De l’impossibilité d’auditionner des témoins cités par l’administration en conseil de discipline, sans avoir préalablement mis l’agent poursuivi en mesure d’assister à leur audition

Par un arrêt en date du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat a jugé que si un conseil discipline peut décider d’auditionner un témoin sans avoir à en avertir l’agent poursuivi, en revanche, elle ne peut l’auditionner sans avoir mis en mesure ce fonctionnaire d’assister à cette audition.

 

Dans cette affaire, M. B., fonctionnaire territorial, s’est vu infliger, par arrêté du Maire de Limoges du 27 décembre 2021, la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans, assortie d’un sursis d’un an. M. B. a alors demandé au Juge des référés du Tribunal administratif de Limoges de suspendre l’exécution de cette sanction. Le Juge des référés a néanmoins rejeté sa requête.

 

Saisi de cette ordonnance, le Conseil d’Etat affirme que ni les articles 6, 7 et 8 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux « ni aucune autre disposition ou principe n’imposent à l’administration d’informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l’identité de ceux-ci. Il appartient au conseil de discipline de décider s’il y a lieu de procéder à l’audition de témoins. Il ne peut toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre les témoins le jour même de la séance sans avoir mis en mesure le fonctionnaire poursuivi d’assister à leur audition. En l’absence du fonctionnaire, le conseil de discipline ne peut auditionner de témoin que si l’agent a été préalablement avisé de cette audition et a renoncé de lui-même à assister à la séance du conseil de discipline ou n’a justifié d’aucun motif légitime imposant le report de celle-ci ».

 

Or, au cas particulier, la Haute assemblée relève que M. B. n’a pas été informé préalablement à la tenue du conseil de discipline, qui s’est réuni en son absence, de l’audition de témoins cités par l’administration. « Dans ces conditions, […] le Juge des référés du Tribunal administratif de Limoges a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure n’était pas propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension était demandée. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, M. B. est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance qu’il attaque ».

 

On précisera que cette solution n’est pas nouvelle, le principe ayant été posé en 2005 (CE, Mme Z, 7 mars 2005, n° 251137) et réitéré en 2017 (CE, M. X, 31 mars 2017, n° 393627). Toutefois, elle traduit à nouveau la volonté du Conseil d’Etat de prendre ses distances avec une solution antérieure plus souple, consistant à ne retenir l’irrégularité de la procédure disciplinaire que dans l’hypothèse où les témoignages pour lesquels l’agent n’aurait pas été mis à même d’assister à l’audition auraient apporté des éléments nouveaux (CE, Centre hospitalier de Cholet, 17 décembre 1993, n° 126524).

Pas de droit à l’allocation chômage pour les agents territoriaux ayant sollicités leur mise à la retraite pour invalidité

Par une décision en date du 30 mars 2023, n° 460907 mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat qui a été amené à se prononcer sur plusieurs conditions d’octroi de l’allocation chômage, a jugé qu’un agent territorial, qui a sollicité son admission à la retraite anticipée pour invalidité, ne peut pas être regardé comme ayant été involontairement privé d’emploi et ne peut donc pas prétendre à l’allocation chômage.

Dans cette affaire, Madame C., une adjointe technique territoriale au sein d’un département avait sollicité son admission à la retraite anticipée pour invalidité, à l’issue de son congé de longue durée ; admission qui avait été prononcée par le département employeur après avis favorables de la Commission de réforme et la CNRACL.

Madame C, qui bénéficiait du versement de sa pension de retraite, sans autre complément (la rente d’invalidité n’étant versée en complément qu’en cas de mise à la retraite pour invalidité imputable au service) s’était alors inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi et avait demandé au président du Conseil départemental de lui accorder le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Cette demande avait néanmoins été implicitement rejetée.

Le contentieux avait ainsi été porté devant le Tribunal administratif de Toulon lequel avait rejeté, par un jugement du 16 octobre 2020 n° 1800904, la requête de Madame C tendant à l’attribution des allocations chômage.

Saisie d’un pourvoi contre le jugement, la Haute juridiction a rappelé les conditions cumulatives auxquelles le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi est subordonné (listées par les dispositions de l’article L.5421-1 du Code du travail et de l’article 1er du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation chômage, et qui sont applicables aux agents des collectivités territoriales), puis dans un premier temps, a estimé que la condition d’aptitude physique au travail, devait être regardée comme remplie aussi longtemps que l’intéressée « demeurait inscrite sur la liste des demandeurs d’emplois ». C’est donc au prix d’une erreur de droit que le TA de Toulon avait regardée Madame C comme ne justifiant pas qu’elle remplissait la condition d’aptitude à l’emploi.

Madame C n’a néanmoins pas obtenu satisfaction. Dans un second temps, le Conseil d’Etat après avoir relevé que seuls les « travailleurs involontairement privés d’emploi » ont droit à une allocation d’assurance chômage s’il remplissent par ailleurs les autres conditions prévues par les dispositions susmentionnées, a en effet jugé qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 29 du Code des pensions civiles et militaires de retraite et de l’article 30 du décret du 26 décembre 2003, « que seule la mise à la retraite d’office constitue un cas de perte involontaire d’emploi pouvant ouvrir droit, pour un agent des collectivités territoriales » à l’allocation d’assurance chômage.

***

La Haute juridiction a donc opéré une distinction dans l’ouverture du droit au chômage selon si la mise à la retraite pour invalidité a été prononcée d’office, c’est-à-dire, à l’initiative de la collectivité employeur, ou à la suite d’une demande en ce sens de l’agent.

Or au cas particulier, dès lors que c’est Madame C qui avait sollicité son admission à la retraite anticipée pour invalidité, elle ne pouvait être regardée comme ayant été involontairement privée d’emploi, de sorte qu’elle ne pouvait prétendre à l’ARE.

Gageons qu’à la lecture de cette décision, les agents territoriaux réfléchiront à deux fois avant de solliciter leur mise à la retraite pour invalidité, et que certains d’entre eux préféreront attendre que leur employeur prononce d’office leur mise à la retraite pour invalidité afin de ne pas être exclus du bénéfice des allocations chômage.

De la possibilité de fonder exclusivement une procédure disciplinaire sur des témoignages anonymisés

Par un arrêt en date du 5 avril 2023, le Conseil d’Etat a jugé que si une procédure disciplinaire peut être fondée exclusivement sur des témoignages anonymisées, il appartient au juge d’apprécier la valeur probante de ces témoignages.

Dans cette affaire, Mme B, agent contractuel de Pôle emploi, s’est vu infliger, une sanction d’exclusion temporaire de deux mois à la suite de propos tenus à l’occasion d’une formation qu’elle avait pour mission d’animer. Il lui a été reproché d’avoir, lors de cette formation, dénigré son employeur et certains de ses collègues, et d’avoir émaillé son discours de termes insultants, avec, à l’occasion, une coloration raciste, sexiste et homophobe.

Relevons d’emblée que la sanction infligée à l’agent a été uniquement fondée sur les témoignages anonymisés de trois des agents ayant participé à la formation ainsi que sur une synthèse, dont l’auteur est anonyme, de quatre témoignages, anonymisés eux aussi, recueillis lors d’une enquête téléphonique.

Cette circonstance n’a pas empêché le Tribunal administratif de Montreuil de rejeter la demande d’annulation de la sanction dont Mme B l’avait saisi. En revanche, au vu de ces éléments anonymisés, la CAA de Paris a considéré que Pôle Emploi n’établissait pas la matérialité des faits reprochés à l’intéressée et a donc annulé la sanction en litige.

Saisie d’un pourvoi par Pôle Emploi, la Haute Assemblée a énoncé que : « l’autorité investie du pouvoir disciplinaire peut légalement infliger à un agent une sanction sur le fondement de témoignages qu’elle a anonymisés à la demande des témoins, lorsque la communication de leur identité serait de nature à leur porter préjudice ».

Le Conseil d’État a néanmoins précisé que dans le cadre d’une instance contentieuse engagée par l’agent contre cette sanction, et dans le cas où celui-ci contesterait l’authenticité des témoignages ou la véracité de leur contenu, il appartient à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire de produire tous éléments permettant de démontrer que la qualité des témoins correspond à celle qu’elle allègue et tous éléments de nature à corroborer les faits relatés dans les témoignages.

 

Il a finalement souligné que le juge forgeait sa conviction sur la valeur probante de ces témoignages au vu des échanges contradictoires et des éventuelles mesures d’instruction qu’il aurait ordonnées.

Au cas présent, la Haute juridiction a considéré que la Cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit en estimant « par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les éléments anonymisés produits ne suffisaient pas à apporter la preuve de la réalité des faits contestée par l’intéressée » et a donc rejeté le pourvoi formé par Pôle Emploi.

S’il est établi en jurisprudence que des témoignages anonymisés peuvent contribuer, et même de façon déterminante, à établir des faits de nature à constituer une faute disciplinaire[1], c’est la première fois que le Conseil retient que des témoignages anonymisés peuvent, en principe, exclusivement fonder une sanction disciplinaire, suivant en cela la Cour européenne des droits de l’homme[2] qui a déjà admis qu’ils pouvaient constituer la preuve unique et déterminante.

Il n’en reste que l’appréciation par le juge de la valeur probante de ces témoignages anonymisés doit conduire l’administration à en faire usage avec parcimonie et à bon escient ; de telles preuves semblent en effet moins solides face à la contestation contentieuse, que des preuves classiques, non anonymisées. Dans ses conclusions sur l’arrêt, M. Nicolas Labrune énonçait à cet égard que « la valeur probante des éléments fondant une sanction est inversement proportionnelle à la part de ces éléments qui sont anonymisés ».

Aussi, si le juge n’écartera pas des témoignages au seul motif qu’ils ont été anonymisés, il risque de ne leur reconnaitre qu’une faible valeur probante dans le cas où l’administration n’apporte pas, face à une requête qui les critique une défense convaincante.  De plus, reste la condition du préjudice porté aux témoins dont l’identité a été occultée qui nécessite, pour garantir la procédure, d’éviter du plus possible cette anonymisation.

 

[1] A propos du licenciement d’un salarié protégé fondé sur un motif disciplinaire : CE, 9 juillet 2007, n° 288295 ; à propos de la communication des PV et du rapport d’une enquête administrative CE, 5 février 2020, n° 433130 ; CE, 28 janvier 2021, n° 435946 ; ou encore à propos d’une sanction d’inéligibilité, CE, Sect. 4 février 2015, Élections municipales de Vénissieux n° 385555.

[2] CEDH, Grande Chambre, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni, nos. 26766/05 and 22228/06, § 118, 126 et 147 ; CEDH, 25 avril 2012, Ellis et Simms et Martin c. Royaume-Uni, nos 46099/06 et 6699/06).  

Enfin des précisions sur la notion de groupe de personnes en droit de la presse

Depuis maintenant plusieurs années, les praticiens du droit de la presse s’arrachent les cheveux pour essayer de comprendre ce que cette notion désigne.

Ces efforts n’ont pas été vains puisque la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue, par un arrêt en date du 21 février 2023, préciser – enfin – les contours de cette notion.

Cette affaire portait sur le contenu d’un discours prononcé en septembre 2019 par un polémiste lors d’une réunion publique contenant, selon la prévention, des injures publiques[1] et des provocations[2] publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence, envers un groupe de personnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Le 25 septembre 2020, le Tribunal correctionnel de Paris déclarait le prévenu coupable de l’ensemble des faits pour lesquels il était poursuivi et le condamnait à 10.000 € d’amende ainsi qu’à la diffusion et la publication d’un communiqué judiciaire.

Le condamné interjetait un appel principal de cette décision ; le ministère public ainsi que certaines des parties civiles, des appels incidents.

Par arrêt du 8 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris prononçait la relaxe du prévenu de l’ensemble des chefs de poursuite au motif qu’aucun des propos poursuivis ne visait l’ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans, mais uniquement une fraction de ces groupes.

Sur pourvoi en cassation du Procureur Général et de certaines parties civiles, la Chambre criminelle casse cette décision en retenant qu’il revenait aux juges d’appel de procéder à une analyse globale des propos poursuivis, éclairés par tous les éléments extrinsèques. Par ailleurs, selon la Chambre criminelle, les immigrés de confession musulmane venant d’Afrique constituent bien un groupe de personnes déterminé tant par leur origine que par leur religion, entrant ainsi dans les prévisions de la Loi.

Ce qui peut donc constituer de prime abord un « sous-groupe », peut s’avérer en réalité après analyse du sens et la portée des propos en question, être « un groupe » au sens de la jurisprudence de la chambre criminelle dès lors que les personnes le composant ont pour point commun leur origine, ou leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, tel étant le cas des immigrés de confession musulmane venant l’Afrique.

 

 

[1] Article 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881

[2] Article 24, alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881

C’est une vraie boucherie : sur la croisette, quel juge pour trancher la modification du périmètre du domaine privé (et ses conséquences pécuniaires) ?

« Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Cette bouchée de Roi juridique nous vient de l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790, toujours en vigueur. Son lien avec la société à responsabilité limitée Boucherie Cannoise, en 2023 ?

La Ville du festival délibère pour acquérir son fonds de commerce, puis se rétracte. La moutarde – & cinéma – monte au nez de la cédante, qui n’avait pas fait tout ça que pour des prunes. Elle demande 659.025,48 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi au Tribunal administratif de Nice.

La ville de Cannes fait valoir qu’il appartient au juge judiciaire de trancher le litige. Impossible de ménager la chèvre et le chou : le Tribunal des Conflits est saisi. Devant quel juge danser la carioca ?

Par une décision rendue le 13 mars 2023, deux enseignements nous sont livrés. D’une part, l’acte par lequel une personne publique (délibération, décision, etc.) modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine : sa contestation ressortit à la compétence du juge administratif.

D’autre part, il en va de même du refus de prendre un tel acte ou de son retrait, ainsi que du litige par lequel est recherchée la responsabilité de cette personne publique.

« Être comme pain et beurre » : le domaine privé relève en principe du juge judiciaire.

Formulé clairement depuis 2010, la dévolution aux juridictions judiciaires des litiges en lien la gestion du domaine privé est acquise. Ainsi :

« La contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par laquelle une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu’il en va de même de la contestation concernant des actes s’inscrivant dans un rapport de voisinage » [1].

Il en va également de même d’une situation contractuelle (conclusion, négociation et résiliation) ainsi que des actes de gestion courante[2].

Voici quelques exemples concrets. Les litiges relatifs à :

  • la décision de ne pas renouveler un bail[3];
  • la délibération accordant l’autorisation d’accéder à une propriété par une parcelle communale[4], ou encore le refus d’autoriser l’ouverture d’un passage entre une parcelle dont un exploitant agricole est propriétaire et une parcelle relevant du domaine privé communal[5];
  • le titre exécutoire relatif à une alimentation en eau d’une maison réalisée par un captage souterrain[6];
  • la chute d’un enfant dans une carrière désaffectée située dans une forêt domaniale[7].

sont confiés aux juges judiciaires.

Mais le juge administratif n’est jamais loin.

« Savoir mettre de l’eau dans son vin » : le domaine privé peut parfois relever du juge administratif.

A contrario, et comme l’illustre (et le rappelle) notre exemple cannois, les actes de disposition, c’est-à-dire ceux affectant le périmètre et la consistance du domaine privé (vente, donation, démembrement, etc.), relèvent du juge administratif[8].

Ici, et pour mémoire, la Ville de Cannes devait acquérir un fonds de commerce et ainsi augmenter l’actif de son patrimoine, avant de se rétracter.

Plus généralement, le juge des conflits confie donc au juge administratif le soin de protéger le domaine privé[9].

D’ailleurs, dans une espèce pas si éloignée de notre situation cannoise et dès 1982, le Conseil d’Etat a jugé illégale une délibération par laquelle un Conseil municipal décidait de ne plus procéder à l’aliénation d’un terrain, après avoir accepté le principe de la vente sans condition[10].

En revanche, et de manière plus inédite, le Tribunal des Conflits dans la décision commentée précise :

« Il en va de même […] du litige par lequel est recherchée la responsabilité de cette personne publique à raison d’un tel acte, du refus de le prendre ou de son retrait ».

Une telle ligne n’est pas sans lien avec l’orientation juridictionnelle selon laquelle le comportement fautif de l’administration, lorsqu’il cause un dommage à l’occasion de la gestion du domaine privé, relève de la compétence du juge administratif[11].

Autrement dit, les conséquences pécuniaires tirées de la faute commise lors de la mise en œuvre d’actes de disposition (rétractation, rupture des négociations, maladresse, etc.) passent par la case « Tribunal administratif ».

Cette précision est bienvenue[12] et après avoir clarifié tout ceci, il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant.

Thomas MANHES,

avocat associé SEBAN ARMORIQUE

 

[1] T. confl., 22 nov. 2010, SARL Brasserie Théâtre c/ Commune de Reims : n° 3764 : relève par conséquent de la compétence du juge judiciaire l’acte par lequel le maire d’une commune refuse à une société exploitant la brasserie d’un théâtre le renouvellement du titre d’occupation de locaux dépendant de l’immeuble abritant le théâtre municipal consenti par une convention ne comportant aucune clause exorbitante et non détachable de la gestion du domaine privé.

[2] T. confl. 18 juin 2001, Lelaidier c/ Ville de Strasbourg : n° 3241 : ici, la gestion du domaine forestier à seule fin de procéder à la vente de bois abattu et façonné révèle une activité de gestion de son domaine privé.

[3] T. confl., 17 avr. 2000, Pourquier : n° 3178 ; T. confl., 22 nov. 2010, SARL Brasserie Théâtre c/ commune de Reims : n° 3764, préc.

[4] CAA Marseille, 1er déc. 2015 : n° 14MA00739.

[5] CE, 6 mai 1996, Formery : n° 151818.

[6] CAA Nancy, 1re ch., 18 févr. 2016 : n° 15NC00883 (un procès pour faire ses choux gras – montant du litige : 50 euros).

[7] Le légendaire CE, sect., 28 nov. 1975, Abamonte c/ ONF : n°90772, Lebon.

[8] Pour la solution contraire, ayant évidemment fait l’objet d’un revirement depuis : T. confl., 7 déc. 1970, n° 01961, Lebon.

[9] Certains contentieux sont d’ailleurs dévolus au juge administratif par l’effet d’un texte : la cession des biens immobiliers de l’Etat (art. L. 3231-1 du Code général de la propriété des personnes publiques), ou encore les litiges nés des contributions spéciales pour les dégradations apportées aux chemins ruraux (art. L. 161-8 du Code rural et de la pêche maritime), par exemple.

[10] CE, 8 janv. 1982, Hostetter : n°21510, Lebon T. ; a contrario, CE, 8e – 3e ch. réunies, 25 juin 2018 : n° 402078, pour une commune revenant sur la vente d’une parcelle, cette dernière n’ayant toutefois pas encore été déclassée et relevait toujours du domaine public.

[11] T. confl., 9 déc. 2019, n° C4170 : « sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ».

[12] Elle laissera néanmoins derrière elle quelques décisions douteuses, à l’instar d’un arrêt récent de la Cour d’appel de Grenoble confiant au juge judicaire le soin d’étudier les conclusions reconventionnelles de l’acheteur tendant « à obtenir l’indemnisation des préjudices dont elles soutiennent être victimes du fait précisément de l’action en rescision pour lésion initiée par cette commune » (CA Grenoble, 25 oct. 2022, commune de Noyarey : n°22/01182.

La certitude d’un risque pour la sécurité des biens constitue un trouble anormal de voisinage

En l’espèce, un bien jouxte une parcelle sur laquelle se trouvent six cèdres. Le propriétaire du bien assigne ses voisins aux fins d’abattage des cèdres et indemnisation du préjudice subi sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.

La Cour d’appel ordonne l’abattage des arbres, dont la hauteur et l’ampleur du feuillage présentent le risque, en cas de tempête, d’endommager gravement la maison d’habitation des propriétaires, un tel risque, qui s’est déjà réalisé, ayant ainsi un caractère certain. Les voisins propriétaires des cèdres forment un pourvoi en cassation, considérant que l’existence d’un trouble actuel et certain n’était pas caractérisée, ce qui rendait le préjudice simplement éventuel et donc non réparable.

Mais la Cour de cassation rejette leur pourvoi, au motif que la Cour d’appel a caractérisé l’anormalité du trouble en relevant souverainement que la présence des arbres présentait un danger pour la sécurité des biens, constitutif d’un trouble anormal du voisinage, et que leur abattage constituait la mesure propre à y mettre un terme. La certitude du danger s’inférait de sa réalisation effective quelques années auparavant, de sorte que le dommage invoqué, même futur, était réparable.

La Cour d’appel a ainsi souverainement estimé que, certain, ce risque de chute excédait les inconvénients normaux de voisinage.

Absence d’intérêt à agir contre une délibération d’un EPT définissant un intérêt territorial en matière de voirie

L’article L. 5219-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que : « […] l’établissement public territorial exerce, sur l’ensemble de son périmètre, les compétences qui étaient, au 31 décembre 2015, transférées par les communes membres aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants. Toutefois : […] 2° Lorsque l’exercice des compétences obligatoires et optionnelles des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 31 décembre 2015 était subordonné à la reconnaissance d’un intérêt communautaire, un intérêt territorial est déterminé par délibération du conseil de territoire, à la majorité des deux tiers de ses membres. Il est défini au plus tard deux ans après la création de l’établissement public territorial. Par dérogation, cette délibération est facultative pour les établissements publics territoriaux dont le périmètre correspond à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 31 décembre 2015 ».

En l’espèce, un établissement public territorial (EPT) avait pris une délibération définissant son intérêt territorial en matière de voirie en maintenant sa compétence sur les voiries antérieurement reconnues d’intérêt communautaire par un établissement public de coopération intercommunale sur son périmètre. Pour demander l’annulation cette délibération, le requérant se prévalait de sa qualité de contribuable et d’usager du service public.

Par un premier jugement du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun avait rejeté sa demande considérant que le requérant était dépourvu d’intérêt à agir (TA Melun, 20 décembre 2019, n° 1803563).

Dans un arrêt en date du 10 février 2022, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé cette analyse et a rejeté la requête en appel considérant que le requérant n’avait pas intérêt à agir contre cette délibération :

« La délibération contestée définit l’intérêt territorial de l’établissement public territorial en matière de voirie par le maintien de sa compétence sur les voiries antérieurement reconnues d’intérêt communautaire, à savoir la totalité des voiries de l’ancienne CALPE, à laquelle appartient la commune de Savigny-sur-Orge où habite M. C…, et de l’ancienne CAVB. Si M. C… se prévaut de sa qualité de contribuable et d’usager du service public pour contester la délibération du 7 novembre 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette délibération, qui maintient l’exercice de la compétence voirie à un niveau intercommunal, ait une incidence significative sur les charges ou les recettes de sa commune, ni qu’elle affecte de façon suffisamment directe et certaine les usagers de la voirie. Par ailleurs, la défense de l’intérêt public ne saurait conférer un intérêt à agir à M. C…. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a estimé qu’il était dépourvu d’intérêt à agir.

    1. Il résulte de ce qui précède que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ».

En effet, la Cour administrative d’appel a estimé que le maintien de l’exercice de la compétence voirie par l’EPT n’avait d’incidence ni sur les charges et les recettes de la commune, ni sur les usagers de la voirie. Dès lors, le requérant ne pouvait se prévaloir d’un intérêt à agir ni au titre de sa qualité de contribuable, ni en sa qualité d’usager du service public.

L’office du juge des référés en cas d’irrégularité affectant la sélection des candidatures

Lorsqu’il constate qu’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique est entachée d’une irrégularité, le juge des référés précontractuel ne doit pas annuler systématiquement l’intégralité de la procédure mais au contraire limiter, lorsque cela est possible, les effets de sa décision d’annulation aux seules étapes de la procédure affectées par ladite irrégularité.

Tel est le sens de la jurisprudence depuis la décision par laquelle le Conseil d’Etat a jugé, dans le cadre d’une affaire portant sur une procédure d’appel d’offres ouvert, que dès lors que le manquement retenu se rapportait à la seule phase de sélection des offres, il appartenait au juge des référés de n’annuler la procédure qu’à compter de l’examen de ces offres (CE, 23 mars 2012, Caisse des écoles de la Commune de Six-Fours-les-Plages, req. n° 355439).

Il en résulte logiquement que lorsque l’irrégularité retenue par le juge ne porte pas sur la phase d’analyse des offres mais sur celle, antérieure, de la phase de sélection des candidats qui seront admis à présenter une offre, c’est à partir de cette étape que la procédure doit être annulée.

C’est cette hypothèse qu’illustre la décision rendue par le Conseil d’Etat le 31 mars 2023.

Dans cette affaire, la Commune de Bandrélé avait lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable en vue de la passation d’un marché de travaux construction de salles de classe et d’un réfectoire pour une école élémentaire. La Société Pro services a été éliminée dès le stade de la sélection des candidatures, tandis que celles de ses trois concurrentes étaient retenues pour la seconde phase de la procédure d’examen des offres après négociation.

Saisi par la Société Pro services, le Juge des référés du Tribunal administratif de Mayotte a, par une ordonnance en date du 30 septembre 2022, constaté que l’un des trois candidats retenus ne justifiait pas des compétences en matière de restauration collective exigées par le règlement de la consultation ; toutefois, il s’est borné à annuler la procédure de passation à partir de l’examen des offres et à enjoindre à la Commune de reprendre cette procédure à ce stade.

Saisi d’un pourvoi contre cette ordonnance par la Société Pro services, le Conseil d’Etat constate qu’en jugeant ainsi, le Juge des référés a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier. Il annule donc l’ordonnance et, statuant sur le fond, prononce l’annulation de la procédure à compter de l’analyse des candidatures, ainsi que, par voie de conséquence, l’annulation de la décision de rejet de la candidature de la Société Pro services, et enjoint à la Commune de Bandrélé, si elle entend poursuivre la procédure de passation litigieuse, de la reprendre à ce stade.

Prescription acquisitive d’une partie commune en copropriété : sur la nécessité de faire figurer la partie commune cédée aux termes de l’acte de vente pour se prévaloir de la possession de son auteur

La propriété d’un bien immobilier peut s’acquérir de plusieurs manières et notamment par l’écoulement du temps, il s’agit de la prescription acquisitive. Dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un copropriétaire peut acquérir par prescription la propriété d’une partie commune.

Toutefois, il appartient à celui qui entend revendiquer la propriété par usucapion de démontrer que les conditions de l’article 2261 du Code civil sont réunies, c’est-à-dire d’actes de possession utile : paisible, publique, non équivoque, à titre de propriétaire et continue. Celui qui entend revendiquer la propriété d’un bien immobilier peut se prévaloir de la possession utile de son auteur, cependant, encore faut-il que ce bien fasse partie du périmètre de la vente.

En l’espèce, dans un immeuble en copropriété, des acquéreurs ont acheté suivant un acte authentique trois lots de copropriété. La désignation des lots figurant aux termes de l’acte de vente correspondait à celle du règlement de copropriété mais pas à la configuration exacte des lieux, eu égard à la transformation des lots réunis en un seul appartement réalisée par un ancien propriétaire. Dans ces conditions, des copropriétaires ont assigné les acquéreurs aux fins de remise en état et libération forcée des parties communes appropriées.

En défense, les acquéreurs ont entendu se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire pour revendiquer la propriété des parties communes et solliciter la régularisation de la situation. Ils entendaient revendiquer la possession utile du vendeur des lots de copropriété. La Cour d’appel fait droit aux demandes de libération des parties communes des copropriétaires et rejette l’argument tiré de la prescription acquisitive trentenaire. Elle retient que lors de l’acquisition, il apparaissait de manière évidente que l’état des lieux n’était pas conforme aux dispositions du règlement de copropriété, et que les acquéreurs ne justifiaient pas, à titre personnel, d’une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. Les acquéreurs forment un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, constatant que la partie commune appropriée, constituant un couloir, ne figurait pas aux termes de l’acte de vente au titre des parties communes cédées et que les acquéreurs ne justifiaient pas, à titre personnel, d’une possession trentenaire utile pour prescrire.

 

Ainsi, il appartenait aux acquéreurs, pour revendiquer la propriété des parties communes par usucapion et la possession utile des précédents propriétaires, de justifier que la partie commune appropriée avait été cédée et faisait partie du périmètre de la vente.

Augmentation du plafond du droit individuel à la formation des élus

Désormais, chaque élu local peut cumuler au maximum 800 euros dans le cadre du droit individuel à la formation des élus (DIFE), contre 700 euros auparavant.

Pour rappel, les élus locaux acquièrent chaque année un droit individuel à la formation leur permettant de suivre des formations liées à l’exercice de leur mandat ou à la réinsertion professionnelle. Ce droit est cumulable sur la durée du mandat dans la limite d’un plafond dont le montant est fixé par arrêté du Ministre chargé des collectivités territoriales pour une période de trois ans.

En effet, conformément au décret n° 2021-596 du 14 mai 2021 notamment relatif à « la mise en œuvre » et « le calcul » du DIFE, que l’exécutif a pris en application de l’ordonnance du 20 janvier 2021 réformant la formation des élus locaux, il appartient au Ministre chargé des Collectivités territoriales, après avis du conseil national de la formation des élus locaux, de fixer, par arrêté, « le montant maximal des droits susceptibles d’être détenus par chaque élu », dans le cadre du dispositif.

Initialement, un arrêté paru en juillet 2021 « portant diverses mesures applicables au droit individuel à la formation des élus locaux », avait fixé le montant maximal des droits susceptibles d’être détenus par chaque élu local à « 1 500 euros, jusqu’au 31 décembre 2021 ». Le texte prévoyait par ailleurs que le plafond passerait à 700 euros à partir du 1er janvier 2022.

Un arrêté interministériel paru le 29 mars dernier au Journal Officiel vient porter le montant de ce plafond à 800 euros. Autrement dit, dorénavant, chaque élu local peut détenir jusqu’à 800 euros cumulés au titre du droit individuel à la formation.

Cette augmentation du plafond du DIFE à laquelle vient de procéder le Gouvernement semble motivée par les contraintes liées au financement du DIFE, issu de cotisations obligatoires au taux de 1 %, prélevées sur les indemnités de fonction perçues par les élus.

En effet, dans un rapport de janvier 2020, qui a posé les jalons de la réforme de la formation des élus, l’Inspection Générale de l’Administration expliquait qu’à défaut de pouvoir augmenter les cotisations alimentant le fonds du DIFE, « un montant plafond de la dépense annuelle par élu paraît […] indispensable ». Elle poursuivait en indiquant que « ce plafond devrait pouvoir être ajusté en fonction du taux de recours effectivement constaté ».

Cela étant exposé, il importe de préciser que l’arrêté précité ajuste uniquement le montant du plafond, sans pour autant modifier la valeur des droits individuels à la formation acquis chaque année par les élus locaux : celle-ci demeure fixée à 400 euros.

Pour mémoire, depuis le 7 janvier 2022, l’espace en ligne « Mon Compte Élu » permet aux élus locaux de mobiliser leurs droits à formation acquis dans le cadre du DIFE. Ce service gratuit est accessible via la plateforme en ligne « Mon Compte Formation ». Ce service permet de consulter le montant des droits dont dispose l’élu, d’accéder au catalogue de formations proposées et d’acheter une prestation de formation tout en suivant facilement l’évolution du dossier, de la demande d’inscription jusqu’à l’évaluation de la formation.

Pacte de gouvernance : Opposabilité du pacte de gouvernance dans les intercommunalités

Dans une question écrite auprès du Ministre de l’Intérieur et des outre-mer et du Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité en date du 7 juillet 2022, la question de l’opposabilité du pacte de gouvernance a été opposée.

Pour rappel, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie local et à la proximité de l’action publique a prévu la possibilité pour chaque EPCI à fiscalité propre d’adopter un pacte de gouvernance dès le début de la mandature afin de prévoir, notamment, la création de commissions spécialisées associant les maires, la création de conférences territoriales des maires, la possibilité pour les maires de recevoir des délégations de signature afin d’engager certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires ainsi que les conditions dans lesquelles l’EPCI pourrait confier par convention la création ou la gestion de certains équipements ou services… (article L. 5211-11-2 du Code général des collectivités territoriales – CGCT).

Toutefois, si le pacte de gouvernance doit faire l’objet d’un débat et d’une délibération sur son élaboration après chaque renouvellement général des conseils communautaires, fusion d’EPCI ou encore scission d’EPCI en application du nouvel article L. 5211-5-1 A du CGCT, le texte ne comporte aucune obligation d’en instaurer un.

Autrement dit, l’élaboration d’un pacte de gouvernance n’est pas obligatoire.

Dans sa réponse du 16 février 2023, le ministère a, néanmoins, précisé que, selon son contenu et sous réserve de l’appréciation qui sera portée par les juges du fond, le pacte de gouvernance une fois adopté était susceptible de créer des effets de droit pour les élus (Question écrite n° 00526 de M. Éric Kerrouche (Landes – SER), publiée dans le JO Sénat du 7 juillet 2022, page 3199).

***

Il rejoint, ainsi, la position adoptée par le juge administratif s’agissant des actes appartenant à la catégorie du droit souple (par exemple les chartes) qui, selon les cas, peuvent avoir un caractère normatif et, en ce sens, disposer d’une valeur contraignante (par exemple : CE, 23 octobre 1998, n° 153961).

La révocation d’une promesse de vente, conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, et avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter, n’empêche pas la formation du contrat promis

Par son arrêt inédit en date du 15 mars 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement majeur de jurisprudence, en considérant que la Cour d’appel avait violé l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, en considérant que la levée d’option par le bénéficiaire, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volonté réciproques, et ainsi la vente parfaite du bien objet de ladite promesse.

En l’espèce, par protocole cadre en date du 21 juin 2012, la société MG a notamment consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de sa filiale, la société C2G, au profit de la société CTG, cette dernière devant lever l’option dans les six mois de la tenue de l’assemblée générale, approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015.

Le 8 mars 2016, la société MG, notifiait à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale, tandis que la société bénéficiaire levait l’option le 28 juin 2016.

Dans ces conditions, la société GTD assignait dès lors la promettante en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages-intérêts.

En appel, pour débouter la société GTD de ses demandes, les juges du fond ont considéré que sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait « toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir ».

Dans sa motivation pour le moins surprenante, la Cour de cassation rappelle qu’elle jugeait depuis de nombreuses années que « la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente, postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre de volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée ».

Or, par l’ordonnance en date du 10 février 2016, le législateur est intervenu pour modifier la sanction de la rétractation illicite, en prévoyant à l’alinéa 2 de l’article 1124 du Code civil que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis […] ».

Ainsi, nonobstant le fait que l’article 9 du 10 février 2016 prévoit que ses dispositions ne sont applicables qu’aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré qu’il était impératif d’harmoniser sa jurisprudence avec celle de la troisième chambre civile, qui juge que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter , même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire  ».

La Chambre commerciale précisait en outre que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrait de droit acquis à une jurisprudence constante. Il était en effet souligné que conformément à la jurisprudence de la CEDH, l’absence d’une approche dynamique et évolutive de la jurisprudence « serait susceptible d’entraver tout changement ou amélioration ».

Enfin, la Cour de cassation a considéré que les conséquences du revirement de sa jurisprudence pour la société MG n’apparaissait pas disproportionnée, dans la mesure où en l’état de la jurisprudence antérieure, cette dernière aurait dû payer des dommages-intérêts pour réparer le préjudice causé par sa faute.

En conséquence, il y avait lieu d’appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. 

Nouvelle proposition visant à réglementer l’implantation des crématoriums malgré l’absence d’ouverture du ministère sur la perspective d’un tel encadrement

Proposition de loi enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023 visant à réglementer l’implantation des crématoriums et des sites cinéraires

A l’occasion d’une question posée le 13 décembre 2022 au Ministre délégué auprès du Ministre de l’Intérieur, du Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, un député a soulevé une problématique bien connue tenant à l’implantation des crématoriums sur le territoire national sans objectif de cohérence territoriale.

Il interpelle ainsi tout à la fois le Ministre sur le manque de crématoriums sur certains territoires et sur l’implantation inadaptée de certains d’entre eux en bordure de zones résidentielles, pouvant ainsi causer des nuisances, notamment sonores et visuelles.

Ce faisant, il relève une problématique connue de longue date tenant à l’absence d’encadrement réglementaire permettant d’assurer l’adaptation de l’implantation des crématoriums aux besoins de la population et demande au Ministre de prendre des mesures en ce sens.

On rappellera en effet que plusieurs propositions de loi visant à instaurer le principe de schémas régionaux d’implantation de crématoriums ont été déposées en 2013-2014, 2017 et 2022, jusque-là en vain.

Le Ministre rappelle, dans la réponse ici commentée, qu’en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, ce sont à ces dernières ainsi qu’à leur groupements compétents – à qui revient l’initiative de la création des crématoriums conformément à l’article L. 2223-40 du CGCT – qu’il appartient d’apprécier l’opportunité de telles constructions ainsi que de leur implantation.

Dans le même temps, il rappelle utilement l’encadrement juridique entourant la création puis l’exploitation des crématoriums, prévu par les dispositifs suivants :

  • L’autorisation du préfet du Département, délivrée après enquête publique nécessaire à toute création ou extension de crématorium (article L. 2223-40 du CGCT). Enquête publique permettant selon lui de prendre en compte la distance du crématorium aux zones d’habitation, en dépit de l’absence de réglementation sur ce point ;
  • Les prescriptions en matière de hauteur minimale de la cheminée des crématoriums ainsi que les quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère par ces derniers (arrêté du 28 janvier 2010) ;
  • La visite de conformité par un organisme de contrôle tierce partie accrédité imposée par les articles D. 2223-109 et suivants du CGCT.

Au total, le Ministre ne semble donc pas envisager la programmation prochaine de la réglementation sollicitée par le député.

En dépit de cette position, le député à l’origine de la réponse ministérielle commentée a déposé le 21 mars 2023 une nouvelle proposition de loi visant à réglementer l’implantation des crématoriums et des sites cinéraires.

En substance cette proposition de loi prévoit, de même que les précédentes, la création d’un schéma régional des crématoriums, à ceci près qu’elle inclut également les sites cinéraires afin d’en organiser la répartition (article 1). Elle prévoit en outre l’obligation, pour toute création ou extension de crématorium ou de site cinéraire, de respecter une distance de plus de 500 mètres la séparant de toute habitation, établissement éducatif, médical ou social (article 2). Elle intègre aussi la possibilité pour la commune compétente d’organiser un référendum local sur les projets de création ou d’extension de crématorium ou de site cinéraire, cette dernière disposition pouvant toutefois paraître redondante avec l’enquête publique déjà prévue par l’article L. 2223-40 du CGCT.

Les suites de cette proposition de loi mériteront d’être observées.

Le besoin d’organisation territoriale des crématoriums est en effet une nécessité rappelée de manière récurrente et qui s’est encore accrue dans le contexte d’augmentation du recours à la crémation par les familles des défunts et de demandes croissantes formulées, dans ces établissements, d’utilisation de salles de cérémonies.

La sur-concurrence des crématoriums entre eux sur un même territoire géographique est à l’évidence néfaste pour les exploitants comme les collectivités organisatrices de ces équipements mais aussi, et surtout, pour les familles.

Vente : la conformité de l’immeuble vendu s’apprécie au moment de la délivrance du bien

Dans le cadre d’une vente, il ressort des dispositions de l’article 1603 du Code civil que le vendeur a « deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ».

Dans un arrêt en date du 16 mars 2023, la Cour de cassation est venue préciser que la conformité du bien vendu aux spécifications contractuelles s’appréciait au moment de la délivrance du bien. En l’espèce, une SCI a vendu à une autre société une grange à démolir, par acte authentique en date du 31 mars 2008. L’acte de vente faisait état d’un permis de construire deux immeubles sur le terrain, accordé par un arrêté municipal du 29 septembre 2004.

Un certificat du maire de la commune, daté du 3 décembre 2007, attestant de la non-caducité du permis de construire, était annexé à l’acte de vente. Par jugement en date du 29 mai 2012, le Tribunal administratif de Strasbourg, saisi par un voisin, a annulé la décision du maire de la commune ayant refusé de constater la péremption de ce permis de construire. L’acquéreur a alors assigné le vendeur en paiement d’indemnités, au motif qu’il avait manqué à son obligation de délivrance.

En appel, les demandes de l’acquéreur sont rejetées. Cette position est confirmée par la Cour de cassation, qui retient que « la conformité du bien vendu et livré aux spécifications contractuelles s’apprécie au moment de la délivrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriété ».

En l’espèce, il résulte bien de l’acte de vente et des documents qui y sont annexés que le permis de construire n’a, à la date de la vente, fait l’objet d’aucun recours. Il en découle que le vendeur n’a pas manqué à son obligation de délivrance. Peu importe donc l’effet rétroactif de la caducité du permis de construire résultant d’un jugement rendu sur une demande postérieure à la vente.

Le juge des référés se prononce sur la suspension de l’habilitation d’un opérateur funéraire ayant procédé sans autorisation à la dépose d’un monument funéraire

Tout opérateur funéraire doit, pour fournir les prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres (comme gérer des équipements funéraires), être titulaire de l’habilitation prévue à l’article L. 2223-23 du Code Général des Collectivités Territoriales (ci-après CGCT). Et ce, que l’opérateur en question soit une régie (municipale ou intercommunale), une entreprise (y compris une entreprise publique locale) ou une association, et qu’il agisse pour le compte de la collectivité compétente qui organise ce service public ou sur le marché concurrentiel.

Cette habilitation est délivrée sous de strictes conditions[1] par le préfet de Département, lequel peut également la suspendre pour une durée maximale d’un an dans le cas où l’opérateur ne respecterait pas les dispositions du CGCT auxquelles il est soumis, n’exercerait pas les activités au titre desquelles l’habilitation a été délivrée, ou encore porterait atteinte à l’ordre public ou à la salubrité publique (article L. 2223-25 du CGCT).

C’est à ce titre que dans l’affaire dont il est ici question, le Préfet du Calvados a, par un arrêté en date du 22 décembre 2022, suspendu pour une durée de six mois l’habilitation d’une société de marbrerie pour avoir procédé sans autorisation à la dépose de la pierre tombale d’une concession funéraire. Arrêté dont ladite société demandait la suspension par un référé suspension introduit devant le Tribunal administratif de Caen, soutenant notamment qu’une situation d’urgence le justifierait [2] eu égard à l’impact important qu’aurait cet arrêté sur son chiffre d’affaires et sur sa réputation.

Le juge des référés conclut que cette urgence ne peut être considérée comme établie et que, bien au contraire, la société de marbrerie s’est elle-même placée dans la situation d’urgence qu’elle invoque, et ce, au regard de plusieurs éléments :

  • Si la société avait indiqué, lors de son audition réalisée à la suite de la plainte déposée par la titulaire de la concession ainsi que dans son recours gracieux contre l’arrêté litigieux, que la pierre tombale avait été retirée faute de paiement par la famille depuis cinq ans, elle ne justifie pas pour autant avoir engagé de démarche pour obtenir les sommes dues ;
  • La société ne justifie pas d’avantage avoir procédé à la pose d’une bâche pour protéger la sépulture ainsi dépourvue de pierre tombale et ne produit aucun élément permettant de se prononcer sur l’incidence de la suspension d’habilitation sur la situation financière de la société ;
  • Il ressort enfin de la photographie produite aux débats qu’outre la pierre tombale, la stèle a également été retirée de ladite concession.

Le Tribunal rejette ainsi le recours en référé de la société sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par cette dernière tenant au doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté ayant suspendu l’habilitation du marbrier en cause.

S’il conviendra d’attendre le jugement de la requête introduite au fond pour connaître les éléments propres à fonder cette décision de suspension, cette ordonnance est un premier et utile rappel des conditions strictes auxquelles est soumise la détention de l’habilitation permettant de réaliser des prestations funéraires par les opérateurs.

 

[1] Prévues par les articles L. 2223-23 et R. 2223-56 et suivant du CGCT ;

[2] Au sens de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative lequel prévoit qu’un tel référé suspension ne peut être accueilli que lorsque l’urgence justifie la suspension demandée et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à l’égalité de la décision.

Précisions sur le droit de suivi d’un marché de substitution par le cocontractant défaillant de l’administration

En droit, pour surmonter les défaillances de son cocontractant, la personne publique dispose de la possibilité de reprendre les prestations en régie, ou d’en confier l’exécution à un tiers par le biais de la conclusion d’un contrat de substitution et ce, même en l’absence de toute stipulation contractuelle le prévoyant expressément.

Cette prérogative implique toutefois de garantir le « droit de suivi » du marché de substitution dont bénéficie le cocontractant défaillant, les montants des surcoûts supportés par l’administration en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur étant mis à sa charge. Le cocontractant défaillant doit donc être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution, afin de pouvoir veiller à la sauvegarde de ses intérêts.

S’il ne faisait plus de doute que ce droit de suivi implique que le cocontractant reçoive notification du marché de substitution afin de pouvoir vérifier que le nouveau marché à un objet équivalent, le Conseil d’Etat n’avait, jusqu’alors, pas eu l’occasion de se prononcer sur la suffisance de cette communication.

Par une décision rendue le 5 avril dernier (CE, 5 avril 2023, Ministre des armées c/ Société Iveco France, req. n° 463554), le Conseil d’Etat a précisé les obligations pesant sur la personne publique à l’égard de son cocontractant défaillant, en cas de recours à un marché de substitution.

Dans cette affaire, une société qui avait vu le marché dont elle était titulaire être résilié à ses torts et qui avait été informée de l’attribution d’un marché de substitution à un autre opérateur arguait qu’elle n’avait pas été mise à même de suivre l’exécution du marché de substitution en raison de l’absence de communication  des pièces justificatives des sommes versées au titre du marché de substitution (factures, prestations réellement réalisées…), et demandait en conséquence à ce que le surcoût du marché de substitution, d’un montant de plus de 2 millions d’euros, ne soit pas mis à sa charge.

La question était donc de savoir ce que recouvrait précisément le droit de suivi du cocontractant défaillant, et d’identifier les obligations qui pesait sur l’acheteur public.

Alors que la Cour administrative d’appel avait fait droit à la demande de la société défaillante, en considérant qu’en raison de l’absence de communication de pièces justificatives, le cocontractant défaillant n’avait pas été mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution, le Rapporteur public a estimé que :

« Il serait préférable de juger que l’acheteur doit seulement communiquer spontanément à son co-contractant défaillant le marché de substitution et que c’est ensuite à ce dernier, en retour, qu’il revient de solliciter des éléments supplémentaires s’il estime ne pas disposer d’une information suffisamment précise pour veiller à la sauvegarde de ses intérêts ».

Le Conseil d’Etat a suivi son raisonnement et a jugé :

« Si l’administration doit dans tous les cas notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié, elle n’est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie d’une demande en ce sens ».

En conséquence, l’acheteur public devra désormais communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées, uniquement s’il a été saisi d’une demande en ce sens du cocontractant défaillant.

C’est décision est satisfaisante pour les acheteurs publics, puisque retenir la solution proposée par la Cour administrative d’appel serait revenu à faire peser sur eux une obligation de communication spontanée, ce qui aurait considérablement alourdi leurs obligations en la matière.

L’affectation de « l’essentiel » des parcelles expropriées à l’objet de la DUP empêche l’exercice du droit de priorité sur les reliquats

Dans cette affaire, des terrains agricoles ont été expropriés au profit d’un département en vue de réaliser une infrastructure routière déclarée d’utilité publique (DUP).

A la suite de la réalisation des travaux, le département a vendu à une société les reliquats de parcelles finalement non utilisés et non nécessaires à l’infrastructure routière. Ces reliquats concernaient des parcelles expropriées.

Les anciens propriétaires des parcelles expropriées ont assigné le département en indemnisation de leurs préjudices résultant, selon eux, de la méconnaissance de leur droit de priorité lors de la cession de ces reliquats puisque ces dernières ont été vendus à une société tierce sans qu’une proposition préalable de cession ne leur a été faite.

Pour mémoire, l’article L. 424-2, alinéa 1er du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose que :

« Lorsque les immeubles expropriés sont des terrains agricoles au moment de leur expropriation et que ces terrains sont cédés, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel disposent d’une priorité pour leur acquisition ».

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que la mise en œuvre de l’article précité nécessite pour le juge de vérifier si les parties de parcelles dont il est demandé la rétrocession en priorité ont effectivement été affectées ou non au but d’intérêt général défini par la DUP.

Puis, dans l’hypothèse où ces reliquats n’ont pas été affectés à l’objet de la DUP, le juge devra alors vérifier la part de ces parcelles non utilisées sur l’ensemble des parcelles ayant bien reçu une affectation.

Ainsi, le droit de priorité ne trouvera pas à s’appliquer si les portions de parcelles non effectivement affectées à l’objet de la DUP et dont il est demandé prioritairement la rétrocession ne représentent qu’une partie minoritaire de l’ensemble des parcelles expropriées qui ont, elles, bien reçu l’usage prévu par la DUP.

C’est ici bien comprendre que, à supposer même que certaines parcelles n’aient pas été utilisées en conformité avec l’objet pour lequel la DUP a été prise, les expropriés ne disposeront pas pour autant automatiquement d’un droit de priorité sur ces parcelles, puisque le juge vérifiera si « l’essentiel » – terme utilisé ici par la Cour de Cassation – des parcelles expropriées a reçu la destination objet de la DUP pour faire droit à leur demande.

Dans l’affaire en litige, les expropriés n’ont pas reçu proposition de rétrocession des reliquats de leurs anciennes parcelles car l’autorité expropriante les a directement revendu à une société tierce. Toutefois, la juridiction a relevé que ces reliquats rétrocédés à une société tierce ne représentaient que 3,2 % de la surface totale de l’opération d’expropriation.

La Cour a pu en conclure que seule une infime partie de l’ensemble des parcelles expropriées n’avait pas reçu d’affectation conforme à la DUP, de sorte que la Cour a jugé que la condition de non-affectation à l’usage prévu par la DUP, qui s’apprécie à l’échelle globale de l’opération, n’était pas remplie et que les expropriés ne bénéficiaient pas d’un droit de priorité lors de la cession à un tiers des parcelles. Cette dernière cession n’a partant pas pu être remise en cause par les expropriés.

Par ailleurs, la Cour indique que l’absence de reconnaissance de droit de priorité aux expropriés ne les a pas indûment privés d’une plus-value, ni n’a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens au sens de l’article 1 du protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Enfin, l’on relève que la Cour fait ici le parallèle entre le droit de priorité et le droit de rétrocession puisqu’elle indique :

« 5. D’une part, la cour d’appel a relevé, à bon droit, que le droit de priorité prévu par l’article L. 424-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne trouve sa cause qu’en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d’intérêt général défini par la déclaration d’utilité publique et se rattache au droit de rétrocession prévu à l’article L. 421-1 du même code et, comme lui, ne s’applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique si l’essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination ».

Pour rappel, l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation dispose :

« Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique ».

Pour le droit de rétrocession aussi, il est rappelé par les juridictions que « la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la DUP doit s’apprécier au regard de l’ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation de l’opération et non pas au regard de chaque parcelle prise isolément ».

Pour conclure, cette décision récente de la Cour de cassation a pour intérêt de nous rappeler que, en matière de droit de priorité comme de droit de rétrocession, l’appréciation de l’affectation effective des parcelles expropriées dans le cadre d’une DUP doit se faire par la prise en compte de l’ensemble des parcelles, et est toujours très casuistique.

L’aide sociale en EHPAD : la prise en compte des frais de gestion locative des biens immobiliers du résident dans la détermination du montant de l’aide sociale à l’hébergement versée par le département

L’appréciation des ressources d’une personne protégée en perte d’autonomie est cruciale pour déterminer son éligibilité à l’aide sociale lors de son entrée au sein d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Depuis la réforme initiée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, la personne protégée a été replacée au cœur du dispositif de protection juridique des majeurs. Cette loi a en effet rappelé l’importance, s’agissant des majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle, de recueillir leur volonté concernant les questions relatives à leur logement. Ainsi, les biens immobiliers du majeur protégé ne peuvent être mis à disposition ou vendus sans son accord.

L’entrée en EHPAD emporte des conséquences pour le majeur protégé locataire ou propriétaire. La résiliation de son bail ou la vente de son bien n’est pas systématique et doit se faire, le cas échant, dans son intérêt. Or, le fait d’être détenteur d’un patrimoine foncier peut s’avérer être un frein pour l’éligibilité des personnes en perte d’autonomie aux prestations sociales lors de leur entrée en EHPAD, les contraignant, parfois, à vendre leur patrimoine. Bien que la vente du patrimoine ne demeure pas un préalable à l’éligibilité de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), garder son patrimoine peut entrainer des conséquences dans les modalités de calculs de la participation personnelle au prix d’hébergement et du « reste à vivre ».

C’est sur cette question que le Conseil d’Etat est venu, par une décision en date du 1er mars 2023, préciser les modalités d’évaluation des ressources d’une personne âgée bénéficiaire de l’ASH.

Dans cette affaire, une personne âgée placée sous tutelle et propriétaire de son logement avait été prise en charge au sein d’un EHPAD et demandait par ailleurs l’octroi de l’ASH pour financer ses frais d’hébergement. Etant propriétaire d’un logement, celui-ci fut confié par sa tutrice à une agence immobilière en contrepartie d’une rémunération de 7 % du montant des loyers encaissés. Le département, après avoir décidé de prendre en charge au titre de l’aide sociale, les frais d’hébergement de la résidente, a finalement, compte tenu de ces revenus mensuels supplémentaires liés à la location de son logement, revu à la hausse la contribution de la résidente au financement de ses frais d’hébergement. En ce sens, il a décidé que 90 % du montant du loyer – de 391 € mensuel – devrait être prélevé pour financer les frais d’hébergement, les 10 % restant de cette somme étant laissés à la résidente au titre de son « reste à vivre »[1]. La tutrice de la résidente a contesté le fait que les frais d’agence immobilière n’avaient pas été déduits de la contribution aux frais d’hébergement de la résidente. Le Tribunal administratif intervenant en première instance a annulé la décision du président du département en ce que ce dernier aurait dû déduire tant les frais d’agence que la taxe foncière du reste à charge de la résidente au titre de ses frais d’hébergement en EHPAD.

Par sa décision du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat a confirmé sa jurisprudence antérieure[2] relative aux « dépenses exclusives de choix de gestion » des bénéficiaires de l’aide sociale, tout en apportant des précisions relatives à la question des frais de gestion pour le bien immobilier litigieux.

Ainsi, le Conseil d’Etat a rappelé que le département doit, d’abord, tenir compte du montant des ressources de la résidente et, ensuite, appliquer la contribution de la personne âgée de 90 % de ce montant en ayant déduit en amont « les dépenses qui sont mises à la charge de la personne âgée par la loi et qui sont exclusives de tout choix de gestion de sa part », et s’assurer, enfin, que le montant mensuel du reste à vivre du résident n’est pas inférieur au seuil fixé.

Dès lors, confirmant sur ce point le jugement du tribunal administratif, le Conseil d’Etat a considéré que le département se devait, dans l’appréciation des ressources de la résidente, prendre en compte le montant : « net des charges supportées par le propriétaire pour leur perception, à l’exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l’augmentation du patrimoine ». En d’autres termes, le département se devait de déduire les frais d’agence immobilière des revenus nets de la résidente pour tenir compte des revenus effectivement perçus par celle-ci.

Toutefois, le Conseil d’Etat a censuré la décision du tribunal administratif en ce qu’il avait déduit le montant de la taxe foncière de la contribution que devait reverser la personne âgée au titre de ses frais d’hébergement en EHPAD alors que cela ne faisait pas partie des demandes de la tutrice.

A travers cette décision le Conseil d’Etat rappelle donc que les loyers d’une personne entrant en EHPAD et sollicitant l’ASH pour financer son tarif hébergement doivent être pris en compte dans l’appréciation du montant des ressources en déduisant toutefois les frais de gestion immobilières y afférant.

 

 

[1] En ce sens, le CASF prévoit aux articles L. 132-1-3 et R. 231-6 que les ressources des personnes âgées hébergées en établissement sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. Ces personnes devant pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources restantes et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à un certain montant.

[2] En ce sens, Conseil d’Etat, 14 décembre 2007, n°286891. Par cette décision, le Conseil d’Etat a considéré que toutes les dépenses qui sont la conséquence de libres choix de gestion sont à la charge exclusive de la personne âgée, sur son argent de poche, distinguant ainsi ces dépenses exclusives de choix de gestion des dépenses obligatoires devant être déduites des ressources avant le calcul des 90 %.

Actualités de l’Economie Sociale et Solidaire : bilan annuel des dernières décisions et actualités marquantes

L’heure du focus annuel de la Lettre d’actualités juridiques consacré aux dernières actualités de l’ESS est arrivée. Dans la droite ligne de la Lettre d’actualités juridiques numéro #128 parue en janvier 2022, nous avons tenu, tout d’abord, à revenir sur les suites de la loi Séparatisme et de la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain afin d’évoquer les premières décisions rendues dans un contexte particulièrement tendu pour les associations et les fondations. Seront également successivement abordées diverses actualités en lien avec l’ESS :

  • Les actions en concurrence déloyale et parasitisme entre associations avec un retour sur l’arrêt « SPA contre Manif pour Tous » ;
  • Des actualités relatives à la vie des associations (sur les garanties procédurales entourant l’exclusion d’un membre d’une association et sur la responsabilité des dirigeants) ;
  • Des actualités en matière de financement ;
  • Des actualités en matière de protection des données et de conformité au RGPD.

Très engagé aux côtés de tous les acteurs de l’ESS, SEBAN AVOCATS, dont l’ADN est l’intérêt général, accompagne ces derniers dans toutes leurs problématiques de droit privé, public et pénal. Bonne lecture.

L’équipe du pôle ESS : Audrey LEFEVRE, Sara BEN ABDELADHIM, Esther DOULAIN, Donya BURGUET

 

1. Loi Séparatisme, l’heure du bilan : le renforcement croissant du contrôle des associations

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « Séparatisme » a considérablement renforcé le contrôle des associations et des fondations avec l’instauration du contrat d’engagement républicain (« CER ») (1.1) et l’évolution des motifs pouvant justifier la dissolution d’une association (1.2).

1.1. Mise en œuvre du contrat d’engagement républicain

Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi Séparatisme[1], un premier bilan de la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain (« CER ») que doivent signer les associations et les fondations pour bénéficier d’une subvention peut être effectué.

Le contrôle des associations s’en est trouvé considérablement renforcé, tant au niveau de leurs actions que de leurs financements. Au point de susciter des craintes grandissantes parmi les acteurs du monde associatif. Annoncé comme un outil de lutte contre le séparatisme (rappelons que le but du CER tel qu’énoncé dans l’exposé des motifs de la loi était de combler l’insuffisance de l’arsenal juridique « face à l’islamisme radical, face à tous les séparatismes »), il fait l’objet de vives critiques, les acteurs du monde associatif voyant surtout dans ce dispositif un outil permettant aux pouvoirs publics de limiter la liberté d’expression et d’interpellation d’associations et leur capacité à faire vivre le débat, bien au-delà du seul sujet du communautarisme. Le contenu de ce « contrat » (précisé par le décret d’application n° 2021-1947 du 31 décembre 2021) est par ailleurs remis en cause dans sa rédaction sujette à interprétations, et donc source d’une insécurité juridique et financière forte pour les associations et pour leurs partenaires, à commencer par les collectivités[2].

Aux termes de ce « contrat », les associations et les fondations doivent notamment s’engager à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République, et à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Le décret d’application susvisé est par ailleurs venu préciser les sept engagements du CER :

  • le respect des lois de la République ;
  • la liberté de conscience ;
  • la liberté des membres de l’association ;
  • l’égalité et la non-discrimination ;
  • la fraternité et la prévention de la violence ;
  • le respect de la dignité de la personne humaine ;
  • le respect des symboles de la République.

Si l’autorité qui subventionne considère que l’un de ces principes et/ou engagements n’a pas été respecté, elle peut retirer la subvention de l’association ou de la fondation et lui demander le remboursement des sommes déjà versées.

L’article 5 du décret d’application a par ailleurs prévu des dispositions au sujet de la responsabilité des associations et des fondations en cas de non-respect du CER, l’association ou la fondation ayant l’obligation de veiller à ce que ses dirigeants, ses salariés, ses membres et ses bénévoles respectent le CER souscrit. Aux termes de cette loi, l’association ou la fondation est responsable des manquements au CER commis par les différentes catégories de personnes susvisées. Sur cette question de la responsabilité, nous avons déjà eu l’occasion de faire part de nos interrogations quant au régime de responsabilité applicable en cas de non-respect d’un des « engagements » susvisés (Cf. notre brève « L’ESS à l’épreuve du contrat d’engagement républicain : la question de la responsabilité des associations et des fondations » dans la LAJ#128 du 20 janvier 2022).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, plusieurs associations ont déjà été sanctionnées pour non-respect de leur CER par les autorités subventionneuses. Peu de décisions ont en revanche été rendues par les juges pour l’instant.

Le Tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, ord. réf., 4 mars 2022, n° 2200610), suivi du Conseil d’Etat (CE, 10 mars 2022, req. n° 462140) ont été amenés, pour la première fois (et unique fois à notre connaissance) à statuer sur l’interprétation des termes du CER par une autorité subventionneuse au sujet du respect du caractère laïque de la République et du principe d’égalité par l’Association Planning familial de Saône-et-Loire.

Absence de manquement au contrat d’engagement républicain par l’association Planning familial de Saône-et-Loire.

Dans cette affaire, le Planning familial de Saône-et-Loire avait été autorisé par le Maire de la ville de Chalon-sur-Saône à installer un stand sur la place de l’hôtel de ville dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes afin d’informer et sensibiliser le public sur le thème de l’égalité femmes-hommes. Dans ce cadre, la Ville avait mis gratuitement à disposition de l’association du matériel, ce qui constitue une subvention en nature.

L’affiche (ou visuel) établie par l’association et utilisée pour annoncer la manifestation faisait apparaitre six femmes dessinées, dont l’une d’elles portait un voile.

Le Maire de Chalon-sur-Saône a retiré son autorisation au motif que l’association aurait méconnu le CER. Le Maire considérait en effet que « la ville de Chalon-sur-Saône n’a pas vocation, conformément au contrat d’engagement républicain qui régit désormais les relations avec les associations, de donner de quelconques moyens de propager une idéologie contrevenant [aux] principes [républicains] » accusant l’association de prosélytisme et de promouvoir le communautarisme.

Le Planning familial a alors saisi le juge administratif d’un référé-liberté. Le juge, après avoir analysé l’affiche, a suspendu la décision de retrait et ordonné au Maire d’assurer l’exécution de sa décision initiale.

Les juges des référés du Conseil d’Etat, en appel, ont confirmé la décision du Tribunal administratif de Dijon considérant que le Planning familial n’avait pas manqué au CER. Selon les juges, « la seule circonstance que l’une de ces silhouettes, qui n’apparaît pas particulièrement visible parmi les autres, porte un voile, lui-même discret au sein du visuel et ne recouvrant pas le visage, une autre des silhouettes portant un turban africain ou d’autres ne portant pas de couvre-chef, ne saurait à l’évidence, compte tenu de la composition du visuel et de l’objectif d’universalisme qu’elle affiche ainsi clairement, être regardée comme traduisant une quelconque forme de prosélytisme religieux, de promotion, ou même d’approbation du port d’un tel voile ».

Ils ont ainsi considéré que la Ville n’était pas fondée à soutenir que l’association aurait porté une quelconque atteinte au principe de la laïcité et d’égalité de tous devant la loi par l’utilisation de cette affiche, reflétant au contraire selon eux la volonté de l’association de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes indifféremment auprès de l’ensemble des femmes, y compris celles portant le voile et nonobstant donc les convictions que ce port, qui par ailleurs n’est pas prohibé dans l’espace public, peut révéler.

Cette décision a ainsi permis de rappeler que les engagements souscrits au titre du CER ne devaient pas faire obstacle à l’exercice, par les associations et les fondations, de la liberté d’expression et de communication qui leur est garantie par la Constitution.

Cette affaire a exacerbé la crainte exprimée par les acteurs du monde associatif que le CER puisse être détourné de sa finalité première, laissant finalement entre les mains des juges, lorsqu’ils sont saisis (et toutes les associations n’ont pas les moyens de se lancer dans une telle procédure), le rôle fondamental de garantir le respect des libertés fondamentales.

Les juges administratifs vont prochainement devoir se prononcer dans une autre affaire, l’affaire « Alternatiba », dont l’issue est elle aussi très attendue.

L’affaire « Alternatiba » : un cas emblématique de la liberté d’association à l’épreuve du contrat d’engagement républicain

Alternatiba Poitiers est une association qui œuvre pour le climat et la justice sociale, cherchant notamment à sensibiliser le public sur le dérèglement climatique en cours au moyen d’actions citoyennes sur l’ensemble du territoire.

Pour soutenir ses actions, l’association a bénéficié de subventions de la part de la mairie de Poitiers (10.000 €) et de la communauté urbaine du Grand Poitiers (5.000 €) affectées à l’organisation de l’événement « Le Village des alternatives » prévu les 17 et 18 septembre 2022. Au cours de cet événement était prévu un atelier intitulé « formation à la désobéissance civile ».

Le Préfet du département de la Vienne a estimé que cet atelier portait atteinte au CER signé par l’association. Il a alors demandé à la mairie de Poitiers et à la communauté urbaine du Grand Poitiers le retrait des subventions versées.

Refusant de faire droit à la demande du Préfet de la Vienne, la mairie de Poitiers et la communauté urbaine du Grand Poitiers ont renouvelé leur soutien financier à l’association. Le Préfet s’est alors tourné vers la justice administrative.

Par deux déférés préfectoraux en date du 28 octobre 2022, le Préfet de la Vienne a demandé au Tribunal administratif de Poitiers d’annuler les décisions de la commune et de la communauté d’agglomération et de prononcer le retrait de la subvention accordée à l’association Alternatiba Poitiers.

La notion de désobéissance n’apparait pas dans le cadre du CER prévu par la loi Séparatisme et son décret d’application. C’est donc par une interprétation des engagements figurant au sein du CER que le Préfet de la Vienne a pu considérer que la désobéissance civile porterait atteinte aux valeurs et principes de la République.

Si le Tribunal administratif de Poitiers ne s’est pas encore prononcé, sa décision pourrait entraîner des conséquences importantes pour les associations, notamment celle de devoir éventuellement choisir entre subvention et désobéissance civile.

Ces dispositions, qui accroissent le contrôle de l’activité et du financement des associations et fondations par les pouvoirs publics financeurs suscitent de vives inquiétudes dans le monde associatif et plus largement chez tous les acteurs du secteur non lucratif, dans un contexte particulièrement tendu où des associations pourtant historiquement reconnues, telle la Ligue des Droits de l’Homme, voient le maintien de leur subvention menacé (s’agissant de la LDH, du fait de la présence d’observateurs pour documenter le maintien de l’ordre lors des manifestations de Sainte-Soline du 25 mars dernier contre les mégabassines). Cet épisode récent fait écho à une tendance plus générale nécessitant une vigilance accrue afin de veiller au fragile « équilibre entre préservation des libertés associatives et nécessité de régulation et de transparence »[3].

1.2. Les cas de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait

La loi Séparatisme a modifié les motifs pouvant justifier la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait prévus à l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure.

Le Gouvernement peut désormais dissoudre une association ou un groupement de fait en cas d’incitation « […] à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens » (1°). Cette rédaction est plus large que la rédaction antérieure du 1° qui prévoyait qu’une association ou un groupement de fait est dissout s’ils « provoquent à des manifestations armées dans la rue ».

Ce sont ces dispositions dont se saisira sans doute le conseil des ministres pour concrétiser l’annonce de la décision du Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au sujet de la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre, dans le cadre des manifestations de Sainte-Soline du 25 mars dernier. Cette décision, qui doit faire l’objet d’un décret en conseil des ministres, était attendue le 12 avril (à l’heure où nous publions cet article nous n’avons eu information de l’adoption de ce décret) ou mercredi prochain (le 19 avril).

Par une ordonnance en date du 16 mai 2022[4], le Conseil d’Etat a été amené à préciser la portée de ces nouvelles dispositions sur le fondement desquelles le groupement d’extrême gauche lyonnais « Groupe Antifasciste Lyon et Environs » a été dissout par un décret du Ministre de l’Intérieur. Des appels à la violence ainsi que des débordements lors de manifestations lui étaient reprochés.

Le Conseil d’Etat a suspendu la dissolution de ce groupement, considérant que « les éléments retenus contre le groupement, pris tant isolément que dans leur ensemble, ne justifient pas sa dissolution au regard du code de la sécurité intérieure ». Les juges ont estimé qu’il n’était pas « démontré que les actions violentes » commises lors de manifestations « soient liées aux activités » du groupe. Ils ont par ailleurs observé « que les publications du groupement sur ses réseaux sociaux ne peuvent être regardées à elles seules comme une légitimation du recours à la violence » et en a déduit qu’il ne pouvait être, s’agissant de ce groupement de fait, considéré « que le groupement ait appelé à commettre des actions violentes » (Cf. à ce sujet notre brève « Associations et Loi Séparatisme : suspension de la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs » dans la LAJ# 133 de juin 2022).

La loi Séparatisme a également modifié le motif visé au 3° de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure relatif aux atteintes à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement avec des dispositions qui désormais ne concernent pas uniquement l’objet de l’association ou du groupement de fait mais également son action.

A noter que la loi permet par ailleurs la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait lorsque ses membres « provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée » (6° de l’article susvisé).

C’est ainsi qu’un décret pris le 1er février 2023[5] est venu illustrer un nouveau cas de dissolution d’association au visa de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, plus précisément des nouveaux 1° et 6° dudit article ainsi que de son 7° relatif aux agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Il s’agissait d’une association qui relayait des messages antirépublicains et radicaux invitant à la révolte et qui propageait une idéologie antisémite et homophobe mais également des discours d’apologie du terrorisme. Le décret s’est fondé sur l’ensemble des publications internet de l’association et a procédé à une analyse de chacune de ses déclarations pour considérer qu’il y avait lieu de prononcer sa dissolution.

 

2. Concurrence déloyale et parasitisme entre associations : retour sur l’arrêt « SPA contre Manif pour Tous »

Cass. Com., 16 février 2022, n°20-13.542 :

Les associations sont de plus en plus confrontées au droit de la concurrence déloyale, généralement définie comme un abus des pratiques commerciales d’un opérateur économique envers ses concurrents, contraire aux usages loyaux du commerce.

Dans la majorité des cas, le litige oppose l’association à une société commerciale, en tant qu’auteur ou victime de la concurrence déloyale. Mais il se peut parfois que la situation de concurrence déloyale ou de parasitisme oppose deux associations entre elles[6].

En 2022, la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur de telles pratiques, alors même que les deux associations en cause ne poursuivaient aucune finalité économique et défendaient des intérêts différents.

Dans cet arrêt en date du 16 février 2022, la Cour de cassation a rappelé que « l’action en parasitisme, fondée sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties, dès lors que l’auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ».

L’affaire opposait l’association Société protectrice des animaux (SPA), association reconnue d’utilité publique dont l’objet social est la protection des animaux, à l’association La Manif pour tous (LMPT) qui a pour objet la coordination d’actions de promotion du mariage homme-femme, de la famille, de la parenté et de l’adoption, et à une fondation agissant au profit des personnes atteintes de maladies génétiques.

La SPA était à l’origine d’une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l’abattage, de l’expérimentation animale et de la corrida. L’association LMPT avait diffusé sur son site internet des « visuels » reprenant les codes et certains éléments de cette campagne, pour dénoncer la procréation médicalement assistée (PMA) sans père et la gestation pour autrui (GPA). La fondation avait également repris des éléments de cette campagne nationale sur son site internet, pour dénoncer l’avortement « tardif » et l’euthanasie.

Considérant que ces faits étaient constitutifs de parasitisme, qui est l’une des formes de la concurrence déloyale avec le dénigrement et la désorganisation, la SPA avait assigné les deux autres sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil, aux fins d’indemnisation du préjudice en résultant. Après une condamnation en première instance et en appel, l’association LMPT et la fondation ont formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a d’abord constaté que la SPA « dont la notoriété est établie auprès du public français qui la place en troisième position des associations caritatives les plus connues », avait justifié d’investissements publicitaires pour une opération de communication dénonçant la maltraitance animale, qui a été relayée dans les médias nationaux, tandis que l’association LMPT et la fondation avaient détourné ces affiches sur leurs sites internet respectifs, pour traiter des causes qui leurs sont propres, quelques jours seulement après le lancement de la campagne nationale de la SPA.

La Cour a considéré que ces détournements caractérisaient des actes de parasitisme, peu important que les campagnes menées par chacune des associations poursuivaient des finalités politiques et militantes différentes – protection des animaux pour l’une, opposition à la PMA et à la GPA pour l’autre.

L’arrêt relève par ailleurs que le détournement des affiches, par lequel « l’association LMPT affirmait que ce qui touche la personne humaine est plus grave et plus important que la maltraitance animale », faisait perdre en clarté et en efficacité la campagne de la SPA, « qui a été en partie brouillée en ce qu’elle s’est trouvée associée à des organisations et à des causes qui lui sont étrangères voire antagonistes, et qu’elle a été aussi affaiblie en ce que sa cause est présentée comme moins importante ».

La Cour de cassation a ainsi donné raison à la SPA, en considérant que se rend coupable de concurrence déloyale quiconque « se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ». La Cour en profite pour rappeler ici que l’action en parasitisme « peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique où l’activité des parties », incluant ainsi les organismes à but non lucratif telles que les associations ou les fondations.

Cet arrêt illustre bien le fait que les juges français apprécient la concurrence déloyale et le parasitisme indépendamment de toute finalité économique ou de toute situation de concurrence entre les parties, la poursuite d’une activité politique ou militante nécessitant aussi des investissements économiques, ce que nous relevions déjà dans une précédente brève.

Les associations devront donc être particulièrement vigilantes à ne pas se retrouver dans une situation où elles profiteraient indûment des efforts, du savoir-faire, de la notoriété ou des investissements d’une autre association, quand bien même leurs objets et leurs finalités respectives seraient radicalement différentes.

 

3. Vie des associations

3.1. Garanties procédurales entourant l’exclusion d’un membre d’une association

Cass. Civ., 3e, 11 janvier 2023, n° 21-17.355

La Cour de cassation a très récemment, dans un arrêt rendu le 11 janvier 2023, rappelé que les procédures d’exclusion au sein d’associations ne sont pas exemptes de toutes garanties. En effet, tant le principe du contradictoire que le principe d’impartialité trouve à s’appliquer.

En revanche, il est, dans cette affaire, fait une application très modérée du principe d’impartialité puisque les juges ont retenu que « ne caractérise pas un manquement à l’exigence d’impartialité le seul fait, pour les membres de la formation disciplinaire d’une association, de s’être préalablement prononcés sur le bien-fondé des grief reprochés à l’adhérent poursuivi en décidant à son encontre une mesure de suspension provisoire pour ces mêmes griefs ». En effet, on sait que dans le cadre d’une procédure judiciaire, la simple apparence d’une potentielle partialité suffirait à vicier la procédure. A l’inverse, dans le cadre d’une procédure disciplinaire associative, le fait que la même personne se prononce sur une mesure provisoire puis sur une mesure d’exclusion pour les mêmes griefs ne suffit pas à entacher la procédure.

Il est intéressant de noter que la nature essentiellement contractuelle de l’association ne permettrait pas, par le truchement de stipulations statutaires, de déroger à ces garanties procédurales.

3.2. Responsabilité des dirigeants associatifs

CA Nancy, 1ère, 21 novembre 2022, n° 22/00537

Sur le volet de la responsabilité des dirigeants associatifs, on notera cette sanction anecdotique d’un trésorier démissionnaire récalcitrant, condamné à restituer l’ensemble des éléments de comptabilité de l’association conservés en sa possession, et ce sous une astreinte symbolique de 50 euros par jour de retard.

 

4. Financements

4.1. Financements publics

Règl. (UE) 2021/1057 du 24 juin 2021 instituant le Fonds social européen plus (FSE+) et abrogeant le règlement (UE) n° 1296/2013

Nous n’avions pas fait mention, dans notre précédente LAJ consacrée à l’ESS, de ce dispositif de financement européen. Nous rattrapons cet oubli, ce dispositif représentant une réelle opportunité pour les l’ensemble des structures de l’ESS.

Les entreprises de l’ESS étant fondées sur le principe de la recherche d’une utilité sociale et d’une solidarité, celles-ci se trouvent tout à fait alignées avec les priorités de la programmation 2021-2027 du Fonds social européen plus (FSE+), qui intègre en un seul instrument l’ancien Fonds social européen, l’Initiative pour l’emploi des jeunes, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Programme de l’UE pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI).

Ainsi, le programme national FSE+ piloté par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) soutenu par les régions et l’Etat constituera un appui essentiel aux structures de l’ESS tant au niveau régional que national (grâce à la complémentarité de l’action des régions et de l’Etat).

De plus, et bien entendu, le FSE+ a vocation à soutenir les porteurs de projets sur l’ensemble des thématiques intéressant l’ESS (inclusion professionnelle et sociale, insertion des jeunes, renforcement des compétences, aide matérielle, etc.).

4.2. Mécénat et secret des affaires

Publication du Baromètre du mécénat d’entreprise en France, Admical, 2022

CADA, avis n° 20216119, 16 déc. 2021

TA Paris, 22 avr. 2022, n° 2019033/6-1

Depuis 2010, les chiffres du mécénat d’entreprise ne cessent de monter, passant de 984 millions € en 2010 à 2 298 millions €. Parallèlement, le nombre d’entreprises a été multiplié par 3,8 depuis 2010.

On comprend de ces chiffres, publiés par l’Admical, que la stratégie de mécénat des entreprises entre désormais de plus en plus dans la stratégie globale de développement des entreprises.

Pour autant, tant la CADA que le juge administratif ont estimé récemment que les conventions de mécénat ne sont pas qualifiables de secret des affaires et constituent en conséquence des documents administratifs communicables au sens des articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

En effet, les documents détenus par les personnes soumises à l’obligation de communication des documents administratifs ont la possibilité de refuser cette communication s’agissant des documents revêtant des informations révélant des secrets d’affaires.

En l’espèce, dans l’affaire portée devant le Tribunal administratif de Paris, la fondation de coopération scientifique Paris Sciences et Lettres avait été confrontée à cette question face à une demande de communication d’une convention de mécénat conclue avec la société Foncia Groupe. Estimant que la convention comme relevant du secret des affaires, elle l’avait communiquée en occultant les informations relatives au montant total du don de Foncia Groupe et à sa répartition annuelle entre 2019 et 2023.

Les juges ont censuré cette décision, considérant que de telles informations ne pouvaient relever du régime du secret des affaires, en raison de l’absence de toute valeur commerciale, condition de qualification du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce.

La CADA n’avait pas dit autre chose, en 2021, lorsqu’elle a relevé que « si les opérations de mécénat peuvent constituer, pour le mécène, un élément de communication et contribuer à sa stratégie de notoriété, elles consistent en premier lieu à faire un don, en numéraire ou en nature, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. Régies par une ʺintention libéraleʺ, elles ne revêtent donc pas le caractère d’une opération commerciale et ne peuvent être regardées comme participant d’une telle stratégie. La commission note également que le montant des dons opérés ne relève pas du secret des informations économiques et financières, lequel couvre les renseignements relatifs à la situation économique d’une société, à sa santé financière et à l’état de son crédit, ce qui inclut l’ensemble des informations de nature à révéler le niveau d’activité ».

Ces deux décisions sont ainsi l’occasion pour la CADA et le juge administratif de rappeler que le mécénat est et doit rester un soutien apporté à une œuvre ou un organisme d’intérêt général, sans contrepartie, ce qui l’exclut de facto de la stratégie commerciale des entreprises.

4.3. Levée de fonds citoyenne

Afin d’illustrer ce moyen de financement, nous évoquerons ici l’initiative lancée par le réseau de coopératives Les Licoornes.

Ce réseau rassemble 9 SCIC qui se sont rassemblées en 2021 afin de renforcer la coopération entre ces acteurs majeurs de l’Economie Sociale et Solidaire pour la transition vers un modèle économique alternatif. Cette alliance a pris la forme d’une association nommée « Les Licoornes », en opposition aux « licornes », ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars et symboles d’un capitalisme à la forte croissance économique.

Les Licoornes se proposent ainsi en tant qu’alternative avec l’objectif commun de construire un nouveau modèle économique, en proposant des solutions soutenables, durables, démocratiques et ouvertes. Les 9 SCIC membres des Licoornes sont :

  • La Nef, une banque pour financer exclusivement des projets ayant une utilité sociale, écologique et/ou culturelle ;
  • Enercoop, un fournisseur d’électricité verte, locale et citoyenne avec une logique de circuit-court ;
  • Mobicoop, une plateforme de covoiturage pour une mobilité partagée, plus solidaire et écologique ;
  • Label Emmaus, un site d’e-commerce exclusivement alimenté par les acteurs du Mouvement Emmaüs et ses partenaires de l’économie sociale et solidaire ;
  • Railcoop, un opérateur ferroviaire de passagers et de marchandises ;
  • Telecoop, un opérateur télécom engagé dans la transition écologique et solidaire ;
  • Coopcircuits, une plateforme pour vendre et acheter en circuit court des produits locaux, artisanaux, direct producteur, biologiques, éthiques ;
  • Commown, un fournisseur d’appareils électroniques éco-conçus, et de services pour lutter contre l’obsolescence programmée ;
  • Citiz, un réseau d’autopartage de véhicules.

Ce rapprochement a notamment vocation à donner de la visibilité à ces 9 SCIC, et à populariser le principe de la coopérative.

En juin 2022, les Licoornes ont lancé une levée de fonds citoyenne en proposant de souscrire à des parts sociales pour devenir sociétaire de leurs coopérative, ces parts sociales étant non cotées en bourse. Contrairement au modèle traditionnel de l’actionnariat, la coopérative permet à chaque personne de d’obtenir une voix dans la prise de décision en assemblée générale selon le principe « une personne, une voix ». Au total, plus de 460.000 euros ont été collectés, ventilés entre les neuf SCIC[7].

En se développant grâce à ces nouveaux sociétaires, les Licoornes incarnent la possibilité d’une autre économie entend proposer un modèle de société écologique, solidaire et démocratique.

Alors que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)[8] ont vu, de manière spectaculaire, leur nombre doubler ces 5 dernières années, nul doute que cette initiative pourra inspirer d’autres acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire à développer des projets similaires qui permettent aux citoyens de contribuer directement à la transition vers un modèle économique plus vertueux.

 

5. RGPD : la CNIL a publié un référentiel les modalités de transfert de fichiers de donateurs entre associations ou fondations

La CNIL a précisé, en juin 2022, les modalités de transmission de fichiers de donateurs ou de contacts entre associations et fondations. Nous vous en parlions dans notre Lettre d’Actualités juridiques #135 d’août 2022.

Cette publication rejoint le guide déjà publié en novembre 2021 par la CNIL à destination des associations et qui était l’occasion de rappeler que les associations, comme toute entreprise, sont soumises aux dispositions obligatoires du RGPD, quelles que soient leur activité.

Outre ces guides généralistes, on notera la publication de référentiels sectoriels, qui peuvent également concerner les associations, et tout particulièrement les référentiels pour la prise en charge médico-sociale des personnes âgées, en situation de handicap ou en difficulté (publié le 24 mars 2021) et pour la protection de l’enfance et des majeurs de moins de 21 ans (publié le 17 février 2022).

 

[1] La Loi Séparatisme est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

[2] Voir en ce sens le Communiqué de presse du Mouvement associatif du 23 janvier 2023 https://lemouvementassociatif.org/wp-content/uploads/2023/01/LMA_CP_23012023_pointpresse_1anCER.pdf

[3] « De la liberté au contrôle », Madame Frédérique Pfrunder, Déléguée générale du Mouvement associatif, Jurisassociations 2022, n°667, page 16

[4] CE, 16 mai 2022, req n° 462954

[5] Décret du 1er février 2023, JO du 2, texte 10

[6] Voir par exemple : CA Paris, 30 mars 2018, n° 17/07421. Dans cet arrêt (qui mettait déjà en cause la SPA), la Cour d’appel de Paris avait condamné pour concurrence déloyale et parasitisme l’association Défense de l’animal qui avait repris de manière systématique le sigle « SPA de France », entretenant une confusion dans l’esprit du public avec l’association Société Protectrice des Animaux (SPA).

[7]Source :https://fr.lita.co/fr/partenaires/licoornes?utm_source=licoornes&utm_medium=entrepreneurship&utm_campaign=20220404_licoornes_entrepreneurship_fundraising-2022-q2

[8] Ces organisations hybrides ont pour but d’organiser la coopération entre des acteurs privés et publics aux registres d’action souvent différents (salariés, clients, fournisseurs, collectivités, entreprises privées, associations…), autour d’un projet commun alliant efficacité économique, gouvernance démocratique, développement local et utilité sociale.

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