Urbanisme, aménagement et foncier
le 25/05/2023

Focus sur la procédure d’abattage des arbres d’alignement à l’occasion de la parution du décret n° 2023-384 du 19 mai 2023

Décret n° 2023-384 du 19 mai 2023 relatif au régime de protection des allées d'arbres et alignements d'arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique

Le patrimoine arboré que constituent les arbres d’alignement le long des voies de circulation joue un rôle majeur en matière de régulation climatique, de réduction du carbone, de prévention des risques d’inondation, etc.

En vue d’instaurer une protection de ce patrimoine, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a consacré à l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, un principe de protection des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication.

Est à cet égard interdit l’abattage d’un ou de plusieurs arbres composant ces allées ou alignements, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures. Cet article autorise également l’autorité compétente à y déroger dans le cadre de projets d’aménagements. Il instaure la nécessité d’une compensation en nature et financière en cas de coupe, même autorisée.

La publication très récente du décret n° 2023-384 en date du 19 mai 2023 relatif au régime de protection des allées d’arbres et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, est l’occasion de faire un point sur les procédures préalables à l’abattage des arbres longeant les voies publiques, et sur les précisions supplémentaires apportées par le décret du 19 mai dernier.

A cet égard, il faut constater que la question de l’abattage des arbres d’alignement est souvent sous-estimée par les porteurs de projet qui n’ont pas toujours en tête l’obligation d’obtenir une telle autorisation et de soumettre une telle déclaration. Le décret est l’occasion de faire un point sur cette procédure qui a connu de notables modifications ces deux dernières années.

1/ La question de la personne compétente pour autoriser l’abattage des arbres d’alignement

Au regard de la rédaction de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, qui visait jusqu’à récemment « l’autorité administrative compétente » se posait la question de la personne compétente pour délivrer une telle autorisation d’abattage d’arbres.

Interrogé sur la mise en œuvre de ces dispositions, le Conseil d’État a opté dans un avis de 2021 (CE, avis, 21 juin 2021, n° 446662) pour l’intégration, au sein de la formalité d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou déclaration préalable) de la dérogation requise : le permis de construire qui autorise un projet de construction impliquant l’atteinte ou l’abattage d’un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d’une voie de communication vaut octroi de la dérogation prévue par le Code de l’environnement :

« Lorsqu’un permis de construire ou d’aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet de construction impliquant l’atteinte ou l’abattage d’un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d’une voie de communication, il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement que l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement. Il appartient à l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme ou statuer sur la déclaration préalable de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la nécessité de l’abattage ou de l’atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l’existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage ».

Partant, il ressort de cet avis que, lorsque le projet de construire qui implique l’abattage d’arbres, nécessite une autorisation d’urbanisme, celle-ci vaut autorisation d’abattage d’arbre, et est donc accordé par l’autorité qui délivre le permis ou la déclaration, à savoir le plus souvent le maire.

Mais en l’absence de précision, se posait la question de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage en l’absence d’autorisation d’urbanisme.

A défaut de décret d’application de cet article L. 350-3, la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la Nature a précisé que l’autorité administrative compétente pour accorder la dérogation était le gestionnaire de la voie de communication concernée (DGALN, Fiche technique « la protection des allées et alignements d’arbres », nov. 2017[1]).

Ainsi, après l’avis du Conseil d’Etat du 21 juin 2021, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage pouvait être :

  • Soit l’autorité qui délivre les autorisations d’urbanisme, le plus souvent le maire, lorsqu’une telle autorisation était nécessaire et délivrée ;
  • Soit l’autorité gestionnaire de la voie longée par les arbres à abattre lorsque les travaux entrepris ne nécessitent pas d’autorisation d’urbanisme.

Or, cet ordre établi n’est pas resté en place plus d’un an.

En effet, la loi du 22 février 2022 n° 2022-217 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, est venue réécrire les dispositions de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, emportant notamment des implications quant à la personne compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage d’arbre.

En effet, s’agissant de la personne compétente pour délivrer l’autorisation, il convient de relever que, dans sa version antérieure à la loi 3DS, l’article L. 350-3 du Code de l’environnement prévoyait que :

« Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction ».

C’est sur la base de ces dispositions que le Conseil d’Etat avait réparti entre l’autorité instructrice de l’autorisation d’urbanisme, et le gestionnaire de la voie, la compétence pour délivrer ces autorisations.

Or, le nouvel article L. 350-3 n’est plus rédigé comme cela. Désormais il prévoit que :

« Par ailleurs, le représentant de l’Etat dans le département peut autoriser lesdites opérations lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements. Le représentant de l’Etat dans le département informe sans délai le maire de la commune où se situe l’alignement d’arbres concerné du dépôt d’une demande d’autorisation. Il l’informe également sans délai de ses conclusions ».

Ainsi, une autorité est désormais clairement désignée : le préfet de département. La loi 3DS n’a donc pas souhaité reprendre la répartition dessinée par le Conseil d’Etat et a clairement tranché en faveur du préfet de département, qui est compétent pour délivrer toutes les autorisations d’abattage d’arbre sollicitées à compte du 1er avril 2022, qu’elles prennent ou non part à une opération nécessitant l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.

Désormais, les règles sont les suivantes :

  • Si l’abattage d’arbre est rendu nécessaire par un motif sanitaire ou de sécurité, la personne qui souhaite procéder à des abattages doit déposer une déclaration auprès du préfet de département ;
  • Si l’abattage d’arbre est rendu nécessaire pour une opération de construction, d’aménagement, alors le préfet de département devra cette fois-ci délivrer une autorisation.

La volonté de clarifier et harmoniser l’autorité compétente ressort des travaux parlementaires de la loi 3DS :

« La version actuelle de l’article cet 350-3 souffre d’un certain nombre d’imprécisions qui ont pu générer des contentieux. L’article 62 vise à clarifier la question de la personne en charge de délivrer les autorisations et définit une procédure bien plus précise. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. […]

L’ambiguïté porte sur qui prend la décision. La notion d’autorité compétente n’est pas connue : ce peut être le préfet, le conseil départemental ou la commune, comme nous le savons par expérience ».

Ce faisant, le rapport sur cet article précise que :

« L’article 62 modifie l’article L. 3503 du Code de l’environnement qui définit le régime des alignements d’arbres. Il tend d’une part à préciser que la protection des alignements d’arbres est assurée sur toutes les voies ouvertes à la circulation publique, à l’exclusion des voies privées, et d’autre part désigne le préfet de département comme autorité responsable pour délivrer une autorisation ou être le récepteur d’une déclaration préalable permettant de porter atteinte à un alignement d’arbres. Un régime spécifique est prévu en cas de danger imminent. […]

L’article 62 indique qu’il revient non plus à ʺ l’autorité administrative compétente ʺ mais au préfet de département d’accorder une autorisation de porter atteinte à un alignement d’arbres, tant pour des motifs tenant à l’état sanitaire d’un ou plusieurs arbres ou aux dangers que ces derniers peuvent causer aux biens ou personnes, que pour les besoins d’opérations de travaux et d’aménagements ou lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée ».

2/ La possibilité d’inclure l’autorisation de porter atteinte aux allées et alignements d’arbres à l’autorisation environnementale

Lorsque le projet qui implique l’abattage des arbres, implique également la délivrance d’une autorisation environnementale, alors la première sera sollicitée dans le cadre de la seconde.

En effet, la loi 3DS a modifié l’article L. 181-2 du Code de l’environnement pour inscrire parmi les autorisations qui doivent être intégrées dans l’autorisation environnementale, l’autorisation d’abattre les arbres d’alignement.

Il faut noter que lorsque l’opération de travaux requiert bien une autorisation environnementale, le fait d’inclure l’autorisation d’abattage d’arbres d’alignement n’est pas une option mais bien une obligation.

3/ Les précisions apportées par le décret du 19 mai 2023

  • Le décret précise les pièces à joindre au dossier d’autorisation, ou de déclaration. Il précise en outre les modalités de dépôt et d’instruction de ces demandes et déclarations.

S’agissant de la déclaration par exemple, le décret précise que le préfet de département dispose d’un mois pour s’opposer à ces abattages. Et le pétitionnaire ne peut donc pas commencer les opérations d’abattage avant l’écoulement d’un délai d’un mois à compter du dépôt de la déclaration complète et en l’absence d’opposition.

Pour les autorisations, ce délai est porté à deux mois à compter de la réception d’une demande complète. Si le préfet ne répond pas, le pétitionnaire dispose alors d’une autorisation tacite après l’écoulement de ce délai de deux mois.

  • Le décret apporte également quelques précisions de pièces lorsque l’autorisation est intégrée à la procédure d’autorisation environnementale prévue par les articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement.
  • Mais surtout, le décret précise les sanctions de l’abattage d’arbres d’alignement sans la déclaration ou bien l’autorisation requise (R. 350-31-I Code de l’environnement).

Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d’abattre, de porter atteinte à un arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée d’arbres ou d’un alignement d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique sans déclaration ou sans autorisation. Les mêmes sanctions sont encourues en cas d’absence de mise en œuvre des mesures de compensation.

4/ La question de l’articulation entre l’autorisation au titre du Code de l’environnement et l’éventuelle autorisation au titre du Code de l’urbanisme préalable à l’abattage d’arbre d’alignement

Dans certaines situations, une autorisation et/ou déclaration peuvent être requises en application du Code de l’environnement, mais également au titre du Code de l’urbanisme.

En effet, il est constant que les plans locaux d’urbanisme prévoient de plus en plus régulièrement une protection particulière des arbres d’alignement. Souvent au titre de l’article L. 151-23 du Code de l’urbanisme.

Or, l’article R. 421-23 du Code de l’urbanisme prévoit que :

« Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : […]

1.h) Les travaux ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu a identifié, en application de l’article 151-19 ou de l’article L. 151-23, comme présentant un intérêt d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique  ».

Ainsi, dans cette hypothèse, l’abattage des arbres doit être précédé également d’une déclaration préalable déposée auprès du maire, et non plus du préfet.

Le constat de la nécessité d’obtenir une autorisation ou une déclaration préalable d’abattage d’arbre auprès du préfet, mais également de celui de l’obtention d’une déclaration préalable auprès du maire conduisent nécessairement à s’interroger sur l’articulation entre ces différentes procédures : dans quel ordre les solliciter ? Si la DP Code de l’urbanisme est obtenue, pourra-t-il tout de même être mis en œuvre dans l’attente de l’autorisation du préfet de département ?

Il existe une difficulté pour répondre à cette question. On pouvait espérer que le décret du 19 mai dernier précise cette articulation, mais ce n’est pas le cas.

En l’état du droit, et même si cela peut paraître redondant, l’abattage de ces arbres est soumis à deux procédures préalables distinctes, une au titre du Code de l’urbanisme, et l’autre au titre du Code de l’environnement, qui devront toutes deux être obtenues avant de procéder effectivement au retrait de ces arbres d’alignement.

Emmanuelle Baron

 

[1] http://www.arbres-caue77.org/medias/files/201711-fic-fichetechniquedgaln-alignementsarbres-artl350-3ce.pdf