Concours de maîtrise d’œuvre : l’acheteur n’est pas lié par l’avis du jury

Dans quelle mesure un acheteur peut-il, à l’issue d’un concours de maîtrise d’œuvre, attribuer le marché à un lauréat différent de celui qui avait été désigné par le jury de concours ?

C’est à cette question que vient répondre le Conseil d’Etat, par sa décision en date du 30 juillet 2024, mentionnée aux tables du recueil Lebon, rendue dans le cadre d’un contentieux en contestation de validité d’un marché de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation d’une ancienne caserne militaire et sa reconversion pour accueillir une médiathèque et des archives intercommunales. Dans cette affaire, le groupement d’entreprises classé en première position par le jury avait été écarté par l’acheteur, en l’occurrence la communauté d’agglomération Valence Romans Agglo, au profit du groupement qui avait été classé par ce même jury en deuxième position. Le groupement évincé a donc saisi la juridiction administrative d’un recours tendant, d’une part, à contester la validité du marché ainsi attribué et, d’autre part, à être indemnisé du préjudice subi du fait de son éviction.

Bien que débouté de ses demandes en première instance, le groupement requérant a obtenu partiellement gain de cause en appel. En effet, la Cour administrative d’appel de Lyon a, par son arrêt n° 20LY00105 du 24 novembre 2022, posé le principe selon lequel l’acheteur ne pouvait s’écarter de l’avis du jury qu’à condition d’être en mesure de justifier que les motifs qu’il privilégie « doivent manifestement prévaloir sur le classement établi » par le jury ; ensuite, elle a jugé qu’en l’espèce, une telle justification n’avait pas été apportée et que l’inversion de classement opérée par la communauté d’agglomération par rapport à l’avis du jury était donc irrégulière. La Cour administrative d’appel en a conclu que les membres du groupement requérant avaient le droit d’être indemnisés du préjudice résultant de leur éviction, tout en rejetant leur demande tendant à l’annulation ou la résiliation du marché attribué, dès lors que celui-ci avait déjà été entièrement exécuté.

Saisi d’un pourvoi par la communauté d’agglomération, le Conseil d’Etat commence par rappeler le contenu des dispositions relatives au jury de concours en vigueur à l’époque (article 8 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et article 88 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016) puis en déduit le principe suivant :

« Il résulte de ces dispositions que l’acheteur n’est pas tenu de suivre l’avis émis par le jury du concours et qu’il peut, notamment, porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury. ».

Par suite, le Conseil d’Etat considère que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en obligeant l’acheteur qui souhaite s’écarter de l’avis du jury à justifier que l’offre qu’il retient est manifestement meilleure que celle proposée par celui-ci, dès lors qu’une telle obligation ne résulte ni des dispositions précitées ni d’aucun autre principe général. En d’autres termes, là où la Cour administrative d’appel avait, par une approche « finaliste », considéré que l’esprit de la réglementation prescrivait implicitement à l’acheteur de suivre l’avis du jury de concours, sauf à démontrer que cet avis était manifestement erroné, le Conseil d’Etat retient une approche plus « littérale » selon laquelle une telle prescription ne pouvait être imposée à l’acheteur dès lors qu’elle ne figurait pas dans le décret et ne pouvait se déduire d’aucun autre principe textuel ou jurisprudentiel.

Pour autant, ainsi que le rappelle la décision, le choix de l’acheteur demeure soumis au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Et, en l’occurrence, le Conseil d’Etat, statuant au fond après avoir annulé l’arrêt, constate que la communauté d’agglomération n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’offre du groupement requérant au motif que le prix de celle-ci dépassait substantiellement l’enveloppe prévisionnelle fixée et nécessiterait de lourdes adaptations fonctionnelles ; par ailleurs, il écarte comme infondé le moyen selon lequel l’offre retenue aurait été irrégulière en raison d’une sous-évaluation du coût des travaux ; en conséquence, il rejette les demandes indemnitaires du groupement requérant.

Network and Information Security (NIS) 2 : Vers une cybersécurité renforcée pour de nombreuses entités, collectivités territoriales incluses !

Alors que les cybermenaces continuent de croître et que les systèmes d’information demeurent vulnérables, la directive NIS 2 (Network and Information Security) a été publiée au Journal officiel de l’Union Européenne le 14 décembre 2022. Elle doit être transposée en France d’ici octobre 2024. Toutefois, à date, et avec la dissolution de l’Assemblée Nationale, le projet de loi de transposition « Résilience » n’a pas encore été débattu.

Après l’adoption de NIS 1, ayant permis un premier changement de paradigme en matière de cybersécurité européenne (I), la NIS 2 marque une nouvelle avancée cruciale pour renforcer la résistance de toute sorte d’entité publique (hôpitaux, grandes et petites communes, …) face aux cyberattaques de plus en plus nombreuses. En réponse à ces risques, la directive étend largement le périmètre des acteurs concernés (II) et renforce les obligations auxquelles ces-derniers doivent répondre (III).

I – Le changement de paradigme introduit par NIS 1

Adoptée par le Parlement européen en juillet 2016, et transposée au niveau national en septembre 2018, la directive NIS 1 a pour objectif d’assurer un niveau de sécurité élevé et commun pour les réseaux et les systèmes d’information de l’Union européenne. Pour cela, la directive prévoit le renforcement des capacités nationales de cybersécurité des États-membres ainsi que la mise en place d’une coopération européenne. Analysons les acteurs qui sont concernés par la directive NIS 1 (A) et les obligations qui leur incombent (B).

A. Les acteurs concernés

Cette règlementation s’adresse, d’une part, à tout opérateur désigné comme Opérateur de service essentiel (OSE). De façon générale, les OSE renvoient aux « opérateurs, publics ou privés, offrant des services essentiels au fonctionnement de la société ou de l’économie et dont la continuité pourrait être gravement affectée par des incidents touchant les réseaux et systèmes d’information nécessaires à la fourniture desdits services »[1] (loi de transposition du 26 février 2018, article 5, alinéa 1[2]). Sont dès lors visés les secteurs de l’énergie, du transport, de la santé, des infrastructures numériques, des banques et infrastructures des marchés financiers, mais également les infrastructures numériques et les fournisseurs et distributeurs d’eau potable.

D’autre part, la directive NIS 1 s’applique à certains Fournisseurs de Service Numérique (FSN), à savoir les places de marché en ligne, les moteurs de recherche en ligne, et les services d’informatique en nuage, permettant l’accès à un ensemble modulable et variable de ressources informatiques pouvant être partagées[3]. Dès lors qu’un FSN remplit l’une des conditions qui suit, il est concerné par la directive :

  • Chiffre d’employés supérieur ou égal à 50 personnes ;
  • Chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 millions d’euros.

Seuls ces deux types d’acteurs sont dès lors concernés :  les OSE et les FSN.

B. Les principales obligations instaurées par NIS 1

Dès lors qu’un OSE a été désigné, il a l’obligation d’identifier un représentant auprès de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI), et d’identifier précisément son ou ses système(s) d’information essentiel(s). S’agissant de la sécurité des systèmes, plus globalement, les OSE et les FSN ont l’obligation de prendre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires et proportionnées pour :

  • Gérer les risques qui menaçaient la sécurité des réseaux et des systèmes d’information qu’ils utilisaient ;
  • Prévenir les incidents qui compromettaient la sécurité des réseaux et des systèmes d’information employés.

Les OSE et les FSN doivent également notifier à l’autorité compétente ou au CSIRT (Computer Security Incident Response Team)[4] les incidents qui avaient un impact significatif sur les services qu’ils fournissaient ou assuraient.

II – L’élargissement du champ d’application des entités soumises à la réglementation

La directive NIS 2 vise de nouveaux secteurs d’activités, et, partant, de nouveaux acteurs (A), dont notamment les collectivités territoriales (B).

A. Le champ d’application élargi de NIS 2

1. De nouveaux secteurs d’activités concernés

Face à la diversité croissante et à l’évolution constante des risques dans l’écosystème numérique, la directive NIS 2 a considérablement élargi son champ d’application. Ce sont désormais dix-huit secteurs qui sont concernés. Parmi les nouveaux secteurs inclus se trouvent les services postaux et de livraison, la gestion des déchets, la fabrication, la production et la distribution de produits chimiques, l’industrie, l’agroalimentaire, l’espace, ainsi que l’administration[5].

2. De nouvelles catégories d’acteurs visées

Avec la directive NIS 1, tel que cela a été vu précédemment, les États membres sont tenus de désigner des Opérateurs de Services Essentiels (OSE) qui doivent déclarer leurs systèmes d’information auprès des agences gouvernementales compétentes dans les 3 mois à compter de la date de désignation.

La directive NIS 2 simplifie cette approche en supprimant la nécessité de telles déclarations spécifiques. Désormais, les OSE et les FSN sont remplacés par deux nouvelles catégories d’acteurs : les entités essentielles (EE) et les entités importantes (EI). Selon l’article 3 de la directive, sont considérées comme des entités essentielles :

  • Les entités dont le secteur d’activité est considéré comme étant hautement critique (énergie, secteur bancaire, infrastructures des marchés financiers,[6] …), dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros et qui comprennent moins de 250 salariés ;
  • Les prestataires de services de confiance qualifiés et les registres de noms de domaine de premier niveau ainsi que les fournisseurs de services Domain Name System (DNS) ;
  • Les fournisseurs de réseaux publics de communications électroniques publics ;
  • Les administrations publiques des pouvoirs publics centraux et, au niveau régional, les administrations publiques fournissant des services dont la perturbation pourrait avoir un impact important sur des activités sociales ou économiques critiques ;
  • Et toute autre entité identifiée par un Etat membre comme entité essentielle.

Notons que les entités appartenant à l’un des secteurs visés par NIS 2 et ne constituant pas des entités essentielles sont alors considérées comme des entités importantes. Partant, il suffit qu’une entité appartienne à l’un des secteurs visés par NIS 2 pour être soumise à cette nouvelle directive, sans qu’il soit forcément nécessaire qu’elle réponde à des critères de taille ou de chiffre d’affaires, contrairement à ce que prévoyait la directive NIS 1. Plus spécifiquement, en ce qui concerne les collectivités territoriales, il semblerait que la qualification d’entité essentielle ou importante dépendra de critères spécifiques tels que, par exemple, le nombre d’habitants, les compétences et les services publics effectivement mis en place par ladite collectivité[7].

B. Focus sur les collectivités territoriales, nouveaux acteurs concernés par NIS 2

1. Les collectivités territoriales dans le viseur des cyberattaquantes

Depuis plusieurs années, toutes les collectivités territoriales, même les plus petites communes, sont touchées par les cyberattaques. De janvier 2022 à juin 2023, l’ANSSI a traité 187 incidents cyber affectant les collectivités territoriales, soit une moyenne de dix incidents par mois[8]. A noter que ces incidents représentent 17 % de l’ensemble des incidents traités par l’ANSSI sur cette période. Notons que les collectivités territoriales, souvent peu ou mal sécurisées, gérant des systèmes d’information nombreux et disparates, constituent des cibles privilégiées pour les cyberattaquants. Or, les conséquences d’une cyberattaque pour les collectivités territoriales peuvent être dramatiques : arrêt des services publics, atteinte à la réputation, blocage de fonctionnement, effets collatéraux sur les autres collectivités dont les systèmes d’informations sont interconnectés, …

Dès lors, il est essentiel que les collectivités territoriales bénéficient d’une protection renforcée. Des mesures spécifiques doivent être mises en œuvre pour améliorer la sécurité de leurs systèmes d’information et protéger les données sensibles qu’elles détiennent.

2. La régulation des collectivités territoriales laissée à la charge des États membres

L’article 5.2 de la directive NIS 2 prévoit que « les États membres peuvent prévoir que la présente directive s’applique aux entités de l’administration publique au niveau local ». Dès lors, dans un communiqué daté du 11 mars 2024, France Urgence, Intercommunalités de France et Les Interconnectés ont appelé à une transposition intelligente de la directive NIS 2.

Ces trois associations souhaitent que les principes d’adaptabilité, de progressivité et de soutien financier guident la mise en œuvre de la directive. Selon elles « il est impératif d’adopter une approche réaliste, en organisant la mise en conformité étape par étape, de manière claire et progressive dans le temps, ainsi qu’en mettant en place un accompagnement technique et financier spécifique, en particulier pour les communautés de communes et d’agglomérations. »

Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, affirme lors d’une intervention à l’Assemblée Nationale le 6 mars 2024 : « nous ne saurions imposer aux petites communes ou aux communautés de communes de moins de 30 000 habitants des exigences inadaptées ; elles seront classées comme entités importantes et devront simplement veiller à des actions «  d’hygiène  de base » en matière de cybersécurité. A titre d’exemple, il ajoute qu’il sera possible de leur demander de modifier régulièrement leurs mots de passe lors de l’achat de nouveaux logiciels, de s’assurer qu’ils ont été certifiés et vérifiés, de disposer de sauvegardes débranchées du réseau informatique, …

À ce jour, il est trop tôt pour détailler davantage ce qui pourrait éventuellement être exigé de chaque collectivité territoriale. Ce d’autant plus que, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, la transposition de la directive est actuellement en suspens. En effet, son examen prévu en juin a été reporté à une date ultérieure.

III – Le renforcement des obligations imposées aux multiples acteurs

Des obligations renforcées (A) sont mises à la charge des entités concernées par NIS 2, et ce, conformément au nouveau mécanisme de proportionnalité (B).

A. Les principales obligations

Les EI et les EE doivent répondre, d’une part, à une obligation de gestion des risques, et d’autre part, à une obligation d’information.

En premier lieu, les entités concernées doivent prendre les mesures techniques, opérationnelles et organisationnelles appropriées et proportionnées pour gérer les risques qui menacent la sécurité de leurs réseaux et systèmes d’information. Les mesures à prendre sont fondées sur une approche « tous risques », et comprennent a minima la définition de politiques de sécurité des systèmes d’information, la mise en place de procédures de gestion des incidents, l’utilisation de mécanismes de chiffrement des données, l’utilisation de solutions d’authentification à plusieurs facteurs ou d’authentification continue, etc.

En second lieu, les entités subissant un incident important doivent répondre à une obligation d’information et de notification. En cas d’incident important[9], l’entité concernée doit le notifier, tout comme l’imposait la Directive NIS 1, au CSIRT territorialement compétent. Par ailleurs, elle est tenue d’informer, sans retard, injustifié les destinataires de ses services si l’incident est susceptible de nuire à la fourniture desdits services[10].

Enfin, notons que l’article 20 de NIS 2 prévoit que les organes de direction des EE et des EI doivent approuver les mesures de gestion des risques adoptées en matière de cybersécurité et superviser leur mise en œuvre. Les membres de ces organes de direction doivent, en outre, suivre une formation sur la gestion des risques en matière de cybersécurité et encourager les EE et les EI à offrir régulièrement une formation similaire aux membres de leur personnel.

B. L’introduction du principe de proportionnalité

La directive NIS 2 introduit une avancée significative avec l’intégration d’un mécanisme de proportionnalité, qui distingue les entités régulées en deux catégories en fonction de leur niveau de criticité, à savoir les EE et les EI. Ce principe de proportionnalité a vocation à établir des exigences adaptées et proportionnées aux enjeux spécifiques de chaque catégorie d’entités. Cette notion de proportionnalité se manifeste dans plusieurs aspects clés :

  • Les mesures de sécurité: les exigences peuvent varier entre les EE et les EI, tenant compte des ressources disponibles et des enjeux propres à chaque entité, en fonction de sa taille et de ses moyens[11] ;
  • Régulation: la régulation des EE est exercée de manière ex ante, permettant un contrôle préalable à la discrétion de l’ANSSI[12]. En revanche, pour les EI, la régulation est ex post, se manifestant principalement en cas de détection d’une non-conformité ;[13]
  • Les sanctions: les sanctions infligées sont ajustées en fonction de la taille et des moyens de l’entité, afin de garantir que les mesures punitives sont proportionnelles à l’envergure de l’infraction et aux capacités de l’entité concernée[14].

Ce principe de proportionnalité vise ainsi à assurer une régulation et une supervision adaptées, équilibrant rigueur et réalisme en fonction des spécificités de chaque entité.

En conclusion, en élargissant son champ d’application et en imposant des exigences renforcées, la directive NIS 2 vise à offrir une protection accrue contre les cybermenaces croissantes. Cette évolution assure, d’une part, une meilleure résistance des entités vulnérables, et notamment des collectivités territoriales, face aux cyberattaques, et, d’autre part, une défense harmonisée et cohérente à l’échelle nationale comme européenne.

Alexandra Aderno, David Conerardy et Inès Marcenat

 

[1] LOI n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (1)

[2] Ibidem

[3] Décret n° 2018-384 du 23 mai 2018 relatif à la sécurité des réseaux et systèmes d’information des opérateurs de services essentiels et des fournisseurs de service numérique.

[4] Les CSIRT sont des centres d’alerte et de réaction aux attaques informatiques, destinés aux entreprises ou aux administrations.

[5] L’article 2. 5. a) de la directive utilise le terme d’administration publique.

[6] Annexe I NIS 2

[7] Compte rendu de réunion n° 46 – Commission de la défense nationale et des forces armées, mars 2024

[8] Synthèse de la menace ciblant les collectivités territoriales, 23 octobre 2023, ANSSI

[9] L’article 23 de la directive NIS 2 définit un incident important est caractérisé par le fait que l’incident litigieux a causé ou est susceptible de causer une perturbation opérationnelle grave des services ou des pertes financières pour l’entité concernée et a affecté ou est susceptible d’affecter d’autres personnes physiques ou morales en causant des dommages matériels, corporels ou moraux considérables.

[10] Article 23 NIS 2

[11] Article 21 NIS 2

[12] Article 32 NIS

[13] Article 33 NIS 2

[14] Article 36 NIS 2 et points130 et suivant du préambule de NIS 2

Révision des lignes directrices sur les aides d’Etat aux aéroports et aux compagnies aériennes

Les financements publics des aéroports et des compagnies aériennes peuvent constituer des aides d’Etats au sens de l’article 107 paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE »). En la matière, la Commission européenne a publié des lignes directrices en 2014[1] afin de préciser les cas dans lesquels les financements publics peuvent être qualifiés d’aides d’Etat et les conditions dans lesquelles elles peuvent être compatibles avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3 point c) du TFUE. Aux termes de ses lignes directrices, la Commission précise qu’elle fonde son appréciation sur ses propres expériences et pratique décisionnelle ainsi que son analyse de la situation actuelle du marché dans les secteurs aéroportuaire et aérien, sans préjuger de sa manière de procéder à l’égard d’autres infrastructures ou secteurs d’activités.

Alors que ces lignes directrices devaient expirer en avril 2024, la Commission a décidé de les prolonger pour une durée de trois années afin, notamment, de tenir compte de la baisse des recettes et de la hausse des coûts auxquels les petits aéroports ont été confrontés avec la pandémie de Covid-19 et a hausse des coûts.

Le secteur de l’aviation ayant considérablement évolué depuis l’adoption des lignes directrices de 2014, la Commission estime nécessaire de démarrer le processus de révision desdites lignes pour les rendre notamment pleinement conformes aux objectifs énoncés dans le pacte vert. Ce faisant, la Commission a lancé, le 27 août dernier, une consultation ouverte jusqu’au 8 octobre visant à recueillir les observations et avis sur les besoins actuels du secteur de l’aviation qui pourraient être comblés par une révision des lignes directrices.

 

[1] Lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes 2014/C 99/03

Eau : vers une simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l’entretien des cours d’eau ?

Le 1er février 2024, le directeur de cabinet du ministre de la transition écologique et celui de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ont adressé une lettre de mission à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) leur demandant de réaliser une mission « flash » afin de formuler des propositions visant à simplifier le régime juridique applicable aux travaux d’entretien des cours d’eau. Cette demande faisait suite aux différents épisodes d’inondation survenus sur le territoire et plus particulièrement, à l’automne 2023 et en janvier 2024, sur les secteurs de l’Audomarois, du delta de l’Aa, du Boulonnais et du Montreuillois. S’est en effet posée la question, à ces occasions, de savoir si l’état des canaux, cours d’eaux, fossés et wateringues pourrait être un facteur ayant concouru à aggraver les inondations intervenues. La mission a rendu son rapport en mai 2024 qui formule 8 recommandations et propose les évolutions suivantes :

  • faire application de l’article L. 151-37 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) pour faire bénéficier les travaux d’une déclaration d’intérêt général (DIG) et obtenir ainsi la possibilité d’accéder aux parcelles ;
  • compléter l’article L 214-3 du Code de l’environnement en son alinéa – II bis -. Ainsi le régime d’urgence prévu par cet article, qui a pour effet d’exempter des travaux du régime de l’autorisation ou de la déclaration environnementale, deviendrait applicable non seulement à des travaux destinés à prévenir un danger grave et immédiat mais aussi à des travaux destinés à remédier à des inondations d’ampleur inédite ou à en prévenir le retour à court-terme ;
  • permettre aux préfets de département de fixer des prescriptions à la réalisation de travaux d’entretien des cours d’eau, en vue d’éviter les risques d’atteinte à des espèces protégées ou à leurs habitats. Ces prescriptions fixées par les préfets éviteraient que les travaux puissent recevoir la qualification juridique de « risque d’atteinte caractérisée à des espèces protégées » ;
  • supprimer les procédures administratives pour des travaux d’entretien de cours d’eau lorsqu’ils sont adossés à un programme général conçu par une collectivité publique et ayant reçu l’accord de l’administration ;
  • renforcer la base juridique des dispositions que les préfets prennent lors des crises, et prévoir que ces dispositions soient à nouveau mises en œuvre si des interventions dans les cours d’eau restent nécessaires pour éviter de nouvelles inondations ;
  • simplifier le statut juridique des sédiments extraits à l’occasion de travaux d’entretien des cours d’eau, et sécuriser leur valorisation agricole.

La mission suggère alors que la mise en place de cette simplification passe éventuellement par une expérimentation sur des territoires ayant fait l’objet d’arrêté de catastrophe naturelle pour des motifs d’inondation majeure. Elle rappelle par ailleurs que l’entretien des cours d’eaux et de prévention des inondations implique un partage des responsabilités entre de nombreux niveaux de collectivités publiques ainsi que de nombreux acteurs dans les territoires, de sorte les réflexions doivent se mener dans le cadre d’un dialogue large et permettant d’anticiper les enjeux de moyen et long terme.

Le ministre de l’économie demande à la Commission de régulation de l’énergie de revoir les modalités d’évolution du TURPE 6

On rappellera que les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité actuellement en vigueur, dits « TURPE 6 HTB » pour le réseau public de transport et « TURPE 6 HTA-BT » pour les réseaux publics de distribution d’électricité sont applicables depuis le 1er août 2021 pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 31 juillet 2025. Ainsi, la CRE a d’ores et déjà lancé une consultation commentée ici, sur la structure tarifaire du TURPE 7, applicable à compter du 1er août 2025.

D’ici là, les TURPE 6 HTB et le TURPE 6 HTA-BT devaient être ajustés au 1er août 2024, conformément au mécanisme d’ajustement annuel prévu par les délibérations les ayant institués afin de tenir compte de plusieurs paramètres tels que l’inflation. L’article L. 341-3 du Code de l’énergie prévoit que ces évolutions du TURPE sont déterminées par la CRE, qui doit toutefois prend en compte dans cette tâche les orientations politiques énergétiques indiquées par l’autorité administrative et lui transmettre sa décision motivée en la matière pour publication au Journal officiel de la République française (JORF). C’est ainsi que la CRE a communiqué le 8 juillet 2024 sa délibération du 26 juin 2024 portant décision sur l’évolution de la grille tarifaire du TURPE HTA BT et celle, du même jour, sur l’évolution du TURPE HTB.

Par une décision du 29 août 2024, le ministre de l’Économie a considéré que les évolutions prévues par ces délibérations n’étaient pas conformes aux orientations politiques du gouvernement en la matière, ni propre à assurer la stabilité des prix de l’électricité pour les consommateurs. Selon lui, l’ajustement envisagé par la CRE conduirait à une hausse du prix payé par de très nombreux consommateurs, qu’ils soient clients en Tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) ou en offre de marché. Et ce, alors que ceux-ci ont déjà connu une augmentation importante des tarifs en 2022 et qu’une baisse importante des TRVE est anticipée au 1er février 2025.

Ainsi, le ministre sollicite de la CRE, dans le cadre des prérogatives qui lui sont offertes par l’article L. 341-3 du Code de l’énergie susvisé, qu’elle établisse une nouvelle délibération relative à l’évolution des TURPE 6 prenant mieux en compte les orientations du Gouvernement relatives à la maîtrise, la stabilité et la bonne compréhension du prix de l’électricité.

La CRE doit donc revoir sa copie.

Schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables : publication des précisions réglementaires attendues

Décret n° 2024-789 du 10 juillet 2024 portant modification de la partie réglementaire du Code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables

Institués par la loi dite « Grenelle II » afin de faciliter le développement des énergies renouvelables, les « schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables » (ci-après S3REnR) » :

  • définissent les ouvrages à créer ou à renforcer sur le réseau pour atteindre les objectifs de capacité fixés par le préfet de région en matière d’énergies renouvelables ;
  • évaluent le coût prévisionnel de ces ouvrages de réseaux à créer ou renforcer ;
  • permettent la mutualisation d’une partie des coûts des ouvrages à créer, via le paiement d’une quote-part par les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable au moment de leur raccordement au réseau.

Une ordonnance du 23 août 2023 prise en application de la loi ° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite loi APER et commentée dans notre lettre d’actualité juridique est venue intégrer quelques précisions sur les modalités de mise en œuvre de ces schémas au sein du Code de l’énergie. Certains éléments étaient toutefois encore attendus notamment quant à la périodicité de la mise à jour du schéma et de son délai d’élaboration, l’article L. 342-3 du Code de l’énergie laissant le soin à un décret de les fixer. C’est dans ce cadre que la CRE a été saisie le 13 juin 2024 d’un projet de décret visant à préciser les dispositions introduites par la loi APER en matière de SR3ENR.

Par délibération en date du 3 juillet 2024, la CRE a émis un avis favorable sur ce projet de décret, estimant qu’il « assure un encadrement efficace des S3RENR avec une déclinaison des étapes d’élaboration et de révision assurant à la fois une meilleure fluidité au dispositif et une planification plus robuste de ces schémas », tout en recommandant que sa version définitive prévoie « la définition par arrêté d’un critère technico-économique pour la sélection des ouvrages à renforcer au même titre que ceux à créer ». Ledit décret a été publié au Journal officiel du 11 juillet 2024. Il modifie ainsi la partie réglementaire du Code de l’énergie en venant notamment :

  • préciser les modalités d’élaboration et de révision des schémas ;
  • supprimer la possibilité d’adapter ces schémas ;
  • détailler le régime applicable aux producteurs dont les ouvrages de raccordement ne sont pas prévus par le schéma en vigueur ainsi que les modalités d’accès à la capacité réservée prévue le schéma pendant une période d’un an après sa publication pour les installations demandant un raccordement au réseau de transport.

Ainsi que le recommandait la CRE, le décret vient indiquer à l’article D.321-14 du Code de l’énergie qu’un arrêté, dont la CRE sera à nouveau saisie, définira les critères technico économiques permettant d’évaluer la pertinence des investissements relatifs aux inscrits dans le S3RENR.

La Commission de Régulation de l’Energie publie des lignes directrices pour le renforcement de la protection des consommateurs de gaz naturel et d’électricité

Le Médiateur National de l’Energie (MNE) a souvent, au travers de ses recommandations commentées dans notre lettre d’actualités juridiques, rappelé les fournisseurs à leurs obligations d’information des consommateurs sur la base des dispositions spécifiquement prévues aux articles L. 224-1 et suivants du Code de la consommation. La crise énergétique sans précédent de 2022 et la hausse considérable des coûts de l’énergie qu’elle a induite sont venues mettre en lumière la nécessité de mener une réflexion générale sur la protection des consommateurs face à leurs offres de fourniture d’énergie. Ainsi, dans le prolongement de propositions formulées par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) et le MNE en la matière, un projet de loi relatif à la souveraineté énergétique (sur lequel la CRE a d’ailleurs émis un avis favorable ici commenté), porte des dispositions relatives à la protection des consommateurs d’énergie.

Dans l’attente de son entrée en vigueur et face aux incertitudes pesant actuellement sur le calendrier des travaux législatifs, la CRE a publié, dans une délibération du 10 juillet dernier, des lignes directrices pour le renforcement de la protection des consommateurs de gaz naturel et d’électricité. Il s’agit d’un ensemble de treize mesures visant à renforcer la protection des consommateurs durant la phase préalable à la conclusion du contrat de fourniture, son exécution et à son terme. Elles ont vocation à s’appliquer aux consommateurs particulièrement exposés aux conséquences de la crises énergétiques, à savoir ceux du segment résidentiel, les associations à but non lucratif, les syndicats de copropriétés, les « TPE » et les petites communes (celles moins de dix employés et dont le budget annuel est inférieur à 2 M €).

Parmi ces mesures, on retrouve la mise en place d’une typologie des offres permettant « de clarifier les conditions d’évolution du prix des offres d’électricité et de gaz naturel, et de dissiper d’éventuelles ambigüités présentes sur les supports commerciaux des fournisseurs », des méthodes d’estimation de la consommation permettant d’améliorer la comparabilité des offres ou encore un principe de transparence des conditions d’évolution du prix sur les douze premiers mois de l’offre. La souscription à ces lignes directrices se fait par engagement volontaire de la part des fournisseurs. Ainsi, les fournisseurs souhaitant souscrire à ces mesures ont jusqu’au 30 septembre 2024 pour signifier à la CRE leur engagement ferme via le modèle joint en annexe de la délibération.

Afin de les inciter à y procéder, la CRE indique qu’elle publiera sur son site la liste des fournisseurs qui se seront engagés, celle de ceux qui ne se seront pas engagés ainsi que le nom des fournisseurs engagés qui ne les respecteront pas.

Consultation du public : les règles applicables aux nouvelles procédures issues de la loi « industrie verte »

Parmi les évolutions notables de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte l’instauration de nouvelles procédures de consultation du public sont à relever. En effet, pour rappel et en substance, la loi précitée réformait notamment la procédure de consultation du public des projets impactant l’environnement à deux égards :

  • d’abord elle a ajouté l’article L. 121-8-2 au Code de l’environnement qui prévoit que lorsque plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP) en vertu de l’article L. 121-8 sont envisagés sur un même territoire délimité et homogène au cours des huit années à venir, il peut être organisé, à la demande d’une personne publique, un débat public global ou une concertation préalable globale pour l’ensemble de ces projets ;
  • de plus, la procédure d’autorisation environnementale a connu plusieurs évolutions et a en particulier été raccourcie dans la mesure où les procédures d’instruction et consultation du public sont menées de manière concomitante. La nouvelle procédure de consultation est ainsi prévue à l’article L. 181-10-1 du Code de l’environnement.

Le décret du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d’application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement est alors, notamment, venu préciser les modalités de ces nouvelles procédures.

Concernant d’abord la tenue d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale pour l’ensemble des projets envisagés sur un même territoire délimité et homogène au cours des huit années à venir, l’article R. 121-3-2 du Code de l’environnement prévoit que la personne publique susceptible de faire une telle demande peut être une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales si la saisine concerne exclusivement des projets d’aménagement portés par cette collectivité ou ce groupement et, dans les autres cas, le préfet. L’article indique par ailleurs les modalités de saisine de la Commission et les suites qui peuvent y être données :

  • le dossier de saisine transmis à la CNDP, comportant pour chaque projet les éléments prévus au second alinéa du I de l’article L. 121-8, précise le périmètre et la vocation du territoire considéré ;
  • la CNDP transmet sa décision sur la suite réservée à cette saisine à la personne publique ayant fait la demande ainsi qu’aux maîtres d’ouvrages connus à ce stade ;
  • la CNDP peut décider que certains des projets présentés dans le dossier de saisine, à raison de leur caractère prématuré ou insuffisamment précis, soient retirés et soumis à une saisine ultérieure dans les conditions prévues au I de l’article L. 121-8. Dans ce cas, la CNDP motive ce choix auprès de la personne publique à l’origine de la saisine et des maîtres d’ouvrages concernés ;
  • pour les autres projets, la saisine de la CNDP par la personne publique vaut également saisine au titre du troisième alinéa de l’article L. 121-8-2. Dans ce cadre, la CNDP peut, par décision motivée, décider l’organisation d’un débat public propre ou d’une concertation préalable propre à un ou plusieurs de ces projets si elle l’estime nécessaire.

L’article précise encore la procédure applicable aux projets envisagés ultérieurement sur le territoire et cohérents avec sa vocation. Il prévoit enfin les modalités d’organisation du débat/de la concertation qui doivent suivre les règles issues des articles R. 121-7, R. 121-8 et R. 121-10 du Code de l’environnement sous réserve des règles spécifiques qu’il édicte lui-même. S’agissant ensuite de la procédure d’autorisation environnementale, plusieurs évolutions doivent être relevées au sujet de la consultation du publique.

D’abord, le décret ajoute une sous-section intitulée « Informations et saisines préalables à la phase d’examen et de consultation » qui prévoit :

  • la procédure particulière applicable aux projets susceptibles de faire l’objet des servitudes d’utilité publique mentionnées aux articles L. 211-12, L. 214-4-1 et L. 515-8 du Code de l’environnement ou aux articles L. 174-5-1 et L. 264-1 du Code minier ;
  • que lorsqu’un pétitionnaire demande une dérogation à l’organisation d’une enquête publique unique en application du troisième alinéa du I de l’article L. 181-10, le préfet l’informe de l’acceptation ou du refus de cette demande avant d’engager la phase d’examen et de consultation. Le silence gardé par le préfet vaut refus ;
  • les modalités de saisine et de désignation du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête lorsque le préfet est saisi d’une demande de consultation en application de l’article L. 181-10-1 du Code de l’environnement.

Il doit de plus être relevé que, pour application de l’article L. 181-10-1 du Code de l’environnement, l’article R. 181-17 du Code de l’environnement est modifié en ces termes :

« Dès que le dossier est complet et régulier, le préfet transmet un exemplaire de la demande et du dossier aux autorités et organismes prévus par le présent paragraphe lorsque leur avis est requis. II.-Le préfet informe le pétitionnaire de l’ouverture de la phase d’examen et de consultation.

 Lors de l’examen du dossier, le préfet peut demander au pétitionnaire de lui transmettre des informations complémentaires sur les pièces le composant. Lorsque la consultation du public est réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 181-10-1, les informations complémentaires du pétitionnaire ne sont réputées faire partie du dossier de demande que si elles sont transmises au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation prévue au 5° du III de cet article. ».

Par ailleurs, un nouveau paragraphe est intégré au code et intitulé « Consultation du public » incluant les articles R. 181-35 à R 181-38-1. Ce sont alors les articles R. 181-36 à R. 181-38 qui précisent l’organisation spécifique aux enquêtes publiques menées en application de l’article L. 181-10-1 du Code de l’environnement. En particulier, le contenu du dossier qui doit être soumis au public est indiqué à l’article R. 181-36-1 du Code.

L’article R. 181-39 du Code indique en outre que « dans les quinze jours suivant l’envoi par le préfet au pétitionnaire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur mentionnés à l’article L. 123-6 ou L. 181-10-1, ou de la synthèse des observations et propositions du public dans le cas prévu à l’article R. 181-38 ou lorsque la consultation du public est réalisée conformément aux dispositions de l’article L. 123-19, le préfet transmet pour information la note de présentation non technique de la demande d’autorisation environnementale, les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou la synthèse des observations et propositions du public, ainsi que les réponses du pétitionnaire. ».

Parmi les mesures spécifiques à l’enquête publique, on peut enfin également relever qu’une nouvelle sous-section est ajoutée et dédiée aux modalités d’indemnisation du commissaire-enquêteur. L’article R. 121-44 reconnaît ainsi le droit au commissaire enquêteur de bénéficier d’une indemnité, à la charge de la personne responsable du projet, plan ou programme, qui comprend des vacations et le remboursement des frais qu’il engage pour l’accomplissement de sa mission.

Pour être complet, on précisera que les nouvelles dispositions relatives à l’autorisation environnementale ont vocation entrer en vigueur à compter du 22 octobre 2024 et seront applicables aux demandes déposées à compter de cette date. Les associations Zero Waste France et Notre affaire à tous ont toutefois contesté le décret ici examiné ainsi que le décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024 modifiant le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement en vue de favoriser l’implantation des installations industrielles vertes, par l’introduction d’un recours gracieux auprès des autorités compétentes. Au regard des informations connues, il semble que les nouvelles dispositions applicables à la consultation du public ici présentées ne soient pas celles principalement visées par ce recours de sorte qu’il n’est pas certain que, en cas de succès de ce dernier, les nouvelles dispositions réglementaires sur ce point soient remises en cause.

Autorisation environnementale : précision quant à l’intérêt à intervenir des collectivités territoriales

Dans un arrêt, mentionné aux Tables, du 12 juillet 2024, le Conseil d’État précise de manière inédite les critères de l’intérêt à intervenir d’une région en cassation dans le cadre d’un contentieux de l’autorisation environnementale en matière éolienne. La Cour administrative d’appel de Lyon a annulé la décision de refus du préfet de Haute-Loire de délivrer une autorisation environnementale délivrée à la Société Boralex Massif du Dèves d’exploiter un projet de quatre éoliennes et deux postes de livraison. L’arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation par différentes associations. Devant le Conseil d’État, la région Auvergne Rhône-Alpes est intervenue au soutien du pourvoi formé par les associations contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel

L’intérêt de l’arrêt du 12 juillet 2024 réside spécifiquement dans sa prise en compte de l’intérêt à intervenir de la région Auvergne Rhône-Alpes en matière de contentieux éolien.

Suivant les conclusions du rapporteur public M. Frédéric Puigserver (conclusions sous CE, 12 juillet 2024, Société Boralex Massif du Dèves, n° 464958, disponibles ici), le Conseil d’État admet l’intervention de la région Auvergne Rhône-Alpes, au regard de « ses compétences en matière de développement touristique régional » et, de manière plus concrète, à raison de l’impact potentiel du projet sur des « sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional tels que la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO », motivant ainsi l’intérêt à intervenir de la région. À ce titre, « [l’] intervention [de la région] est, par suite, recevable ».

Cette jurisprudence concernant l’intérêt à intervenir entre en écho avec un arrêt antérieur du Conseil d’État à l’espèce analogue (CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne Rhône-Alpes, n° 470723, article précédent), relatif lui à l’intérêt à agir de la région dans le cadre d’un contentieux de l’autorisation environnementale en matière d’éolienne. Selon cet arrêt, l’intérêt à agir des collectivités territoriales à l’égard d’une autorisation environnementale s’apprécie à l’aune des compétences et intérêts que la collectivité a à sa charge et de sa situation propre. En l’espèce, la région Auvergne Rhône-Alpes avait vu son intérêt à agir rejeté faute de « responsabilité en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes que l’installation d’éoliennes pourrait provoquer sur son territoire et que la circonstance qu’elle ait adopté un schéma régional par lequel elle définit des objectifs relatifs aux projets éoliens est insusceptible de lui conférer un intérêt direct pour contester l’autorisation en cause ».

Une analyse parallèle de ces deux arrêts permet de conclure à une appréciation de l’intérêt à agir plus rigoureuse que celle de l’intérêt à intervenir des collectivités territoriales, du moins dans le contentieux de l’autorisation environnementale pour des projets éoliens. En effet, à la lumière des conclusions du rapporteur public, l’approche moins rigoureuse du Conseil d’État concernant l’intérêt à intervenir s’explique par les prérogatives plus limitées, sur le plan contentieux, de la personne intervenante comme l’absence de la qualité de partie à l’instance ou l’impossibilité de présenter des conclusions propres.

Permis minier : les objectifs de lutte contre les changements climatiques peuvent justifier le refus d’accorder un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures

L’administration peut-elle fonder son refus d’accorder un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux sur les objectifs de lutte contre les changements climatiques souscrits par la France ? Dans un arrêt du 24 juillet 2024, inédit, le Conseil d’État répond par la positive à cette problématique d’actualité.

Dans l’arrêt étudié, la société EG Lorraine a contesté en excès de pouvoir la décision explicite du ministre de la Transition Écologique et du ministre de l’Économie et des finances refusant de délivrer un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures. Cette société requérante a obtenu l’annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Strasbourg, dont la solution a été confirmée par la Cour administrative de Nancy.

En l’espèce, le Conseil d’État revient sur la solution retenue par la Cour administrative d’appel.

D’abord il vise un principe selon lequel « lorsque l’administration est saisie d’une demande tendant à la délivrance d’un tel permis, elle peut la rejeter en se fondant sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de l’autorisation en cause ». De manière inédite, la Haute juridiction estime que « […] la limitation du réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles constitue un tel motif ».

Ensuite, jugeant que le ministre pouvait effectivement fonder son refus de délivrer le permis exclusif de recherches sur les objectifs de politique énergétique souscrits par la France, le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour administratif d’appel. Plus particulièrement, le Conseil d’État rappelle les motifs invoqués au sein de la décision de rejet du permis comme l’objectif de lutte contre les changements climatiques et la diminution d’émission de gaz à effet de serre formulée au sein « des orientations et objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte tendant notamment à promouvoir le développement des énergies renouvelables et à réduire les consommations d’énergie fossile », mais aussi l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015.

Le principe de non-discrimination ne s’applique pas aux aides d’Etat

Par un arrêt en date du 29 juillet 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) confirme la compatibilité de l’aide d’Etat accordée par la République d’Autriche à Austrian Airlines AG dans le cadre de la crise sanitaire.

En juillet 2020 la République d’Autriche a décidé d’accorder un prêt subordonné convertible en subvention de 150 millions d’euros en faveur de la compagnie aérienne Austrian Airlines AG, société du Groupe Lufthansa. Cette mesure vise à indemniser la compagnie pour les dommages résultant de l’annulation ou la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement et d’autres mesures de confinement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. S’agissant d’un avantage susceptible d’être qualifié d’aide d’Etat au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la République d’Autriche a notifié son projet de prêt le 23 juin 2020 à la Commission européenne en application de l’article 108 § 3 du TFUE.

Par une décision en date du 6 juillet 2020, la Commission a déclaré l’aide compatible avec le marché intérieur car destinée, en application du c) de l’article 107 § 2 du TFUE, à remédier aux « dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires ».

Exclues du bénéfice de l’aide, les compagnies aériennes Ryanair DAC et Laudamotion GmbH ont décidé de former un recours en annulation contre la décision de la Commission européenne. Déboutées en première instance (Tribunal, 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission, T‑677/20), les requérantes se sont pourvues auprès de la CJUE afin d’obtenir, outre l’annulation de l’arrêt du Tribunal rejetant leurs prétentions, l’annulation de la décision de la Commission déclarant l’aide compatible. A l’appui de leur pourvoi, les compagnies aériennes ont développé sept moyens, tous rejetés par la Cour. En substance, la Cour considère que :

  • La combinaison de l’aide avec celle dont bénéficient les sociétés du Groupe Lufthansa, n’a pas pour effet d’entrainer une surcompensation des dommages subis par Austrian Airlines ;
  • L’Etat n’est pas tenu de remédier à l’intégralité des dommages causés par l’évènement extraordinaire et d’accorder des aides à l’ensemble des entreprises ayant subi ces dommages ;
  • Le principe de non-discrimination ne s’applique pas aux aides d’Etat qui remplissent les conditions de l’article 107 § 2 du TFUE ;
  • L’aide ne constitue pas une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle produit des effets restrictifs allant au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’Etat octroyée conformément à l’article 107 § 2 du TFUE ;

Par conséquent, la Cour rejette le pourvoi des compagnies Ryanair DAC et Laudamotion GmbH, et valide l’aide d’Etat octroyée par la République d’Autriche en faveur de la compagnie Austrian Airlines dans le cadre de la pandémie de COVID 19.

Zones humides : actualités sur l’implantation de plans d’eau

CE, 20 août 2024, N° 497008

L’arrêté du 3 juillet 2024 a modifié la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) afin de permettre l’implantation de plans d’eau d’une superficie inférieure à 1 hectare au sein de zones humides. Il n’est ainsi désormais plus nécessaire de démontrer qu’un tel plan d’eau participe à la restauration de la zone humide ou qu’il respecte les conditions fixées par l’article 4 de l’arrêté du 9 juin 2021 (notamment qu’il réponde à un objectif d’intérêt général ou que ses bénéfices escomptés prévalent sur les bénéfices pour l’environnement et la société liés à la préservation des fonctions de la zone humide affectée par le projet).

Plusieurs associations ont demandé au juge des référés de suspendre l’application de cet arrêté sur le fondement de la procédure dite de référé-suspension consacrée à l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Elles soutenaient, d’une part, qu’il existait un doute sérieux quant à sa légalité dès lors en particulier qu’il méconnaitrait le principe de non régression (l’arrêté ayant pour effet de réduire le champ d’application de la protection des zones humides et alors qu’aucune garantie n’est prévue pour compenser la réduction des zones humides tandis qu’une telle réduction a pourtant des incidences notables sur l’environnement). D’autre part, les associations considèrent qu’il serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des objets des articles L. 210-1, L. 211-1 et L. 211-1-1 du Code de l’environnement qui visent la préservation des zones humides et la gestion durable et équilibrée de la ressource.

Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur cette demande par une ordonnance du 20 août 2024, qu’il a rejeté aux motifs que la condition liée à l’urgence à suspendre ne serait pas caractérisée. Il estime en effet que la modification apportée par l’arrêté du 3 juillet 2024 serait d’une ampleur limitée et que les considérations d’ordre général apportées par les requérantes sur l’importance des zones humides et les perturbations apportées par la création de plans d’eau ne démontrent pas une atteinte grave et immédiate à un intérêt public ni aux intérêts des requérantes et à ceux qu’elles entendent défendre.

Sécheresse et ICPE : une nécessaire adaptation des installations classées pour la protection de l’environnement

Rapport sur la sobriété hydrique des installations classées pour la protection de l’environnement

1°) Publié au Journal officiel du 6 juillet 2024, l’arrêté en date du 3 juillet 2024 a apporté des précisions sur les obligations des exploitants d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en cas de sécheresse. Cet arrêté modifie ainsi les obligations qui sont identifiées au sein de l’arrêté du 30 juin 2023 (cf. notre article sur le sujet). Les modifications et précisions suivantes sont apportées :

  • De nouvelles définitions sont introduites concernant les eaux de pluie (« eaux issues des précipitations atmosphériques, collectées à l’aval de surfaces inaccessibles aux personnes, en dehors des opérations d’entretien ou de maintenance, correspondant notamment aux couvertures d’un bâtiment autre qu’en amiante ou en plomb») et les eaux d’exhaure (« eaux prélevées lors d’un drainage réalisé en vue de maintenir à sec des bâtiments ou des ouvrages, ou de rabattre une nappe phréatique conformément à une prescription administrative. Elles correspondent aux eaux issues d’une exsurgence, d’une remontée ou d’un affleurement de nappe souterraine et aux eaux issues des précipitations atmosphériques ») ;
  • Les modalités de calcul du volume de référence, permettant de déterminer les réductions quantitatives imposées dans le cadre de l’exploitation de l’ICPE, sont modifiées. Ainsi :
    • le volume de référence sur la base duquel les réductions de prélèvements seront calculées sera celui utilisé en période normale d’activité et hors période de sécheresse ;
    • l’arrêté du 3 juillet 2024 prévoit désormais également qu’un tel volume de référence devra être fixé pour chaque milieu de prélèvement ;
    • les modalités de calcul des volumes devant permettre les usages nécessaires à la sécurité des installations et à la protection de l’environnement sont modifiées, ces volumes étant désormais fixés par l’arrêté à une valeur forfaitaire de 5 % du volume de référence (avec une possibilité de déduire un volume supérieur sur justification de l’exploitant) ;
    • les volumes des eaux d’exhaures peuvent être déduits du volume de référence.
  • Il est précisé que les niveaux de réduction doivent être atteints pour chacun des prélèvements concernés ;
  • Les exploitants ne devront tenir à disposition de l’inspection des installations classées les informations relatives aux volumes d’eau nécessaires à la sécurité de l’exploitation et de l’environnement que s’ils sont supérieurs aux 5 % forfaitaires mentionnés ci-avant ;
  • Les exploitants n’auront plus à transmettre les données requises sur le site identifié par l’arrêté du 30 juin 2023, l’arrêté du 3 juillet 2024 renvoyant désormais au site de télédéclaration du ministère.

2°) Par ailleurs, le Conseil général de l’économie (CGE) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) ont remis en juillet 2024 un rapport au ministre de la Transition Écologique et de la cohésion des territoires sur la sobriété hydrique des ICPE. Constatant que le phénomène des sécheresses a vocation à s’aggraver dans le temps, le rapport formule plusieurs recommandations sur le plan règlementaire :

  • Intégrer des plafonds de prélèvement adaptés, en agissant en priorité sur les zones de répartition des eaux (ZRE) et les territoires en tension quantitative des SDAGE ; il s’agirait ainsi de revoir, dans un délai de 2 à 5 ans, les arrêtés d’autorisation afin de fixer un plafond de prélèvement basé sur une situation climatique et hydrique actualisée, mais également que des plafonds évolutifs soient déterminés pour intégrer les effets anticipés des changements climatiques. Il serait également utile d’intégrer les mesures à adopter en cas de sécheresse au sein des arrêtés individuels. Pour les préleveurs les plus importants, il est conseillé de prescrire la réalisation d’études puis d’ajuster le plafond de prélèvement sur la base de ces études ;
  • Une meilleure coordination entre les règlementations IOTA et ICPE devrait être introduite. Le rapport recommande également en ce sens de solliciter l’avis des commissions locales de l’eau (CLE) sur les prélèvements prévus au sein des demandes d’autorisation ICPE. Quant aux contrôles sur les arrêtés sécheresse, il est préconisé qu’ils donnent lieu à des objectifs quantifiés et soient coordonnés entre l’inspection des Installations classées et la police de l’eau.

Le rapport conseille également de veiller à ce que les nouveaux projets ne soient pas implantés en zones en tension pour la ressource et de faciliter la réutilisation des eaux usées traitées, en supprimant la nécessité d’obtenir une autorisation individuelle pour y avoir recours.

Quand la Commission classe les activités aviation et maritime comme vertes, les ONG voient rouge

UE, Règlement délégué (UE) 2023/2485 de la commission du 27 juin 2023 modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 par des critères d’examen technique supplémentaires permettant de déterminer à quelles conditions certaines activités économiques peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si ces activités ne causent de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux

L’Union Européenne est l’un des principaux émetteurs d’obligations vertes dans le monde. En 2023, plus de la moitié du volume mondial des obligations vertes provenait d’Europe[1].

Initiée en 2018 par la Commission et adoptée en 2020[2], la taxonomie verte de l’UE est un système de classification des activités économiques conçu pour identifier celles qui sont écologiquement durables et qui n’accentuent pas le changement climatique. Elle a pour objectif de diriger les investissements privés vers des activités respectueuses de l’environnement, dans le but d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050[3]. Elle s’appuie sur six objectifs environnementaux majeurs, dont l’atténuation du changement climatique, la prévention et la réduction de la pollution ou encore, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes[4].

En 2023, la Commission a étendu la taxonomie aux secteurs de l’aviation et du maritime, en justifiant cette inclusion, notamment, par le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation, qui pourrait ainsi contribuer significativement à la décarbonation des transports et à l’atténuation du changement climatique[5]. Or, même si ces secteurs sont essentiels à l’économie européenne, leur inclusion a suscité des vives critiques, notamment de la part de plusieurs eurodéputés écologistes avant son adoption[6] puis par des organisations non gouvernementales (« ONG ») environnementales[7] au regard des objectifs climatiques fixés par l’UE.

En mai 2023, les eurodéputés ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis notamment des critères maritimes, en estimant que ces critères prolongeraient les investissements dans les navires à moteur à combustion et compromettant les alternatives à faible teneur en carbone. Ils ont souligné que cela irait à l’encontre de l’objectif initial de la taxonomie et les objectifs climatiques de l’UE[8].Haut du formulaire Bas du formulaire

Puis en janvier 2024, les ONG ont introduit sans succès une demande de réexamen des critères devant la Commission[9]. En conséquence, ces ONG ont annoncé le 28 août 2024 avoir déposé un recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») contestant cette inclusion[10]. Elles dénoncent une forme de « greenwashing », en affirmant que ces activités, encore fortement dépendantes des combustibles fossiles, ne devraient pas bénéficier du label « durable » sans des conditions plus strictes. Pour ces ONG, dès lors que la taxonomie de l’UE doit inclure des activités qui soutiennent un objectif de 1,5°C[11], elles estiment que l’UE a ignoré cela en intégrant des avions et navires fonctionnant aux combustibles fossiles qui causent une pollution importante et posent un risque sérieux pour les objectifs climatiques de l’UE pour 2030 et 2050.

Par ailleurs, ce n’est pas la première affaire soumise à la CJUE sur les critères de la taxonomie. Une affaire similaire est déjà pendante devant elle. En 2023, après l’introduction du gaz naturel et du nucléaire, des ONG telles que Greenpeace[12] ont saisi la CJUE afin de contester l’introduction de ces secteurs.

En conclusion, les décisions à venir de la CJUE pourraient ainsi redéfinir les contours de la taxonomie verte et son rôle dans la transition écologique de l’Union européenne.

Affaires à suivre…

 

[1] Rapport 2023 sur l’état du marché dans le monde, Climate Bonds Initiative ; le chiffre couvre les émissions souveraines et privées, et inclut le Royaume-Uni ainsi que l’AELE.

[2] Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[3] Commission européenne, Taxonomie verte : mode d’emploi !, 13 janvier 2022

[4] Article 9 du Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[5] RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/2485 DE LA COMMISSION du 27 juin 2023 modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 par des critères d’examen technique supplémentaires permettant de déterminer à quelles conditions certaines activités économiques peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si ces activités ne causent de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux

[6] European Parliament, Greens/EFA reaction to draft Taxonomy technical screening criteria, May 3rd 2023

[7] Fossielvrij, Protect our Winters, Dryade, CLAW and Opportunity Green

[8] European Parliament, Greens/EFA reaction to draft Taxonomy technical screening criteria, May 3rd 2023

[9] NGOs launch legal challenge against EU’s bid to label fossil fuel planes and ships as green, January 16th 2024

[10] NGOs take the EU Commission to Court over flawed sustainable finance criteria that label polluting planes and ships as green, August 28th 2024

[11] « Les critères d’examen technique visés au paragraphe 1 comprennent également des critères concernant les activités liées à la transition vers une énergie propre compatibles avec un profil d’évolution visant à limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, notamment l’efficacité énergétique et les sources d’énergie renouvelables, dans la mesure où ces activités apportent une contribution substantielle à la réalisation d’objectifs environnementaux. » Article 19 du Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[12] Taxonomie : Greenpeace saisit la justice contre la Commission européenne pour stopper le greenwashing du gaz et du nucléaire, 18 avril 2023.

Actualité réglementaire estivale en matière de garanties d’origine de biogaz et de certificats de production de biogaz

Décret n° 2024-718 du 6 juillet 2024 relatif à l’obligation de restitution de certificats de production de biogaz

Arrêté du 6 juillet 2024 relatif au dispositif des certificats de production de biogaz

La période estivale a été marquée par l’adoption de plusieurs textes réglementaires particulièrement attendus en matière de valorisation de la production de biogaz.

D’une part, en matière de garanties d’origine a été publié le Décret n° 2024-681 du 4 juillet 2024 relatif au bénéfice des garanties d’origine de biogaz pour les collectivités territoriales et au droit préférentiel d’achat des garanties d’origine des producteurs de biométhane sous contrat d’obligation d’achat. Rappelons que les garanties d’origine sont des certificats assurant que, pour une unité énergétique prélevée dans le réseau public, une unité énergétique d’origine renouvelable a été injectée dans ce même réseau. Les garanties d’origine de biogaz sont régies par les articles L. 446-18 à L. 446-22 du Code de l’énergie, mais plusieurs textes réglementaires étaient attendus pour compléter le cadre juridique. Tel est l’objet du décret du 4 juillet qui vient préciser les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales peuvent exercer leur droit de préférence pour l’achat des garanties d’origine des producteurs de biométhane disposant d’un contrat d’obligation d’achat. En effet, lorsqu’une garantie d’origine est émise par le producteur de biogaz, l’installation de production ne peut bénéficier du dispositif de soutien étatique de l’obligation d’achat, prévu aux articles L. 446-4 et L. 446-5 du Code de l’énergie (art. L. 446-19 de ce même Code).

Les communes, groupement de communes ou métropoles sur le territoire desquels est implantée l’installation bénéficiant du dispositif du soutien, disposent alors d’une faculté de préemption, prévue par les articles L. 446-22 et D. 446-38-1 du Code de l’énergie, afin de disposer à titre gratuit des garanties d’origine attachées à l’installation et d’attester de l’origine locale et renouvelable de leur consommation de biogaz, en vue de leur utilisation immédiate. Les nouvelles dispositions intégrées dans le Code de l’énergie prévoient ainsi les modalités d’application du transfert des garanties d’origine vers les communes, groupements de communes et métropoles dans lesquels le biométhane associé (conditions d’information du gestionnaire du registre des garanties d’origine de biogaz et délais applicables pour l’essentiel).

D’autre part, en matière de certificats de production de biogaz un Décret n° 2024-718 du 6 juillet 2024 relatif à l’obligation de restitution de certificats de production de biogaz et un Arrêté du 6 juillet 2024 relatif au dispositif des certificats de production de biogaz ont été publiés. Le dispositif des certificats de production de biométhane, qui s’inspire du mécanisme des certificats d’économie d’énergie, « vise à favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel et l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie », au sens de l’article L.446-31 du Code de l’énergie, en imposant aux fournisseurs de gaz naturel, dont les livraison ou consommations annuelles excèdent 400 gigawattheures de pouvoir calorifique supérieur, une obligation de restitution à l’Etat de certificats de productions de biogaz (art. L. 446-42 et R. 446-114 du Code de l’énergie). Ces fournisseurs peuvent s’acquitter de cette obligation soit en produisant directement du biogaz et en demandant les certificats de production de biogaz correspondant à cette production, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz (art. L. 446-42 du Code de l’énergie). Le décret publié vise à préciser les dernières modalités d’application de ce dispositif de certificats de production de biogaz, en particulier :

  • les volumes de consommation de gaz naturel concernés pour la première période d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz laquelle s’étend du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028 ;
  • et le niveau de restitution de certificats de production de biogaz pour les fournisseurs de gaz naturel assujettis.

L’arrêté en date du 6 juillet apporte enfin des précisions techniques les coefficients de modulation des à la baisse du nombre de certificats délivrés le cas échéant par l’organisme gestionnaire du registre des certificats de production de biogaz et le niveau de la pénalité applicable en cas d’insuffisance ou de défaut d’inscription de certificats par un fournisseur (art. R .446-123 et R. 446-124 du Code de l’énergie).

Résultats d’appels d’offres de la CRE en matière d’hydroélectricité, d’énergie éolienne et de photovoltaïque

CRE, Délibération du 13 juin 2024 portant décision relative à l’instruction des dossiers de candidature à la 7e période de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments, serres agrivoltaïques, hangars, ombrières et ombrières agrivoltaïques de puissance supérieure à 500 KWc »

CRE, Délibération du 25 juin 2024 portant décision relative à l’instruction des dossiers de candidature à la 7e période de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent implantées à terre

Le résultat de plusieurs appels d’offre organisés par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a été rendu public au cours de l’été.

D’abord, par une délibération du 11 juillet 2024 portant décision relative à l’instruction des dossiers de candidature à la première période de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations hydroélectriques, mise en ligne le 7 août 2024, la CRE s’est prononcée sur les dossiers retenus. L’appel d’offres concernait des installations hydroélectriques nouvelles de puissance supérieure à 1 MW et inférieure à 4,5 MW et était segmenté en deux familles concernant respectivement les installations implantées sur des nouveaux sites (famille 1) et celles équipant des sites existants (famille 2). La CRE propose de retenir trois dossiers sur les cinq déposés, les trois dossiers relevant de la famille 1. On notera qu’alors que la puissance totale recherchée par la CRE s’élevait à 30MW, et que la puissance totale des dossiers déposés s’élevait au global à 16,9 MW, seule une puissance de 10,1 MW est retenue à travers les 3 dossiers lauréats.

Ensuite, par une délibération du 13 juin 2024, portant décision relative à l’instruction des dossiers de candidature à la 7e période de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « centrales sur bâtiments, serres agrivoltaïques, hangars, ombrières et ombrières agrivoltaïques de puissance supérieure à 500 KWc », mise en ligne le 11 juillet 2024, la CRE a arrêté la liste des lauréats de cette 7ème période de l’appel d’offre en matière photovoltaïque (dit également « AO PPE2 PV Bâtiment »). Là encore, alors que la puissance appelée totale était de 400 MWc, la puissance cumulée des 84 dossiers déposés s’élevait à 275 MWc, tandis que la puissance cumulée retenue par la CRE à travers les 50 projets lauréats s’élève seulement à 180 MWc.

Enfin, par une délibération du 25 juin 2024, également mise en ligne le 11 juillet 2024, ce sont les dossiers de candidature à la 7e période lauréats de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent implantées à terre (dit « AO PPE2 Eolien terrestre ») qui ont été retenus. Et à l’inverse des deux appels d’offres précédemment mentionnés, l’objectif de puissance appelée est atteint. En effet, alors que la puissance appelée était de 925 MW, la puissance cumulée des 73 dossiers déposés s’élevait à 1 564,2 MW. La CRE a décidé d’en retenir 48, pour une puissance cumulée de 925,9 MW.

Précision relative à l’obligation de création d’une régie en matière d’autoconsommation collective

Un arrêté en date du 10 juillet 2024 a fixé à 1 MW le seuil en deçà duquel les collectivités mettant en œuvre des opérations d’autoconsommation collective sont dispensées de créer une régie. En effet, par principe, les collectivités territoriales et leurs groupements ont l’obligation de constituer une régie, dotée de la personnalité morale ou de la seule autonomie financière, pour l’exploitation directe d’un service public industriel et commercial (article L1412-1 CGCT 1er alinéa).

Toutefois, la loi dite « APER » du 10 mars 2023 a créé une dérogation à l’obligation de créer un budget annexe pour les opérations d’autoconsommation individuelle et collective qui figure désormais à l’article L. 1412-1 dernier alinéa du CGCT. Mais cette disposition renvoyait à un arrêté le soin de fixer un seuil maximal permettant de bénéficier de cette dérogation.

Tel est l’objet de l’arrêté du 10 juillet 2024 qui fixe ledit seuil à 1MW. Il s’agit d’un seuil cumulé par collectivité tenant donc compte de l’ensemble des opérations d’autoconsommation collective mises en œuvre.

Dissipons les zones d’ombre de la solarisation des parcs de stationnement

Projet de décret portant application de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables NOR : TREL2412698D

Les parcs de stationnement extérieurs doivent, sous conditions, être équipés de dispositifs de production d’énergie renouvelable. Cette obligation vaut tant pour les parcs de stationnement à créer que pour les parcs de stationnement existants.

Le cadre juridique relatif à la solarisation des parcs de stationnement extérieurs se caractérise par sa complexité du fait de son éclatement entre plusieurs dispositions législatives. Afin de déterminer si un parc de stationnement est soumis à l’obligation de solarisation, il convient ainsi à la fois de se référer au Code de l’urbanisme, au Code de la construction et de l’habitation et à l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Les évolutions législatives, permettant de comprendre l’actuelle répartition entre les Codes, peuvent être résumées en trois temps :

1. Obligation de solariser les toitures des nouvelles constructions et possibilité de réaliser cette obligation sur les ombrières surplombant les aires de stationnement associées à ces nouvelles constructions[1] ;

2. Obligation d’équiper les nouveaux parcs de stationnement, associés ou non à des constructions de bâtiments, de dispositifs d’ombrage[2] ;

3. Obligation de solariser les parcs de stationnement existants[3].

Ainsi, en application de ces différentes dispositions et sous réserve de certaines surfaces couvertes, les parcs de stationnement extérieurs, existants ou à construire, devront être équipés d’ombrières dotées de dispositifs de production d’énergie renouvelable. Deux régimes cohabitent selon l’existence ou non, au 1er juillet 2023, du parc de stationnement concerné[4]. Le présent focus traitera ainsi des points suivants :

  • Parcs de stationnement soumis à l’obligation d’ombrage ou de solarisation (I) ;
  • Modalités de calcul de la superficie à prendre en compte (II) ;
  • Exceptions à l’obligation de solarisation (III) ;
  • Entrée en vigueur de l’obligation (IV) ;
  • Sanctions en cas de non-respect de l’obligation (V).

I. Les parcs de stationnement concernés par les obligations d’ombrage ou de solarisation

I.1. Les parcs de stationnement soumis à l’obligation d’ombrage

Aux termes de l’article L. 111-19-1 du Code de la construction et de l’habitation, les nouveaux parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 mètres carrés devront être équipés de dispositifs d’ombrage sur au moins la moitié de leur surface. Cette obligation d’ombrage peut être remplie par l’intégration de dispositifs végétalisés ou d’ombrières. L’article précité dispose en effet que ces parcs de stationnement « doivent […] intégrer des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à l’ombrage desdits parcs sur au moins la moitié de leur surface ». Les parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 mètres carrés concernés par l’obligation prévue par l’article L. 111-19-1 précité sont les suivants :

  • Les nouveaux parcs de stationnement ouverts au public[5] dont l’autorisation d’urbanisme est postérieure au 1er janvier 2024[6];
  • Les parcs de stationnement faisant l’objet de travaux dont l’autorisation d’urbanisme ou la date d’acceptation des devis ou de passation des contrats relatifs aux travaux est postérieure au 1er janvier 2024 :
  • et qui peuvent être qualifiés de rénovation lourde[7], c’est-à-dire ceux dont le revêtement de surface est remplacé en totalité sur plus de la moitié de sa superficie[8];
  • ou bien dont la somme des superficies faisant l’objet d’un remplacement total du revêtement de surface au sol, entrepris sur une période de quinze ans, est supérieure à la moitié de la superficie totale[9];
  • Les parcs de stationnement faisant l’objet d’un nouveau contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial portant sur leur gestion, ou d’un renouvellement dudit contrat[10].

I.2. Les parcs de stationnement soumis à l’obligation de solarisation

L’article 40 de la loi APER a considérablement élargi l’obligation précédemment exposée. D’abord, elle a mué l’obligation d’ombrage en obligation de solarisation, de sorte que le gestionnaire du parking n’a plus le choix entre les deux possibilités ci-avant exposées mais doit nécessairement équiper ledit parc de stationnement d’ombrières dotées de panneaux photovoltaïques. Ensuite, elle a étendu l’obligation aux parcs existants et aux nouveaux parcs qui ne sont pas concernés par les articles L. 111-19-1 et L. 171-4 précités mais elle ne concerne que les parcs de stationnement d’une superficie supérieure à 1.500 mètres carrés.  L’article 40 de la loi APER dispose :

« Les parcs de stationnement extérieurs d’une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés sont équipés, sur au moins la moitié de cette superficie, d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables sur la totalité de leur partie supérieure assurant l’ombrage. ».

Des commentateurs ont pu s’inquiéter de la soumission des nouveaux parcs à la fois aux articles L. 111-19-1 et L. 171-4 et à l’article 40 de la loi APER[11]. Toutefois, l’article 40 ne concerne pas les parcs de stationnement soumis aux articles L. 111-19-1 et L. 171-4 puisque son III. dispose : « sans préjudice de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation ».

Cette exclusion est commentée par les travaux parlementaires, qui apportent une précision utile :

« Cette dernière précision permet d’intégrer au dispositif les nouveaux parcs de stationnement extérieurs de plus de 2500 mètres carrés [devenus 1500 mètres carrés dans la version de la loi APER finalement adoptée] qui ne sont pas ouverts au public (lesquels ne sont pas couverts par la rédaction actuelle de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme) ou qui ne sont pas associés aux bâtiments ou parties de bâtiment auxquels s’applique l’obligation prévue à l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation. ».[12]

Ainsi, aux termes du III. de l’article 40 précité[13], sont concernés par l’obligation de solarisation, dans la mesure où ils ont une superficie supérieure à 1.500 mètres carrés :

  • Les parcs de stationnement existants au 1er juillet 2023 ;
  • Les parcs de stationnement dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à compter du 10 mars 2023 ;
  • Les nouveaux parcs de stationnement extérieurs dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée après le 1er juillet 2023, autres que ceux entrant dans le champ d’application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation ou de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme.

II. Les modalités de calcul de la superficie à prendre en compte

Les textes d’application des articles L. 111-19-1 et L. 171-4 ont apporté des précisions sur la superficie à prendre compte pour déterminer si un parc de stationnement est concerné par l’obligation d’ombrage. Le projet de décret d’application de l’article 40 de la loi APER reprend les mêmes conditions pour déterminer si un parc de stationnement est soumis à l’obligation de solarisation. La superficie à prendre en compte pour déterminer si le parc de stationnement est concerné par l’obligation d’installer un dispositif d’ombrage est prévue par l’article R. 111-25-7 du Code de l’urbanisme qui prévoit que seront pris en compte pour calculer les 500 mètres carrés prévus :

« 1° Les emplacements destinés au stationnement des véhicules et de leurs remorques, situés en dehors de la voie publique, au sein d’un périmètre compris entre la ou les entrées et la ou les sorties du parc ;

2° Les voies et les cheminements de circulation, les aménagements et les zones de péage permettant l’accès à ces emplacements, au sein d’un périmètre compris entre la ou les entrées et la ou les sorties du parc. ».

L’article précité ajoute que les « espaces verts, les espaces de repos, les zones de stockage, les espaces logistiques, de manutention et de déchargement » ne doivent pas être pris en compte pour le calcul des 500 mètres carrés.

Le projet de décret reprend exactement la même définition mais ajoute des espaces à la liste de ceux qui ne doivent pas être pris en compte. Il envisage par ailleurs de modifier l’article R. 111-25-7 précité afin d’unifier les définitions. Ainsi, sous réserve d’une adoption conforme du décret, ne seront pas non plus pris en compte dans la définition de la superficie « les parties des aires routières de stationnement définies par un arrêté conjoint des ministres chargés du Transport des marchandises dangereuses, des installations classées, de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie et qui constituent des parcs de stationnement au sens de l’article R. 111-25-1, en raison de l’impossibilité de ne pas aggraver un risque technologique ».

Par ailleurs, concernant spécifiquement les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER, le législateur a prévu une possibilité de mutualisation pour les parcs de stationnement adjacents, précisé par le projet de décret. Le troisième alinéa de l’article 40 dispose :

« Lorsque plusieurs parcs de stationnement sont adjacents, les gestionnaires peuvent, d’un commun accord dont ils peuvent attester, mutualiser l’obligation mentionnée au même premier alinéa sous réserve que la superficie des ombrières réalisées corresponde à la somme des ombrières devant être installées sur chacun des parcs de stationnement concernés. ».

III. Les exceptions aux obligations d’ombrages et de solarisation

L’obligation d’installer un dispositif d’ombrage sur les parcs de stationnement de plus de 500 mètres carrés est grevée de nombreuses exceptions. Visées de manière générale par l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme, ces exceptions ont été détaillées par le décret n° 2023-1208 du 18 décembre 2023.

L’obligation d’installer des ombrières dotées de panneaux photovoltaïques sur les parcs de stationnement de plus de 1.500 mètres carrés fait également l’objet de nombreuses exceptions. Listées par l’article 40 de la loi APER, modifié par l’article 23 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, ces exceptions sont détaillées par le projet de décret d’application de l’article 40 précité. Force est de constater que ces exceptions sont largement similaires à celles prévues par le décret n° 2023-1208 précité.

En outre, si le projet de décret prévoit de nouvelles exceptions pour l’obligation article 40, il convient de souligner qu’il opère également une modification des articles du Code de l’urbanisme relatifs aux exceptions visées par l’article L . 111-19-1 du Code de l’urbanisme de sorte que de nouvelles exceptions s’y appliqueraient également.

En premier lieu, concernant les obligations en vigueur applicables aux parcs de stationnement soumis à l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme, seront invocables les exceptions suivantes :

  • La présence d’arbre à canopée large, répartis sur l’ensemble du parc, à raison d’un arbre pour trois emplacements[14];
  • Des contraintes techniques liées à la nature du sol, telles que la composition géologique ou l’inclinaison de celui-ci[15];
  • L’impossibilité technique de ne pas aggraver, en conséquence d’une telle installation, un risque naturel, technologique ou relatif à la sécurité civile[16];
  • Des contraintes techniques liées à l’usage du parc de stationnement, le rendant incompatible avec une telle installation[17];
  • Lorsque l’installation de chacun de ces dispositifs est impossible au motif que les coûts totaux hors taxes des travaux engendrés par ces obligations compromettent la viabilité économique du propriétaire du parc[18].

Concernant plus spécifiquement l’installation d’ombrières dotées de dispositifs de production d’énergie renouvelable, pourront être exemptés :

  • Les parcs de stationnement implantés aux abords d’un monument historique, dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de l’environnement, à l’intérieur du cœur d’un parc national délimité en application de l’article L. 331-2 du même Code[19];
  • Les parcs de stationnement pour lesquels il est démontré qu’une telle installation est impossible en raison de contraintes techniques ou d’un ensoleillement insuffisant engendrant des coûts d’investissement portant atteinte de manière significative à la rentabilité de cette installation[20];
  • Les parcs de stationnement pour lesquels il est démontré qu’une telle installation est impossible en raison des coûts totaux hors taxes des travaux engendrés par cette obligation qui s’avèrent excessifs[21].

L’ensemble des méthodes de détermination des coûts excessifs de l’installation d’ombrière photovoltaïque a été fixé par l’arrêté du 5 mars 2024 portant application du décret n° 2023-1208 du 18 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation et de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme régissant les parcs de stationnement, auquel nous renvoyons.

Enfin, de manière plus générale, ne sera pas soumis à l’obligation d’ombrage le parc de stationnement pour lequel il est démontré que l’installation des dispositifs d’ombrage est impossible en raison de la suppression ou de la transformation totale ou partielle prévue de ce parc, pour laquelle une première autorisation d’urbanisme a été délivrée avant le 1er juillet 2023[22].

En second lieu, le projet de décret prévoit les mêmes exceptions pour les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER. De plus, le projet de décret ajoute de nouvelles exceptions, concernant à la fois les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la APER (article 3 à 10 du projet de décret), et les parcs de stationnement soumis à l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme en modifiant les articles R. 111-25-3 et suivants du Code de l’urbanisme. Sous réserve que le projet de décret soit adopté sans modification, pourront ainsi être exemptés de l’obligation d’ombrage ou de l’obligation de solarisation :

  • Les parcs où stationnent des véhicules transportant des marchandises dangereuses et les installations classées soumises à autorisation, enregistrement ou déclaration en application du livre V du Code de l’environnement[23];
  • Les parcs où stationnent des véhicules motorisés dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes[24].

Par ailleurs, l’article 8 du projet de décret et l’article R. 111-25-14 du Code de l’urbanisme modifié par ce même projet apportent une précision utile pour pouvoir conclure au caractère excessif du coût des travaux pour déroger à l’obligation d’ombrage ou de l’obligation de solarisation. Ainsi, « lorsque le gestionnaire du parc de stationnement est soumis ou se conforme à une obligation légale ou réglementaire, ou qu’il a recours à un appel d’offre en application de l’article L.2124-2 du Code de la commande publique ou d’un appel à manifestation d’intérêt en application de l’article L. 2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ayant pour objet l’organisation d’une procédure de sélection préalable pour la mise en œuvre de l’obligation d’installation des dispositifs mentionnés au I de l’article 1er, la déclaration sans suite de la procédure lorsque cette dernière s’est révélée infructueuse présume du caractère excessif du coût des travaux. Une procédure est considérée comme infructueuse en l’absence de réponse, ou en présence d’offres inacceptables au sens de l’article L. 2152-3 du Code de la commande publique ».

Enfin, concernant spécifiquement les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER, le gestionnaire de ces parcs pourra être exempté de l’obligation de solarisation s’il y installe des procédés de production d’énergies renouvelables ne requérant pas l’installation d’ombrières, sous réserve que ces procédés permettent une production équivalente d’énergies renouvelables[25].

En troisième lieu, le propriétaire du parc de stationnement devra justifier de sa demande d’exception à l’occasion de sa demande d’autorisation d’urbanisme. La demande devra comprendre tous les éléments qu’il estime nécessaire de produire ainsi qu’un résumé non technique[26]. Concernant les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER, le gestionnaire devra en plus fournir une étude technico-économique[27].

En quatrième lieu, le projet de décret mettra un terme à une difficulté qui avait pu naitre au sujet de la contradiction entre l’obligation d’ombrage et les règles du plan local d’urbanisme applicable à la zone.

Si le projet de décret est adopté en l’état, un nouvel article R. 111-25-20 sera inséré dans le Code de l’urbanisme et prévoira que « les règles des plans locaux d’urbanisme, notamment celles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions, ne constituent pas des contraintes au sens de l’article L. 111-19-1. Leur application ne peut avoir pour effet d’empêcher l’installation des dispositifs qu’il mentionne ou de réduire l’étendue des obligations qui y est inscrite ». Le II. de l’article 3 du projet de décret prévoit la même disposition pour les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER.

IV. L’entrée en vigueur des obligations

Concernant les nouveaux parcs de stationnement de plus de 500 mètres carrés, soumis aux dispositions des articles L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme et L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation précités, l’obligation est entrée en vigueur le 1er janvier 2024, date d’entrée en vigueur des dispositions réglementaires codifiées par le décret n° 2023-1208 précité. Aussi, tous les parcs de stationnement répondant aux conditions prévues par les articles L. 171-4 et L. 111-19-1, tels que présentés au I.1. ci-dessus, dont l’autorisation d’urbanisme est postérieure au 1er janvier 2024, sont soumis à l’obligation d’ombrage.

Concernant les parcs de stationnement soumis à l’article 40 de la loi APER, c’est-à-dire pour rappel, les parcs de stationnement existant au 1er juillet 2023, les parcs de stationnement dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été émise entre le 10 mars 2023 et le 1er janvier 2024, et les nouveaux parcs n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 171-4 et L. 111-19-1 (les parcs de plus de 1.

 

500 mètres carrés non associés à un bâtiment ou non ouverts au public), les règles d’entrée en vigueur sont prévues par le III. de l’article 40 de la loi APER. Aux termes de ce III. :

« III.-Sans préjudice de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, le I du présent article s’applique aux parcs de stationnement extérieurs existant au 1er juillet 2023 et à ceux dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à compter de la promulgation de la présente loi :

1° Lorsque le parc de stationnement extérieur est géré en concession ou en délégation de service public, à l’occasion de la conclusion d’un nouveau contrat de concession ou de délégation ou de son renouvellement. Si la conclusion ou le renouvellement de la concession ou de la délégation intervient avant le 1er juillet 2026, le même I entre en vigueur à cette date. Si la conclusion ou le renouvellement de la concession ou de la délégation intervient après le 1er juillet 2028, ledit I entre en vigueur le 1er juillet 2028 ;

2° Lorsque le parc de stationnement extérieur n’est pas géré en concession ou en délégation de service public, le 1er juillet 2026 pour les parcs dont la superficie est égale ou supérieure à 10 000 mètres carrés, et le 1er juillet 2028 pour ceux dont la superficie est inférieure à 10 000 mètres carrés et supérieure à 1 500 mètres carrés. ».

On retiendra donc que, outre le cas particulier des parcs de stationnement gérés en concession ou en délégation de service public, l’obligation de solarisation devra être accomplie :

  • Le 1er juillet 2026 pour les parcs d’une superficie supérieure ou égale à 10.000 mètres carrés ;
  • Le 1er juillet 2028 pour les parcs d’une superficie supérieure à 1.500 mètres carrés.

Enfin, un délai supplémentaire pourra être accordé par le préfet de département lorsque le gestionnaire du parc de stationnement justifie que les diligences nécessaires ont été mises en œuvre pour satisfaire à ses obligations dans les délais impartis mais que celles-ci ne peuvent être respectées du fait d’un retard qui ne lui est pas imputable[28].

V. Sur les sanctions encourues

Le gestionnaire du parc de stationnement qui n’aurait pas respecté les obligations issues de l’article 40 de la loi APER pourrait se voir infliger une sanction pécuniaire. Aux termes du V. de l’article 40 précité :

« En cas de méconnaissance des obligations prévues au I du présent article, l’autorité administrative compétente prononce à l’encontre du gestionnaire du parc de stationnement concerné, chaque année et jusqu’à la mise en conformité dudit parc, une sanction pécuniaire dans la limite d’un plafond de 20.000 euros si le parc est d’une superficie inférieure à 10.000 mètres carrés et de 40.000 euros si le parc est d’une superficie supérieure ou égale à 10.000 mètres carrés. ».

En définitive, de nombreuses exceptions permettront aux gestionnaires de parcs de stationnement d’éviter la solarisation forcée de leurs parcs.

On soulignera néanmoins que la logique du législateur, qui tend à promouvoir le développement des énergies renouvelables, pourrait rejoindre l’intérêt des gestionnaires des parcs de stationnement, l’installation d’ombrières pouvant être positivement perçue comme une opportunité pour, à moyen terme, réduire les coûts d’exploitation des parcs de stationnement en consommant une électricité produite localement.

 

Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Simon Ollic

 

[1] Article 47 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2] Article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[3] Article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER

[4] Article 40 III. de la loi APER précitée

[5] Article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme

[6] Article 4 du décret n° 2023-1208 du 18 décembre 2023

[7] Article L. 171-4-1 du Code de l’urbanisme

[8] Article R. 111-25-2 du Code de l’urbanisme

[9] Article R. 111-25-2 du Code de l’urbanisme

[10] Point V. de l’article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021

[11] Les commentaires déposés à l’occasion de la consultation du public sur le projet de décret portant application de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

[12] Rapport n° 82, première lecture au Sénat, Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 26 octobre 2022

[13] Le III. de l’article 40 de la loi APER dispose : « III.-Sans préjudice de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, le I du présent article s’applique aux parcs de stationnement extérieurs existant au 1er juillet 2023 et à ceux dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à compter de la promulgation de la présente loi ».

[14] Article R. 111-25-8 du Code de l’urbanisme

[15] Article R. 111-25-9 du Code de l’urbanisme

[16] Article R. 111-25-9 du Code de l’urbanisme

[17] Article R. 111-25-9 du Code de l’urbanisme

[18] Article R. 111-25-12 du Code de l’urbanisme

[19] Article R. 111-25-10 du Code de l’urbanisme

[20] Article R. 111-25-11 du Code de l’urbanisme

[21] Article R. 111-25-14 du Code de l’urbanisme

[22] Article R. 111-25-16 du Code de l’urbanisme

[23] Article 3 du projet de décret et article R. 111-25-9 modifié

[24] Article 3 du projet de décret et article R. 111-25-9 modifié

[25] Article 40 I. de la loi APER et article 2 de son projet de décret d’application

[26] Article R. 111-25-19 du Code de l’urbanisme

[27] Article 11 du projet de décret

[28] Cette possibilité de report est prévue par le cinquième alinéa du III. de l’article 40 de la loi APER. Par ailleurs, un projet de décret est en consultation sur le sujet : https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/consultation-du-public-sur-le-projet-de-decret-a3049.html

Décret du 10 juillet 2024 : allongement du délai d’inhumation ainsi que de crémation et autres mesures de simplification dans le domaine funéraire

Est paru au Journal officiel du 11 juillet 2024 un décret portant diverses mesures administratives dans le domaine funéraire. Parmi celles-ci, l’allongement des délais d’inhumation et de crémation des défunts.

En sa version antérieure, l’article R. 2213-33 du CGCT prévoyait que l’inhumation d’un corps ou son dépôt dans un caveau provisoire devait avoir lieu entre 24 heures et 6 jours après le décès de la personne, l’entrée de sa dépouille en France métropolitaine (en cas de décès dans une collectivité d’outre-mer, en Nouvelle Calédonie ou à l’étranger) ou en cas de problème médico-légal, de la délivrance de l’autorisation d’inhumation.

Le décret ici commenté prévoit désormais un délai maximal de 14 jours pour ce faire. On notera que le texte instaure également la possibilité pour le préfet, en cas de circonstances locales particulières, de déroger à ce délai de principe pendant une durée maximale d’un mois. Le délai d’inhumation dérogatoire ne peut alors être supérieur à 21 jours. Le même régime est prévu par le décret à l’article R. 2213-35 pour les délais de crémation. Ainsi que l’indique la notice du décret, cet allongement intervient « afin de remédier à l’augmentation croissante des demandes de dérogation à ces délais, déposées auprès des préfectures, fondées tant sur des causes conjoncturelles, comme des épisodes de surmortalité constatés à certaines périodes, que des causes structurelles, telles que l’accroissement des demandes de crémation auxquelles les crématoriums ne peuvent pas toujours faire face ».

Le décret du 11 juillet 2024 ouvre par ailleurs l’utilisation d’autres procédés que la gravure sur les plaques des cercueils (pourvu qu’ils garantissent le caractère durable des inscriptions) et modifie en ce sens l’article R. 2213-20 du CGCT. Les informations devant figurer sur le cercueil demeurent en revanche inchangées (l’année de décès et, s’ils sont connus, l’année de naissance, le prénom, le nom de famille et, s’il y a lieu, du nom d’usage du défunt). En outre, le texte permet de procéder à la fermeture des cercueils par d’autres techniques que les cachets de cire anciennement imposés (article R. 2213-45 du CGCT).

Il complète enfin les fondements juridiques des compétences du préfet de police de Paris en matière d’autorisation de dérogation au délai d’inhumation et de crémation et rectifie une référence à un article du Code général des collectivités territoriales dans le décret n° 2015-1459 du 10 novembre 2015.

Le service de la gestion des crématoriums est-il un service public industriel et commercial ?

C’est à l’occasion d’un contentieux portant sur la mise à la retraite litigieuse d’un agent communal que s’est posé la question, inédite devant les tribunaux, de la qualification du service public de gestion des crématoriums.

Le 23 mai 2018, M. A, assistant funéraire affecté au crématorium de Cornebarrieu, a saisi le conseil des prud’hommes de Toulouse afin d’obtenir la résiliation du CDI qui le lie en cette qualité à la régie communale des pompes funèbres de Toulouse. En cours d’instance et par arrêté du 3 juillet 2018, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et radié des cadres à compter du 25 juin 2018. M.A a alors demandé devant la juridiction prud’homale la requalification de cette mise à la retraite en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes. Le conseil des prud’hommes de Toulouse a rejeté la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de ce litige par un jugement du 11 mai 2021, infirmé sur ce point par un arrêt du 14 juin 2022 de la Cour d’appel renvoyant les parties devant le conseil des prud’hommes. La Cour de cassation a alors été saisie d’un pourvoi en cassation de la commune de Toulouse contre cet arrêt soutenant la compétence des juridictions administratives. Par un arrêt du 6 mars 2024, la haute juridiction a renvoyé cette question de compétence au Tribunal des Conflits.

La question posée au Tribunal des Conflits est donc celle de la nature administrative ou industrielle et commerciale du service public concerné par le contrat de travaux de M.A. En effet, les contrats conclus entre le gestionnaire d’un service public industriel et commercial (SPIC) avec un agent sont en principe des contrats de droit privé alors que ceux conclus avec la personne publique gérant un SPA sont en principe administratifs. Et c’est de cette distinction découle l’ordre de juridiction compétent pour connaître des litiges dont ils font l’objet. Mais quel est le service public faisant l’objet du contrat de travail en cause ? Le service extérieur des pompes funèbres (ci-après SEPF), lequel comprend notamment la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques et aux crémations (article L. 2223-19 8° du CGCT) ? ou le service de création et de gestion des crématoriums (article L. 2223-40 du CGCT), auquel participe d’ailleurs ces prestations du SEPF ?

Les deux, semble considérer le Tribunal des Conflits, qui qualifie tour à tour la nature juridique de ces deux services publics pour trancher la question de compétence dont il est saisi. Il rappelle à ce titre que le SEPF, dont les prestations sont ici assurées par la régie en cause ayant employé M.A est un service public industriel et commercial. Cette qualification avait déjà été posée par un avis du Conseil d’Etat du 19 décembre 1995[1] « eu égard à l’origine de ses ressources, constitués par les prix acquittés par les familles en paiement des prestations assurées, et aux modalités de son fonctionnement, marquées par la pluralité des intervenants publics ou privés agissant dans le cadre de la loi précitée du 8 janvier 1993 ». En effet depuis la loi susvisée, et ainsi que le prévoit l’article L. 2223-19 du CGCT, le SEPF est un service public facultatif et concurrentiel :

  • D’une part, la commune ou l’EPCI territorialement compétent en matière de service extérieur des pompes funèbres peut décider de l’instituer/l’organiser ou non (et alors de le laisser à l’initiative privée des opérateurs funéraires) ;
  • D’autre part, qu’elles décident ou non de s’en emparer, ces communes et EPCI (et leurs régies ou délégataires) ne bénéficient d’aucun droit d’exclusivité pour fournir les prestations du service extérieur des pompes funèbres, celui-ci pouvant être directement exploité par tout opérateur privé dûment habilité.

A l’inverse, le service de création et de gestion des crématoriums est un service public exclusivement placé sous le giron des communes et intercommunalités compétentes (leur gestion pouvant être assurée directement notamment par une régie ou de façon déléguée dans le cadre d’une DSP). Pour autant le Tribunal des Conflits considère, sans le justifier plus avant, que le service de la gestion des crématoriums dont est ici aussi chargée la régie des pompes funèbres de Toulouse est également un SPIC sans que son caractère exclusivement communal ne puisse y faire obstacle. Une circulaire du 12 décembre 1997 avait indiqué en ce sens qu’ « eu égard à l’origine de ses ressources constituées par des redevances acquittées par les familles » l’activité des crématoriums doit être considérée comme un SPIC « lorsqu’elle organisée en régie ». Et ce, à l’exclusion des prestations du service financées par les recettes provenant du budget général de la commune.

Le Tribunal s’inscrit donc dans le prolongement de cette interprétation, sans pour autant préciser s’il cantonne également cette qualification au cas où la gestion du crématorium est confiée à une régie ou à une régie en charge du SEPF. Sur la base de cette qualification d’espèce, le Tribunal des Conflits considère que M. A est lié à la commune de Toulouse par un contrat de droit privé et que le litige en cause relève par conséquent de la juridiction judiciaire.

Cette jurisprudence, qui à notre connaissance est la première à revenir sur la qualification du service de gestion des crématoriums méritera d’être complétée à l’avenir.

 

[1] Conseil d’Etat, avis n° 558.102 du 19 décembre 1995