une fin de non-recevoir en pareil cas, la cour d’appel a violé les textes susvisés. « 

 

Cet arrêt doit ainsi inviter les opérateurs à la plus grande prudence dans la rédaction des clauses de médiation et les conduire à élargir expressément la recevabilité de demandes reconventionnelles à un préalable de médiation.

A défaut et tel que ce fût le cas en l’espèce, les Parties s’exposeraient alors au risque que des griefs étrangers à une première médiation infructueuse soient directement portés et tranchés devant le juge.

Contrôle URSSAF : la fin des redressements automatiques de l’ Urssaf en cas de transaction à la suite d’un licenciement pour faute grave

Jusqu’au 15 mars dernier, en cas de conclusion d’une transaction avec un salarié à la suite d’un licenciement pour faute grave, les employeurs s’exposaient à un risque de redressement de la part des URSSAF.
En effet, ces dernières n’hésitaient pas à redresser les indemnités transactionnelles versées à la suite de licenciements pour faute grave pour leur partie correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis.
S’appuyant sur un arrêt du 20 septembre 2012 (n° 11-21.149), elles considéraient que le fait de verser une indemnité supérieure à l’indemnité compensatrice de congés payés impliquait que l’employeur avait renoncé au licenciement pour faute grave et que de ce fait l’indemnité transactionnelle comportait une indemnité de préavis et de licenciement.
Par un arrêt en date du 15 mars 2018, la Cour de cassation met un terme à cette pratique de redressement automatique des URSSAF en indiquant qu’en présence d’un protocole dont les termes « clairs, précis, sans ambiguïté » expriment expressément la volonté des parties, la preuve de la nature exclusivement indemnitaire de l’indemnité transactionnelle est rapportée par l’employeur, de sorte que l’URSSAF n’est pas fondée à pratiquer un redressement.
Ainsi, en présence de termes clairs et précis, la Cour de cassation n’invite plus les juges du fond à rechercher une quelconque volonté implicite de l’employeur.
En conséquence, pour l’avenir, il conviendra de prévoir de façon claire dans le protocole transactionnel que le salarié renonce à toute demande tendant au paiement d’indemnités ou de sommes de toute nature résultant de la conclusion, de l’exécution et/ou de la rupture de son contrat.