Environnement, eau et déchet
le 08/02/2024
Julie CAZOU
Eloïse GUILLERMIC

Loi de finances pour 2024 : focus sur les dispositions relatives aux budgets locaux et à la fiscalité environnementale

Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (1)

La loi de finances pour 2024 a été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2023. Riche de 264 articles, ce focus reprend certaines de ses dispositions qui s’inscrivent plus particulièrement dans le cadre de la transition écologique.

I. Disposition visant à favoriser l’investissement « vert »

A. Création de budgets verts

En premier lieu, les articles 191 et 192 de la loi de finances pour 2024 introduisent de nouvelles dispositions relatives aux comptes administratifs et budget des collectivités territoriales, leurs groupements et des établissements publics locaux soumis à l’obligation de la tenue d’un rapport d’orientation budgétaire et d’un document d’orientation budgétaire de plus de 3 500 habitants. Ceux-ci :

  • Rendent obligatoire l’élaboration d’un état intitulé « impact du budget pour la transition écologique » annexé à leur compte administratif ou financier unique. Cet état doit présenter les « dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France » définis par le droit de l’Union européenne. Cette mesure prend effet dès l’exercice 2024 ;
  • Donnent la possibilité de prévoir, à l’annexe de leur budget et de leur compte administratif ou financier un état intitulé « état des engagements financiers concourant à la transition écologique ». Cet état permet d’identifier la part d’endettement consacré à la couverture des dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent positivement à tout ou partie des objectifs environnementaux européens et indique également « la part cumulée de cette dette au sein de l’endettement global de la collectivité». Cette disposition vise à lever certains freins à l’emprunt et à faciliter le recours à l’endettement.

En second lieu, l’article 206 de la loi de finances pour 2024 étend à certains opérateurs de l’Etat l’obligation de réaliser un « budget vert ». Il impose en effet la réalisation, à partir de l’exercice comptable 2026, d’une synthèse de leurs travaux afin d’évaluer « l’ensemble de leurs dépenses ayant un impact favorable ou défavorable significatif sur l’environnement ».

B. Incitation à la production de « technologies essentielles à la transition énergétique »

Par son article 35, la loi de finances pour 2024 introduit un nouvel article 244 quater İ Code général des impôts, applicable aux crédits d’impôt calculés au titre de projets agréés jusqu’au 31 décembre 2025. Sur ce fondement, certaines entreprises industrielles et commerciales peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de dépenses d’investissements « engagées pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur ». Les dépenses d’investissement et les activités en question sont définies au sein de cet article.

Le taux du crédit d’impôt sera en principe et sauf exceptions égal à 20 % tandis que son montant total ne pourra excéder 150 millions d’euros par entreprise, des exceptions étant toutefois prévues.

 

II. Dispositions visant à soutenir l’action des collectivités territoriales et leurs groupements

A. Compensations relatives aux transferts de compétence et de pouvoirs de police

Les transferts de compétence résultant de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, doivent faire l’objet d’une compensation financière au profit des collectivités territoriales concernées.

Ces transferts concernent, d’une part, la gestion des sites terrestres Natura 2000 au profit de la région (article 61 de la loi 3DS), la loi de finances pour 2024 ajustant le montant de ces compensations. D’autre part, ils concernent le transfert du réseau routier national aux départements, pour lesquels les modalités de la compensation financière sont détaillées à l’article 133 de la loi de finances pour 2024.

Par ailleurs, le transfert au maire ou au président de l’EPCI de la police de la publicité (article 17 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience) fait elle aussi l’objet d’une compensation financière, versée aux collectivités territoriales concernées et à leurs groupements, calculée sur la base de la rémunération de certains agents et des moyens de fonctionnement associés, à condition que « le nombre total d’agents chargés de la compétence au 31 décembre 2023 ne soit pas inférieur à celui constaté au 31 décembre 2022 » (article 250 de la loi de finances pour 2024).

B. Autres modalités de financement

En premier lieu, conformément à l’article 135 de la loi de finances pour 2024 et à compter du 1er janvier 2025, les communes et EPCI dont l’exécutif a mis en place sur leur territoire une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) se voient affecter « le produit des amendes forfaitaires et des amendes forfaitaires majorées perçues au titre de l’année écoulée sanctionnant les infractions aux règles de circulation » sanctionnant les infractions à ces ZFE-m.

En second lieu, la loi de finances pour 2024 réforme, par son article 243 la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales. À compter de 2024, une nouvelle dotation d’un montant de 100 millions d’euros, intitulée « dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales » sera attribuée aux communes rurales dont une partie significative du territoire comprend une aire protégée ou jouxte une aire marine protégée (article L. 2335-17 du Code général des collectivités territoriales). Sont considérées comme rurales, en métropole, les communes « caractérisées comme rurales, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques » ; en collectivités d’outre-mer « les communes de moins de 10 000 habitants ». Il s’agit donc d’une extension du champ d’application de la dotation, même si les conditions d’éligibilité des communes doivent encore être fixées par décret.

 

III. Dispositions relatives à la préservation de l’environnement

A. Réforme des redevances des Agences de l’eau

Afin de financer le Plan eau du Gouvernement, l’article 101 de la loi de finances pour 2024 opère une réforme des redevances perçues par les agences de l’eau qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Notamment :

  • Le régime juridique de la redevance sur la consommation d’eau potable est nouvellement défini à l’article L. 213-10-4 du Code de l’environnement, précisant notamment les personnes assujetties (abonnés au service d’eau potable), le fait générateur de la redevance (facturation du prix de l’eau consommée) et son assiette (volume d’eau facturé à la personne abonnée au service d’eau potable) ;
  • En ce qui concerne les redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et la performance des systèmes d’assainissement, trois nouveaux articles sont créés (L. 213-10-5 à L. 213-10-7 du Code de l’environnement) afin d’encadrer leur application ;
  • Par ailleurs, le texte précise également que « constituent les redevances pour pollution de l’eau, d’une part, la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique des industriels non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées et, d’autre part, la redevance pour pollution de l’eau par les activités d’élevage». Ce nouveau champ d’application du régime de redevance pour pollution de l’eau s’appliquera, toujours à compter du 1er janvier 2025 et sauf exception prévue au I bis de l’article L. 213-10-2 du Code de l’environnement, à toute personne dont les activités entraînent le rejet dans le milieu naturel d’un des éléments de pollution mentionnés au IV du même article ;
  • Enfin, les montants, tarifs, taux ou plafonds utilisés pour le calcul des redevances des agences de l’eau seront indexés sur l’inflation.

B. Extension du régime du « forfait forestier »

L’article 6 de la loi de finances pour 2024 modifie le 1° de l’article 76 du Code général des impôts, qui concerne le bénéfice agricole imposable provenant des coupes de bois, aussi appelé « Forfait forestier » qu’un propriétaire forestier doit déclarer annuellement. Il s’agit d’un régime d’imposition spécifique visant à lisser l’imposition des bénéfices. Dans l’objectif de limiter le coût budgétaire des projets contribuant à la réduction d’émissions de gaz à effet de serre, la loi de finances ajoute ainsi un alinéa qui prévoit que ce régime s’appliquera désormais également « au bénéfice agricole provenant de la captation de carbone additionnelle réalisée dans le cadre de projets forestiers admis au label “ bas-carbone ” mentionné à l’article L. 121-2 du Code forestier et qui sont mis en œuvre pour assurer le boisement ou la reconstitution de peuplements forestiers dégradés ».

C. Évolution des règles en matière de taxation des déchets

a. Sur les conditions d’application de la taxe générale sur les activités polluantes

En premier lieu, conformément à l’article 102 de la loi de finances pour 2024, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est dorénavant due pour la réception des déchets radioactifs métalliques et par les exploitants d’une installation de stockage de ces déchets soumise à autorisation. La notion de déchets radioactifs métalliques, pour l’application de la TGAP, est précisée par le texte. À l’inverse, ces déchets bénéficient d’une exonération lorsqu’ils sont issus d’une valorisation de matière radioactive et réceptionnés au sein d’une installation de stockage autorisée au titre du régime des ICPE (1 octodecies de l’article 266 Code des douanes).

Les travaux parlementaires ont précisé que « l’objectif de l’article est ainsi de remplacer une part de la taxe sur les installations nucléaires de base, qui est une taxe de rendement, par une taxe incitative encourageant le recyclage des déchets métalliques radioactifs » (Rapport général déposé le 21 novembre 2023).

En deuxième lieu, l’article 103 de la loi de finances pour 2024 modifie également l’article 266 sexies du Code des douanes en ce qu’il exonère de la TGAP les réceptions de déchets en provenance d’un dépôt de déchets, identifié par arrêté ministériel, situé à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion ou dans une zone de submersion marine potentielle. Cette mesure s’inscrit dans le cadre du Plan national de résorption des décharges littorales présentant des risques de relargage de déchets en mer et vise donc à inciter la réhabilitation et la sécurisation des décharges qui présentent un risque pour l’environnement.

En troisième lieu, la loi de finances pour 2024 étend le dispositif de réfaction concernant les déchets non-dangereux en outre-mer pour une année supplémentaire.

En quatrième lieu, la loi introduit également une majoration de ce tarif pour la réception de déchets non dangereux en installation de stockage « pour la fraction des déchets qui sont réceptionnés à compter de l’atteinte de l’objectif annuel » fixé par le préfet de Région.

b. Sur la mise en œuvre de la tarification incitative des déchets

L’article 150 de la loi de finances pour 2024 ajoute de nouvelles dispositions à l’article 1522 bis du Code général des impôts relatif à la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), dans le but d’assouplir sa mise en œuvre.

La loi permet ainsi à un EPCI de ne pas instituer cette part incitative « sur le territoire de ses communes membres dont la proportion de logements situés dans des immeubles collectifs est supérieure à 20 % du nombre total de logements dans chacune de ces communes ». Toutefois, la part incitative est maintenue lorsque cette proportion excède 20% sur le territoire d’une commune, sauf délibération contraire de l’EPCI.

 

IV. S’adapter au dérèglement climatique : gestion des risques naturels

 A. Fonds de prévention des risques naturels majeurs

Au titre de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement, l’État peut déclarer d’utilité publique l’expropriation des biens exposés à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d’affaissement de terrain ; sous réserve que « les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation ».

Depuis le 31 décembre 2023, l’article 227 de la loi de finances pour 2024 prévoit que les expropriations réalisées par les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques pourront être déclarée d’utilité publique par l’Etat, dans les mêmes conditions.

En outre, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit Fonds Barnier) peut s’appuyer sur ces agences lorsqu’il finance les indemnités allouées en cas d’expropriation ainsi que les dépenses liées à la limitation de l’accès et à la remise en état des terrains accueillant les biens exposés aux risques et ce, « afin de les confier après remise en état aux collectivités compétentes en matière d’urbanisme » (article L. 561-3 Code de l’environnement).

Enfin, il est ajouté au même article L. 561-3 du Code de l’environnement que le fonds « peut contribuer au financement des études et des actions de prévention des risques naturels majeurs dont les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques […] assurent la maîtrise d’ouvrage. »

B. Prorogation de l’expérimentation « Mieux reconstruire après inondation »

Le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation » (MIRAPI), financé par le Fonds Barnier, est destiné aux communes « faisant l’objet, depuis moins d’un an, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à la suite d’inondations » (loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021). Il a pour but d’améliorer la résilience aux inondations des biens à usage d’habitation sinistrés et couverts par un contrat d’assurance.

La loi de finances pour 2024 proroge de 2 ans cette expérimentation.

 

V. Favoriser la mobilité durable des salariés

Enfin, des mesures issues de la loi de finances pour 2024 interviennent en faveur de la mobilité des salariés.

L’article 29 prévoit ainsi que « l’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par les salariés » sera exonéré de l’impôt sur le revenu pour une année supplémentaire (jusqu’en 2024). Rappelons que cette exonération ne peut excéder 700 € (900 € Outre-Mer) par an, dont 400 € (600 € Outre-Mer), au maximum pour les frais de carburant.

Pour l’année 2024 également, l’employeur pourra continuer à prendre en charge ces mêmes frais « engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ». Cette prise en charge peut être cumulée, au titre des années 2022 à 2024, avec la prise en charge des frais de transports publics par l’employeur. Par ailleurs, cette dernière est aussi concernée par l’exonération de l’impôt sur le revenu si elle excède la prise en charge obligatoire de 50 % et dans la limite de 25 % du prix des titres d’abonnement.

Quant à l’article 37 de la loi de finances pour 2024, il proroge jusqu’au 31 décembre 2027 la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui mettent à disposition gratuite de leurs salariés une flotte de vélo pour leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de travail et ce, dans la limite de 25 % du prix d’achat ou de la location de ladite flotte de vélos.

Enfin, peuvent désormais être financés par le produit du droit départemental de passage entre une île maritime et le continent l’aménagement et l’entretien « de pistes cyclables en site propre en revêtement ni cimenté, ni bitumé, permettant le développement de la pratique du vélo du quotidien ».