Condamnation de la France pour manquement à la directive 91/271/CEE sur le traitement des eaux urbaines résiduaires

Par un arrêt du 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») a condamné la France pour avoir méconnu les obligations découlant de la directive 91/271/CEE du sur le traitement des eaux urbaines résiduaires, à la suite d’une procédure introduite par la Commission européenne à partir d’octobre 2017.

Cette directive, qui concerne les « eaux urbaines résiduaires », c’est-à-dire les « eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement », instaure une obligation de traitement secondaire de ces eaux avant leur rejet.

Or selon la Commission, en 2017, 373 agglomérations françaises soumises à l’obligation de traitement secondaire pour leurs eaux urbaines résiduaires ne respectaient pas cette obligation.

La CJUE a reconnu la méconnaissance de la directive pour 78 agglomérations à date de l’arrêt commenté. En effet, « la République française aurait dû s’assurer […] que les stations d’épuration desservant les agglomérations concernées […] soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées et, d’autre part, que leurs rejets soient conformes aux prescriptions […] » fixées par la directive.

Augmentation en vue du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement par Michel Barnier, alors ministre de l’Environnement, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) est destiné à soutenir le financement les mesures de protection et de prévention des biens et personnes exposées aux risques naturels, pour les collectivités, les entreprises et les particuliers.

Dans le cadre de son discours de politique générale, prononcé devant l’Assemblée Nationale le 1er octobre 2024, Michel Barnier – cette fois en tant que Premier ministre – a annoncé vouloir « […] augmenter les moyens dont il est doté » dans le cadre du prochain projet de loi de finances, le fond étant rattaché au budget de l’État depuis 2021. Il poursuit en indiquant « […] que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation… ».

Cette potentielle augmentation intervient à la suite d’une transformation de son fonctionnement et de son étendue intervenue en 2021 ainsi qu’une évolution de ses modalités de financement en 2023.

Projet d’arasement de barrage : le changement d’affectation d’un bien à l’origine de la perte du droit d’eau fondé en titre

La question des droits d’eau fondés en titre a été largement précisée par la jurisprudence administrative mais reste source de nombreuses incertitudes. Dans une décision en date du 17 septembre 2024, le Conseil d’État annule une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Besançon, en précisant en quoi un droit d’eau fondé en titre peut se perdre par changement de destination de l’immeuble y étant rattaché.

Pour mémoire, les droits ou prises d’eau fondés en titre sont des droits réels immobiliers, correspondant alternativement aux « […] prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux […] », aux « […] prises d’eau sur des cours d’eau domaniaux fondées sur des droits acquis antérieurement à l’édit de Moulins […] » ainsi qu’aux « […] prises d’eau exploitées en vertu de droits acquis dans le cadre de la vente de biens nationaux […] » (T. conflits, 8 juin 2020, n° C4190).

En l’espèce, le contentieux portait sur un arrêté préfectoral du 30 avril 2024 accordant une autorisation environnementale à l’EPAGE Doubs Dessoubre, pour la réalisation de travaux d’arasement sur un barrage en vue de restaurer la continuité piscicole et morphologique du cours d’eau.

Des particuliers, revendiquant la propriété d’une moitié dudit barrage, ont exercé un référé liberté auprès du Tribunal administratif de Besançon en invoquant une atteinte à « […] leur droit d’usage de l’eau fondé en titre, mais aussi à leur droit de propriété sur cet ouvrage […] ». Ils demandaient ainsi la suspension des travaux d’arasement. Le tribunal a fait droit à leur demande par une ordonnance de référé du 23 août 2024 (Tribunal administratif de Besançon, n° 2401559).

Le Conseil d’État a annulé cette ordonnance. Il rappelle que le droit d’eau, en tant que droit réel immobilier, est distinct du droit de propriété. Il poursuit son raisonnement en jugeant que le droit d’eau fondé en titre avait disparu, « […] ayant été perdu à raison du changement d’affectation de ce bâtiment [devenu immeuble d’habitation] et de la disparition définitive de l’ensemble de ses installations destinées à utiliser la pente et le volume de l’eau qui en est résulté […] ». Les requérants « ne peuvent dès lors se prévaloir d’un tel droit », quel que soit l’état du cours d’eau et du bief d’alimentation.

Par ailleurs, l’atteinte au droit de propriété invoqué par les requérants au titre de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement ne pouvait être établi pour le juge administratif, la berge constituant la rive droite du cours d’eau n’appartenant pas à la propriété des requérants.

Cette décision précise encore le régime des droits d’eau fondés en titre, dans la lignée d’une décision antérieure du Conseil d’État, rendue le 24 avril 2019 (CE, ministre de la Transition Ecologique, n° 420764) laquelle avait apporté des précisions quant à la notion de ruine de l’ouvrage, autre facteur susceptible d’anéantir le droit d’eau fondé en titre.

Un projet éolien se heurte aux mégalithes bretons

Plusieurs centaines de sites mégalithiques grêlent les paysages de Bretagne. Leur préservation, ainsi que celle de leur environnement, impactent nécessairement la mise en place de certains projets, comme en témoigne la décision en date du 1er octobre 2024, par laquelle la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’autorisation environnementale relative à un projet d’implantation de trois d’éoliennes d’une hauteur de 120 mètres, à raison des incidences qu’elles occasionneraient sur le paysage et le patrimoine archéologique du site retenu.

Le Préfet du Finistère avait accordé, par arrêté du 28 juillet 2022, une autorisation environnementale à une société pour l’installation et l’exploitation de trois éoliennes. Deux associations ont alors saisi la Cour administrative d’appel de Nantes, au regard notamment de l’insuffisance de l’étude d’impact et des risques d’atteinte à la protection des paysages et des éléments du patrimoine archéologique environnant. Pour rappel, les Cours administratives d’appel sont compétentes en matière de contentieux des éoliennes terrestres en premier et dernier ressort (article R. 311-5 du Code de justice administrative).

La Cour s’est fondée sur deux points pour annuler l’arrêté portant autorisation environnementale délivré par le Préfet du Finistère.

D’une part, elle se fonde sur une « atteinte excessive au paysage particulièrement préservé de l’Aber Ildut », à l’aplomb du lieu d’implantation du projet. En effet, la zone envisagée est un espace à proximité de la côte, laquelle donne sur le Parc marin naturel d’Iroise. C’est par ailleurs, « un paysage très ouvert et dégagé dans lequel chaque élément vertical se détache à l’horizon et devient un point de repère important ».

D’autre part, c’est au regard de la proximité avec plusieurs sites mégalithiques que la Cour assoit sa décision, notamment à raison de la visibilité et de la co-visibilité des éoliennes depuis les sites mentionnés. L’architecte des bâtiments de France, deux communes avoisinantes ainsi que la commissaire-enquêtrice avaient d’ailleurs émis plusieurs avis défavorables à ce titre. L’abaissement de la hauteur des éoliennes de 138 à 120 mètres n’a pas suffi à convaincre le juge administratif, lequel conclut que « le projet porte une atteinte excessive tant au paysage environnant qu’au patrimoine archéologique ».

La Cour rappelle ainsi la nécessaire prise en compte de l’environnement patrimonial et archéologique dans le choix du lieu d’implantation des projets éoliens.

Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : appréciation de la nécessité de soumettre un projet à autorisation au regard de la sensibilité des milieux

Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 1er octobre 2024 illustre la mise en œuvre de l’article L. 512-7-2 du Code de l’environnement dans le cadre d’un projet d’installation de méthanisation. Il témoigne également de la conciliation délicate entre production d’énergies renouvelables et protection de la biodiversité et des milieux.

Le projet litigieux a la capacité de traiter une « quantité de matières d’origine agricole et agro-industrielle de 90 tonnes par jour en moyenne ». En principe, ce type d’installation est soumis au régime de l’enregistrement au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ci-après « ICPE »).

L’article L. 512-7-2 du Code de l’environnement offre la possibilité au préfet de faire basculer un projet – soumis à enregistrement – vers la procédure de l’autorisation, impliquant la mise en œuvre d’une évaluation environnementale, soit « […] au regard de la localisation du projet […] la sensibilité environnementale du milieu le justifie », soit si « […] le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie […] ». L’appréciation de la sensibilité environnementale du milieu – retenue en l’espèce par le juge – est appréciée à l’aune des informations visées à l’annexe III de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, incluant par exemple une description du projet et des « effets importants que le projet proposé est susceptible d’avoir sur l’environnement ».

En l’espèce la quantité journalière moyenne de matière traitée se révèle « […] très proche de celle soumise à un régime d’autorisation de 100 tonnes par jour […] ». Au titre de la sensibilité environnementale du milieu, le juge souligne la proximité immédiate avec une ZNIEFF de type II et d’une zone humide, l’avis négatif du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel, la localisation du projet au sein du bassin versant d’un cours d’eau ou encore l’insuffisance des mesures de compensation prévues pour pallier la destruction d’une haie jouant le rôle de corridor écologique.

La Cour conclut en indiquant que « le préfet ne pouvait légalement estimer, tant au regard de la localisation du projet, de ses caractéristiques, que du type et des caractéristiques de son impact potentiel, que celui-ci ne présentait pas une sensibilité environnementale justifiant la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 512-7-2 du Code de l’environnement ».

Par ailleurs, une régularisation au titre de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement n’a pas été admise par le juge administratif qui a considéré que la disposition n’est pas applicable dans l’hypothèse d’une demande d’enregistrement instruite dans le cadre du régime de l’autorisation comme prévu à l’article L. 512-7-2 du Code de l’environnement.

Le CoRDiS rappelle les conditions dans lesquelles il prononce des mesures conservatoires

Par une décision en date du 6 septembre 2024, le Comité de Règlement des Différends et Sanctions CoRDiS rappelle les conditions dans lesquelles il peut être saisi d’une demande de mesures conservatoires.

Celles-ci sont posées par les articles L. 134-22 et R. 134 -18 du Code de l’énergie, aux termes desquels de telles mesures peuvent être sollicitées :

  • Si sur le plan procédural, cette demande est présentée accessoirement à une saisine du CoRDiS au fond, respectant les conditions de formes prévues aux articles R. 134-8 et R. 134-9 du Code de l’énergie ;
  • Si sur le fond, il existe une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès et l’utilisation aux réseaux, ouvrages et installations notamment liés au transport, au stockage et à la distribution d’énergies.

A ce deuxième titre, le CoRDiS précise que de cette appréciation doit résulter la constatation d’une situation d’urgence. Urgence suffisante pour justifier que les mesures conservatoires sollicitées soient prises afin de remédier à cette atteinte, et ce sans attendre l’examen au fond de la demande de règlement de différend (lequel intervient en principe dans un délai de deux mois).

Toute proportion gardée, cet examen pourrait sembler comparable à celui réalisé par le juge administratif pour apprécier la recevabilité de certaines procédures de référé dont il est saisi.

Des conditions qui semblent être appréciées tout aussi strictement par le CoRDiS.

En effet, dans cette affaire, celui-ci considère que de telles mesures conservatoires ne seraient pas justifiées malgré les divers refus opposés par la société Enedis et par le maire de la commune concernée à la demande de raccordement formulée par la requérante depuis plus de deux ans. Et ce, dès lors que le maire de la commune en cause a donné son accord pour qu’il soit procédé au raccordement provisoire de la parcelle concernée, bien que celui-ci ne présage en rien de l’instruction de sa demande de raccordement définitif.

Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) : la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) publie deux délibérations

CRE, Délibération du 25 septembre 2024 portant décision sur les modalités de calcul dans les TRVE 2025 des volumes non attribués du fait de l’écrêtement de l’ARENH

Au mois de septembre 2024, la CRE a publié deux délibérations en matière d’ARENH :

Ces modifications portées au modèle de cahier des charges en vigueur annexé à l’arrêté du 19 décembre 2023 permettent de mettre en cohérence ses stipulations avec les nouvelles dispositions concernant la répartition du complément de prix prévue par l’article 225 de la loi de finance pour 2024 dans le cadre du dispositif AREHN.

Elles permettent, d’autre part, en réintégrant certains paragraphes manquants dans le modèle d’accord-cadre et ces annexes, de corriger les erreurs matérielles que comportait la version adoptée sur la base l’arrêté susvisé.

  • Une deuxième délibération du 25 septembre 2024 apporte des précisions sur les modalités de calcul dans les TRVE 2025 des volumes non attribués du fait de l’écrêtement de l’ARENH :

Ainsi que nous le commentions dans une de nos précédentes Lettres d’Actualités Juridiques (disponible ici), la CRE a par une délibération du 22 septembre 2022 fait évoluer les modalités de prise en compte des coûts d’approvisionnement des volumes d’ARENH non attribués dans le calcul des TRVE de sorte à limiter la volatilité de ces tarifs.

Sur la base de ces évolutions, le calcul dans les TRVE de l’approvisionnement des volumes d’ARENH non attribués du fait de son écrêtement est pour l’année 2025 lissé sur trois mois, soit du 1er octobre 2024 au 23 décembre 2024 inclus.

Mais le taux d’attribution des volumes d’ARNH définitif ne pourra être connu au début de cette période de lissage (dès lors que son approvisionnement débute en amont du guichet ARENH qui se clôt le 21 novembre 2024). Il est donc nécessaire d’établir une hypothèse quant au taux d’attribution prévisionnel de l’ARENH retenu par la CRE pour le calcul du coût d’approvisionnement des volumes d’ARENH non attribués pour 2025 dans le calcul des TRVE.

C’est l’objet de la délibération de la CRE du 25 septembre 2024 qui fixe ce taux à 74,68 % pour l’année 2025.

Ce calcul tient compte des apports de l’arrêté du 27 juillet 2023 commenté ici, modifiant le coefficient de bouclage [taux déterminant la quantité théorique d’ARENH disponible pour les consommateurs français en l’absence d’écrêtement] pour les demandes d’ARENH effectuées sur les périodes de livraison commençant à compter du 1er janvier 2024.

Actualités réglementaires en matière de certificats d’économies d’énergies

Arrêté du 6 septembre 2024 modifiant le Coup de pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » du dispositif des certificats d’économies d’énergie

Projet de décret relatif à l’industrie verte modifiant l’article R. 221-7 du Code de l’énergie

Plusieurs arrêtés et un projet de décret ont récemment été publiés par le gouvernement afin de modifier le cadre réglementaire applicable aux certificats d’économies d’énergies.

En premier lieu, le ministre en charge de l’Energie a publié deux arrêtés relatifs à la modification, la suppression et la création de fiches d’opérations standardisées.

De première part, l’arrêté du 22 août 2024 a modifié les annexes 7 et 7-1 de l’arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie. Ainsi, le demandeur devra notamment indiquer dans cette attestation si le matériel a été installé par un tiers ou non.

L’arrêté du 22 août a par ailleurs :

  • Modifié les référentiels de contrôle relatifs aux fiches d’opérations standardisées BAR-TH-171 « Pompe à chaleur de type air/eau » et BAR-TH-172 « Pompe à chaleur de type eau/eau ou sol/eau » et à la fiche d’opération standardisée RES-EC-104 « Rénovation d’éclairage extérieur »
  • Supprimé la fiche d’opération standardisée BAT-TH-160 « Vannes de régulation étanches à servomoteurs économes (France métropolitaine) »

De seconde part, l’arrêté du 6 septembre 2024 opère également des modifications de fiches d’opérations standardisées donnant lieu à obtention de CEE. L’arrêté du 6 septembre 2024 :

  • supprime la fiche d’opération standardisée BAR-TH-145 « Rénovation globale d’un bâtiment résidentiel collectif (France métropolitaine) »
  • crée la fiche d’opération standardisée BAR-TH-177 « Rénovation globale d’un bâtiment résidentiel collectif (France métropolitaine) » ;
  • modifie le Coup de pouce « Rénovation performante d’un bâtiment résidentiel collectif » associé. Il crée le référentiel de contrôle relatif à la fiche BAR-TH-177.

En deuxième lieu, le ministre en charge de l’Energie a publié un projet de décret portant modification des articles R. 221-17 et R. 221-19 du Code de l’énergie.

Ce projet de décret est pris en application de l’article L. 221-7 du Code de l’énergie, modifié par l’article 24 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

La modification introduite par l’article 24 de la loi précitée avait pour but de permettre la délivrance de certificats d’économies d’énergie pour les opérations industrielles entraînant une baisse des émissions de gaz à effet de serre, notamment à la suite de relocalisations d’activité.

Le projet de décret modifierait l’article R. 221-17 du Code de l’énergie pour y introduire un alinéa disposant :

« Lorsqu’une opération d’économies d’énergie consiste en la création d’une nouvelle installation industrielle ou l’extension d’une installation industrielle existante, notamment à la suite d’une relocalisation d’activité, l’installation industrielle ou l’ensemble des installations industrielles de l’opération atteint, après travaux, un niveau de performance en termes de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre supérieur à celui associé à la situation de référence mentionnée à l’article R. 221-16. »

Ainsi, le décret propose de modifier l’article R. 221-17 du Code de l’énergie pour imposer, après création ou extension d’une installation industrielle, un niveau de performance supérieur en matière d’efficacité énergétique et de gaz à effet de serre.

La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) refuse de revoir les modalités d’évolution du tarif d’utilisation des réseaux publics d‘électricité pour 2024

Faisant suite à une demande du ministre en charge de l’Energie du 29 aout 2024[1], la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a, par une délibération du 10 septembre 2024, refusé de modifier ses deux délibérations du 26 juin 2024 portant évolution des grilles tarifaires du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité.

Pour rappel, le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (ci-après, TURPE) est un tarif payé par les utilisateurs des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité afin de financer les missions des gestionnaires de ces réseaux[2].

Le montant du TURPE est fixé par délibération de la CRE[3]. Par deux délibérations du 21 janvier 2021[4], la CRE a fixé le cadre tarifaire du TURPE dans le domaine de tension HTB (dit « TURPE 6 HTB ») et dans les domaines de haute tension A (HTA) et basse tension (BT) (dit « TURPE 6 HTA-BT »).

Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie, la CRE est chargée de prendre des décisions relatives à l’évolution tarifaire du TURPE. Le cadre tarifaire des délibérations TURPE 6 précitées prévoit également l’évolution annuelle du montant du TURPE

Par ses délibérations du 26 juin 2024[5], la CRE a fixé l’évolution tarifaire pour l’année 2024, applicable à compter du 1er août 2024.

Au motif que la hausse du TURPE proposée par la CRE « conduirait mécaniquement à une hausse du prix payé par de très nombreux consommateurs, aux TRVE comme en offres de marché » et que « ceux-ci ont déjà connu une augmentation importante et continue depuis 2022 dans le contexte sans précédent de hausse du prix des énergies, malgré les dispositifs de protection mis en place par le Gouvernement », le ministre en charge de l’Energie a refusé de publier les délibérations de la CRE au Journal officiel et demandé à la CRE d’établir un nouveau projet de décision relative à l’évolution des TURPE.

Par sa délibération du 10 septembre 2024 ici commentée, la CRE a rejeté la demande du Ministre en rappelant qu’elle détient une compétence exclusive pour fixer ces tarifs. La CRE a justifié sa décision comme suit :

« S’agissant de la construction du cadre tarifaire du TURPE 6, la CRE estime qu’elle a pleinement tenu compte, dans ses Délibérations TURPE 6 du 21 janvier 2021, des orientations de politique énergétique qui lui avaient été adressées par la Ministre. La CRE s’est en effet assurée que ces tarifs couvraient les coûts d’un gestionnaire de réseaux efficace et a mis en place des mécanismes d’incitation permettant des gains de productivité limitant la hausse des coûts des gestionnaires de réseaux et, par conséquent, de la facture des consommateurs. »

En outre, la CRE a exigé que ses délibérations soient publiées au Journal officiel et a différé leur entrée en vigueur au 1er novembre 2024, du fait de l’absence de publication de celles-ci au 1er août, date habituelle d’entrée en vigueur des révisions.

Un conflit de pouvoirs au grand jour. A suivre…

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[1] Nous avions commenté cette demande à l’occasion d’un précédent article, consultable au lien suivant : https://www.seban-associes.avocat.fr/le-ministre-de-leconomie-demande-a-la-commission-de-regulation-de-lenergie-de-revoir-les-modalites-devolution-du-turpe-6/

[2] Article L. 341-2 du Code de l’énergie

[3] Article L. 342-3 du Code de l’énergie

[4] Délibération n° 2021-12 de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE 6 HTB) et Délibération n° 2021-13 de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE 6 HTA-BT)

[5] Délibération n° 2024-121 de la CRE du 26 juin 2024 portant décision sur l’évolution au 1er août 2024 de la grille tarifaire des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans le domaine de tension HTB et sur le montant de la compensation à verser à Strasbourg Electricité Réseaux en application de l’article D. 341-11-1 du Code de l’énergie et Délibération n° 2024-122 de la CRE du 26 juin 2024 portant décision sur l’évolution de la grille tarifaire des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT au 1er août 2021 et sur l’évolution du paramètre Rf au 1er août 2024

Actualités en matière de production d’énergie renouvelable en mer

CRE, Délibération du 29 août 2024 portant avis sur deux projets de cahiers des charges relatifs à la procédure de mise en concurrence avec dialogue concurrentiel n° 2/2022 portant sur une installation d’éoliennes en mer posées de production d’électricité en Sud-Atlantique au large de l’île d’Oléron et à la procédure de mise en concurrence avec dialogue concurrentiel n° 3/2022 portant sur un second projet d’installation d’éoliennes en mer posées au large de la Normandie au sein de la zone « Centre Manche »

Par une première délibération n° 2024-167 du 19 septembre 2024, la Commission de Régulation de l’Energie ( CRE) a donné son avis sur un projet d’arrêté fixant les conditions du tarif d’achat de l’électricité produite par les installations flottantes utilisant l’énergie mécanique du vent en mer lauréates de l’appel à projets « Système énergétique – Villes et territoires durables » lancé le 4 mars 2020 par l’ADEME, tel que prévu au 7° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie.

Le projet France Atlantique, porté par la société Eolink, a été désigné lauréat à l’issue de cet appel à projets. Il s’agit d’un projet de démonstrateur d’éolienne flottante d’une puissance installée de 5 MW et composé d’un unique aérogénérateur présentant une structure à quatre mâts qui a pour objectif de démontrer la compétitivité et la faisabilité industrielle d’un concept innovant pour l’éolien flottant.

Le projet d’arrêté prévoit un tarif d’achat initial de 170 €/MWh (applicable à la prise d’effet du contrat d’achat), qui fera l’objet d’une indexation annuelle pendant toute la durée du contrat d’achat, via un coefficient d’indexation. Dans sa délibération, la CRE s’est assurée que le tarif prévu dans l’arrêté ne conduise pas à une surrémunération du porteur de projet et s’est prononcée favorablement sur le principe de la clause de surcompensation prévue par le projet d’arrêté, en proposant néanmoins d’apporter certaines précisions sur ses modalités d’application.

Par une deuxième délibération n° 2024-154 du 29 août 2024, la CRE a formulé un avis sur deux projets de cahiers des charges relatifs, d’une part,  à la procédure de mise en concurrence avec dialogue concurrentiel n° 2/2022 portant sur une installation d’éoliennes en mer posées de production d’électricité en Sud-Atlantique au large de l’île d’Oléron et, d’autre part à la procédure de mise en concurrence avec dialogue concurrentiel n° 3/2022 portant sur un second projet d’installation d’éoliennes en mer posées au large de la Normandie au sein de la zone « Centre Manche ».

Ces deux procédures avaient donné lieu à la publication de deux avis au Journal officiel de l’Union Européenne le 18 novembre 2022. La première procédure a pour but d’attribuer la construction et l’exploitation d’un parc éolien posé d’une puissance installée comprise entre 1 000 et 1 200 MW ; tandis que la deuxième porte sur la construction et l’exploitation d’un second parc éolien posé en zone « Centre Manche » (en plus du parc « Centre Manche 1 » déjà attribué en mars 2023 à l’issue de la procédure concurrentielle « AO4 ») d’une puissance installée comprise entre 1 400 et 1 600 MW.

La CRE a été saisie par le ministre chargé de l’Energie, en application de l’article R. 311-25-13 du Code de l’énergie, des projets de cahier des charges établis à l’issue des deux dialogues concurrentiels menés. Les cahiers des charges définitifs seront ensuite notifiés aux candidats par le ministre chargé de l’Energie. Ces derniers constitueront leurs offres et les déposeront sur la plateforme prévue à cet effet par la CRE. La CRE mènera ensuite l’instruction des offres.

Dans sa délibération du 29 août la CRE formule un certain nombre de préconisations et propositions de modifications sur des thèmes tels que les caractéristiques des installations, les modalités du complément de rémunération qui sera versé aux lauréats, les différents critères de notation prévus, les sanctions en cas de manquement au cahier des charges ou encore le montant des garanties financières.

Approbation des nouvelles règles de séparation comptables de SNCF Voyageurs par l’Autorité de régulation des transports

Par une décision n° 2024-051 en date du 2 juillet 2024 relative à la modification des règles de séparation comptable de SNCF Voyageurs, laquelle a été publiée le 6 septembre 2024, l’Autorité de régulation des transports (ci-après, l’ « Autorité ») a rendu, sur le fondement de l’article L. 2133-4 du Code des transports, un avis favorable aux évolutions apportées par SNCF Voyageurs à ses règles de séparation comptable sous réserve d’une recommandation.

La séparation comptable constitue un outil indispensable à la bonne régulation du secteur ferroviaire et à son ouverture à la concurrence.

En effet, en premier lieu, s’agissant de la régulation tarifaire, la séparation comptable doit permettre de disposer d’une connaissance fine des actifs, des passifs, des produits et des charges par activité séparée, et de présenter les comptes des différentes activités et les relations entre elles comme si elles étaient réalisées de manière indépendante. Elle permet ainsi au régulateur d’évaluer en connaissance de cause la pertinence des tarifs régulés proposés par les gestionnaires d’infrastructure ou d’installations de service.

En second lieu, s’agissant de l’ouverture à la concurrence du secteur du transport ferroviaire de voyageurs, la séparation comptable est essentielle pour prévenir toute discrimination, subvention croisée et distorsion de concurrence à même de favoriser l’opérateur historique au détriment des nouveaux entrants. En particulier, le développement de l’offre des entreprises ferroviaires nouvelles entrantes nécessite un accès aux installations de service dans des conditions financières équitables, transparentes et non discriminatoires par rapport à l’opérateur historique.

En troisième lieu, la réussite de l’ouverture à la concurrence passe également par la possibilité, pour les régions, en leur qualité d’autorités organisatrices de transport, de disposer de l’ensemble des données de coûts relatives à l’exploitation du service nécessaires pour organiser la procédure de publicité et de mise en concurrence et d’établir des critères objectifs d’attribution leur permettant ensuite de comparer les offres.

SNCF Voyageurs a repris l’essentiel des règles de séparation comptable de SNCF Voyageurs, approuvées par l’Autorité dans sa décision n° 2021-029 en date du 27 mai 2021 relative aux règles de séparation comptable de SNCF Voyageurs et a proposé les trois évolutions à ces dernières :

  • Une nouvelle méthode de facturation des prestations non régulées de distribution et d’escale reposant sur les coûts attribuables à chaque activité, que l’Autorité juge économiquement pertinente, dans la mesure où elles incitent les activités à maîtriser leurs charges ;
  • Une modification des règles de séparation comptable concernant la détermination des charges financières à moyen-long terme, qui correspondent aux bonnes pratiques de marché ;
  • La mise en place d’un compte courant financier entre les activités conventionnées et l’activité « Corporate », qui permet d’éviter que les activités conventionnées ne présentent des capitaux employés négatifs. L’Autorité accueille favorablement ce dispositif, mais estime que, pour refléter une situation où les activités conventionnées et l’activité « Corporate » seraient effectivement indépendantes, ce compte courant devrait être rémunéré à un taux reflétant les conditions de marché.

L’Autorité a approuvé ces évolutions sous réserve de la mise en place d’une rémunération du compte courant financier établi entre les activités conventionnées et l’activité « Corporate » mentionné ci-dessus.

Publication d’une étude sur l’impact de l’ouverture à la concurrence sur le prix des billets de trains

Une étude publiée le 23 septembre 2024 par la Commission européenne expose les bénéfices et les limites de la concurrence sur le secteur des transports ferroviaires de voyageurs et de marchandises au sein de l’Union européenne.

Pour les services librement organisés (dits « open access »), le rapport constate une diminution du prix des billets, une amélioration de la qualité du service et in fine, une augmentation de la demande.

En ce qui concerne précisément les baisses tarifaires, l’étude prend l’exemple de la ligne Madrid / Barcelone dont le prix des billets aurait diminué de 43 %.

Elle constate en revanche une diminution de seulement 9 % pour la ligne Paris / Lyon, laquelle s’expliquerait par le fait que, avant l’arrivée de Trenitalia, la COVID-19 avait déjà fait baisser les tarifs.

L’effet de diminution tarifaire n’est en revanche pas absolu et, avec le temps, le prix des billets finit en réalité par se stabiliser voire, à revenir à la hausse.

Par ailleurs, les nouveaux entrants doivent faire face à certaines limites telles que :

  • la capacité de l’infrastructure à absorber le trafic accru sur le réseau ;
  • la prédominance des opérateurs historiques sur les plateformes de billetteries ;
  • l’accès aux données nécessaires à la préparation des offres ;
  • les coûts d’investissement pour l’accès au matériel roulant et installations de services ;
  • le coût des redevances d’accès aux voies pour les nouveaux entrants ;

Pour les contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs (TER, TET, Transiliens) l’ouverture à la concurrence est encore trop récente.

En effet, conformément à l’article 18 de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, l’attribution concurrentielle des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs par chemin de fer n’est obligatoire que depuis le 25 décembre 2023.

Les bénéfices de l’ouverture à la concurrence ne pourront donc véritablement être étudiés qu’à l’expiration des dernières conventions monopolistiques conclues avant cette date.

Malgré cette limite, l’étude constate que les Régions Sud et Hauts-de-France, lesquelles ont déjà procédé à l’attribution concurrentielle de leurs services, ont réalisé des économies. Ces bénéfices peuvent se répercuter sur les utilisateurs finaux, par une augmentation de la fréquence et / ou une meilleure qualité du service.

En revanche, la concurrence sur le marché n’a a priori pas d’effet sur les prix, lesquels sont réglementés.

Ouverture à la concurrence des TER : retour sur les recommandations de la Cour des comptes

Dans son rapport de septembre 2024, la Cour des comptes dresse un état des lieux de l’ouverture à la concurrence des Transports Express Régionaux (TER) et évalue la mise en œuvre de ses recommandations formulées en 2019. Le rapport souligne des avancées inégales et invite à poursuivre les efforts pour optimiser la gestion des réseaux régionaux. La Cour des comptes estime qu’une seule recommandation a été satisfaite (recommandation n° 2).

Voici un rappel des principales recommandations et enjeux relevés par la Cour.

  • La Cour recommande de faciliter l’accès aux informations nécessaires au transfert des infrastructures ferroviaires aux Régions pour évaluer correctement les coûts

En 2023, seules deux lignes ont été transférées aux Régions. Malgré un cadre juridique clarifié, le manque de données empêche les Régions d’évaluer correctement les coûts. La Cour des comptes recommande de faciliter l’accès à ces informations pour les transferts futurs (recommandation n° 1).

  • Les Régions refusent de fermer les lignes peu fréquentées

Malgré leur faible fréquentation, les Régions refusent de fermer certaines lignes, invoquant leur importance sociale et territoriale, notamment dans les zones rurales. Bien que des études aient été réalisées, la recommandation de 2019, qui proposait une analyse sociale, économique et environnementale pour évaluer l’avenir de ces lignes, reste partiellement appliquée (recommandation n° 3).

  • L’ajustement des effectifs dans les gares et à bord des trains est recommandé pour optimiser les coûts tout en garantissant un service adéquat

En 2019, la Cour des comptes recommandait d’adapter la présence d’agents dans les trains et gares pour optimiser les coûts. Depuis, cette adaptation est partiellement engagée, avec la suppression de l’accompagnement systématique dans plusieurs régions, ce qui a entraîné une baisse des coûts d’environ 2,3 % entre 2019 et 2023. Certaines Régions, comme Hauts-de-France, maintiennent une présence humaine, tandis que d’autres ont réduit les horaires des guichets, comme en Pays de la Loire, avec 99 000 heures supprimées entre 2018 et 2020.

  • La Cour recommande de réviser les plans de transport pour mieux répondre à la demande et améliorer la régularité, bien que des obstacles subsistent

Il est recommandé de réviser les plans de transport pour les adapter à la demande et améliorer la régularité des trains. Certaines régions ont déjà adopté des stratégies comme le cadencement, mais la mise en œuvre reste inégale à cause des contraintes liées aux infrastructures et aux péages (recommandation n° 5).

  • La hausse des recettes d’exploitation, liée à l’augmentation de la fréquentation, n’a pas permis d’atteindre le niveau de contribution des voyageurs observé dans les pays voisins

Entre 2019 et 2023, les recettes d’exploitation des TER sont passées de 4,7 à 5,7 milliards d’euros, grâce à l’augmentation de la fréquentation et au transfert de certaines lignes Intercités. Toutefois, la contribution des voyageurs reste inférieure à celle des pays voisins. La Cour estime donc que la recommandation de 2019 n’a été que partiellement mise en œuvre (recommandation n° 6).

  • Des retards dans la transmission des données, notamment sur l’état des infrastructures, doivent être corrigés pour assurer le bon déroulement des appels d’offres

Bien que des progrès aient été réalisés, la Cour souligne des retards dans la transmission de données, en particulier sur l’état des infrastructures. La Cour recommande d’améliorer la fiabilité et la complétude de ces informations pour éviter des reports d’appels d’offres, comme observé dans les Hauts-de-France (recommandation n° 7).

  • La Cour recommande de renforcer les compétences régionales pour répondre aux exigences de la mise en concurrence des TER

Depuis 2019, les effectifs dédiés à la gestion des TER dans huit Régions ont augmenté de 7 %, et ceux spécifiquement liés à l’ouverture à la concurrence ont quadruplé. Cependant, la Cour recommande de renforcer davantage ces équipes, notamment dans les Régions n’ayant pas encore entamé le processus d’appels d’offres (recommandation n° 8).

 

En conclusion, l’ouverture à la concurrence des TER progresse à des rythmes variés selon les Régions. La Cour recommande une concertation renforcée pour échelonner les appels d’offres et éviter une surcharge prévue pour 2026. Cette transition exige une étroite collaboration entre la SNCF, les Régions et l’État.

Dérogation à l’obligation de créer une régie en matière d’autoconsommation individuelle d’électricité

Dans la continuité de la brève publiée dans notre dernière lettre d’actualité juridique s’agissant de l’autoconsommation collective, un arrêté en date du 10 juillet 2024, mais tout juste publié au Journal officiel, est venu fixer à 1 MW cumulé le seuil de puissance en deçà duquel les collectivités qui mettent en œuvre des opérations d’autoconsommation individuelles d’électricité ne sont pas tenues de créer une régie.

On rappellera que la possibilité de déroger à l’obligation, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, de créer une régie, dotée de la personnalité morale ou de la seule autonomie financière, et un budget annexe afin d’exploiter directement un service public industriel et commercial (SPIC), a été prévue par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, Loi APER).

Elle est désormais codifiée au 4ème alinéa de l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales.

Protection des consommateurs résidentiels d’électricité et de gaz naturel : la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) précise les modalités de contrôle du respect des lignes directrices

Pour mémoire, comme exposé dans notre précédente lettre d’actualité, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a publié, dans une délibération du 10 juillet 2024, treize lignes directrices pour le renforcement de la protection et de l’information des consommateurs résidentiels de gaz naturel et d’électricité particulièrement exposés aux conséquences de la crise énergétique. Ces mesures tendent à s’appliquer lors de la phase préalable à la conclusion du contrat de fourniture d’électricité, son exécution et son terme.

Ce dispositif repose sur l’engagement volontaire des fournisseurs d’adopter et de mettre en œuvre les lignes directrices susvisées, détaillées dans notre précédente brève sur le sujet.

Depuis le 30 septembre 2024, ces fournisseurs sont tenus de les appliquer dans les contrats conclus avec des consommateurs résidentiels.

Dans ce contexte, la CRE est venue préciser dans une nouvelle délibération du 25 septembre 2024 les modalités de contrôle sur la mise en œuvre, par les fournisseurs d’énergie concernés, de ces mesures. Elle apporte notamment des précisions sur le type et la fréquence de transmissions des éléments nécessaire à ce contrôle.

En application de l’article L. 134-18 du Code de l’énergie, la CRE rappelle d’abord qu’elle pourra recueillir « toutes les informations nécessaires » à son contrôle auprès des fournisseurs d’électricité et de gaz naturel engagés, sous réserve que cette demande soit proportionnée aux besoins de son analyse. Ces contrôles pourront d’ailleurs être réalisés par un prestataire externe que la CRE aura mandaté.

La typologie précise de documents demandés sera précisée à la suite d’une concertation avec les fournisseurs mais, d’ores et déjà, le Régulateur précise que son contrôle pourrait être de trois ordres :

  • Des contrôles ponctuels des canaux de vente du fournisseur incluant d’éventuels prestataires externes ;
  • Des contrôles sur la base d’un ensemble de documents dans le but de vérifier le respect des lignes directrices de la CRE dans les premiers mois suivant l’application des mesures par le fournisseur ;
  • Des contrôles sur la base d’une transmission récurrente de données, ainsi que la mise à jour de tous les éléments qui auraient évolué depuis la vérification initiale.

S’agissant du calendrier, les contrôles de la CRE devraient commencer à compter du 31 janvier 2025. La délibération fixe, en outre, les différentes échéances de remise des documents.

Un bilan annuel des contrôles sera publié par la CRE.

En cas d’irrégularité, le fournisseur concerné aura la possibilité de se mettre en conformité avec les lignes directrices. A défaut, la CRE publiera la liste des fournisseurs défaillants.

Prélèvements d’eau sans autorisation par un industriel : une sanction pénale négociée au titre d’une Convention Judiciaire d’Intérêt public (CJIP)

Tribunal judiciaire d’EPINAL, Convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale, 2 septembre 2024

Le contrat est-il l’avenir du traitement et du règlement des affaires pénales en matière environnementale ?

Le 10 septembre dernier, le Tribunal judiciaire d’EPINAL a homologué une convention judiciaire d’intérêt public [CJIP] conclue entre le Parquet de la République et la société Nestlé Waters Supply Est (NWSE), venant ainsi enrichir la vingtaine de conventions conclues pour des infractions environnementales, depuis la création de cette mesure alternative aux poursuites par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020.

Portées par plusieurs associations environnementales, l’action avait été initiée par le dépôt d’une plainte, en 2020, à la suite de la découverte de plusieurs forages non autorisés – ayant permis de pomper plus de 10 milliards de litres d’eau – et de traitements interdits des eaux minérales par l’industriel.

La plainte alors classée sans suite par le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire d’EPINAL avait fait l’objet d’un recours par les associations devant le Parquet général de la Cour d’appel de NANCY ayant enjoint le Ministère public à diligenter des investigations sur les faits dénoncés.

A l’issue de l’enquête confiée aux agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), l’industriel a bénéficié d’une procédure alternative aux poursuites prévue par l’article 41-1-3 du Code de procédure pénale – la CJIP – prévoyant la mise en œuvre d’un programme de mise en conformité.

Aux termes de cette procédure négociée, la société Nestlé devra régler une amende d’intérêt public d’un montant de 2 millions d’euros et mettre en œuvre un plan de renaturation et de restauration de la continuité écologique.

Une expertise confiée à l’observatoire de l’eau dans le cadre du Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) sera, par ailleurs, diligentée pour connaître l’impact hydrogéologique des prélèvements illégaux et évaluer le préjudice écologique.

Comme toutes les CJIP conclues en matière environnementales, celle-ci a récemment été publiée sur le site du ministère de l’Écologie.

En cas de non-respect des obligations négociées et imposées par la CJIP dans le délai négocié – qui ne peut légalement excéder trois ans -, l’industriel pourrait avoir à répondre de ces faits devant un tribunal correctionnel dans le cadre d’une audience publique.

Dérogation espèces protégées : présomption de raison impérative d’intérêt public majeur pour certains projets énergies renouvelables (ENR) en Corse et Outre-Mer

L’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, prévoit que certains projets de production d’énergies renouvelables ou de stockage doivent être réputés et répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), qui est l’une des conditions requises pour l’obtention d’une dérogation espèces protégées fondée sur l’article L. 411-2, 4 du Code de l’environnement.

Les conditions d’application de cette présomption doivent être fixées par voie règlementaire, ce qui a notamment été fait par le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pour le territoire métropolitain continental (cf. notre article sur le sujet).

Un décret n° 2024-899 publié au Journal officiel du 6 octobre 2024 a fixé ces conditions pour les territoires de la Corse, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte, de La Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en zone non interconnectée, codifiées au sein des articles R. 211-7 et suivants du Code de l’énergie.

Comme pour le territoire métropolitain, le décret fixe des conditions cumulatives liées :

  • D’une part, à un seuil de puissance prévisionnelle qui doit être dépassé :
    • Pour l’énergie photovoltaïque, la puissance prévisionnelle totale de l’installation doit être supérieure ou égale à 1 mégawatt crête (au lieu de 2,5 sur le territoire métropolitain). Pour l’énergie thermique cette puissance prévisionnelle doit également être supérieure ou égale à 1 mégawatt (au lieu de 2,5 sur le territoire métropolitain) ;
    • Pour l’énergie éolienne terrestre, la puissance prévisionnelle totale de l’installation doit être supérieure ou égale à 7 mégawatts (au lieu de 7 sur le territoire métropolitain) ;
    • Pour le biogaz, la production annuelle prévisionnelle totale de l’installation doit être supérieure ou égale à 12 gigawatts-heures de pouvoir calorifique supérieur par an (même seuil que pour le territoire métropolitain) ;
    • Pour l’énergie hydroélectrique gravitaire, la puissance maximale brute prévisionnelle totale de l’installation doit être supérieure ou égale à 500 kilowatts (au lieu de 9 mégawatts sur le territoire métropolitain) ;
    • Pour les projets de station de transfert d’énergie par pompage, la puissance prévisionnelle totale de l’installation doit être supérieure ou égale à 500 kilowatts (au lieu de 1 mégawatt sur le territoire métropolitain).
  • D’autre part, à la puissance ou production annuelle totale de cette source de production d’énergie, laquelle doit être inférieure à l’objectif maximal de production annuelle prévisionnelle totale défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie propre au territoire en cause.

Réforme des redevances des Agences de l’eau, quelles incidences pour les collectivités ?

Les Agences de l’eau, au nombre de six sur le territoire métropolitain[1], exercent notamment des missions en matière de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, d’alimentation en eau potable, de régulation des crues et de développement durable des activités économiques (article L. 213-8-1 du Code de l’environnement). Afin de mettre en œuvre ces missions, ces établissements publics sont financés par plusieurs redevances liées à la consommation ou à la pollution de la ressource en eau, au nombre de sept jusqu’à présent (redevance pour pollution de l’eau, redevance pour modernisation des réseaux de collecte, redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, redevance pour pollutions diffuses, redevance pour protection du milieu aquatique, redevance pour stockage d’eau en période d’étiage et redevance pour obstacle sur les cours d’eau). Ces redevances permettent aux Agences de l’eau de bénéficier d’un produit annuel de 2,2 milliards d’euros[2].

Mais une réforme des modalités de financement des Agences de l’eau a été entreprise pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Cette réforme poursuivait plusieurs objectifs ; il s’agissait tout d’abord d’augmenter les produits perçus afin de financer le « Plan eau » lancé par le Gouvernement en mars 2023, mais également d’opérer une redistribution de cette charge financière afin notamment d’alléger la part pesant sur les usagers domestiques des services publics de l’eau, ainsi que d’améliorer la lisibilité des redevances, dont l’assiette et l’intitulé ne correspondaient pas toujours avec leur objet.

La réforme a été amorcée par l’adoption de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (lire notre article sur le sujet). Dans le courant du mois de juillet 2024, les textes règlementaires d’application de la réforme, un décret et quatre arrêtés, ont été publiés au Journal officiel.

Les collectivités territoriales ayant pour rôle de collecter certaines des redevances en cause ou étant redevables de celles-ci (et plus particulièrement les services d’eau et d’assainissement), elles sont directement concernées par cette réforme. Plusieurs modifications apportées par cette dernière peuvent être mises en avant ici.

 

Première modification portée par la réforme : une refonte de certaines redevances

La réforme a notamment refondu certaines redevances. Ainsi, la redevance pour pollutions domestiques est supprimée et remplacée par la redevance sur la consommation d’eau potable (article L. 213-10-4 C. env.). Il s’agit ici notamment d’améliorer la lisibilité de cette redevance, plus liée à la consommation d’eau qu’à sa pollution. Cette redevance sur la consommation d’eau potable, à laquelle seuls les abonnés au service d’eau potable seront assujettis (il n’est plus fait référence aux personnes n’utilisant pas le service d’eau potable ni les industriels rejetant de faibles niveaux de polluants) et qui sera assise sur le volume d’eau facturé puis calculée selon un tarif déterminé par l’Agence de l’eau[3], devra être perçue auprès de l’exploitant du service qui assure la facturation de l’eau potable. L’exploitant inclut alors lui-même la redevance dans le prix appliqué aux personnes abonnées au service d’eau potable selon des modalités déterminées par :

  • le décret n° 2024-787 du 9 juillet 2024 portant modifications des dispositions relatives aux redevances des agences de l’eau,
  • l’arrêté du 5 juillet 2024 relatif aux modalités d’établissement de la redevance sur la consommation d’eau potable et des redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et pour la performance des systèmes d’assainissement collectif.

Il est ainsi notamment prévu par le nouvel article D. 213-48-35 que l’exploitant du service d’eau potable devra opérer chaque trimestre un contrôle pour déterminer si le total des encaissements effectués depuis le début de l’année civile au titre de cette redevance atteint un seuil défini par arrêté, afin que l’Agence de l’eau puisse recouvrer les sommes dues, sous peine de majoration et intérêts de retard. Par ailleurs, il est à souligner que l’exploitant du service devra assurer le suivi et la gestion des impayés de cette redevance.

La redevance « modernisation des réseaux de collecte » est quant à elle remplacée par deux redevances : l’une sur la performance des réseaux d’eau potable et l’autre sur la performance des systèmes d’assainissement collectif, auxquelles sont assujettis respectivement les communes ou leurs établissements publics compétents en matière de distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées. Ces deux redevances visent à inciter à une meilleure performance dans la gestion des réseaux et remplacent ainsi la prime pour la performance épuratoire existant avant la réforme :

  • Pour la performance des réseaux d’eau potable, l’assiette de la redevance est le volume d’eau facturé aux personnes abonnées au service d’eau potable (article L. 213-10-5 C. env.). La redevance est calculée selon un tarif déterminé par l’Agence de l’eau dans la limite d’un euro par mètre cube, mais des coefficients de performance (déterminé en fonction, d’une part, de la somme des pertes par fuites et, d’autre part, des volumes d’eau consommés sur le réseau de distribution qui ne font pas l’objet d’un comptage, rapportés, le cas échéant, à la longueur du réseau de distribution et à la densité d’abonnés) et de gestion patrimoniale (déterminé en fonction du niveau de connaissance du réseau d’eau potable et de la programmation d’actions visant à améliorer et pérenniser ses performances) sont mis en œuvre selon les modalités définies par les articles D. 213-48-12-2 et suivants du Code de l’environnement pour moduler le montant de la redevance ;
  • Pour la performance des systèmes d’assainissement collectif, l’assiette est le volume d’eau pris en compte pour le calcul de la redevance d’assainissement appliquée par les gestionnaires du service public (article L. 213-10-6 C. env.). La nouvelle redevance est alors calculée selon un tarif déterminé par l’Agence de l’eau dans la limite d’un euro par mètre cube, et un coefficient modulateur (prenant en compte des coefficients d’autosurveillance, de conformité réglementaire et d’efficacité) est également appliqué selon des modalités précisées aux articles D213-48-12-8 et suivants du Code de l’environnement.

Les modalités de calcul de ces redevances et des coefficients applicables sont également précisées par l’arrêté du 5 juillet 2024 relatif aux modalités d’établissement de la redevance sur la consommation d’eau potable et des redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et pour la performance des systèmes d’assainissement collectif.

Enfin, des modalités de refacturation de ces redevances aux usagers ont été prévues par la loi de finances pour 2024. Les redevances eau potable et assainissement perçues par les gestionnaires des services publics correspondant pourront ainsi prendre en compte les redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et d’assainissement collectif, à hauteur d’un montant forfaitaire maximal fixé par arrêté du 5 juillet 2024 à 3 euros par mètre cube d’eau.

 

Deuxième modification : un renforcement des tarifs des redevances liées aux pollutions et aux prélèvements de la ressource en eau

Concernant la redevance pour pollution diffuse, due par les professionnels qui acquièrent des produits phytopharmaceutiques, on mentionnera que s’il avait été initialement proposé dans le cadre de l’adoption de la loi de finances pour 2024 d’augmenter son tarif, cette proposition a finalement été supprimée par le législateur. Une indexation de son tarif sur l’inflation a néanmoins été adoptée.

Concernant la redevance pour pollution non-domestiques, la réforme a introduit une majoration de 40 % de l’assiette de cette redevance lorsque le niveau de pollution lié à l’activité est supérieur à un seuil fixé par le décret n° 2024-787 du 9 juillet 2024 et qu’un dispositif de suivi n’est pas mis en place ou lorsque le dispositif de suivi n’est pas validé.

Concernant la redevance pour prélèvements, due par toute personne dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource en eau, ses modalités de calcul ne sont pas modifiées mais la loi de finances pour 2024 a instauré des tarifs planchers et réhaussé les tarifs plafond. Ces tarifs sont également indexés sur l’inflation. La comparaison entre les anciens et nouveaux tarifs peut être ainsi exposée :

Les modalités d’application de cette redevance ont également été précisées par voie règlementaire, et notamment par l’arrêté du 5 juillet 2024 modifiant l’arrêté du 19 décembre 2011 relatif à la mesure des prélèvements d’eau et aux modalités de calcul de l’assiette de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau. Cet arrêté précise notamment les modalités de mesure des prélèvements et les obligations afférentes du redevable (maintenance des appareils de mesure en bon état de fonctionnement, informations devant être tenues à disposition de l’Agence de l’eau, instauration d’un délai pour mise en conformité des dispositifs de mesure, …).

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Cette réforme a fait l’objet de critiques, notamment par le Sénat qui avait voté la suppression de l’article de la loi de finances pour 2024 qui la portait. La Chambre haute avait en effet reproché à cette réforme de ne pas présenter de garanties suffisantes pour les collectivités territoriales. Plus précisément, le Sénat avait considéré que les impacts de la réforme sur les collectivités n’avaient pas été assez étudiés, que les concertations avec ces acteurs avaient été insuffisantes, mais également que le secteur de l’agriculture pourrait être affecté.

Par ailleurs, cette réforme a également été critiquée pour ne pas avoir intégré une augmentation des redevances dont sont redevables les agriculteurs sur les pesticides et l’irrigation.

En tout état de cause et malgré ces critiques, le texte sera applicable à compter du 1er janvier 2025 et imposera en particulier aux collectivités et établissements gestionnaires des services d’eau et d’assainissement d’ajuster leurs modalités de facturation de ces services. Une attention particulière aux performances des réseaux sera également attendue afin d’anticiper les redevances dues à cet égard. Le cas échéant, le retour des gestionnaires pourrait conduire à de nouveaux ajustements règlementaires si des difficultés importantes étaient relevées.

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Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024

Décret n° 2024-787 du 9 juillet 2024 portant modifications des dispositions relatives aux redevances des agences de l’eau

Arrêté du 10 juillet 2024 relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau modifiant l’arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau et pour modernisation des réseaux de collecte

Arrêté du 5 juillet 2024 relatif au montant forfaitaire maximal de la redevance pour la performance des réseaux d’eau potable et de la redevance pour la performance des systèmes d’assainissement collectif pris en compte pour l’application de la redevance d’eau potable et d’assainissement prévue à l’article L. 2224-12-3 du Code général des collectivités territoriales

Arrêté du 5 juillet 2024 relatif aux modalités d’établissement de la redevance sur la consommation d’eau potable et des redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et pour la performance des systèmes d’assainissement collectif

Arrêté du 5 juillet 2024 modifiant l’arrêté du 19 décembre 2011 relatif à la mesure des prélèvements d’eau et aux modalités de calcul de l’assiette de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau

[1] Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée et Corse et Seine-Normandie

[2] Information AMORCE : https://amorce.asso.fr/actualite/pour-une-reforme-des-redevances-des-agences-de-l-eau-juste-et-reellement-incitative-pour-la-preservation-des-ressources-en-eau

[3] Ce taux est d’ailleurs augmenté, l’Agence de l’eau pouvant fixer un taux dans la limite d’un euro par mètre cube, contre 0,5 euro par mètre cube avant la réforme

Simplification bienvenue des procédures applicables aux organismes philanthropiques

Le décret n° 2024-720 du 5 juillet 2024 est venu, de manière bienvenue, simplifier les procédures auxquelles sont soumises les organismes à but non-lucratif.

De quelles procédures parle-t-on ? De nombreuses procédures sont concernées par ce décret : la déclaration de constitution, les changements statutaires, l’appel à la générosité du public, la demande de reconnaissance, les autorisations diverses, les demandes de rescrit, etc.

Quels organismes à but non-lucratif sont concernés ? Les associations reconnues d’utilité publique (ARUP), les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP), les fonds de dotation, les fondations d’entreprise, les Etats et établissements étrangers recevant des libéralités régies par le droit français.

Cette simplification se traduit de plusieurs manières.

 

1. La dématérialisation des procédures

Le texte prévoit la mise en place de téléservices pour toutes les procédures auxquelles sont soumis les organismes philanthropiques (autorisations, approbations, déclarations et formalités de transmission) et qui s’opéraient jusqu’ici quasi exclusivement sous format papier. Ces services numériques devraient être déployés progressivement au cours des prochains mois.

 

2. La simplification de plusieurs procédures

Pour les ARUP et FRUP, le décret vient actualiser et formaliser la liste des éléments à inclure dans une demande de reconnaissance d’utilité publique. De nombreuses informations sont ainsi exigées, notamment relatives aux membres ou aux personnes pressenties pour intégrer le conseil d’administration de l’ARUP et le conseil de surveillance de la FRUP.

Par ailleurs, la procédure d’approbation du règlement intérieur, du changement de siège social, dans la gouvernance ou de modification des partenaires institutionnels des ARUP et FRUP est substituée par une procédure de déclaration auprès du ministère et de l’intérieur.

  • S’agissant du changement dans la gouvernance ou de partenaires institutionnels, il doit être relevé que la procédure de simple déclaration s’accompagne toutefois d’une approbation postérieure du ministre de l’intérieur, qui n’est encadrée par aucun délai et qui est conditionnée par « l’existence d’une convergence entre l’objet de [l’association/la fondation] et celui de la personne morale pressentie » ce qui peut laisser place à l’interprétation par le ministre de l’Intérieur. Cette simplification est ainsi relative dans la mesure où le texte met en place à la fois une procédure déclarative tout en prévoyant que déclaration doit ensuite être approuvée.
  • S’agissant du règlement intérieur, si son approbation prend désormais effet dès la déclaration auprès du ministère (et non plus à l’approbation par le ministère de l’intérieur), un contrôle a posteriori a lieu avant précision de son contenu par arrêté, ce qui permet de priver d’effet uniquement les dispositions problématiques sans empêcher l’application de l’ensemble du règlement. À noter que ce droit d’opposition du ministère de l’Intérieur n’est encadré par aucun délai ce qui est regrettable.

Pour les fondations d’entreprise, leurs procédures sont transférées du ministère de l’intérieur vers les préfectures, afin de permettre d’accélérer leur traitement des procédures. Par ailleurs, les démarches de demande de modification statutaire et de déclaration de prorogation, ne doivent plus nécessairement être effectuées par le président lui-même, la préfecture acceptant ainsi les mandats.

Pour les fonds de dotation, le contenu du rapport d’activité qui doit être transmis chaque année six mois après la clôture de l’exercice est modifié.

  • les indications relatives aux avantages et ressources provenant de l’étranger et aux ressources collectées auprès du public (appel à la générosité du public) sont supprimées car elles apparaissent dans les comptes annuels qui sont transmis dans le même temps ;
  • les actions d’intérêt général financées par le fonds de dotation doivent désormais être décrites de manière détaillée.

3. L’harmonisation de certaines règles

La simplification des procédures applicables aux organismes philanthropiques passe aussi par l’harmonisation de certaines règles. C’est ainsi que le contenu des statuts des ARUP et FRUP ou encore des documents à transmettre à l’administration (comptes annuels, rapports d’activité, procès-verbaux de conseils d’administration ou d’assemblées générales) est harmonisé.

Toutes ces mesures sont bienvenues. Il ne reste plus qu’à voir dans la pratique si elles simplifieront concrètement les démarches, parfois lourdes et chronophages, auxquelles sont soumis les organismes philanthropiques.

Droit des marques et des indications géographiques : nouveaux rebondissements dans la saga judiciaire Laguiole

La saga sur les couteaux Laguiole continue d’occuper les prétoires, posant des questions relatives au droit des marques, à la protection du nom d’une Commune et, plus récemment, aux indications géographiques et appellations d’origine.

1. C’est d’abord sur des questions de droit des marques que les débats ont porté.

Dans les années 1990, un certain Monsieur Szajner a déposé plusieurs marques « Laguiole », au niveau français et européen, pour des produits très variés puisque ne se limitant pas aux produits de la coutellerie, et mis en place un système de licence permettant à diverses entreprises d’exploiter ces marques contre redevance.

En 2010, s’estimant spoliée, la Commune de Laguiole a saisi le Tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir l’annulation des marques litigieuses. Déboutée en 2012 par un jugement confirmé en appel en 2014[1], la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en 2016[2] et renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris. Celle-ci a annulé les marques litigieuses, pour les produits de la coutellerie, au visa de l’article L. 711-4 h du Code de la propriété intellectuelle (devenu l’article L. 711-4 9°) en retenant l’atteinte au nom, à l’image ou à la renommée de la collectivité territoriale[3] : en procédant ainsi, l’entrepreneur avait établi une stratégie ayant pour effet de priver la Commune et ses administrés de l’usage du nom Laguiole dès lors que les marques déposées lui permettaient d’agir en contrefaçon conte les commerces locaux de la commune de Laguiole au titre de l’utilisation de ses marques.

Au niveau européen, la société La Forge de Laguiole, établie sur le territoire de la Commune de Laguiole, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne et obtenu, en 2017[4],  l’annulation partielle (pour les produits relevant de l’activité de La Forge de Laguiole, tels que la coutellerie et les couverts) de la marque européenne déposée par Monsieur Szajner.

Si ces décisions ont été favorables à la Commune de Laguiole, leur effet est demeuré toutefois relatif puisque les annulations prononcées se sont limitées aux produits de coutellerie et de couverts (de la classe 8), Monsieur Szajner pouvant continuer à utiliser ses marques pour les autres produits déposés.

C’est du fait de cette saga judiciaire notamment que la loi Hamon[5] a créé, en 2014, une procédure d’alerte par l’INPI (Institut Nationale de Propriété Industrielle) permettant à toute collectivité territoriale d’être alertée de toute demande d’enregistrement d’une marque contenant sa dénomination (article L. 712-2-1 du Code de la propriété intellectuelle).

2. Aujourd’hui, les débats se poursuivent sur le terrain des indications géographiques.

La loi Hamon a en outre permis d’étendre la notion d’indication géographique aux produits manufacturés (« IGPIA »), notion initialement prévue pour protéger et garantir l’origine de certains produits agricoles, viticoles et naturels, par les articles L. 721-2 à L. 721-10 du Code de la propriété intellectuelle.

L’indication géographique est définie par l’INPI comme un signe qui peut être utilisé sur des produits qui ont une origine géographique précise et qui possèdent des qualités, une notoriété ou des caractéristiques liées à ce lieu d’origine. Pour les collectivités, elle permet de protéger leur patrimoine et de mettre en avant leurs savoir-faire territoriaux en permettant distinguant un produit originaire d’une zone géographique déterminée et dont les caractéristiques sont liées à cette zone géographique. Ces caractéristiques sont décrites dans un cahier des charges, devant faire l’objet d’une homologation, que les producteurs s’engagent à respecter et sur lequel ils sont contrôlés par un organisme indépendant.

En septembre 2022, l’IGPIA « couteau Laguiole » a ainsi été homologuée par une décision de l’INPI après dépôt de l’association CLAA (pour Couteau Laguiole Auvergne Aubrac) basée dans la Commune de Thiers (située dans le Puy de Dôme alors la Commune de Laguiole est située dans le département de l’Aveyron). La zone géographique retenue était alors bien plus large que la Commune de Laguiole, couvrant 94 Communes situées sur 6 départements. Cette décision de l’INPI a été vivement critiquée par le Syndicat des Fabricants Aveyronnais du Couteau de Laguiole (SFACL) et par la Commune d’autant qu’elles avaient, quelques mois plus tôt, vu leur candidature pour obtenir l’IGPIA « couteau de Laguiole » sur un territoire plus restreint refusée par l’INPI. Elles ont introduit une action en annulation de cette homologation.

C’est dans ce contexte que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a annulé, le 11 juillet 2024[6], ces deux décisions de l’INPI en considérant que « la réputation initiale du couteau originaire de Laguiole est bien intimement liée à son origine, Laguiole, et au savoir-faire de ses couteliers » et que « cette désignation ambiguë constitue une source d’incertitude pour le consommateur qui ne pourra immédiatement identifier le produit comme provenant du lieu géographique associé au nom de l’IGPIA ». La Cour d’appel a par ailleurs ordonné la réouverture des débats sur la demande de dommages et intérêts formée par le SFACL à l’encontre de M. le Directeur général de l’INPI en réparation d’une faute commise dans l’instruction de la demande d’indication géographique Couteau de Laguiole.

Ainsi, l’IGPIA, dont le dossier est renvoyé devant l’INPI pour février 2025, devrait revenir au seul territoire de Laguiole.

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[1] TGI Paris,13 septembre 2012, n° 12/02742 et CA Paris, Pôle 5, 4 avril 2014, n° 2012/20559

[2] Cass. Com, 4 octobre 2016, n° 14-22.245

[3] CA Paris, 5 mars 2019, n° 17/04510

[4] CJUE, 5 avril 2017, affaire C‑598/14, EUIPO/Gilbert Szajner

[5] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » 

[6] CA Aix-en-Provence, 11 juillet 2024, n°22-13284