Les estimations des mesures foncières prévues aux plans de prévention des risques technologiques ne s’imposent pas aux décisions administratives futures de mise en œuvre du plan

Le Conseil d’Etat a rendu une décision portant sur la possibilité d’invoquer les estimations des coûts des mesures foncières prévues aux plans de prévention des risques technologiques à l’appui d’une demande d’annulation de ce plan.

Le 14 novembre 2014, le préfet de l’Aude a approuvé un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) autour des sites de la société Frangaz, autorisés au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, sur la zone portuaire de la commune de Port-la-Nouvelle. La société a introduit un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Montpellier tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral. La société entendait contester la pertinence du coût estimé des futures mesures d’indemnisation des mesures foncières éventuelles, et qui figurent au PPRT.

Le 22 novembre 2016, le Tribunal administratif a rejeté la demande. Le jugement est confirmé le 13 juillet 2018 par la Cour administrative d’appel de Marseille. La société a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

On notera ici que l’article L. 515-16 du Code de l’environnement prévoit un mécanisme d’acquisition, par les personnes publiques, des biens situés dans des secteurs où se présentent des risques pour la vie humaine. D’une part, l’article L. 515-16 II permet aux propriétaires de biens situés dans des secteurs où existent des risques importants d’accident présentant un danger grave pour la vie humaine de mettre en demeure la personne publique compétente en matière d’urbanisme de procéder à l’acquisition de leur bien. D’autre part, le III du même article permet à l’Etat, lorsque le même risque représente un danger très grave pour la vie humaine, de déclarer d’utilité publique l’expropriation des biens situés dans la zone concernée, au profit de la personne publique compétente en matière d’urbanisme. Dans ce cadre légal, l’article L. 515-19 du Code de l’environnement prévoit que l’ensemble des mesures d’acquisition et expropriation susvisées sont financées par l’Etat, les exploitations d’installations à l’origine du risques et les collectivités territoriales compétentes. Le plan de prévention des risques comprend, en vertu de l’article R. 515-41 du Code de l’environnement, une estimation indicative du coût de ces mesures foncières.

Le Conseil d’Etat a alors considéré que cette estimation indicative du coût des mesures foncières n’a pas pour objet de déterminer le montant des indemnités versées aux propriétaires faisant l’objet desdites mesures foncières, ni de fixer les modalités de financement de ces mesures. Le Conseil d’Etat en conclut dès lors que l’estimation ne peut pas être opposée aux futures décisions administratives prises pour mettre en œuvre le plan et que, partant, la non-pertinence des coûts estimés ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions tendant à l’annulation du plan de prévention des risques.

Total S.A. assigné par 14 collectivités et 4 associations devant le Tribunal judiciaire de Nanterre

Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales (douze communes, une région et un établissement public) accompagnées cinq associations ont assigné la société Total en justice sur le fondement du non-respect de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Elles demandent à titre principal que la société émette un nouveau plan de vigilance en conformité avec les exigences de la loi. A titre complémentaire, elles demandent au juge d’ordonner, sous astreinte, à Total de s’engager à réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre effectivement la neutralité carbone.

S’agissant de l’intérêt à agir des collectivités territoriales, les requérantes décrivent d’une part les risques d’atteinte grave à l’environnement, mais aussi à la santé et à la sécurité de leurs administrés. Or chacune des populations des différentes collectivités est exposée aux risques du changement climatique : les populations urbaines sont exposées aux risques liées aux pics de chaleurs ; les populations des collectivités de la région méditerranéenne sont exposées aux risques de sécheresse ; d’autres sont exposées aux risques d’inondation et de submersion.

Par ailleurs, les collectivités soulignent qu’elles sont tenues d’agir contre les effets du changement climatique au titre d’un certain nombre d’obligations :

  • d’abord, au titre des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) prévus à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement ainsi que des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) prévus à l’article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT)
  • ensuite, les requérants rappellent que le maire est tenu d’un pouvoir de police générale tenant à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques au titre de l’article L. 2212-1 CGCT.
  • enfin, les dispositions de l’article L. 225-102-4 du Code de commerce relatives au plan de vigilance prévoient l’implication des parties prenantes de la société, y compris à l’échelle territoriale.

S’agissant des obligations relatives à la loi sur le devoir de vigilance, l’article L. 225-102-4 du Code de commerce impose à certaines sociétés d’établir un plan de vigilance et de le mettre en œuvre de manière effective. Cet article précise le contenu de ce plan, qui doit comporter les mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et prévenir les atteintes envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement.

Les requérantes estiment en premier lieu que les activités de Total contribuent à des risques d’atteintes graves envers les valeurs visées par l’article L. 225-104-4 du Code de commerce, dans la mesure où les activités de la société en feraient un des principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (GES). L’absence de prise en compte de cette considération par le plan de vigilance le rend, selon les requérants, non-conforme aux exigences légales.

En deuxième lieu, les requérantes considèrent que le plan de vigilance de Total n’est pas conforme à loi qui requiert l’identification et la prévention des risques liés au réchauffement climatique. A titre d’illustration, l’article L. 225-104-4 du Code de commerce dispose que le plan de vigilance doit comporter une cartographie des risques, absente du plan de vigilance de Total. De plus, l’assignation pointe ce qui est considéré comme des manquements dans l’identification des risques liés au changement climatique, en particulier la société se réfère à des scénarios qui ne permettent pas de se conformer à l’Accord de Paris. Enfin, les mesures d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes à l’environnement sont considérées comme insuffisantes. A titre d’exemple, l’objectif de Total d’augmentation de sa production de gaz naturel liquéfié, qui est une énergie fossile dont le potentiel de réchauffement global est 72 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, soulève des problématiques de compatibilité avec les prévisions du GIEC. Les requérantes demandent au juge d’enjoindre Total, sur le fondement de l’article L. 226-104-4, II du Code de commerce, de mettre son plan de vigilance en conformité avec les exigences légales.

A titre complémentaire, les requérantes demandent au juge de prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir le dommage écologique sur le fondement de l’article 1252 du Code civil. Ainsi, les requérantes demandent à ce que le juge ordonne à Total de publier, dans un délai de six mois, un engagement à prendre différentes actions. Elles souhaitent notamment que le juge ordonne à Total de publier et mettre en œuvre l’alignement de l’ensemble de ses activités sur la trajectoire de réduction des émissions de GES définie par le GIEC visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ou de réduire sa production de gaz et de pétrole d’ici à 2050.

La prise en compte de l’impact écologique des processus internes du candidat dans les marchés publics

Un groupement d’intérêt public (GIP) a engagé une procédure de passation de marché public pour la location, l’installation et la maintenance de matériel de téléphonie et d’accès à internet. Ce marché devait couvrir le siège et l’ensemble des antennes du GIP. L’un des sous-critères de l’évaluation de l’offre était relatif aux « moyens apportés à l’impact écologique de la structure » dans les procédures des soumissionnaires.

L’une des sociétés soumissionnaires a vu son offre refusée et a introduit une demande de référé-précontractuel devant le Tribunal administratif de Lille au motif, entre autres, que la prise en compte d’un sous-critère d’évaluation de l’offre relatif à l’impact écologique des processus internes des candidats constitue un manquement, par le pouvoir adjudicateur, aux règles de mise en concurrence. En particulier, un tel critère aurait un caractère discriminatoire contraire à l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique.

Le juge des référés a alors rappelé que l’article R. 2152-7 précité dispose que, pour attribuer un marché, l’acheteur peut se fonder sur une pluralité de critères non-discriminatoires liés aux conditions d’exécution du marché, comme les aspects environnementaux. Il considère que la prise en compte de l’impact écologique comme critère de choix de l’offre la plus économique avantageuse n’a pas d’effet discriminatoire, car ce critère est rendu nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations. A cet égard, la fourniture de matériels de téléphonie et d’accès à internet « implique une appréciation des conditions du recyclage de ces matériels quand ils sont obsolètes ou défectueux » [1].

Le juge des référés a dès lors rejeté, sur ce moyen ainsi que sur les autres, la requête examinée.

[1] TA Lille, §6.

Office français de la Biodiversité : publication de l’arrêté organisant la contribution financière des agences de l’eau pour l’année 2020

L’Office français de la Biodiversité (OFB), fusion de l’Agence française pour la Biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et dont nous exposions les modalités des contributions financières auprès des établissements publics des parc nationaux dans la LAJEE du mois dernier, est financé pour partie par une contribution des agences de l’eau, dans la continuité de celle versée jusqu’alors à l’AFB.

L’article 135 de la loi de finances pour 2018 (n° 2017-1837) modifiée par la loi de finances pour 2020 (n° 2019-1479) prévoit que le montant de cette contribution annuelle doit s’élever à hauteur d’un montant compris entre 321,6 et 348,6 millions d’euros.

Ce montant pour 2020 a été fixé par arrêté du 4 février 2020 à 331 894 272 d’euros. L’arrêté répartit cette somme entre les six agences de l’eau, soit des contributions allant de 19 482 194 euros à 126 020 255 euros suivant les agences. Ces contributions feront l’objet de quatre versements répartis au long de l’année, de février à novembre.

Evaluation environnementale – Conséquences pratiques de l’annulation de dispositions règlementaires relatives aux conditions d’organisation de cette évaluation : une laborieuse mise au point

Le Conseil d’Etat est désigné comme l’un des garants de la bonne transposition des Directives européennes en droit interne, à travers, notamment, l’examen des recours introduits contre les décrets dont l’objet est précisément d’effectuer ces transpositions.

L’année 2017 a, à cet égard, été une année particulièrement marquée par l’annulation, par le Conseil d’Etat, de dispositions règlementaires du Code de l’environnement et du Code de l’urbanisme, afférentes aux conditions de l’organisation de l’évaluation environnementale telle que décrite à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, au regard de deux directives européennes : la directive 2001/42/CE du Parlement et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

 

Plus précisément, trois arrêts importants sont à retenir :

Conseil d’Etat, 19 juillet 2017, n° 400420 – dans cet arrêt, le Conseil d’Etat annule :

  • Les articles R. 104-21 à R. 104-22 du Code de l’urbanisme issus de l’article 1er du décret du 28 décembre 2015 en tant qu’ils désignent l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs ;
  • Les articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme issue du décret du 28 décembre 2015, en ce qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où, d’une part, les évolutions apportées au plan local d’urbanisme par la procédure de la modification et, d’autre part, la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ;
  • Le II de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015.

 

Conseil d’Etat, 6 décembre 2017, n° 400559 et Conseil d’Etat, 28 décembre 2017, n° 407601 – dans ces arrêts, le Conseil d’Etat annule les 1°, 11° et 27° de l’article 1er du décret du 28 avril 2016 en tant qu’ils maintiennent, au VI de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, et à l’article R. 122-27 du même Code, la désignation du préfet en région en qualité de l’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement.

Ces trois décisions, au regard notamment de leurs fortes incidences pratiques, ont largement été commentées en doctrine (voir pour quelques exemples : Constr. Urb. N°1, janv 2018 comm. 1 L. Santoni, « L’autorité environnementale doit être autonome à l’égard du maître d’ouvrage et de l’autorité compétente » ; AJDA 2017 2437, JM Pastor « La séparation des fonctions s’impose au sein des autorités compétentes en matière d’environnement » ; AJDA 2019 2223, C. Malverti & C. Beaufils « Evaluation environnementale : l’enfer vert » ; RDI 2017 498, M. Revert « Nouvelle censure de la réglementation française d’urbanisme relative à l’évaluation environnementale » ; AJDA 2019 668, MC de Montecler, « Les autorités environnementales au bord de la rupture ». )

 

L’objet ne sera donc ici pas d’en faire une nouvelle analyse, mais de faire le point, trois ans après, sur les conséquences concrètes de ces annulations, et sur les modalités permettant d’éviter une annulation contentieuse pour les porteurs de plans et projets qui ont appliqués des dispositions alors en vigueur, et qui ont vu leur procédure viciée, en cours de réalisation, du fait de l’intervention des décisions du Conseil d’Etat.

En effet, concrètement, si ces correctifs apportés par le Conseil d’Etat apparaissaient nécessaires au regard du droit européen et notamment des directives précitées, ils ont placés les porteurs de plans et projets dans une situation qui a pu leur apparaître, à certains égards, injuste. Ceux-ci ont fait une application stricte des textes alors en vigueur, mais voient, en cours de réalisation, leur projet, ou bien leur procédure d’évolution d’un plan, affecté d’un vice de procédure qu’ils ne pouvaient pas anticiper.

 

Ces difficultés sont accentuées par deux éléments.

– Le premier point ressort du fait que les décrets de substitution, qui doivent intervenir pour tenir compte de l’annulation des dispositions règlementaires du Code de l’environnement et du code de l’urbanisme, tardent à voir le jour.

Si un projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme a été mis à la consultation en octobre 2018, il n’a pourtant pas encore été adopté.

De même, pour les dispositions du Code de l’environnement désignant l’autorité environnementale compétente, un projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale des projets a fait l’objet d’une consultation publique qui s’est achevée le 28 février dernier.

Dans cette attente, les praticiens doivent faire face à un vide juridique que le juge administratif doit combler tant bien que mal. A cet égard, la doctrine souligne que « l’article R. 122-6 demeure, pour l’heure, toujours orphelin d’une autorité environnementale compétente lorsque la décision d’autoriser le projet revient au préfet de région » (AJDA 2019 2223, C. Malverti & C. Beaufils « Evaluation environnementale : l’enfer vert »).

 

– La seconde difficulté corrélative ressort du fait que le Conseil d’Etat n’a pas, dans un premier temps, dans ses jugements des 19 juillet, 6 et 28 décembre 2017, tiré les conséquences des annulations qu’il prononçait. Il n’a, à cet égard, pas donné de feuille de route aux juges du fond et aux porteurs de projets et de plans, pour tenir compte de ces annulations, et de la soudaine imperfection procédurales qu’elles ont induits.

M. Dutheillet de Lamothe, le rapporteur public de la décision du 6 décembre 2017, avait estimé que la question devrait être traitée « au stade de l’examen particulier de chaque recours contre l’autorisation d’un projet délivré en méconnaissance de la directive ».

 

1 – L’option quasiment incontournable de la régularisation

Afin d’éviter les annulations, et corrélativement une grande perte de temps et l’obligation de reprendre la procédure dans son intégralité, le recours principal ouvert par le juge est celui de la régularisation.

Concrètement, cela implique de reprendre cette procédure, mais seulement à compter de l’étape qui est viciée, et de sceller la régularisation par l’intervention d’une nouvelle délibération, d’un nouvel arrêté, en fonction des procédures, mais qui ne seront que complémentaires, et viendront se greffer au premier pour le corriger.

En effet, l’intervention de cet acte complémentaire est en principe obligatoire l dans la mesure où le Conseil d’Etat a précisé que « seule une nouvelle délibération du conseil municipal confirmant la délibération attaquée approuvant le projet de carte communale, au vu de cet avis, est de nature à permettre la régularisation du vice relevé » (CE, n° 395963, 22 déc. 2017, Cne de Sempy).

Pour examiner les exigences et les conditions de régularisation des actes administratifs qui avaient mis en œuvre les textes alors applicables et dont la procédure est, en cours de réalisation, viciée, il convient, d’une part, d’étudier les cas liés à la sanction de la compétence du préfet de région en qualité d’autorité environnementale et, d’autre part, d’étudier la régularisation du fait de l’absence d’évaluation environnementale des procédure de modification et de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU).

 

A. Les conditions de régularisation des actes administratifs pour lesquels le préfet de région a été désigné en qualité d’autorité environnementale

S’agissant des conséquences de la décision du 6 décembre 2017, Louis Dutheillet-de-Lamothe, dans ses conclusions sous la décision n° 420119 du 27 septembre 2018, résumait la situation comme suit :

« votre décision de décembre 2017 a créé de lourdes difficultés d’exécution pour l’administration. On pouvait penser que votre décision conduirait à confier l’ensemble des missions d’autorité environnementale dévolues aux préfets aux MRAE, mais ce n’a pas été le cas et, à ce jour, les textes n’ont toujours pas été modifiés pour les mettre en conformité avec votre interprétation de la directive 2011/92. La situation est donc particulièrement insatisfaisante : tous les projets où le préfet de région continue à être à la fois autorité environnementale et autorité qui délivre l’autorisation administrative méconnaissent le droit de l’Union européenne ».

Consécutivement à l’intervention des décisions précitées du Conseil d’Etat des 6 et 28 décembre 2017, annulant les dispositions règlementaires du Code de l’environnement en tant qu’elles maintiennent la désignation du préfet de Région en qualité d’autorité environnementale, les réactions des juridictions du fond n’ont pas été uniformes, puisque certaines décisions n’ont pas censuré la procédure dont ils étaient saisis au regard de l’avis du préfet de Région (voir en ce sens par exemple : CAA Nantes, 26 déc. 2018, n° 17NT01268 ; CAA Nantes, 1er fév. 2019).

Toutefois, la majorité des décisions soulignait l’illégalité de l’avis rendu par le préfet de Région, et déclarait donc l’illégalité de l’acte dont il était question. Ces censures sont très nombreuses, dans le mesure où elles peuvent venir affecter la procédure de l’ensemble des autorisations qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, et pour lesquelles c’est le préfet de Région qui a rendu un avis en qualité d’autorité environnementale.

Ce faisant, les juges du fond renvoyaient simplement à une régularisation de la procédure, par une nouvelle saisine de l’autorité environnementale, sans préciser toutefois quelle serait cette autorité de substitution (voir en ce sens : CAA Lyon, 13 mas 2018, n° 16LY03067), alors même que, pour l’heure, aucun décret n’est venu remplacer les dispositions annulées de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement.

Il faut relever cependant que, le fait d’inviter à une régularisation, même sans désigner l’autorité environnementale compétente, restait tout de même une option préférable à celle d’une annulation parfois pure et simple de l’acte en cause du fait de la saisine pour avis du préfet de Région (voir en ce sens pour une annulation sans régularisation : CAA LYON, 15 mai 2018, n°16LY03067).

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt n° 420119, du 27 septembre 2018, a mis fin à ces difficultés en indiquant quelle autorité lui apparaissait présenter les garanties d’impartialité requises par le droit européen : la mission régionale de l’autorité environnementale (MRAe).

 

Concrètement donc, la régularisation doit suivre les étapes suivantes :

  • Saisir pour avis de la MRAe ;
  • Consécutivement à cet avis : organiser une nouvelle enquête publique pour compléter l’information incomplète délivrée au public lors de la première enquête ;
  • Adopter d’un acte complémentaire, venant se greffer au premier pour le régulariser.

Toutefois, conscient de la lourdeur de l’organisation d’une nouvelle enquête publique, alors même que, dans bien des cas, le nouvel avis rendu par la MRAe ne diffère pas substantiellement de celui du préfet de Région, le Conseil d’Etat a, dans un avis n° 420119 du 27 septembre 2018, allégé la procédure de régularisation, s’agissant des modalités permettant de compléter l’information du public.

Dans cet avis, le Conseil d’Etat propose de n’organiser, dans ces procédures de régularisation, qu’une enquête publique complémentaire telle qu’elle est prévue par les article L. 123-14 et R. 123-23. Cette enquête complémentaire ne doit se tenir que pendant un délai de quinze jours (contre trente dans une procédure normale), et le commissaire enquêteur n’a que quinze jours (contre, là encore, trente dans une procédure normale) pour rendre son avis. Le gain de temps n’est donc pas négligeable. Il n’est, en tout état de cause, donc plus nécessaire d’organiser une toute nouvelle enquête publique.

Mais le Conseil d’Etat dans son avis va plus loin, puisqu’il précise que, dans le cas où aucune modification substantielle n’aurait été apportée à l’avis, l’information du public sur le nouvel avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d’une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l’article R. 122-7 du ode de l’environnement.

Cet avis a été confirmé par une décision du 27 mai 2019, n° 420554.

 

Pour résumer donc, à l’issue de ce cheminement jurisprudentiel, la régularisation doit concrètement respecter les formes suivantes :

  • Saisine pour avis de la MRAe ;
  • Consécutivement à cet avis : organisation soit d’une enquête publique complémentaire, soit, si le nouvel avis ne diffère pas substantiellement du premier, d’une simple mise à disposition sur internet ;
  • Adoption d’un acte complémentaire, venant se greffer au premier pour le régulariser.

Dans le cas de l’identification d’une telle difficulté, il convient donc d’anticiper ce point, en procédant, notamment, si le moyen est soulevé au contentieux, à la régularisation de la procédure (qui sera immanquablement regardée comme viciée) sans attendre que le juge y invite les parties.

 

B. Les conditions de régularisation des procédures de modification ou et de mise en compatibilité des PLU qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale

La décision du 19 juillet 2017, n° 400420, a eu moins d’écho que celles relatives à l’autorité environnementale, dans la mesure où les articles règlementaires du code de l’urbanisme annulés ne sont susceptibles d’impacter que les procédures de modification et de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme.

Ce faisant, la jurisprudence est largement moins nombreuse, et les modalités de régularisation peinent à voir le jour.

Pour rappel par cette décision, le Conseil d’Etat a annulé les articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme issus du décret du 28 décembre 2015, en ce qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où les évolutions apportées au plan d’urbanisme par la procédure de modification sont susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001.

En effet, ces dispositions n’imposaient la réalisation d’une évaluation environnementale en cas de modification du PLU que lorsque cette modification permettait la réalisation de travaux susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 et n’en imposait pas dans les cas de mise en compatibilité.

Toutefois donc, en annulant les dispositions des articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme, il est loisible de considérer la décision du 19 juillet 2017 du Conseil d’Etat ne rend pas de facto illégale toute procédure qui a été menée sous l’empire des anciennes règles concernant les conditions d’organisation des évaluations environnementales.

A cet égard, en l’absence de nouvelles précisions règlementaires de substitution, seul l’article L. 104-3 du Code de l’urbanisme est susceptible d’éclairer les collectivités, sans détail précis toutefois, sur les cas dans lesquels une procédure de modification ou de mise en compatibilité du PLU devra faire l’objet d’une évaluation environnementale :

« Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d’évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l’évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration ».

Toutefois, il en ressort une constatation : s’il est établi que la procédure de modification ou de mise en compatibilité du PLU n’est pas susceptible d’avoir des effets notables sur l’environnement, alors il n’est pas nécessaire de la soumettre à l’organisation d’une évaluation environnementale.

Ce faisant, nous pensons que si l’autorité en charge de la modification ou de la mise en compatibilité du PLU parvient, au contentieux, à démontrer que la procédure en cause n’emportait pas de modification susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement, alors la juridiction pourra écarter le moyen de l’absence d’évaluation environnementale sans passer par la phase régularisation.

Ce n’est pourtant pas, pour l’heure, l’option choisie par les rares jugements qui existent en la matière.

Nous pouvons en citer deux dont nous avons connaissance et qui sont des jugements avant dire droit : TA Cergy-Pontoise, 14 mars 2019, n° 1606053 et TA Montreuil, 16 octobre 2019, n° 1806829.

Dans ces jugements avant dire droit, c’est-à-dire à l’occasion desquels la juridiction sursoit à statuer dans l’attente d’une régularisation sur le fondement de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, les tribunaux en cause ont entendu procéder à un tel sursis (sans réellement rechercher si la procédure en cause était susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement), invitant alors les parties à saisir les autorités compétentes d’un examen au cas par cas, à l’issu duquel doit donc être déterminé si la procédure devait ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale.

La régularisation devra alors prendre deux formes très différentes :

  • Soit l’examen au cas par cas abouti à la dispense d’évaluation environnementale : dans ce cas de figure, ne restera plus qu’à adopter une délibération complémentaire confirmant le sens de la première ;
  • Soit l’examen au cas par cas abouti à l’obligation d’organiser une évaluation environnementale : les difficultés se feront alors nécessairement bien plus grandes, puisqu’il faudra alors organiser une évaluation environnementale, impliquant, principalement, la rédaction d’une étude d’impact, la saisine pour avis de l’autorité environnementale, l’organisation d’une enquête publique, etc.

 

Dans ce dernier cas de figure, la régularisation prendra a minima une à deux années.

Partant, en pareil cas, et dans l’hypothèse où le moyen est soulevé au contentieux, il apparaît particulièrement judicieux de pouvoir, sans attendre que le juge puisse y inviter les défendeurs, saisir l’autorité compétente de l’examen au cas par cas afin de disposer rapidement de son avis, et de pouvoir avoir rapidement une visibilité sur les implications de ce vice de procédure.

 

2 – L’éventualité d’un « Danthonysation »

L’option la plus courante pour éviter l’annulation des actes administratifs impactés par ces jurisprudences des 19 juillet, 6 et 28 décembre 2017 du Conseil d’Etat est donc la voie de la régularisation.

Toutefois, il convient de ne pas oublier la possibilité de faire application de la jurisprudence Danthony (CE, 23 déc. 2011, n°335033), qui permet au juge de ne pas annuler un acte au regard d’un vice de procédure qui, s’il est établi, n’a pas été susceptible d’avoir une influence sur le sens de la décision, et n’a pas été de nature à priver le public d’une garantie.

En faisant application de cette jurisprudence, la juridiction administrative n’aurait pas à inviter le défendeur à procéder à une régularisation de son acte, il n’aurait qu’à constater l’existence du vice, mais l’absence d’incidence de ce vice sur le sens de la décision et sur les garanties du public.

S’agissant du vice de procédure tenant à la saisine du préfet de Région en qualité d’autorité environnementale, il faut noter que si la jurisprudence Danthony n’a jamais encore trouvé à s’appliquer, le Conseil d’Etat a, semble-t-il, ouvert cette possibilité (CE, 21 août 2019, n°406892 – Constr. Urb, n°10 – octobre 2019 – L. Santoni « Evaluation environnementale : quelle Danthonysation du vice d’incompétence du préfet de Région »).

Il conviendra donc, dans pareil contentieux, de s’interroger sur la possibilité de faire « Danthonyser » le moyen, la mise en œuvre de cette jurisprudence induisant évidemment un gain de temps important.

S’agissant, par ailleurs, du vice de procédure tenant à l’absence d’évaluation environnementale des procédures de modification ou de mise en compatibilité d’un PLU, si la jurisprudence Danthony n’a pour l’heure jamais été appliquée dans ces contentieux, il semble qu’elle y ait pourtant toute sa place.

En effet, si la demande d’examen au cas par cas sollicitée au titre de la régularisation fait ressortir la dispense d’évaluation environnementale, alors il pourra très facilement être soutenu que l’absence de mise en œuvre initiale de l’examen au cas par cas, et l’absence corrélative d’évaluation environnementale, n’a eu aucune incidence sur le sens de la décision, et n’a pas privé le public d’une garantie dans la mesure où, en pareil situation, le dossier d’enquête publique n’aurait été complété que de la justification de la dispense d’évaluation environnementale après examen au cas par cas.

Par Emmanuelle Baron

Tribune du Médiateur national de l’énergie « En finir avec le démarchage abusif en matière de fourniture d’énergie »

Baromètre Energie-Info 2019

 

Dans sa tribune en date du 24 février 2020, le Médiateur National de l’Energie crie haro sur le démarchage abusif en matière de fourniture d’énergie, dans un contexte de fin des tarifs réglementés de gaz naturel d’ici le 1er juillet 2023.

Les chiffres du baromètre Energie-Info de 2019 témoignent de l’augmentation du démarchage sur le marché de l’énergie : ainsi, en 2019, 61% des consommateurs ont été sollicités pour souscrire à une offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, dont 29 % à domicile. A titre de comparaison, en 2018, ils étaient seulement 56%, et 36% en 2017, à être sollicités.

Une telle augmentation se reflète dans le nombre croissant de saisines du Médiateur National de l’Energie : 1883 litiges en 2019, contre 1416 en 2018, avec pour leitmotiv l’absence de consentement des consommateurs aux souscriptions en cause.

Pour lutter contre le fléau des pratiques frauduleuses en la matière, le Médiateur National de l’Energie prône l’interdiction totale du démarchage à domicile s’agissant de la fourniture d’électricité et de gaz. Si une telle mesure était prise, elle rejoindrait le chapelet d’activités interdites au démarchage à domicile citées par le Médiateur National de l’Energie : contrats portant sur les services sociaux et de santé, sur la fourniture de denrées alimentaires, sur les jeux d’argent et de hasard, ou sur les services financiers.

A défaut d’une interdiction totale du démarchage à domicile, le Médiateur National de l’Energie préconise la mise en place de quatre mesures :

  • L’interdiction stricte pour les démarcheurs de recueillir la signature des consommateurs démarchés directement et sur les lieux du démarchage : le projet de contrat de fourniture de gaz ou d’électricité devrait être envoyé exclusivement par courriel ou courrier, et hors la présence du démarcheur ;
  • L’interdiction de commencer l’exécution du nouveau contrat de fourniture d’électricité ou de gaz avant l’expiration du délai de rétractation du consommateur (sauf en cas d’emménagement) ;
  • La nullité absolue de tout contrat de fourniture d’électricité ou de gaz qui aurait été souscrit sans respecter les règles sus-indiquées et la réactivation sans délai du contrat avec l’ancien fournisseur évincé ;
  • La création d’une sanction administrative de retrait de l’autorisation de fourniture d’énergie en cas de pratiques de démarchage frauduleuses des fournisseurs, en complément des amendes infligées par l’Administration (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Précisions du juge administratif sur le terme T de la redevance R2 prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité

Dans un arrêt en date du 13 février 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes (ci-après, la CAA de Nantes) a annulé trois jugements rendus par le Tribunal administratif de Nantes et apporté d’utiles précisions sur l’interprétation du terme T de la redevance d’investissement dite « R 2 » prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité.

Ces contrats comportent en effet une redevance R2 versée par le concessionnaire à l’autorité concédante en contrepartie des travaux réalisés sur le réseau de distribution publique d’électricité, et dans l’intérêt dudit réseau, sous maîtrise d’ouvrage de l’autorité concédante. Cette redevance R2 est calculée par l’application d’une formule mathématique constituée de plusieurs termes et figure à l’annexe 1 du cahier des charges des contrats de concession établis sur la base du modèle négocié en 1992 par EDF et la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (modèle applicable dans l’affaire ici jugée ainsi qu’aujourd’hui encore sur plusieurs territoires , quoique ce modèle ait été révisé en décembre 2017 en supprimant, notamment, le terme « T » objet de la présente affaire).

Ladite formule comporte un terme « T » contractuellement défini comme le « produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire de la concession, ayant fait l’objet de titres de recettes de l’autorité concédante l’année pénultième ; T ne peut toutefois être inférieur au produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire des communes rurales de la concession ». Le terme T vient en déduction de la formule de calcul de la redevance R 2 puisqu’il est soustrait aux autres termes de calcul de la cette redevance. Ainsi que la CAA de Nantes le relève dans sa décision, « plus « T » est faible, plus la part « R2 » de la redevance est élevée » (considérant n°4).

On rappellera également que la taxe visée par le terme T en cause est, actuellement, la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (ci-après, TCCFE) mentionnée à l’article L. 2333-2 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT). Dans les communes de plus de 2000 habitants, sauf délibération contraire, la taxe est perçue et conservée par la commune, et ce, même si elle a transféré sa compétence d’AODE à un Syndicat ou à un établissement public de coopération communale à fiscalité propre et ne l’exerce donc plus. La commune et l’AODE pouvant néanmoins, par délibérations concordantes, autoriser l’AODE à percevoir ladite TCCFE et à la conserver en tout ou partie.

Dans les affaires qui avaient été soumises au Tribunal administratif de Nantes, étaient en cause trois contrats de concession conclus par trois communes ayant, ensuite, transféré leur compétence d’AODE ainsi que les contrats de distribution publique d’électricité à Nantes Métropole. Cependant, ces trois communes, de plus de 2000 habitants, avaient, malgré le transfert de leur compétence d’AODE à Nantes Métropole, décidé de continuer à percevoir elle-même et de conserver la TCCFE correspondant à leur territoire.

Ne percevant aucun montant de TCCFE au titre de ces trois communes, Nantes Métropole avait décidé, au titre de la redevance R2 des années 2015 et 2016, de ne déduire de la redevance R2 aucune somme au titre du terme T. La société Enedis a contesté ce raisonnement et introduit des recours en annulation contre ces deux titres exécutoire auprès du Tribunal administratif de Nantes.

Dans deux jugements du 23 mai 2018, le Tribunal administratif avait censuré ce raisonnement en considérant que « le montant de la redevance R2 doit être calculé en déduisant du montant des investissements réalisés par l’autorité concédante le produit des taxes communales sur la consommation finale d’électricité recouvrées respectivement sur le territoire des communes de Nantes, Rezé et Indre, alors même que ces communes ont émis les titres de recette en vue du recouvrement de ces taxes et qu’elles en conservent le produit »(voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualité Energie et Environnement du mois de septembre 2018).

La CAA de Nantes annule les jugements rendus par le Tribunal et considère, au contraire, que c’est à bon droit que Nantes Métropole a intégré un terme T nul. La Cour relève en effet que le fait pour les trois communes d’avoir transféré la compétence d’AODE à Nantes Métropole tout en décidant de conserver la perception de la TCCFE avait eu pour conséquence une dissociation entre le bénéficiaire de la taxe et l’autorité concédante. Or, pour la Cour, il y a lieu de s’en tenir à la lettre et à l’esprit du contrat qui définit le terme T comme visant le montant de TCCFE effectivement perçu par l’autorité concédante, soit Nantes Métropole en l’occurrence.

Cette précision est utilement apportée dans le contexte de renouvellement des concessions de distribution publique d’électricité en cours, dans lequel il est pertinent pour l’AODE qui envisage de renouveler sa concession de comparer justement les redevances issues de son contrat de concession en cours et celles issues du nouveau modèle.

Actualités autour de la « petite hydroélectricité »

CRE, délibération n ° 2020-022 du 30 janvier 2020 portant avis sur les projets de décret et d’arrêté fixant respectivement le cadre réglementaire et les conditions du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations rénovées de puissance électrique supérieure ou égale à 1 MW utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement

 

Deux éléments d’actualité intéressant la « petite hydroélectricité », c’est-à-dire l’hydroélectricité résultant d’installations dont la puissance est inférieure à 4,5 MW, doivent être signalés.

D’une part, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) vient de publier un rapport intitulé « Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale ».

L’analyse réalisée par la CRE a vocation à établir les niveaux de référence des coûts et de rentabilité de la petite hydroélectricité dans le but notamment de disposer des données nécessaires à la définition des modalités économiques du dispositif de soutien dédié aux installations rénovées de plus de 1 MW envisagé par la Direction générale de l’énergie et du climat du Ministère de la Transition écologique et solidaire, et ce sur la base de l’audit d’un panel de 94 installations.

La CRE y souligne que la filière hydroélectrique se caractérise par une forte hétérogénéité des installations et des contextes locaux, laquelle hétérogénéité se répercute sur les coûts d’investissement et d’exploitation ainsi que sur la production de chaque installation.

Compte tenu de la difficulté de déterminer des niveaux de rémunération pertinents malgré cette hétérogénéité, la CRE conclut notamment au fait que l’organisation d’appels d’offres apparaît comme la voie de soutien adaptée.

D’autre part, et dans le prolongement du rapport susmentionné, la CRE a adopté une délibération du 30 janvier 2020 portant avis du régulateur sur les projets de décret et d’arrêté relatifs au cadre réglementaire et aux conditions du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations rénovées de puissance électrique supérieure ou égale à 1 MW utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement, tous deux transmis le 4 novembre 2019 par Madame la Ministre de la Transition écologique et solidaire.

Le soutien à la petite hydroélectricité (c’est-à-dire l’hydroélectricité produite à partir d’installations de puissance inférieure à 4,5 MW, comme précédemment indiqué) est aujourd’hui organisé au travers :

  • d’un arrêté tarifaire pour les installations neuves et rénovées de puissance strictement inférieure à 1 MW ;
  • d’un appel d’offres pluriannuel pour les installations neuves de puissance supérieure à 1 MW.

 

Cependant, depuis le lancement en 2017 d’un appel d’offres (toujours en cours), il n’existe plus de mécanisme de soutien aux installations rénovées de puissance supérieure à 1 MW. C’est donc l’objet des projets de décret et d’arrêté soumis à la CRE.

Le dispositif de soutien envisagé exclut de son champ d’application les installations utilisant l’énergie hydrocinétique des cours d’eau, les installations turbinant les débits minimaux (mentionnés à l’article à l’article L. 214-18 du Code de l’environnement) ainsi que celles disposant d’un système de stockage par pompage nécessitant de l’énergie pour leur remplissage. Par ailleurs, les installations utilisant un dispositif de stockage de l’électricité ne sont pas autorisées pour bénéficier du mécanisme de soutien.

Ceci précisé, la segmentation retenue dans le projet d’arrêté établit une distinction entre les installations de haute chute (supérieure à 30 mètres) et de basse chute (inférieure à 30 mètres).

Puis, au terme d’une analyse économique du dispositif de complément de rémunération qui lui est proposé, la CRE formule un certain nombre de critiques et « recommande la mise en place d’une structure de rémunération différente de celle prévue par le projet d’arrêté, constituée d’un tarif de référence plafonné à 3000 heures équivalent pleine puissance et complété d’un tarif marginal plus faible pour la production excédentaire. Cette solution permet de garantir une rentabilité raisonnable pour une plage large et représentative de productible ».

Subsidiairement, si sa préconisation n’était pas retenue, la CRE recommande « a minima une révision des tarifs de référence prévus par le projet d’arrêté, conformément aux niveaux calculés au paragraphe 5.3 [de la délibération] et d’introduire le plafonnement d’heures ouvrant droit au complément de rémunération, en l’annualisant avec un mécanisme de report ».

Par ailleurs, la CRE recommande d’apporter quelques aménagements au projet d’arrêté, s’agissant :

  • de la prime de gestion, qu’elle recommande de fixer à 1 €/MWh,
  • des modalités d’indexation, qu’elle propose d’adapter selon le niveau d’investissement réalisé,
  • du plafonnement de l’énergie produite pour le calcul du complément de rémunération, qu’elle recommande de revoir à la baisse et d’annualiser,
  • et enfin du coefficient de puissance pour la compensation des heures de prix négatifs, qu’elle propose de revoir à la baisse.

 

Enfin, la CRE propose d’amender l’arrêté déjà en vigueur pour les installations neuves et rénovées de moins d’1 MW (dit « arrêté H16 »), conjointement à la création d’un guichet ouvert pour les installations rénovées de plus d’1 MW.

Publication de divers rapports concernant la consommation et la production énergétiques

RTE, Bilan électrique 2019

Panorama de l’électricité au 31 décembre 2019

 

Plusieurs rapports intéressant la consommation et la production énergétiques, et en particulier la production d’énergie d’origine renouvelable, ont été publiés dans le courant du mois de février 2020.

Tout d’abord, à l’occasion des Assises de la transition énergétique qui se sont tenues les 28, 29 et 30 janvier 2020, l’ADEME a mis à jour son étude réalisée en 2017 sur le « Coût des énergies renouvelables et de récupération en France ».

Cette étude souligne que le coût des énergies renouvelables poursuit sa baisse rapide, et que certaines filières (photovoltaïque, éolien terrestre ou bois énergie) sont aujourd’hui moins chères que les technologies conventionnelles. L’étude fait également état des coûts de production des différentes filières de production de chaleur, d’électricité et de gaz renouvelables.

 

Ensuite, la société RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, vient de publier son « bilan électrique 2019 ».

Il résulte notamment dudit bilan que la consommation d’électricité française, corrigée de l’aléa météorologique, s’élève pour 2019 à 473 TWh, soit un recul de 0,5 % par rapport à 2018. Même si le niveau est relativement stable par rapport aux années précédentes, il s’agit du plus bas niveau depuis 10 ans.

Comme les années précédentes, le secteur le plus consommateur en électricité demeure le secteur des entreprises et des professionnels (47%), suivi par le résidentiel avec près de 36% de la consommation finale d’électricité, et enfin la grande industrie qui représente 17% du volume total.

Il résulte encore de ce rapport de RTE qu’en 2019, la production nucléaire annuelle a connu une baisse de 3,5% (13,7 TWh) par rapport à l’année passée. La production hydraulique a également connu une diminution de 12,1% par rapport à 2018, année durant laquelle les conditions climatiques avaient été particulièrement favorables pour cette filière de production.

La production éolienne a quant à elle progressé de 21,2% par rapport à 2018. RTE estimant que cette augmentation s’explique non seulement par la croissance du parc mais également par des conditions météorologiques particulièrement favorables à cette filière en 2019. De même, la production d’électricité d’origine solaire est en hausse de 7,8% sur l’année 2019 et atteint 11,6 TWh.

Enfin, s’agissant toujours des énergies renouvelables, un 21ème « Panorama de l’électricité » a été publié avec les données au 31 décembre 2019, élaboré par RTE, le SER (Syndicat des énergies renouvelables), Enedis, l’ADEeF (Association des distributeurs d’électricité en France) et l’Agence ORE (Opérateurs de Réseaux d’Energie).

Ce rapport présente, s’agissant du dernier trimestre 2019, un état des lieux détaillé des principales filières de production d’électricité de source renouvelable, tant à l’échelle régionale que nationale.

Une même personne ne peut à la fois être élue et représentant syndical dans un même CSE

Au terme de l’arrêt sus visé, la Cour de cassation vient pour la première fois affirmer qu’un salarié élu au sein d’un Comité social économique (CSE) et ayant dès lors une fonction délibérative (peu important qu’il soit titulaire ou suppléant), ne peut dans le même temps être représentant syndical dans cette même instance.

Le salarié doit choisir entre son mandat de représentant élu et celui de représentant syndical.

La double casquette est ainsi impossible !

Calcul du délai de dénonciation de l’assignation à la préfecture

Un bailleur, après avoir signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire demeuré infructueux, assigne son locataire en acquisition de la clause résolutoire, paiement de la dette locative et expulsion.

Une date d’audience est réservée devant le Tribunal d’Instance du Raincy pour le 19 juin et, le 19 avril, soit 2 mois avant l’audience, le bailleur dénonce l’assignation délivrée au locataire à la préfecture, conformément à l’article 24 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Le Tribunal déclare la demande du bailleur irrecevable au motif que « une copie de l’assignation a été dénoncée au sous préfet du Raincy le 19 avril 2017en vue d’une audience prévue le 19 juin 2017 à 9 heures, soit moins de 2 mois avant l’audience selon la règle de computation des délais ».

Le bailleur, considérant que le premier juge a fait une application erronée des règles de computation des délais en tenant compte des heures alors que le délai était exprimé en mois, a relevé appel du jugement.

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 11 février 2020, a infirmé le jugement en ces termes :

« L’article 641 [du code de procédure civile] dispose notamment que « Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois. »

Que l’article 642 [du même code] ajoute que : « Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. »

Qu’il se déduit de ces deux textes que, lorsque le délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai, étant précisé que le dernier jour compte entièrement dans le délai – à savoir jusqu’à minuit, plus précisément 23h59’59’’ – et qu’à défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois, tout délai expirant le dernier jour à 24 heures ;

Considérant, en l’espèce, que l’assignation signifiée le 18 avril 2017 a été dénoncée au préfet le 19 avril 2017 en vue d’une audience du 19 juin 2017 ;

Qu’ainsi, le délai de dénonciation de l’assignation au préfet, au moins deux mois avant l’audience du 19 juin 2017, expirait le 19 avril 2017 à 24 heures, date qui porte le même quantième que l’événement qui fait courir le délai, en l’espèce la date d’audience ;

Que ladite dénonciation étant intervenue deux mois avant l’audience, la demande [du bailleur], qui a respecté le délai prescrit par l’article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, doit donc être déclarée recevable ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ».

Par cet arrêt, la Cour d’appel rappelle les règles de computation des délais, notamment le calcul des délais lorsque ceux-ci sont exprimés en mois.

Engagement et Proximité : vers une consécration de la vie politique locale et du droit des élus locaux ?

Rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, n° 2499 rectifié

 

La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (loi « Engagement et proximité ») du 27 décembre 2019 a pour but principal de lutter contre la fracture territoriale, valoriser la démocratie locale et la place des élus.

Après un accord en commission mixte paritaire (CMP), le 11 décembre, le Sénat puis l’Assemblée Nationale, les 11 et 19 décembre, ont définitivement adopté le projet de loi selon la procédure accélérée choisie par le gouvernement.

C’est dans un contexte particulier que ce texte trouve à s’appliquer pour la première fois, puisque les élections municipales des 15 et 22 mars prochain permettront d’en mesurer les premiers résultats, l’un des objectifs proclamés étant d’inciter les candidats dans les territoires ruraux.

Cette loi porte sur de nombreuses mesures telles que le développement des pouvoirs d’astreinte et d’amende du Maire ou encore la meilleure prise en charge des élus, dont l’efficacité devra être appréciée à moyen terme.

Au niveau des intercommunalités, la loi Engagement et Proximité opère également des modifications, dont les mesures phares tendent à renforcer le rôle des communes et des maires au sein des EPCI, à moderniser le fonctionnement institutionnel ainsi qu’à remanier les compétences exercées.

 

La revalorisation du poste d’élu

Un des volets essentiels du texte est l’amélioration des conditions d’exercice du mandat des élus, notamment pour ceux des petites communes ou ceux confrontés à des situations de handicap.

Un ensemble de mesures ont ainsi été prises mais la plus emblématique porte sur une revalorisation des indemnités et de la prise en charge des Maires et des adjoints.

En premier lieu, de manière différenciée, les indemnités des maires et des adjoints sont revalorisées dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans les communes de moins de 500 habitants la hausse sera de 50%, dans les communes qui ont entre 500 et 999 habitants, elle sera de 30% et dans les communes entre 1000 et 3499 habitants, elle sera de 20%. Cette évolution entre en vigueur dès le prochain mandat, soit 2020-2026. Cependant, le maire dispose dans les communes de moins de 3 500 habitants du droit d’avoir l’indemnité au taux maximal ou de faire voter par le conseil municipal une indemnité inférieure aux barèmes.

S’agissant des élus communautaires, les EPCI à fiscalité propre doivent désormais chaque année établir un état présentant l’ensemble des indemnités de toutes natures dont bénéficient les élus siégeant dans leur conseil, communiqué chaque année aux conseillers communautaires avant l’examen du budget de l’EPCI. Il est également prévu, dans les EPCI de 50 000 habitants et plus, la possibilité de moduler le montant des indemnités de fonction que l’organe délibérant alloue à ses membres en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. Est également supprimée la condition de ne pas bénéficier d’indemnités pour obtenir le remboursement des frais spécifiques de déplacement.

En deuxième lieu, pour faciliter la vie de ces élus, la loi vise à prendre en charge les frais de garde d’enfant et d’accompagnement des personnes à charge. Ces dispositions nouvelles permettent à l’élu de se libérer plus facilement pour faire vivre la vie politique locale. L’Etat compensera cette dépense dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Les élus intercommunaux en situation de handicap pourront bénéficier d’un régime semblable à celui des élus communaux concernant le remboursement de frais spécifique de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique.

Un autre volet de la loi porte davantage sur la protection même du statut de l’élu.

Dorénavant, les communes sont obligées de souscrire des contrats d’assurance tenant à la protection juridique des maires, adjoints, élus ayant reçu une délégation. Dans les communes de moins de 3 500 habitants l’Etat compensera ces dépenses obligatoires en fonction d’un barème.

Enfin, la loi vise à valoriser un élu qui exercerait une activité professionnelle en parallèle de son activité d’élu local. En effet, en début de mandat, le salarié élu s’entretient avec son employeur pour fixer les conditions dans lesquelles il sera amené à concilier ses deux activités. La loi élargit à tous les adjoints la possibilité de cesser toute activité professionnelle pour exercer leur mandat local et il est consacré dans le Code du travail un principe de non-discrimination pour les élus ayant une activité professionnelle.

 

La simplification dans le fonctionnement des organes

Le deuxième volet de cette loi tend à simplifier le fonctionnement du conseil municipal, afin de rendre l’exercice du mandat plus accessible.

Une des mesures principales repose sur la question des délégations du maire.

Avant la loi engagement et proximité, le maire devait respecter un certain ordre en cas de délégation d’une partie de ses compétences : l’article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoyait que « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, à des membres du conseil municipal ». Cet article imposait un ordre de désignation au profit des adjoints du maire, puis dans un second temps au profit des membres du conseil municipal.

La loi de 2019 supprime ce principe et prévoit que les adjoints ne sont plus prioritaires dans l’attribution des délégations de compétences. Le maire peut donc désormais choisir de donner délégation indifféremment aux adjoints ou aux membres du conseil municipal.

D’autres mesures sont intervenues et tendent à faciliter le fonctionnement des organes locaux, notamment dans les petites communes.

La composition des conseils municipaux a évolué et tend à favoriser les plus petites communes lorsque le nombre de candidats est restreint. Dans les communes de moins de 100 habitants, le conseil municipal sera réputé complet dès lors que 5 (auparavant 7) conseillers au moins ont été élus et 9 conseillers dans les communes de 100 à 499 habitants (auparavant 11). Dans les cas où une vacance est constatée après le 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement du conseil, il n’est procédé aux élections nécessaires que si le conseil a perdu au minimum un tiers de ses membres.

Les députés ont renoncé à l’extension du scrutin de liste aux communes de 500 à 1 000 habitants. Le texte adopté prévoit qu’une modification du code électoral interviendra lavant le 31 décembre 2021 pour étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements. Dans le cas où un poste d’adjoint serait vacant, il revient à l’adjoint de même sexe et de même rang de reprendre le poste.

La loi tend également à développer la démocratie locale, mais son rapport reste limité. En effet, lorsqu’un dixième des membres du conseil municipal décide d’organiser un débat de politique générale, il est organisé lors de la réunion suivante du conseil municipal. Cependant, cette faculté est limitée à une fois par an. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, chaque bourg, hameau ou groupement de hameaux peut être doté par le conseil municipal, sur demande de ses habitants, d’un conseil facultatif.

 

Le renforcement des pouvoirs de police du maire

Le Code général des collectivités territoriales organise les pouvoirs du maire (art. L. 2112-2). Le maire doit assurer dans sa commune le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. Pour exercer ces missions, le maire dispose d’un pouvoir de police administrative générale et d’un pouvoir de police administrative spéciale.

En matière de police administrative spéciale, le maire peut prononcer des astreintes. Par exemple, en matière de fermeture des établissements recevant du public menaçant ruine, le maire après mise en demeure demeurée sans effet, peut ordonner la fermeture et imposer une astreinte au propriétaire qui peut s’élever jusque 500 euros par jour de retard et des amendes administratives dont le montant total exigible ne peut excéder 25 000 euros. Cette prérogative s’applique aussi lorsque ces arrêtés ne sont pas respectés en matière de fermeture des établissements recevant du public, d’urbanisme ou d’obligations de débroussaillement.

Le préfet peut, à la demande du maire lui déléguer son pouvoir en matière de fermeture administrative des débits de boissons, suivant des circonstances locales. De plus, chaque commune doit se doter d’une commission municipale des débits de boissons qui sera composée de représentants de services communaux, désignés par le maire, ainsi que des représentants des services de l’Etat désignés par le préfet de département et des représentants des organisations professionnelles représentatives des cafetiers. Le maire peut limiter la vente d’alcool sur le territoire de la commune et de nouvelles licences peuvent être créées dans les communes de plus de 3 500 habitants qui n’en disposent pas.

Le maire peut également prononcer des amendes, notamment contre les dépôts sauvages de déchets ou contre l’occupation sans titre du domaine public. Certains y ont vu la possibilité pour le maire de prononcer des amendes pour un certain nombre d’incivilités telles que l’occupation du domaine public. Des associations de défense aux personnes sans-abris ont redouté que les maires ne les utilisent contre elles. Cependant, les craintes ont été levées car les maires ne peuvent prononcer d’amendes à l’encontre d‘une personne qui a installé sur le domaine public des objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires.

 

Le rescrit préfectoral

A l’occasion du grand débat national organisé au printemps 2019, les élus locaux ont exprimé un besoin de renforcer la sécurité juridique de leurs décisions face à l’augmentation du nombre de litiges devant les juridictions. La loi de 2019 introduit une procédure dite de « rescrit préfectoral ». Ce rescrit permet aux collectivités d’interroger le préfet sur la régularité de leurs actes en amont d’une prise de décision et partant d’éviter les contentieux futurs au stade du contrôle de légalité. Cette demande doit être écrite et comporter la question de droit sur laquelle la prise de position est demandée, ainsi qu’un projet d’acte. Le préfet dispose d’un délai de trois mois pour répondre à la collectivité. A défaut, le silence gardé par le préfet vaut absence de prise de position formelle, sans conséquence juridique. Cependant, dans le cas où le préfet fournit une réponse, la décision lui sera opposable par la suite.

 

Le renforcement des communes et des maires au sein des intercommunalités

L’une des mesures les plus importantes de la loi Engagement et Proximité est de prévoir la mise en œuvre facultative d’un pacte de gouvernance et la généralisation des conférences des maires.

L’article 1er crée ainsi un article L. 5211-11-2 dans le CGCT rendant possible l’élaboration d’un pacte de gouvernance dans les EPCI afin d’associer plus étroitement les maires des communes membres à la gouvernance de l’intercommunalité.

Le même article crée également un article L. 5211-11-3 dans le CGCT prévoyant la création obligatoire d’une conférence des maires dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les EPT, sauf lorsque le bureau de l’établissement public comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. Il s’agit d’une instance de coordination présidée par le président de l’EPCI qui se réunit sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, dans la limite de quatre réunions par an, à la demande d’un tiers des maires.

La loi comporte également à l’article 8 un droit à l’information des conseillers municipaux sur les affaires de leur EPCI, en particulier lorsqu’ils ne sont pas membres du conseil communautaire, en permettant ainsi de les rendre destinataires de droit de la convocation, de la note explicative de synthèse, du compte rendu du conseil communautaire, ainsi que du rapport annuel sur les orientations budgétaires de l’EPCI.

 

La modernisation du fonctionnement institutionnel

Plusieurs mesures ont également pour objet ou pour effet d’apporter de la souplesse dans le fonctionnement institutionnel des EPCI. Ainsi, le fonctionnement du conseil communautaire bénéficie de plusieurs évolutions parmi lesquelles l’organisation de conseils communautaires par téléconférence, à l’article 7 de la loi.

S’agissant des commissions thématiques intercommunales créées en application de l’article L. 2121-22, l’article L. 5211-40-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux EPCI est modifié pour prévoir que, en cas d’empêchement, un membre de la commission peut être remplacé pour une réunion par un conseiller municipal de la même commune, désigné par le maire dans le respect du principe de la représentation proportionnelle.

Par ailleurs, l’organisation des conseils communautaires est simplifiée par les dispositions relatives à la dématérialisation de la convocation prévues à l’article 9 de la loi.

 

Un remaniement des modalités d’exercice des compétences

L’exercice même des compétences par l’EPCI est également modifié puisqu’un article 13 relatif aux compétences optionnelles supprime l’obligation dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération de choisir des compétences optionnelles. Un article 21 relatif à l’intérêt communautaire permet de définir celui-ci à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. La loi inscrit par ailleurs dans le Code général des collectivités territoriales, par son article 12, la procédure de restitution de compétences par un EPCI à ses communes membres.

En outre, des dispositions sont destinées à simplifier le droit applicable aux élus locaux dans la poursuite de leurs politiques publiques, et notamment un article 80 relatif à la suppression de l’obligation de créer divers conseils locaux et la production de certains rapports. Ainsi, le seuil pour la création obligatoire du conseil de développement dans les EPCI est relevé à 50 000 habitants et ce conseil peut être mutualisé au sein des pôles d’équilibre territoriaux ruraux. Par ailleurs, le président d’un EPCI à fiscalité propre n’a plus l’obligation d’établir, dans l’année suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux, le rapport relatif aux mutualisations de services entre les services de l’EPCI et ceux des communes membres, l’établissement de ce rapport constituant désormais une faculté afin d’assurer une meilleure organisation des services.

Enfin, deux évolutions du droit matériel sont à relever particulièrement :

  • le mécanisme, dans les communautés de communes et d’agglomération, de la délégation de compétence en matière d’eau et d’assainissement au profit de leurs communes membres, prévu par l’article 14 de la loi selon un mécanisme de délégation dérogatoire au droit commun issu de l’article L. 1111-8 CGCT, d’une part,
  • la possibilité, pour les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme membres d’une communauté de communes ou d’agglomération, de décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant, de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence “promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme”, énoncée à l’article 16 de la loi d’autre part.

 

Par Solenne Daucé, Aloïs Ramel, Mélissa Goasdoué et Camille Condamine

Sursis à statuer du juge judiciaire sur l’action directe contre l’assureur du constructeur lié au maître d’ouvrage par contrat administratif

Dans un arrêt publié au bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que le maître d’ouvrage ne peut obtenir la condamnation des assureurs des constructeurs avec lesquels il est lié par contrat administratif, sans que le juge administratif ne se soit au préalable prononcé sur la responsabilité de ces derniers.

Dans cette affaire, la commune de Tuchan avait tenté, à la suite de désordres apparus sur le foyer communal, d’obtenir la condamnation devant le juge judiciaire des constructeurs et de leurs assureurs au paiement d’une provision sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile.

La Cour d’appel de Montpellier, après avoir écarté sa compétence pour connaître de la condamnation des constructeurs au motif que ces derniers étaient liés par un contrat administratif, avait condamné leurs assureurs à payer à la commune des sommes provisionnelles au titre de l’indemnisation de désordres d’infiltrations.

La Cour considérait en effet que l’action directe de la victime contre l’assureur relevant de la compétence exclusive du juge judicaire, la commune pouvait obtenir leur condamnation dès lors que le caractère décennal des désordres était établi.

Pour censurer l’arrêt d’appel, et après avoir rappelé le principe selon lequel « un assureur de responsabilité ne peut être tenu d’indemniser le préjudice causé à un tiers par la faute de son assuré que dans la mesure où ce tiers peut se prévaloir, contre l’assuré, d’une créance née de la responsabilité de celui-ci », la Haute juridiction retient que « à défaut de reconnaissance, par les assureurs, de la responsabilité de leurs assurés, il lui incombait de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur cette responsabilité ».

Ainsi la Cour de cassation confirme, au visa de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor de l’an III et de l’article L. 124-3 du Code des assurances, que le juge judiciaire n’a pas compétence pour se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lié par contrat administratif au maître d’ouvrage lorsqu’il est saisi de l’action directe de la victime contre son assureur.

Dans un tel cas, il lui appartient ainsi de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif sur le principe de responsabilité de son assuré.

La Cour rappelle néanmoins qu’il n’y a pas lieu à de surseoir à statuer en cas de reconnaissance par l’assureur de la responsabilité de son assuré.

Si cette reconnaissance doit en principe intervenir de manière volontaire (Civ.1ère, 30 octobre 1984, n°83-13836) ou encore expresse (voir en ce sens, Civ. 2ème, 16 décembre 2010, n° 09-71797), on notera néanmoins que la Cour de cassation ne prend pas soin ici de rappeler la forme qu’elle doit revêtir pour obtenir la condamnation de l’assureur au versement des indemnités.

Les maîtres d’ouvrage prendront cependant garde, de ne pas se précipiter dans cette brèche pour prétendre à une indemnisation plus rapide des désordres et ainsi éviter de supporter le préfinancement des travaux de reprise.

Recours entre constructeurs et prescription quinquennale

Cass. Civ., 3ème, 16 janvier 2020, n° 18-21.895

Les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 16 janvier 2020 concernant le délai applicable à l’action en contribution à la dette des constructeurs sont particulièrement importants en matière de prescription des recours entre constructeurs.

En pratique et pour mémoire, il résulte des dispositions de l’article 1792 du Code civil que le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 10 ans à compter de la réception pour agir contre les locateurs d’ouvrage.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 1792-4-3 du même Code que le maître d’ouvrage dispose du même délai d’action de 10 ans à compter de la réception pour agir contre les sous-traitants.

A la lumière de ces dispositions et après de nombreuses divergences jurisprudentielles, la Cour de cassation se devait de se prononcer sur le régime de prescription applicable, cette fois-ci, à l’action des constructeurs entre eux c’est-à-dire des coobligés à la dette.

C’est désormais chose faite, la Cour a tranché !

 

En effet, aux termes de son premier arrêt, la Cour de cassation affirme, sans aucune ambiguïté, que le délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil en arguant, d’une part, que ce texte « n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants » et, d’autre part, que « fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d’accès à un juge ».

La Cour en conclut, de la même manière, que « le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil ; qu’il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Puis aux termes d’un deuxième arrêt, la Cour de cassation a jugé que « […] les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, que, selon l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer […] ».

Encore faut-il désormais savoir ce que l’on entend par le « jour où le titulaire d’un droit a connu ou au aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »…mais il s’agit là d’un autre débat qui n’a pas fini d’occuper les juges !

Création des sous-destinations « hôtels » et « autres hébergements touristiques »

Le décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020 modifie les sous-destinations des constructions prévues à l’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme afin de distinguer entre les « hôtels » et les « autres hébergements touristiques », qui peuvent désormais faire l’objet de règles différenciées dans le PLU.

Pour rappel, le plan local d’urbanisme peut, au sein d’une même zone, soumettre à des règles différentes les constructions en fonction de leur destination ou sous-destination.

Les destinations, listées à l’article R. 151-27 du Code de l’urbanisme, sont au nombre de cinq : exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêts collectifs et services publics, autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.

Ces grandes destinations sont subdivisées en vingt sous-destinations, prévues à l’article R. 151‑28 du Code de l’urbanisme.

Jusqu’à présent, la destination « commerce et activités de service » regroupait les sous‑destinations « artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma ».

Le décret du 31 janvier 2020 est venu modifier l’article R. 151-28, afin de remplacer la sous-destination « hébergement hôtelier et touristique » par deux nouvelles sous-destinations : « hôtels » et « autres hébergements touristiques », permettant ainsi aux plans locaux d’urbanisme de définir des règles différenciées entre ces différentes constructions.

Un arrêté du même jour a par ailleurs défini ces deux notions. Ainsi, il est prévu que la sous-destination « hôtels » recouvre les « constructions destinées à l’accueil de touristes dans des hôtels, c’est-à-dire des établissements commerciaux qui offrent à une clientèle de passage qui, sauf exception, n’y élit pas domicile, des chambres ou des appartements meublés en location, ainsi qu’un certain nombre de services », tandis que la sous-destination « autres hébergements touristiques » correspond pour sa part aux « constructions autres que les hôtels destinées à accueillir des touristes, notamment les résidences de tourisme et les villages de vacances, ainsi que les constructions dans les terrains de camping et dans les parcs résidentiels de loisirs ».

Ces nouvelles dispositions, motivées par la nécessité, dans les stations balnéaires et de montagne, de mieux distinguer les types d’hébergement hôteliers et touristiques selon leur nature, sont applicables à compter du 2 février 2020.

L’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure demeure en principe applicable aux plans locaux d’urbanisme ou aux documents en tenant lieu dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant cette même date.

Il est toutefois prévu, pour les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant l’entrée en vigueur du décret, que l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou le conseil municipal peut décider, par une délibération expresse intervenant au plus tard lorsque le projet est arrêté, que seront applicables au projet les nouvelles dispositions de l’article R. 151-28.

 

Précisions apportées quant à la notion d’ « erreur matérielle » permettant le recours à la modification simplifiée d’un PLU

Selon les dispositions de l’article L. 153-45 du Code de l’urbanisme (ancien article L. 123-13-3), le recours à la procédure de modification simplifiée peut notamment intervenir lorsque l’évolution envisagée du document d’urbanisme a « uniquement pour objet la rectification d’une erreur matérielle ».

Par sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de cette notion en ces termes :

« 3. Il résulte de ces dispositions que le recours à la procédure de modification simplifiée pour la correction d’une erreur matérielle est légalement possible en cas de malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l’intitulé, la délimitation ou la règlementation d’une parcelle, d’un secteur ou d’une zone ou le choix d’un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d’urbanisme, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d’urbanisme, comme le rapport de présentation, les orientations d’aménagement ou le projet d’aménagement et de développement durable ».

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré qu’il ressortait des différents documents du PLU (notamment le rapport de présentation ainsi que le projet d’aménagement et de développement durable) que la commune n’avait, en aucun cas, entendu remettre en cause ou restreindre les activités liées à l’exploitation des carrières existant dans la zone Nc. Par conséquent, la circonstance que le règlement applicable dans cette zone ne permettait pas d’y exercer une telle activité ne pouvait qu’être regardée comme une erreur matérielle. Ainsi, la modification du règlement de cette zone pour y autoriser explicitement, notamment « les équipements, installations et constructions nécessaires à l’exploitation de carrières et aux activités connexes » ainsi que les installations classées soumises à autorisation devait être considérée comme une rectification de cette erreur matérielle qui pouvait, par conséquent, faire l’objet d’une modification simplifiée.

Si cette précision est nouvelle en jurisprudence, elle se rapproche de la doctrine administrative rendue sur le sujet qui avait pu, à l’occasion d’une réponse ministérielle, insister sur la nécessité de se référer à l’intention des auteurs du PLU (Rép. Min. n° 79658, JOAN 12 mai 2015 p. 3547).

Modèle d’avis de publicité des marchés répondant à un besoin compris entre 90 000 € hors taxes et les seuils de procédure formalisée

Arrêté du 12 février 2020 fixant un modèle d’avis pour la passation des marchés publics répondant à un besoin d’une valeur estimée entre 90 000 € hors taxes et les seuils de procédure formalisée

 

Prévu par le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique et pris en application du 2° de l’article R. 2131-12 du Code de la commande publique, l’arrêté du 12 février 2020 fixant un modèle d’avis pour la passation des marchés publics répondant à un besoin d’une valeur estimée entre 90 000 € hors taxes et les seuils de procédure formalisée a été publié au JORF du 20 février 2020.

Il fixe le modèle d’avis standard qui devra obligatoirement être utilisé à compter du 1er janvier 2022, s’agissant des marchés publics répondant à un besoin compris entre 90 000 € hors taxes et les seuils de procédure formalisée.

Cet arrêté poursuit deux objectifs : d’une part, il a pour vocation de permettre une utilisation simplifiée et harmonisée des avis de publicités par les acheteurs publics et, d’autre part, il entend renforcer leur lisibilité par les opérateurs économiques.

Formellement, le modèle d’avis de publicité se présente sous forme de 6 sections visant à recueillir des informations relatives à/aux :

  • l’identification de l’acheteur (nom, numéro national d’identification, …) ;
  • la communication (lien vers le profil acheteur, lien d’accès direct aux documents de la consultation, …) ;
  • la procédure (type de procédure, technique d’achat, nombre maximum de candidats, …) ;
  • l’identification du marché (type de marché, valeur estimée du besoin, …) ;
  • lots (description et estimation de la valeur des lots, …) ;
  • informations complémentaires (caractère obligatoire ou non de la visite, …).

Nouvelle illustration du devoir de conseil du maître d’oeuvre

Dans le prolongement de la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 26 novembre 2019 (n°17BX02518) évoquée dans notre lettre d’actualité juridique de décembre dernier, cet arrêt revient sur le devoir de conseil du maître d’œuvre, et plus particulièrement ici de son étendue.

Le Conseil d’Etat rappelle un principe connu selon lequel le Maître d’ouvrage est fondé à rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil lorsque celui-ci s’est abstenu d’attirer l’attention du premier sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir eu connaissance en cours de chantier.

Par suite, le Conseil d’Etat retient que :

« sur la seule circonstance que les désordres allégués n’avaient pas présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux et qu’il ne résultait pas de l’instruction que les maîtres d’œuvre auraient eu connaissance de ces désordres au cours du chantier, alors qu’elle aurait dû aussi vérifier, comme Bordeaux Métropole le lui demandait expressément, si les maîtres d’œuvre auraient pu avoir connaissance de ces vices s’ils avaient accompli leur mission selon les règles de l’art, la cour administrative d’appel de Bordeaux a entaché son arrêt d’erreur de droit ».

En d’autres termes, il ne suffisait pas de rechercher si les vices étaient apparents ou non au moment de la réception ainsi qu’au cours du chantier.

Le Conseil d’Etat précise que la Cour aurait dû vérifier, comme l’invitait à le faire le Maître d’ouvrage, si le maître d’œuvre aurait pu en avoir connaissance s’il avait accompli sa mission selon les règles de l’art.

Cette décision témoigne de l’enjeu de l’étendue du devoir de conseil du maitre d’œuvre, dont la responsabilité peut notamment être recherchée par le Maître d’ouvrage qui aurait échoué à engager la responsabilité décennale des constructeurs, comme c’était le cas en l’espèce.

EDF et ENGIE : mises en demeure pour non-respect de certaines conditions de recueil du consentement concernant les données de LINKY

Décision n° MED 2019-036 du 31 décembre 2019 mettant en demeure la société ENGIE

Par deux délibérations en date du 20 janvier 2020, la commission nationale de l’informatique et des libertés a rendu public deux mises en demeure prises à l’encontre des sociétés ENGIE et EDF le 31 décembre 2019 autour de deux thématiques centrales du règlement européen sur la protection des données : la manière dont le consentement est recueilli et les durées de conservations pendant lesquelles les données sont sauvegardées.

S’agissant du consentement, la CNIL rappelle une nouvelle fois les quatre critères fondant sa licéité: la liberté du choix, sa spécificité et son caractère éclairé et non-équivoque.

Dans ses deux mises en demeure, la CNIL constate que celui-ci n’a pas été valablement obtenu puisque deux des quatre critères étaient manquants : le caractère spécifique et le caractère éclairé.

Le caractère spécifique s’entend comme le fait que tout individu, dont les données sont collectées, doit comprendre et fournir un consentement distinct pour chacun des objectifs poursuivis par la collecte des données. Sauf qu’en l’espèce la CNIL constate que « EDF et ENGIE recueillent par le bais d’une seule et unique case à cocher le consentement pour deux opérations clairement distinctes : l’affichage dans l’espace client des consommations quotidiennes et l’affichage des consommations à la demi-heure. En outre, s’agissant de la société EDF, la CNIL a constaté que le fait de cocher la case entraîne également une troisième opération de traitement, à savoir la fourniture de conseils personnalisés visant à réduire la consommation d’énergie du foyer ».

En recueillant un consentement global pour plusieurs finalités au sein des activités de traitement, la spécificité du consentement ne pouvait être valablement retenue. Le principal reproche qui est adressé ici est que l’usager n’a pas la possibilité de choisir plus finement les services qui peuvent lui être offerts, et il est dans l’obligation de les choisir en bloc.

 

Le caractère éclairé s’entend comme le fait que tout individu, pour que son consentement soit valable, doit régulièrement obtenir des informations sur la nature du traitement, ses finalités et les moyen mis en œuvre. C’est la qualité de l’information fournie qui va permettre à l’individu de fournir un consentement valable. Or, la CNIL a pu constater que :

  • s’agissant d’EDF, la rédaction de la mention accompagnant la case à cocher « j’accepte » est particulièrement susceptible d’induire l’abonné en erreur sur la portée de son engagement. En effet, la société fait référence à la « consommation d’électricité quotidienne (toutes les 30 min) » et présente donc les données quotidiennes et à la demi-heure comme étant équivalentes, alors que ces dernières sont plus révélatrices des habitudes de vie des personnes que les données quotidiennes ;
  • s’agissant d’ENGIE, la CNIL a constaté qu’aucune information suffisamment précise n’était donnée pour permettre à l’utilisateur de comprendre la différence de portée entre la collecte de « l’index quotidien » (données de consommation journalière) et la collecte de la « courbe de charge » (données de consommation fines à l’heure ou la demi-heure).

 

Les conséquences d’un recueil de consentement non valablement obtenu est potentiellement grave, car cela prive le traitement de données à caractère personnel d’une base légale, ce qui entraine la responsabilité administrative de l’organisme et est un délit pénal.

 

S’agissant des durées de conservations, la CNIL constate que celles-ci sont trop longues au regard des finalités pour lesquelles les données sont traitées. Les trois temps du cycle de vie des données à caractère personnel sont présentés de la manière suivante :

  • la base active ;
  • l’archivage intermédiaire ;
  • l’archivage définitif.

Sur la base active, la CNIL indique que cela correspond au temps pendant lequel les données sont utiles aux différents services de la structure et doivent être conservées.

Sur la durée de l’archivage intermédiaire, la CNIL rappelle qu’il ne s’agit pas de conserver l’intégralité des données mais seulement celles qui sont indispensables ou requises par l’obligation légale.

Sur l’archivage définitif, la CNIL rappelle que certaines données et documents présentant un intérêt historique doivent effectivement pouvoir être conservées et archivées, dans les conditions fixées par le code du patrimoine.

A l’encontre d’EDF, la CNIL a constaté que l’entreprise conservait en base active les consommations quotidiennes et à la demi-heure cinq ans après la résiliation du contrat alors qu’aucune procédure d’archivage n’était par ailleurs prévue. A ce propos, la CNIL indique « Tout d’abord, les données de consommation à la demi-heure ne sont pas nécessaires pour établir la facturation et n’ont dès lors pas à être conservées cinq ans après la résiliation du contrat. Ensuite, les fournisseurs d’électricité ne sont tenus de mettre à disposition des clients leur historique de consommation que pendant une durée de trois années suivant la date de recueil du consentement (article D. 224-26 du code de la consommation) ».

A l’encontre d’ENGIE, la CNIL a constaté que les données de consommation mensuelles de ses clients étaient conservées à l’issue de la résiliation de leur contrat pendant une durée de trois ans en base active, puis pendant une durée de huit ans en archivage intermédiaire. Or, selon elle, « si les coordonnées du client peuvent être conservées en base active pendant trois ans à l’issue de la résiliation du contrat pour que la société puisse effectuer de la prospection commerciale, les données de consommation mensuelles ne sont pas nécessaires pour cet objectif, de sorte que leur conservation ne saurait être justifiée par cette finalité. Par ailleurs, la conservation des données de consommation mensuelles à l’issue de la résiliation du contrat n’est pas non plus justifiée par la mise à disposition de ces données dans l’espace client de l’usager dans la mesure où cette mise à disposition n’est effective que pour une durée d’un an à l’issue de la résiliation du contrat ».

Les conséquences d’une conservation excessive est une violation de l’article 5, paragraphe 1, e), du RGPD et peut donc entrainer la mise en jeu de la responsabilité administrative de l’organisme.

 

Face à ces deux manquements, la CNIL a décidé de laisser trois mois aux deux entreprises pour se mettre en conformité.

La validation du plan d’action de la CNIL en matière de publicité ciblée par le Conseil d’Etat

Par une décision rendue le 16 octobre 2019, le Conseil d’Etat a validé le plan d’action de la CNIL en matière de publicité ciblée. En effet, par un communiqué du 28 juin 2019 publié sur son site internet, la CNIL a annoncé avoir élaboré un plan d’actions pour l’année 2019-2020 afin de préciser les règles applicables en matière de ciblage publicitaire en ligne et d’accompagner les acteurs dans leur mise en conformité avec ces règles. L’objectif était ici d’établir de nouvelles règles plus adaptées aux usages en ligne et la publicité ciblée tout en abrogeant sa recommandation du 5 décembre 2013 relative aux cookies et autres traceurs.

Face à cela, les associations « La Quadrature du net » et « Caliopen » ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler la décision par laquelle la Commission permettait, pendant une période de transition d’environ douze mois, la poursuite de la navigation comme expression du consentement au dépôt de cookies et aurait renoncé à utiliser les pouvoirs dont elle dispose pour réprimer, pendant cette période, les manquements aux règles applicables en la matière.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat constate que le délai choisi par la CNIL a pour objectif de permettre à l’ensemble des opérateurs de respecter effectivement les exigences résultant du RGPD.

Selon le Conseil d’Etat, le fait que la poursuite de la navigation comme expression du consentement n’entraîne pas la mise en mouvement du pouvoir répressif de la CNIL est un moyen pour l’autorité de régulation d’accompagner les acteurs concernés, ce qui rentre dans ses missions telles que définies par la loi informatique et libertés.

Le Conseil considère que, confronté à la nécessité de définir de nouvelles modalités pratiques de recueil du consentement susceptibles d’apporter, sur le plan technique, les garanties qu’exige l’état du droit en vigueur, le CNIL n’a pas tort d’étaler la réalisation de l’objectif d’une complète mise en conformité de l’ensemble des acteurs à l’horizon de l’été 2020.

Enfin, le Conseil d’Etat souligne que la CNIL continuera malgré tout de contrôler le respect des règles relatives au caractère préalable du consentement, à la possibilité d’accès au service même en cas de refus et à la disponibilité d’un dispositif de retrait du consentement facile d’accès et d’usage.