Le nouveau bailleur est tenu de réaliser les travaux non effectués par l’ancien

En cas de vente d’un immeuble loué, le nouveau propriétaire, qui devient cessionnaire du bail, est tenu envers le preneur de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien, même si l’ancien propriétaire a déjà été condamné à les exécuter.

Le bailleur d’un immeuble à usage commercial et d’habitation est condamné par décision de justice à réaliser des travaux. L’immeuble est ensuite adjugé à un tiers. Le nouveau propriétaire est à son tour poursuivi par le preneur en réalisation des travaux qui n’ont pas été exécutés. Sa demande est accueillie par les juges du fond.

Devant la Cour de cassation, le nouveau propriétaire conteste sa condamnation, en faisant valoir qu’il appartenait au bailleur qui vend son immeuble de réaliser les travaux, jugés nécessaires alors qu’il était propriétaire, et dont la charge lui incombait, peu important que le jugement de condamnation du précédent propriétaire ait été annexé aux conditions de la vente. Le pourvoi est rejeté : depuis l’acquisition de l’immeuble, le nouveau propriétaire était tenu d’une obligation de délivrance envers le preneur. Faute pour lui de s’être acquitté de cette obligation, sa condamnation était justifiée.

La condamnation du nouveau propriétaire à réaliser les travaux auxquels l’ancien n’a pas procédé est logique. Elle s’explique par le transfert de contrat qui va de pair avec l’acquisition d’un immeuble : l’acquéreur de l’immeuble loué doit répondre, à compter du transfert de propriété, des obligations qui incombent au bailleur à l’égard du locataire (C. civ., art. 1743). Le nouveau propriétaire devient, par l’effet de ce changement de contractant, bailleur à l’égard du locataire ; il est donc débiteur de l’obligation de délivrance conforme attachée au contrat de bail.

L’absence de « dispense » de l’ancien bailleur, invoquée par le pourvoi, est certes exacte mais elle n’est pas de nature à dispenser le nouveau de son obligation. Le preneur pouvait ainsi reprocher au nouveau bailleur le défaut de délivrance conforme. En revanche, après réalisation des travaux, le nouveau bailleur devrait pouvoir obtenir remboursement de l’ancien, sauf clause contraire de l’acte de vente de l’immeuble.

Le Gouvernement n’entend pas procéder à un assouplissement des formalités à entreprendre afin de permettre aux associations syndicales libres (ASL) de mettre en conformité leurs statuts et ainsi recouvrer leur capacité à agir en justice.

Par une question écrite en date du 31 mai 2018, une sénatrice a attiré l’attention du Ministre de la cohésion des territoires sur la réglementation applicable aux associations syndicales libres (ASL) et plus particulièrement sur les ASL de lotissement qui n’ont aucune existence administrative faute d’avoir été régulièrement déclarées ab initio en préfecture par le maître d’ouvrage.

Ella demandait ainsi si le Gouvernement entendait procéder à un assouplissement des formalités à entreprendre, plus particulièrement sur l’exigence du consentement écrit de chacun des membres, afin de permettre aux associations syndicales libres de mettre en conformité leurs statuts et ainsi recouvrer leur capacité à agir en justice.

Ce à quoi le Ministre répond : `

« Aux termes de l’article 7 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : « Les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit ». Par ailleurs, pour être dotées de la capacité juridique, les associations syndicales libres (ASL) doivent procéder à une déclaration en préfecture publiée au Journal officiel. L’omission de ces formalités ne prive pas d’existence juridique les ASL, mais rend inopposable aux tiers les décisions de l’ASL, jusqu’à leur accomplissement. Pour recouvrir sa pleine capacité juridique, l’ASL doit produire les documents requis lors de la déclaration initiale de sa création, des assouplissements étant prévus s’agissant des ASL régies par l’article R. 442-7 et suivant du Code de l’urbanisme. La constitution de ces ASL est obligatoire lorsque des équipements communs sont prévus dans le lotissement. (…)

Le fait qu’une ASL de lotissement doive être obligatoirement constituée emporte comme conséquence qu’il n’est pas nécessaire de recueillir l’accord unanime des propriétaires des lots concernés pour adopter les statuts (Cass. Civ., 3ème, 28 nov. 1972 confirmé par Cass. Civ., 3ème, 1er juill. 1980. – Cass. Civ., 3ème,  18 déc. 1991. – Cass. Civ., 3ème, 28 avr. 1993).

L’appartenance à l’ASL résulte simplement de l’inclusion du terrain dans le périmètre syndical, quels que soient les travaux exécutés ou les prestations servies. L’acquisition d’une parcelle dans un lotissement vaut par elle-même appartenance à l’ASL (Cass. Civ., 3ème, 28 nov. 1972).

L’article 3 du décret n° 2006-304 du 3 mai 2006 portant application de l’ordonnance précitée a tiré les conséquences de cette jurisprudence en exonérant les membres d’une ASL de lotissement de la production d’un écrit spécifique portant adhésion nommé « déclaration de l’adhérent » lors du dépôt du dossier de déclaration en préfecture. L’acte d’acquisition du lot valant en lui-même acceptation des statuts et adhésion à l’ASL.

Par conséquent, le dossier de déclaration d’une ASL de lotissement doit comporter : la déclaration écrite et signée par l’un des membres ou le président, deux exemplaires des statuts (conformes à la réglementation issue de la réforme de 2004) et une copie du plan parcellaire. La réglementation en vigueur permet d’ores et déjà aux ASL de lotissement au sens de l’article R. 442-7 du Code de l’urbanisme de « régulariser » leur situation, sans devoir recueillir le consentement écrit de chaque propriétaire. Le Gouvernement n’entend donc pas modifier la réglementation sur ce point ».

En conséquence, le Ministre a donc confirmé que le Gouvernement n’entend donc pas modifier la réglementation en vigueur, qui permet d’ores et déjà aux ASL de lotissement au sens de l’article R. 442-7 du Code de l’urbanisme de « régulariser » leur situation, sans devoir recueillir le consentement écrit de chaque propriétaire.

 

Inapplicabilité de la règle de computation des délais à la prescription

Dans le cadre d’un contentieux en non réitération d’une promesse de vente, l’agent immobilier qui avait été mandaté par le bénéficiaire de la promesse a assigné ce dernier en paiement de sa commission et subsidiairement en dommages et intérêts suivant assignation du 19 juin 2013.

L’ancien mandant a soulevé une fin de non-recevoir en raison de la prescription de l’action, considérant que le délai pour agir, désormais de 5 ans avec la réforme de la prescription du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, avait expiré le 18 juin 2013.

La Cour d’appel saisie du litige a rejeté cette fin de non-recevoir au motif que, selon les articles 641 et 642 du Code de procédure civile, lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai, et que tout délai expire le dernier jour à 24 heures.

Dans ces conditions, la Cour considérait que le délai de prescription applicable en l’espèce expirait le 19 juin 2013 à 24 heures.

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles des articles 1er, 2222, alinéa 2, 2228 et 2229 du Code civil et rappelle, dans un attendu de principe, que les règles de computation des délais du Code de procédure civile ne sont pas applicables à la prescription.

La juridiction suprême s’inscrit ici dans une jurisprudence constante et oblige ainsi les praticiens à redoubler de vigilance en la matière.

L’effacement de la dette du locataire bénéficiant d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à la résiliation de son bail

Un bailleur a assigné ses locataires en résiliation de bail pour défaut de paiement des loyers.

Les juges de première puis de seconde instance font droit à sa demande et prononcent donc la résiliation du bail, l’expulsion et ordonnent le remboursement de la dette locative.

Les locataires ayant parallèlement bénéficié d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, ils forment un pourvoi en cassation.

Selon eux, l’effacement de leur dette locative à l’issue de la procédure de traitement de surendettement ferait obstacle au prononcé de la résiliation de leur bail pour défaut de paiement des loyers.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant que :

« L’effacement de la dette locative qui n’équivaut pas à son paiement ne fait pas disparaître le manquement contractuel du locataire qui n’a pas payé son loyer».

Ainsi, nonobstant l’effacement de la dette locative, le bailleur peut valablement solliciter la résiliation du bail sur ce fondement, ce à quoi le juge peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain, faire droit.

Cet arrêt pose plus généralement la question de l’articulation entre les procédures de résiliation de bail et de surendettement des particuliers dont la coordination est améliorée par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN du 23 novembre 2018.

Péril imminent et contentieux de travaux publics

Cet arrêt revient sur l’enjeu de la qualification de travaux exécutés d’office en application d’un arrêté de péril imminent au regard des dispositions, alors en vigueur, de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative.

Celles-ci prévoyaient en effet que : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».

Ainsi, afin de déterminer la recevabilité d’une demande indemnitaire, il convenait de déterminer si les travaux de démolition partielle exécutés d’office en application d’un arrêté de péril présentaient ou non le caractère de travaux public.

Conformément à sa jurisprudence, le Conseil d’Etat rappelle ici que de tels travaux revêtent bien le caractère de travaux publics, de sorte que « en jugeant qu’il en allait autrement, au motif que les requérants soutenaient que les travaux engageaient la responsabilité de la commune en raison de l’illégalité de l’arrêté ayant fait l’objet de l’exécution d’office et en en déduisant que la demande était irrecevable faute d’avoir été précédée d’une réclamation ayant fait naître une décision de l’administration, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit ».

Les dommages résultant de ces travaux pouvaient donc être contestés sans réclamation préalable ayant fait naître, implicitement ou explicitement, une décision de rejet de l’administration.

Toutefois, depuis le décret « JADE » du 2 novembre 2016, il n’existe plus, pour toutes les requêtes indemnitaires introduites à compter du 1er janvier 2017, d’exception relative aux litiges de travaux publics.

Les contentieux indemnitaires relatifs aux travaux réalisés d’office dans le cadre des procédures de péril prévues aux articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation exigent donc désormais une réclamation préalable.

Prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation du bailleur

Un bailleur consent un bail commercial à un preneur le 15 septembre 1997. Le 19 mars 2008, le preneur sollicite un renouvellement au 29 septembre 2008, renouvellement que le bailleur refuse suivant congé avec refus de renouvellement sans offre de paiement d’une indemnité d’éviction du 19 juin 2008 à effet au 30 septembre 2008.

Le preneur assigne alors le bailleur en contestation du congé le 12 novembre 2008, puis, à la suite de conclusions d’incident du 19 février 2009, une expertise judiciaire est ordonnée.

Suivant conclusions du 23 septembre 2013, le bailleur sollicite la condamnation du preneur au paiement d’une indemnité d’occupation.

Le 16 juin 2015, le jugement fixant l’indemnité d’éviction est rendu et finalement le bailleur exerce son droit de repentir le 2 novembre 2015.

Pour déclarer prescrite l’action en paiement de l’indemnité d’occupation du bailleur, la Cour d’appel retient que le point de départ du délai de prescription biennale était l’expiration du bail, soit le 30 septembre 2008.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel par un arrêt de principe rendu au visa des articles L. 145-28 (relatif à l’indemnité d’occupation) et L. 145-60 (relatif à la prescription) du Code de commerce en jugeant que :

« Le délai de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation fondée sur l’article L. 145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d’une indemnité d’éviction ».

Dès lors, la prescription n’avait pas commencé à courir le 30 septembre 2008, mais le 16 juin 2015.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation étend à l’indemnité d’occupation un principe d’ores et déjà acquis en matière d’indemnité d’éviction, qu’elle rappelle d’ailleurs.

La présente décision permet, de manière fort logique, de tempérer la brièveté et l’implacabilité de la prescription biennale applicable aux baux commerciaux.

Toutefois, à notre sens, une telle solution ne s’appliquerait pas en cas de congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction, le droit du preneur au bénéfice d’une indemnité d’éviction étant consacré dans son principe dès la signification dudit congé.

Précisions relatives à l’appréciation d’une offre anormalement basse

Par un arrêt en date du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu compléter l’édifice jurisprudentiel sur les modalités d’appréciation d’une offre anormalement basse.

En l’espèce, la Communauté d’agglomération du Grand Sénonais a lancé une consultation en vue d’attribuer un marché public de collecte et d’évacuation des ordures ménagères et de déchets. Dans le cadre de la procédure de passation, l’offre présentée par la société Sépur a été rejetée par la collectivité, au motif que celle-ci était jugée comme anormalement basse.

A la suite du courrier de rejet, le candidat évincé a exercé un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Dijon aux fins d’annulation de la décision de rejet et d’injonction tendant à la reprise de la procédure au stade de l’analyse des offres, demandes auxquelles le juge des référés n’a pas fait droit.

Mécontente par l’ordonnance de référé, la société Sépur a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat pour demander l’annulation de cette ordonnance et la reprise partielle de la procédure.

Pour censurer l’ordonnance, la Haute juridiction s’est fondée sur les articles 53 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 60 du décret du 25 mars 2016, et a considéré que « l’existence d’un prix paraissant anormalement bas au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas, à elle-seule, le rejet de son offre comme anormalement basse, y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère du prix. Le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie en effet au regard de son prix global».

Partant, deux enseignements peuvent être tirés de ce considérant de principe, à savoir :

  • d’ une part, le prix anormalement bas d’une offre s’analyse au regard du prix global ;
  • et d’autre part, l’absence de facturation de certaines prestations du marché, objet d’une sous-pondération dans le critère prix, n’est pas à elle seule, une circonstance suffisante pour caractériser une offre anormalement basse.

Cette nouvelle décision vient ainsi compléter l’œuvre de clarification entreprise ces dernières années par la jurisprudence administrative, qui a notamment eu à préciser que le pouvoir adjudicateur est tenu de rechercher si le prix proposé par le candidat est en lui-même « manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché »[1].

Toutefois, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoir dans la mesure où le marché avait été signé avant son introduction.

[1]CE, 13 novembre 2013, Société Artéis, req. n° 36606 ; CE, 22 janvier 2018, Cmne de Vitry-le-François, req. n° 414860.

Refus de condamnation en comblement de passif dès lors que l’insuffisance d’actif trouve sa source dans la crise économique

Cet arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation a été l’occasion de réaffirmer la position de la Haute juridiction sur la question de la responsabilité pour insuffisance d’actif résultant d’une crise économique.

En l’espèce, à la suite de la mise en liquidation d’une SAS, le liquidateur judiciaire nommé dans le cadre de la procédure a assigné le président de la société en responsabilité pour insuffisance d’actif. L’action en responsabilité était fondée sur la poursuite d’une activité déficitaire par le dirigeant de la société et sur la passivité de ce dernier face aux difficultés de la société.

La Cour d’appel rejette la demande du liquidateur tendant au comblement du passif de la société en liquidation. Pour la Cour d’appel, la diminution du chiffre d’affaire et de l’excédent brut d’exploitation étaient dus à une crise économique apparue en 2008. Elle retient de plus que des mesures de restructurations ont été mises en place par le dirigeant de la société notamment la diminution de la masse salariale et la réduction des frais généraux de la société.

Le pourvoi formé par le liquidateur judiciaire est rejeté par la Cour de cassation qui relève, tout comme la Cour d’appel, que l’insuffisance d’actif était dû à un contexte économique défavorable et non à une quelconque faute de gestion du dirigeant de la société.

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation excluant la condamnation en comblement de passif dès lors que l’insuffisance d’actif résulte de la crise économique (Cass. Com, 20 avril 2017 n°15.196750)

Pas de révocation de donation de titres de société en cas d’abus de biens sociaux par le donataire

La Cour de cassation dans son arrêt en date du 30 janvier 2019 devait se prononcer sur la question de savoir si une condamnation pour abus de bien sociaux justifiait une action en révocation de donation de titres de société.

En l’espèce, un père avait effectué une donation des actions d’une SAS, société holding qu’il détenait, à son fils. Tout en gardant l’usufruit des titres. Le fils a par la suite été condamné pour abus de biens sociaux et abus de confiance au préjudice de la société holding et d’une autre société créée par le père.

Le père a ainsi introduit une action en révocation de la donation des titres de société pour ingratitude.

La Cour d’appel avait fait droit à cette demande de révocation au motif que le donataire (le fils) avait manqué à une obligation de reconnaissance et que le détournement des fichiers de l’une des sociétés créée par le donateur (le père) dénotait une intention de concurrencer par des moyens illicites l’activité des sociétés du donateur.

Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation sur le fondement de l’article 955 du code civil.

Pour la Haute juridiction, la révocation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour les faits commis à l’encontre du donateur.

Modalités d’appréciation des conditions de redressement au sein d’un groupe de société

Dans l’arrêt précité, la Haute juridiction avait à se prononcer sur les modalités d’appréciation des conditions de redressement dans un groupe de sociétés.

En l’espèce, des procédures de redressement judiciaire ont été ouvertes à l’égard de cinq SCI du même groupe et de la société mère une SAS. Par la suite le Tribunal a ordonné un plan de continuation pour la société mère et a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre des cinq filiales.

Les filiales du groupe interjettent appel de cette décision au motif que leurs perspectives de redressement devaient s’apprécier en tenant compte non seulement de leurs propres capacités, mais aussi des chances de redressement du groupe dans son ensemble.

La Cour d’appel, rejette la demande des filiales car selon elle l’impossibilité manifeste de redressement exigé par l’article L. 631-15 du Code de commerce devait s’apprécier individuellement. La Cour d’appel a fait application de la jurisprudence antérieure de la cour de cassation qui avait affirmé que « les chances de redressement d’une société doivent s’apprécier au regard de ses capacités et non de celles du groupe auquel elle peut appartenir, en l’absence d’engagement de la société mère ou d’une autre filiale en sa faveur » (Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-19504).

Dans cet arrêt, la Haute juridiction affirme que : « si le principe de l’autonomie de la personne morale impose d’apprécier séparément les conditions d’ouverture d’une procédure collective à l’égard de chacune des sociétés d’un groupe, rien n’interdit au tribunal, lors de l’examen de la solution proposée pour chacune d’elles, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe ».

La Cour de cassation revient sur sa jurisprudence en faisant une distinction entre les conditions d’ouverture de la procédure collective appréciées de façon autonome au sein d’un groupe de sociétés et les perspectives de redressement devant faire l’objet d’une appréciation globale au sein du groupe.

La régularisation d’une augmentation du capital en numéraire

L’article L. 225-129-6 al 1 du Code de commerce dispose que « Lors de toute décision d’augmentation du capital par apport en numéraire, sauf si elle résulte d’une émission au préalable de valeurs mobilières donnant accès au capital, l’assemblée générale extraordinaire doit se prononcer sur un projet de résolution tendant à la réalisation d’une augmentation de capital dans les conditions prévues aux articles L. 3332-18 à L. 3332-24 du code du travail, lorsque la société a des salariés »

Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la nullité de la décision d’augmentation du passif, en application de l’article L. 225-149-3 du Code de commerce.

Dans l’arrêt en date du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularisation de cette nullité.

En l’espèce, l’assemblée générale d’une SAS avait décidé d’une augmentation du capital en numéraire de la société. Cependant, l’assemblée avait omis de délibérer sur un projet de résolution tendant à la réalisation d’une augmentation du capital réservé aux salariés en application des dispositions de l’article L. 225-129-6 al. 1 du Code de commerce.

Un salarié avait alors assigné la société en annulation de l’augmentation du capital pour non-respect des dispositions de l’article L. 225-129-6 al. 1 du Code de commerce.

Pour régulariser l’opération, une nouvelle assemblée générale s’était tenue pour statuer sur la seule résolution omise.

Le salarié soutient que cette régularisation n’est pas valable et que l’assemblée générale des actionnaires aurait dû statuer à nouveau sur la décision d’augmentation du capital en plus de la résolution omise.

Cette position est rejetée par la Cour d’appel et la Cour de cassation qui précise que le vote sur la seule résolution proposant de réserver aux salariés une augmentation de capital suffit à régulariser l’augmentation de capital, sans qu’il y ait lieu à nouvelle délibération sur la première résolution.

Règles de mise à disposition de locaux d’une commune au profit d’une association cultuelle

Par une décision en date du 7 mars 2019, le Conseil d’Etat a rappelé et précisé les règles de mise à disposition de locaux d’une commune au profit d’une association cultuelle, pour l’exercice d’activités cultuelles.

Il convient d’abord de distinguer selon que le local de la commune est un local communal, au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ou non.

Cet article dispose que :

« Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande.

Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public.

Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation ».

Le Conseil d’Etat a précisé, dans la décision commentée, que « sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l’application de ces dispositions, les locaux affectés aux services publics communaux ». Il ne peut donc s’agir que de locaux appartenant au domaine public communal (la notion de domaine public étant néanmoins plus large que celle de locaux affectés aux services publics).

Pour ces locaux, la Haute juridiction a rappelé qu’une commune peut autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation pour l’exercice d’un culte par une association d’un local communal, « dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ». En outre, une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte.

Le Conseil d’Etat a précisé que, en revanche, une commune ne peut décider qu’un local communal sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel.

S’agissant des locaux appartenant au domaine privé de la commune, qui ne peuvent donc être qualifiés de locaux communaux au sens de l’article L. 2144-3 du CGCT, il a jugé que ceux-ci peuvent être donnés à bail, « et ainsi pour un usage exclusif et pérenne », à une association cultuelle, sans méconnaître les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, dès lors que les conditions, notamment financières, de cette location excluent toute libéralité.

Le Conseil d’Etat a, sur ce point, visé, plus largement, l’ensemble des collectivités territoriales.

Qualification d’un syndicat comme personne chargée d’une mission de service public et sa (non) responsabilité pénale en tant que personne morale de droit public

Dans cet arrêt était en cause un syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM), chargé de la gestion de l’alimentation en eau potable ainsi que du réseau d’assainissement d’une agglomération. Le SIVOM signait, le 20 juin 2006 un contrat d’affermage fixant « les conditions d’exploitation par affermage du service public de l’assainissement comprenant la collecte, le pompage et le traitement des eaux usées » jusqu’au 31 décembre 2017, le SIVOM poursuivant sa gestion du service d’eau.

Estimant que le montage contractuel était le support de délits pénaux, une association d’usagers des services de l’eau dénonçait au Procureur de la République ces faits, lequel ouvrait une information des chefs d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et de concussion ; à l’issue de celle-ci, le juge d’instruction ordonnait le renvoi du SIVOM devant le Tribunal correctionnel pour avoir, de juillet 2006 au 30 juin 2008, étant chargé d’une mission de service public, commis les deux délits suivants :

  • le délit de concussion prévu par l’article 432-10 du Code pénal, pour avoir, en étant chargé d’une mission de service public, reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits, contributions, impôts ou taxes publiques, une somme qu’il savait ne pas être due ou excédée ce qui était dû ;
  • le délit de favoritisme prévu par l’article 432-14 du Code pénal, pour avoir, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié.

 

Le Tribunal correctionnel et la Cour d’appel prononçaient la relaxe, au motif que le SIVOM n’avait pas la qualité requise par les textes répressifs.

Sur pourvoi du Procureur général, l’arrêt de rejet rendu le 19 décembre 2018 est très intéressant au regard de sa double portée.

D’une part, la Cour de cassation confirme expressément qu’une personne morale de droit public peut voir sa responsabilité pénale engagée au titre d’infractions « attitrées » qui – dans une lecture historique – étaient traditionnellement réservées aux seules personnes physiques titulaires des qualités requises par les textes d’incrimination.

D’autre part, la Haute juridiction rappelle les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales de droit public, prévues par les dispositions de l’article 121-2 du Code pénal, aux termes desquelles il ressort notamment qu’une collectivité territoriale ou l’un de ses groupements ne peut voir sa responsabilité pénale engagée qu’au titre de faits commis à l’occasion d’activités susceptibles de faire l’objet d’une délégation de service public.

Enfin, la Cour de cassation ajoute en l’espèce que l’activité de fixation d’une taxe et d’attribution d’un marché public ne peuvent faire l’objet d’une telle délégation, au sens de l’article 121-2 du Code pénal.

Par conséquent, cet arrêt permet de réaffirmer que la poursuite pénale d’un groupement de collectivité au titre de délits « attitrés » est possible, sauf lorsque l’activité n’est pas susceptible d’une délégation de service public.

Publication de l’échéancier de mise en application des dispositions de la loi ELAN

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après dénommée « loi ELAN ») a été promulguée le 23 novembre 2018. Cette réforme structurante de l’organisation du secteur du logement social vise notamment à encourager le regroupement des bailleurs sociaux.

La majorité des apports de la loi ELAN est d’application immédiate ou à partir du 1er janvier 2019. Néanmoins, certaines des dispositions de cette loi nécessitent des textes réglementaires d’application et n’entreront en vigueur qu’après leur parution (décrets d’application, parfois complétés par des arrêtés).

Une circulaire (NOR : LOGL1835604C) du 21 décembre 2018 de présentation des dispositions d’application immédiate de la loi ELAN a précisé que « [c]ompte tenu des regroupements prévus entre certains textes, le nombre de décrets d’application attendus s’élève à 70 environ. Dix habilitations à légiférer par ordonnances sont également prévues sur des sujets qui nécessitaient un travail législatif plus approfondi et seront publiés dans des délais compris entre six et vingt-quatre mois ». Elle a en outre identifié les dispositions d’application immédiate (en annexe I) et celles qui nécessitent un texte d’application (en annexe II).

Pour ce faire, le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a publié le 12 avril 2019 sur Légifrance l’échéancier d’application des dispositions de la loi ELAN. Il en ressort que la grande majorité des décrets d’application de ces dispositions seront publiés dans le courant du 1er semestre 2019 et notamment :

– pour les dispositions portant sur :

  • la définition de la notion de logements gérés, notamment pour les logements foyers ;
  • les modalités d’octroi de l’autorisation spécifique délivrée par le représentant de l’État dans le département dans le cadre de programmes de logements construits ou aménagés spécifiquement pour les jeunes de moins de trente ans.

– en avril 2019, pour les dispositions portant sur :

  • les clauses types des sociétés de coordination ;
  • les conditions selon lesquelles lorsqu’un directeur général d’OPH assure également la direction d’une société de coordination dont est actionnaire l’office qu’il dirige, les fonctions de direction de cette société de coordination peuvent donner lieu à une rémunération ;
  • les conditions d’application de l’article L. 422-4 relatif aux sociétés anonymes de vente d’habitations à loyer modéré ;
  • les conditions de vente de logements sociaux vacants ;
  • les montants, modalités et conditions de versement du forfait pour l’habitat inclusif ;
  • les conditions d’application des dispositions relatives à l’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées.

– et, en mai 2019, pour les dispositions portant sur :

  • la commission de péréquation et de réorganisation des organismes de logement social et d’autres mesures de la CGLLS ;
  • les conditions d’attribution des logements locatifs sociaux, les plafonds de ressources et les modalités d’application du système de cotation ;
  • la liste des communes sur lesquelles les PLH devront prévoir des objectifs en matière de logements intermédiaires.

Le Bail en l’Etat Futur d’Achèvement (BEFA), un outil sur mesure dans les opérations immobilières

Le dispositif du bail commercial en l’état futur d’achèvement (BEFA) s’est développé depuis une vingtaine d’années et constitue une étape essentielle de la commercialisation d’un immeuble commercial, industriel ou de bureaux, pratiquée aussi bien par les utilisateurs publics que privés. Sa singularité réside essentiellement dans la période séparant la date de la signature du bail de celle de la mise à disposition des locaux. Une rédaction rigoureuse de ce contrat est donc primordiale.

Le BEFA concilie trois séries d’intérêts de trois acteurs différents :

ceux du promoteur-vendeur (parfois bailleur initial) qui souhaite mettre en place un projet de construction de grande envergure avec un contrat de bail définitif avant même le démarrage des travaux. Ce qui constitue un argument fort pour faciliter l’obtention par le promoteur de nouveaux financements auprès des organismes financiers.

ceux de l’investisseur-bailleur qui recherche un actif dans lequel il pourrait investir en prenant le moins de risques possibles par rapport aux futurs revenus locatifs. La conclusion de baux au jour de la conclusion du contrat de vente d’immeuble à construire rassure ainsi l’accédant-investisseur.

ceux de l’utilisateur-preneur qui conclut un contrat de bail souvent sur mesure, adapté à ses besoins. En effet, si le BEFA est par exemple conclu avant le dépôt du permis de construire, le preneur peut déterminer les éléments essentiels du montage (restaurant inter-entreprises dans l’immeuble, qualité environnementale de l’immeuble…). Le preneur peut d’ailleurs, en intervenant en amont du processus, s’engager à réaliser lui-même certains travaux d’aménagement et négocier par là-même des conditions locatives plus favorables (franchise de loyer, notamment).

Le contrat de BEFA se place ainsi à la croisée de ces intérêts, ce qui rend sa conclusion complexe et sensible, autrement dit pas sans danger et/ou points de vigilance ; celui-ci étant essentiellement fondé sur le principe du consensualisme. En effet, dès sa conclusion jusqu’à sa prise d’effet, le BEFA est soumis au droit commun des contrats et régi par le principe de liberté contractuelle des parties[1]. Du jour de sa prise d’effet, c’est le statut des baux commerciaux, le plus souvent, qui prend le relais avec son arsenal de dispositions d’ordre public.

Il est donc nécessaire de sécuriser les deux étapes de la relation contractuelle au moyen de clauses rédigées sur mesure : la phase de conclusion du contrat (A) et la phase d’exécution (B).

I. La phase de conclusion du contrat

Sécuriser la phase de conclusion du BEFA consiste à déterminer avec précision les obligations des parties et la répartition des risques tout en permettant au preneur une part active dans le projet.

 

1° Le rôle actif du preneur

Dans une première hypothèse, le preneur est à l’initiative du projet immobilier. Il est alors plus investi et prend la plupart des décisions importantes pour sa future activité.

Juridiquement, le preneur peut intervenir en vertu d’une délégation de maîtrise d’ouvrage : le preneur identifie le terrain et l’immeuble à construire et sollicite un bailleur-investisseur.

Dans une telle hypothèse, le preneur reste un simple mandataire du bailleur (C. civ., art. 1984 et s.). Il conclut au nom et pour le compte de ce dernier, qui est juridiquement la personne responsable, les différents contrats nécessaires au projet immobilier (architecte, entrepreneurs, bureau d’étude et de contrôle…). Il faut prendre garde à ce que les actes accomplis par le preneur soient principalement des actes juridiques et non des actes matériels. À défaut, le contrat ainsi conclu pourrait être requalifié en contrat d’entreprise avec les obligations très lourdes qui en découlent (C. civ., art. 1792 et s.).

Il faut également veiller à ce que la délégation soit partielle et non totale pour ne pas entraîner une requalification en contrat de promotion immobilière (dit « CPI »). Dans ce cas, le promoteur contracte en son nom propre et sous sa seule responsabilité. Il assume la totalité des risques liés à l’opération. Ce qui est un gage de plus grande sécurité juridique pour l’investisseur-bailleur et ce d’autant plus que le CPI est encadré par un régime spécifique prévu aux articles 1831-1 et suivants du code civil, et repris aux articles L. 221-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

En effet, dans l’hypothèse où le preneur prend l’initiative du projet immobilier, plusieurs précautions rédactionnelles s’imposent pour le bailleur afin de garantir un « retour sur investissement ».

  • Durée ferme – Il est nécessaire de prévoir une durée ferme de la location sur plusieurs années ; ce qui implique de la part du preneur une renonciation à sa faculté de résiliation unilatérale triennale prévue par l’article L. 145-4 du Code de commerce. En cas de durée supérieure à douze ans, un acte authentique sera obligatoire afin de permettre leur publication par le service chargé de la publicité foncière et les rendre opposables aux tiers[2]. Dans ce dernier cas, il faut impérativement veiller à intégrer les coûts supplémentaires afin d’apprécier l’équilibre économique global de l’opération car un tel bail donne ouverture à la taxe de publicité foncière de 0,70 %, liquidée sur le prix exprimé, augmentée des charges, pour toute la durée du bail[3], limitée toutefois à vingt ans[4].

La renonciation du preneur à sa faculté de renonciation triennale est strictement encadrée par l’alinéa 2 de l’article L. 145-4 du Code de commerce et n’est ouverte que pour des baux conclus pour une durée contractuelle de plus de neuf ans, pour les locaux à usage exclusif de bureaux ou encore les locaux monovalents (c’est-à-dire construits en vue d’une seule autorisation).

  • Loyer spécifique – Comme dans tout bail commercial statutaire, les parties déterminent librement le montant du loyer initial. À de nombreux égards, les problématiques du BEFA ne se distinguent pas, au titre de la période de jouissance, de celles d’un bail d’immeuble existant.

Toutefois, lors de la conclusion du bail, le loyer est davantage fixé en fonction d’un ratio purement financier (tel que la rentabilité des capitaux investis dans la construction ou l’acquisition de l’immeuble), plutôt qu’en fonction de la valeur locative.

 

2° Déterminer les obligations des parties

Il est indispensable d’imposer au futur preneur un cahier des charges très strict et de définir en amont de l’opération immobilière globale, les critères objectifs de sélection des candidats preneurs en cas d’appel à projet éventuel.

Ces critères peuvent être de nature positive tels que la solvabilité du preneur (récolte d’informations sur le crédit éventuel du preneur…) ou encore la souscription de garanties de paiement.

Ces critères peuvent être de nature négative (éviction en cas de résultats déficitaires du preneur, exclusion de certaines activités/destinations notamment dans le cadre d’opérations d’aménagement visant par exemple à préserver le commerce de proximité ou bien encore dans le cadre d’une opération de réhabilitation d’une zone industrielle laissée en friche par exemple…).

L’autre danger, qu’il convient de circonscrire dès la conclusion du BEFA, est la désignation exacte du bien. Le BEFA est souvent conclu avant l’obtention du permis de construire. Parfois même, le BEFA est conclu avant que le bailleur ne soit propriétaire du terrain. On aurait alors affaire à une promesse d’achat d’un terrain sous la condition suspensive de la signature d’un BEFA. Les incertitudes doivent être réduites au sein même du contrat de bail, en désignant avec précision le bien concerné et sa surface.

On veillera ainsi à annexer au bail un descriptif le plus précis possible de la chose donnée à bail avec un véritable état des superficies et le cas échéant, des plans de découpage pour circonscrire la surface concernée par le BEFA, notamment dans le cas d’une opération de réhabilitation où il existe déjà souvent une location sur des locaux construits adjacents.

 

3° Déterminer la répartition des risques

  • Définir avec clarté les différentes étapes du processus contractuel et de la phase de travaux.

Le BEFA est un montage contractuel qui s’inscrit dans la durée et repose sur plusieurs étapes fondamentales : l’achèvement, la réception, la livraison, la mise à disposition.

Ces étapes sont distinctes les unes des autres et ne sont pas toujours clairement comprises par les parties. Il est ainsi conseillé de rédiger des clauses définissant les termes et précisant les effets de chacune de ces étapes.

Le Code de la construction et de l’habitation considère par exemple qu’un immeuble est réputé achevé lorsque ont été exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement indispensables à l’utilisation de l’immeuble conformément à sa destination faisant l’objet du contrat [5]. En d’autres termes, l’achèvement peut être retenu alors même que le bien n’est pas parfaitement conforme à ce qui a été stipulé dans le contrat et/ou qu’il demeure quelques malfaçons mineures.

La réception concerne les rapports entre le constructeur et le vendeur.

La livraison s’adresse aux rapports entre vendeur et acquéreur. La mise à disposition concerne les rapports entre le bailleur et le locataire.

Les clauses doivent définir ces différentes étapes et préciser de quelle manière elles vont s’articuler entre elles. Il faut veiller également à encadrer strictement la procédure en cas de refus de prise de possession par le preneur en prévoyant notamment le recours à un Expert.

  • Rédiger avec précaution les conditions suspensives.

S’il est une clause dangereuse pour les rédacteurs d’actes et fondamentale en matière de BEFA c’est la condition suspensive.

Ces conditions suspensives sont nombreuses : réalisation d’une étude géotechnique, de diagnostics divers, l’obtention d’un permis de construire, autorisations administratives (par exemple dans le cas de l’installation d’une activité relevant de la législation sur les installations classées). Ce travail documentaire est plus important encore lorsque le bail est conclu avant même l’obtention du permis de construire et l’ensemble des documents à remettre doit bien figurer dans le contrat.

Ces conditions suspensives doivent ainsi être rédigées sur mesure. S’agissant du permis de construire, il est opportun de déterminer un délai d’obtention du dossier complet intégrant la purge du retrait et recours des tiers. Il faut préciser les délais, les justifications des diligences, les démarches nécessaires à leur réalisation (audit du dossier, justification documentée de leur réalisation…).

 

II. La phase d’exécution du contrat

Au stade de l’exécution, les clauses doivent permettre de gérer les risques extérieurs et inhérents au montage contractuel.

 

1° Les risques extérieurs au montage contractuel

Certains événements peuvent impacter  l’équilibre économique et juridique du contrat de BEFA. Des clauses contractuelles de renégociation ou d’adaptation doivent permettre d’anticiper ce risque, notamment une évolution des circonstances économiques ou de l’environnement juridique.

Sur ce point l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 apporte une solution phare en introduisant en droit français la révision pour imprévision. Le nouvel article 1195 du Code civil permet ainsi de solliciter du juge la résiliation ou la modification du contrat dont l’exécution est devenue « excessivement onéreuse » à cause d’un « changement de circonstances imprévisible ».

Une augmentation du prix des matières premières peut rejaillir sur le coût de l’ensemble du projet et impacter notamment le prix du BEFA. 

En outre, de nouvelles contraintes de construction, d’urbanisme, environnementales, relatives aux énergies de basse consommation ou d’accès aux handicapés pour les établissements recevant du public (ERP) peuvent être imposées par une loi nouvelle. Il faut alors savoir qui devra prendre en charge les frais de mise en conformité, le preneur ou le bailleur ?

Si l’obligation est mise à la charge du preneur, il faut veiller à respecter les dispositions de l’article R. 145-35 du Code de commerce qui dispose que de tels travaux ne peuvent être mis à la charge du preneur que dans la limite de l’article 606 du Code civil. En d’autres termes, si de tels travaux sont susceptibles de toucher à la structure de l’immeuble il est probable que le bailleur soit tenu de les prendre à sa charge.

Enfin, pour contrecarrer les effets d’un événement extérieur tel qu’une intempérie, une grève, une pénurie de certains matériaux, une injonction administrative…, il convient de rédiger dans l’acte des clauses de tolérance.

Dans un souci de parfaite cohérence juridique et pratique, les mêmes clauses doivent bien évidemment figurer dans le groupe de contrats (constitué par le BEFA et un CPI éventuel, ou une vente en l’état futur d’achèvement dite VEFA, une maîtrise d’ouvrage déléguée,…).

On peut ainsi envisager que le délai de livraison et de mise à disposition ne soit pas respecté en cas d’événements répondant à la définition d’un cas de force majeure. Ces clauses ont été validées par la Cour de cassation qui a rejeté la qualification de clause abusive[6].

 

2° Les risques inhérents au montage contractuel

Anticiper et gérer la défaillance du preneur – La défaillance du preneur est une source d’attention particulière dans le dispositif du BEFA. Le plus souvent, le contrat prévoit que le preneur sera convoqué pour l’état des lieux (remise des clefs) et qu’au cas où il ne viendrait pas sur première convocation, il sera de nouveau convoqué par une voie plus solennelle (exploit d’Huissier).

Dès lors que l’immeuble aura été déclaré achevé par l’Expert, le plus souvent désigné dans le contrat ainsi qu’évoqué supra, le bail sera considéré comme ayant pris effet.

En cas de carence du preneur dans son obligation de prendre possession et de défaut de paiement du premier loyer corrélativement exigible, le comportement fautif du preneur pourra impliquer le jeu d’une clause pénale.

S’ouvre alors aussi pour le bailleur la possibilité d’actionner la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, mais les dispositions de l’article L. 145-41 du Code de commerce devront alors être respectées. Le bail peut aussi être de ce seul fait résilié de plein droit aux torts du preneur, avec la même réserve. Les sanctions prévues en cas de défaut de prise de possession des locaux à leur achèvement sont variables : pénalité n’excédant pas le plus souvent neuf mois de loyer, clause pénale équivalant à deux ans de loyer assortie d’une garantie à première demande de même montant ou indemnité de retard identique à celle prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle en cours de bail.

En conciliant ainsi les intérêts de plusieurs acteurs immobiliers, le contrat de BEFA est un outil contractuel à privilégier. Il contribue à diminuer le lancement de programmes de construction « à blanc » en permettant aux promoteurs d’obtenir plus facilement des financements.

Reposant tant sur le principe de la liberté contractuelle que sur des dispositions d’ordre public, le BEFA invite cependant à user de la plus grande prudence rédactionnelle pour concilier les intérêts de plusieurs acteurs et prévenir au maximum, par la précision de la plume, tout risque de contentieux éventuel.

[1] Cass. Civ., 3ème, 8 janvier 1997, n° 95-11014, Société Ubifrance immobilier c/Société Générale

[2] Décret 55-22 du 4 janvier 1955 article 4 et 28,1°-b

[3] Article 742 du Code général des impôts

[4] http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/416-PGP.html

[5] Article R 261-1 du Code de la construction et de l’habitation

[6] Cass. Civ., 3ème, 24 octobre 2012 n°11-17.800 : juris data n° 2012-023987

 

Par Alexane Raynaldy

Erosion côtière : Impact environnemental d’une concession de sables et de graviers

Le Conseil d’Etat a récemment été saisi d’une requête en premier et dernier ressort tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de deux décrets pris en Conseil d’Etat accordant deux concessions de sables et graviers siliceux marins en Vendée.

Les requérants arguaient notamment de l’insuffisante prise en compte des exigences liées à la préservation de l’environnement. Or, sur ce moyen, le Conseil d’Etat souligne que pour adopter ces décrets, le Gouvernement s’est appuyé sur les éléments des dossiers soumis à enquête publique ainsi que sur des études complémentaires qui ont conclu à l’absence d’incidence significative de l’exploitation sur l’environnement. Il relève également que le cahier des charges annexé aux décrets attaqués prévoit un suivi environnemental périodique de l’impact des extractions, notamment sur le trait de côte. Ce moyen fondé sur
L. 2124-1 du Code général de la propriété et des personnes publiques et L. 161-1 du Code minier est donc écarté.

Saisi de la question de l’application du principe de précaution de l’article 5 de la Charte de l’environnement, le juge considère que, compte tenu des dommages graves et irréversibles pour l’environnement que pourraient engendrer des projets de concession de sables et graviers siliceux marins et dans la mesure où des études scientifiques ont effectivement démontré que l’exploitation de granulats en mer « pourrait » avoir des incidences sur l’érosion des côtes, il convient de faire application de ce principe afin d’apprécier les effets du projet sur l’érosion côtière. Cependant, il écarte toute méconnaissance de cet article en l’espèce en jugeant suffisantes les mesures prévues par les décrets pour parer la réalisation des dommages, notamment grâce au suivi environnemental des interactions éventuelles entre l’exploitation du site et le trait de côte et aux prescriptions pouvant être imposées en conséquence par l’administration.

Le Conseil d’Etat écarte enfin toute erreur manifeste d’appréciation de la part de l’autorité à l’origine de la décision attaquée en relevant que l’incidence attendue des concessions sur le trait de côte est négligeable en l’espèce au regard des études scientifiques commandées par les pétitionnaires et validées par des organismes indépendants.

Le Conseil conclut donc au rejet des demandes d’annulation.

Cas d’une emprise irrégulière d’un coffret de raccordement au réseau public d’électricité

Les propriétaires d’une parcelle située sur le territoire de la commune de Villerest ont demandé à la société ERDF, devenue la société Enedis, le déplacement d’un coffret de raccordement au réseau public de distribution d’électricité, qui alimente leur habitation ainsi que des câbles, tuyaux, fourreaux implantés sous leur propriété.

Les propriétaires ont demandé au Tribunal administratif de Lyon de constater le caractère irrégulier de l’implantation de ce coffret-réseau, d’en ordonner le déplacement et de les indemniser des préjudices subis. Le Tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 3 mai 2017, fait droit à cette demande et a enjoint à la société ENEDIS de procéder à l’enlèvement du coffret électrique implanté sur la propriété des requérants dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et l’a condamnée à leur verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis. La société Enedis a relèvé appel de ce jugement.

Afin de contester l’existence d’une emprise irrégulière, la société ENEDIS soutenait que les travaux effectués sur le coffret-réseau pour le transformer en coffret de raccordement au réseau public de distribution d’électricité lui avait fait perdre sa qualité d’ouvrage public et que la qualification ne pouvait donc pas être retenue. La Cour administrative d’appel de Lyon relève que le coffret litigieux s’analyse, non comme un branchement individuel mais comme un circuit de dérivation du réseau public d’électricité et, par suite, comme un élément de ce réseau. Elle en déduit que cet ancien coffret-réseau ne peut être regardé comme ayant perdu la qualité d’élément du réseau public d’électricité du seul fait des travaux exécutés par la société Enedis en février 2014.

Or, en l’absence d’intervention d’un accord amiable avec les propriétaires de la parcelle ou d’institution d’une servitude dans les conditions prévues par l’article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, codifié à l’article L. 323-4 et suivants du Code de l’énergie, ou encore de l’accomplissement d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’implantation de cet ouvrage public sur la parcelle des propriétaires est constitutive d’une emprise irrégulière. 

Dès lors, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle que « lorsqu’il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il appartient au juge administratif, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de sa décision implique qu’il ordonne la démolition ou le déplacement de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ».

Au cas particulier, la Cour administrative d’appel de Lyon constate que les propriétaires refusaient de donner leur accord à l’implantation du coffret litigieux sur leur propriété et qu’aucune régularisation n’apparaissait possible. La Cour administrative d’appel de Lyon relève ensuite que les conséquences du déplacement du coffret litigieux n’entraîneraient pas des conséquences excessives pour l’intérêt général.

La Cour administrative d’appel de Lyon conclut donc qu’il y a lieu de rejeter la requête d’ENEDIS et de lui « enjoindre de procéder à l’enlèvement de l’ancien coffret-réseau dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ».

La Cour de justice de l’Union Européenne annule la décision de la Commission selon laquelle la loi allemande sur les énergies renouvelables de 2012 (EEG 2012) comportait des aides d’État

En 2012, l’Allemagne a, par une loi sur les énergies renouvelables (ci-après, la « Loi EEG 2012 »), introduit un régime de soutien en faveur des entreprises produisant de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine (ci-après, « EEG ») afin de garantir à ces producteurs un prix supérieur au prix du marché.

Afin de financer cette mesure de soutien, elle prévoyait un prélèvement sur l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine (ci-après, le « Prélèvement EEG ») à la charge des fournisseurs approvisionnant les clients finals, qui était en pratique répercuté sur ces derniers. Toutefois, certaines entreprises telles que les entreprises électro-intensives du secteur productif pouvaient bénéficier d’un plafonnement de ce prélèvement afin de préserver leur compétitivité à l’échelle internationale. Le Prélèvement EEG devait être versé aux gestionnaires des réseaux de transport interrégional à haute et très haute tension (ci-après, les « GRT ») obligés de commercialiser l’électricité EEG.

Par décision du 25 novembre 2014, la Commission a constaté que la Loi EEG 2012 comportait des aides d’État, tout en les approuvant partiellement au motif qu’elles étaient compatibles avec le droit de l’Union européenne. L’Allemagne a alors introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne, recours que ce dernier a rejeté par arrêt du 10 mai 2016. L’Allemagne s’est alors pourvu en cassation contre cet arrêt.

C’est l’objet de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 28 mai 2019 et ici commenté.

L’Allemagne contestait notamment la qualification d’aides d’Etat retenue par la Commission européenne, et confirmée par le Tribunal de l’Union européenne, en soutenant que l’aide n’était pas procurée aux moyens de ressources d’Etat.

En effet, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides », au sens du paragraphe 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ces avantages doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat et, d’autre part, être imputables à l’Etat.

La CJUE a tout d’abord rappelé qu’afin d’apprécier l’imputabilité d’une mesure à l’Etat, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure.

Afin d’apprécier si cette aide est accordée directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat, la CJUE relève que le prélèvement EEG représente l’éventuelle différence entre le prix obtenu par les GRT sur le marché au comptant de la Bourse de l’électricité EEG qu’ils injectent dans leur réseau et la charge financière que leur impose l’obligation légale de rémunérer cette électricité aux tarifs fixés par la loi, différence que les GRT sont en droit d’exiger des fournisseurs approvisionnant les clients finals. La CJUE constate en revanche que la Loi EEG 2012 n’oblige pas lesdits fournisseurs à répercuter sur les clients finals les montants versés au titre du prélèvement EEG.

En outre, la CJUE constate que si les éléments ainsi retenus témoignent, certes, de l’origine légale du soutien à l’électricité EEG mis en œuvre par la Loi EEG 2012 et donc d’une emprise certaine de l’État sur les mécanismes établis par la Loi EEG 2012, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour qu’il soit conclu que l’État détenait, pour autant, un pouvoir de disposer des fonds gérés et administrés par les GRT.

En conclusion, la CJUE conclut que les éléments relevés par la Commission européenne et le Tribunal de l’Union européenne ne permettaient pas de conclure que les fonds générés par le prélèvement EEG constituaient des ressources d’Etat. Ce faisant, le mécanisme mis en place ne relevait pas du régime des aides d’Etat.

La CJUE procède donc, par ce motif, à l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2016 et à l’annulation de la décision de la Commission européenne litigieuse.

Précisions de la Commission de régulation de l’énergie sur la mise en œuvre de la maitrise d’ouvrage déléguée de la réalisation des ouvrages de raccordement

Délibération de la CRE du 21 mars 2019 portant orientations sur les conditions d’approbation, le contenu et l’élaboration des modèles de contrats et de cahiers des charges annexés traitant des conditions de réalisation de la maîtrise d’ouvrage déléguée des ouvrages de raccordement prévue aux articles L. 342 2 et D. 342 2 1 à D. 342 2 5 du code de l’énergie

 

Par une délibération n° 2019-066 du 21 mars 2019, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a modifié les règles d’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité.

En vertu de sa compétence réglementaire en matière de raccordement aux réseaux électriques à l’article L. 134-1-2° du Code de l’énergie, les règles encadrant les procédures de traitement des demandes de raccordement des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité avaient été fixées par la CRE par délibération du 25 mars 2013.

Modifiée une première fois le 12 juillet 2018, la CRE vient à nouveau modifier la délibération du 25 mars 2013 précitée afin de prendre en compte l’entrée en vigueur du décret d’application de l’article 59-I de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance portant sur la maitrise d’ouvrage déléguée de la réalisation des ouvrages de raccordement[1] (voir notre Brève de mars 2019).

En application de cette nouvelle délibération de la CRE, les procédures de traitement des demandes de raccordement devront prévoir :

  • les délais, implications et modalités de la solution de raccordement en cas de partage de la maitrise d’ouvrage des travaux de raccordements ;
  • la possibilité pour le demandeur d’exercer son droit à faire exécuter lui-même une partie des travaux de raccordement, sous maitrise d’ouvrage déléguée, dans le délai de trois mois dont il dispose pour donner son accord à la proposition technique et financière du gestionnaire de réseau ;
  • en l’absence de proposition technique et financière, la possibilité pour le demandeur d’exercer une maitrise d’ouvrage déléguée sur une partie des travaux de raccordement dans le délai maximum dont dispose le demandeur pour signer une convention de raccordement ;
  • le cas échéant, la conclusion d’un avenant à la proposition technique et financière du gestionnaire de réseau pour prévoir les coûts et délais associés aux travaux dont l’exécution sera assurée sous maitrise d’ouvrage déléguée ;
  • que la demande d’exécution d’une partie des travaux sous maitrise d’ouvrage déléguée ne doit pas modifier la solution de raccordement initiale et ne pas entraîner une reprise d’étude de raccordement ;
  • l’exonération de responsabilité pour retard d’exécution des travaux exécutés sous maitrise d’ouvrage déléguée au profit du gestionnaire de réseau.

 

Ces modifications sont intégrées à l’annexe 1 de la délibération modifiée du 25 mars 2013 intitulée « Nouveaux principes d’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité ».

A compter de la publication au JORF, intervenue le 29 mars dernier, les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité devront modifier, « sans délai », leur procédure de raccordement pour la mettre en conformité avec la délibération commentée de la CRE.

Dans une délibération n° 2019-064 du 21 mars 2019, la CRE a également publié des orientations sur les conditions d’approbation, le contenu et l’élaboration des modèles de contrats et de cahier des charges annexés sur les conditions de réalisation de la maitrise d’ouvrage déléguée des ouvrages de raccordement aux réseaux.

En effet, les travaux de raccordement, réalisés sous maitrise d’ouvrage déléguée, devront faire l’objet d’un contrat entre le producteur ou le consommateur et le gestionnaire du réseau d’électricité en vertu des articles L. 342-2 et D. 342-2-2 du Code de l’énergie.

Devra également être annexé à ce contrat un cahier des charges portant sur les conditions d’exécution des travaux et des études par l’entreprise agréée chargée de réaliser les travaux par le producteur ou le consommateur.

Les modèles de contrat et de cahier des charges sont établis par les gestionnaires de réseaux et approuvés par la CRE (cf. art. L. 342-2 et D. 342-2-2 du Code de l’énergie).

Particularité, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité et les gestionnaires des réseaux publics de distribution desservant plus de 100 000 clients ont obligation de soumettre ces modèles à la CRE dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur du décret n° 2019-97 du 13 février 2019 précitée, soit d’ici le 16 mai prochain (cf. art. 3 du décret ; voir notre Brève de mars 2019).

Enfin, par la délibération commentée, la CRE « oriente » la future élaboration par les GRD des contrats susmentionnés en précisant ses futures conditions d’approbation. Ses orientations portent, outre sur l’intégration au sein desdits contrats de la documentation technique de référence du gestionnaire, sur le contenu des modèles.

Ces orientations seront donc particulièrement utiles à l’élaboration par les gestionnaires de réseaux publics d’électricité de leurs futurs contrats prévus à l’article L. 342-2 du Code de l’énergie).

[1] Cf. Décret n°2019-97 du 13 février 2019 pris pour application de l’article L. 342-2-5 du Code de l’énergie

Proposition de la CRE visant à rehausser les prix de l’électricité aux tarifs réglementés de vente d’électricité

Autorité de la concurrence, Avis n°19-A-07 du 25 mars 2019 relatif à la fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité

Par délibération n° 2019-028 du 7 février 2019, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a proposé aux ministres en charge de l’énergie et de l’économie d’augmenter les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV) résidentiel et non résidentiel à hauteur de 5,9 % TTC (soit environ 8,3 euros/MWh).

Ces hausses de tarifs sont motivées par l’augmentations des prix sur les marchés de gros et des prix des garanties de capacités, ainsi que par le rationnement des volumes de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) demandés par les fournisseurs d’électricité (voir nos brèves de novembre 2018 et de février 2019).

La proposition de la CRE et ses motifs avaient déjà été exposés dans un document de préparation de la CRE publié le 31 janvier 2019 (voir notre Brève de février 2019).

S’étant autosaisie de cette question, l’Autorité de la concurrence a contesté, dans un avis du 25 mars 2019, la délibération commentée de la CRE en estimant que les motifs des hausses tarifaires proposées ne sont pas convaincants.

Par cet avis, l’Autorité propose au Gouvernement de demander à la CRE de formuler une nouvelle proposition tarifaire afin de réexaminer la prise en compte du rationnement de l’ARENH dans le calcul des TRV.

Dans sa proposition tarifaire, la CRE a indiqué que la hausse des TRV avait vocation à s’appliquer « aussitôt que possible et le premier jour d’un moins calendaire ».

Les ministres compétents ont laissé entendre qu’ils souhaitaient disposer du temps de réflexion qui leur est accordé par l’article L. 337-4 du Code de l’énergie, soit trois mois suivant la réception de la proposition tarifaire de la CRE, avant de prendre leur décision.