Réseaux FTTH / Zone fibrée

Au terme d’un long processus d’élaboration, le gouvernement achève de donner corps au statut de zone fibrée.

Pour rappel, ce statut avait été introduit dans la loi République Numérique par amendement de plusieurs sénateurs, dont Patrick CHAIZE, par ailleurs président de l’AVICCA (www.senat.fr/enseance/2014-2015/371/Amdt_150.html). L’objet était de déclencher des « mesures d’accompagnement et d’accélération de la migration vers le réseau de la fibre ».

Le statut avait ensuite donné lieu à une consultation publique et à une décision de l’ARCEP (Décision n° 2017-0972 du 27 juillet 2017 proposant au ministre chargé des communications électroniques les modalités et les conditions d’attribution du statut de « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut).

Par arrêté du 6 décembre 2018 pris en application de l’article L. 33-11 du code des postes et des communications électroniques relatif à l’attribution d’un statut « zone fibrée », le gouvernement vient affirmer que « les modalités et les conditions d’attribution du statut « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut » sont celles sont fixées par l’ARCEP.

Le statut prévoit quelques avantages pour l’opérateur ou la collectivité qui en dispose, comme le fait de bénéficier plus rapidement d’un basculement du cuivre vers la fibre, mais aussi des obligations.

Rappel des conditions de la protection de son nom par une collectivité territoriale

Par un arrêt en date du 28 juin 2018 la Cour d’appel de Paris est venu préciser à quelles conditions une collectivité territoriale peut faire interdire à un tiers l’utilisation de son nom à titre de marque.

Pour rappel, en vertu de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) il est possible de déposer le nom d’une collectivité territoriale à titre de marque.

Mais, si le nom d’une collectivité peut être déposé en tant que marque par la collectivité concernée, il peut également être déposé par toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, dès lors que l’utilisation du nom ne crée aucun risque de confusion avec les activités de la collectivité (CA Versailles, 13 sept. 2007, n° 06/03071 : JurisData n° 2007-346646).

La loi dite « Hamon » n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et son décret d’application du 15 juin 2015 ont mis en place un privilège et offrent certains moyens aux collectivités territoriales. Ainsi, une procédure d’alerte prévu à l’article L. 712-2-1 du CPI permet désormais aux collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’être informés par l’INPI dans les cinq jours ouvrables suivant la publication d’un dépôt de demande d’enregistrement de la marque contenant leur nom.

En l’espèce, un particulier avait déposé à titre de marque le signe « # PARIS » dans les classes 14, 18 et 25 auprès de l’INPI.

En vertu de la loi HAMON précitée, la commune de Paris a fait opposition à cette demande d’enregistrement en invoquant une atteinte au nom, à l’image et à la renommée de la collectivité.

Dans un premier temps la Cour d’appel de Paris a rappelé que « l’article L. 711-4 h) du CPI n’a pas pour objet d’interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où il résulte de ce dépôt une atteinte à des intérêts publics.

En effet, l’atteinte aux droits d’une collectivité territoriale sur son nom, son image ou sa renommée n’est constituée que pour autant que celle-ci établisse que l’enregistrement du signe peut entraîner un risque de confusion avec ses propres attributions où est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés ».

Puis, la Cour a retenu qu’en l’espèce, « il existe une grande proximité entre le signe « # PARIS » de la demande d’enregistrement et le nom « PARIS », dès lors que la dénomination « PARIS », seul élément verbal du signe contesté, en constitue l’élément essentiel ».

Enfin, la Cour a pris le soin de vérifier que la commune de Paris, pour se prévaloir des dispositions de la loi HAMON, justifiait bien qu’elle est active dans les domaines d’activité concernés par les produits des classes 14, 18 et 25 désignés dans l’enregistrement de la marque contestée. Et en effet, ce nom bénéficie d’une exceptionnelle notoriété non seulement en tant que capitale de la France mais également en raison de sa renommée mondiale dans les domaines du luxe notamment dans les secteurs de l’habillement, de la bijouterie, de la joaillerie, de la maroquinerie ou de la parfumerie.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour a ainsi pu juger que le risque de confusion est particulièrement élevé pour les produits désignés dans l’enregistrement de la marque contestée et par voie de conséquence a pu en déduire que « le signe contesté « # PARIS » est de nature à porter atteinte au nom et à la renommée de la commune de Paris, étant susceptible d’empêcher ou d’entraver l’utilisation par celle-ci de son nom « Paris » pour commercialiser des produits en classes 14 et 18 ou du hashtag « # PARIS » pour communiquer, notamment sur les réseaux sociaux, sur des événements qu’elle soutiendrait concernant les produits précités ; le signe contesté est également de nature à porter atteinte aux intérêts des parisiens, administrés de la commune de Paris, notamment des acteurs économiques intervenant dans les mêmes secteurs d’activité ».

Cette décision permet donc d’observer le cheminement intellectuel suivi par les juge afin de pouvoir décider qu’une demande d’enregistrement de marque porte atteinte à une collectivité territoriale. Ce fût l’occasion de rappeler que le privilège dont jouissent les collectivités territoriales sur leur nom n’est pas absolu et que les conditions pour l’activer doivent être réunies pour obtenir une décision favorable.

Le formulaire DC4 devient conforme au RGPD

Lors de l’adoption du règlement général sur la protection des données (ci-après « RGPD »), il avait été question de mettre à jour les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) pour les mettre en adéquation avec le nouveau dispositif législatif, les contrats de commande publique impliquant des traitements de données personnelles devant tenir compte de l’applicabilité du RGPD.

Le 19 novembre 2019, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») a indiqué qu’à la suite de ses échanges avec le ministère de l’Economie et des Finances, celui-ci a actualisé le formulaire de déclaration de sous-traitance proposé aux soumissionnaires/titulaires de marchés (DC4) et publié des recommandations à l’intention des acheteurs publics.

Selon la CNIL, ce nouveau formulaire va servir de modèle utilisé par les soumissionnaires ou titulaires de marchés publics pour présenter un « sous-traitant », au sens du droit de la commande publique, à l’acheteur public et obtenir l’acceptation de ce dernier.

La nouveauté ici est que ce formulaire s’accompagne dorénavant d’une fiche technique résumant les impacts du RGPD sur les marchés publics.

Pour les administrations et leurs co-contractants, cette fiche technique permet de traduire la terminologie du RGPD en vocable des marchés publics, sensibiliser à la logique de responsabilisation, rappeler l’obligation d’intégrer dans tous les marchés publics les clauses obligatoires prévues par le règlement (article 28) et d’attirer l’attention des acheteurs faisant de l’achat mutualisé sur la nécessité de définir de façon transparente et par voie d’accord leurs obligations respectives.

Pas d’enrichissement du locataire principal au détriment du sous-locataire

La Cour d’appel de Nancy par un arrêt rendu le 25 avril 2018 est venue affirmer la stricte application des termes de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 concernant la fixation des loyers de sous location.

En l’espèce, un locataire preneur à bail d’un appartement à usage d’habitation dont le loyer principal s’élevait à la somme de 305,90 € auquel s’ajoutait une provision de charges de 42,69 € a consenti une sous-location portant sur une des chambres de l’appartement pour un loyer mensuel de 300 € charges comprises.

Le sous locataire versait donc, pour une chambre, un montant quasiment équivalent au loyer dû au bailleur pour l’entier appartement.

Le sous-locataire a assigné le locataire principal en restitution du trop versé de loyer en se fondant sur l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui dispose que :

« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation. Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location ».

Aux termes de cet article le loyer du sous-bail ne peut excéder celui du bail principal.

Le locataire principal soutenait que pour fixer le loyer de sous-location, il ne fallait pas uniquement prendre en considération le prix du loyer inscrit en numéraire dans le contrat de bail principal mais qu’il devait également être tenu compte de la valeur locative de l’appartement augmentée notamment grâce à d’importants travaux réalisés ce dernier.

Après avoir rappelé que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sont d’ordre public de protection des locataires et ne sont pas applicables au sous-locataire à l’exception de cet article 8, les juges ont affirmé que « l’argumentation du locataire principal méconnait l’exigence de sécurité juridique contenue dans le texte en faisant dépendre la limite de l’engagement du sous locataire d’une estimation de la valeur locative du logement représentant en l’occurrence 4 fois celle arrêtée par le bail, en raison de l’exécution de travaux de rénovation, par et à la charge du locataire principal sur la base d’un prétendu accord implicite avec le propriétaire, dont la réalité n’est d’ailleurs pas prouvée ».

Les juges ont par ailleurs précisé que « la raison d’être de cette disposition est, notamment, de protéger le sous-locataire en prohibant toute possibilité d’enrichissement du locataire principal au regard des conditions financières de la sous-location et ce, au moyen d’un élément de comparaison univoque, vérifiable et indiscutable, à savoir le montant du loyer mentionné dans le bail liant le propriétaire et le locataire principal et payé par ce dernier ».

Ainsi, la Cour fait prévaloir une interprétation stricte du texte, peu importe l’importance des travaux réalisés par le locataire, la répercussion de leur prix n’a pas à être réalisée au détriment de son sous-locataire.

Les faits de l’espèce ont donc permis de caractériser une violation manifeste des dispositions de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ayant pour conséquence la condamnation du locataire principal à rembourser au sous-locataire le trop-perçu de loyers.

La Cour d’appel de Nancy vient donc réaffirmer une jurisprudence initiée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er mars 2016 (CA Paris, pôle 4, ch 4. n° 14/08524).

La recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile d’une personne morale à but lucratif

Aux termes des dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, il ressort que « lorsque la plainte avec constitution de partie civile est formée par une personne morale à but lucratif, elle n’est recevable qu’à condition que la personne morale justifie de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat ».

Au cas d’espèce, une personne morale à but lucratif s’était constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, et avait omis, à cette occasion, de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat. En réponse, le magistrat instructeur avait rendu une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile, sanctionnant de fait cette carence.

Saisie d’un appel à l’encontre de cette décision, la Chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance entreprise et énonçait que la loi impose pour tout formalisme à la présentation, par une personne morale à but lucratif, d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, la justification de ses ressources par la production de son bilan et de son compte de résultat, ces éléments étant indispensables pour permettre au magistrat de fixer le montant de la consignation ; elle ajoutait que la société ne pouvait s’exonérer de la jonction des documents comptables exigés expressément à peine d’irrecevabilité de sa plainte avec constitution de partie civile et qu’elle n’était plus recevable à le faire dans le cadre de son recours.

Au visa de l’article 85 précité, la Cour de cassation énonce que « la personne morale à but lucratif qui, s’étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l’instruction au soutien de son appel de l’ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ».

Immobilier : Les associations syndicales libres (ASL) sont tenues de respecter les formalités imposées par l’ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 lorsqu’elles mettent leur statut en conformité (troisième chambre civile de la cour de cassation, 6 septembre 2018 n°17-22.815)

Le 6 septembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer notamment sur le point de savoir si lors de la mise en conformité des statuts d’une ASL l’annexion d’un plan parcellaire et d’un état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre est exigée, comme la législation l’impose au moment de sa création (article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006)

En l’espèce, des propriétaires de lots dans un ensemble immobilier géré par une association syndicale libre des propriétaires du lotissement ont assigné l’ASL en annulation de l’assemblée générale du 13 août 2010 et, subsidiairement, des résolutions 3 à 9, mise en conformité des statuts et établissement de l’état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre.

La Cour d’appel rejette la demande au motif que si la création d’une ASL impose d’annexer aux statuts le plan parcellaire et la déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales, ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage, ces formalités ne sont pas exigées pour la mise en conformité des statuts avec la législation.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la nullité de l’assemblée générale de l’ASL est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le membre qui n’a pas été convoqué à celle ; les propriétaires mécontents ayant été convoqués à l’assemblée générale ne pouvait en solliciter l’annulation.

Mais sur le second moyen du pourvoi, la troisième chambre civile, visant les articles 7 et 60-1 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et l’article 3 du décret du 3 mai 2006, précise que les associations syndicales libres ne sont pas dispensées, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes de respecter les formalités qu’ils imposent.

C’est ainsi que lors de la mise en conformité des statuts d’une ASL l’annexion d’un plan parcellaire et d’un état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre est exigée, comme la législation l’impose au moment de sa création (article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006).

 

Responsabilité administrative du fait de l’insécurité et de l’insalubrité des rues : Une décision susceptible de faire jurisprudence

Le Conseil d’Etat a rendu, le 9 novembre 2018, une décision qui devrait inciter les autorités disposant du pouvoir de police en matière de sécurité et de salubrité publiques dans une commune (le Maire, ou bien le Maire et le Préfet, si la commune est sous un régime de police d’État), à s’assurer qu’elles ont pris les mesures appropriées pour remédier aux nuisances, et au climat d’insécurité ou d’insalubrité dont se plaignent les résidents d’un quartier.

En l’espèce, l’association « La Vie Dejean », ayant pour objet la défense des riverains d’une rue piétonnière du 18ème arrondissement de la Capitale, avait dénoncé l’encombrement permanent de ses trottoirs et de sa chaussée par les étalages sans autorisation, l’existence d’un marché clandestin et de vendeurs à la sauvette, et, enfin, la saleté et les troubles importants résultant de cette situation.

Le Tribunal administratif de Paris, saisi par l’association en vue d’obtenir la condamnation de la Ville et de l’Etat à l’indemniser des préjudices résultant, selon elle, de la carence dont ils faisaient preuve dans l’exercice de leurs missions de maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité, avait, par un jugement du 24 mai 2016, condamné la Ville de Paris verser 3.000 euros à l’association, dont 2.000 au titre de la carence du Préfet dans l’exercice de ses missions de protection de la sécurité et de la tranquillité et 1.000 au titre de la carence du maire dans sa mission de maintien de la salubrité.

Le Préfet de police et la Ville s’étant pourvus en appel, la Cour administrative d’appel de Paris a, par un arrêt du 18 avril 2017, rejeté leurs demandes, considérant que « les difficultés de l’activité de police administrative n’exonéraient pas les services compétents de leur obligation de prendre des mesures appropriées. » et que le jugement du Tribunal administratif de Paris devait être confirmé.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a, à son tour, confirmé la condamnation de la Ville et de l’Etat. Son arrêt, rendu le 9 novembre 2018, apporte quelques précisions importantes :

  • Compte-tenu de la persistance des problèmes et des troubles constatés, en dépit des mesures prises par le Préfet et le Maire, le Conseil d’Etat a estimé que les mesures réglementaires comme matérielles qui auraient permis d’assurer un niveau raisonnable de sécurité et salubrité aux habitants du quartier, n’ont pas été prises. La carence fautive de la Ville de Paris et du Préfet de police sont ainsi bien caractérisés,
  • Le Conseil d’Etat a ajouté que la responsabilité de la Ville de Paris pouvait être engagée par une faute simple et pas seulement par une faute lourde.

Précision sur la notion de modification matérielle des facteurs de commercialité

Le 25 octobre 2018 la Cour de cassation est venue affiner sa jurisprudence sur la notion de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

En l’espèce, les différents acquéreurs des lots de copropriété d’une résidence située dans une station touristique ont consenti un bail commercial à une société ayant pour activité la gestion et l’exploitation d’ensemble immobiliers à usage touristique. La société locataire a notifié à chaque propriétaire un mémoire en révision du loyer en invoquant une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur locative de la totalité de la résidence.

La société s’est fondée sur l’article L.145-38 du Code de commerce qui permet une révision légale à la valeur locative en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité de plus de 10%.

Il convient de rappeler que la commercialité appliquée au cas d’espèce doit s’entendre de la capacité pour un établissement de tourisme à attirer la clientèle et à louer à ses clients des nuitées et des locations saisonnières.

La société locataire soutenait que les facteurs locaux de commercialité avaient évolués de manière significative dans la mesure où quatre établissements voisins avaient fait faillite et que la reprise de leurs fonds de commerce s’était faite à une valeur nulle conduisant à une baisse des loyers leur permettant de proposer des prix inférieurs constituant pour la demanderesse un environnement économique très défavorable.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette sa demande de révision en précisant que « la présence de sociétés commerciales concurrentes ne peut être considérée comme la démonstration à elle seule d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ».

La Cour de cassation rejette à son tour le pourvoi formé par la société et approuve la Cour d’appel d’avoir retenu que la société ne rapporte pas la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité puisque « le fait que quatre autres résidences de tourisme de la station aient renégocié les loyers versés aux propriétaires investisseurs est une décision de gestion propre aux résidences concernées et n’est pas opposable aux preneurs pour apprécier la commercialité de la résidence ».

La notion de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité de l’article L.145-38 du Code de commerce est donc entendue strictement par la Cour de cassation qui refuse de l’admettre en cas d’évolution, d’augmentation ou de diminution de la commercialité, seule la preuve de la transformation d’un de ses éléments pouvant être accueilli favorablement.

La Cour de cassation penche ainsi dans le sens de la sécurité juridique et donne un caractère exceptionnel à l’article L.145-38 précité.

La loi ELAN crée au profit du bailleur un nouveau motif de reprise des locaux commerciaux

Le bailleur commercial a désormais le droit de donner congé au locataire, à l’expiration d’une période triennale, lorsqu’il souhaite transformer le local existant en un local à usage principal d’habitation par reconstruction, rénovation ou réhabilitation.

Jusqu’à présent, en application de l’article L.145-4 alinéa 3 du Code de commerce, le bailleur de locaux commerciaux avait la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale pour :

  • construire, reconstruire ou surélever l’immeuble existant ;
  • réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage ;
  • exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière ;
  • en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « loi Elan ») ouvre un nouveau droit de reprise au profit du bailleur : celui-ci peut donner congé à l’échéance triennale pour transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation (art. L. 145-4, al. 3 modifié).

Ce nouveau motif de résiliation triennale peut être invoqué par les bailleurs depuis le 25 novembre 2018, date d’entrée en vigueur de la loi publiée au Journal Officiel le 24 novembre 2018.

Le dispositif d’individualisation du chauffage modifié par la loi ELAN

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a généralisé la répartition des frais de chauffage. La mise en œuvre de cette disposition s’accompagne de l’installation d’appareils d’individualisation des frais de chauffage.

Cette obligation s’applique à tous les immeubles notamment ceux des bailleurs sociaux pourvus d’un chauffage commun, à l’exception des trois catégories d’immeubles suivantes :

  • les établissements d’hôtellerie et logements-foyers ;
  • les immeubles dans lesquels il est techniquement impossible de mesurer la chaleur consommée par chaque local pris séparément ou de poser un appareil permettant aux occupants de chaque local de moduler la chaleur fournie par le chauffage collectif ;
  • les immeubles dont l’individualisation des frais de chauffage entraînerait un coût excessif résultant de la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage.

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a modifié le champ d’application précité sur plusieurs points :

Désormais, l’obligation est restreinte et ne concerne plus que les immeubles collectifs « d’habitation ou mixte pourvus d’installation centrale de chauffage ». Les locaux commerciaux en sont donc exclus.

L’obligation concerne également tout immeuble collectif « d’habitation ou mixte pourvus d’installation centrale de froid ».

La loi précise que pour satisfaire à l’obligation d’individualisation des frais de chauffage ou de refroidissement, il est possible de poser des installations qui permettent de « réguler » les fluides et non plus seulement les déterminer.

Par ailleurs, s’agissant des dérogations à l’obligation d’individualisation, il n’est plus question de la dérogation tenant au coût excessif « résultant de la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage » mais seulement du coût excessif « au regard des économies attendues ».

Enfin, des « répartiteurs de frais de chauffage » pourront être utilisés dans les hypothèses où il ne sera pas rentable ou techniquement possible d’utiliser des comptes individuels pour déterminer la quantité de chaleur. Un décret à paraître précisera le cadre de mise en place de ce procédé.

Calendrier de la convention d’utilité sociale (CUS) deuxième génération

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 sur l’égalité et la citoyenneté avait fixé le calendrier pour la deuxième génération des CUS devant porter sur la période 2017-2023.

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 est venue modifier et compléter le dispositif :

  • Les organismes de logement social (en ce compris les sociétés anonymes de vente d’habitations à loyer modéré) ont jusqu’au 1er juillet 2019 pour transmettre au représentant de l’Etat dans leur département un projet de CUS,
  • La CUS 2 devra être signée au plus tard le 31 décembre 2019, pour une durée de six ans renouvelable, avec effet rétroactif au 1er juillet 2019.

Il est toutefois possible de reporter ce calendrier d’un an renouvelable une fois, soit une signature de la CUS au plus tard le 1er juillet 2021, pour les organismes de logement social justifiant d’un projet de rapprochement avec un ou plusieurs autres organismes. Dès lors, la CUS en vigueur sera prorogée par avenant jusqu’à la conclusion de la nouvelle CUS.

Reste à savoir si les décrets d’application à paraître préciseront quels documents et/ou quelles informations seront de nature à justifier le « projet de rapprochement » entre plusieurs organismes.

Les dispositions relatives aux sanctions n’ont pas été modifiées : en l’absence de transmission du projet de CUS au représentant de l’Etat dans le département de son siège ou de signature de la CUS, l’organisme ne pourrait bénéficier des dérogations relatives à la revalorisation et à la hausse des loyers. Le ministre chargé du logement pourrait retirer à l’organisme défaillant une ou plusieurs de ses compétences pendant une durée qui ne peut excéder cinq ans et majorer pour la même durée, la cotisation due par cet organisme dans une proportion qui ne peut excéder le quintuple du montant initialement dû.

Publication du nouveau Code de la commande publique

Décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique

Conformément à l’habilitation donnée par l’article 38 de la loi « Sapin II » du 9 décembre 2016, le nouveau Code de la commande publique a été publié, dans sa partie législative, par une ordonnance n° 2018-1074 en date du 26 novembre 2018. La partie réglementaire a été publiée quelques jours plus tard, par décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018.

C’est la première fois qu’est menée à son terme une démarche de réunion en un seul Code de l’ensemble des dispositions applicables aux contrats de la commande publique, après trois précédentes tentatives qui, pour différentes raisons, n’avaient pas abouti (1997, 2004 puis 2009). Ce nouveau Code est présenté par le Gouvernement comme « l’ultime étape de la démarche de rationalisation et de modernisation de ce droit, engagée avec la transposition des directives européennes du 26 février 2014, conçue dès l’origine comme un exercice de pré-codification » (rapport au Président de la République, JORF n°0281 du 5 décembre 2018).

Sa structure s’inscrit dans la suma divisio institutionnalisée par le droit de l’Union Européenne entre les marchés publics d’un côté, les contrats de concession, de l’autre. Pour les deux types de contrat, la structure du Code a été conçue afin de correspondre à la chronologie de la vie d’un contrat (préparation, passation et exécution).

Incidemment, ce Code occasionne la modification de neuf lois et sept décrets. Surtout, huit textes législatifs et quinze textes réglementaires sont partiellement ou totalement abrogés. Parmi eux, on mentionnera en particulier les récentes ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (marchés publics) et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 (contrats de concession) et leurs décrets d’application respectifs, mais aussi la fameuse loi « MOP » du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, ainsi que ses décrets d’application. Le Code intègre également certaines dispositions issues des récentes lois ELAN et de programmation militaire 2019-2025.

Il est à noter qu’aux textes législatifs et réglementaires préexistants ont été adjoints certaines jurisprudences qui, en raison de leur stabilité, ont été codifiées. Ainsi, pour les deux types de contrats, ont été intégrées les jurisprudences relatives à la modification unilatérale des contrats administratifs, au droit au maintien à l’équilibre financier, au principe de résiliation pour faute et pour un motif d’intérêt général ainsi qu’à la force majeure. S’agissant spécifiquement des marchés publics, ont aussi été intégrées les jurisprudences relatives à la définition de l’offre anormalement basse. Quant aux concessions, le nouveau Code intègre les décisions relatives à l’attribution provisoire sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence ainsi qu’à la définition et le régime des biens de retour.

Bien que ce Code était attendu de longue date, son entrée en vigueur a été différée afin de laisser le temps aux acteurs de la commande publique d’en prendre connaissance. Ainsi, il ne s’appliquera pour l’essentiel qu’aux contrats ayant fait l’objet d’une publication à compter du 1er avril 2019. Toutefois, certaines dispositions sont immédiatement applicables (modification et résiliation des contrats de concession ; modalités de facturation et de paiement).

Le Gouvernement affirme que le Code aura un impact neutre pour les acteurs de la commande publique et ne fera pas peser davantage de charges sur eux. Il sera au contraire « un nouvel outil pérenne » (Fiche d’impact du 22 novembre 2018).

Néanmoins, on notera que ce Code devrait être à nouveau modifié afin d’intégrer, en particulier, certaines dispositions de la future loi PACTE, de la future loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, ainsi que les mesures de transposition de la directive 2014/55/UE relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, sans oublier le futur décret annoncé pour janvier 2019 comportant notamment des dispositions sur l’augmentation du montant des avances et la baisse de la retenue de garantie pour les marchés de l’Etat.

Projet de loi de finances pour 2019 : Les évolutions du PLF 2019 sur les mesures qui concernent les collectivités et les intercommunalités à la suite de l’examen du texte par le Sénat en première lecture

L’examen du projet de loi de finances pour 2019 par le Sénat en première lecture a conduit à l’évolution d’un certain nombre de mesures concernant les intercommunalités.

Parmi les évolutions du texte, nous pourrons souligner notamment :

  • la mise en place d’une sortie lissée pour les communes perdant l’éligibilité à la fraction cible de la dotation rurale de solidarité (DSR). Le Sénat a adopté un amendement, contre l’avis du Gouvernement, visant à ce que la sortie du mécanisme de la DSR cible s’étale sur trois ans (article 79 IV du PLF).
  • le Sénat a également adopté un amendement visant à poser le principe selon lequel les communes ne peuvent pas être pénalisées sur leur dotation globale de fonctionnement communale par le seul fait d’intégrer une intercommunalité plus favorisée (article 79 I du PLF).
  • les Sénateurs ont également apporté des aménagements au dispositif visant à renforcer l’information par l’Etat des collectivités territoriales sur les motifs d’évolution d’une année à l’autre de leurs attributions individuelles de dotations (article 79 bis du PLF).
  • la place des communes nouvelles a été renforcée. : le Sénat a prolongé la mise en œuvre du pacte de stabilité financière dont bénéficient les communes nouvelles, le dispositif sera ainsi prorogé de deux ans. Par ailleurs, le Sénat a souhaité garantir aux communes nouvelles le bénéfice de la DSR pendant une période prolongée, même si le seuil de 10.000 habitants au-dessus duquel, dans le droit commun, les communes ne bénéficient plus de la dotation, est dépassé. Ces communes pourraient ainsi bénéficier, pendant trois années supplémentaires, d’une DSR dégressive (article 79 du LPF).
  • les petites communes rurales ont également fait l’objet d’une attention particulière : les sénateurs ont adopté le principe, dans chaque département, d’une réserve d’une quote-part de 15% de l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) au financement des projets des communes de moins de 2.000 habitants dont le coût n’excède pas 50.000 euros (article 81 du PLF).
  • le montant du Fonds de solidarité pour les départements de la région Île-de-France (FSDRIF) est porté à 180 millions d’euros en 2019 contre 60 millions d’euros actuellement (article 79 bis A du PLF).
  • la prise en compte des redevances d’eau et d’assainissement dans le calcul du coefficient d’intégration fiscale des communautés de communes (CIF) est reportée à 2026 (article 79 du PLF).
  • le Sénat a ouvert le bénéfice de la nouvelle dotation « Natura 2000 » à « toute Commune» de moins de 10.000 habitants, dont les ressources ne dépassent pas un certain niveau et dont la « partie terrestre » est couverte par un site classé « Natura 2000 » (article 79 septies du PLF).
  • le Sénat a également sécurisé le dispositif des fonds de concours que des syndicats d’énergie reçoivent de la part de leurs communes membres pour les investissements réalisés en matière d’éclairage public (article 81 du PLF).

Il conviendra de vérifier si ces évolutions seront approuvées par l’Assemblée Nationale en nouvelle lecture, l’examen était prévu lundi 17 décembre et mardi 18 décembre 2018. 

Changement au 1er janvier 2019 pour les juridictions de l’aide sociale

Très prochainement, soit dès le 1er janvier 2019, les juridictions de l’aide sociale disparaîtront comme le prévoyait la loi Justice du XXIème siècle. Leur contentieux se voit réattribué et réparti entre les juridictions administratives et judiciaires.

Précisons tout d’abord de quelles juridictions il est question. Pour ce qui est des juridictions judiciaires, il s’agit des Tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), des Tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAS). Pour les juridictions administratives, cette suppression concerne les Commissions départementales d’aide sociale (CDAS) et la Commission centrale d’aide sociale (CCAS).

Précisons ensuite pourquoi ces juridictions devaient être amenées à évoluer. Dès 2002, le Conseil d’Etat a mis le doigt sur la problématique de la composition de la Commission centrale de l’aide sociale, en lien avec l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme notamment concernant la présence d’attachés d’administration du ministère du travail en leur sein (CE, ass., 6 décembre 2002, n° 240028) ainsi que celle de fonctionnaires du département de résidence de la personne ayant effectué le recours (CE, 13 janvier 2003, n°  264038).

Par la suite, le Conseil constitutionnel a, à l’occasion de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité, abrogé les dispositions du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoyant la présence au sein des CDAS d’élus fonctionnaires en activité ou en retraite puisqu’elle portait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs (DC, 25 mars 2011, n° 2010-110) ou encore celles portant sur les membres de la juridiction soit les rapporteurs et les commissaires du gouvernement en tant que la présence de fonctionnaires était possible (DC, 8 juin 2012, n°  2012-250).

En 2015, le Conseil d’Etat a constaté dans un avis n°309291 du 30 juillet 2015 qu’aucune modification n’avait été entreprise à la suite des décisions constitutionnelles susvisées. Un réajustement des juridictions de l’aide sociale était donc une nécessité.

Si les débats parlementaires avaient évoqué la création d’une juridiction ad hoc pour totalité du domaine social, cette solution n’a pas été retenue au contraire de celle de la répartition entre les juridictions administratives de droit commun et les Tribunaux de grande instance (TGI) spécialisés et échevinés ainsi que les Cours d’appel (CA).

Ainsi, la compétence de droit commun appartient désormais au juge administratif, qui est déjà compétent pour connaître du contentieux lié à l’action sociale (aide sociale à l’enfance, aide médicale d’Etat, aide personnalisée au logement, revenu de solidarité active, etc.). Le Tribunal administratif de Paris se voit ainsi attribuer une partie du contentieux dont jugeaient les CDAS et la CCAS concernant la recherche du domicile de secours. Les juridictions administratives se voient en outre attribuer les litiges relatifs aux décisions du président du conseil départemental et du préfet en matière de prestations légales d’aide sociale, notamment celles ayant trait à l’aide personnalisée d’autonomie, en premier comme en dernier ressort. Ces recours doivent par ailleurs être précédés d’un recours administratif préalable obligatoire (article L. 134-2 du CASF).

Le juge judiciaire – TGI ou CA – est quant à lui compétent pour l’ensemble des litiges relatifs à la législation et à la règlementation de la sécurité sociale comme à l’invalidité en cas d’accident. Enfin, plusieurs questions du contentieux de l’aide sociale sont transmises aux juridictions judiciaires comme celles ayant trait à l’allocation aux adultes handicapés, à la prestation de compensation du handicap ou les recours en récupération d’aide sociale sur donation ou succession.

Plusieurs décrets et ordonnances sont venus organiser le transfert de ce contentieux, que cela soit au niveau des aménagements pour les fonctionnaires et agents qui travaillaient dans ces juridictions vouées à disparaître, du transfert des affaires en cours aux tribunaux compétents ou de la désignation des assesseurs siégeant dans les nouvelles formations spécialisées.

L’exécution d’un arrêté autorisant une occupation privative du domaine public suspendue par le juge des référés pour non-respect des formalités de publicité et de mise en concurrence

L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques ne nourrit pas encore les prétoires, mais on y vient peu à peu. Et c’est vrai surtout au sujet de l’exigence de publicité et de sélection préalable à la délivrance des titres d’occupation privative du domaine public, que l’ordonnance a posée. La décision rendue le 16 mars dernier par le Tribunal administratif de La Réunion en est une illustration. Il a suspendu une autorisation d’occupation domaniale accordée de gré à gré à l’exploitant d’un restaurant de plage.

Le maire de Saint-Paul avait décidé de délivrer une autorisation d’occupation temporaire du domaine public aux exploitants de six établissements commerciaux implantés sur le site de la plage de l’Hermitage, exploitants qui occupaient jusque-là les lieux sans disposer d’aucun titre. L’un des arrêtés pris à cet effet a fait l’objet d’une requête en référé « suspension », sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Le juge des référés a décidé de suspendre effectivement l’autorisation d’occupation domaniale délivrée, considérant que l’absence de mise en concurrence créait un doute sérieux sur la légalité du titre.

On sait en effet que l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques impose désormais au propriétaire public de procéder à une procédure de sélection librement organisée avant l’attribution d’un titre d’occupation du domaine public, à tout le moins lorsque son titulaire occupera le domaine en vue d’une exploitation économique. Sur ce terrain de principe, le juge des référés rappelle incidemment que l’obligation de sélection préalable trouve à s’appliquer aussi bien lorsque l’autorisation est délivrée par voie conventionnelle, que lorsqu’elle est délivrée par voie unilatérale, comme c’était ici le cas.

On sait par ailleurs qu’il existe de nombreuses exceptions au principe de sélection préalable, notamment l’exception tirée de l’urgence, dont se prévalait la commune (article L. 2122-1-2). Sur ce terrain, le magistrat a incidemment considéré que la réalité de cette urgence était en l’état fort discutable, notamment en considération du contexte qui entourait la délivrance de ces autorisations à des exploitants qui occupaient déjà la plage depuis plusieurs années.   

Partant, un doute sérieux affectait la légalité de l’autorisation délivrée. Et, au titre de la seconde condition de recevabilité du référé « suspension », le tribunal a jugé qu’elle était vérifiée dans la mesure où l’urgence de suspendre l’acte résultait de l’atteinte grave et immédiate que cette autorisation portait à un intérêt public, ici la protection du milieu naturel de la plage.

L’arrêté d’autorisation a donc été suspendu en attente du jugement de l’affaire au fond.

Précisions sur l’effet de l’état de grossesse d’une salariée déclaré après une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail

Par arrêt en date du 28 novembre 2018 (n°15.29330), la Cour de cassation vient pour la première fois décrire les effets d’un état de grossesse en cas d’action en résiliation judiciaire du contrat de travail. En effet, classiquement, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Or, le licenciement prononcé pendant la période de protection liée à l’état de grossesse est nul : dès lors il pouvait être soutenu que la résiliation judiciaire prononcée pendant la grossesse du salarié entraînait la nullité du licenciement et la condamnation de l’employeur à payer les salaires et les congés payés y afférents jusqu’à l’issue de la période de protection.

Si la Cour d’appel a suivi ce raisonnement, l’arrêt a été censuré par la Cour de cassation qui considère que lorsqu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n’a pas informé l’employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse : la nullité du licenciement n’est alors pas encourue et le salarié ne peut percevoir le règlement de ses salaires jusqu’à l’issue de sa période de protection.

L’employeur, qui aura connaissance de l’état de grossesse de sa salariée pourra ainsi mettre fin aux faits invoqués par la salariée pour justifier une résiliation judiciaire de son contrat de travail avant que le juge n’ait statué aux fins d’éviter la sanction liée à la nullité du licenciement.

Une alternative au reclassement pour inaptitude : le changement d’affectation du contractuel

L’article 1er du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 permet à l’administration territoriale d’éviter de mettre en œuvre une lourde procédure de reclassement dans l’hypothèse où un simple changement d’affectation du fonctionnaire sur un autre emploi – relevant de son corps ou cadre d’emploi – suffit à respecter les prescriptions médicales.

Mais rien de tel n’existait, jusqu’à présent, pour les agents contractuels, pour lesquels le seul constat de l’inaptitude à l’emploi occupé entraînait nécessairement l’engagement d’une procédure de reclassement devenue particulièrement lourde depuis la dernière vague de réforme des décrets régissant l’emploi contractuel dans les trois fonctions publiques.

En l’espèce, un agent contractuel employé par la région Nord Pas-de-Calais avait été jugé médicalement inapte à ses fonctions. D’ordre psychologique, l’inaptitude consistait dans l’impossibilité pour l’agent de poursuivre l’exercice de fonctions dans son service actuel.

Suivant les préconisations de la Médecine préventive, la Région avait affecté l’agent sur des fonctions strictement identiques dans un autre service. Mais celui-ci, mécontent de ne pas avoir été licencié du fait de l’inaptitude constatée, ne s’est pas présenté à ses nouvelles fonctions et a fait l’objet d’une retenue sur traitement. Il a alors contesté cette mesure, ainsi que le refus que le Président de la Région avait opposé à sa demande tendant à être licencié.

Au soutien de son recours, l’agent arguait qu’il n’avait pas pu faire, sans son consentement, l’objet d’un reclassement et que la Région aurait donc dû, à défaut d’un tel consentement, le licencier. La Cour administrative d’appel de Douai lui avait donné raison.

Le Conseil d’Etat infirme cependant l’arrêt de la Cour. Selon lui « lorsque l’employeur public, constatant que l’un de ses agents contractuels a été reconnu médicalement inapte à la poursuite de ses fonctions sur le poste qu’il occupait, décide de l’affecter, dans le respect des stipulations de son contrat, sur un poste compatible avec son état de santé, il ne procède pas au reclassement de l’intéressé ».

Autrement dit, puisque les nouvelles fonctions sont conformes en tout point aux stipulations du contrat, le changement d’affectation pouvait intervenir sans demande préalable de reclassement de l’agent, et plus généralement sans signature d’un avenant à son contrat, autrement dit : sans son accord.

Cette solution pourra donc être à présent envisagée en priorité chaque fois que l’inaptitude d’un agent contractuel sera constatée mais qu’un poste conforme à la fois aux préconisations de la médecine de prévention et aux stipulations du contrat pourra accueillir l’agent.

Il s’agit, pour l’heure, d’une simple possibilité offerte par la jurisprudence, et il ne résulte pas des termes de la décision du Conseil d’Etat qu’il s’agisse d’une obligation dont la méconnaissance pourrait être reprochée à une collectivité qui se bornerait à s’engager dans une procédure de reclassement classique. 

L’agent mis à disposition peut faire l’objet d’une période d’essai

Le département des Deux-Sèvres contestait dans cette affaire la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux annulant le licenciement d’un journaliste contractuel, dont le contrat prévoyait une période d’essai de trois mois à laquelle il avait été mis fin.

La Cour avait en effet estimé, au prétexte d’une précédente mise à disposition de l’agent intervenue via le centre de gestion, qu’une telle période d’essai ne pouvait être prévue, dès lors que le contrat auquel il avait été mis fin aurait été un renouvellement (Nb : aujourd’hui l’article 4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale indique qu’alors il ne peut être prévu une telle période).

Remettant la logique juridique au centre du débat, le Conseil d’État a annulé cette décision, en jugeant « que la collectivité ou l’établissement qui accueille un agent contractuel mis à disposition par un centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale avec lequel il est lié par contrat, ne peut être regardé comme son employeur en l’absence de tout contrat entre l’administration d’accueil et l’agent ».

Il tempère cependant la solution en indiquant que « la durée des missions accomplies par l’agent pour le compte de l’employeur dans le cadre de sa mise à disposition doit […] être déduite de la période d’essai prévue par le contrat ».

C’est ainsi qu’une période d’essai de trois mois, qui peut être prévue lorsque la durée initialement prévue au contrat est égale ou supérieure à deux ans, peut être stipulée mais doit être réduite à deux mois si, par exemple, de mêmes missions ont précédemment été effectuées par l’agent dans le cadre d’une mise à disposition d’une durée d’un mois.

Fusions d’EPCI : la question du transfert des emplois fonctionnels

Dans une récente décision, le Juge administratif a fait œuvre créatrice en tranchant, implicitement, une zone d’ombre relative à la situation des personnels détachés sur un emploi fonctionnel dans le cadre d’une fusion d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Le litige soumis au Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne concernait l’application de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui impose aux collectivités territoriales et EPCI de plus de 80 000 habitants la « primo-nomination » d’au moins 40 % de personnes de chaque sexe dans une liste d’emplois de direction et selon des modalités fixées par le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique.

Les « primo-nominations » au sens de ces dispositions sont constituées uniquement des nominations depuis l’ « extérieur » de la collectivité ou de l’établissement. La circulaire du ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique en date du 20 août 2012, relative à l’application du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 (NOR RDFF1229946C) précise les exceptions en rappelant que :

  • « le dispositif s’applique aux nouvelles nominations et non aux agents déjà nommés» ;
  • Sont exclus les « renouvellements dans un même emploi», indiquant que « cette notion fait référence aux décrets portant statut d’emplois qui fixent les durées maximales d’occupation d’un emploi et qui peuvent prévoir le renouvellement de la nomination en précisant la durée d’occupation maximale d’un même emploi » ;
  • Sont exclus également les « nominations dans un même type d’emploi», c’est-à-dire « si le changement d’emploi du titulaire de l’emploi s’effectue au sein d’un des types d’emploi figurant en annexe et au sein de la même collectivité territoriale ».

Cette obligation s’apprécie, soit sur une année civile, au terme de cette année, soit, lorsque la collectivité a effectué moins de 5 nominations (de tout type) dans les emplois considérés dans l’année civile, sur une période allant de la première nomination depuis la dernière analyse du respect de l’obligation au cinquième recrutement, ce dernier recrutement constituant la date d’analyse du respect de l’obligation.

S’il apparaît qu’une collectivité n’a pas respecté cette obligation, le II de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 prévoit qu’une contribution forfaitaire est due, multipliée par le nombre d’unités manquantes.

En l’espèce, à l’occasion de l’analyse du respect du dispositif pour l’année 2015 par la communauté d’agglomération Ardenne Métropole, le Préfet des Ardennes a considéré que cette dernière avait procédé à un nombre trop important de « primo-nominations » d’hommes sur les emplois fonctionnels, sans respecter le quota de femmes prévu par les dispositions précitées.

L’établissement ayant refusé d’inscrire la contribution au budget, le représentant de l’Etat avait fait mandater la somme d’office, mandat dont Ardenne Métropole sollicitait la censure auprès du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Les juges de première instance ont ainsi dû s’interroger sur l’existence ou non de « primo-nominations », la communauté d’agglomération défendant le fait que les emplois fonctionnels nommés n’étaient que des changements, au sein de la même collectivité, sur des emplois de même nature, changements exclus du dispositif précité.

En effet, Ardenne Métropole est issue de la fusion, au 1er janvier 2014, d’anciens EPCI et s’était vue, dans ce cadre, transférer les personnels des anciens établissements, dont les emplois fonctionnels.

Au 1er janvier 2015, la structure supprimait les anciens emplois fonctionnels transférés et en créait de nouveaux, sur lesquels elle nommait les mêmes agents auparavant affectés sur les emplois supprimés.

Le principe même du transfert des emplois fonctionnels était toutefois remis en cause par le représentant de l’Etat dans le département dans le cadre de sa contestation du nombre de « primo-nominations » : il estimait que les anciens emplois fonctionnels n’avaient pu être transférés, dès lors que ces derniers seraient des emplois attachés à la personne des agents et à la personne politique de l’élu, ne pouvant donc, du fait d’un lien de confiance particulier, être transférés au même titre que ceux occupés par les autres agents dans une opération de fusion.

Le Préfet arguait notamment de ce que, contrairement aux dispositifs transitoires prévus pour les emplois fonctionnels dans le cadre de la fusion d’établissements publics territoriaux par la loi (article L. 5219-10 IV du Code général des collectivités territoriales (CGCT), créé par la Loi NOTRe), le silence gardé par le CGCT dans le cadre des fusions « classiques » sur le sort des emplois fonctionnels impliquait que ceux-ci ne puissent être transférés.

A ce titre, le Préfet a donc estimé que ces emplois fonctionnels étaient considérés comme des emplois d’une autre collectivité (l’ancienne communauté d’agglomération « Cœur d’Ardenne ») au sens des dispositions de l’article 6 quater de la loi n° 83-634. Le représentant de l’Etat considérait donc que les 3 nominations du directeur général des services, du directeur général des services techniques et d’un directeur général adjoint au 1er janvier 2015 étaient des « primo-nominations » soumises au principe de nominations paritaires d’hommes et de femmes.

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a battu ce raisonnement en brèche en explicitant la portée de l’article L. 5211-41-3 III du CGCT, selon lequel « L’ensemble des personnels des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés est réputé relever de l’établissement public issu de la fusion dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les siennes. (…) », en précisant que « les personnels qui relèvent d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) issu de la fusion d’établissements publics de coopération intercommunale préexistant, relèvent du nouvel établissement et ont vocation à y recevoir une affectation, laquelle ne saurait être regardée comme consécutive à une nomination au sens des dispositions de l’article 6 quater précité ».

Ce faisant, il a considéré, par un raisonnement original, d’une part, que les emplois fonctionnels des anciennes entités avaient été transférés en tant que tels au sein de la nouvelle entité (et non comme des emplois fonctionnels de la nouvelle entité).

Toutefois, et d’autre part, les juges de première instance ont estimé que cette situation temporaire, à laquelle il était mis fin par la suppression des emplois et la création de nouveaux, propres à Ardenne Métropole, ne permettait pas de considérer que la nomination des anciens cadres sur ces postes soient des « primo-nominations » au sens des dispositions précitées.

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ainsi validé le principe selon lequel les emplois fonctionnels d’EPCI fusionnés sont transférés au sein du nouvel EPCI qui les conserve jusqu’à ce que de nouveaux emplois fonctionnels, propres à la nouvelle entité, soient créés.

Il a ainsi, implicitement, transposé aux situations générales le dispositif original créé par la Loi NOTRe pour le transfert des emplois fonctionnels lors de la fusion d’établissements publics territoriaux, confirmant la portée générale au texte de l’article L. 5211-41-3 III du CGCT, « l’ensemble des personnels » comprenant donc les agents détachés sur emplois fonctionnels.

Ce jugement, d’intérêt notable et inédit en matière de fusion d’EPCI, fera toutefois très probablement l’objet d’un appel compte-tenu de la position contradictoire jusqu’alors arguée par la Direction générale des collectivités locales sur cette question, laquelle estime, dans cette hypothèse, que les anciennes entités doivent nécessairement mettre fin à l’ensemble des détachements sur emplois fonctionnels avant la fusion, via la procédure de l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

Par Emilien BATOT