Précisions sur l’octroi du congé spécial à un fonctionnaire en fin de détachement pris en charge par le centre de gestion

La Cour administrative d’appel de Versailles a été amenée à juger d’un recours indemnitaire introduit par un Centre de gestion à l’encontre d’une Communauté d’agglomération dans laquelle était précédemment détaché un fonctionnaire territorial d’une Commune. Ce détachement de la Commune à la Communauté d’agglomération était intervenu pour l’occupation d’un emploi fonctionnel, mais la Communauté d’agglomération y avait mis un terme anticipé.

Pris en charge par le Centre de gestion, le fonctionnaire avait préalablement demandé à la Communauté d’agglomération au sein de laquelle il avait été détaché le bénéfice d’un congé spécial, tel que cela est prévu par l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Mais le bénéfice lui en avait été refusé par l’EPCI et il avait finalement été pris en charge par le Centre de gestion qui, pour sa part, a demandé à la Communauté d’agglomération une indemnisation liée aux conséquences de cette prise en charge, dès lors que, selon lui, le congé aurait dû être accordé.

Pour mémoire, le régime du congé spécial des fonctionnaires territoriaux est prévu par l’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 88-614 du 6 mai 1988.

L’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoit que le bénéfice du congé spécial aux fonctionnaires territoriaux occupant un emploi fonctionnel en position de détachement peut être demandé dans le cadre de l’article 53 de la loi n°84-53, lorsqu’il est mis fin au détachement par l’autorité territoriale et qu’il n’existe pas d’emploi vacant du grade de l’agent au tableau des effectifs.

Dans ce cas, l’agent doit compter au moins vingt ans de services civils ou militaires valables pour le calcul de ses droits à pension et être à moins de cinq ans de son âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Le congé spécial est alors accordé de droit, même si un autre fonctionnaire en bénéficie déjà.

Dans cette hypothèse, la demande de congé spécial peut également être présentée jusqu’au terme de l’année de surnombre dans le cas où l’agent avait d’abord opté pour cette hypothèse.

Dans cette affaire, la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart mise en cause, a fait valoir qu’elle n’aurait pas été tenue d’accorder le congé spécial, au motif qu’il incombait à la commune de Colombes, en tant que collectivité d’origine de l’intéressé, de réintégrer l’agent dans ses effectifs. Toutefois, pour la Cour, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation qui était celle de l’EPCI, en sa qualité de collectivité d’accueil, d’accorder à l’agent le bénéfice des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 résultant de sa nomination sur emploi fonctionnel, dès lors que l’intéressé l’avait saisie d’une demande en ce sens dans le délai de prise en charge prescrit par l’article 99 de la loi du 26 janvier 1984.

C’est ainsi que la Communauté d’agglomération a été condamnée à verser au Centre de gestion une somme de plus de 250.000 euros au titre des sommes versées par le Centre de gestion à l’agent pendant la durée de sa prise en charge.

Il résulte de cet arrêté un intérêt accru pour les collectivités à veiller de près à ce que la procédure prescrite pour mettre fin au détachement comme celle prévue pour en organiser les conséquences soient suivies au plus près.

La protection fonctionnelle n’a pas besoin d’être demandée par l’agent

Décidemment, les affaires relatives à la protection fonctionnelle se suivent mais ne se ressemblent pas.

Après sa décision du 29 juin 2020, commentée dans la LAJ de juillet dernier, et aux termes de laquelle l’autorité compétente pour octroyer la protection fonctionnelle ne saurait être le supérieur hiérarchique mis en cause, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, sans manquer à son obligation d’impartialité, le Conseil d’Etat vient cette fois ci apporter deux précisions sur la demande de protection fonctionnelle.

Les faits sont relativement simples : Monsieur F. a assigné Monsieur V., ancien Maire de la commune de Messimy-sur-Saône, devant le Tribunal de grande instance en vue de le voir condamné pour des faits d’entrave discriminatoire. La protection fonctionnelle a été accordée par le conseil municipal à l’ancien élu, et c’est cette délibération qui fait l’objet de la contestation de Monsieur F.

Certes, l’espèce est relative à la protection fonctionnelle accordée à un élu et non à un agent, mais l’un des apports de cette décision est justement d’unifier les deux régimes : « Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions », le Conseil d’Etat ayant traditionnellement qualifié les élus « d’agents publics » s’agissant de la protection fonctionnelle.

Et les deux textes – le code général des collectivités et la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 – comportent des articles rédigés strictement de la même manière, qui permettent d’étendre aux agents publics les principes dégagés en leur application.

A l’occasion de cette affaire, le Conseil d’Etat a apporté deux nouveaux éléments à la théorie : d’une part, la protection de l’employeur public à savoir le remboursement des frais d’avocat et de la condamnation est due y compris dans le cadre d’une instance civile et non uniquement pénale, ce qui est assez logique dès lors que la protection fonctionnelle est accordée dans le cadre d’instances devant la juridiction administratives notamment dans le cas du harcèlement moral.

D’autre part, et cette solution intéressera d’autant plus les décideurs publics, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas besoin de demande formelle de l’agent de bénéficier de la protection fonctionnelle.

Il a en effet considéré, en renvoyant en cela à l’argumentation développée par le Tribunal administratif de Lyon en première instance, en premier lieu qu’aucune disposition n’imposait une demande écrite formalisée et en second lieu que l’octroi de la protection fonctionnelle était « de droit ».

Or, le texte sur lequel le Tribunal s’était appuyé, à savoir l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales : « […] La commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions » est exactement le même que celui de l’article 11 IV de la loi du 13 janvier 1983 : « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

Naturellement, il sera toujours plus prudent de solliciter de l’agent une demande écrite visant à s’assurer de sa volonté de bénéficier d’une telle protection, mais quoi qu’il en soit, l’absence d’une demande formalisée ne pourra pas être invoquée comme viciant la décision d’octroi de la protection fonctionnelle.

Détenir une arme de première catégorie dans son logement de fonction peut justifier l’exclusion définitive du service d’un fonctionnaire

Si depuis la célèbre décision Dahan du Conseil d’Etat, le contrôle des juges du fond du caractère proportionné des sanctions disciplinaires infligées aux agents publics est plus étroit, il n’est pourtant pas exempt d’une certaine marge d’appréciation, que la décision commentée illustre.

Un agent disposant d’un agrément d’agent communal en charge de la surveillance des parcs et jardins délivré par le procureur de la République, et d’un logement de fonction au sein du parc dont il assurait la surveillance, a été condamné en 2013 à une peine d’un an d’emprisonnement assortie d’un sursis total pour des faits de détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie, révélés en 2011.

Ces faits n’avaient toutefois pas été portés immédiatement à la connaissance de la Commune, qui les ne les a découverts qu’en sollicitant, en 2014, un extrait du bulletin n°2 de l’agent, alors que celui-ci était placé en détention provisoire, du chef de destruction volontaire, par pyromanie, du parc dont il assurait justement la garde.

Le Tribunal administratif de Marseille avait initialement fait droit au recours en excès de pouvoir de l’agent contre la sanction de la révocation, au motif de son caractère disproportionné.

La Cour, saisie en appel par la Commune, avait finalement annulé le jugement du Tribunal, en considérant que les faits reprochés à l’agent étaient incompatibles avec l’exercice de ses fonctions de gardien de parc, dès lors que pour exercer ces dites fonctions, l’agent bénéficiait d’un agrément d’agent communal délivré par le procureur de la République, et qu’il était particulièrement chargé d’assurer la surveillance et le maintien de la sécurité d’un parc ouvert au public.

L’agent s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, et soutenait que la Cour était tenue de rechercher, pour déterminer le caractère proportionné de la sanction, si les faits reprochés avaient nuit à l’image de la Commune, et si la manière de servir de l’agent pouvait conduire à atténuer le niveau de sanction infligée.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour, qui ne s’était pas estimée tenue de procéder à ces examens.

En revanche, l’agent soutenait également que l’appréciation des faits conduite par la Cour avait conduit au maintien d’une sanction hors de proportion avec la faute commise. Le doute était permis sur ce point, et les conclusions du rapporteur public Raphaël Chambon sous cet arrêt sont éclairantes : « Disons-le clairement, si nous avions été à la place des juges du fond, nous aurions jugé que la sanction prononcée était disproportionnée ».

En effet, la procédure disciplinaire ayant abouti à sa révocation ne s’était fondée que sur les faits de détention d’arme, seuls faits sur lesquels le juge pénal s’était prononcé. Ainsi, le rapporteur public n’a pas manqué de relever que l’on sentait « bien que les accusations d’incendie volontaire flottaient en arrière-plan de cette procédure disciplinaire », et que les seuls faits de détention d’une arme de première catégorie, non chargée, avec des munitions inutilisables avec cette arme, auraient pu justifier une sanction du troisième groupe.

Seulement, le juge de cassation ne peut remettre en cause l’appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises que dans le cas où la solution que les juges du fond ont retenue quant au choix, par l’administration, de la sanction serait hors de proportion avec les fautes commises (CE, 27 février 2015, La Poste, n°376598).

Et en l’espèce, la détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie par un agent dans son logement de fonction au sein du parc dont il était chargé d’assurer la surveillance était d’une gravité suffisante pour faire échec à la censure du juge de cassation, dont le degré de contrôle n’a pas permis de censurer une appréciation que le rapporteur public avait pourtant qualifié, en creux, d’erronée.

Projet de référentiel sur la protection des données à caractère personnel dans le secteur social : lancement d’une consultation publique de la CNIL

Dans le cadre de leurs activités, les acteurs du secteur social sont amenés à traiter de nombreuses données à caractère personnel au niveau de l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement social et médico-social des personnes âgées, en situation de handicap et en difficulté, parmi lesquelles des données sensibles telles que le NIR (ou « numéro de sécurité sociale ») et les données relatives à l’état de santé de leurs usagers.

La sensibilité des traitements réalisés dans ce secteur et le peu de sensibilisation des acteurs du secteur à la protection des données personnelles ont conduit la CNIL à récemment publier un projet de référentiel soumis à la consultation publique. En août dernier, la CNIL a par ailleurs publié une fiche dédiée au secteur social.

Le projet de référentiel est actuellement consultable sur le site de la CNIL. Il est possible de déposer un avis jusqu’au 1er décembre prochain.

Ce projet de référentiel s’adresse à l’ensemble des acteurs du secteur :

  • les départements ;
  • les centres communaux d’action sociale (CCAS) ;
  • les associations de droit privé créées sous la loi de 1901 ayant notamment pour mission l’accueil, l’hébergement, l’accompagnement et le suivi social et médico-social des personnes ;
  • les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
  • les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ;
  • les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ;
  • les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
  • les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;
  • les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ;
  • les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ;
  • les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ;
  • les organismes chargés de la gestion d’un régime de base de la sécurité sociale légalement obligatoire ou du service des allocations, prestations et aides mentionnés dans le code de la sécurité sociale ou du code de l’action sociale et des familles.

Les référentiels publiés par le CNIL n’ont pas de valeur contraignante mais fournissent un cadre particulièrement utile pour la mise en œuvre des traitements. Ceci d’autant plus que la CNIL, en cas de contrôle, sera certainement amenée à comparer les mesures effectivement mises en place à ce référentiel.

Il est donc vivement recommandé de prendre connaissance de ce référentiel sans attendre, et de faire part à la CNIL de son inadaptation, le cas échéant. 

 

Revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) : l’Etat enjoint de prendre un arrêté conjoint de compensation des hausses exceptionnelles du RSA, pour les départements, intervenues entre 2013 et 2017

Par un jugement du 30 juin dernier, le Tribunal administratif de Paris s’est prononcé sur l’absence de compensation des revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) intervenues par voie gouvernementale, par cinq décrets de revalorisation[1]. Ces revalorisations successives ont donné lieu à une hausse de 10% du RSA intervenue entre 2013 et 2017, conformément au plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté décidé par le Gouvernement, mise à la charge des départements qui ont la compétence pour l’attribution du RSA.

En 2019, trois départements (le Calvados, la Manche et l’Orne) ont déposé un recours en annulation à l’encontre du refus des ministres compétents – à savoir le ministre de l’intérieur et le ministre de l’action et des comptes publics – d’édicter l’arrêté prévu par l’article L. 1614-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), pour chacun des décrets de revalorisation du RSA pris depuis le décret n° 2012-1488 du 28 décembre 2012, qui aurait dû constater les dépenses résultant d’un accroissement des charges pesant, du fait de ces revalorisations, sur les départements et octroyer à ces derniers une compensation de cet accroissement de charges.

Le CGCT dispose que le transfert d’une compétence à une collectivité territoriale, lorsqu’il induit un accroissement net de charges pour celle-ci, donne lieu au transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal de cette compétence (article L. 1614-1 dudit Code). L’article L. 1614-2 du CGCT précise quant à lui qu’en cas de charge nouvelle pesant sur les collectivités du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées, cela donne également lieu à compensation. Enfin, les articles L. 1614-3 et L. 1614-5-1 du CGCT disposent qu’en cas d’accroissement de charges, le montant des dépenses corrélatives pour chaque collectivité concernée est constaté par arrêté conjoint des ministres chargés de l’intérieur et du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales. Il est en outre prévu que cet arrêté conjoint intervient dans les six mois suivant la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

En l’occurrence, le recours des trois départements normands fait suite à la procédure engagée devant le Conseil d’Etat en vue de l’annulation de l’un des décrets ayant procédé à cette revalorisation (Décret n° 2016-1276 du 29 septembre 2016). La Haute Juridiction a rejeté cette requête en indiquant qu’il appartenait aux départements qui estimaient que le décret en cause leur imposait des charges nouvelles de « contester l’absence de compensation, notamment en demandant, le cas échéant, l’annulation du refus des ministres compétents de prendre l’arrêté constatant les dépenses résultant d’un accroissement des charges prévu par l’article L. 1614-3 du CGCT » (Conseil d’Etat, 21 février 2018, n°409286, Département du Calvados et autres).

A la suite de cette décision et après avoir demandé aux ministres compétents d’édicter pour chacun des décrets de revalorisation du RSA l’arrêté en question – demande qui a fait l’objet d’un refus implicite, les trois départements ont déféré ce refus au Tribunal administratif de Paris.

Le 30 juin dernier, ce dernier a considéré que ces revalorisations successives ont effectivement entraîné une modification « des règles relatives à l’exercice des compétences transférées » au sens des dispositions de l’article L. 1614-2 du CGCT, à l’origine de dépenses nouvelles pour les départements. Il en a déduit qu’en conséquence il incombait aux ministres chargés de l’intérieur et du budget d’édicter un arrêté conjoint, après avis de la commission consultative d’évaluation des charges du Comité des finances locales, constatant le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges induits par ces décrets, conformément aux dispositions de l’article L. 1614-3 du CGCT.

C’est ainsi que le juge administratif a annulé les décisions des ministres ayant rejeté les demandes des trois départements requérants tendant à ce que soient édictés les arrêtés de compensation.

Il est enfin à noter que ces revalorisations exceptionnelles décidées par le Gouvernement sont à différencier des revalorisations annuelles du montant forfaitaire du RSA (prises en application de l’article L. 262-3 du Code de l’action sociale et des familles) qui correspondent à l’inflation prévisionnelle et ne représentent pas une modification des règles transférées à une collectivité territoriale. Ainsi, la juridiction a considéré que l’annulation des décisions contestées en tant qu’elles refusent d’édicter les arrêtés prévus par l’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales ne devrait pas s’étendre aux deux décrets ayant prévu cette revalorisation annuelle (Décrets n° 2012-1488 du 28 décembre 2012 et n° 2013-1263 du 27 décembre 2013).

Les conséquences de ce jugement sont loin d’être négligeables puisque l’estimation faite par la Caisse nationale d’allocations familiales du montant total pour l’ensemble des départements des revalorisations du RSA s’élève à plus de 4 milliards d’euros. Ainsi, ce serait une facture de ce montant que l’Etat devrait payer à l’ensemble des départements afin de compenser les hausses successives qu’il a décidées.

Les ministères compétents ont ainsi six mois à compter de la date à laquelle le jugement leur a été notifié pour publier les arrêtés correspondant aux cinq décrets de revalorisation. Cependant, au vu de l’importance de ce montant, il est plus que probable que l’Etat ait décidé de faire appel de cette décision.

Cette décision doit être mise en parallèle avec le projet de loi « 3D » (déconcentration, différenciation et décentralisation) aussi appelé « nouvel acte de la décentralisation », qui doit être présenté à l’automne, dans lequel il est notamment question de tester, dans certains départements volontaires, une recentralisation du RSA. L’on peut penser que ce jugement servira d’argument aux partisans de la recentralisation de cette aide sociale.

[1] Décret n°2013-793 du 30 août 2013, décret n°2014-1127 du 3 octobre 2014, décret n°2015-1231 du 6 octobre 2015, décret n°2016-1276 du 29 septembre 2016 et décret n°2017-739 du 4 mai 2017

 

Précisions sur les conditions de mise en œuvre de la procédure avec négociation

Par un arrêt en date du 7 octobre 2020, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur peut valablement recourir à la procédure concurrentielle avec négociation prévue par les articles 42 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 25 du décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, laquelle correspond désormais à la procédure avec négociation prévue par les articles L. 2124-3, R. 2124-3 et R. 2124-4 du Code de la commande publique (CCP).

S’agissant du contexte, rappelons que l’office public de l’habitat de la métropole de Lyon (Lyon Métropole Habitat) avait engagé la passation d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux, composé de quatre lots, selon la procédure concurrentielle avec négociation. Or, saisi dans le cadre d’un référé précontractuel engagé par un groupement d’entreprises dont l’offre avait été rejetée pour le lot n° 3 « Diagnostics avant relocation et avant-vente », le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a annulé la procédure de passation de ce lot au motif que Lyon Métropole Habitat avait irrégulièrement eu recours à la procédure concurrentielle.

Saisi d’un pourvoi de Lyon Métropole Habitat, le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur la régularité du recours à cette procédure.

Certes, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon puisque ce dernier avait annulé la procédure au prix d’une dénaturation des pièces du dossier en retenant que la procédure concurrentielle avec négociation avait été mise en œuvre par Lyon Métropole Habitat sur le fondement des dispositions du 2° du II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016 alors qu’elle avait été engagée sur le fondement des dispositions du 1° du II du même article.

De ce fait et en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société AED amiante et environnement.

C’est à ce stade que la décision présente un intérêt puisque le Conseil d’Etat est venu précisé les conditions de mise en œuvre d’une procédure avec négociation et plus précisément la marge de manœuvre dont dispose les acheteurs.

En effet, le Conseil d’Etat a tout d’abord jugé que « la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes » et que, « en conséquence, l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ont fait de cette procédure l’une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a précisé dans ce même considérant que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd’hui codifié à l’article R. 2124-3 du code de la commande publique ».

De plus, cette décision apporte un éclaircissement utile sur la mise en œuvre de la procédure avec négociation également au stade de l’application de la règle précitée au cas d’espèce.

Il en est ainsi car le Conseil d’Etat a annulé la procédure avec négociation en considérant que si Lyon Métropole Habitat avait fait valoir que la réalisation de diagnostics immobiliers avant relocation ou avant vente portait « sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu’en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes », il demeurait toutefois que ces prestations « portaient sur les diagnostics exigés par différentes réglementations, devant être faits conformément aux normes applicables auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières, et qu’il s’agissait donc de prestations connues et normalisées » et qu’il ne résultait pas de l’instruction « que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu’au prix d’une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles ».

En résumé, il ressort de cette décision que si la réforme du droit de la commande publique a apporté de la souplesse dans la possibilité pour les acheteurs de recourir à une procédure de passation comportant une négociation, les acheteurs ne peuvent toutefois recourir à la procédure avec négociation que dans les cas limitativement énumérés désormais par l’article R. 2124-3 du CCP. Il en ressort également qu’une procédure avec négociation ne peut pas être mise en œuvre pour des prestations standardisées – autrement dit des prestations « sur étagère » ou « sur catalogue » –, sauf à ce que ces prestations ne puissent être réalisées qu’au prix d’une adaptation des solutions immédiatement disponibles ce qui n’est pas le cas de prestations répondant à des normes réglementaires.

Associations syndicales libres : précisions sur les modalités de convocation aux assemblées générales

Les ASL sont des associations qui dépendent uniquement de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et régies par la loi du 21 juin 1865. Comme toute association, ses statuts prévoient la tenue d’assemblées générales. La Cour de cassation a ainsi précisé les modalités de cette convocation.

En l’espèce, des époux ont contesté la validité de l’assemblée générale de l’association syndicale libre dont ils sont membres aux motifs que la convocation leur a été déposée dans leur boite aux lettres et non en mains propres.

Les juges d’appel ont fait droit aux demandes de l’ASL aux motifs que la convocation avait effectivement été déposée dans leur boîte aux lettres après que l’épouse ait refusé sa remise en mains propres. Ainsi, ayant refusé une convocation qui leur était pourtant remise conformément à ce que prévoient les statuts, les époux ne pouvaient donc pas soulever une irrégularité de forme affectant la tenue de l’assemblée générale litigieuse.

Or, la Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel en considérant que l’article 15 des statuts de l’ASL prévoyait que les convocations aux assemblées générales devaient être adressées soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par lettre simple remise contre émargement. Ainsi, la Haute Cour estime que la convocation n’a pas été remise aux époux conformément aux statuts de l’ASL.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait une interprétation stricte des statuts de l’ASL bien que le défaut de cette obligation de remise en mains propres découle du refus de l’épouse.

Associations syndicales libres : précisions relatives à la publication des modifications statutaires

Par un arrêt du 24 septembre 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la publication d’un extrait des statuts d’une association syndicale libre (ci-après « ASL ») n’est nécessaire qu’autant que leur modification porte sur la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association.

Une ASL a assigné une usufruitière d’un lot situé dans son périmètre, en paiement d’un arriéré de cotisations.

Dans un arrêt du 4 juillet 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté l’ASL de ses demandes. En effet, pour déclarer la demande de l’ASL irrecevable, l’arrêt retient qu’il n’est pas contesté que la publication des modifications statutaires a été faite au Journal Officiel mais que l’ASL ne justifie pas avoir publié un extrait de statuts : ainsi, selon les juges d’appel, l’ASL n’avait pas recouvrer sa capacité d’agir en justice.

L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’ordonnance de 2004 sur les ASL et de son décret d’application du 3 mai 2006. En effet, la Haute Cour considère que seules les modifications portant sur le nom, l’objet et le siège de l’ASL doivent faire l’objet d’une publication par extrait.

En effet, lorsque les ASL mettent leurs statuts en conformité avec les dispositions qui leur sont applicables, elles doivent respecter les formalités que ces nouvelles dispositions imposent. L’objet de la publication en cas de modification des statuts doit être déterminé en considération de l’obligation de publication initiale.

Ainsi, la publication d’un extrait des statuts contenant la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association étant exigée lors de la constitution d’une ASL, la publication d’un extrait des statuts n’est donc nécessaire qu’autant que la modification des statuts porte sur l’un de ces éléments.

Favorable à l’ASL, cette décision allège donc le champ de son obligation de publication puisque celle-ci porte uniquement sur les modifications relatives aux éléments précédemment évoqués.

 

Concession : l’acheteur doit donner aux candidats frappés d’exclusion en raison d’une condamnation pénale la possibilité de prouver leur fiabilité

Aux termes de l’article L. 3123-1 du Code de la commande publique (CCP), doivent être exclues de plein droit de la procédure de passation des contrats de concession les personnes physiques qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour des infractions pénales en lien avec le trafic de stupéfiants, l’escroquerie, l’abus de confiance, le blanchiment d’argent, le terrorisme, la concussion, la corruption et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, l’entrave à l’exercice de la justice, le faux, la participation à une association de malfaiteurs, des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, ainsi que la traite des êtres humains. Cette exclusion s’applique également aux personnes morales dont le représentant ou l’un des membres de son organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance a fait l’objet d’une telle condamnation et ce tant que la ou les personnes condamnées exercent leurs fonctions. Cette exclusion s’applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation.

Les candidats doivent donc, lorsqu’ils postulent à l’attribution d’un contrat de concession, produire à l’appui de leur candidature une déclaration sur l’honneur attestant notamment qu’ils ne font pas l’objet de l’exclusion prévue à l’article L. 3123-1 précité, faute de quoi leur candidature doit être rejetée comme irrecevable (cf. article R. 3123-16 à R. 3121-21 du CCP, auparavant article 19 et 23 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016).

Saisi par la Société VERT MARINE d’un recours tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté sa demande d’abrogation des dispositions réglementaires précitées, le Conseil d’Etat a dans un premier temps, sursis à statuer et saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles afin de l’interroger sur l’interprétation de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

Par un arrêt C-472/19 du 11 juin 2020, la CJUE a répondu que la directive s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas à un opérateur économique condamné de manière définitive pour l’une des infractions susmentionnées la possibilité d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité. En outre, la CJUE précise que la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale confie aux autorités judiciaires l’examen du caractère approprié des mesures correctrices prises par un opérateur économique, à condition que le régime national mis en place à cet effet soit compatible avec les délais imposés par la procédure de passation des contrats de concession. Dans la même logique, la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale permette aux autorités judiciaires de relever une personne d’une interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de contrats de concession à la suite d’une condamnation pénale et d’effacer une telle interdiction ou d’exclure toute mention de la condamnation dans le casier judiciaire, à condition que de telles procédures judiciaires permettent à l’opérateur économique souhaitant participer à une procédure de passation de contrats de concession, de lever, en temps utile, l’interdiction le frappant, au regard du seul caractère approprié des mesures correctrices invoquées par cet opérateur et évaluées par l’autorité judiciaire compétente.

Par sa décision du 12 octobre 2020, le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la CJUE que, pour ne pas méconnaître les objectifs de la directive du 26 février 2014, le droit français doit prévoir la possibilité pour un opérateur économique, lorsqu’il est condamné par un jugement définitif prononcé par une juridiction judiciaire pour une des infractions pénales énumérées à l’article L. 3123-1 du CCP, d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité, étant précisé néanmoins que la faculté de faire preuve de sa fiabilité ne saurait être ouverte lorsque l’opérateur a été expressément exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession, pendant la période fixée par ce jugement.

Or, il constate qu’en l’état actuel, le droit national ne respecte pas ces exigences. Il en conclut que la Société requérante est fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé d’abroger les dispositions des articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016, aujourd’hui repris aux articles R. 3123-16 à R. 3123-21 du CCP.

Le législateur et le pouvoir réglementaire vont donc devoir modifier prochainement le CCP afin de tirer les conséquences de cette décision et mettre le droit national en conformité avec les exigences découlant du droit de l’Union européenne.

Dans l’attente de ces modifications, les acheteurs devront faire application du principe dégagé par le Conseil d’Etat, qui est formulé en ces termes : « l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession prévue à l’article L. 3123-1 du CCP n’est pas applicable à la personne qui, après avoir été mise à même de présenter ses observations, établit dans un délai raisonnable et par tout moyen auprès de l’autorité concédante, qu’elle a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements correspondant aux infractions mentionnées au même article pour lesquelles elle a été définitivement condamnée et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement ».

Procédure et justification d’une décision de résiliation d’une concession valant délégation de service public

Par un arrêt du 21 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte des éclairages intéressants sur la procédure et les motifs justifiant une décision de résiliation d’un contrat de concession valant délégation de service public.

En l’occurrence, le litige opposait la commune de La Seyne-sur-Mer à la société immobilière et financière de l’armement (SIFA), à qui la commune avait attribué en 2012 un contrat de concession et de délégation de service public concernant la conception, le financement, l’exploitation, l’entretien et la maintenance du nouveau port de plaisance de La Seyne-sur-Mer. A la suite de diverses fautes, la commune avait mis en demeure le délégataire mettre fin aux manquements qui lui étaient reprochés dans un délai de 8 jours puis, faute pour le délégataire de se conformer à la mise en demeure, avait prononcé la résiliation pour faute du contrat par une délibération du 28 juillet 2015.

L’arrêt de la Cour traite, d’une part, de la régularité de la décision de résiliation.

A cet égard, il est intéressant de noter, en premier lieu, que la Cour s’appuie directement sur les dispositions de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration pour contrôler la régularité de la délibération de résiliation. Pour rappel, cet article dispose que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent », notamment les décisions infligeant une sanction (point 2° dudit article). Selon la Cour, le fait que la délibération prononçant la résiliation vise les stipulations du contrat fondant la décision et comporte « un exposé précis des griefs du concédant » constitue une motivation suffisante.

En second lieu, la Cour écarte un argument procédural du délégataire qui pouvait poser question : le contrat prévoyait une procédure de conciliation préalable obligatoire en cas de litige entre les parties et le délégataire soutenait que le délégant aurait dû mettre en œuvre cette procédure avant de résilier le contrat. La Cour considère au contraire que la résiliation pour faute n’est en elle-même un litige entre les parties et que la seule obligation du délégant était de mettre en demeure le délégataire, comme le prévoyait un autre article du contrat.

En troisième lieu, s’agissant précisément de cette mise en demeure, la Cour considère, après avoir vérifié le caractère précis de l’identification des manquements, qu’un délai de huit jours pour une telle mise en demeure est suffisant dès lors que lesdits manquements avaient fait l’objet ,plusieurs mises en demeure antérieures et de « nombreux autres courriers… depuis le début de l’exécution du contrat ». Cette appréciation de la Cour est intéressante car elle permet à un délégant qui a pris soin de matérialiser de longue date les manquements du délégataire d’éviter d’attendre à nouveau pendant un long délai de mise en demeure avant de pouvoir résilier un contrat public.

L’arrêt de la Cour traite, d’autre part, du bien-fondé de la décision de résiliation.

Trois éléments méritent d’être soulignés :

  • Lorsqu’une clause d’un contrat fixe pour point de départ d’un délai d’exécution d’une obligation contractuelle l’expiration des délais de recours contre ledit contrat :

    • Le fait qu’un tiers exerce un recours ne suffit pas à suspendre le délai d’exécution de cette obligation dès lors que la clause n’instaure une condition suspensive de cette exécution ;
    • Le fait que l’absence de clause suspensive soit contraire aux usages du secteur est un argument inopérant ;

  • L’absence de versement par le délégataire des pénalités de retard peut constituer, dès lors qu’elles n’ont pas encore été contestées par celui-ci, un faute susceptible d’être prise en compte dans la décision de résiliation ;

  • L’existence d’un recours d’un tiers contre le contrat, alors même qu’on imagine qu’il peut bloquer l’obtention par le délégataire des financements nécessaires à la réalisation des ouvrages dont la maîtrise d’ouvrage lui est déléguée, ne constitue pas une cause exonérant le délégataire de ses obligations contractuelles, faute de clause en ce sens.

En conséquence, la Cour a rejeté toutes les demandes du délégataire déchu.

Action en garantie du maître d’ouvrage reconnu responsable de dommages de travaux publics contre les constructeurs de l’ouvrage après le prononcé de la réception : les clauses relatives aux souscriptions d’assurance semblent pouvoir suffire

Dans un récent arrêt du 8 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles vient apporter une précision utile sur la rédaction des clauses contractuelles permettant de maintenir la responsabilité contractuelle des constructeurs après la réception au titre des dommages aux tiers non apparents ou connus à la date de la réception.

Dans cette affaire, un piéton avait été renversé par un camion de livraison d’enrobé sur le chantier des travaux de voirie entrepris sous maîtrise d’ouvrage d’un établissement public territorial.

Saisie de l’appel du titulaire du marché de travaux contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil ayant prononcé sa condamnation solidaire avec le maître d’ouvrage à indemniser l’assureur du véhicule des sommes versées à la victime, la cour avait notamment à se prononcer sur le sort des appels en garantie réciproquement formés par les cocontractants.

L’on précisera d’emblée que la cour a sans difficulté admis le principe même de leur responsabilité, dont le fondement résulte d’une jurisprudence désormais constante aux termes de laquelle « la responsabilité d’une collectivité publique, maître d’ouvrage de travaux publics, est susceptible d’être engagée, même en l’absence de faute, à l’égard de la victime de dommages causés par ces travaux, lorsqu’elle a vis-à-vis d’eux la qualité de tiers, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ce dernière est alors en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l’entrepreneur, soit au maître de l’ouvrage, soit à l’un et à l’autre solidairement. Il appartient, toutefois, au demandeur tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’il allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre les travaux publics et lesdits préjudices. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel ».

L’on sait néanmoins que le constructeur est fondé à demander à être totalement garanti par le maître d’ouvrage des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages causés aux tiers lorsque la réception des travaux a été prononcée sans réserve.

Le juge administratif a toutefois introduit des exceptions limitatives à ce principe. Ainsi la réception n’est-elle pas un obstacle à la condamnation définitive du constructeur à supporter les dommages causés au tiers, et consécutivement à l’appel en garanti formé par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur : lorsque le dommage trouve son origine dans un désordre affectant l’ouvrage et de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale ; lorsque la réception n’a été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; lorsqu’enfin une clause contractuelle expresse prévoit le maintien de la responsabilité du constructeur après la réception au titre des dommages aux tiers du fait de la réalisation des travaux publics.

Rappelant cette solution jurisprudentielle désormais bien établie, la Cour écarte le moyen soulevé par le constructeur tendant à se voir relevé par le maître d’ouvrage de toutes condamnations prononcées à son encontre, outre le rejet de l’appel en garantie formé par ce dernier à son encontre, en relevant que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait expressément que le titulaire du marché devait justifier d’une attestation d’assurance en responsabilité civile couvrant l’intégralité des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber à la suite de dommages causés aux tiers du fait ou à l’occasion de la réalisation des travaux, mais encore les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il est susceptible d’encourir vis-à-vis des tiers et du maître d’ouvrage, à la suite de tous dommages survenant après travaux.

La Cour considère ainsi que les clauses contractuelles doivent être regardées comme ayant maintenu la responsabilité du titulaire du marché de travaux, après le prononcé de la réception sans réserve au titre des dommages causés aux tiers, et ce quand bien même les dommages n’auraient été ni connus ni apparents à la date de la réception.

L’interprétation des stipulations contractuelles proposée par la Cour apparaît ce faisant particulièrement favorable aux maîtres d’ouvrages, la clause d’assurance ne faisant notamment pas expressément référence à la réception. Les dommages aux tiers n’apparaissent en effet couverts qu’en tant seulement qu’ils sont survenus au cours de la réalisation des travaux ou « après travaux ».

On ne saurait toutefois que trop conseiller aux maîtres d’ouvrage de prévoir l’insertion, dans leurs contrats, de clauses prévoyant expressément le maintien après réception de la responsabilité du titulaire au titre des dommages causés tiers qui n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception.

La Cour de cassation se prononce sur le contenu de la notion de diffamation sur internet en cas d’insertion d’un lien hypertexte dans une publication

Par un arrêt rendu le 1er septembre 2020, la Cour de cassation a précisé les contours de la responsabilité pénale en cas de mise en ligne d’un lien hypertexte redirigeant vers un écrit diffamatoire.

En l’espèce, le 20 février 2017, une association avait mis en ligne un communiqué informant de l’exclusion de l’un de ses membres à la suite d’une accusation de viol.

Peu après, le syndicat dont cette personne était adhérente publiait sur son site internet un texte critiquant les procédures internes de l’association, en se référant à ce communiqué.

Le 9 mars suivant, une élue locale mettait en ligne sur son compte Facebook, un lien hypertexte renvoyant à la publication d’un site internet tiers sur laquelle figurait une reproduction intégrale des communiqués de l’association et du syndicat.

Le 27 mai, la personne visée par la publication portait plainte à l’encontre de l’élue et se constituait partie civile du chef de diffamation publique à raison du seul texte émanant de l’association, mais en ce qu’il avait été reproduit ultérieurement sur divers sites, dont celui de l’élue.

Le Tribunal correctionnel, comme la Cour d’appel, avaient déclaré l’élue coupable des faits reprochés, considérant que l’insertion d’un lien hypertexte dans une nouvelle publication caractérisait le délit de diffamation sur internet.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts.

  • Sur la question de la prescription de l’action publique, la Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence en la matière, précise qu’: « un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ».

    S’il avait déjà été jugée que l’insertion sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement à cet écrit, caractérisait une reproduction (Cass. Crim., 2 novembre 2016, n° 15-87.163), la Cour apporte ici une précision concernant le point de départ du délai de prescription, qui, rappelons-le, est de trois mois pour les infractions générales en droit de la presse.

  • Sur la caractérisation du délit de diffamation publique par la mise en ligne d’un lien hypertexte renvoyant à un écrit, lui-même diffamatoire.

A cet égard, la Cour indique que cette publication ne relève pas nécessairement du délit de diffamation publique sur internet.

Au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et 593 du Code de procédure pénale, la Cour censure l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas justifié leur décision, en omettant d’examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé, que constituaient les modalités et le contexte dans lesquels le lien hypertexte avait été inséré, et notamment le sens du texte auquel renvoyait le lien.

Par cet arrêt, qui constitue une application de sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation rappelle la nécessité pour les juges du fond d’analyser le contexte et les modalités de la publication pour déterminer si les éléments constitutifs du délit de diffamation publique sont réunis.

L’explication de ce raisonnement tient au principe selon lequel : « relayer un message n’est pas nécessairement diffamer autrui ».

Insalubrité et recouvrement des frais engagés après un changement de propriétaire

Cette décision intéressante revient sur les hypothèses de recouvrement par la Commune du coût de travaux réalisés d’office en raison de propriétaires défaillants, et plus précisément lorsque des changements de propriétaires sont survenus au cours du processus.

A l’encontre de quel propriétaire, celui défaillant à exécuter les mesures prescrites par un arrêté, ici préfectoral, dans le délai impartis, ou celui propriétaire au moment du recouvrement effectif, la Commune peut-elle choisir d’émettre ses titres exécutoires ?

C’est à cette question que le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse en matière d’insalubrité, police spéciale du Préfet et non du Maire mais où la Commune peut être amenée à agir au nom de l’Etat.

En l’espèce, un Maire a mis en demeure des copropriétaires de réaliser sous un mois des travaux afin de mettre fin à l’état d’insalubrité constaté sur leur immeuble. Face à l’inertie de ces derniers, la Commune a été contrainte de les réaliser à leur frais et place.

Postérieurement à la réalisation des travaux mais avant que ne soit émis à son encontre un titre exécutoire aux fins de recouvrement des sommes engagées par la Commune, la société requérante en première instance avait cédé son bien, et n’était donc plus propriétaire. 

Le Conseil d’Etat, en se fondant notamment sur les dispositions de l’article L. 1331-29 du Code de la santé publique, retient que la Commune « est en droit de rendre débitrice de la créance qu’elle déteint la personne qui a la qualité de propriétaire ou de copropriétaire de l’immeuble à la date d’expiration du délai imparti par la mise en demeure d’exécuter les travaux ».

En d’autres termes, une Commune peut légitimement choisir de recouvrir ses créances à l’encontre du propriétaire devenu défaillant et auquel elle a dû se substituer, quand bien même il ne soit plus propriétaire au moment de l’émission du titre exécutoire correspondant. 

Par suite, « dès lors, en se fondant, pour annuler le titre exécutoire émis par la ville de Paris à l’encontre de la société Coste Royale, sur la seule circonstance que la société n’était plus copropriétaire de l’immeuble à la date à laquelle elle statuait sur son appel, la cour a commis une erreur de droit », l’arrêt est annulé et l’affaire renvoyée.

Cette solution semble transposable aux situations de péril où les articles L. 511-2-V, L. 511-3 et L. 511-4 actuellement en vigueur du Code de la construction et de l’habitation posent des principes similaires à ceux du Code de la santé publique en disposant que les frais « de toute nature » avancés par la commune, lorsque celle-ci s’est substituée aux propriétaires défaillants, peuvent être légitimement recouvrés « comme en matière de contribution directe », c’est-à-dire par l’émission de titres exécutoires.

Les frais de dépollution d’un site industriel : une nouvelle composante de l’indemnité d’éviction ?

Un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société pour y exploiter une station-service de distribution de produits pétroliers et de vente d’accessoires automobiles. Au terme du bail, il délivre au preneur un congé avec refus de renouvellement avec offre du paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L. 145-18 du Code de commerce (considérant un projet de démolition et reconstruction).

De manière assez classique, un désaccord intervient entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction; le bailleur soutenant notamment qu’il n’avait pas à prendre en charge les frais de dépollution du site. Un expert judiciaire a donc été désigné avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Aux termes du dépôt de son rapport, l’Expert a ainsi conclu :

  • que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce ;

  • que les frais de dépollution du site devraient être déduits du montant de l’indemnité d’éviction (indemnité principale et accessoires).

En première instance, le Tribunal avait ladite estimé que la société preneuse, en sa qualité de dernier exploitante du site, devait se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale (ICPE), notamment en faisant réaliser les diagnostics prévus par la loi et en faisant le cas échéant dépolluer les lieux pris à bail à ses frais.

En effet, en application de l’article L. 110-1, II-3° du Code de l’Environnement, ainsi que da la jurisprudence constante en la matière, le preneur devrait – en sa qualité de dernier exploitant du site – se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale, et partant prendre en charge la dépollution des lieux.

La société preneuse a interjeté appel de ce même jugement.

Contre toute attente, la cour d’appel de Paris rompt avec ce principe au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce, rappelant ainsi que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail.

Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour a considéré que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs, étaient directement liés à l’éviction commercial de la société et partant, à l’arrêt définitif de l’exploitation. Ils devaient donc être indemnisés au titre des indemnités accessoires.

Un contrat passé à titre onéreux par une commune avec un opérateur de téléphonie mobile et d’internet en vue de répondre à ses besoins en matière de télécommunications est un contrat administratif en vertu de la loi

C’est en effet ce qu’a considéré le Conseil d’Etat dans sa récente décision en date du 25 septembre 2020.

Pour rappel, les faits sont les suivants : la commune de Belvezet (Gard) a souscrit auprès de la société Orange un abonnement pour la fourniture de services de téléphonie et d’internet.

Mais, à la suite d’un accident de la route le 19 juin 2019, le poteau supportant la ligne de téléphone desservant la commune a été arraché, provoquant ainsi l’interruption du service pour une partie des habitants de la commune.

Après six jours d’interruption du service et en avoir informé le prestataire, la Commune forme un référé « mesure utiles » devant le Tribunal administratif de Nîmes[1], lequel enjoint la société la société Orange de prendre toute mesure nécessaire pour rétablir les télécommunications sur la commune de Belvezet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

C’est alors que ladite société forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat en soulevant un moyen tiré de l’incompétence du juge administratif pour connaître de ce litige.

Ce moyen sera écarté par la Haute juridiction.

Alors que selon la société Orange, par application de la jurisprudence dite « Bac d’Eloka [2]», c’est à la juridiction judiciaire qu’il revient de trancher ce litige, dès lors qu’il oppose le gestionnaire d’un service public industriel et commercial (SPIC) et son usager, ce raisonnement n’est pas applicable selon le Rapporteur public[3], suivi par le Conseil d’Etat :

  • d’une part, le service en cause, à savoir la fourniture d’un service de télécommnications à une commune, n’est pas un service public en tant que tel et, par la même, pas un SPIC ;

  • d’autre part, la commune de Belvezet ne peut être assimilée à n’importe quel usager abonné d’Orange, particulier ou professionnel et le lien contractuel qui l’unit à la société Orange ne peut donc revêtir la même qualification.

 

En réalité, ainsi que le souligne le Rapporteur public dans ses conclusions, le contrat en cause répond en tous points à la définition du marché public de service telle qu’elle est posée par le Code de la commande publique « l’abonnement souscrit est un contrat conclu par un acheteur soumis au code de la commande publique (la commune) avec un opérateur économique (la société Orange) pour répondre à ses besoins (en matière de téléphonie et d’internet) en contrepartie d’un prix ».

Dans ce cadre, le conseil d’Etat considère que le contrat liant la Commune et la société Orange est un contrat administratif par détermination de la loi.

Par suite, l’action contentieuse dirigée contre ce contrat relève bien de la juridiction administrative et c’est donc à bon droit que le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes a estimé que tel était le cas.

[1] Article L. 521-3 du Code de justice administrative

[2] Arrêt TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt « Bac d’Eloka »

[3] Les conclusions de Mme Sophie Roussel, Rapporteur public dans cette affaire, sont disponibles ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2020-09-25/432727?download_pdf

Du nouveau pour l’option à la TVA de locaux à nus à usage professionnel

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

 

 

Les locations de locaux nus à usage professionnel sont en principe exonérés de TVA mais peuvent être soumises à la taxe sur option (art. 260 2° du CGI).

Cette option doit être formulée par écrit auprès du service des impôts territorialement compétent, formalisant l’intention de son auteur de soumettre à la TVA son activité de location (BOI-TVA-CHAMP-50-10) elle ne peut être implicite et ne peut ne peut notamment résulter de la soumission volontaire des opérations à la TVA et de l’acquittement de cette taxe (CE 6 avril 1987, n° 59523, 7e et 8e s.-s.)

Lorsque le preneur n’est pas assujetti, l’option à la TVA doit par ailleurs être mentionnée dans le contrat de bail, la clause concernée devant traduire l’accord exprès du preneur sur le paiement de la TVA cette mention étant une condition de validité de l’option en application des dispositions de l’article 206,2° du CGI.

L’option peut être formulée dès la concrétisation du projet et prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle a été formulée. L’option s’applique pour l’immeuble concerné aussi longtemps qu’elle n’a pas été dénoncée ou jusqu’à ce que les locaux changent de destination. (Art. 194 ann. II au CGI), le changement de locataire, n’entrainant pas de fait la caducité de l’option.

L’article 193 de l’annexe II du CGI exige en outre que l’option prévue par l’article 260 du CGI en vue d’acquitter la TVA soit distinctement exercée par immeuble ou par ensemble immobilier.

Selon la doctrine administrative publiée (BOI-TVA-CHAMP-50-10) il en résulte que l’option prévue à l’article 260, 2° du CGI couvre la totalité des locaux, non exclus du champ d’application de la taxe, situés dans cet ensemble. Par ensemble immobilier, il faut entendre non seulement un groupe de bâtiments ayant fait l’objet d’un même plan de masse, d’un permis de construire unique, ou d’un même programme de construction, réalisé sur un terrain appartenant à une même personne, mais également deux ou plusieurs immeubles construits sur un même terrain et destinés à l’exercice d’une seule et même activité par le preneur.

Dans un arrêt en date du 09 septembre 2020 (CE, 3ème et 8ème s-s. réunies, n° 439143) le Conseil d’État vient de juger qu’une telle interprétation purement littérale de l’article 193 de l’annexe II au CGI ne peut être retenue, contredisant ainsi l’analyse de la doctrine administrative.

La Haute assemblée a ainsi expressément précisé que si ces dispositions impliquent qu’un contribuable peut opter pour soumettre l’ensemble des locaux situés dans un même immeuble ou dans un même ensemble d’immeubles à la TVA, il n’y est nullement obligé : il peut, au contraire, tout à fait opter pour la soumission à la taxe de seulement certains locaux éligibles exploités dans un même immeuble ou ensemble immobilier.

Afin de permettre une application différenciée des règles de TVA à des locations portant sur des locaux situés dans un même ensemble immobilier, il conviendra d’être particulièrement attentif, lors de la formulation de l’option à la désignation des locaux et baux concernés qui devront être identifiés précisément et de façon non équivoque.

Marchés publics : relèvement de certains seuils de publicité et de mise en concurrence

Depuis le 1er janvier 2020, le seuil en deçà duquel les acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) peuvent conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence est fixé à 40.000 € HT (cf. article R. 2122-8 du CCP).

Par décret n° 2020-893 en date du 22 juillet 2020, le pouvoir réglementaire a relevé ce seuil, d’une part, pour les marchés de travaux et, d’autre part, pour les marchés de fournitures de denrées alimentaires.

S’agissant des marchés de travaux, le seuil est relevé à 70.000 € HT. Ce relèvement vaut également pour les lots portant sur des travaux dont le montant est inférieur à 70.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. Cette mesure s’applique pour les marchés de travaux conclus d’ici au 10 juillet 2021 inclus.

S’agissant des marchés de fournitures de denrées alimentaires, le seuil de publicité et de mise en concurrence est relevé à 100.000 € HT, sous réserve que deux conditions soient réunies : d’une part, les denrées alimentaires faisant l’objet du marché doivent avoir été produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 11 juillet 2020 et, d’autre part, elles doivent être livrées avant le 10 décembre 2020. Il est également précisé que ces dispositions sont applicables aux lots dont le montant est inférieur à 80.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Tout en procédant à ces relèvements de seuils, le décret rappelle aux acheteurs qu’ils doivent veiller à « choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin », reproduisant les termes figurant déjà à l’article R. 2122-8 du CCP.

Il faut noter que l’article 3 du décret définissant le champ d’application de ces mesures souffre d’une double ambiguïté de rédaction :

  • d’une part, il ne mentionne, parmi les marchés concernés par ces mesures, que ceux de « l’Etat et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises », ce qui semble exclure les marchés passés par les autres acheteurs soumis au CCP, notamment les collectivités territoriales et leurs établissements publics ;

  • d’autre part, il dispose qu’ « il entre en vigueur dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises le lendemain de sa publication», ce qui semble exclure les autres collectivités d’outre-mer ainsi que la métropole.

Par la suite, la Direction des affaires juridiques des ministères économique et financier (DAJ) a, dans une publication du 28 août 2020, précisé que « ce relèvement temporaire des seuils concerne bien évidemment tous les acheteurs, qu’ils soient situés en métropole ou dans les collectivités d’outre-mer qui sont soumises au principe d’ « identité législative », et pour lesquels il n’était pas nécessaire de préciser le champ d’application territorial des mesures ». 

Toutefois, on peut regretter que ces précisions apportées par la DAJ – qui n’ont pas de valeur réglementaire en elles-mêmes – soient en contradiction avec la lettre du décret…

On peut également regretter que ce décret n’intègre pas ces mesures directement dans le CCP.

Habitat indigne, une clarification tant attendue

L’article 198 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’ménagement et du numérique, dite loi ELAN,  autorisait le gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne à compter du 1er janvier 2021. Trois objectifs étaient énoncés par cet article :

  • harmoniser et simplifier les procédures administratives ;

  • répondre plus rapidement à l’urgence en précisant les pouvoirs du maire ;

  • favoriser l’organisation au niveau intercommunal des outils et moyens de lutte contre l’habitat indigne.

 

L’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations[1] semble répondre à ces objectifs dès lors qu’elle réunit au sein d’une même police clarifiée, celle de la sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis (I).

A ce jour, et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance le 1er janvier 2021, plus d’une dizaine de procédures existent, disséminées dans le Code la santé publique et dans celui de de la construction et l’habitation, rendant complexe l’indentification du texte applicable ce qui peut entrainer une fragilité juridique des décisions prises sur le fondement de ces textes. Ainsi, l’objectif de protection de la sécurité publique pouvait se trouver entravé du fait de cette complexité et de la longueur de certaines procédures souvent incompatible avec l’impératif d’urgence qui s’impose généralement.

Par ailleurs, l’objectif de voir gérer ses problématiques sensibles à l’échelon intercommunal devrait effectivement être atteint dès lors qu’il sera désormais plus difficile pour les présidents d’EPCI de refuser de se voir transmettre cette compétence (II).

 

 

I – Création d’une police spéciale de la sécurité et de la salubrité

 

A –  Objet de la nouvelle police spéciale

L’ordonnance vient uniformiser les procédures éparses sous un chapitre unique du code de la construction et de l’habitation intitulé « Livre V LUTTE CONTRE L’HABITAT INDIGNE ».

Le nouvel article L. 511-2 du Code de construction et de l’habitation (CCH) énonce les situations dans lesquelles la nouvelle police unique a vocation à s’appliquer à savoir :

  1. Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ;
  2. Le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, lorsqu’il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation ou d’utilisation ;
  3. L’entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ;
  4. L’insalubrité, telle qu’elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du Code de la santé publique.

 

Le nouvel article 511-4 du CCH prévoit expressément que le maire ou le président de l’EPCI demeurent compétents dans les trois premiers cas à savoir les situations de risques liés à la sécurité, le préfet restant compétent en matière d’insalubrité pour les risques d’atteinte à la santé. L’ordonnance du 16 septembre 2020 maintient donc la répartition des pouvoirs entre les maires et les préfets.

S’agissant des pouvoirs dont dispose le maire, il y a lieu de noter dès à présent que la distinction existant auparavant selon que la cause du péril est inhérente ou extérieure au bâtiment n’a plus d’impact quant à la procédure à mettre en œuvre.

La difficulté qui existait quand les deux causes se cumulaient conduisait à devoir rechercher, avant toute décision, laquelle des deux causes était prépondérante pour déterminer le régime applicable, n’a désormais pu lieu d’être.

Le fameux arrêt « Commune de Badinières » énonçant ce principe a donc vécu (CE n° 259205).[2]

 

B – Simplification et uniformisation des procédures de mise en œuvre de la police spéciale

Les différentes procédures existantes à ce jour brillent par leur complexité et leurs modalités de mise en œuvre selon la nature du risque, sa gravité, son origine et l’autorité compétente.

Désormais, l’ordonnance du 16 septembre 2020 uniformise l’ensemble des procédures.

  1. Sur l’encadrement du droit de visite

L‘article L. 511-7 du CCH vient préciser pour la première fois les modalités des visites par les représentants des maires ou des préfets dans les lieux susceptibles des présenter des situations à l’article L. 511-2 du CCH.

Il est désormais prévu que « Lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu’entre 6 heures et 21 heures ». En cas de difficulté ou de refus d’accès l’intervention du juge des libertés ou de la détention est désormais prévue afin de permettre l’accès.

Cette intervention spécifique d’un magistrat dédié a le mérite d’envisager une procédure plus rapide que la saisine du juge des référés, cette procédure étant soumise à des délais relativement long au regard du contexte lequel nécessite des décisions rapides.

 

  1. Sur la possibilité de saisir la juridiction administrative

Si auparavant la saisine de la judication administrative aux fins d’obtenir la désignation d’un expert était un préalable obligatoire à la prise d’un arrêté de péril imminent (article L. 511-3 du CCH actuel), la saisine de la juridiction est désormais une simple possibilité, et ce quelle que soit la gravité du risque.

En effet, l’article L.511-9 dispose que « préalablement à l’adoption de l’arrêté de mise en sécurité, l’autorité compétente peut demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert afin qu’il examine les bâtiments, dresse constat de leur état y compris celui des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin au danger. L’expert se prononce dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation ».

Bien que les juridictions administratives aient contesté le bien-fondé de cette disposition qui, bien qu’il ne s’agisse pour l’autorité compétente qu’une simple possibilité, risque d’augmenter le nombre de saisines. En effet, l’intervention d’un homme de l’art devrait bien évidemment permettre à l’autorité compétente de s’appuyer sur ses conclusions afin de justifier techniquement le contenu d’un arrêté de mise en sécurité.

 

  1. Sur le déroulement de la procédure

La prise d’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité suivent désormais le même schéma à savoir :

  • une procédure contradictoire préalable avec la personne tenue d’exécuter les mesures qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale (nouvel article L. 511-10 du CCH) ;
  • prescription des mesures devant être réalisées dans un délai imparti et nécessitées par les circonstances qui peuvent consister en :
    • la réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation y compris, le cas échéant, pour préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus (L. 511-11-1°) ;
    • la démolition de tout ou partie de l’immeuble ou de l’installation (L. 511-11-2°) ;
    • la cessation de la mise à disposition du local ou de l’installation à des fins d’habitation L. 511-11-3°) ;
    • l’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif L. 511-11-4°) que s’il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insalubrité ou à l’insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.

 

L’ordonnance du 16 septembre 2020 prévoit la possibilité pour l’autorité compétente qui constaterait que les injonctions n’ont pas été réalisées dans le délai imparti de prononcer une astreinte inférieure à 1.000 € par jour de retard tout en restant proportionnelle à l’ampleur des travaux réalisés (nouvel article L. 511-15 du CCH). En cas d’astreinte le produit revient au maire lorsque celui-ci est compétent ou à l’Agence Nationale de l’Habitat (l’ANAH) lorsque le préfet est compétent (nouvel article L. 511-15 CCH).

Par ailleurs, et c’est aussi l’un des éléments essentiels de cette ordonnance, lorsque les prescriptions n’ont pas été réalisées dans le délais imparti, l’autorité compétente peut désormais par simple décision motivée faire procéder d’office à leur exécution et ce aux frais du propriétaire.

Cette procédure d’exécution d’office se fera donc désormais sans passer par une mise en demeure préalable, ce qui permet d’accélérer la procédure de substitution laquelle se justifie par l’urgence. Ce point est évidemment important car précédemment l’article L. 511-2-V, imposait que cette mise en demeure de respecter les prescriptions des arrêtés ne pouvait être inférieure à un mois, prolongeant d’autant la situation de danger.

 

  1. Sur la procédure d’urgence

L’ordonnance commentée vient prendre en compte une situation qui est actuellement particulièrement délicate à mener pour un maire ou un président d’EPCI lorsqu’un bien présente un risque d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes particulièrement grave qui nécessite une intervention extrêmement rapide.

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance les pouvoirs de police spéciale ne permettaient nullement d’intervenir rapidement malgré une urgence absolue.

La seule solution consistait pour l’autorité compétente à se fonder sur les pouvoirs de police générale des article L. 2212 et suivants du Code général des collectivités territoriales, le conseil d’état ayant admis « qu’en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent», le maire pouvait faire usage de ses pouvoirs de police générale, quelle que soit la cause du péril (CE 27 juin 2005, Ville d’Orléans, req. n° 262199)[3].

La conséquence de la mise en œuvre de ce pouvoir de police étant que la décision étant prise sur le fondement de la police générale les frais nécessaires à la suppression du péril particulièrement grave et imminent étaient supportés par la commune laquelle doit également assurer le relogement des occupant à ses propres frais sans possibilités de recouvrement.

Désormais, l’article L. 511-19 du CCH permet au maire ou au président de l’EPCI d’ordonner par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’il fixe étant précisé que l’autorisation du juge est cependant nécessaire pour procéder à la démolition du bien si aucune autre mesure ne permet d’écarter le danger.

La décision de démolir étant susceptible de porter atteinte au droit de propriété, l’autorité compétente devra saisir le juge judiciaire selon la « procédure accéléré au fond » prévue à l’article 481-1 du Code de procédure civile[4] et qui permet d’obtenir une décision ayant autorité de la chose jugée dans des délais relativement rapides.

 

 

II – Sur les transferts de compétence

 

A – Sur les transferts de compétence des maires aux EPCI

La nouvelle ordonnance précise systématiquement que l’autorité compétente en matière mise en sécurité relève ou de la compétence du maire ou du président de l’EPCI.

Actuellement, si un seul des maires composant l’intercommunalité s’est opposé au transfert de cette compétence le président d’un EPCI doit faire le choix de refuser cette compétence sur la totalité du territoire de l’intercommunalité ou bien ne l’exercer que sur les territoires des communes dont les maires ont transféré cette compétence.

Ce principe est désormais abandonné et la possibilité pour le président de l’EPCI de refuser d’exercer cette compétence est désormais limitée.

En effet, l’article 15 de l’ordonnance du 16 septembre 2020 dispose que « le président de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut pas renoncer à ce que les pouvoirs de police des maires des communes membres lui soient transférés, sauf si au moins la moitié des maires de ces communes se sont opposés au transfert de plein droit, ou si les maires s’opposant à ce transfert représentent au moins la moitié de la population de l’établissement ».

Ainsi, le transfert est-il être privilégié, sachant en outre, que l’absence de transfert de compétence est susceptible d’évoluer dès lors que les maires qui se sont opposés à ce transfert auront désormais la possibilité de revenir sur leur décision en cours de mandat, ce qui est susceptible de modifier les critères évoqués. Dans cette hypothèse, le transfert prendra effet dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du maire au président de l’EPCI.

 

B – Sur le transfert de compétence des préfets aux EPCI

L’article 16 facilite quant à lui les conditions de délégation des pouvoirs des préfets aux présidents d’EPCI lorsque celui-ci a signé avec l’Etat une convention mentionnée à l’article L. 301-5-1 du CCH. Actuellement, ces délégations ne sont possibles qu’aux conditions suivantes :

  • l’EPCI est délégataire des aides à la pierre, à savoir les aides financières destinées à la production (construction et acquisition), la réhabilitation et la démolition des logements locatifs sociaux ainsi que la création de place d’hébergement ; et à l’amélioration de l’habitat privé relevant des aides de l’ANAH ;

  • l’EPCI doit disposer d’un service dédié à la lutte contre l’habitat indigne ;

  • l’EPCI bénéficie de l’ensemble des transferts des pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne de tous les maires des communes membre de l’EPCI.

Cette dernière condition a été assouplie et désormais il suffit qu’un seul maire ait transféré ses pouvoirs, pour que la délégation puisse être faite, sachant que cette disposition s’applique également aux présidents d’établissement publics territoriaux et à la métropole du Grand Paris.

 

***

 

Cette ordonnance, qui entrera en vigueur pour les arrêtés pris après le 1er janvier 2021 devrait faciliter les moyens d’action des maires et président d’EPCI et tendre vers une accélération des procédures. Elle doit être complétée d’ici la fin de l’année 2020 par un décret d’application lequel devra être suffisamment précis concernant notamment les modalités du respect du principe du contradictoire ainsi que sur les délais donnant injonction de faire les travaux. Par ailleurs, si cette ordonnance uniformise les deux polices de l’insalubrité et de la mise en sécurité et en crée une nouvelle unique, les grands principes de la lutte contre l’habitat indigne sont maintenus, ce qui permet d’envisager une jurisprudence relativement stable.

En revanche, il y aura lieu pour les autorités compétentes de rester vigilantes quant à la mise en œuvre de cette nouvelle police et à la rédaction des futurs arrêtés.

Par Cyril Croix

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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042334702

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008215178/

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008235002/

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000039661612/2020-01-01/

 

Rénovation énergétique et plan de relance 2020 : un enjeu majeur

La rénovation énergétique des bâtiments publics et privés constitue un enjeu majeur du plan de relance de septembre 2020 avec une volonté affirmée de soutenir le secteur de la construction tout en contribuant à économiser l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre

Avec 100 milliards d’euros d’investissements mobilisés, le plan « France Relance » présenté par le gouvernement le 3 septembre 2020 engage la phase de relance économique décidée par le gouvernement afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire de la COVID-19. Les dépenses, engagées sur deux ans (2020-2022), seront inscrites dans les futures lois de finances rectificative pour 2020, de finances pour 2021 et de financement de la sécurité sociale pour 2021 – le plan de relance européen venant quant à lui apporter 40 milliards d’euros. 

Un axe essentiel du plan est en outre celui du dynamisme territorial : une contractualisation renforcée sera engagée entre l’Etat et ses services déconcentrés et les collectivités et, en premier lieu, les régions. Il conviendra au-delà de voir le rôle qui sera réellement dévolu aux collectivités dans la mise en œuvre du plan. 

Le temps est donc à la planification avec la volonté de financer les domaines les plus porteurs :  accélérer la conversion écologique et renforcer la compétitivité et la cohésion sociale.  

La transition écologique est à cet égard qualifiée d’objectif stratégique par le gouvernement. Et si 30 milliards d’euros lui sont directement affectés, chaque axe du plan de relance doit, pour le gouvernement, y apporter une contribution. 

Parmi le nombre important de mesures en faveur de la transition écologique on relèvera celles relatives à la biodiversité, à l’économie circulaire, à la transition agricole, aux mobilités et aux technologies vertes.  

Mais un véritable changement d’échelle est ambitionné sur la question de la rénovation énergétique, avec un budget de 6,7 milliards d’euros dédié à la rénovation des bâtiments publics, privés et des logements, dont 4 milliards pour la rénovation des bâtiments publics de l’Etat et des collectivités, 2 milliards pour les logements privés, 500 millions pour le parc social et 200 millions pour le parc tertiaire des TPE/PME.  

Ces financements sont à mettre en lien avec la récente annonce du ministère de l’écologie sur un « coup de pouce » aux certificats d’économie d’énergie (CEE) en vue d’opérations de rénovation globale et performante de logements. Mais aussi avec le « plan Climat » de 40 milliards d’euros de la Caisse des dépôts et consignations que cette dernière annonçait mobiliser en fonds propres et prêts à la rénovation. 

Pour le gouvernement, le secteur du bâtiment est donc au cœur de ses priorités avec pour enjeux le soutien au secteur de la construction et du bâtiment, la contribution aux économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

 

 

Tour d’horizon des trois principales mesures en matière de rénovation énergétique

 

1 – Rénovation des bâtiments publics

Cette mesure planifie un investissement, qualifié de massif, dans la rénovation énergétique des bâtiments publics, avec pour objectifs une diminution de la facture énergétique, un gain de confort pour les usagers et agents ainsi qu’une réduction de l’empreinte énergétique et environnementale des bâtiments.   

4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics sont ainsi annoncés, dont 300 millions d’euros seront délégués aux régions pour la rénovation des lycées notamment. Une partie de l’enveloppe sera par ailleurs dédiée aux projets de rénovation thermique des bâtiments appartenant aux collectivités, au travers de dotations de soutien de l’Etat gérées au niveau local par les préfets. 

De manière générale, il s’agira de financer 3 types d’opération de rénovation : (i) des actions dites à « gain rapide » présentant un retour sur investissement important (contrôle, pilotage et régulation des systèmes de chauffage, modernisation des systèmes d’éclairage, etc.) ; (ii) des travaux de rénovation énergétique relevant du gros entretien ou du renouvellement des systèmes (isolation du bâti, changement des équipements, etc.) ; et, enfin, (iii) des opérations immobilières de réhabilitation lourde incluant d’autres volets que la rénovation énergétique (mise aux normes de sécurité et d’accessibilité, confort, etc.). 

Il est prévu que les premiers chantiers de rénovation commencent, pour les moins importants et ceux déjà prêts à être engagés, début 2021, et que l’ensemble des marchés publics soient notifiés avant le 31 décembre de la même année. Les délais sont donc très courts pour engager les opérations. 

A noter que, à « l’exception des bâtiments publics de collectivités, les projets financés seront sélectionnés par le biais d’appels à projets ». Deux appels à projets (pilotés par la Direction de l’immobilier de l’Etat, DIE) concernant les bâtiments propriétés de l’Etat et de ses établissements publics, dont l’un est spécifique aux bâtiments affectés aux missions d’enseignement supérieur, de recherche et aux œuvres universitaires et scolaires, ont ainsi d’ores et déjà été publiés le 7 septembre dernier pour des candidatures attendues ce 9 octobre au plus tard. L’appel à projets relatif aux bâtiments des collectivités fera quant à lui l’objet d’un « dispositif spécifique », non encore détaillé à ce jour. 

Pour consulter la fiche détaillée : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-batiments-publics.pdf 

  

 

2 – Rénovation énergétique et réhabilitation lourde de logements sociaux 

L’objectif de cette mesure est d’accompagner la restructuration lourde de logements sociaux et leur rénovation énergétique,  « avec l’ambition de faire émerger des solutions « industrielles » françaises très performantes », ceci afin de répondre à plusieurs enjeux liés à la transition énergétique mais également spécifiques aux logements sociaux, dont l’« adaptation des logements au vieillissement et la création d’ascenseurs », l’« adaptation aux besoins des populations et des territoires », l’« attractivité du parc locatif social en zones détendues et la lutte contre la vacance », « la diminution du prix de revient de la rénovation des logements ».  

Concrètement, le plan prévoit plusieurs types d’actions : 

  • la rénovation thermique globale avec une ambition renforcée visant à atteindre les standards les plus élevés ; 
  • le déploiement de solutions industrielles – notamment celles développées dans le cadre du programme EnergieSprong – pour la rénovation énergétique afin que les bâtiments parviennent à une consommation nette d’énergie nulle, voire positive ; 
  • la restructuration lourde de logements sociaux existants vétustes et inadaptés, pour créer une offre plus adaptée aux besoins et permettre des travaux de rénovation énergétique. 

  

A cette fin, une enveloppe de 500 millions d’euros de subventions octroyées aux organismes HLM, aux collectivités ou aux maîtres d’ouvrage d’insertion pour les années 2021 et 2022 est envisagée, dont 40 millions d’euros seraient réservés à un appel à projets visant à massifier les solutions industrielles pour un objectif de 10 000 logements rénovés. À ce stade, le nombre de logements pouvant être aidés sur le volet « restructuration-réhabilitation lourde » est estimé à environ 40 000. Le mouvement HLM a d’ailleurs accueilli ces mesures avec satisfaction. 

Il est prévu que cette mesure puisse bénéficier à des opérations dès le printemps 2021. La gestion de l’enveloppe sera déconcentrée au niveau régional et départemental et la répartition des subventions entre chacune des régions effectuée à la suite d’une enquête de remontée des besoins auprès des services de l’Etat dans les territoires (DREAL et DDT). L’instruction des dossiers sera ensuite effectuée par les DDT ou les collectivités délégataires des aides à la pierre, le cas échéant. Le lancement d’un appel à projets afin de massifier les solutions industrielles au niveau national et de sélectionner les opérations à soutenir en 2021 puis en 2022 est également proposé. 

Pour consulter la fiche détaillée :    https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-rehabilitation-logements-sociaux.pdf

  

 

3 – Rénovation énergétique des logements privés 

En ce qui concerne les logements privés, le plan prévoit de mobiliser 2 milliards d’euros, afin d’« amplifier et accroître l’efficacité des aides à la rénovation énergétique des bâtiments privés », répartis sur 2021 et 2022, avec des mesures mises en œuvre dès le 1er janvier 2021, en vue d’atteindre l’objectif de rénovation du parc au niveau BBC en 2050 et l’éradication des passoires thermiques à l’horizon 2030. 

Outre le rehaussement annoncé du budget du dispositif MaPrimeRénov’ (qui a succédé au crédit d’impôt pour la transition énergétique, CITE) de 2 milliards d’euros sur 2021-2022, le plan de relance prévoit d’autres mesures, dont les modalités devraient être précisées « prochainement » :  

  • renforcement du soutien à la rénovation globale ; 
  • renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les propriétaires bailleurs ; 
  • renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les copropriétés ; 
  • renforcement du volet « logement », financé par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), des plans d’action gouvernementaux de soutien aux copropriétés dégradées (PIC) et à la réhabilitation-restructuration de l’habitat en centre-ville ; 
  • mobilisation et communication autour des métiers de la rénovation. 

Pour consulter la fiche détaillée :     https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-batiments-prives.pdf

Par Thomas Rouveyran et Christophe Farineau

Evolution de la règlementation Seveso

Le 24 septembre 2020, soit un an après l’incendie s’étant produit au sein de l’usine de Lubrizol, classée SEVESO, le gouvernement a adopté deux décrets et cinq arrêtés relatifs à la règlementation des installations classées avec la volonté de tirer les conséquences de cet accident.  

  

 

Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu’elles peuvent être à l’origine d’accidents majeurs 

Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu’elles peuvent être à l’origine d’accidents majeurs 

  

Ce décret a été adopté en vue de préciser l’application de la directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012, dite Seveso III et clarifie ainsi certains éléments et obligations en découlant, telle que l’obligation d’échange d’informations et de coopération entre exploitants voisins, les informations accessibles au public ou encore les objectifs et le contenu des plans d’opération interne (POI). Plusieurs éléments peuvent être mis en avant.  

On peut notamment relever que l’information du préfet est renforcée. Il devra notamment être informé du transfert d’une autorisation environnementale préalablement à sa réalisation et pourra s’y opposer. Le préfet pourra également solliciter de l’exploitant d’une installation faisant une déclaration d’antériorité qu’il lui communique « la production d’une étude montrant que les dangers ou inconvénients […] sont prévenus de manière appropriée », sous certaines conditions (article 4). Lors du recensement, réalisé par l’exploitant de l’installation susceptible de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, de ces substances, le préfet devra être informé des résultats de ce recensement et pourra les communiquer à toute personne en faisant la demande, sous certaines conditions (article 5).  

Le décret définit le moment auquel le préfet doit mettre à disposition du public les informations relatives aux accidents majeurs susceptibles de se produire et aux moyens mis en œuvre pour en assurer la prévention et la réduction des conséquences. Notamment, les informations devront être mises à disposition du public avant la mise en service de l’installation ou la mise en œuvre de certaines modifications ; elles devront être disponibles en permanence (article 5).   

Les exploitants doivent coopérer entre eux. Les exploitants des installations susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses situés à proximités les uns des autres doivent échanger des informations et coopérer « pour permettre la prise en compte de la nature et de l’étendue du danger global d’accident majeur » et assurer l’information du public et des sites voisins (article 5).  

Ce décret rend en outre obligatoire le réexamen, au moins tous les cinq ans, de l’étude de danger. Elle pourra être communiquée sur demande à toute personne, sous certaines conditions (article 5). 

Les objectifs du plan d’opération interne, qui définit les mesures d’organisation, les méthodes d’intervention et les moyens nécessaires que l’exploitant doit mettre en œuvre contre les effets des accidents majeurs, sont précisés. Il s’agit désormais de « contribuer à fournir à l’autorité compétente les informations nécessaires à l’établissement des plans d’urgence et à la détermination des mesures et des obligations incombant à l’exploitant […] » et d’« assurer, en ce qui concerne l’exploitant, la remise en état et le nettoyage de l’environnement après un accident majeur ». Ce plan doit être réalisé ou mis à jour, notamment, dans un délai raisonnable avant la mise en service d’un établissement ou à la suite d’un accident majeur (article 5).  

En outre, ce décret instaure des modifications du régime des installations relevant de certaines rubriques de la série 4000 de la nomenclature ICPE « afin de clarifier leur applicabilité dans des cas particuliers » (notice). 

  

 

Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement 

Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement 

  

Ce décret modifie les rubriques 1510, 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 de la nomenclature des ICPE, étendant le régime de l’enregistrement au sein de celles-ci. Les installations visées par ces rubriques sont des installations de stockage (par exemple de pneumatiques, de polymères, de bois ou matériaux combustibles analogues, etc.). Il est précisé que les modifications apportées ont pour objectif de permettre une appréhension globale des entrepôts et d’éviter les doubles classements.  

La nomenclature relative à l’évaluation environnementale des projets est également modifiée. Une distinction est opérée, au sein de la rubrique 39 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, entre les projets soumis à évaluation environnementale systématique en raison des surfaces construites, selon si l’implantation a lieu dans un espace artificialisé ou non. Seuls les projets de plus de 40 000 m² d’emprise au sol dans un espace non artificialisé demeurent soumis à évaluation systématique. Les projets sortant de l’évaluation systématique seront soumis à l’évaluation au cas par cas.  

Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2021. 

 

 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier, du livre V du code de l’environnement 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier, du livre V du code de l’environnement 

  

Ce texte transpose la directive Seveso 3 et s’applique aux établissements dans lesquels des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu’ils peuvent être à l’origine d’accidents majeurs.  

Cet arrêté prévoit la mise en place de mesures relatives aux comportements à adopter en cas d’incidents. A ce titre, on peut notamment relever qu’une formation devra être dispensée aux différents opérateurs et intervenants dans l’établissement sur la conduite à suivre en cas d’accident ou incident. En outre, le contenu du POI est précisé à l’annexe V de l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées ; le POI devra contenir, par exemple, « les moyens et méthodes prévus, en ce qui concerne l’exploitant, pour la remise en état et le nettoyage de l’environnement après un accident majeur ». Cette obligation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023 pour les établissements seuil bas (article 2).  

Cet arrêté renforce également l’information du public, son annexe IV énumérant les catégories d’informations mises en permanence à la disposition du public par voie électronique (article 3). Cette liste prévoit notamment l’information du public sur la conduite à tenir en cas d’accident majeur.   

Enfin, l’arrêté prévoit que le préfet devra être informé des produits de décomposition susceptibles d’être émis en cas d’incendie, et ce dans le cadre de l’élaboration, de la révision ou de la mise à jour de l’étude de danger. A compter du 1er janvier 2023, l’étude de danger devra ainsi mentionner les produits susceptibles d’être émis lors d’un incendie important (articles 6 et 7).  

  

Autres arrêtés adoptés le 24 septembre 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510, y compris lorsqu’ils relèvent également de l’une ou plusieurs des rubriques 1530, 1532, 2662 ou 2663 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, ainsi que les arrêtés de prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à enregistrement sous les rubriques nos 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 

Arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables, exploités au sein d’une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés exploités au sein d’une installation classée soumise à autorisation au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation 

  

Enfin, quatre autres arrêtés ont été adoptés le même jour et trouvent à s’appliquer à certaines installations classées.  

  • L’arrêté NOR : TREP2009123A modifie les prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant de la rubrique 1510 de la nomenclature ICPE. De nouvelles prescriptions sont ainsi imposées, relatives par exemple à l’état des matières stockées, aux moyens de lutte incendie, aux installations électriques, etc. Les modalités de contrôle de ces installations sont également précisées et renforcées ; par exemple, si aucun point de contrôle n’était auparavant prévu pour la surveillance, l’arrêté du 24 septembre 2020 prescrit une vérification de la présence d’un contrôle des accès. Des dispositifs transitoires sont prévus pour les installations qui, en application du décret n° 2020-1169, sont nouvellement soumises à déclaration, enregistrement ou autorisation. 

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021860A vise quant à lui à renforcer les prescriptions applicables au stockage de liquides inflammables et de liquides combustibles en récipients mobiles, que ce stockage soit en extérieur ou couvert. Il est par exemple indiqué dans cet arrêté que les récipients mobiles doivent être implantés sur un site clôturé et que des mesures visant à empêcher les personnes non autorisées à accéder aux installations doivent être adoptées (article II.2), des dispositifs de détection automatique d’incendie avec transmission, en tout temps, de l’alarme à l’exploitant sont mis en place dans certains locaux (article III.4), etc.  

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021861A vise les ICPE stockant des liquides inflammables, notamment celles soumises « à autorisation au titre de l’une ou plusieurs des rubriques 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement dites « rubriques liquides inflammables » (article 1er). Les stockages soumis à l’arrêté précédemment présenté ne se voient pas appliquer ces prescriptions. L’arrêté impose par exemple à l’exploitant d’étudier les modalités prévisionnelles permettant d’assurer la continuité d’approvisionnement en eau si l’incendie venait à durer dans le temps (au-delà de trois heures). Les modalités d’application dans le temps des prescriptions de l’arrêté sont également détaillées.  

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021862A porte sur l’état des matières stockées. Il est notamment indiqué que les exploitants de l’ensemble des installations soumises à autorisation devront tenir à jour un état des matières stockées et devra rendre ces documents à disposition du préfet, des services d’incendie et de secours, de l’inspection des installations classées et des autorités sanitaires (article 1er). Des dispositions spécifiques s’appliquent aux installations susceptible de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses et à celles soumises à autorisation sur le fondement des rubriques 1436, 2718, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748 ; par exemple, pour ces installations, l’exploitant doit mettre à jour l’état des matières stockées au moins toutes les semaines qui doit être accessible à tout moment.