Seule la réalité des fonctions exercées est prise en compte pour apprécier la « CDIsation » d’un agent contractuel

Par un arrêt M. A c… Ministre de la Défense en date du 28 juin 2019 (req. n° 421458), le Conseil d’État a jugé, pour apprécier si la durée d’emploi d’un agent contractuel lui permet de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, qu’il appartient au juge administratif de vérifier la réalité des fonctions exercées et ne pas se référer uniquement à l’appellation ni même à la catégorie du poste figurant dans les contrats.

En l’espèce, M. A avait été recruté le 1er février 2007 par la direction générale de l’armement, en qualité de technicien, pour exercer les fonctions de spécialiste gestionnaire de projet. Toutefois, au regard de son diplôme universitaire, ce contrat fut résilié et un nouveau contrat fut signé, en novembre de la même année, en qualité d’ingénieur-cadre. Ce contrat de trois ans fut renouvelé pour la même durée en novembre 2010, avant que finalement, au 26 août 2013, M. A soit remercié. Ce dernier a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a annulé cet arrêté avant que la Cour administrative d’appel de Versailles, sur recours du ministre de la Défense, décide d’annuler le jugement.

Saisi d’un pouvoir en cassation de la part de M. A, le Conseil d’État a précisé les modalités de mise en œuvre de l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique d’État (mais la solution est applicable aux deux autres versants de la fonction publique) qui prévoient pour certains agents contractuels la conclusion de contrats à durée indéterminée passé six années de service.

La haute juridiction précise qu’il résulte des dispositions de cet article, « éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 12 mars 2012, qu’un agent contractuel de l’État peut bénéficier d’un contrat à durée indéterminée lorsqu’il justifie d’une durée de services de six ans, accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, dans des fonctions relevant d’une même catégorie hiérarchique A, B ou C au sens de l’article 13 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée. Lorsque les contrats successifs de l’agent mentionnent, s’agissant de l’emploi qu’il occupe, des appellations et références catégorielles différentes, il peut néanmoins bénéficier d’un contrat à durée indéterminée s’il est établi qu’il a en réalité exercé, en dépit des indications figurant sur les contrats, des fonctions identiques pendant la durée de services requise ».

Or, la Cour administrative d’appel de Versailles, pour déterminer que le requérant ne pouvait pas bénéficier d’un CDI, avait pris en compte le changement d’appellation et de catégorie hiérarchique entre le contrat signé en février 2007 et celui de novembre de la même année. Le Conseil d’Etat considère que la Cour a entaché son arrêt d’erreur de droit dès lors qu’il était établi que les fonctions de M. A étaient restées les mêmes entre ses deux contrats.

Dans ces conditions, les administrations devront être vigilantes lorsqu’elles apprécient les demandes de « CDIsation » d’un de leurs agents et bien vérifier la réalité des fonctions exercées indépendamment des mentions figurant dans les contrats ou les fiches de poste.

Les conséquences de l’annulation du licenciement d’un agent contractuel bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée

CAA Versailles, 29 mai 2019, n° 17VE01782 

Si les conséquences de l’annulation contentieuse du licenciement d’un fonctionnaire est une question depuis longtemps tranchée par le juge administratif et qui fait le délice des étudiants en contentieux administratif, celle de l’annulation des licenciements d’agents contractuels est moins courante, et pour autant le nombre d’agents bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée va en s’accroissant.

En l’espèce, le Centre Hospitalier René Dubos avait recruté à compter du 5 janvier 2009 Monsieur X., en qualité de directeur des systèmes d’informations par contrat à durée indéterminée.

Il devait le licencier le 31 juillet 2014, à la suite de la suppression de son poste.

Après avoir rappelé que les établissements publics de santé peuvent, quel que soit l’état de leurs finances, procéder à une suppression d’emploi par mesure d’économie ou d’intérêt du service, la Cour administrative d’appel de Versailles procède cependant à l’annulation de la décision dans un arrêt du 22 novembre 2018, en retenant que quatre mois après ce licenciement, le centre hospitalier avait recruté un autre ingénieur informatique, en qualité de directeur des systèmes d’informations, démontrant ainsi qu’en réalité l’emploi n’avait pas été supprimé.

En conséquence de cette annulation, la Cour a enjoint au centre hospitalier de réintégrer effectivement l’agent contractuel dans les conditions suivantes :

« En vertu du principe du caractère rétroactif des annulations pour excès de pouvoir, il appartient à l’autorité administrative, lorsqu’une mesure d’éviction d’un agent recruté par contrat à durée indéterminée est annulée, de procéder à la réintégration effective de celui-ci au sein de ses services. Lorsque les stipulations du contrat d’engagement déterminent de manière précise l’emploi sur lequel l’agent est recruté et si cet emploi ne dispose d’aucun équivalent au sein de ses services, il appartient en principe à l’administration de procéder à sa réintégration sur cet emploi ».

Il s’agit donc en réalité de la transposition pure et simple de la jurisprudence classique du Conseil d’Etat : réintégration de l’agent sur ses fonctions, et si elles sont uniques, sur celles qu’il occupait précisément, sous peine de se séparer de l’agent qui l’a remplacé.

En l’occurrence, les fonctions occupées par l’agent ont été considérées comme uniques, et la réintégration a été enjointe sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Pour autant, quelques mois plus tard, la Cour était de nouveau saisie par l’agent qui se plaignait de ce qu’il n’avait pas été réintégré et sollicitait en conséquence la liquidation de l’astreinte.

Mais ce dernier a cependant commis une erreur en faisant à la Cour la démonstration que son emploi avait été de nouveau supprimé en 2016 – soit antérieurement au jugement de première instance rendu par le Tribunal administratif de Cergy Pontoise ! – et que la personne qui l’avait remplacé en 2015 avait de ce fait été mutée sur un autre poste.

De ce fait, la Cour a été contrainte de juger que son injonction ne pouvant être matériellement exécutée, l’astreinte ne pouvait être liquidée…

En conclusion : les conséquences de l’annulation du licenciement d’un agent contractuel sont lourdes pour l’administration qui doit donc s’attacher à vérifier le motif retenu.

Adoption en deuxième lecture de la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés

La proposition de loi de simplification du droit des sociétés a été adoptée en deuxième lecture par le Sénat le 10 juillet 2019.

Elle s’inscrit dans le processus permanent de simplification du droit des sociétés engagé il y a quelques années et s’est donné comme objectif de rendre plus clair et prévisible l’environnement juridique des entreprises et d’alléger, voire supprimer, certaines démarches administratives et formalités auxquelles elles sont soumises.

Les principaux apports pour les Entreprises :

1 – L’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés est ratifiées (Article 8).

L’ordonnance prévoit que les statuts d’une société anonyme (SA) dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché règlementé pourront indiquer que les assemblées générales doivent, par principe, se tenir par visioconférence ou autres moyens de télécommunication (sauf opposition des actionnaires détenant au moins 5% du capital social).

Par ailleurs, l’établissement du rapport du commissaire aux comptes portant sur les conventions conclues entre une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) et son dirigeant n’est plus requis.

Enfin, concernant les sociétés par actions simplifiées (SAS), la règle de l’unanimité des associés, relative à l’adoption et à la modification des clauses exigeant l’agrément préalable de la société, dans le cas d’une cession d’actions, est supprimée.

2 – Clarification des droits respectifs du nu-propriétaire et de l’usufruitier en cas de démembrement de part sociale (Article 3).

Concernant le droit de vote, la loi maintient que le droit de votre appartient à l’usufruitier pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices. Elle précise que pour les autres décisions le droit de vote appartient au nu-propriétaire mais que le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir qu’il sera exercé par l’usufruitier, les statuts ne pouvant par interdire ou limiter cette convention.

D’autre part, la loi pose pour principe le droit du nu-propriétaire et de l’usufruitier d’une part sociale de participer aux décisions collectives, sans différence de traitement et sans que les statuts ne puissent y déroger.

3 – Les simplifications prévues en cas de fusion-absorption d’une filiale sont étendues aux fusions réalisées entre sociétés sœurs (Article 32), à celles réalisées entre sociétés civiles (Article 6) et aux apports partiels d’actif d’une société mère vers une filiale (Article 33).

4 – Simplification des conditions de remplacement du gérant d’une société civile en cas de vacance (Article 5).

Ce remplacement peut intervenir chaque fois que la société se trouve dépourvue de gérant, pour quelque cause que ce soit.

Un associé peut désormais réunir directement ses coassociés à cet effet, sans demander préalablement « au président du tribunal statuant sur requête la désignation d’un mandataire chargé de réunir les associés en vue de nommer un ou plusieurs gérants » (ancien art. 1846, al. 5 du Code civil).

5 – Simplification des conditions de remplacement d’un gérant de SARL placé en tutelle ou curatelle (Articles 11 et 12).

Le remplacement du gérant d’une SARL, n’est plus limité aux cas de décès de ce dernier et peut intervenir chaque fois que la société se trouve dépourvue de gérant pour quelque cause que ce soit, ou si le gérant unique est placé sous tutelle.

6 – L’administrateur, le président du conseil d’administration, le directeur général, le directeur général délégué, le membre du directoire, le directeur général unique ou le membre du conseil de surveillance placé sous tutelle est réputé démissionnaire d’office (Article 13).

7 – Les conditions auxquelles le conseil d’administration ou le directeur général d’une SA peut autoriser l’octroi d’une garantie par la société mère au profit d’une de ses filiales contrôlées, sont assouplies. (Article 14).

8 – Création d’une procédure écrite de consultation au sein de conseil d’administration ou de surveillance d’une SA, pour les décisions courantes (Article 15).

Les statuts de SA peuvent désormais autoriser le conseil d’administration ou de surveillance à prendre par consultation écrite certaines décisions relevant de ses attributions propres ainsi que les décisions de transfert du siège social dans le même département.

9 – Nouveau mode de calcul de la majorité pour l’adoption des décisions collectives au sein d’une SA (Article 16).

Les décisions de l’assemblée générale sont adoptées à la majorité des 2/3 des voix exprimées, sachant que ces dernières ne prennent plus en compte, les abstentions et les votes blancs ou nuls.

10 – L’obligation triennale de soumettre à l’assemblée générale des actionnaires d’une SA, une augmentation de capital réservée aux salariés, est supprimée (Article 20).

11 – Il est désormais possible, dans les petites sociétés par actions simplifiées, de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d’actions par compensation avec des créances en cas d’augmentation de capital (Article 28).

12 – Modification du régime des actions de préférence (Article 30).

Le commissaire aux apports chargé d’établir le rapport relatif aux avantages particuliers en cas d’émission d’action au profit d’un ou plusieurs actionnaires nommément désignés est un commissaire aux comptes n’ayant pas réalisé depuis trois ans (et non plus cinq ans) et ne réalisant pas de mission au sein de la société (art. L228-15 com. modifié).

13 – Assouplissement du secret professionnel entre les commissaires aux comptes exerçant différentes missions légales auprès d’une société (Article 35).

Le secret professionnel auquel les CAC sont astreints pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions ou lorsqu’ils procèdent à une revue indépendante ou contribuent au dispositif de contrôle de qualité interne est, désormais, levé à l’égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l’élection (art. L822-15 complété).

La France, premier Etat membre de l’Union européenne à transposer la Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique

Conformément à la Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique que la loi transpose partiellement, les agences de presses et éditeurs de presses bénéficieront désormais d’un droit voisin, identique à celui des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes (L. 218-2 du Code de la propriété intellectuelle (ci-après CPI), d’une durée de 2 ans (L. 211-4, V CPI), exception faite des actes d’hyperlien, de l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse (L. 211-1-1 CPI).

Les premières frontières entre les exploitations requérant obligatoirement l’autorisation préalable des titulaires de droits et celles bénéficiant du principe libre circulation de l’information sont ainsi tracées.

Le reste de la Directive, dont son ancien article 13 (aujourd’hui article 17) qui retouche en profondeur le régime de responsabilité des plateformes d’hébergement en ligne comme Youtube ou Dailymotion, intègrera le droit interne avec la Loi sur l’audiovisuel attendue pour le deuxième semestre 2020.

Une brèche dans l’obligation de négocier pour bénéficier des réductions Fillon

Un établissement public à caractère industriel et commercial, en l’espèce un Office public de l’Habitat, ne peut être sanctionné par une minoration de la «réduction Fillon » sur le fondement d’une absence de négociation sur les salaires, s’il n’est soumis à aucune obligation annuelle de négocier sur ce thème.

La Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait validé l’argumentaire de l’URSSAF qui refusait à un Office public de l’Habitat, le bénéfice des exonérations Fillon, en l’absence de négociation annuelle obligatoire (ci-après  « NAO »). 

L’Office arguait de ce que l’organisation d’une NAO sur les salaires effectifs ne pouvait être exigée des OPH avant le 29 octobre 2009, l’article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008 laissant un délai d’un an aux OPH pour faire un accord de classification des emplois et organiser des élections. Or en l’absence de telles élections, l’employeur ne pouvait lancer une NAO. La Cour a validé ce raisonnement en estimant que l’organisation d’une NAO ne pouvait être exigée de l’OPH avant le 29 octobre 2009.

Dès lors et nonobstant l’absence de NAO, l’employeur peut bénéficier des exonérations Fillon.

Ainsi, en cas d’impossibilité de droit, l’ouverture d’une NAO n’est pas exigée pour obtenir le bénéfice des exonérations Fillon.

 

Violation de la liberté d’expression dans le cadre d’une campagne électorale municipale

Dans l’affaire Brzeziński c. Pologne (arrêt du 25 juillet 2019), la Cour a conclu à la violation de la liberté d’expression en raison de la condamnation du requérant, candidat au poste de conseiller communal à Koziegłówki en 2006, pour avoir publié une brochure critiquant la gestion de la municipalité, et notamment le maire, et une conseillère communale, candidats, tous deux à leur propre réélection.

Ayant rappelé que la Convention ne laissait guère de place pour les restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou des questions d’intérêt général, et que les limites de la critique admissible sont plus larges  à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier. L’homme politique s’exposant  inévitablement à  et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes  que par la masse des citoyens, il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance.

Si la Cour a admis qu’il est nécessaire de lutter contre la dissémination d’informations fallacieuses  à propos des candidats, elle a rappelé aussi, qu’il est particulièrement important en période préélectorale, de permettre aux opinions et aux  informations de tous ordres de circuler librement.

La Cour a relevé, en l’espèce, qu’il ne ressortait pas des décisions des juridictions nationales que ces dernières se soient interrogées sur le fait de savoir si les propos du requérant justifiaient sa condamnation à  une série de peines dont le cumul s’avérait très lourd et constituait une sanction susceptible d’avoir un effet inhibiteur sur le requérant, alors qu’il participait au débat politique. Interdiction lui a avait été faite de continuer à publier la brochure, obligation lui avait été également faite de présenter des excuses et de rectifier les informations jugées inexactes en faisant paraître une déclaration en première page de deux quotidiens locaux. Il avait aussi été condamné au paiement d’une somme à un organisme caritatif. 

Pour la CEDH, en tranchant sur ces questions ainsi qu’elles l’avaient fait, les juridictions nationales avaient commis une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression du requérant et avaient violé les principes consacrés à l’article 10 de la Convention (Braun précité, § 49, Kurski c. Pologne, no 26115/10, § 55, 5 juillet 2016).

Modalités de réparation du préjudice environnemental en raison d’une construction irrégulière

Un individu était poursuivi pour avoir réhabilité une ancienne bergerie sans avoir sollicité au préalable un permis de construire et dans une zone protégée dans laquelle toute construction nouvelle est, selon le Plan Local d’urbanisme (PLU) en vigueur, interdite.

La Cour d’appel de Bastia, par un arrêt du 28 février 2018, condamnait ledit individu pour infractions au Code de l’urbanisme à une peine d’amende mais n’ordonnait pas la remise en état des lieux par la démolition de la construction, se contentant, sur l’action civile, de réparer le préjudice moral d’une association de défense de l’environnement en condamnant le prévenu à lui verser la somme d’un euro de dommages et intérêts.

Un pourvoi en cassation était formé par le prévenu et par l’association de protection de l’environnement, le premier estimant que s’agissant d’une réhabilitation, l’octroi d’un permis de construire n’était pas nécessaire, et la seconde que la Cour n’a pas respecté le principe du droit à une réparation intégrale en n’ordonnant pas une mesure de démolition de la construction nouvelle, considérant qu’en dépit de son irrégularité, la construction s’intégrait au site sans le dénaturer.

La chambre criminelle de la Cour de cassation rejetait les pourvois formés aux motifs d’une part que la restauration d’un bâtiment dont il ne reste plus les murs porteurs doit être considérée comme une construction nouvelle au sens de l’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme, soumise à une autorisation d’urbanisme, et d’autre part que la réparation intégrale n’implique pas nécessairement la remise en état du site par une mesure de démolition.

Cet arrêt constitue une nouvelle illustration en matière environnementale et d’urbanisme, du principe de libre appréciation par les juges du fond des modalités adéquates de la réparation, la Cour de cassation réaffirmant, par cette décision, son refus de contrôler les méthodes de réparation adoptées par les juridictions d’appel.

Précisions que ce principe est régulièrement rappelé par la Cour de cassation, notamment en matière d’indemnisation du dommage corporel (Civ. 2ème 11 juillet 1983, n° 82-12.590, Bull. civ. II n°153 – Crim. 23 juin 1993, n° 92-85.106, Bull. crim. n° 219 – Civ. 1ère 20 février 1996, n° 94-17.029, Bull. civ. I n° 97) ou encore en droit de la construction, s’agissant notamment des malfaçons (Civ. 3ème 2 juillet 1985, n°84-11.531 – Civ. 3ème 11 mai 2010, n° 09-13.505).

Passation : un acheteur informé d’une irrégularité de procédure doit s’abstenir de signer le contrat

Dès lors qu’un acheteur est informé que des informations confidentielles sur une offre ont été divulguées dans la presse au cours de la procédure de passation, il est tenu de suspendre la signature du contrat afin d’apprécier si cette divulgation est de nature à constituer une irrégularité portant atteinte au principe d’égalité entre les candidats, et ce même si cette divulgation ne lui est pas imputable.

C’est ce principe qu’a affirmé le Conseil d’Etat dans le cadre d’un litige portant sur l’attribution par la collectivité de Corse de la délégation de service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent pour la période 2019-2020. A la suite de sa non-admission aux négociations pour deux des cinq lots (lots n° 1 et 4), la Société La Méridionale a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia d’un référé précontractuel tendant à l’annulation de ces deux décisions de non-admission, à ce que ses offres soient déclarées recevables et à ce qu’il soit enjoint à la collectivité de Corse de l’admettre à participer à la négociation pour ces deux lots. Par une ordonnance du 19 mars 2019, ces demandes ont été rejetées. Le juge des référés a notamment écarté le moyen de la Société requérante tiré de l’absence de respect du principe de confidentialité des offres du fait de la divulgation dans la presse d’éléments relatifs à son offre en se fondant sur la circonstance que la collectivité n’aurait pas été à l’origine du manquement.

Saisi d’un pourvoi en cassation par la Société La Méridionale, le Conseil d’Etat, par une décision n° 429407 en date du 24 juin 2019, invalide ce raisonnement. En effet, il affirme que « pour assurer le respect [des principes généraux du droit de la commande publique], la personne publique informée, avant la signature d’un contrat, de l’existence d’une irrégularité de procédure affectant le choix du concessionnaire doit s’abstenir de signer le contrat litigieux, alors même qu’elle ne serait pas responsable de cette irrégularité ». Il déduit de ce principe que « lorsqu’est constatée, au cours de la procédure de passation, qu’ont été divulguées des informations relatives à l’offre déposée par un candidat à l’attribution du contrat, il appartient à la personne publique d’apprécier si cette divulgation peut être regardée comme étant de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats. La seule circonstance qu’une telle divulgation ne soit pas imputable à la personne publique responsable de la procédure de passation ne la dispense pas de cette obligation ».

Cependant, le Conseil d’Etat relève qu’en l’espèce, cette divulgation était insusceptible d’avoir lésé la Société requérante, dans la mesure où ses offres avaient déjà été éliminées. Il confirme donc le dispositif de l’ordonnance attaquée en opérant une substitution de motifs et rejette le pourvoi de la Société requérante.

Précisions sur le New Deal entre le gouvernement et les opérateurs en matière de téléphonie mobile et d’aménagement numérique

Tableau de bord de l’ARCEP 

Au titre du New Deal Mobile annoncé par le Gouvernement et les opérateurs mobiles en janvier 2018, et après la publication du tableau de bord par l’ARCEP, la Mission France Mobile publie un « protocole de coopération », réalisé par l’Etat, en partenariat avec les quatre principaux opérateurs mobiles, les associations de collectivités (ADF, AMF, AMRF, ANEM, AVICCA, RDF, FNCCR) et la fédération française des télécoms.

Le New Deal Mobile n’ayant pas donné lieu à la conclusion d’une convention, ce « protocole de coopération » se donne pour objet de « formaliser un cadre général de partenariat entre les collectivités, les opérateurs et leurs représentants ». Outre le rappel des engagements des opérateurs et des modalités d’identification des sites prioritaires, le « protocole de coopération » expose le rôle de collectivités et précise les modalités financières de mise à disposition des terrains ou points hauts par les collectivités aux opérateurs. On notera en particulier que :

« La mise à disposition du terrain ou du point haut ne peut être ni gratuite, ni à l’euro symbolique.

Les modalités d’occupation adoptées lors des anciens programmes de couverture des zones blanches ne s’appliquent pas au dispositif de couverture ciblée.

S’agissant de la fixation du montant du loyer ou de la redevance il n’y a pas eu de consensus au niveau national permettant d’indiquer une fourchette de prix pour la fixation de leur montant.

Ce montant doit être conforme aux règles issues du droit de la concurrence au risque d’être qualifié d’aide d’État (ce montant ne peut être établi à un montant trop bas) et du code général de la propriété des personnes publiques.

Il sera calculé, au cas le cas, selon les modalités habituellement pratiquées par les opérateurs dans les zones concernées (rurales, périurbaines…).

En ce qui concerne la cession d’une parcelle, seules celles appartenant au domaine privé communal peuvent faire l’objet d’une transaction, les biens appartenant au domaine public étant inaliénables et incessibles. La vente doit se faire à une valeur au moins égale à la valeur vénale et, selon les cas, après l’avis des  services  de  la Direction de l’immobilier de l’État,  ex-France Domaine, l’acheteur prenant, par ailleurs, en charge les frais  liés à l’acquisition du terrain (bornage, frais liés à la mise à jour du cadastre, etc.) ».

Publication du décret du 26 juillet 2019 relatif aux conventions d’utilité sociale des organismes HLM et des SEM agréées logement social

Il convient au préalable de rappeler que la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite Loi Molle) a remplacé l’ancien système de conventionnement global du patrimoine des bailleurs sociaux par le conventionnement d’utilité sociale.

La convention d’utilité sociale (ci-après dénommée « CUS »), d’une durée de six ans renouvelable, est conclue entre l’État et chaque organisme HLM (à l’exception des sociétés de vente et des sociétés de coordination) et SEM agréée en matière de logement social.

Définie aux articles L. 445-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (ci-après dénommé « CCH »), la CUS est établie sur la base du plan stratégique de patrimoine élaboré par l’organisme tel que défini à l’article L. 411-9 du CCH et en tenant compte des programmes locaux de l’habitat.

Depuis la loi ELAN, la CUS d’un organisme appartenant à un groupe doit être établie sur la base du cadre stratégique patrimonial et du cadre stratégique d’utilité sociale mentionnés à l’article L. 423-1-1 du CCH.

Le contenu et la structure de la CUS sont déterminés aux articles L. 445-1 et R. 445-2 du CCH. Pour rappel, la CUS comporte :

  • l’état de l’occupation sociale de leurs immeubles ou ensembles immobiliers ;
  • l’état du service rendu aux locataires dans les immeubles ou les ensembles immobiliers ;
  • l’énoncé de la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme ;
  • les engagements pris par l’organisme sur la qualité du service rendu aux locataires ;
  • les engagements pris par l’organisme pour le développement de partenariats avec les services intégrés d’accueil et d’orientation ainsi qu’avec les associations et les organismes agréés ;
  • le cas échéant, l’énoncé de la politique menée par l’organisme en faveur de l’hébergement ;
  • le cas échéant, l’énoncé de la politique d’accession de l’organisme ;
  • les engagements pris par l’organisme en matière de gestion sociale ;
  • les modalités de la concertation locative avec les locataires ;
  • les engagements pris par l’organisme en faveur d’une concertation avec les locataires.

 

Le décret n° 2019-801 du 26 juillet 2019 relatif aux conventions d’utilité sociale des organismes d’habitations à loyer modéré et des sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ne modifie ni l’architecture générale, ni la finalité des CUS. Il tient compte des apports de la loi ELAN du 23 novembre 2018 et apporte ainsi trois modifications majeures à savoir :

Premièrement, le décret complète l’article R. 445-2 du CCH, qui précise le contenu de la CUS en intégrant les apports de la loi ELAN :

  • la CUS peut être établie, le cas échéant, sur la base « du cadre stratégique patrimonial et du cadre stratégique d’utilité sociale» du groupe d’organismes de logement social à laquelle appartient l’organisme ;
  • le « Cahier des charges de gestion sociale et nouvelle politique des loyers » – composante de la CUS – est remplacé par les « Engagements en matière de gestion sociale et nouvelle politique des loyers ».

 

Le texte ajoute le plan de mise en vente aux informations sur la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme, déjà prévues dans le cadre actuel de la CUS.

Deuxièmement, le décret modifie ou complète les indicateurs composant les engagements chiffrés figurant dans la CUS.

Il convient de noter que le décret supprime les indicateurs portant sur la vacance (G1), les mises en services (PP-1bis et PP-LF-1bis) et l’accession sociale (PS-ACC-2).

Enfin, le décret prévoit les conditions dans lesquelles le Préfet peut octroyer un délai d’un an renouvelable une fois pour satisfaire à l’obligation de transmission d’un projet de CUS à un organisme engagé dans un projet de rapprochement.

Dans ce cas, l’organisme demandeur est tenu de transmettre une délibération de son conseil d’administration ou de son conseil de surveillance, présentant la démarche de rapprochement. Le Préfet peut demander à l’organisme de lui fournir tout autre document lui permettant d’apprécier le rapprochement.

Le décret précise qu’un projet de rapprochement peut prendre la forme soit :

  • d’un regroupement au sein d’un groupe d’organismes de logement social ;
  • d’une opération de fusion avec un ou des organismes HLM ou SEM agréées logement social ;
  • de tout autre projet de réorganisation que le Préfet estime susceptible de présenter un impact significatif sur l’organisme.

Immobilier : bidonville et squat : la Cour de cassation refuse de mettre en balance le droit de propriété avec le droit à la protection du domicile des occupants de terrains ou de squats

La Cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 19 octobre 2017 qui avait ordonné l’expulsion des familles occupant un terrain en friche dont les propriétaires invoquaient un projet de hangar à bateau.

La Cour d’appel avait notamment refusé de prendre en compte les actions menées par une association, mandatée par la préfecture de l’Hérault, en soutien des habitants du bidonville sur trois axes : la scolarisation des enfants, l’intégration socio-professionnelle des parents et la médiation santé des familles.

La question posée par ce pourvoi en cassation était celle de l’étendue de la mission et des pouvoirs du juge des référés saisi d’une demande d’expulsion des occupants d’un terrain ou d’un squat, sachant que le droit au respect du domicile – et donc à sa protection – que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme reconnaît à ces occupants s’oppose au « droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue » que l’article 544 du Code civil attribue aux propriétaires.

La Cour juge que « l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé́ par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété́ ».

Annulation par le Tribunal administratif d’Amiens d’un arrêté anti-naturiste pris par le maire de Quend

Par un jugement en date du 16 juillet 2019, le Tribunal administratif d’Amiens a annulé l’arrêté n° 58/2018 du maire de Quend interdisant la pratique du naturisme  sur l’ensemble du territoire de la commune. Le recours contentieux a été initié par trois associations de naturistes : la Fédération Française de Naturisme, l’Association pour la Promotion du Naturisme en Liberté et Les Hauts de Frances Naturistes.

A ce sujet, la commune de Quend contestait l’intérêt à agir de la Fédération Française de naturisme (FFN). Le juge administratif rappelle la jurisprudence du Conseil d’Etat relative à l’intérêt à agir des associations nationales dans le domaine des libertés publiques (Conseil d’Etat, SSR, 4 novembre 2015, n° 375178, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen). Selon cette jurisprudence, une association ayant un ressort national, justifie d’un intérêt à agir lorsque la décision soulève, « notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ». En l’espèce, le juge estime que la mesure de police a une portée excédant son objet local et que la FFN est recevable à exercer ce recours.

Sur la légalité de l’arrêter, l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales impose au maire de prendre des mesures de police administrative générale afin d’assurer la préservation de l’ordre public. Ces atteintes à l’ordre public peuvent être constituées par « tout acte de nature à compromettre la tranquillité publique ». Le juge administratif confirme qu’une « mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle est prise ». De même, une mesure de police administrative est illégale si elle impose « une interdiction générale, absolue et permanente sur l’ensemble du territoire de la commune ». Le juge administratif exerce alors un contrôle de proportionnalité de la mesure de police.

En l’espèce, le juge estime que bien que le maire invoque l’existence de contestations de la part de personnes auprès de l’office du tourisme et de quelques courriels, ces circonstances « n’établissent pas […] l’existence de trouble de nature à porter atteinte au bon ordre ou à la tranquillité publique sur l’ensemble du territoire de la commune ». Les circonstances locales ne permettant pas de justifier l’interdiction générale et permanente de la pratique du naturisme sur la commune, le Tribunal administratif d’Amiens annule l’arrêté du maire de Quend.  

En revanche ce jugement ne remet pas en cause la possibilité pour un maire, sur le fondement de ses pouvoirs de police administrative, d’encadrer la pratique du naturisme sur sa commune. Ainsi, le maire peut limiter la pratique à certaines plages de la commune et l’interdire en dehors de ces zones réservées. C’est le cas par exemple pour la commune de la Teste de Buch, de Ploemeur, de Ramatuelle ou encore de la Tremblade Ronce-les-Bains.

 

Accueil du juge et mise en demeure préalable de notifier le décompte général

Cette décision, intervenant sous l’empire des anciennes dispositions du CCAG Travaux de 2009, vient rappeler que l’absence de notification, dans les délais prévus, du décompte général par le maître d’ouvrage ne vaut pas acceptation tacite du projet de décompte final.

Plus précisément, dans le cadre de l’exécution d’un marché de travaux, une commune avait émis un titre de recettes afin de recouvrer des pénalités de retard.

Le titulaire du marché contestait le jugement rendu en première instance le condamnant à payer une indemnité représentant une partie des pénalités réclamées.

D’une lecture combinée des articles 13.3.2, 13.4.2 et 50.1.1 du CCAG travaux, alors en vigueur, la Cour considère que :

«en l’absence de notification du décompte général signé par le maître d’ouvrage au titulaire du marché, ce qui est le cas en l’espèce, ce dernier, en cas de différend, ne peut saisir le juge du contrat sans avoir préalablement mis en demeure le maître d’ouvrage de procéder à cette notification».

Dès lors que ce n’était pas le cas en l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal a jugé sa demande de condamnation au versement d’une indemnité au titre du solde du marché comme irrecevable.

Il appartient donc au maître d’ouvrage de vérifier l’existence ou non de cette mise en demeure afin de pouvoir contester, le cas échéant la saisine du tribunal par le titulaire du marché.

Enfin, il est intéressant de rappeler que le CCAG Travaux, dans sa version issue de l’arrêté du 3 mars 2014, a institué un mécanisme d’acceptation tacite du projet de décompte final dont les modalités de mise en œuvre ont été précisées par la jurisprudence (CE, 25 juin 2018, n°417738).

Requalification d’une autorisation d’occupation du domaine public en contrat de la commande publique et qualification de l’espace situé au-dessus de la Seine

Par un avis en date du 22 janvier 2019, le Conseil d’État a apporté de précieux éclairages sur plusieurs sujets essentiels concernant le droit de la domanialité publique et des montages qui les entourent. Le Conseil d’État était en effet invité par le gouvernement à répondre à une série de questions qui entouraient un appel à projets international lancé par la ville de Paris. L’appel à projets avait pour objet de désigner un opérateur en charge, dans le cadre d’un titre d’occupation temporaire du domaine public, de réaliser trois passerelles sur la Seine, dans différents arrondissements de Paris, et d’assurer ensuite l’animation touristique des passerelles et des quais attenants (activités récréatives, de loisirs, de restauration…). Et dans la mesure où les passerelles et autres équipements seraient situés sur des dépendances qui appartiennent à plusieurs personnes publiques, ou dont la gestion relève de plusieurs personnes publiques, l’appel à projets a été lancé en partenariat avec l’État, Voie navigable de France et le Port autonome de Paris dont les dépendances étaient ainsi concernées d’une façon ou d’une autre.

 

I La qualification d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public en contrat de la commande publique.

Les propositions que les candidats étaient invités à remettre devaient naturellement respecter un « cahier des charges », et un cahier des charges qui comportait de nombreuses prescriptions ; si bien que le titre d’occupation temporaire du domaine public qui devait être attribué au lauréat – et les prescriptions que le titre renfermerait fatalement – pouvaient apparaître comme un outil qui satisfait (surtout) une commande de la ville de Paris et/ou de ses partenaires, et non pas (seulement) comme un simple acte de valorisation domaniale

I.1. – Dans cet avis, le Conseil d’État a de nouveau exposé, mais en la précisant quelque peu, la méthode qu’il faut suivre pour apprécier dans quelle mesure une convention d’occupation temporaire du domaine public peut être analysée comme un contrat de la commande publique, à savoir un marché ou une concession, et ce au regard des textes applicables au cas d’espèce (ordonnance du 23 juillet 2015 et ordonnance du 29 janvier 2016). Le Conseil d’État indique qu’il faut apprécier si le contrat est conclu à titre onéreux et s’il a pour objet de satisfaire un besoin par un pouvoir adjudicateur : « en l’espèce, la question se pose de savoir si le contrat qu’il est envisagé de conclure à l’issue de l’appel à projets répond à un besoin des personnes publiques associées et, dans l’affirmative, s’il existe une contrepartie onéreuse aux prestations demandées ». L’affirmation ne suscite évidemment pas de commentaires, à une réserve près peut-être. Sans entrer dans le détail du sujet, pour qu’une convention d’occupation temporaire du domaine public soit un contrat de la commande publique, il faut plus précisément qu’elle ait principalement pour objet de satisfaire un besoin des personnes publiques concernées : les conventions d’occupation du domaine public qui n’ont qu’accessoirement/accidentellement pour objet de répondre à un besoin du propriétaire public sont des contrats mixtes qui en principe échappent au droit de la commande publique parce que leur objet principal, indissociable de l’accessoire, demeure la mise à disposition d’une propriété publique (articles L. 1312-1 et L. 1312-2 du Code de la commande publique).

 

Sur le terrain du caractère onéreux, le Conseil d’État constate, en considération de « la seule mention du modèle économique », que « l’opération a un caractère onéreux et que le lauréat de l’appel à projets recevrait, dans ce montage, une contrepartie, qu’il s’agisse d’un prix ou du droit d’exploiter l’ouvrage réalisé ». L’affirmation est ici sans grande surprise : les mises à disposition domaniales renfermeront toujours, par définition, un droit d’exploiter l’ouvrage et donc, a minima, un caractère onéreux au sens du droit des concessions. Mais le Conseil d’État n’exclut pas ici que le montage puisse être un marché : de son point de vue, il n’est pas possible à ce stade de se prononcer sur la nature exacte du contrat (marché ou concession), même si le cahier des charges et le règlement de la manifestation d’intérêt « semblent pencher vers la qualification de concession en raison de l’exploitation des activités commerciales et de loisirs qui paraît associée à la construction des passerelles ».

 

L’enjeu est donc ailleurs : il s’agit de savoir si ce droit d’exploiter les ouvrages est une « contrepartie » donnée au titulaire de l’autorisation domaniale, en considération de ce qu’il va satisfaire un besoin de la personne publique et réaliser en conséquence une « prestation ». Et, sur ce sujet, le Conseil d’État apporte plusieurs précisions. Il rappelle d’abord que des contrats domaniaux « qui portent non pas sur une prestation de services déterminée […] mais sur l’autorisation d’exercer une activité économique dans une zone domaniale […] ne relèvent pas de la catégorie des concessions », comme la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de le dire à l’occasion d’un arrêt qui a sinon autrement suscité l’émotion (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa, C-458/14). Il indique ensuite qu’une prestation (la satisfaction d’un besoin public) ne « relève de la commande publique que si elle comporte un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur », reprenant par la même une formule sollicitée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 25 mars 2010, C-451/08, Helmut Müller). Mais, et c’est bien dommage, le Conseil d’État n’apporte toutefois pas, ou très peu de précisions sur la portée qu’il convient de donner à cette formule. En l’espèce, et sans surprise, il juge que le contrat entend satisfaire un « besoin public » : dans la mesure où la réalisation des passerelles avait pour objectif de faciliter les déplacements au sein de la capitale et le franchissement de la Seine, il est clair que le montage répondait à un besoin de la Cité.

 

Le vrai sujet, mais le Conseil d’État ne le présente pas de cette façon, est de savoir si ce besoin est un besoin précisé par les acheteurs publics concernés. A suivre les textes, il n’est en effet de commande publique que si l’ouvrage répond à des exigences fixées par l’acheteur public, lequel a exercé une « influence déterminante sur sa conception et sa nature ». Et, sur ce terrain, le Conseil d’État écrit que « les ponts figurent en outre sur la liste des activités qui sont des travaux en droit de la commande publique […] pour lesquelles existe une forme de présomption de réponse à un besoin de la personne publique ». Selon lui, « en effet, lorsqu’un pouvoir adjudicateur confie la conception et la réalisation d’un pont à un opérateur économique, il n’est pas nécessaire de vérifier que ce dernier a fixé des exigences et exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage », ce qu’il n’est possible sinon de déduire qu’après un examen minutieux du projet et du contexte qui l’entoure. La présomption ainsi posée a suscité, sans doute à juste titre, quelques réserves. Pour certains, la liste a en effet pour seul objet de définir ceux des ouvrages qui entrent dans le champ d’application de la commande publique, sans pour autant déterminer s’ils répondent à un besoin de la personne publique : dans la mesure où un très grand nombre d’ouvrages sont inscrits sur cette liste, toute autre interprétation priverait d’effet utile la condition posée par les textes et attachée à l’influence déterminante de l’acheteur public sur la nature et le conception des ouvrages (L. Richer, « L’appel à projets Fluctuat nec mergitur », AJDA, 2019, p. 1433).

 

Mais le débat demeure sans objet sur le cas d’espèce : le Conseil d’État prend soin en effet d’établir qu’« en tout état de cause », la Ville de Paris a exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception des passerelles et fixé des exigences précises sur l’animation des équipements dont aura la charge le titulaire de l’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. Le Conseil d’État relève ainsi que la Ville a imposé de nombreuses prescriptions tenant au maintien des activités économiques et industrielles déjà en place, et tenant à la mise en œuvre d’une démarche écologique/durable. Et il prend soin à cet égard de distinguer ces exigences propres et spécifiques de celles qui sont attachées aux règles d’urbanisme et de sécurité, lesquelles ne peuvent être en revanche prises en compte pour apprécier l’exercice d’une influence déterminante, et ce en considération de ce qu’elles s’appliquent indépendamment du projet et de la personne qui en est à l’initiative (CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller, C 451/08).

 

Quelque soit le mode d’examen retenu – présomption ou examen approfondi – le Conseil d’État en déduit que les contrats à conclure à l’issue de l’appel à projets répondent effectivement à un besoin (précisé) de la personne publique et qu’ils seront bien en conséquence des contrats de la commande publique dont la nature exacte (marché ou concession) dépendra du modèle et de l’équilibre économique retenu.

 

I.2. – Ce faisant, le Conseil d’État « censure » la procédure de l’appel à projet lancé par la Ville. Après avoir rappelé que la publicité réalisée par la Ville de Paris consistait en une simple mise à disposition des documents sur son site internet et en une communication sur les réseaux sociaux, le Conseil d’État indique que cette publicité ne saurait être regardée comme l’une « des procédures de publicité prévues par les textes qui doivent être observés préalablement à la conclusion d’un contrat de la commande publique ». En conséquence, et en considération de ce que ce vice – le non-respect des procédures prescrites par les règles de la commande publique – n’est pas régularisable, la procédure doit selon lui être annulée et reprise depuis le début : la poursuite de la procédure aurait pour effet la signature d’un contrat entaché d’irrégularité.

 

Le Conseil d’État précise par ailleurs à cette occasion les conséquences de l’annulation de l’appel à projets : d’une part, il rappelle que l’exclusion de l’indemnisation prévue par le cahier des charges de l’appel à projets est sans incidence sur l’application des règles de droit commun de la responsabilité, et donc sur la possibilité pour les candidats d’obtenir réparation de leur préjudice. D’autre part, il indique que, dans l’hypothèse où la Ville souhaiterait lancer une nouvelle procédure, cette fois dans le respect des règles de la commande publique, elle devra veiller au respect de l’égalité de traitement entre les candidats en laissant suffisamment de temps aux nouveaux candidats pour présenter une offre dans le cadre de la nouvelle procédure lancée.

 

II – Au-delà des questions relatives à la requalification des conventions d’occupation du domaine public en contrat de la commande publique, le gouvernement interrogeait également le Conseil d’État sur l’application de certaines des dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques, et ce notamment en considération de ce que le projet concernait quatre dépendances gérées chacune par une autorité différente : le domaine public routier de la Ville de Paris (les quais hauts), le domaine public fluvial artificiel du Port autonome de Paris (les quais bas), le domaine public fluvial naturel de l’État géré pour une part par VNF (le chenal de navigation) et géré, pour le reste, par le Port autonome de Paris (bande de 24 mètres du plan d’eau).

 

II.1. – Le gouvernement souhaitait plus précisément savoir s’il pouvait octroyer des droits réels au titulaire de l’autorisation d’occupation du domaine, et ce alors même que l’autorisation allait porter, pour l’essentiel, sur l’espace situé au-dessus de la Seine, laquelle appartient au domaine public fluvial naturel, dont on sait qu’il ne peut donner lieu à l’octroi d’aucun droit réel (article L. 2122-5 du CG3P).

À ce sujet, le Conseil d’État reprend le raisonnement qu’il avait tenu à propos des espaces qui surplombent le domaine maritime naturel (CE, 6 juin 2018, Arditty, req. n° 410651), pour l’appliquer cette fois à un fleuve : l’espace situé au-dessus de la Seine n’appartient pas au domaine public fluvial naturel, et ne suit donc pas le même régime, si bien qu’aucune disposition ne fait obstacle à ce que des droits réels soit accordés pour l’occupation de l’espace situé au-dessus de la Seine. Mais il prend soin de relever que le domaine public fluvial naturel n’est pas ici, d’une manière ou d’une autre, affecté par la réalisation des passerelles, puisqu’elles ne vont que le surplomber : la solution eut sans doute été différente si les passerelles avaient reposé, non pas sur des assises situées sur les quais, mais sur des piliers implantés dans la Seine.

 

II.2. – Le Conseil d’État apporte, enfin, quelques précisions sur l’autorité habilitée à mener la procédure de sélection préalable prévue à l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. Il indique à ce titre, qu’en principe, seul le propriétaire ou le gestionnaire du domaine public est compétent pour organiser une telle procédure. Il précise toutefois que la ville de Paris pourrait être habilitée à lancer cette procédure si elle est mandatée à cet effet par les gestionnaires des dépendances du domaine public sur lesquelles vont porter les autorisations. Il précise que le mandat pourrait découler de la signature de protocoles de partenariat, comme le prévoyait la Ville de Paris dans le cadre de ce projet ; mais il précise qu’il pourrait également résulter de la constitution de groupements de commande ou de groupements d’autorités « concédantes ».

Par Victoria Goachet.

Prestations d’aide sociale départementales : Quelle marge d’appréciation pour les départements dans la définition des conditions d’attribution des prestations ?

Deux arrêts du Conseil d’Etat en date du 29 mai 2019[1] ont permis de revenir sur la marge d’appréciation dont disposent les départements dans la définition des conditions d’attribution et des montants des prestations d’aide sociale dont ils ont la charge dans le règlement départemental.

1 – La compétence du département pour attribuer des aides sociales

Il résulte de l’article L. 111-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) que « toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d’attribution, des formes de l’aide sociale ». L’aide sociale est un système de solidarité nationale destiné à toute personne confrontée à des difficultés d’ordre social et matériel, de dépendance ou de handicap.

Ainsi que cela est aujourd’hui inscrit de manière légale au sein des articles L. 121-1 et L. 121-3 du CASF, le département est la collectivité territoriale pivot de l’aide sociale. Chaque département est ainsi chargé de mettre en application l’aide sociale sur son territoire, conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Il convient toutefois de différencier les prestations d’aide sociale légales – obligatoires – des prestations extra-légales, créées par le département de sa propre initiative.

Au titre des aides sociales légales l’on compte les aides sociales accordées aux personnes en situation de handicap (la prestation de compensation du handicap par exemple), celles attribuées aux personnes âgées (l’allocation personnalisée d’autonomie par exemple) ou encore aux personnes en difficulté (le revenu de solidarité active par exemple).

Les départements – comme les communes ou les centres intercommunaux d’action sociale, autres collectivités compétentes en matière d’aide sociale – peuvent aussi mettre en place des aides extralégales, aussi appelées aides facultatives. Elles consistent en des prestations à caractère social, éducatif, préventif qui répondent à des besoins spécifiques (prise en charge de frais de cantine par exemple). Elles sont ponctuelles ou forfaitaires. Leurs conditions d’attribution dépendront de la collectivité et du règlement qu’elle a adopté et sont souvent soumises à conditions de ressources.

A côté des conditions d’attribution fixées par la loi, l’article L. 111-4 du CASF prévoit en effet que pour les aides sociales relevant de la compétence du département, ce sont les dispositions du règlement départemental d’aide sociale qui régissent les conditions d’attributions. Cela vaut autant pour l’aide sociale dite obligatoire que pour les aides sociales facultatives.

En application de l’article L. 121-3 du CASF, le conseil départemental adopte ainsi un règlement départemental d’aide sociale qui va définir les règles selon lesquelles il accordera les prestations d’aide sociale relevant de sa compétence. Dans ce cadre l’article L. 121-4 du CASF précise qu’il peut notamment décider d’assouplir les conditions d’attribution et ainsi définir des exigences et montants plus favorables que ceux prévus par la règlementation pour les prestations d’aides sociales dont il a la charge. Il doit dans ce cas assumer les impacts financiers de ces décisions.

La question se pose alors de savoir ce que permet exactement le règlement départemental d’aide sociale.

2 – La portée limitée du règlement départemental d’aide sociale

Alors même qu’il revient au conseil départemental de fixer les conditions d’attribution des aides sociales départementales dans le cadre de l’édiction de son règlement départemental, il dispose à cet égard d’une marge de manœuvre limitée. En effet, s’il ne respecte pas les instructions qui seront ci-après détaillées, il pourra voir sa décision refusant d’accorder une aide sociale annulée, voire son règlement départemental sanctionné d’illégalité par le juge administratif.

Il convient de différencier trois cas pour lesquels la marge de manœuvre dont bénéficie le département pour l’établissement dans son règlement départemental d’aides sociales varie.

  • Lorsque les conditions d’attribution ou les montants des prestations sont déterminées par les lois et les décrets

Tout d’abord, le règlement départemental ne peut édicter que des conditions plus favorables dans le cas où les conditions d’attributions ou les montants des prestations sont déterminées par les lois et les décrets qui les régissent. Ainsi, un département ne peut refuser une prestation d’aide sociale en invoquant seulement une condition énoncée au règlement départemental. Le conseil départemental ne peut donc délibérer que dans un sens plus favorable, excluant par là-même l’ajout de critères ou de conditions supplémentaires d’accès. De la même manière, il ne peut définir des montants de prestations plus faibles que ceux prévus par la loi ou les décrets.

Cette règle n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat avait déjà pu se prononcer en ce sens antérieurement[2].

C’est ainsi que le règlement départemental d’aide sociale ne peut prévoir que l’aide à domicile ou financière prévue aux articles L. 222-2 et 222-3 du CASF dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance soit limitée à un certain montant par ménage et à un nombre maximum de renouvellement au cours d’une certaine période, alors même que ces articles n’entendent pas restreindre la durée de cette aide aux familles concernées[3].

  • Lorsque les conditions d’attributions ou les montants des prestations ne sont pas « précisément fixés»

Dans ce cas, le règlement départemental peut préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l’évaluation de la situation. En revanche, il ne peut pas fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le camp des dispositions législatives applicables.

A titre d’illustration, le Conseil d’Etat a considéré qu’un département ne pouvait refuser la conclusion d’un « contrat jeune majeur », aide contractuelle, en se fondant sur une disposition du règlement départemental d’aide sociale qui imposait, pour la signature d’un tel contrat, que le jeune ait bénéficié d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au cours de sa minorité pendant un an au moins. Ainsi, même si la durée de la prise en charge antérieure par le service de l’aide sociale à l’enfance est un des critères, d’après la Haute juridiction administrative, sur lesquels le département peut légalement se fonder pour accorder la prise en charge d’un jeune majeur, il n’était pas possible de durcir ce critère en prévoyant une condition relative à une prise en charge antérieure d’un an minimum, et cela sans procéder à l’évaluation de sa situation. En effet, selon les juges, il résulte des termes de l’article L. 222-5 du CASF que le Président du département dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

Le Président du conseil départemental ne pouvait légalement refuser cette prise en charge au seul motif et sans procéder à l’évaluation de sa situation qu’il ne remplissait pas la condition fixée par le règlement d’aide sociale du département.

Notons par ailleurs, qu’il n’est pas toujours évident de savoir si les contours d’une prestation sont précisément fixés par la loi et le règlement.

  • Lorsque le département a créé des prestations d’aide sociale

Le département a, in fine, seulement une véritable marge d’appréciation pour les prestations qu’il créées de sa propre initiative, sans qu’aucun texte ni principe textuel ne le prévoit ni ne lui impose.

En effet, en vertu du principe de libre administration des collectivités, le conseil départemental définit librement les critères d’attribution des aides qu’il a décidées de créer. Cependant, il doit les inscrire formellement dans le règlement départemental d’aide sociale, les prestations d’action sociale facultative ne pouvant en effet résulter de simples délibérations prises par la collectivité départementale.

Force est d’ailleurs de constater que contrairement aux dispositifs d’aide sociale obligatoire, l’aide sociale facultative n’occasionne pas de contentieux de masse. Ces litiges relèvent principalement du recours d’excès de pouvoir et le contrôle du juge sur les décisions de refus d’octroi d’aide sociale facultative demeure limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

 

Au final, si le règlement départemental d’aide social est un outil de régulation de l’aide sociale, ce dernier reste d’une importance qui ne doit pas être surestimée, consistant surtout en des lignes directrices pour les départements. Il permet aux départements de fixer des critères et priorités dans l’octroi des aides sociales, mais ne doit pas permettre au département d’abandonner l’examen particulier de la situation du demandeur.

 

[1] CE, 29 mai 2019, req. n° 417406 et 417467

[2] CE, 4 novembre 1994, req. n° 100354

[3] CE, 29 mai 2019, req. n° 417406

Par Olivier Metzger et Esther Doulain

 

Pouvoir du juge de la diffamation quant à l’interprétation de l’acte de poursuite

L’arrêt précité de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 11 décembre 2018 vient rappeler que les juges du fond ne sont pas tenus d’interpréter le caractère diffamatoire de propos incriminés, telle que cette interprétation est proposée par l’acte initial de poursuite (plainte avec constitution de partie civile ou citation directe).

En l’espèce, la présidente d’un parti politique avait fait citer devant le Tribunal correctionnel la directrice de publication d’un organe de presse pour délit de diffamation publique envers un particulier. Elle soutenait qu’au sein d’un article portant sur une enquête judiciaire relative au financement dudit parti dans le cadre des élections législatives de 2012, des propos diffamatoires avaient été tenus à son encontre, à raison des passages suivants : « pour les seules législatives de 2012, le détournement pourrait dépasser 6.000.000 d’euros », « la justice se demande si la présidente du Front National n’est pas la bénéficiaire d’un système conçu pour détourner de l’argent public ».

La citation précisait que « Ces deux passages imputent clairement à Mme B… d’être personnellement la bénéficiaire d’un détournement d’argent public de 6.000.000 d’euros […] Ce détournement atterrirait dans l’escarcelle personnelle de Mme B… ».

Les juges du premier degré avaient retenu le caractère diffamatoire des propos incriminés.

Un appel de la décision était interjeté. Le jugement était infirmé par la Cour d’appel, en considérant « selon les termes mêmes de la citation, la diffamation dont Mme B… s’estime victime réside non pas dans l’imputation d’avoir pu tirer profit, en tant que présidente du Front National, d’un financement frauduleux de ce parti, mais dans celle d’avoir bénéficié personnellement des fonds détournés ; que les juges considèrent cependant que le système de détournement évoqué dans l’article litigieux concerne le financement dudit parti et non un mode d’enrichissement personnel ; qu’ils en déduisent que la partie civile n’est pas fondée à agir en diffamation en prétendant qu’il lui serait imputé d’avoir bénéficié d’un tel enrichissement ».

La Cour de cassation rappelle un principe déjà posé et faisant l’objet d’une jurisprudence constante, selon lequel « les juges ne sont pas tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite ».

Elle rappelle également qu’« il leur appartient de rechercher, en relevant toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques auxdits propos que comporte l’écrit qui les renferme, si ceux-ci contiennent l’imputation ou l‘allégation d’un autre fait contraire à l’honneur ou la considération de la partie civile que celui suggéré dans la citation, de sorte qu’il leur revenait en l’espèce d’examiner si les propos poursuivis par Mme B… ne renfermaient pas l’insinuation que celle-ci aurait tiré profit, en sa qualité de présidente du Front National, des agissements frauduleux imputés à ce parti politique, voire aurait eu une part de responsabilité dans ces faits ».

Ainsi, si le juge de presse n’est saisi que des propos figurant sur l’acte de poursuite, il reste libre d’apprécier – dans le texte qui lui est soumis pour sanction – si ce texte ne comporte pas d’autre imputation que celle présentée ou suggérée dans l’acte de poursuite.

Possibilité d’exclure un candidat d’une procédure de passation d’un contrat pour des agissements constatés lors d’autres procédures

Par une décision en date du 24 juin dernier, le Conseil d’Etat a précisé les conditions permettant à l’acheteur public d’exclure une candidature sur le fondement de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (désormais les articles L. 2141-7 à 2141-11 du Code de la commande publique).

Cinq motifs visés à l’article 48-I de l’ordonnance précitée permettent à un acheteur d’exclure un candidat, sans y être obligé, parmi lesquels figurent la tentative d’influence sur le processus décisionnel (2°) et l’existence d’un conflit d’intérêts (5°). Ces exclusions « à l’appréciation de l’acheteur »[1] s’exercent sous la réserve de proposer au préalable au candidat de justifier de « son professionnalisme et sa fiabilité » et de l’absence d’atteinte de sa candidature à l’égalité de traitement des candidats (art. 48-II)[2].

Dans l’affaire commentée, le Département des Bouches-du-Rhône a lancé, à trois reprises (en 2016, 2017 et 2018), une procédure pour la passation d’un marché public de travaux portant sur les archives et la bibliothèque départementales situées à Marseille.

Après la déclaration sans suite de la première procédure liée à une procédure pénale impliquant la société candidate EGBTI, cette dernière a ensuite été exclue des deux autres procédures par le Département sur le fondement du 2° (tentative d’influence) et du 5° (conflits d’intérêts) de l’article 48-I de l’ordonnance précitée.

Saisi par cette société, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision d’exclusion de sa troisième candidature, ainsi que la procédure de passation, par une ordonnance du 28 février 2019 contre laquelle le Département s’est pourvu en cassation.

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat a tout d’abord précisé que l’article 45-I-2° de l’ordonnance précitée (tentative d’influence) ne peut être mise en œuvre qu’« au vu d’éléments précis et circonstanciés […] dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique » – ces précisions n’étant pas prévues dans le texte de l’ordonnance.

Puis, le Conseil d’Etat a jugé que le Département était fondé à exclure la candidature de la société EGBTI sur le fondement du 2° de l’article 45-I de l’ordonnance précitée (tentative d’influence) mais pas sur le 5° du même article 45-I (conflits d’intérêts).

Si les agissements d’une personne présentée comme le dirigeant de fait de la société lors des procédures de passation antérieures ont été de nature à faire douter de sa probité et que sa fiabilité et son professionnalisme n’ont pas pu être rétablis, le fait que le Département se soit constitué partie civile dans la procédure pénale ouverte contre les mêmes agissements de cette personne, était insuffisant, selon le Conseil d’Etat, pour créer une situation de conflit d’intérêts.

Mais, estimant que la décision du Département aurait été la même en se fondant uniquement sur l’article 48-I-2° de l’ordonnance précitée, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du Tribunal administratif de Marseille.

Il convient toutefois de ne pas tirer une interprétation extensive de ces dispositions par le Conseil d’Etat, une candidature doit présenter « un risque suffisamment sérieux »[3] au regard des conditions de mise en concurrence, de transparence et d’égalité des candidats, pour que l’acheteur puisse envisager de l’exclure sur le fondement de l’article 48-I-2° précité.

 

[1] Pour reprendre les termes des titres du Code de la commande publique.

[2] Ces dispositions existent aussi pour les contrats de concession (voir l’article 42 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 3123-7 à L. 3123-11 du Code de la commande publique).

[3] Selon les termes du rapporteur public, M. Gilles Pellissier, dans ses conclusions sous la décision commentée.

VEFA : adoption du décret du 25 juin 2019 relatif aux travaux réservés par l’acquéreur d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement

Le décret en date du 25 juin 2019 pris en application de l’article 75 de la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a modifié les dispositions de l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation relatives à la vente en l’état futur d’achèvement et permet au vendeur et à l’acquéreur de convenir, au stade du contrat préliminaire, de certains travaux de finition ou d’installation d’équipements sanitaires dont l’acquéreur peut se réserver l’exécution après la livraison du logement.

Ce décret détermine la nature des travaux dont l’acquéreur peut se réserver l’exécution.

Il prévoit, en effet, que les travaux de finition des murs intérieurs, de revêtement ou d’installation de chauffage et sanitaire et, le cas échéant, du mobilier pouvant les accueillir font partie des travaux qui peuvent être pris en charge par l’acquéreur.

En pratique, le décret adapte les mentions obligatoires du contrat préliminaire et la définition de l’achèvement de l’immeuble lorsque l’acquéreur se réserve l’exécution de travaux.

Ainsi, le contrat préliminaire comportera une clause en caractère très apparents stipulant que l’acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux, qu’il réalise après la livraison de l’immeuble.

Il précisera également la décomposition du prix comme suit :

  • Le prix de vente convenu ; 
  • Le coût des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le vendeur ;
  • Le coût total de l’immeuble égal à la somme du prix convenu et du coût des travaux mentionnés aux prix de vente convenu et ceux dont l’acquéreur se réserve l’exécution.

Toutefois, ce texte autorise l’acquéreur à revenir sur sa décision et donc à revenir sur la clause par laquelle il a manifesté sa volonté de se réserver l’exécution de travaux de finition ou d’installation d’équipements, en notifiant sa décision au vendeur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre recommandée électronique dans le délai stipulé aux termes du contrat préliminaire.

 

Recours « Béziers I » – Les parties à un contrat administratif sont en droit d’en contester la validité pendant toute sa durée d’exécution

Par un arrêt en date du 1er juillet 2019, le Conseil d’État a précisé les conditions du recours dit « Béziers I » – lequel, pour rappel, permet aux parties à un contrat administratif de saisir le juge d’un recours de plein contentieux aux fins de contester la validité du contrat qui les lie (CE, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802) –, en jugeant que les parties peuvent former ce recours pendant toute la durée d’exécution du contrat.

S’agissant du contexte, rappelons que l’Association pour le musée des Iles Saint-Pierre et Miquelon a conclu avec le Conseil général de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le 31 décembre 1998, une convention prévoyant, sans limitation de durée, d’une part, le transfert à cette collectivité de la propriété de l’ensemble des œuvres d’art et objets constituant sa collection en vue de son affectation à un nouveau musée créé par cette dernière et, d’autre part, les modalités de participation de l’Association à la mission de service public de gestion du musée. Toutefois, plusieurs années après, cette association a contesté la validité de cette convention devant le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Or, sa demande a été rejetée par décision du Tribunal précité, en date du 15 juillet 2015, au motif que son action était prescrite par application de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil. Et, la Cour administrative de Bordeaux ayant rejeté, par un arrêt en date du 29 juin 2017 et pour le même motif, son appel formé à l’encontre de ce jugement, l’Association pour le musée des Iles Saint-Pierre et Miquelon s’est pourvue en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’Etat.

A ce titre, et pour faire échec à ce pourvoi, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a soutenu devant le Conseil d’Etat que la convention litigieuse n’avait pas un caractère administratif. Néanmoins, saisi sur renvoi effectué par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 6 juin 2018, le Tribunal des conflits a jugé, par une décision du 10 décembre 2018, que ce contrat avait le caractère d’un contrat administratif et, partant, que son contentieux relevait bien de la compétence de la juridiction administrative.

C’est ainsi que, par sa décision du 1er juillet 2019, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux au motif que l’action de l’association requérante n’était pas prescrite en vertu de l’article 2224 du Code civil.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé le considérant de principe dégagé dans sa décision du 28 décembre 2009 selon lequel « les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ».

Ensuite, et c’est l’apport essentiel de l’arrêt ici commenté, le Conseil d’Etat a jugé que l’action des parties à un contrat administratif en contestation de la validité de celui-ci est ouverte « pendant toute la durée d’exécution de celui-ci »

Ainsi, réglant l’affaire au fond et faisant application de la solution précitée, le Conseil d’Etat a relevé « qu’aucune règle de prescription n’est opposable à l’action en contestation de validité de la convention du 31 décembre 1998 de l’association requérante qui a été exercée pendant la durée d’exécution de ce contrat » de telle sorte que « l’association est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande au motif qu’elle était prescrite par application de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil ».

Enfin, le Conseil d’Etat a fait application du considérant de principe précédemment rappelé et a relevé, en premier lieu, que si la convention litigieuse n’avait pas été approuvée par l’autorité administrative après avis du Haut Conseil des musées de France en méconnaissance des dispositions de l’article L. 451-10 du Code du patrimoine, « cette circonstance, qui ne constitue pas, en tout état de cause, un vice d’une particulière gravité de nature à justifier l’annulation du contrat, n’est pas, en l’espèce, invocable à l’appui de son action, compte tenu de la durée pendant laquelle le contrat litigieux a été exécuté, et eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles ». En deuxième lieu, le Conseil d’Etat a considéré que « eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, l’association requérante ne saurait invoquer […] la circonstance que [la convention litigieuse] aurait été conclue en méconnaissance des règles de fonctionnement des associations prévues par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association au motif, d’une part, que les membres qui l’ont approuvée ne faisaient pas partie du bureau directeur de l’association et, d’autre part, que le procès-verbal de l’élection du président qui en était signataire n’a pas été transmis au représentant de l’Etat dans la collectivité territoriale ». En troisième lieu, le Conseil d’Etat a jugé que le fait que cette convention n’ait pas été transmise au représentant de l’Etat dans la collectivité territoriale était sans incidence sur sa légalité.

Au final, le Conseil d’Etat a retenu que l’association requérante n’était « pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande en annulation de la convention du 31 décembre 1998 ».

Les limites de la protection du lanceur d’alerte en matière disciplinaire

L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique définit le lanceur d’alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Les agents effectuant un signalement conformément à ces dispositions bénéficient d’une protection particulière. En effet, l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires garantit aux agents qu’aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à leur égard pour avoir « relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts […] » dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

Ainsi, lors d’un contentieux disciplinaire, il appartient au juge saisi d’un moyen en ce sens d’apprécier si le fonctionnaire bénéfice de cette protection et si par conséquent la sanction disciplinaire prise sur le fondement de la dénonciation de ces faits est entachée d’irrégularité.

Telle était la question sur laquelle a dû statuer la Cour administrative d’appel de Nancy dans son arrêt du 6 juin 2019.

Dans cette affaire, un agent sollicitait le bénéfice des dispositions de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 dans le cadre d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre pour avoir, par voie de presse, fait part de ses craintes quant à la sécurité des usagers d’un équipement sportif intercommunal. Plus précisément, l’agent avait dénoncé des taux élevés de chloramine dans l’eau de baignade de la piscine (générant selon lui un risque sanitaire), ainsi qu’un sous-effectif de maitres-nageurs sauveteurs (qui aurait généré des risques pour la sécurité des usagers).

La Cour, comme le Tribunal avant elle, a cependant écarté l’application de la protection instituée par la loi du 9 décembre 2016 pour deux motifs.

D’une part, la Cour considère qu’il n’existait pas de danger imminent ou de risque de dommages irréversible justifiant que le signalement soit directement rendu public et ce sans alerter préalablement le supérieur hiérarchique comme cela est prévu en principe par le dispositif de lancement d’alerte.

D’autre part, la Cour considère que les alertes émises par l’agent ont été traitées par l’administration dans un délai raisonnable, bien qu’elle ait pris des mesures plusieurs mois après la dénonciation des dysfonctionnements.

Ainsi, la Cour considère que l’agent ne pouvait se prévaloir de la protection réservée aux lanceurs d’alerte et qu’en dénonçant des faits dont il avait eu connaissance pendant l’exercice de ses missions, il avait méconnu à son devoir de réserve justifiant ainsi l’édiction d’une exclusion temporaire de fonctions de trois mois, dont deux avec sursis.