- Droit pénal de l'environnement
le 11/04/2024
Tadjdine BAKARI-BAROINI
Emmanuelle BARON
Myriam DAHMANE
Marlène JOUBIER
Marie PICARD

Lutte contre l’habitat dégradé : une avancée législative majeure

Projet de loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement

Le 27 mars dernier, le Parlement a définitivement – et à l’unanimité – adopté le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, porté par plusieurs collectivités impactées par ce fléau, et principalement par la commune de SAINT-DENIS.

Ces nouvelles dispositions visant à renforcer l’arsenal juridique préexistant ont vocation à permettre la mise en œuvre de procédures concrètes et opérationnelles pour protéger les occupants face au risque de dégradations des copropriétés, en sollicitant davantage l’intervention des pouvoirs publics.

Plusieurs mesures préventives ou curatives peuvent désormais être mises en œuvre pour rénover l’habitat dégradé en permettant une accélération et une simplification des actions de lutte contre la dégradation de l’habitat et le développement stratégique des opérations d’aménagement.

I – Renforcement des outils préventifs

A / Prévenir l’habitat dégradé

1/ L’instauration d’un prêt global collectif

 L’article 4 de la loi prévoit à destination de toutes les copropriétés un prêt global collectif, pour la réalisation des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et à la santé et la sécurité des occupants, ainsi que des travaux de rénovation énergétiques. Ce prêt collectif qui se veut plus souple dans sa souscription permettra une accélération dans la réalisation de travaux, pouvant se révéler couteux et importants afin d’éviter une accélération de la dégradation du bâti des copropriétés.

Le texte prévoit que les sommes empruntées seront versées sur un compte bancaire séparé, réservé à cet effet ainsi qu’au versement des subventions publiques accordées au syndicat des copropriétaires pour le financement des travaux. Ces sommes étant, par ailleurs, insaisissables.

Aux termes des nouvelles dispositions, il est prévu un élargissement de l’actuel fonds de garantie de la rénovation énergétique (FGRE) à l’ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté. Ce fonds permettra ainsi de garantir la souscription du prix global collectif. Toutefois, des interrogations demeurent concernant le fonctionnement et l’alimentation de ce fonds, qui devraient être levées par voie réglementaire.

2/ Le renforcement des permis louer et de diviser

Le permis de louer et le permis de diviser sont des outils existants dont le principe est plébiscité par les collectivités, beaucoup d’entre elles ont instauré des secteurs de mise en œuvre de ces permis. Ces outils sont toutefois d’un usage perfectible et la loi de rénovation de l’habitat dégradé propose de renforcer permis.

Tout d’abord, l’article 8 de la loi crée un fondement juridique pour l’exercice d’un droit de visite confié au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou au maire, dans le cadre de l’instruction du permis de louer. Cette mise en œuvre du droit de visite dans le cadre du permis de louer n’était pas très claire, il s’agit donc d’une disposition intéressante car sécurisante.

Ensuite, l’article 23 permet aux maires de prononcer directement les amendes relatives aux infractions au permis de louer, et modifie l’article L. 635-7 du Code de la construction et de l’habitation pour permettre l’attribution du bénéfice de ces amendes aux communes ou EPCI compétents.

Enfin, l’article 33 instaure, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, la faculté pour le président de l’EPCI ou le maire de rejeter la demande de permis de louer. L’application au logement, et non à chaque locataire, des normes de décence pour les colocations à baux multiples, a permis à certains marchands de sommeil de procéder à des divisions informelles d’appartements. Afin que les maires aient les moyens de s’opposer à des telles dérives, la collectivité peut fixer des exigences de décence plus fortes que celles inscrites à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour les colocations à baux multiples, et le permis de louer peut ainsi être refusé lorsque ces normes de décence ne sont pas suffisantes.

3/ L’étoffement des missions de l’ANCT au service des petites collectivités et moyennes collectivités

Le texte est par ailleurs porteur d’un accompagnement renforcé des petites et moyennes communes, afin de favoriser une meilleure prise en main de la lutte contre l’habitat dégradé. En effet, les enjeux de la lutte contre l’habitat dégradé ne sont pas circonscrits aux grosses collectivités mais touchent également ces communes qui ne disposent pas ou peu de moyens d’ingénierie appliquer les outils destinés à prévenir et traiter efficacement les cas d’insalubrité ou d’insécurité des logements, et plus généralement l’habitat dégradé. Ainsi sur l’initiative du Sénat, il a en particulier été décidé, ainsi que le prévoit le tout premier article de la loi, d’intégrer aux missions de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) une activité de conseil et soutien au profit des collectivités au titre de la conception, définition et mise en œuvre de leurs projets de rénovation de l’habitat dégradé.

4/ L’introduction d’un diagnostic structurel des immeubles collectifs situés dans des secteurs à risque

L’une des mesures phares de ce texte en matière de prévention des dégradations définitives de l’habitat est par ailleurs la mise en place d’un mécanisme attendu destiné à améliorer la détection de graves désordres structurels et par là même de situations dramatiques telles que les effondrements d’immeubles. Le texte ainsi adopté prévoit la création dans le Code de la construction et de l’habitation d’une section complète venant s’insérer à la suite les dispositions sur l’entretien des bâtiments en exploitation, et destinée à encadrer l’établissement d’un diagnostic structurel des immeubles collectifs situés dans des secteurs d’habitat dégradé, mais également des centres villes dits “anciens”.

La délimitation des secteurs dans lesquels l’établissement de ce diagnostic structurel s’impose aux bâtiments d’habitation collectif, est toutefois laissée à l’appréciation des communes, le législateur précisant seulement à ce stade que « peuvent entrer » dans le périmètre des secteurs « les zones caractérisées par une proportion importante d’habitat dégradé » et « les zones présentant une concentration importante d’habitat ancien dans lesquelles les bâtiments sont susceptibles de présenter des fragilités structurelles du fait notamment de leur époque de construction, de leurs caractéristiques techniques et architecturales, des matériaux de construction employés ou de l’état des sols ». Le dispositif créé n’est pas sans rappeler à certains égards celui destiné à assurer le ravalement régulier des façades sur le territoire de certaines communes, le législateur prévoyant ici l’obligation de réalisation d’un diagnostic structurel « à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la réception des travaux de construction du bâtiment et au moins une fois tous les dix ans ». Le contenu du diagnostic est d’ores et déjà précisé. Ainsi, il devra comprendre une description des « désordres observés qui portent atteinte à [la solidité du bâtiment] et évaluant les risques qu’ils présentent pour la sécurité des occupants et celle des tiers ».

Des gardes fous seront apportés par décret pour déterminer les personnes qui auront qualité pour établir ces diagnostics, le texte précisant déjà qu’ils devront justifier d’une assurance couvrant la responsabilité encourue du fait de l’exécution desdites missions. Il est néanmoins prévu que pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux satisfait à l’obligation d’établissement du diagnostic structurel, sous réserve que la personne ayant élaboré ledit plan justifie mêmes compétences que celles prescrites pour le « diagnostiqueur ».

Il est enfin prévu qu’en cas de défaillance du propriétaire ou du syndic dans la transmission du diagnostic ou le cas échéant du projet de plan pluriannuel de travaux à la commune, le maire peut en solliciter la production dans le cadre des pouvoirs de police spéciale qui lui sont dévolus en matière de sécurité et salubrité des immeubles, et à défaut de transmission sous un mois, procéder à la réalisation d’office du diagnostic en lieu et place « du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires et à ses frais ».

B/ Prévenir l’aggravation des situations remédiables

1/ Renforcement des outils de maîtrise foncière

1.1/ Création d’une nouvelle procédure d’expropriation pour les « immeubles indignes à titre remédiable »

L’article 9 crée une nouvelle procédure d’expropriation pour les immeubles indignes à titre remédiable. Cette procédure viendra en renfort des dispositifs existants en matière de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations pour faire cesser les dangers résultant de l’état de certains immeubles. Cette nouvelle expropriation permet de prévenir une situation conduisant à une interdiction définitive d’habiter ou un ordre de démolition en offrant la possibilité aux collectivités publiques d’engager les travaux nécessaires pour éviter la dégradation d’immeubles connaissant des désordres importants avant qu’ils ne deviennent irrémédiables. Elle pourra être mise en œuvre en cas de carence persistante des propriétaires à exécuter les mesures prescrites, de travaux nécessaires de prévention de la dégradation attestés par un rapport des services techniques ou un expert et, pour les biens à usage d’habitation, en cas de garantie prévue pour la protection des occupants.

La déclaration d’utilité publique (DUP) sera prononcée par l’autorité compétente de l’Etat par dérogation aux règles générales du code de l’expropriation. Et cette même autorité pourra, s’il y a lieu, prescrire, par arrêté, une interdiction temporaire d’habiter ou d’utiliser. La dérogation tiendra, notamment, au fait que la décision de l’autorité compétente de l’Etat emportera, à la fois, DUP, cessibilité, fixation du montant des indemnités provisionnelles dues aux intéressés et détermination d’une date de prise possession des biens expropriés après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation des indemnités provisionnelles.

Enfin, point essentiel, l’indemnité d’expropriation due au propriétaire sera, de prime abord, fixée par référence à des mutations portant sur le même secteur et dans un état de dégradation ou d’insalubrité comparable et, si cela n’est pas possible, par l’application d’un abattement correspondant au montant des travaux et autres mesures propres à remédier à la situation ayant justifié la prescription des travaux non exécutés. Et, en cas d’interdiction d’habiter ou d’utiliser, ladite indemnité sera réduite du montant des frais de relogement ou d’hébergement des occupants si le propriétaire n’y a pas procédé.

1.2/ Elargissement du droit de préemption urbain à de nouveaux objectifs

L’article 22 prévoit l’insertion d’un nouvel article L. 211-2-4 dans le Code de l’urbanisme qui élargit le droit de préemption urbain à trois nouveaux objectifs :

1°) La réalisation d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 du Code de la construction et de l’habitation ;

2°) La réalisation d’un plan de sauvegarde prévu à l’article L. 615-1 du Code de la construction et de l’habitation ;

3°) La réalisation d’une opération de requalification de copropriétés dégradées prévue à l’article L. 741-1 du Code de la construction et de l’habitation.

2/ Création de la possibilité de réalisation d’office par le maire de mesures ou travaux en présence d’un risque certain pour la sécurité ou la santé affectant les constructions, installations, aménagements contraires aux règles d’urbanisme

En outre, et probablement dans un souci de rationalisation des polices administratives, l’article 13 du projet de loi prévoit désormais la possibilité pour les maires, en présence d’un « risque certain pour la sécurité ou pour la santé » consécutif de travaux réalisés en infraction aux règles d’urbanisme, de réaliser d’office, aux frais du propriétaire, les mesures prescrites aux termes de la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme d’avoir à mettre en conformité la construction, l’aménagement l’installation ou les travaux irréguliers.

3/ Un accroissement de la protection des copropriétés en difficulté et dégradées

Le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées est une véritable préoccupation avec d’importants enjeux en termes de sécurité, de salubrité et de dégradation du bâti, de sorte que l’intervention des pouvoirs publics peut se révéler nécessaire. Toutefois, les mesures existantes permettant une intervention des pouvoirs publics peuvent être particulièrement longues et n’être mobilisables que dans des circonstances spécifiques, alors que la situation est parfois déjà compromise et irréversible. La loi relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement adopté le 27 mars dernier a vocation notamment à simplifier certaines mesures afin d’anticiper le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées.

3.1. Elargissement des conditions de désignation d’un mandataire ad hoc et sanction des syndics défaillants

Faisant le constat que certaines mesures tendant à aider les copropriétés en difficulté ne sont que très peu mobilisées, notamment par les syndics, les nouvelles dispositions de l’article 18 la loi tendent à élargir les conditions d’application de la procédure aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc prévue à l’article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Jusqu’alors, un mandataire ad hoc pouvait être désigné, lorsqu’à la clôture des comptes de l’exercice, les impayés atteignaient 25 % des sommes exigibles (15 % pour les copropriétaires de 200 lots). Il sera désormais possible de recourir à cette mesure, soit lorsque la copropriété est dépourvue de syndic, soit en l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans.

A cet égard, il sera rappelé que dans le cadre de cette procédure, le syndic, s’il existe, a un rôle proactif dans la mesure où il doit informer le conseil syndical et solliciter lui-même la désignation d’un mandataire ad hoc. Les nouvelles dispositions tiennent ainsi à sanctionner les syndics professionnels négligents ou défaillants en introduisant la possibilité pour le juge d’imputer les frais de l’administrateur provisoire qui serait désigné afin de redresser la copropriété au syndic, s’il n’a pas introduit la procédure aux fins de désignation du mandataire ad hoc.

3.2.  Création du syndic d’intérêt collectif pour un meilleur accompagnement des copropriétés en difficulté

Afin de renforcer l’intervention des pouvoirs publics dans le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées, l’article 18 créé « le syndic d’intérêt collectif » qui aura pour mission, d’une part, de gérer les copropriétés accompagnée d’un mandataire ad hoc, ou d’assister l’administrateur provisoire désigné pour redresser la copropriété.

Afin d’accomplir ses missions, le syndic d’intérêt collectif devra faire l’objet d’un agrément délivré par le préfet, pour une durée de cinq ans, et ce au regard notamment de sa capacité et de ses compétences à assurer cette mission. Les organismes d’habitation à loyer modéré pourront, à leur demande, se voir reconnaître syndic d’intérêt collectif, sans recourir à la procédure d’agrément. Il est prévu qu’un décret d’application viendra déterminer les modalités d’application de ce texte.

3.3. L’extension des acteurs ayant qualité à solliciter la scission d’une copropriété

Afin de remédier aux difficultés rencontrées par les copropriétés en difficulté, d’une taille parfois trop importante, il peut être décidé de procéder à la scission ou à la division du syndicat des copropriétaires, en syndicats secondaires. Jusqu’alors la procédure de scission était instituée à l’article 28 et l’article 29-8 de la loi du 10 juillet 1965 et seuls les copropriétaires, en assemblée générale, ou l’administrateur provisoire pouvait recourir à la scission ou à la division du syndicat des copropriétaires, à l’exclusion de toute autre personne.

L’article 43 de la loi tend à permettre aux opérateurs d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) de solliciter auprès du syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale le projet de scission ou de création de syndicats secondaires. Plus encore, à défaut d’approbation de ce projet en assemblée générale, l’opérateur pourra saisir le Juge afin qu’il désigne un expert aux fins d’obtenir la scission de la copropriété ou la constitution d’un ou plusieurs syndicats secondaires. Ces nouvelles dispositions permettront ainsi aux pouvoirs publics d’intervenir aux fins de solliciter la scission ou la division du syndicat des copropriétaires, si cette solution permet un redressement de la copropriété.

3.4. L’insaisissabilité des sommes versées au titre de l’administration provisoire.

La loi tend à protéger les copropriétés déjà fragilisées et qui se trouvent sous administration provisoire et dont un mandataire ad hoc a été désigné.

En effet, l’article 17 de la loi prévoit qu’aucune procédure d’exécution n’est recevable sur les sommes qui ont été versées à la Caisse des dépôts et de consignations au titre des missions accomplies dans le cadre de l’administration provisoire. Cette mesure permet ainsi une insaisissabilité par les créanciers de la copropriété des sommes qui sont versées par les pouvoirs publics aux fins de redressement des copropriétés en difficulté

4/ Le relogement :

Les problématiques de l’hébergement et de relogement sont très fortes dans le cadre des politiques de prévention et de lutte contre l’habitat dégradé. 90 % des maires ayant répondu à la consultation sur ce sujet ont soulevé les difficultés tenant à l’hébergement et au relogement. La loi approuvée par le Parlement le 27 mars dernier participe à améliorer

Tout d’abord, l’article 24 de la loi modifie l’article L. 341-2 et ajoute un nouvel article L. 421-5-3 au Code de l’urbanisme afin d’organiser une dispense d’autorisation d’urbanisme pour les constructions temporaires destinées à l’hébergement temporaire des occupants dans le cadre d’opérations de lutte contre l’habitat dégradé ou insalubre ou de renouvellement urbain. L’article dispense d’autorisation d’urbanisme les constructions temporaires ayant vocation à assurer le relogement des habitants évincés lors d’opérations de résorption de l’habitat indigne ou dégradé. Cette dispense vaut pendant la durée de l’opération et la date de fin de l’implantation doit cependant figurer dans l’accord donné par le maire, afin d’éviter que le relogement temporaire se prolonge au-delà des nécessités de l’opération.

Par ailleurs, les dispositifs existants sont enrichis afin de prévoir une information efficace sur la mise en place d’une procédure de police de mise en sécurité ou salubrité, conforter les garde-fous destinés à protéger les premiers d’un détournement du droit à l’hébergement ou au relogement, ou encore à lutter contre la défaillance des propriétaires à réaliser les travaux prescrits pour mettre fin à l’insalubrité ou l’insécurité.

Ainsi, le texte prévoit tout d’abord des mécanismes d’information renforcée sur l’existence des procédures de mise en sécurité ou salubrité grevant les immeubles, au moyen de différents leviers qui devraient permettre de préserver les droits des occupants au titre tant de la suspension des loyers que de l’hébergement ou relogement :

  • L’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ainsi que les articles L. 511-10 et L. 511-12 du Code de la construction et de l’habitation sont complétés afin de prévoir une obligation d’information par le syndic non seulement des copropriétaires mais encore des occupants sur la mise en œuvre de telles procédures ;
  • Il est en outre désormais explicitement prévu une information obligatoire des occupants du démarrage de la procédure contradictoire par l’autorité administrative à l’initiative de la procédure de mise en sécurité ou traitement de l’insalubrité par courrier, remise contre signature ou affichage ;
  • Notons également qu’en cas de vente de l’immeuble en tout ou partie, le dossier de diagnostic technique prévu à l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation devra désormais comprendre les arrêtés pris au titre de la police de sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux ou installations régis par le Code.

En outre, l’arsenal du dispositif de lutte contre les congés abusifs au moyen de sanctions à l’encontre des propriétaires indélicats qui tenteraient d’échapper à l’obligation d’hébergement ou relogement est étendu, et trouvera désormais à s’appliquer dès que la procédure contradictoire prévue à l’article L. 511-10 du Code de la construction et de l’habitation sera initiée, et non plus à la seule édiction de l’arrêté de mise en sécurité ou traitement de l’insalubrité.

Enfin, en cas de défaillance du propriétaire à faire réaliser les travaux nécessaires au traitement de l’insalubrité ou de l’insécurité des immeubles entrainant une éviction des occupants depuis plus de trois ans, l’article 10 du projet de loi définitivement adopté vient ajouter au dispositif de l’article L. 521-3-1 du Code de la construction et de l’habitation, portant régime des obligations d’hébergement et relogement en matière d’immeubles faisant l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’habiter ou d’utiliser, ou lorsque les travaux prescrits rendent le logement temporairement inhabitable. Toute éviction supérieure à trois ans entraîne ainsi un basculement d’office du régime de l’obligation de l’hébergement vers le régime du relogement, et donc l’obligation pour le propriétaire d’assurer le relogement définitif des occupants.

5/ Diverses mesures propices à la fluidification des opérations de rénovations

Le texte prévoit ensuite diverses mesures tendant à faciliter, encourager, les opérations de rénovations.

Tout d’abord, l’article 46 prévoit l’interdiction pour un plan local d’urbanisme d’exiger la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement concerné par une opération de résorption de l’habitat indigne, s’inspirant ce faisant, des exigences pesant sur le logement social.

Ensuite, l’article 21 de la loi créé un nouvel article L. 300-10 dans le Code de l’urbanisme, afin d’introduire la possibilité d’utiliser la concession d’aménagement pour les opérations de réhabilitation ponctuelle. Cet article permet donc à une collectivité publique de confier à un concessionnaire, par un contrat de concession d’aménagement, la réalisation d’opérations de rénovation.

Enfin, et sans être exhaustif, la loi doit permettre une accélération de la mise en œuvre des opérations d’intérêt national (OIN) et la mise en cohérence de la procédure de consultation préalable à la reconnaissance de l’intérêt national d’une ORCOD avec celle de l’opération d’intérêt national (OIN). Plus précisément, l’article rend possible le recours à la procédure de participation du public par voie électronique et autorise la mise en œuvre de la procédure intégrée de mise en compatibilité du document d’urbanisme.

II – Traitement des situations irrémédiables

1/ Clarification de la procédure d’expropriation « des immeubles indignes à titre irrémédiable »

L’article 45 permet de sécuriser l’expropriation réaliser sur le fondement de la « loi Vivien » du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre. Il étend cette procédure aux locaux commerciaux frappés par une interdiction définitive d’utiliser, en complétant les articles L. 511-1, L. 511-6 et L. 511-11 du Code de l’expropriation. Il apporte, aussi, des précisions sur la définition du caractère irrémédiable des immeubles insalubres afin d’éviter que la prise en compte des coûts de démolition ne fasse obstacle, de manière injustifiée, à la prise d’un ordre de démolir ou d’une interdiction définitive d’habiter.

2/ Possibilité pour les ORCOD de droit commun de bénéficier de la procédure d’expropriation de prise de possession immédiate

L’article 44 permet la mise en œuvre de la procédure de prise de possession immédiate prévue au Code de l’expropriation pour les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) de droit commun et dont l’acquisition est prévue pour la réalisation d’une opération d’aménagement déclarée d’utilité publique.

3/ Une facilitation du constat de la carence des copropriétés dégradées

L’instauration d’une présomption de gravité des difficultés financières et de gestion d’une copropriété en état de carence – lorsque la situation est irrémédiablement compromise, le Code de la construction et de l’habitation institue la procédure qui tend à faire constater l’état de carence du syndicat des copropriétaires. La carence peut être constatée lorsque, dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, le syndicat des copropriétaires est, en raison de graves difficultés financières ou de gestion et de l’importance des travaux à mettre en œuvre, dans l’incapacité d’assurer la conservation de l’immeuble ou la sécurité et la santé des occupants. Là encore, l’article 49 la loi tend à faciliter le constat de la carence, en instaurant une présomption de graves difficultés financières et de gestion de la copropriété, lorsque les comptes n’ont pas été communiqués à l’expert dans un délai de deux mois à compter de la réception par le syndicat des copropriétaires d’une demande en ce sens.

4/ Pouvoir du maire de faire démolir d’office les ouvrages en infraction avec la réglementation d’urbanisme en présence d’un risque certain pour la sécurité ou la santé

L’arsenal des pouvoirs du maire en présence de constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en infraction à la réglementation d’urbanisme est par ailleurs significativement complété. Ainsi ce dernier est autorisé, lorsque « aucun moyen technique » ne permettrait d’envisager une régularisation des travaux effectués afin d’assurer leur mise en conformité avec la réglementation ou les prescriptions d’une autorisation d’urbanisme, à procéder à la démolition complète et aux frais du propriétaire des installations présentant un « risque certain pour la sécurité ou la santé », après autorisation du juge judiciaire saisi dans les mêmes conditions que celles existant dans le cadre des pouvoirs de police spéciale de la mise en sécurité ou insalubrité.

III – Un renforcement des sanctions pénales à l’encontre des marchands de sommeil

Enfin, un renforcement des sanctions pénales encourues par les bailleurs indélicats est prévu. Ainsi, le délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne sera désormais sanctionné d’une peine de sept ans d’emprisonnement encouru – contre cinq actuellement – et d’une amende de 200.000 € – contre 150.000 €. La peine complémentaire pouvant être prononcée à l’encontre des bailleurs reconnus coupables de cette infraction, résidant dans une « interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement ou d’être usufruitier d’un tel bien ou fonds de commerce » pourra désormais l’être pour une durée de quinze ans – contre dix ans actuellement.

Enfin, une modification de l’article 706-10 du Code de procédure pénale permettra la mise à disposition gratuite des collectivités territoriales des biens immobiliers confisqués aux marchands de sommeil. En miroir, l’expropriant aura la possibilité d’informer le procureur de la République de la date à laquelle il procédera au paiement ou à la consignation des indemnités d’expropriation envers une personne mise en cause pour l’une des infractions prévues aux articles 225-14 du Code pénal, L. 511-22 et L. 521-4 du Code de la construction et de l’habitation. Cette information permettra d’anticiper la saisie des fonds dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du Code pénal.

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Ces nouveaux mécanismes juridiques devraient permettre de faciliter le redressement des copropriétés, d’associer davantage les élus locaux et de renforcer les moyens de lutte contre les marchands de sommeil.

Cette loi tendant à redonner de la dignité aux personnes les plus fragiles et vulnérables offre en effet des outils plus adaptés aux collectivités, aux services de l’Etat, aux bailleurs sociaux mais également à l’institution judiciaire pour lutter plus efficacement contre l’habitat dégradé, indécent et inacceptable.