Fonction publique
le 25/05/2023

Des faits commis avant l’entrée en service peuvent faire l’objet d’une révocation s’ils révèlent une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique

CE, 3 mai 2023, n° 438248

Par un arrêt en date du 3 mai 2023, qui paraîtra au recueil Lebon, le Conseil d’État a redéfini les conséquences que l’administration peut donner aux faits commis, par les fonctionnaires, en dehors de leurs fonctions.

Jusqu’alors, la jurisprudence était clairsemée. On savait que des faits commis en dehors du service pouvaient être sanctionnés disciplinairement (CE, 27 juillet 2006, n° 288911). On savait également que la mention d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire n’autorisait pas l’administration à prononcer une radiation des cadres pure et simple, mais lui imposait d’infliger, à l’issue d’une procédure disciplinaire, une révocation prononcée en considération de l’incompatibilité des faits commis avec les fonctions de l’agent, ou l’exercice d’une fonction publique d’une façon générale (CE, 5 décembre 2016, n° 380763).

Mais cette jurisprudence restait encore floue sur de nombreux points, et notamment sur ce qui pouvait être sanctionné, comment et dans quelle proportion, et quelles étaient les conséquences à donner à l’existence de condamnations pénales, leur inscription au casier judiciaire, ou à l’inverse au fait que leur mention en ait été retirée.

Toutes ces questions se posaient en l’espèce, dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 3 mai 2023 : les faits avaient été pénalement condamnés, mais avaient été commis avant l’entrée dans la fonction publique de l’agent, et la condamnation avait été retirée du bulletin n° 2 du casier judiciaire, de sorte que le lien entre le service et les faits commis était particulièrement ténu.

Le Conseil d’État apporte une réponse complète sur la question, y compris au-delà du seul cas des condamnations pénales : des faits, commis antérieurement à la nomination d’une fonctionnaire, mais portés ultérieurement à la connaissance de l’administration peuvent faire l’objet d’une révocation s’ils révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans le service.

Selon le Conseil d’État, l’administration ne peut en revanche se borner à constater l’existence d’une condamnation pénale pour déclarer une incompatibilité et prononcer une révocation : elle doit examiner si les faits sont effectivement incompatibles avec les fonctions de l’agent. Cette incompatibilité doit être appréciée en fonction de la nature des faits, leur gravité, et surtout leur ancienneté.  Elle ne justifiera de révocation que s’il en résulte qu’ils « affectent le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation ».

En définitive, cette jurisprudence simplifie la question : l’administration ne doit pas se poser la question du caractère pénalement répréhensible des faits, de leur inscription formelle sur le casier judiciaire, ni même de leur antériorité à l’entrée dans la fonction publique. Elle doit s’en tenir aux faits eux-mêmes : révèlent-ils, ou non, compte tenu de leur nature et de leur conséquence, une incompatibilité avec les fonctions de l’agent ? Pour le savoir, l’administration devra examiner tous les aspects qui peuvent révéler une telle incompatibilité. Cette incompatibilité pourra résulter de ce qu’elle dit de l’agent lui-même sur sa probité, sur sa capacité à exercer ses fonctions, mais également des conséquences que la condamnation entraine pour le service, y compris quant à l’image qu’elle impute à l’administration qui l’emploie, sous réserve que leur ancienneté n’ait pas pour conséquence de retirer, aux faits considérés, la signification qu’ils peuvent avoir sur l’agent et son service.