Même en situation de travail à domicile, la charge de la preuve de l’existence d’heures supplémentaires ne pèse pas sur le seul salarié

Par arrêt en date du 8 juillet 2020 (n°18-26.385 n° 18-26.385), la Cour de cassation après avoir rappelé : 

  • qu’en application de l’article L.3171-2 alinea 1er du Code du travail, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour les salariés ne travaillant pas selon l’horaire collectif ; 
  • que les documents afférents à la durée du travail doivent être tenus à disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail (article L. 3171-3 du Code du travail). 
    – qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit en application de l’article L.3171-4 du Code du travail fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. 

Considère que même en situation de travail à domicile, s’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, l’employeur doit effectuer le contrôle des heures de travail effectuées et être en mesure d’en justifier. 

Le juge ne peut donc débouter le salarié de sa demande en règlement d’heures supplémentaires en retenant simplement que les documents produits par le salarié sont non vérifiables en l’absence d’autres les éléments les corroborant, sans faire peser exclusivement la charge de la preuve sur le salarié. 

Ainsi, même en cas de travail à distance des salariés en l’absence d’horaire collectif de travail, l’employeur doit être en mesure, en cas de litige, de justifier des horaires effectués par le salarié ! 

Précisions du Conseil d’Etat sur les principes régissant la mobilité des fonctionnaires

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 29 juillet 2020 mentionné aux tables du recueil Lebon, a rappelé plusieurs principes de droit en matière de mobilité des fonctionnaires, à l’occasion de l’étude de la légalité d’une note de service relative à un mouvement de mobilité collectif organisé au sein du ministère de l’agriculture.  

Deux questions ont en particulier été étudiées à l’occasion de ce recours.  

La première question était celle de la nécessité d’une saisine du comité technique avant l’adoption de la note de service. Malgré le fait qu’elle énonçait les règles de mouvement des fonctionnaires au sein du ministère, en définissant ses principes cadres, le Conseil d’Etat a considéré que son adoption n’avait pas à être précédée d’une consultation du comité technique. Celui-ci, pour rappel, est compétent, pour connaitre des questions « relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi qu’aux questions énoncées à l’article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat[1]. Or, aucun de ces champs de compétences n’a été considéré comme intégrant la question des mouvements de personnel.  

Pour quelques temps encore en effet, les commissions administratives paritaires connaissent, à titre individuel, de chaque décision de mutation. Il en ira en revanche différemment lorsque seront créés les comités sociaux d’administration, qui se substitueront aux comités techniques au prochain renouvellement des instances paritaires. A cette date, l’examen des décisions individuelles par les CAP se verra substituer un examen, par les comités sociaux, des « lignes directrices de gestion en matière de mobilité et de promotion et valorisation des parcours professionnels »[2], et il fait peu de doute, à notre sens, que les note de service telles que celle en litige dans l’arrêt étudié entrera bien dans ce champ de compétence. La décision, sur ce point, n’a donc pas un grand avenir jurisprudentiel devant elle. 

Il en va différemment de la seconde question, qui relevait cette fois du fond de la note de service. Le syndicat requérant avait en effet relevé qu’un certain nombre d’emplois permanents, occupés par des agents contractuels employés dans le cadre de contrats à durée indéterminée n’avaient pas été intégrés au mouvement général de mobilité, et contestait ainsi la note de service sur ce point. 

Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen : il est vrai que l’administration reste tenue de publier la vacance de tout emploi, et qu’un emploi occupé par un agent contractuel, même en CDI, reste considéré comme vacant puisque, comme l’a rappelé le syndicat requérant, le licenciement de l’agent peut être justifié par la nomination d’un fonctionnaire sur cet emploi[3].  

Toutefois le Conseil d’Etat a rappelé sa jurisprudence, selon laquelle la publication de vacance, et l’ouverture à la mutation sur cet emploi, n’est pas systématique et ne s’impose que lorsque l’administration décide de pourvoir l’emploi, ce qu’elle peut très bien s’abstenir de faire si l’intérêt du service le justifie[4].   

Et, partant de ce principe, il juge que l’administration peut justement écarter de la campagne de mobilité les emplois pourvus par un agent contractuel, dès lors, notamment que le licenciement de tels agents, dans une telle hypothèse, ne peut être prononcé qu’à condition que le reclassement soit impossible. Autrement dit, le Conseil d’Etat semble considérer que la seule circonstance que l’intégration des emplois pourvu par contrat dans la campagne de mobilité, contraindrait l’administration à devoir procéder à une série de reclassement, constitue un intérêt du service de nature à justifier que l’administration ne les ouvre pas à la mobilité. 

La décision est intéressante sur ce point : elle constitue sans conteste une nouvelle atténuation du principe posé par l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel les emplois publics sont pourvus par des fonctionnaires : concrètement, l’administration semble désormais pouvoir systématiquement exclure les emplois occupés par des agents contractuels du champ de ceux auquel les fonctionnaires sont susceptibles de candidater. 

Cette jurisprudence, cohérente avec les nouvelles orientations définies pour la fonction publiques par la loi de transformation de la fonction publique, qui tend à favoriser l’emploi contractuels, ne manquera pas de nourrir d’houleux débats dans les futurs comités sociaux d’administration. 

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[1] « 1° A l’organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; 2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire ; 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ; 5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ; 6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ; 7° A l’insertion professionnelle ; 8° A l’égalité professionnelle, la parité et à la lutte contre toutes les discriminations ; 9° A l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, lorsqu’aucun comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail n’est placé auprès d’eux ». 

[2] Cf. nouvel article 15, issu de l’article de 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 

[3] Cf. 3° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 

[4] CE, 20 juin 2016, Synd. nat. CGT des Chancelleries et services judiciaires, n° 389730 

Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre du référé suspension à l’encontre d’une décision de mutation

Pour mémoire, par un arrêt Confédération nationale des radios libres, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’urgence subordonnant la suspension d’une mesure en référé était satisfaite lorsque « la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815).  

S’agissant des décisions de mutation d’agents, le Conseil d’Etat a posé une présomption d’absence d’urgence à statuer en référé en dehors de circonstances particulières. Il juge en effet par une jurisprudence constante qu’« en l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence » (CE, 28 juillet 2009, n° 329514 et plus récemment CE, 1er juillet 2019, n°427395).  

Cette présomption est fondée sur le principe de mutabilité du service public qui implique nécessairement que l’administration dispose de la possibilité de réaffecter les fonctionnaires selon les besoins et l’intérêt du service. 

Le Conseil d’Etat a en outre précisé que l’urgence pouvait être écartée y compris « lorsque, comme en l’espèce, la mesure prive l’intéressé de certaines primes ou indemnités liées à son ancien emploi » (CE, 12 septembre 2012, n° 361699).  

Le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a fait une application stricte de cette jurisprudence.  

En l’espèce, suite à la réorganisation des services, l’agent était affecté à un poste de conseiller technique. Pour justifier la condition d’urgence, le requérant se prévalait de plusieurs éléments notamment d’une perte de rémunération.  

Le juge a tout d’abord rejeté le caractère de sanction déguisée, le nouveau poste auquel l’agent était affecté correspondant à une activité réelle et conforme aux responsabilités susceptibles d’être confiées à un agent de son grade.  

Le juge a également relevé que la réduction de sa rémunération se limite à la perte de la NBI qui correspondait à seulement 3 % de sa rémunération brute mensuelle. S’agissant de la dégradation de son état de santé, le juge considère que le requérant n’établit pas le lien de causalité avec la décision litigieuse.  

Ainsi, malgré la perte de rémunération et une dégradation de l’état de santé de l’agent, le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et rejette la demande de suspension. 

Référés contre les contrats de la commande publique de droit privé : leur régime prochainement examiné par le Conseil constitutionnel

L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 définit deux recours en référé pouvant être exercés contre des contrats de droit privé relevant de la commande publique : le référé précontractuel (cf. articles 2 à 8 de l’ordonnance) et le référé contractuel (cf. articles 11 à 20 de l’ordonnance).  

A l’occasion d’un pourvoi dirigé contre une ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Rennes, la Cour de cassation a été saisie par le requérant des trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) remettant en cause la conformité des dispositions relatives au référé contractuel avec, d’une part, le droit à un recours effectif consacré par l’article 16 de la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, d’autre part, le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC. 

Dans le détail, ces trois QPC sont les suivantes :  

  1. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif en ce que cet article prévoit une liste limitative des irrégularités pouvant être invoquées à l’appui d’un référé contractuel ?

     

  2. Les dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance sont-elles entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’elles n’instituent pas, au profit des concurrents évincés des contrats privés de la commande publique, une voie de recours leur permettant de contester utilement les irrégularités affectant les procédures de passation ?

     

  3. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC en ce qu’elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? 

  

Tout d’abord, la Cour confirme que les dispositions contestées sont, du moins pour partie, applicables au litige et qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. 

Ensuite, la Cour relève que dans le cas d’une procédure de mise en concurrence dite adaptée, il n’est pas prévu par la réglementation de délai de stand-still faisant obligation à l’acheteur de suspendre la conclusion du contrat avec le candidat sélectionné pendant un certain délai à compter de la notification de sa décision aux candidats évincés.  

Il s’ensuit, selon la Cour, que ces candidats ne peuvent, en pratique, agir en référé précontractuel et ne peuvent donc introduire qu’une action en contestation de la validité du contrat en application de l’article 11 de l’ordonnance.  

Or, l’article 16 de la même ordonnance énonce un nombre restreint de cas dans lesquels l’annulation du contrat doit être ordonnée : 

  • lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite ; 
  • lorsque le contrat a été conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ;  
  • lorsque le contrat a été signé avant l’expiration du délai de stand-still applicable ou pendant l’instruction d’un référé précontractuel, sous réserve que la méconnaissance de ces obligations ait privé le demandeur du droit d’exercer un référé précontractuel et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation était soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat. 

 

La Cour de cassation constate qu’aucune autre disposition ne prévoit de sanction des autres irrégularités qui peuvent affecter la procédure de mise en concurrence et qui, dans certains cas, peuvent constituer des atteintes graves aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. 

A cet égard, elle souligne le contraste avec les candidats à l’attribution de contrats de droit public qui, eux, disposent d’une action en contestation de la validité de ces contrats indépendante du référé contractuel, à savoir le recours Département du Tarn-et-Garonne tel que défini par le Conseil d’Etat (CE, 4 avril 2014, n° 358994).   

La Cour de cassation en conclut que les trois QPC présentent un caractère sérieux et qu’il y a donc lieu de les transmettre au Conseil constitutionnel, lequel devrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année 2020. 

Réforme de la dotation d’intercommunalité devant le Conseil constitutionnel

Par une décision en date du 29 juillet dernier, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l’article 250 de la loi de finances pour 2019 modifiant l’article L. 5211-28 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). 

L’article L. 5211-28 du CGCT relatif à la dotation d’intercommunalité que les EPCI à fiscalité propre reçoivent à compter de l’année où ils perçoivent pour la première fois le produit de leur fiscalité a en effet fait l’objet d’une réforme par l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Antérieurement, le troisième alinéa de l’article L. 5211-28 du CGCT avait prévu une minoration de la dotation d’intercommunalité à compter de 2014 qui serait répartie chaque année entre les EPCI à fiscalité propre en tenant compte de leurs recettes réelles de fonctionnement et que, dans le cas où cette minoration devait excéder le montant perçu au titre de la dotation d’intercommunalité de l’année de répartition, la différence serait alors prélevée sur les EPCI concernés. Or, comme le relève le Conseil d’Etat, pour ces EPCI, le II de l’article 250 a ainsi pour objet de reconduire, à compter de 2019, et pour chaque année, ce prélèvement à hauteur du montant calculé pour l’année 2018, l’article précisant également que le montant ne peut être ajusté qu’en cas de modification du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale concerné.  

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une QPC par une communauté de communes dans le cadre du litige contre l’arrêté de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l’action et des comptes publics pris pour l’application de ces dispositions en 2019, celle-ci soutenant que la reconduction du prélèvement opéré en 2018 méconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales, le principe d’égalité devant la loi et le principe d’égalité devant les charges publiques. Après avoir vérifié les autres conditions de transmission de la QPC ainsi soulevée, le Conseil d’Etat considère que « en soutenant notamment que les dispositions du II de l’article 250 méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire soulève une question qui présente un caractère sérieux », et renvoie en conséquence la question invoquée au Conseil constitutionnel qui dispose donc d’un délai de trois mois pour se prononcer sur cette saisine. 

Une ordonnance d’injonction de payer à laquelle un jugement s’est substitué ne peut plus produire effet

En mai 2015, un couple, preneur à bail auprès de l’OPH Habitat Drouais, a subi une fuite du ballon d’eau chaude se trouvant dans le logement loué. 

A la suite de cette fuite, la société GEDIA, auprès de laquelle les preneurs avaient conclu un contrat de fourniture d’eau, a obtenu à leur encontre une ordonnance d’injonction de payer rendue par la juridiction de proximité de Dreux le 22 mars 2017. 

Les preneurs ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l’OPH Habitat Drouais afin d’obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre. 

Aux termes d’un jugement du 31 août 2018, le Tribunal d’instance de Dreux a débouté les preneurs de leur demande de condamnation à l’égard de la société Gedia et a précisé que l’ordonnance d’injonction de payer produirait effet. 

Les preneurs ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision rendue en dernier ressort, considérant que le jugement qui statue sur l’opposition formée à l’encontre d’une ordonnance d’injonction de payer se substitue à celle-ci et que le Tribunal ne pouvait donc juger que l’ordonnance d’injonction de payer du 22 mars 2017 devait produire effet à leur encontre. 

La Cour de cassation leur a donné raison et a cassé le jugement du 31 août 2018 sur ce point. 

En effet, l’article 1420 du Code de procédure civile dispose : « Le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer ». 

C’est au visa de cet article, que la Cour a considéré : 

« En statuant ainsi, alors que l’ordonnance portant injonction de payer, qui n’est une décision qu’en l’absence d’opposition, ne pouvait reprendre ses effets, le tribunal a violé le texte susvisé ». 

Ainsi, le jugement qui déboute la partie ayant formé opposition de sa demande doit expressément la condamner en paiement, et ne peut en aucun cas renvoyer les parties aux termes de l’ordonnance d’injonction de payer, celle-ci ne produisant plus aucun effet.  

Le droit de préférence légal de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce s’impose au bailleur, dans certaines conditions. La présente décision apprécie la marge de manœuvre dont celui-ci dispose lorsqu’il met en œuvre ce droit au profit de son preneur

Par l’arrêt du 27 mai 2020 rapporté, la Cour d’appel de Paris est venue préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, disposition déclarée d’ordre public par la 3e chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 28 juin 2018.  (Cass. Civ., 3ème, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739).   

Alors qu’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé était pendante devant le juge des loyers, la bailleresse notifia à son preneur une offre de vente, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018.  

L’offre était faite à un prix d’environ 5 millions d’euros (outre 300.000 € d’honoraires d’agence supportés par l’acquéreur). Le preneur contestait l’offre, le 29 octobre suivant. Le 9 novembre 2018, la bailleresse concluait avec un tiers acquéreur, une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence du preneur, prorogée à plusieurs reprises, pour in fine expirer le 31 décembre 2020. 

La bailleresse assigna alors à jour fixe le preneur devant feu le Tribunal judiciaire de Paris – anciennement dénommé Tribunal de grande instance de Paris – afin de voir confirmer que la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins. Par jugement du 28 mars 2019, les juges confirmèrent que la bailleresse avait régulièrement purgé le droit de préférence, relevant que la locataire n’avait pas accepté cette offre. La locataire interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui la débouta de l’ensemble de ses demandes.  

Cet arrêt mérite d’être relevé en ce qu’il apporte et rappelle plusieurs précisions pratiques s’agissant de la vente d’un local commercial assujetti à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. 

 

Point n° 1 : Les démarches relatives à la commercialisation du bien ne sont pas conditionnées à la mise en œuvre par le bailleur du droit de préférence légal 

C’est à notre sens, l’apport pratique le plus important de la décision rendue. S’agissant de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le droit de préférence du locataire prend naissance, au moment où « le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage » de le vendre. La difficulté tient à la définition du terme « envisager ». Selon le preneur, le droit de préférence doit préexister à toute initiative de la bailleresse quant à la vente de son bien. En d’autres termes, le preneur considérait que la bailleresse ne pouvait ni mandater un agent immobilier pour la mise en vente de son bien, ni même signer une promesse de vente sur ce bien. 

De manière particulièrement nette, la Cour d’appel a approuvé les juges du premier degré d’avoir rejeté cette argumentation, « le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, afin de déterminer sa valeur et de vérifier l’existence d’un marché ».  

 

Point n° 2 : La mention relative aux honoraires de l’intermédiaire immobilier dans la notification faite par le bailleur, n’entraîne pas la nullité de l’offre de vente 

Si le droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public, les erreurs relatives à son contenu ne sont pas toujours sanctionnées. En l’espèce, la bailleresse avait notifié le droit de préférence à son preneur, en faisant mention des honoraires de l’intermédiaire immobilier, mis à la charge de l’acquéreur. Si l’on sait de manière certaine que ces frais ne peuvent être imputés au preneur bénéficiant du droit de préférence, la bailleresse n’ayant nul besoin d’un agent immobilier pour réaliser cette vente, qu’en est-il lorsque la notification les fait figurer parmi les conditions financières de la vente projetée ? 

La position de la Cour est claire : « Le seul fait que l’offre de vente mentionne en sus du prix principal, le coût des honoraires de l’agent immobilier, sans introduire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente ».  

La Cour de cassation précise la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel sur le cumul de sanctions pénales et fiscales dans le cadre du délit de fraude fiscale

Par deux décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 1741 du Code général des impôts – texte d’incrimination des fraudes fiscales – qui prévoit, en sus des sanctions fiscales, la possibilité de prononcer des sanctions pénales, est conforme au principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines, tout en réservant cette possibilité de cumul aux cas les plus graves de fraudes par dissimulation de sommes soumises à l’impôt. 

Dans une décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel qui a étendu cette réserve aux cas les plus graves d’omissions déclaratives frauduleuses, a précisé que « cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ». 

La décision du 24 juin 2020 de la Chambre criminelle constitue une illustration intéressante de cette grille d’appréciation fixée par le Conseil constitutionnel.  

En l’espèce, le prévenu, gérant d’une société dont il était l’associé unique, était poursuivi des chefs d’omissions de déclarations de l’impôt sur les sociétés et de la TVA et avait été condamné par la Cour d’appel à une sanction pénale. 

Le prévenu, considérant, d’une part, que la Cour d’appel avait méconnu la réserve posée par le Conseil constitutionnel en considérant qu’elle ne s’appliquait qu’aux cas de fraudes par dissimulation des sommes soumises à l’impôt – et non d’omission -, s’est pourvu en cassation. 

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2018 susvisée, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en veillant toutefois à rappeler que la réserve d’interprétation constitutionnelle s’applique également aux cas les plus graves d’omission déclarative frauduleuse.  

D’autre part, le prévenu reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que les faits constituaient un cas grave d’omission déclarative, sans indiquer concrètement les motifs de cette interprétation au regard de la situation en cause.  

Sur ce point, la Chambre criminelle précise que « la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l’objet, en complément de sanctions fiscales, de sanctions pénales, ne s’applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale pour les mêmes faits ».  

En d’autres termes, pour que la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel soit applicable au cas d’espèce, il aurait fallu que le prévenu puisse justifier d’une condamnation sur le plan pénal et fiscal, à titre personnel, pour les mêmes faits ; tel n’était pas le cas. 

Par cet arrêt qui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Chambre criminelle a entendu rappeler aux juges du fond les contours de la réserve d’interprétation constitutionnelle sur le cumul des peines pénales et fiscales. 

Mise en demeure de plusieurs communes par la CNIL à raison d’une utilisation de la LAPI irrégulière

Ce 25 août 2020, la CNIL a publié sur son site internet, un article faisant état de la mise en demeure de plusieurs communes à raison d’une utilisation irrégulière de la LAPI (lecture automatisée des plaques d’immatriculation).  

A cette occasion, elle est venue rappeler que si la LAPI pouvait être utilisée, à ce jour, dans le cadre du contrôle du forfait de post-stationnement (et sous la condition de l’intervention d’une personne physique avant toute prise de décision conformément à l’article 22 du RGPD), son recours demeurait, en revanche exclu pour la recherche et la constatation d’infractions.  

La CNIL relève, en effet, que l’arrêté du 14 avril 2009 (NOR : IOCD0820014A), qui permet la mise en œuvre par les communes de traitements automatisés ayant pour objet la constatation et la poursuite d’infractions pénales, ne prévoit pas la collecte de fichiers photographiques 

Dans ces conditions, elle affirme, qu’en l’absence de modification de cet arrêté, il ne saurait être permis pour les communes de collecter et de traiter des photographies de véhicules -notamment en vue rapprochée de la plaque d’immatriculation – pour l’exercice de leur pouvoir de police (en lien avec la tranquillité publique ou la salubrité publique). 

Données personnelles : Publication d’un guide pratique sur les tiers autorisés

Au cours de l’été, la CNIL a diffusé sur son site internet un guide sur les tiers autorisés. 

Cette publication méritait, à notre sens, d’être signalée, dès lors qu’elle vient lever plusieurs incertitudes, à laquelle nombre d’acteurs publics se sont trouvés confrontés du fait de l’ambiguïté juridique de la notion de « tiers » telles que définie au sein du RGPD.  

Ce guide précise ainsi, de façon explicite, les points à vérifier, par un organisme, avant toute communication de données à un tiers autorisé, soit notamment : 

  • l’obtention d’une demande de communication écrite précisant le fondement légal de la demande ;  
  • le contrôle de la qualité du tiers autorisé à l’origine de la demande ; 
  • la vérification que le périmètre de la demande respecte les dispositions légales invoquées (notamment lorsque celles-ci écartent ou rappellent l’obligation de respect d’un secret professionnel) ; 
  • l’application de mesures de confidentialité afin de sécuriser l’échange ; 
  • la conservation d’une traçabilité des échanges et des vérifications réalisées. 

Ce faisant, la légitimité de la pratique d’une demande systématique d’un écrit intégrant la base légale de la saisine s’en trouve pleinement confortée. En cas de récalcitrante d’une autorité publique à s’y soumettre, les organismes pourront désormais utilement faire valoir ce guide.  

Au demeurant, la CNIL a pris soin, de façon également précieuse, de lister une centaine de demandes courantes autorisées.  

En cela, il constitue un document de référence directement opérationnel et pertinent dont nous recommandons vivement la lecture.  

Pas d’obligation d’informer les candidats de la pondération ou de la hiérarchisation des sous-critères de sélection des offres qui ne sont pas susceptibles d’exercer d’influence sur la présentation des offres par les candidats

Les faits de l’affaire ici commentée sont les suivants : la Commune de Midrevaux a engagé une procédure d’attribution d’un marché de renouvellement de son réseau d’eau potable et de collecte des eaux usées selon une procédure adaptée. A l’issue de cette dernière, la société Rémy Boulanger est classée en deuxième position.  

Afin de contester son éviction et obtenir la réparation du préjudice que celle-ci lui aurait fait subir, la société, après avoir adressé une demande indemnitaire préalable, forme un recours devant le Tribunal administratif de Nancy.  

Celui-ci, par un jugement du 28 septembre 2018, condamne la commune de Midrevaux à verser à la société Rémy Boulanger la somme de 32.915,12 euros.  

Estimant cette indemnisation insuffisante, la société requérante interjette appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Nancy en faisant notamment valoir que :  

  • L’information des candidats sur la pondération des sous-critères d’appréciation de la valeur technique de l’offre a été insuffisante en l’absence de mention de cette pondération et d’information des candidats sur l’ensemble des sous-critères d’appréciation dans le règlement de la consultation ;  

  

  • Le sous-critère relatif aux références antérieures des candidats pour des prestations similaires est illégal au regard de la nature des prestations demandées qui ne présentent aucune spécificité. 

  

Sur le premier point, la Cour commence par rappeler que pour assurer le respect du principe de liberté d’accès à la commande publique, le pouvoir adjudicateur est tenu d’indiquer dans les documents de la consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre. En revanche celui-ci n’est pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de ces critères.  

Par suite, lorsque pour mettre en œuvre lesdits critères, le pouvoir adjudicateur fait usage de sous-critères de sélection, il est tenu de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères seulement lorsqu’ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats. En effet, dans ce cas, ces sous-critères doivent être considérés comme des critères de sélection.  

Au cas présent, les 12 sous-critères utilisés par la commune de Midrevaux pour apprécier le critère de la valeur technique étaient pondérés de manière quasi-similaire[1], ce qui manifeste, selon la Cour, l’intention de la commune de ne pas accorder à l’un d’entre eux une importance particulière.  

Dès lors, ces éléments d’appréciation du critère valeur technique n’étaient pas de nature à exercer une influence sur la présentation des offres et ne constituaient donc pas des sous-critères pondérés ou hiérarchisés que le pouvoir adjudicateur était tenu de porter à la connaissance des candidats.  

Ainsi, la Cour considère que c’est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a estimé que la commune de Midrevaux a manqué à ses obligations d’information des candidats sur les modalités de mise en œuvre de l’appréciation du critère valeur technique.  

  

Sur le second point, la Cour considère que, dans le cadre d’une procédure de sélection adaptée, le pouvoir adjudicateur pouvait retenir, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur l’expérience des candidats et donc sur les références portant sur l’exécution d’autres marchés, si sa prise en compte répond à deux conditions :  

  • Premièrement, elle est objectivement nécessaire au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser ;  

  

  • Deuxièmement, elle n’a pas d’effet discriminatoire.  

  

En l’espèce, la Cour estime, d’une part, que ce critère constituait en réalité un élément d’appréciation pour la notation du critère de la valeur technique et non un critère d’attribution du marché ayant une influence sur la présentation des offres dont les candidats auraient dû être informés (cf. supra). D’autre part, ce même élément d’appréciation ne pouvait, au regard de sa pondération, présenter un caractère discriminatoire.  

Dans ce cadre, la Cour rejette également les arguments de la société requérante sur ce point et annule le jugement du Tribunal administratif de Nancy. 

[1] Ces 12 éléments d’appréciation sont affectés de 1 point pour l’un de ces éléments seulement à 5 points pour trois d’entre eux et de 2 à 4 points pour huit autre. 

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le contrôle de la pondération des critères de jugement des offres

Dans un arrêt du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat a précisé que l’acheteur public pouvait librement déterminer la pondération des critères de jugement des offres sauf à ce que celle-ci conduise à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, le juge se limitant à un contrôle restreint de la pertinence de la pondération retenue par l’acheteur. 

Dans cette affaire, le Ministère de la défense a lancé, selon une procédure adaptée, la passation d’un marché à bons de commande, en vue de la réalisation, notamment, de prestations de formation « achats publics ». A l’issue de l’analyse des offres, celles du groupement constitué des sociétés Erics Associés et Altaris ont été rejetées. Ces dernières ont formé un recours devant le Tribunal administratif de Rennes pour contester leur éviction, rejeté par la juridiction de première instance. 

Les sociétés évincées ont donc interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a quant à elle considéré que la pondération des critères de jugement des offres, de 90% pour la valeur technique et de 10% pour le critère prix, était « particulièrement disproportionnée », et qu’elle conduisait à « neutraliser manifestement le critère du prix ». Ce faisant, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Rennes.  

Saisi par le ministre des armées, le Conseil d’Etat ne suit pas le même raisonnement.  

D’une part, il rappelle, reprenant sa jurisprudence antérieure[1], que dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de procéder à une pondération des critères mais peut se contenter d’une simple hiérarchisation de ces derniers[2].  

D’autre part, il précise que « le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères du choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse ».  

La jurisprudence admettait déjà que le juge administratif contrôle la pertinence de la pondération des critères de jugement des offres[3]. Le Conseil d’Etat précise désormais dans cet arrêt que l’acheteur public détermine librement cette pondération, soumise à un contrôle restreint de la part du juge[4], qui devra seulement éviter qu’elle conduise à rejeter l’offre économiquement la plus avantageuse.  

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat estime qu’au cas présent, la pondération prévue par le règlement de la consultation, à savoir un critère valeur technique pondéré à 90% et un critère prix pondéré à 10%, n’est pas manifestement disproportionnée ni de nature à neutraliser manifestement le critère prix. Par suite, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes. 

[1] Voir en ce sens les conclusions de M. Bertrand DACOSTA, commissaire du gouvernement, sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 janvier 2009, ANPE, n° 290236 

[2] On rappellera que dans le cadre d’une procédure adaptée, l’acheteur public est libre de procéder à la pondération ou à la hiérarchisation des critères de sélection des offres, alors qu’en procédure formalisée, il est tenu de procéder à la pondération des critères sauf si celle-ci s’avère impossible (voir en ce sens l’article R. 2152-11 du Code de la commande publique). 

[3] Voir notamment en ce sens CE, 7 mai 2013, Département de Paris, n° 364833 

[4] Limité à contrôler les erreurs manifestes d’appréciation 

Rupture conventionnelle dans la fonction publique : l’accompagnement de l’agent par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative lors de l’entretien préalable est-il contraire à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 ?

1 – Aux termes des dispositions de l’article 72 alinéa 10 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique introduisant la possibilité d’une rupture conventionnelle dans la fonction publique, il ressort que : 

« Durant la procédure de rupture conventionnelle, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix ». 

Si cette possibilité offerte à l’agent de se faire assister à l’occasion de l’entretien obligatoire et préalable à la rupture conventionnelle apparaît comme une condition substantielle à la validité de la convention de rupture, la notion d’« organisation syndicale représentative » interroge. 

C’est d’ailleurs en ce sens que le Syndicat national des collèges et des lycées (S.N.C.L.) et celui des agrégés de l’enseignement supérieur (S.A.G.E.S.) ont saisi le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité. 

  

2 – A l’appui de leur recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret n°2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique, ils soutiennent que cette disposition serait contraire aux dispositions du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 lequel dispose que : 

« 6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». 

En d’autres termes, en limitant le choix des agents engagés dans une procédure de rupture conventionnelle aux seules organisations syndicales représentatives – excluant de facto les organisations syndicales non-représentatives auprès desquelles ils peuvent être adhérents – le S.N.C.L. et le S.A.G.E.S. estiment que le dixième alinéa de l’article 72 de la loi de transformation de la fonction publique n’est pas conforme à la Constitution. 

  

3 – Reprenant les trois conditions classiques nécessaires à la saisine du Conseil constitutionnel définies à l’article 23-2 de l’Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et tenant à l’application de la décision contestée au litige en cours, à son absence de déclaration de conformité à la constitution et au caractère sérieux de la question posée, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer ladite question au Conseil constitutionnel en jugeant que : 

« le moyen tiré de ce que les dispositions du dixième alinéa du I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d’égalité et les droits proclamés au sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux ». 

 

4 – Le Conseil constitutionnel a enregistré cette affaire sous le numéro 2020-860 QPC et dispose désormais d’un délai de trois mois à compter du 16 juillet 2020 pour statuer.

Dans quelles conditions le maître d’ouvrage peut-il exercer un recours subrogatoire à la suite de troubles anormaux de voisinage résultant de son chantier ?

« Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » est un principe consacré par la jurisprudence qui oblige, en présence d’un lien de causalité, l’auteur d’un trouble « anormal » à dédommager la victime de son préjudice, quand bien même son activité serait licite et qu’il n’aurait commis aucune faute (Cass. Civ., 2ème, 19 novembre 1986, n° 84-16379).  

La responsabilité du maître d’ouvrage est alors susceptible d’être engagée du fait des intervenants à son opération (Cass. Civ., 3ème, 22 juin 2005, n° 03-20068).  

La responsabilité du constructeur peut également être engagée s’il est démontré que le désordre est en relation directe avec les missions respectivement confiées aux constructeurs (Cass. Civ., 3ème , 28 avril 2011, n° 10-14516), bien que la victime fasse le plus souvent le choix de diriger son action à l’encontre du maître d’ouvrage.  

C’est exactement ce qui s’est produit dans cette affaire où le maître d’ouvrage a été condamné à indemniser les copropriétaires de l’immeuble voisin du fait notamment des bruits excessifs occasionnés par le chantier.  

Celui-ci a ensuite voulu exercer un recours subrogatoire contre les constructeurs et leurs assureurs, et plus particulièrement à l’encontre du maître d’œuvre chargé d’une mission « d’organisation et de suivi des travaux » ainsi que de « surveillance du chantier ».  

La Cour de cassation est venue confirmer le rejet des demandes formées contre ce dernier, en rappelant que « le maître de l’ouvrage, subrogé dans les droits des voisins victimes de troubles anormaux du voisinage, ne peut agir contre ses constructeurs que si les troubles sont en relation directe avec la réalisation des missions qui leur ont été confiées ».  

Or, en l’espèce, le maître d’œuvre n’était pas à l’origine des bruits excessifs ayant générés les préjudices de jouissance, financiers et économiques des voisins, de sorte que ces préjudices ne lui étaient pas imputables.  

Ainsi, comme tout voisin qui aurait fait le choix de rechercher directement la responsabilité du constructeur, le maître d’ouvrage doit, dans le cadre de son recours subrogatoire, faire la démonstration d’une relation directe entre les missions confiées et le préjudice subi.  

A titre de parallèle pour le maître d’ouvrage public, sa responsabilité peut évidemment être aussi engagée, même en l’absence de faute, pour les troubles provoqués par des travaux publics.  

A noter toutefois que par principe, la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation, alors même que ces dommages ne seraient ni apparents ni connus à la date de la réception (CAA Marseille, 21 mars 2019, n° 17MA04873).  

Maîtrise de la dépense publique locale : Annulation de l’arrêté préfectoral fixant le niveau maximal des dépenses réelles de fonctionnement de la Ville d’Ivry-sur-Seine pour la période 2018-2020

Par un jugement du 17 juillet 2020, le Tribunal a annulé l’arrêté pris par le Préfet du Val-de-Marne à l’égard de la Ville d’Ivry-sur-Seine fixant le niveau d’évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement – « DRF » – pour la période 2018-2020.  

Ces contrats de maîtrise de la dépense publique locale, applicables aux « grandes collectivités » françaises (notamment les régions, les départements et les communes et EPCI à fiscalité propre dont les DRF pour 2016 représentent plus de 60 millions d’euros) pour cette période triennale en vertu de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 du 22 janvier 2018, ont donné lieu à un certain nombre de mécontentements de la part des collectivités et de leurs associations représentatives, et conduit un certain nombre de collectivités à refuser leur signature.  

Ces collectivités se sont alors vu notifier un acte unilatéral (arrêté préfectoral) fixant le taux et le niveau d’évolution de leurs DRF pour la période, arrêté qui a été attaqué en l’espèce par la Ville d’Ivry-sur-Seine, laquelle contestait le défaut d’éligibilité à un critère légal de modulation à la hausse du taux d’évolution de ses dépenses (au titre du nombre de logements dont la construction a été autorisée sur la période 2014-2016).  

Le Préfet, prenant en compte les chiffres transmis par l’Etat issus de la base de données SITADEL, avait en effet considéré que la Ville n’y était pas éligible, alors qu’elle contestait les chiffres de cette base de données et produisait des éléments démontrant que n’avait pas été prise en compte, à tort, l’autorisation d’urbanisme portant sur la construction d’un centre d’hébergement d’urgence de plus d’une centaine de logements sur son territoire, et soutenait ainsi être éligible à ce critère de modulation à la hausse.  

Le Tribunal a considéré que les logements ayant fait l’objet d’un permis de construire à titre précaire (ce qui était le cas en l’espèce) entrent dans le calcul du critère de modulation prévu par la loi du 22 janvier 2018 et qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou règlementaire que les données devant être prises en compte pour le calcul à effectuer devaient exclusivement être issues du traitement de données SITADEL.  

Partant, le juge de première instance consacre le fait que le Préfet, dans le dialogue qu’il a la responsabilité de mener avec les collectivités locales dans le cadre du dispositif de maîtrise de la dépense publique locale, ne doit pas seulement s’appuyer sur les données étatiques officielles, mais également sur les éléments qui sont portés à sa connaissance par la collectivité au cours de l’instruction du dossier.  

En retenant que la Ville d’Ivry-sur-Seine n’était pas éligible au facteur de modulation du taux d’évolution de ses DRF relatif à la construction de logements, le Préfet du Val-de-Marne a ainsi méconnu les dispositions de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. 

Ce jugement est notable en ce qu’il s’agit a priori de la première décision favorable à une collectivité locale en la matière. Elle est également très intéressante en ce qu’elle vient affirmer avec force le devoir de l’Etat de prendre en compte l’ensemble des éléments portés à sa connaissance, notamment par les collectivités concernées elles-mêmes, pour fixer le niveau adéquat d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement et, partant, de ne pas se limiter à se baser sur des extractions de bases de données (pouvant être partiellement erronées ou incomplètes).  

Le dialogue local doit pleinement avoir lieu, ce qu’ont appelé de leurs vœux les élus locaux très tôt pour la mise en œuvre de ce dispositif. 

Offices publics de l’habitat rattachés à une même collectivité : quelles échéances ?

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après dénommée « loi ELAN ») contraint les organismes de logement social gérant moins de 12.000 logements sociaux, à se regrouper au 1er janvier 2021 et ainsi à « […] constituer entre eux, afin d’améliorer l’efficacité de leur activité, un groupe d’organismes de logement social »[1].  

Si ce dispositif s’applique à l’ensemble des organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés anonymes d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, certaines modalités dérogatoires ont été prévues par le législateur notamment pour les organismes exerçant principalement l’activité d’accession sociale ou pour les SEM dont le chiffre d’affaires moyen sur trois ans atteint un seuil de 40 millions d’euros hors taxes.  

Toutefois, les OPH ne bénéficient d’aucun dispositif d’exception spécifique.  

Bien au contraire, le législateur fait peser sur les OPH une obligation supplémentaire de regroupement dès lors qu’ils sont plusieurs à relever d’une même collectivité de rattachement, impliquant une application dans le temps différenciée.  

  

A l’obligation générale de regroupement, s’ajoute celle, pour les OPH, d’avoir à fusionner dès lors qu’ils sont rattachés à une seule et même collectivité de rattachement

  

Cette seconde obligation figure à l’article L. 421-6 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose que :  

« A l’exception de la métropole du Grand Paris, une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale, un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou la commune de Paris ne peut être la collectivité de rattachement de plusieurs offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 411-2 du présent code qui gèrent chacun moins de 12 000 logements sociaux. Dans ce cas, après mise en demeure, le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté la fusion des organismes rattachés qui gèrent moins de 12 000 logements sociaux ». 

En conséquence, une collectivité à laquelle sont rattachés plusieurs OPH, à compter du 1er janvier 2021, pourrait seulement : 

  • soit demeurer collectivité de rattachement de plusieurs OPH, à la condition que lesdits OPH gèrent chacun plus de 12.000 logements sociaux ;  
  • soit être collectivité de rattachement d’un seul OPH, qui n’aurait pas à se regrouper si et seulement si il gère au moins 12.000 logements locatifs sociaux. 

Certains ont pu considérer que l’article L. 421-6 dernier alinéa du Code de la construction et de l’habitation permettait de maintenir le rattachement à une même collectivité de deux OPH dont l’un détiendrait plus de 12.000 logements et l’autre détiendrait moins de 12.000 logements. 

A notre sens, cependant, une lecture stricte de l’alinéa concerné ne permet pas de tirer une telle conclusion. Au surplus, une telle interprétation viendrait à l’encontre de l’esprit général de la loi ELAN visant au regroupement des acteurs du logement social. 

  

  

Articulation des obligations en deux temps 

  

Ainsi, et pour exemple, au regard des dispositions initialement prévues au projet de loi, deux OPH de 5.000 logements locatifs sociaux rattachés à une même collectivité auraient été contraints au 1er janvier 2021 non seulement d’avoir à fusionner entre eux mais également de rejoindre un groupe d’organismes de logement social gérant plus de 12.000 logements.  

Afin d’atténuer les effets de cette « double peine », des parlementaires ont donc proposé différents amendements. On citera notamment celui qui aurait permis de maintenir au moins deux OPH rattachés à une même collectivité lorsqu’il existait au préalable (au 1er janvier 2019) sur le territoire de ladite collectivité plus de cinq OPH. 

La solution finalement retenue a été d’articuler en deux temps les cas des fusions-regroupements des OPH.  

Lors des débats en séance publique au Sénat portant sur l’amendement[2] présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques MEZARD a relevé que cette proposition « […] tend à régler un problème réel, qui se pose pour un petit nombre d’organismes contraints d’articuler l’obligation de regroupement avec l’obligation de fusion. Nous sommes favorables à ce délai supplémentaire, qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs sans difficulté. Sinon, ils n’auraient effectivement pas pu y arriver  […] ». 

 

Aux termes de cette discussion, le texte final a retenu à l’article 81 V de la loi ELAN la disposition suivante, dont la lecture reste, là encore, ardue : 

« Les articles L. 423-2 et L. 481-1-2 du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction résultant de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2021.  

Par dérogation au premier alinéa du présent V, l’article L. 423-2 du même code est applicable à compter du 1er janvier 2023 aux offices publics de l’habitat auxquels le dernier alinéa de l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, s’applique.  

Lorsqu’au 1er janvier 2021, les offices publics de l’habitat d’une même collectivité de rattachement appartiennent à un même groupe en application du I de l’article L. 423-2 du même code, l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, leur est applicable à compter du 1er janvier 2023 ». 

  

Autrement dit, l’article 81 V[3] de la loi ELAN a organisé cette articulation, en laissant le choix d’opter pour l’une ou l’autre des solutions proposées : 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont fusionné ensemble au 1er janvier 2021 et, dans ce cas, leur obligation de rejoindre un groupe d’organismes de logement social est reportée au 1er janvier 2023 ; 

A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils s’engagent en premier lieu dans un processus de fusion, ils ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour choisir le groupe d’organismes auquel appartiendra l’OPH résultant de la fusion. 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont constitué ensemble au 1er janvier 2021 une société de coordination, de sorte qu’ils appartiennent tous au même groupe d’organismes de logement social et, dans ce cas, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

 A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils constituent ensemble une société de coordination, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

  Par Anne-Christine Farçat, Avocate associée
Eglantine Enjalbert, Avocate directrice
Guillaume Van Houtte, Avocat

  – 

[1] Article L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation. 

[2] Amendement n°973 présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE et les membres du groupe Union Centriste et adopté lors de la séance publique du 19 juillet 2018 au Sénat à l’occasion notamment de l’analyse de l’article 25 du projet de loi ELAN. 

[3]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D61CDA9F0B6E3570334F0CF967A3151A.tplgfr28s_2?idArticle=JORFARTI000037639584&cidTexte=JORFTEXT000037639478&dateTexte=29990101&categorieLien=id

 

Les contours du service public de la performance énergétique de l’habitat

Les acteurs publics, encouragés dans cette voie par le législateur, s’impliquent de plus en plus en matière de transition énergétique.

Outre notamment la production d’énergies renouvelables, la réduction des consommations énergétiques – et a fortiori la lutte contre les passoires énergétiques – suscite, à juste titre, un intérêt renouvelé.

Des opérations, parfois d’ampleur, sont ainsi menées par les collectivités publiques et bailleurs sociaux afin de rénover leur patrimoine dans le cadre notamment de marchés globaux de performance.

Et, si des mécanismes contraignants existent déjà (voir par exemple récemment le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire), la rénovation énergétique du parc immobilier public et privé semble désormais devenir une véritable priorité nationale, à l’image de l’annonce du Président de la République, E. Macron, lors de son adresse aux Français du 14 juin 2020, de sa volonté de lancer un plan de modernisation axé, notamment, autour de la rénovation thermique des bâtiments, ou encore des propositions de la Convention citoyenne pour le climat visant à rendre obligatoire « la rénovation énergétique globale » des bâtiments publics et privés d’ici 2040.

Dans le cadre des réflexions menées par les collectivités territoriales sur ces sujets, le recours à un instrument questionne : le service public de la performance énergétique de l’habitat (ci-après « SPPEH »). Institué par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, et codifié aux articles L. 232-1 et L. 232-2 du Code de l’énergie, les contours exacts et la mise en œuvre du SPPEH demeurent encore à ce jour relativement délicats à appréhender.

 

Les activités couvertes par le SPPEH 

 

En créant le SPPEH, la volonté poursuivie est d’instituer un guichet unique, permettant de guider les consommateurs vers les acteurs compétents et les mécanismes d’aides existants en matière de rénovation énergétique[1].

Initialement, la consistance du SPPEH était définie uniquement à l’article L. 232-1 du Code de l’énergie selon trois missions : l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique, l’assistance des propriétaires et des locataires dans la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et la fourniture d’informations et de conseils personnalisés.

En complément, la loi nᵒ 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV) a ajouté un nouvel article L. 232-2 dans le Code de l’énergie au sein du chapitre relatif au SPPEH, lequel précise les activités incluses dans ce service public[2] et crée des missions facultatives comprenant l’information itinérante, la mobilisation et l’animation d’un réseau de professionnels du bâtiment et du secteur bancaire et la mise en place d’actions facilitant la montée en compétences des professionnels. A noter que ce même article indique aussi que « Les conseils fournis sont personnalisés, gratuits et indépendants ».

L’ensemble de ces missions renvoie donc à l’information, le conseil, l’accompagnement et l’assistance des consommateurs dans leurs démarches. C’est, par ailleurs, dans cette esprit que ce service public avait été initialement conçu comme cela ressort des travaux parlementaires dans lesquels il est fait mention d’« un service public du conseil en matière d’efficacité énergétique »[3], « un service public d’aide à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique des logements résidentiels »[4], « une aide personnalisée à l’amélioration de la performance énergétique de leur habitation »[5].

Le SPPEH intervient de ce fait en amont de la réalisation des travaux de rénovation.

A priori, il ne semble pas avoir vocation à aller, par exemple, jusqu’à la réalisation d’expertises ou audits, ni à couvrir une partie du financement. Pour autant, au regard des termes relativement larges utilisés pour le définir, un doute subsiste quant au périmètre exact des activités pouvant être prises en charge par les collectivités au titre du SPPEH.

En tout état de cause, il demeure la possibilité pour les collectivités de développer de telles activités en justifiant d’un intérêt local, qui peut résulter d’une carence de l’initiative privée, dans le respect du droit de la concurrence.

Cette carence peut intervenir notamment dans les aspects techniques de la rénovation[6] ou dans le financement des travaux.

 

 

Comment et par qui le SPPEH est-il mis en œuvre ?

 

L’article L. 232-2 du Code de l’énergie prévoit que ce service public « s’appuie sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique » (ci-après « PTRE ») qui ont vocation à être mises en œuvre, « prioritairement » à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Si ces derniers représentent donc le niveau privilégié pour la mise en œuvre des PTRE, les régions sont toutefois chargées, au titre de l’article L. 222-2 du Code de l’environnement, d’établir un plan pour l’efficacité énergétique[7], qui doit, entre autres, définir un plan de déploiement des PTRE et promouvoir leur mise en réseau[8].

Et ces PTRE peuvent être gérées, notamment, par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services territoriaux de l’Etat, les agences départementales d’information sur le logement[9] (ADIL), les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les espaces info énergie (EIE) ou les associations locales.

Aujourd’hui, les PTRE s’articulent avec le réseau FAIRE (Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Énergétique)[10], dont l’un des objectifs est de rassembler l’ensemble des acteurs publics et privés de la rénovation énergétique et des énergies renouvelables, réseau consolidé et complété par le programme SARE (Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique)[11].

Au-delà, les missions comprises dans le SPPEH devraient sinon pouvoir être prises en charge dans le cadre de structures locales sous forme sociétaire, voire être confiées à un tiers.

 

 

Les destinataires du SPPEH

 

Il ressort de la lettre du texte et de son esprit que les destinataires prioritaires de ce service public sont les particuliers.

Au vu des travaux parlementaires, le SPPEH a en effet été conçu comme devant venir au soutien des ménages, et en particulier ceux les plus en difficulté, face à la consommation énergétique de leur habitation[12].

Pour autant le texte vise les consommateurs, propriétaires ou locataires, qui souhaitent diminuer leur consommation énergétique et n’exclut donc pas par principe les personnes publiques de ce service. D’autant que la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est venue préciser, à l’article L. 232-2 du Code de l’énergie, que « Elles [les PTRE] orientent les consommateurs, en fonction de leurs besoins, vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et recommandent à tout maître d’ouvrage, public ou privé, de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, lorsque les conseils mentionnés au troisième alinéa du présent article n’ont pas été délivrés par l’un de ces organismes ».

Au total, les acteurs publics disposent ainsi, avec le SPPEH, d’un outil dont il convient toutefois de bien appréhender le champ d’application et le régime.

Et bien d’autres leviers sont sinon à la disposition des acteurs publics pour agir plus spécifiquement sur leur patrimoine.

Très récemment d’ailleurs, dans une communication du 1er juillet 2020, le Ministère de la Transition énergétique a annoncé la signature, par E. Wargon, ancienne secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, de la convention du programme d’Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique (ACTEE 2) qui « permettra d’accompagner les collectivités locales qui rénovent énergétiquement leurs bâtiments tout au long de leurs projets : sensibilisation, formation, diagnostics, conseils techniques ou financiers ou encore solutions de mutualisation »[13].

 

Par Christophe Farineau et Anaëlle Degrémont

 

[1] M. F. Brottes – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du lundi 11 mars 2013 : « il [le texte de la proposition de loi] met en place un guichet unique, accessible à tous, à travers un service public de la performance énergétique de l’habitat ».

[2] « Ces plateformes ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur. Elles fournissent à ce dernier les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation. » et « Elles orientent les consommateurs, en fonction de leurs besoins, vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et recommandent à tout maître d’ouvrage, public ou privé, de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, lorsque les conseils mentionnés au troisième alinéa du présent article n’ont pas été délivrés par l’un de ces organismes. » (article L. 232-2 alinéas 3 et 4 du Code de l’énergie).

[3] M. A. Chassaigne – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du 1er octobre 2012.

[4] Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, déposé à l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013.

[5] M. D. Raoul, rapporteur – Discussion en séance publique, Sénat, séance du 30 octobre 2012.

[6] Comme cela a été mené par certaines collectivités ou groupements de collectivités.

[7] « Un programme régional pour l’efficacité énergétique, définit les modalités de l’action publique en matière d’orientation et d’accompagnement des propriétaires privés, des bailleurs et des occupants pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique de leurs logements ou de leurs locaux privés à usage tertiaire » (article L. 222-2 du Code de l’environnement).

[8] Article L. 222-2 du Code de l’environnement, alinéa 3, a), b).

[9] Voir Conseil d’Etat, 4 mai 2016, ADILE de Vendée, n° 396590, qui a confirmé qu’une association, en l’espèce l’ADILE de Vendée, pouvait se porter candidate à l’octroi d’un marché public de prestations de conseil aux particuliers en matière de performance et de rénovation énergétiques de leurs logements.

[10] Ministère de la Transition écologique, 10 septembre 2018, « Rénovation énergétique des bâtiments – Lancement de la campagne de mobilisation « FAIRE » » et https://www.faire.gouv.fr/.

[11] Arrêté du 5 septembre 2019 portant validation du programme « Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique » dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Convention nationale de mise en œuvre du Programme SARE, signée le 7 mai 2020.

[12] M. F. Barbier – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du 1er octobre 2012 : « Il [le service public de la performance énergétique de l’habitat] aura pour mission d’accompagner les ménages dans ces différentes améliorations. ».

Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, déposé à l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013 : « Enfin, le service public de la performance énergétique de l’habitat aura pour priorité d’améliorer l’isolation des logements des personnes en état de précarité ».

[13] Ministère de la Transition énergétique, 1er juillet 2020, « Le Gouvernement accélère la rénovation énergétique des bâtiments publics et lance un programme de 100 millions d’euros pour soutenir les collectivités ».

Actualités en matière d’évaluation environnementale

L’actualité récente a permis d’apporter des précisions s’agissant de l’évaluation environnementale et notamment de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas (A) ainsi que de l’obligation de soumettre à évaluation environnementale tant les textes encadrant l’implantation des parcs éoliens (B) que tous les projets devant y être soumis, quand bien même ils feraient partie d’une opération plus vaste dont les autres éléments n’y seraient pas soumis.

 

Modification de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas en matière d’évaluation environnementale

 Décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

 

Un décret du 3 juillet 2020 modifie l’autorité compétente en matière d’évaluation environnementale s’agissant des projets relevant d’un examen au cas par cas.

Ce décret a ainsi pour principal objet d’appliquer l’article L. 122-1 V bis du Code de l’environnement relatif aux études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements, modifié à la suite de deux arrêts du Conseil d’Etat rendus en 2017 par lesquels la Haute juridiction avait annulé certaines dispositions réglementaires donnant compétence au Préfet de région pour exercer la fonction d’autorité environnementale.

Dès lors, ce décret a notamment pour objet de désigner l’autorité environnementale et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas d’un projet et de prévenir les possibles conflits d’intérêts entre ces deux autorités.

Ainsi, le décret modifie l’article R. 122-3 du Code de l’environnement relatif à la désignation de l’autorité chargé de l’examen au cas par cas et l’article R. 122-6 de ce même Code relatif à la désignation de l’autorité environnementale.

Il en ressort, premièrement, que le Ministre en charge de l’environnement est compétent en tant qu’autorité environnementale et en tant qu’autorité chargée de l’examen au cas par cas s’agissant des projets qui donnent lieu à un décret, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un ministre ou qui sont élaborés « par les services placés sous l’autorité d’un ministre ».

Deuxièmement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) est désignée autorité environnementale et autorité chargée de l’examen au cas par cas pour les projets élaborés par les services placés sous l’autorité du Ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce Ministre ou sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du Ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de ce dernier et pour les projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau. Il convient de noter que le Ministre chargé de l’environnement peut en outre déléguer à la formation d’autorité environnementale du CGEDD l’examen au cas par cas d’un projet ou d’une catégorie de projets relevant de sa compétence.

Troisièmement, le Préfet de région sur le territoire duquel le projet doit être réalisé reste compétent pour les projets ne relevant pas de l’une des autorités mentionnées ci-avant. Pour ces projets, ce sont les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) qui sont désignées autorités environnementales.

A ce titre, afin de prévenir les conflits d’intérêts, le décret crée deux nouveaux articles au sein du Code de l’environnement (R. 122-24-1 et R. 122-24-2), prévoyant pour l’un que l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale « exercent leurs missions de manière objective » et « veillent à prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêt » et, pour l’autre, la procédure applicable en cas de conflit d’intérêt.

 

 

Selon le CJUE, les textes encadrant l’implantation d’un parc éolien doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale

CJUE, 25 juin 2020, C-24/19, A e.a. contre Gewestelijke stedenbouwkundige ambtenaar van het departement Ruimte Vlaanderen, afdeling Oost-Vlaanderen

 

La Cour de justice de l’Union européenne, dans une décision du 25 juin 2020, a apporté des précisions quant à l’interprétation de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

La Cour estime dans cet arrêt que la notion de plans et programmes qui doivent être soumis à évaluation environnementale en application de cette directive doit être entendue largement, en comprenant les plans et programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, reprenant ainsi sa jurisprudence constante (voir notamment décision C-567/10).

Dès lors, la Cour retient que la directive doit être interprétée « en ce sens que relèvent de la notion de « plans et programmes » un arrêté et une circulaire, adoptés par le gouvernement d’une entité fédérée d’un État membre, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes » et que ces derniers doivent donc être soumis à évaluation environnementale.

Ainsi, les textes encadrant l’implantation d’un parc éolien sont ici qualifiés de plans ou programmes et doivent dès lors faire l’objet d’une évaluation environnementale.

 

 

Le Conseil d’Etat juge qu’une obligation d’évaluation environnementale pour un projet n’est pas remise en cause dans le cadre d’une opération d’aménagement incluant ledit projet

CE, 1er juillet 2020, n° 423076, Association Athéna

 

Par une décision du 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat a apporté des précisions s’agissant de l’obligation d’évaluation environnementale dans le cadre d’une opération d’aménagement incluant plusieurs projets.

La Haute juridiction retient que, dans le cadre d’une telle opération comprenant la construction d’un magasin d’une part et de places de stationnement extérieures d’autre part, cette circonstance ainsi que celle que le magasin projeté, du fait de sa superficie, ne relève d’aucune des rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement et ne devant dès lors pas faire l’objet d’une évaluation environnementale, ne sont pas de nature à faire échapper la réalisation des places de stationnement à l’obligation d’évaluation environnementale, dès lors que cette construction entre dans l’une des rubriques de ce tableau.

Ainsi, dès lors qu’un projet doit être soumis à évaluation environnementale, cette obligation ne peut être contournée du fait de l’exonération de cette obligation dont bénéficie les autres éléments de l’opération plus vaste dans lequel ledit projet s’inclut.

Des ajustements réglementaires relatifs à certaines installations réglementées

Modification des prescriptions relatives aux installations éolienne soumises à déclaration

Arrêté du 22 juin 2020 modifiant l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

 

L’arrêté du 22 juin 2020 de la Ministre de la transition écologique et solidaire modifie les prescriptions relatives aux installations éoliennes soumises à déclaration prévues à l’arrêté du 26 août 2011[1]. Ces modifications portent tant sur l’exploitation des parcs éoliens que sur leur renouvellement en fin de vie, leur démantèlement ou encore les conditions de calcul des garanties financières des nouvelles installations et des installations existantes modifiées.

La notice du décret précise ainsi qu’il introduit l’obligation de démanteler la totalité des fondations jusqu’à leur semelle sauf dans le cas où le bilan environnemental est défavorable, sans que l’objectif de démantèlement puisse être inférieur à 2 mètres. Il ajoute par ailleurs des objectifs de recyclage ou de réutilisation des aérogénérateurs et des rotors démantelés, progressifs à partir de 2022. Il fixe également des objectifs de recyclabilité ou de réutilisation pour les aérogénérateurs dont la déclaration est réalisée après le 1er janvier 2024 ainsi que pour les aérogénérateurs mis en service après cette même date dans le cadre d’une modification notable d’une installation existante. Il ajoute l’obligation pour les exploitants de déclarer les aérogénérateurs, aux étapes clés du cycle de vie de l’installation. Il ajoute des obligations renforçant l’encadrement des opérations de maintenance et de suivi des installations pour l’évaluation des impacts sur la biodiversité, ainsi que des conditions spécifiques dans le cas du renouvellement des aérogénérateurs d’un parc éolien en fin de vie.

 

 

Révision de la nomenclature IOTA

Décret n° 2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l’eau

Arrêté du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement

Arrêté du 30 juin 2020 modifiant l’arrêté du 9 août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 3.2.1.0 et 4.1.3.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement

 

Un décret et deux arrêtés du 30 juin 2020 réforment la nomenclature relative aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant une incidence sur l’eau ou le fonctionnement des systèmes aquatiques, dite nomenclature « loi sur l’eau » annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement, dans un objectif de simplification des procédures applicables.

La notice du décret précise que cette réforme clarifie les périmètres de plusieurs rubriques, aborde de façon plus globale les enjeux environnementaux des projets en regroupant des rubriques concernant une même thématique et modifie la procédure applicable à certains projets. Elle porte sur les thématiques suivantes : assainissement, stockage de boues, rejets, plans d’eau et création d’une nouvelle rubrique relative à la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques afin d’alléger la procédure pour les projets favorables à la protection des milieux. Le décret désigne également l’autorité compétente pour définir la liste des agglomérations d’assainissement au sens de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et institue un registre dématérialisé pour les propriétaires des systèmes d’assainissement destinés à collecter et traiter une charge brute de pollution organique, au sens de l’article R. 2224-6 du code général des collectivités territoriales, inférieure ou égale à 12 kg et supérieure à 1,2 kg.

L’entrée en vigueur des dispositions de ce décret est étalée dans le temps, certaines à compter du 3 juillet 2020, d’autres à compter du 1er septembre 2020 et d’autres encore seulement à compter du 1er janvier 2021.

Les deux arrêtés, quant à eux, modifient pour l’un la définition des travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature loi sur l’eau et, pour l’autre, les niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant des rubriques 2.2.3.0, 3.2.1.0 et 4.1.3.0 de cette même nomenclature.

Ces modifications entreront en vigueur à compter du 1er septembre 2020.

 

 

Modification de la composition du dossier d’autorisation environnementale en matière d’assainissement

Décret n° 2020-829 du 30 juin 2020 relatif à la composition du dossier d’autorisation environnementale prévu à l’article L. 181-8 du code de l’environnement pour les systèmes d’assainissement collectif des eaux usées de l’agglomération d’assainissement et les installations d’assainissement non collectif

 

Le décret n° 2020-829 du 30 juin 2020 a été pris en application de l’article L. 181-8 du Code de l’environnement relatif au dossier d’autorisation environnementale à fournir par le pétitionnaire afin de préciser les pièces et informations spécifiques à joindre au dossier.

Le décret modifie ainsi la composition du dossier d’autorisation environnementale pour les systèmes d’assainissement collectif des eaux ou les installations d’assainissement non collectif, ainsi que pour l’épandage, et le stockage en vue d’épandage, de boues produites dans un ou plusieurs systèmes d’assainissement collectif des eaux usées et installations d’assainissement non collectif.

Les dispositions de ce décret entreront en vigueur le 1er septembre 2020.

[1] Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

Modifications de la répartition de certaines compétences en matière d’environnement

Décret n° 2020-869 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique

Décret n° 2020-879 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la mer

 

 

Déconcentration des décision administratives individuelles dans les domaines de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement

 

Par une circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, le Premier Ministre a souhaité, d’une part, transférer l’ensemble des décisions qui pourraient être exercées au niveau déconcentré, en privilégiant le niveau départemental, voire infra-départemental afin de renforcer les marges de manœuvre des agents de terrain et, d’autre part, repenser l’organisation et le fonctionnement des administrations centrales.

C’est conformément à cette orientation que le décret du 19 juin 2020 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles dans les domaines de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement a été publié.

Ainsi, ce décret transfère à des autorités déconcentrées ou à un établissement public la compétence de prendre certaines décisions administratives individuelles relevant des ministres chargés de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement, en matière de sécurité ferroviaire, de sécurité des transports publics guidés et dans le domaine de l’eau et de la biodiversité. Il procède en outre à l’actualisation de la liste des dérogations au principe de déconcentration des décisions administratives individuelles.

 

 

Modification des attributions du Ministre de la transition écologique et création du Ministre de la mer

 

Le Ministre de la transition écologique a vu, avec le remaniement ministériel intervenu le 6 juillet dernier, outre un raccourcissement de son nom, ses attributions quelque peu modifiées.

Il convient ainsi notamment de noter que le Ministre perd ainsi une partie de la compétence en économie sociale et solidaire, et qu’il est chargé, en liaison avec le Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, de la politique du Gouvernement en matière d’urbanisme et d’aménagement.

Autre fait notable, le Ministre de la transition écologique partage désormais ses compétences sur la mer avec le nouveau Ministre de la mer, qui élabore et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses divers aspects, nationaux et internationaux, notamment en matière d’économie maritime, de rayonnement et d’influence maritimes.