Quelle transposition française du « Paquet Marques » ?

Le 16 décembre 2015 a été adopté la directive (UE) 2015/2436 dites « Paquet Marques » et visant à harmoniser et moderniser le droit des marques entre les Etats Membres de l’Union Européenne. Cette réforme est entrée en vigueur le 23 mars 2016 et a donné lieu à l’adoption du règlement 2015/2424, modifiant les règlements 207/2009/CE et 2868/95/CE portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur.

La directive 2015/2436 devait être transposée par les Etats Membres dans un délai de 3 ans, soit le 14 janvier 2019.

C’est donc avec un mois de retard que le Gouvernement Français a rendu public le 15 février 2019 les projets d’Ordonnances portant transposition de ce « Paquet Marques ».

Ces ordonnances annoncées comme la plus grande réforme du droit national des marques depuis la loi n° 91-7du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service qui transposait la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 ont été soumises à la consultation publique apportent des modifications majeures aux parties législative et réglementaire du Code de la Propriété Intellectuelle.

Les changements sont nombreux et conséquent, mais parmi les principales modifications plusieurs méritent d’être examinées.

Ainsi, une première spécificité nationale est supprimé à savoir l’exigence de représentation graphique contenu à l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Les ordonnances prévoient ainsi d’harmoniser le droit français afin de rendre désormais possible l’enregistrement à titre de marque de fichier sonore, multimédia … comme c’est déjà le cas auprès de l’EUIPO depuis 2017.

Les motifs de refus d’une demande d’enregistrement sont élargis et seront expressément inscrits à l’article L. 711-3 du CPI conduisant au refus d’enregistrement des appellations d’origine, des indications géographiques, des dénominations de variétés végétales antérieurement enregistrées ainsi que les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant.

Parallèlement, les droits antérieurs pouvant être invoqués dans une opposition sont étendus. L’article L ;712-4 du CPI prévoirait désormais qu’une opposition pourrait être fondée sur Une marque notoirement connue ou une marque de renommée, lorsque la marque contestée est de nature à tirer injustement profit de la renommée de la marque ou de lui porter préjudice, une dénomination sociale ou une raison sociale, une indication géographique, ou encore le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale, d’une institution, d’une autorité ou d’un organisme de droit public.

L’Ordonnance envisage d’intégrer un article L. 712-6-1 du CPI prévoyant le cas dans lequel un mandataire indélicat a déposé une marque en son nom propre en lieu et place de celui de son mandant et permettra à son titulaire légitime de s’y opposer en demandant la rétrocession de la marque à son profit.

Des changements procéduraux en matière de nullité ou de déchéance de marques sont également à prévoir.

Tout d’abord, les délais de la procédure d’opposition sont également modifiés puisqu’il est prévu que le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement durant lequel l’opposant doit avoir fourni l’exposé des moyens sur lesquels repose l’opposition actuellement en vigueur est allongé d’un mois. Ainsi, dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement l’opposant devra avoir fait sa déclaration d’opposition comprenant l’identité des parties et les marques mises en cause et disposera désormais d’un délai supplémentaire de un mois aux termes duquel il devra avoir fourni ses moyens.

Ensuite, les procédures en nullité ou en déchéance de marque sont simplifiées (article L. 716-5 du CPI). Il est désormais mis en place une procédure administrative relevant de la compétence exclusive de l’INPI lorsque de telles actions sont engagées à titre principal (motifs de nullité absolue ou certains motifs de nullité relative). Cette compétence exclusive ne jouera toutefois que sous réserve qu’aucun contentieux judiciaire ne soit déjà en cours entre les parties emportant compétence exclusive du juge saisi. Les autres actions civiles et demandes relatives aux marques telles que celle formées à titre reconventionnelles relèveront toujours de la compétence exclusive des Tribunaux de grande instance.

Les actions en nullité qui ne seraient pas fondées sur une marque notoirement connu au sens de la Convention de Paris deviennent imprescriptibles (article L. 716-6). Toutefois, la tolérance de la marque postérieure par le titulaire des droits antérieures pendant cinq ans constituera un délai de forclusion.

La prescription de l’action en contrefaçon de cinq ans trouvera son point de départ au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre le dernier fait lui permettant de l’exercer (article L.716-4-2). Le point de départ de l’action en déchéance pour non-usage qui a fait l’objet d’une jurisprudence fluctuante est désormais la date de publication de la marque (article L. 714-5 du CPI)

Il sera en outre désormais possible de se défendre lors d’une action en nullité à l’encontre de sa marque en arguant du manque d’usage sérieux de la marque antérieure. Si sur requête du titulaire de la marque postérieure le titulaire d’une marque antérieure n’apporte pas la preuve d’un usage sérieux pendant les cinq années précédant la demande, sa demande de nullité pourra être rejetée.

Enfin, l’article R. 712-24 modifié prévoit désormais qu’une demande de renouvellement pourra être faite au plus tôt un an avant l’expiration de la marque et au plus tard dans un délai de six mois à compter du lendemain de la date d’expiration sous réserve du paiement d’une redevance plus élevée en cas de renouvellement tardif.

Les changements à prévoir sont donc nombreux et d’une importance considérable au regard de notre droit national des marques. Ces projets d’Ordonnances ont fait l’objet d’une consultation publique qui a expirée le 20 mars 2019, il reste désormais à attendre leur adoption.

L’impossible mise à la retraite d’office d’un salarié ayant acquis au moment de son engagement l’âge de partir en retraite

En l’espèce, un salarié a été engagé à l’âge de 69 ans par une association. Par la suite, il a été mis à la retraite d’office par l’employeur alors qu’il était âgé de 71 ans.

Pour dire la mise à la retraite irrégulière, la cour d’appel, dans un arrêt du 10 octobre 2017, relève que, si un employeur peut mettre un salarié d’office à la retraite à partir de 70 ans, il ne peut le faire lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite en application de l’article L. 1237-5 du Code du travail, son âge ne pouvant constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail.

Elle retient qu’en l’occurrence, au moment de son engagement, le salarié avait déjà atteint cet âge et, par suite, son âge ne pouvait plus constituer pour l’employeur un motif de mise à la retraite d’office.

Contestation cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 1237-5, dernier alinéa, du Code du travail. Elle souligne qu’il ressortait des faits que le salarié avait été engagé alors qu’il était âgé de 69 ans, ce dont il résultait qu’il n’avait pas atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite d’office.

Ainsi, il convient de retenir que lorsque le salarié avait atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite sans son accord en application de l’article L. 1237-5 du Code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail.

En avril et mai 2019, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié deux guides, le Guide déontologique et le Guide du déclarant, destinés à préciser les obligations déontologiques des agents et élus publics

Guide du déclarant de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, mai 2019

 

Le Guide déontologique (avril 2019)

Dans sa première partie, le Guide déontologique présente les différentes procédures déontologiques. Ainsi, les administrations sont incitées à cartographier les risques en matière de moralité des acteurs publics, particulièrement par la mise en place d’un processus d’identification des risques par des acteurs spécifiques au sein de la structure (association des supérieurs hiérarchiques et des élus au processus). Le guide propose une synthèse des différentes étapes de la cartographie des risques et rappelle que, si cet outil créé par la loi Sapin II n’est pas obligatoire pour la plupart des structures publiques, il est un outil précieux en matière de déontologie et de prévention de la corruption dont il est recommandé qu’elles se saisissent.

La Haute Autorité conseille également la création d’une charte déontologique. Elle conditionne sa mise en œuvre par les administrations, qui doivent préciser son champ d’application, (notamment vis-à-vis des agents concernés), fixer une échéance de révision, et prévoir les modalités de diffusion aux élus, aux nouveaux agents et au public. Elle rappelle qu’elle peut être saisie pour avis sur le projet de charte. Quant au contenu de la charte, s’il doit être adapté à chaque administration, il porte sur les valeurs et principes déontologiques cardinaux, ainsi que sur les procédures obligatoires telle que la désignation d’un référent déontologue.

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires a créé un individu « conseil et ressource » en matière de déontologie, le référent déontologue. Cette loi et son décret d’application de 2017 laissent une grande latitude aux administrations dans la mise en place de cette fonction, devenue obligatoire pour chaque administration (administrations centrales, collectivités locales, établissements de « santé »).

Le présent guide a pour objet principal de clarifier le rôle du nouvel acteur de la transparence publique qu’est le référent déontologue (deuxième partie du Guide). Ainsi, la Haute Autorité y définit expressément ses missions (conseil/formation en matière de conflits d’intérêts, recueil des alertes), sa nomination (notamment en fonction du type de structure publique), le type de fonctions compatibles avec la sienne, son mode de saisine (conseillée par tout moyen), sa formation, les moyens qui doivent lui être alloués.

La troisième partie du guide es relative à la prévention des risques liés aux conflits d’intérêts et à la gestion éthique des organisations. Ainsi, elle rappelle les contours de cette notion ainsi que les moyens de prévention existants (déclaration d’intérêts, mesures d’abstention et de déport), et traite également de l’encadrement des libéralités aux agents (elle avertit notamment les agents du risque pénal qu’ils encourent en cas de libéralité avérée) et de l’utilisation légitime des moyens octroyés dans le cadre de leur fonction (exemple : voiture de fonction).

Une dernière partie propose des modèles à la disposition des agents des administrations (comme une fiche de saisine du référent déontologue) et résume le rôle de certains acteurs indispensables aujourd’hui dans la transparence de la vie publique (la Haute Autorité elle-même, la Commission de déontologie de la fonction publique, le Défenseur des droits). Il est également fait plus de précisions sur la procédure à suivre par un référent alerte, s’il est saisi par un lanceur d’alerte.

En résumé, ce document apporte des informations utiles sur les risques possibles en matière de déontologie, et rassemble les procédures obligatoires ou facultatives permettant de lutter contre ces risques, tels que les cartographies, les chartes déontologiques, et les référents déontologues. Ce guide pourra être utile à tout responsable public souhaitant mettre au cœur de son administration les valeurs de transparences et de déontologie, ou à tout référent déontologue.

 

Le guide du déclarant (actualisé en mai 2019)

Le Guide du déclarant a pour but de faciliter les déclarations des élus sur la plate-forme ADEL, créée en 2016.

Il précise ainsi les modalités, le contenu, les délais, les élus concernés, ainsi que les modalités de publication (qui dépendent de la nature de la déclaration et du type de mandat) des déclarations. Il distingue entre la déclaration de situation patrimoniale – à fournir au début et à la fin du mandat, qui porte notamment sur les biens mobiliers et immobiliers de l’élu – de la déclaration d’intérêts – à fournir seulement au début du mandat, qui porte quant à elle sur les activités, fonctions et mandats de l’élu, les activités de son conjoint, concubin ou partenaire – nécessaire à la détection des conflits d’intérêts.

Enfin, il propose une vue d’ensemble des informations à fournir par l’élu, ainsi que les dispositions particulières s’appliquant à certaines situations spécifiques (par exemple, un élu parlementaire).

Un arrêt du Conseil d’Etat précise les conditions de validité d’une demande de communication de documents d’un élu local

Un élu communautaire peut faire une demande de communication de documents au Directeur général des services d’un EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale), cette demande n’étant pas considérée comme mal dirigée.

Les délibérations locales en lien avec les documents demandés doivent être en cours, pour que l’élu puisse justifier de l’utilité de sa demande de communication.

Selon l’article L. 2121-13 CGCT : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ». Par ailleurs, selon l’article L. 5211-1 du même code, la disposition précédemment citée est applicable aux conseillers communautaires.

Ainsi, là où un particulier ne peut demander la communication de certains documents de l’administration considérés comme confidentiels (tel qu’un document délivré par ministère d’avocat, selon l’article 6 de la loi du 11 juillet 1978), un élu local est en droit de demander tout document utile à l’examen d’une délibération du conseil dont il est membre.

En l’espèce, une élue communautaire avait effectué, le 1er octobre 2016, une demande de communication de plusieurs documents administratifs (en l’occurrence, des consultations juridiques sur une zone d’aménagement, ainsi que des bons de commande de prestation juridique de cette zone d’aménagement) relatifs à deux délibérations de la Communauté Intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS) – un EPCI situé à la Réunion – à son Directeur général des services.

L’EPCI ayant refusé cette communication, la conseillère, a, par suite, introduit un recours en excès de pouvoir contre cette décision de refus de communication devant le Tribunal administratif de la Réunion.

Or, par un jugement du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a fait droit à la demande de l’élue communautaire et enjoint à la CIVIS de communiquer lesdits documents.

La CIVIS a dès lors introduit un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre ce jugement, lequel a donné lieu à l’arrêt objet de la présente brève.

Cette décision du Conseil d’État est particulièrement utile, dès lors qu’elle apporte deux précisions quant aux conditions d’application des règles de communication et d’information des élus

Tout d’abord, le Conseil d’Etat affirme expressément, pour la première fois, qu’une demande adressée par un élu au DGS et non pas au Président de l’exécutif, ne saurait être considérée comme mal dirigée et ne peut donc être rejetée de ce seul fait (considérant 3).

Au demeurant, le Conseil d’État insiste sur la nécessité de démontrer l’utilité de la demande de communication d’un élu, laquelle ne saurait être présumée par son seul lien avec une délibération de l’organe délibérant, si celle-ci a d’ores et déjà été adoptée.

Le Conseil d’État, dans cet arrêt du 5 avril 2019, annule, par conséquent, le jugement du Tribunal administratif de la Réunion et renvoie devant lui l’examen au fond de cette affaire, considérant précisément que celui-ci n’avait pas effectué un contrôle suffisant de l’utilité de cette demande en se contentant de retenir un lien entre les documents et une délibération passée pour qualifier la demande d’utile.

Emplois fonctionnels : confirmation du bien-fondé d’une perte de confiance à la suite de faits de violence

Le 20 mars 2013, le Maire de la Commune d’Hénin-Beaumont avait décidé de ne pas renouveler le détachement sur emploi fonctionnel du Directeur général adjoint des services de la Commune, au titre d’une perte de confiance, motif classique autorisé par la jurisprudence du Conseil d’Etat Monsieur Brouhlet (7 janvier 2004, req. n° 250616).   

Après avoir rappelé le principe selon lequel « eu égard à l’importance du rôle des titulaires [des emplois fonctionnels] et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le secrétaire général d’une commune de s’être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la part de l’autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier qu’il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions », la Cour administrative d’appel de Douai livre dans l’arrêt commenté un énième exemple d’un comportement justifiant – à n’en pas douter en l’espèce – de la fin de l’occupation d’un emploi fonctionnel.

Il en ressort en effet que l’agent concerné avait d’ores et déjà commis plusieurs erreurs dans la préparation du budget communal, et notamment de carences en matière de formalisme et de respect des délais pour la préparation des conseils municipaux, le mandatement des factures et la rédaction des bons de commande nécessaires à différentes directions. Surtout, il avait ensuite tenté de séquestrer le Directeur général des services afin d’obtenir des explications sur le projet de non-renouvellement de son détachement dans l’emploi fonctionnel en cause puis, enfin, tenu des propos grossiers et insultants en vue de provoquer une confrontation physique à laquelle le directeur général des services s’était soustrait.

Si l’issue du litige ne laissait que peu de doute en l’espèce, il est important de rappeler que des faits d’une moindre importance et d’une moindre violence sont également de nature à justifier de ce type de décision au vu de la spécificité des fonctions (par exemple un différend d’ordre professionnel intervenu dans les relations entre le maire et l’agent à propos du fonctionnement de l’inspection générale de la ville et de l’accomplissement des missions, CAA de Paris, 25 mai 2004, Ville de Paris, req. n° 03PA01314). Mais la fin de l’occupation de l’emploi fonctionnel reste malgré ce soumise tout à la fois à un contrôle par le Juge de la matérialité des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation qui nécessite que l’autorité territoriale, en amont de sa décision, s’assure qu’elle dispose d’éléments suffisants, particulièrement pour démontrer les faits retenus.

L’imputabilité au service d’une dépression d’un fonctionnaire doit être appréciée au regard de ses conditions de travail

Par un arrêt Mme A… c/ communauté d’agglomération du Choletais en date du 13 mars 2019 (req. n° 407795), le Conseil d’État répondu à deux questions d’importance sur la notion de « lien direct » nécessaire à la reconnaissance de troubles dépressifs en maladie professionnelle :

  • premièrement, toute maladie en lien avec le contexte professionnel doit-elle être reconnue comme imputable à celui-ci, ou la caractérisation de ce lien nécessite-t-elle que ce contexte professionnel ait été de nature à occasionner cette affection ?
  • deuxièmement, comment convient-il de tenir compte de la contribution du comportement de l’agent à ce contexte professionnel dont il souffre ?

En l’espèce, Mme A…, attachée territoriale chargée depuis le 1er septembre 1988 de la direction de l’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes de Trémentines, rattaché pour sa gestion à la communauté d’agglomération du Choletais depuis 2003, a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif sévère, médicalement constaté en juin 2013, à la suite de plusieurs procédures disciplinaires engagées à son encontre.

Par décision du 31 juillet 2014, la communauté d’agglomération a refusé de faire droit à cette demande. Si le Tribunal administratif de Nantes avait annulé ce refus, la Cour administrative d’appel avait, elle, annulé le jugement.

Dans son arrêt, le Conseil d’État rappelle tout d’abord qu’une « maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. »

Pour le Conseil d’État, la Cour a ainsi eu raison de vérifier l’existence d’un lien entre la maladie et l’exercice des fonctions et surtout de rechercher si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service. En revanche, il a retenu qu’en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

Il en résulte que le juge administratif doit désormais apprécier si les conditions de travail d’un agent qui demande l’imputabilité au service de sa dépression sont à l’origine de sa maladie en tenant compte de son comportement, mais sans pour autant déduire d’une simple absence de volonté délibérée de nuire l’impossible caractérisation de la maladie professionnelle.

Le renvoi à la Cour administrative d’appel et la décision à intervenir permettront dans ce cadre de mieux fixer les implications du comportement de l’agent dans cette hypothèse relativement classique de la dépression résultant de procédures disciplinaires pourtant bien fondées.

Annulation en référé précontractuel d’un marché public pour défaut de production des certificats et attestations de régularité fiscale et sociale

Par une ordonnance en date du 9 avril dernier, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la procédure de passation d’un marché public de travaux sur le seul moyen tiré du défaut de production par l’attributaire pressenti des documents attestant du respect de ses obligations fiscales et sociales.

Dans cette affaire, le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (Syvade) avait engagé une procédure de passation pour des travaux d’aménagement et de réaménagement de son installation de stockage des déchets non dangereux (Isdnd) de la Gabarre. A la suite du rejet de son offre, la société BMJ a saisi le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de la Guadeloupe aux fins d’obtenir l’annulation la procédure de passation litigieuse.

Parmi plusieurs moyens soulevés à l’appui de son recours, la société BMJ a notamment soutenu que la société attributaire « ne pouvait se voir attribuer le marché litigieux dès lors qu’elle n’a pas produit les attestations nécessaires ».

Dans l’ordonnance commentée, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a tout d’abord rappelé que « le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire les documents attestant notamment qu’il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché », et ce conformément aux articles 51-II et 55-II du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors applicables.

Puis, statuant sur le fond de l’affaire, le Tribunal a constaté que le pouvoir adjudicateur n’avait pas demandé à la société attributaire de produire les documents attestant qu’il ne se trouvait pas dans un cas d’interdiction de soumissionner. A cet égard, l’article 9.3.2 du règlement de consultation prévoyait que le candidat, dont l’offre était la mieux classée, devait produire les documents requis dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la lettre du pouvoir adjudicateur.

Faisant usage d’une économie de moyens, le Tribunal a donc annulé, sur l’unique moyen susvisé du requérant, la procédure de passation du marché public litigieux et a enjoint au Syvade de reprendre en intégralité la procédure si le Syndicat entend toujours passer un marché public.

La liste des contrôles CNIL réalisés en 2018 est disponible

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») a publié l’ensemble des jeux de données relatifs aux contrôles réalisés en 2018 par ses agents.

Durant cette période, la CNIL a réalisé 310 contrôles dont :

  • 204 contrôles sur place (dont 20 contrôles portant sur des dispositifs vidéo) ;
  • 51 contrôles en ligne ;
  • 51 contrôles sur pièces ;
  • 4 auditions.

Ces 310 contrôles ont entrainé 49 mises en demeure (15,8 % du total) pour 11 sanctions (3,5 % du total). Dans l’immense majorité des cas, la simple intervention de la CNIL se traduit par une mise en conformité de l’organisme.

Les 11 sanctions sont réparties comme suit :

  • 10 sanctions pécuniaires (dont 9 publiques et 7 qui concernaient des atteintes à la sécurité des données personnelles) ;
  • 1 avertissement non public ;

Pour ce qui est des acteurs publics et parapublics, ils représentent 84 des 310 contrôles (soit 27 % du total des contrôles réalisés par la CNIL) sous les catégories suivantes :

  • finances publiques ;
  • santé/social ;
  • régalien ;
  • collectivités territoriales ;
  • éducation ;
  • associatif ;
  • culture ;
  • police/justice/sécurité.

La nature des contrôles à l’encontre des acteurs publics et parapublics diffère en fonction de l’objectif poursuivi par les agents de la CNIL et de la date du contrôle :

  • 42 contrôles ont été faits au fondement de la loi de 78 ;
  • 34 contrôles ont été faits au fondement du RGPD ou de la directive police/justice ;
  • 8 contrôles ont été faits au fondement du respect des dispositions relatives à la vidéosurveillance.

L’ensemble de ces éléments montre un renforcement des contrôles CNIL contre les acteurs publics et parapublics (23,97 % du total des contrôles en 2017 contre 27,09% en 2018) qui laisse penser que la tendance est à l’accroissement des contrôles à leur encontre.

Au-delà, les chiffres de 2018 montrent une hausse des sanctions pécuniaires publiques par rapport à l’exercice 2017 (passage de 6 à 10 sanctions), avec une très nette augmentation du montant moyen des amendes avec un record à 400 000 euros.

Le détail des organismes sanctionnés en 2018 montre aussi, et contre toute attente, la sanction de plusieurs associations et organismes publics. Si la sanction de l’OPH de Rennes peut paraître conjoncturelle, deux associations (l’ADEF et l’Alliance française Paris Ile de France) ont été sanctionnées pour des motifs plus habituels : les manquements à leurs obligations de sécurité des données.

L’année 2018 a montré que les organismes publics et parapublics, s’ils ne sont pas ciblés spécifiquement par le service des contrôles, ne bénéficient plus de la clémence de la Commission. Le montant des sanctions montre d’ailleurs bien que les organismes publics ou privés d’intérêt général ne sont pas considérés comme des structures à part mais bien comme des responsables de traitement comme les autres.

Le Conseil d’Etat confirme la sanction CNIL contre l’ADEF

L’association pour le Développement des Foyers (ci-après « ADEF ») a pour mission la mise à disposition de logements dans des résidences. Ces logements sont dédiés à des personnes en difficultés comme les étudiants, des familles monoparentales et ou des travailleurs migrants.

A la suite d’un contrôle en ligne datant de juin 2017, les agents de la Commission ont pu constater qu’en modifiant la structure de l’URL du site de l’ADEF, il était possible de récupérer les noms, prénoms, dates de naissance, coordonnées postales, statut marital, nombre d’enfants, numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), IBAN (références bancaires), données relevant de la vie privée (salaire, revenu fiscal de référence, versement d’une aide personnalisée au logement ou d’une allocation aux adultes handicapés) concernant les bénéficiaires.

Pas moins de 42 652 documents étaient concernés par la violation.

Après un contrôle sur place où les agents de la CNIL ont constaté que la violation de sécurité et l’intégrité des données n’était toujours pas assurée, la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire de 75 000 euros, estimant que l’association avait manqué à son obligation de préserver la sécurité et la confidentialité des données personnelles des utilisateurs de son site.

Dans sa décision du 17 avril 2019 en chambres réunies, le Conseil d’Etat a considéré que la sanction pécuniaire de 75 000 euros et la publicité de la décision étaient proportionnées.

Le conseil d’Etat a indiqué qu’ « il résulte de l’instruction que le manquement constaté par la formation restreinte de la CNIL consistait en un défaut de sécurité du formulaire en ligne de demande de logement mis à la disposition des bénéficiaires des prestations offertes par l’ADEF, permettant à tout tiers non autorisé d’accéder, au moyen d’une simple modification des liens URL correspondant, aux documents téléchargés par les demandeurs de logement. […] Eu égard à la nature et à la gravité du manquement constaté qu’il aurait été possible de prévenir par des mesures simples de sécurité, […] aux moyens importants dont dispose l’association et au délai avec lequel elle a apporté les mesures correctrices de nature à remédier à ce manquement, la formation restreinte de la CNIL n’a pas infligé à l’ADEF une sanction disproportionnée en prononçant à son encontre une amende d’un montant de 75 000 euros ».

Cette décision du Conseil d’Etat vient une nouvelle fois confirmer que des organismes publics ou parapublics réalisant des missions d’intérêt général ou de service public ne sont pas à l’abri d’une sanction au fondement des dispositions légales relatives aux données à caractère personnel.

La CNIL et in fine le Conseil d’Etat confirment que les acteurs publics et parapublics devront offrir les meilleures garanties de protection des données à caractère personnel, notamment en matière de sécurité, pour échapper à une sanction en cas de contrôle.

Transfert d’entreprise : le refus du salarié de la modification de son lieu de travail constitue un motif économique de licenciement

Par un arrêt publié au bulletin en date du 17 avril 2019, la Cour de cassation précise la nature juridique du licenciement consécutif au refus du salarié de la modification du lieu d’exécution de son travail dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, et plus particulièrement de son lieu de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

En l’espèce, une société implantée à Nantes cède son activité à une société basée à Orléans entrainant le transfert de plusieurs salariés en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail. Souhaitant rapatrier à Orléans les postes de travail, les salariés se voient proposer une modification du lieu d’exécution de la relation contractuelle. Après avoir refusé la modification de leur contrat de travail, les salariés sont licenciés pour motif personnel.

Considérant que la modification de leur contrat de travail a été proposée par l’employeur pour un motif économique, les salariés contestent le motif de leur licenciement et saisissent la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel fait droit aux demandes des salariés, ce que confirme le 17 avril 2019 la Cour de cassation.

Selon la Cour de cassation, dès lors que la modification du contrat de travail des salariés s’inscrivait dans la volonté de l’entreprise de ne conserver qu’un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l’objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire à la suite du rachat d’une branche d’activité d’une autre société, le licenciement des intéressées avait la nature juridique d’un licenciement économique.

Le licenciement prononcé pour motif personnel était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme tout d’abord que « lorsque l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer » (Cass. soc., 30 mars 2010, n°08-44.227).

Pour autant, la Cour de cassation semble revenir sur sa position adoptée en 2016 qui pouvait laisser suggérer que le refus du salarié d’une modification de son lieu de travail entraînée par le transfert d’entreprise constitue une cause autonome de rupture (Cass. soc., 1er juin 2016, n°14-21.143).

Dans l’attente d’une confirmation de cet arrêt, le repreneur qui licencie les salariés transférés ayant refusé la modification de leur contrat de travail est incité à notifier des licenciements économiques. Les salariés doivent en conséquence bénéficier d’un reclassement ou le cas échéant d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

L’annulation du PLU de Gonesse

Le tribunal de Cergy-Pontoise, par la décision du 12 mars dernier, annule la délibération approuvant le nouveau PLU de Gonesse.

Par une délibération du 25 septembre 2017, le conseil municipal de Gonesse a approuvé le nouveau plan local d’urbanisme de la Commune devant permettre notamment la réalisation du projet d’aménagement de la ZAC du Triangle de Gonesse.

Pour mémoire, le projet du Triangle de Gonesse représente une surface globale de 750 hectares, 400 hectares formant un carré agricole, et 296 hectares dédiés à une urbanisation, alliant quartier d’affaires international et développement du projet EuropaCity.

Le projet EuropaCity qui quant à lui a vocation à reposer sur 80 hectares, devrait être dédié à une offre de loisirs et de cultures, autour « d’une programmation éclectique, transdisciplinaire, culturelle, sportive, musicale, cinématographique et scientifique »1.

Après recours gracieux, quatre requêtes tendant à l’annulation du nouveau plan local d’urbanisme ont été présentées devant le juge administratif.

Par jugement du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a finalement annulé la délibération du 25 septembre 2017 approuvant le nouveau PLU de Gonesse.

Trois motifs ont fondé la décision du juge administratif.

Dans un premier temps, le Tribunal a estimé que ni le rapport de présentation, ni l’évaluation environnementale ne justifiait suffisamment le projet tel qu’arrêté s’agissant de l’opération du Triangle de Gonesse.

En effet, les juges ont considéré qu’il ressortait « des pièces du dossier qu’aucune solution de substitution raisonnable à l’urbanisation de la moitié sud du triangle de Gonesse » n’avait été envisagée par la commune dans ces deux documents. Or, pour le tribunal, « ce projet, qui se traduit par l’artificialisation de 248 hectares de terres agricoles », présente un impact écologique très important.

Ainsi, du fait d’une évaluation environnementale qui serait, selon le tribunal, insuffisante eu égard aux impacts d’un tel projet et d’un rapport de présentation lacunaire, ne présentant ni solutions de substitution, ni alternatives sérieuses, il a été a considéré que l’élaboration du plan local d’urbanisme avait été entachée d’une irrégularité telle, qu’elle avait eu pour effet de nuire à la parfaite information de la population, viciant dès lors la procédure d’élaboration et ensemble la délibération approuvant le PLU.

Dans un deuxième temps, le Tribunal a jugé que la situation du projet, à proximité des aéroports Roissy Charles de Gaulle et du Bourget, emportait violation des articles L. 112-10 du Code de l’urbanisme et 166 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

En effet, la zone à urbaniser de la ZAC du triangle de Gonesse avait vocation à emporter la création de quelques 500 nouveaux logements. Or, l’implantation de ces constructions se trouvait au cœur de la zone C des plans d’exposition au bruit des aéroports Roissy Charles de Gaulle et du Bourget.

Partant, du fait de la situation de l’opération, le juge a considéré qu’une « telle construction [entraînerait] une augmentation significative de la population exposée au bruit », méconnaissant dès lors les dispositions ci-avant mentionnées.

Enfin, dans un dernier temps, les juges ont jugé qu’une erreur manifeste d’appréciation a été commise par le conseil municipal de Gonesse, dans le cadre de l’élaboration du PLU, en ce qu’il a permis le classement de 248 hectares de zone agricole en zone à urbaniser.

En effet, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme portant sur les objectifs de développement durable devant être poursuivis par les collectivités publiques en matière d’urbanisme, le juge relève qu’il ressort du projet, « que la révision du plan local d’urbanisme [avait] notamment pour objet l’urbanisation de 248 hectares d’une terre agricole décrite par le rapport de présentation comme particulièrement fertile ». Il considère que le classement de cette zone en zone à urbaniser vient « bouleverser l’équilibre existant entre le développement urbain et l’utilisation économe des espaces naturels » et que la révision du PLU vient affecter directement l’environnement, tant s’agissant de « la protection des milieux naturels et des paysages, de la préservation de la qualité de l’air, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystème », que de l’impact d’un tel projet notamment s’agissant du risque d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

[1] http://triangledegonesse.fr/europacity/

« De l’application des règles de procédure administrative contentieuse et du droit de l’urbanisme en Nouvelle Calédonie »

Dans une affaire portant sur un contentieux de permis de construire, le Conseil d’Etat a été interrogé par la Cour Administrative d’Appel de Paris s’agissant de deux questions préjudicielles.

La première question portait sur l’applicabilité des dispositions R. 424-15 et A. 424-17 du Code de l’urbanisme en Nouvelle-Calédonie, relatives aux mentions des voies et délais de recours et conditionnant la recevabilité du recours contre une autorisation d’urbanisme.

La seconde question préjudicielle portait sur la question de savoir si les compétences réglementaires de l’Etat et les dispositions « générales » du code de l’urbanisme s’appliquaient ou non à la Nouvelle Calédonie.

Dans le cadre de l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 13 février dernier, il ressort que les dispositions réglementaires des articles R. 424-15 et A. 424-17, relatives à l’obligation d’affichage sur le terrain objet de l’autorisation, obligeant à ce qu’il soit fait mention des voies et délais de recours, relèvent de la procédure administrative contentieuse, qui est régie par l’Etat.

Dans son considérant 7, le Conseil d’Etat vient préciser que cette réglementation relève de la compétence de l’Etat et que lesdites dispositions s’appliquent, de plein droit à la Nouvelle-Calédonie, « sans préjudice des dispositions prises par l’Etat les adaptant à son organisation particulière ».

Cela signifie que les règles de procédure administrative contentieuse sont définies par l’Etat. Ces dispositions s’appliquent de plein droit à la Nouvelle-Calédonie, sauf si l’Etat en disposait autrement, comme par exemple, par l’édiction de règles spéciales, applicables uniquement à la Nouvelle-Calédonie, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Il en est de même s’agissant de l’obligation de notification du recours organisée par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, conditionnant le déclenchement du délai contentieux.

Le Conseil d’Etat, dans cet avis, considère que l’article R. 600-1 participe à la procédure administrative contentieuse.

Par conséquent, ces règles sont également définies par l’Etat, qui demeure, en matière de  réglementation, compétent, pour les fixer.

Et les dispositions de l’article R.600-1 sont applicables « sans préjudice des dispositions prises par l’Etat les adaptant à son organisation particulière » de plein droit à la Nouvelle-Calédonie (considérant 8).

La substance même de cette décision correspond à l’application stricte de l’adage selon lequel « Specialia generalibus derogant », la règle spéciale déroge au général.

En effet, un ensemble de règles spéciales est prévu pour la Nouvelle-Calédonie. Dès lors qu’il y a lieu de les appliquer, elles sont appliquées de manière dérogatoire aux règles générales du code de l’urbanisme.

A l’inverse, pour toutes les autres règles et pour lesquelles aucune disposition spécifique n’aurait été établie, c’est le droit « général », étatique, qui s’applique.

En définitive, ce que nous dit le Conseil d’Etat dans son avis, c’est que les règles « générales » de procédure administrative sont prévues par l’Etat et ont vocation à s’appliquer dans tous les cas et en tous lieux, y compris en Nouvelle-Calédonie, sauf, si, à l’inverse l’Etat avait édicté des dispositions spéciales de procédure administrative pour la Nouvelle-Calédonie.

Nouvelle jurisprudence relative à la fraude quant à la qualité du pétitionnaire pour présenter une demande de permis de construire

Par un arrêt fort intéressant en date du 11 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu l’existence d’une fraude commise par le pétitionnaire quant à sa qualité pour présenter une demande de permis de construire, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Dans cette affaire, la société pétitionnaire, porteuse d’un projet de construction portant sur les parties communes d’un immeuble en copropriété, n’avait pas obtenu l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires pour réaliser ses travaux, et s’était même vu opposer une opposition farouche de l’ensemble des autres copropriétaires réunis en assemblée (ladite société ayant cherché lors de cette assemblée à minimiser l’ampleur de son projet).

Passant outre cette opposition, elle a présenté une demande de permis de construire sans en avertir les autres copropriétaires et la mairie de Paris lui a délivré le permis sollicité.

L’un des syndicats de copropriétaires ainsi que plusieurs copropriétaires en leur nom propre ont demandé l’annulation du permis.

Le Tribunal administratif de Paris ayant fait droit à leur demande en première instance, aussi bien la Ville de Paris que la société pétitionnaire ont fait appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation du permis au motif qu’une fraude avait bel et bien été commise par la société pétitionnaire, et ce indépendamment que le service instructeur ait été averti de l’existence de cette fraude :

 

« Il ressort des pièces du dossier que l’assemblée générale des copropriétaires, réunie le 31 mars 2015, a décidé à l’unanimité de reporter le vote sur le projet de la SCI 34 rue de la Fédération, compte tenu, d’une part, de l’opposition de nombreux copropriétaires aux travaux en cause et, d’autre part, de la contestation, eu égard à leur importance, des modalités de vote définies pour les adopter. Le vote était ainsi différé jusqu’à présentation d’une nouvelle résolution par la société Paris 34 Fédération. Ainsi, lorsque la société pétitionnaire a déposé le 26 juin 2015 une demande de permis de construire en attestant avoir qualité pour le faire, elle savait que l’obtention d’une autorisation de la copropriété était nécessaire, qu’elle ne l’avait pas obtenue et qu’aucune demande d’autorisation n’était même en cours d’examen. Elle ne pouvait donc ignorer, à la date du dépôt de sa demande de permis de construire, qu’elle ne disposait pas d’une des qualités prévues à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme pour déposer une telle demande. En attestant avoir l’une des qualités définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, elle s’est livrée à une manœuvre frauduleuse afin d’induire l’administration en erreur. L’autorisation qui lui a été délivrée, qu’elle n’avait pas qualité pour obtenir, ne peut, ayant été obtenue par fraude, qu’être annulée. Est sans influence à cet égard la circonstance que les services de la Ville de Paris, qui ont d’ailleurs été alertés à plusieurs reprises sur la situation de la copropriété au cours des mois de mai et juin 2015 et qui n’ont pas cru bon de revenir sur leur décision une fois saisis d’un recours gracieux, auraient ignoré l’existence de cette fraude ». 

 

Le juge administratif s’érige ainsi en rempart contre les autorisations d’urbanisme sollicitées par des demandeurs dépourvus de qualité pour ce faire, et qui ont réussi à tromper la vigilance du service instructeur.

Validation des ruptures conventionnelles du contrat de travail postérieures à une déclaration d’inaptitude physique

Dans un arrêt du 9 mai 2019 (n° 17-28.767), la Cour de cassation a levé l’interrogation qui demeurait sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail, en répondant par l’affirmative dès lors qu’il n’y a eu ni fraude, ni vice du consentement.

En l’espèce, une salariée avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation d’une rupture conventionnelle qu’elle avait conclue peu de temps après sa déclaration d’inaptitude d’origine professionnelle.

Elle soutenait à ce titre, que son employeur en régularisant une telle rupture, avait méconnu les règles protectrices applicables à l’inaptitude (obligation de recherche de reclassement du salarié déclaré inapte, reprise du versement du salaire à défaut de reclassement ou de rupture du contrat de travail dans le délai d’un mois, possibilité d’engager la procédure de licenciement uniquement en cas de justification de l’impossibilité de reclassement, indemnité spécifique de licenciement), de sorte que l’objet de la convention de rupture conventionnelle aurait été « illicite ».

Après avoir été déboutée de cette demande par les juges du fond, la salariée a porté cette affaire à la connaissance de la Cour de cassation qui a approuvé la solution de la Cour d’appel au motif que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail.

Il ressort de cet arrêt que cette validation s’étend a fortiori aux ruptures conventionnelles conclues avec un salarié dont l’inaptitude est d’origine non professionnelle.

Par cet arrêt, la Haute juridiction qui excluait du temps de l’ancienne rupture amiable, la possibilité de conclure une telle rupture avec un salarié déclaré inapte (Cass. soc., 12 févr. 2002, n° 99-41.698), poursuit sa jurisprudence « permissive » en matière de rupture conventionnelle qu’elle a progressivement ouverte à des situations « épineuses » soit parce qu’elle s’inscrivait dans un contexte conflictuel, soit parce que le salarié était fondé à revendiquer l’application d’une protection légale particulière.

En effet, la Cour de cassation a successivement admis la validité de ruptures conventionnelles conclues :

  • après une déclaration d’aptitude avec réserves (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082);
  • pendant la suspension du contrat du salarié en raison d’un accident du travail (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297);
  • lorsque la salariée est en congé maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149);
  • ou encore dans un contexte de harcèlement moral (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).

Cependant, la Cour de cassation continue de rappeler que la rupture conventionnelle peut être annulée dès lors que le salarié rapporte la preuve d’une fraude à la loi ou d’un vice du consentement.

A ce titre, compte tenu du régime de protection légale instauré au bénéfice des salariés inaptes, il conviendra pour les employeurs, de se montrer particulièrement prudents sur les modalités de conclusion de cette rupture s’agissant notamment du degré d’information à fournir au salarié, voire du montant de l’indemnité de rupture qui lui sera versée.

De même, la fragilité de son état de santé au moment de la conclusion de la convention et partant, l’existence d’un vice du consentement, pourrait être invoquées par le salarié au soutien d’une demande d’annulation de la rupture conventionnelle. Une telle demande pourrait avoir d’autant plus de chance de prospérer en cas d’inaptitude d’origine professionnelle résultant d’une dégradation de la santé mentale du salarié en lien avec ses conditions de travail (exemples : dépression suite à une « mise au placard », burn-out lié à une surcharge de travail,…).

L’assistance des parties dans le cadre de la conclusion d’une rupture conventionnelle pourrait alors s’avérer utile à la sécurisation juridique de la rupture du contrat de travail.

La possibilité pour l’employeur de créer des établissements distincts n’est pas exclusive d’une tentative loyale de négociation préalable

Par arrêt en date du 17 avril 2019 (n° 18-22948), la Cour de cassation vient de mettre fin à une incertitude liée à l’interprétation de l’article L. 2313-4 du Code du travail.

En effet, cet article autorise, en l’absence d’accord collectifs, l’employeur à fixer seul le nombre et le périmètre des établissements distincts en prenant en compte l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement notamment en matière de gestion du personnel.

 La Cour de cassation précise cependant que cette possibilité n’est ouverte qu’après l’échec d’une négociation loyale .

A défaut d’une telle négociation préalable à la décision unilatérale de l’employeur, cette décision devra être annulée.

Des contentieux sont ainsi à prévoir sur la notion de tentative de négociation loyale, étant précisé que le délai de contestation est de 15 jours à compter de la décision du Direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.

Fusion absorption et régularisation d’une instance en cours

Dans cette affaire se posait la question de la régularisation d’un instance introduite contre une société ayant fait l’objet d’une fusion-absorption en cour d’instance.

En l’espèce, une SCI avait acquis une maison d’habitation rénovée auprès d’une société L. qu’elle a par la suite assignée pour des désordres affectant le bien.

La société L. a cependant été dissoute à la suite de la réunion de l’ensemble de toutes les parts sociales en une seule main et radiée avec transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique, la société C, qui a été assignée en intervention forcée.

La Cour d’appel déclare irrecevable les demandes de la SCI au motif que l’action avait été engagée contre une société dépourvue de la personnalité morale et que la nullité résultant du défaut de capacité de la société assignée ne peut être couverte par l’intervention volontaire ou forcée de la société lui ayant succédée.

Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation aux visas des articles L. 236-3 du Code de commerce et 126 du Code de procédure civile. Pour la Haute juridiction, la fusion-absorption opère la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante qui a, de plein droit, qualité pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée (art. L. 236-3 du Code de commerce).

Elle précise qu’il en est de même lorsque l’opération de fusion-absorption se réalise au cours de la procédure engagée, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de l’absence de droit d’agir de la société absorbée est écartée.

Irrecevabilité de l’action en responsabilité contre une société appartenant à un groupe en l’absence d’apparence d’interdépendance

Dans l’arrêt du 20 février 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait à se prononcer sur les conditions de recevabilité d’une action en responsabilité civile délictuelle d’une société faisant partie d’un groupe, en cas d’apparence d’indépendance.

En l’espèce, la propriétaire d’un terrain avait consenti une promesse de vente à la société GGL Groupe sous condition suspensive de l’obtention d’un permis d’aménager. Le délai fixé par les parties pour la réalisation de la condition ayant été dépassé, la propriétaire a dénoncé la promesse de vente. Quelques mois après, un panneau a été installé en limite de sa propriété visant un permis d’aménager obtenu par la société GGL Aménagement.

La propriétaire a ainsi assigné la société GGL Groupe afin d’obtenir le retrait du panneau et le paiement de dommages et intérêts.

La Cour d’appel a déclaré irrecevable la propriétaire à agir contre la société GGL Groupe aux motifs que le panneau n’avait pas été implanté par la société GGL Groupe mais par la société GGL Aménagement. Pour la Cour d’appel une telle circonstance suffisait à exclure la responsabilité délictuelle de la société GGL Groupe.

Le pourvoi formé par la propriétaire a également été rejeté par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui relève que la demanderesse s’est limitée à démontrer qu’elle ne connaissait qu’une seule entité exerçant sous la forme d’un groupe avec les mêmes instances dirigeantes et des dénominations similaires, sans démontrer qu’elle avait été légitimement trompée par une apparence d’indépendance.

Par cet arrêt la Cour de cassation rappelle que le fait que différentes sociétés constituent ensemble un groupe n’est pas de nature à remettre en cause leurs responsabilités respectives qui demeurent autonomes.

Loi PACTE : l’impact de l’harmonisation des seuils de certification des comptes sur les Entreprises publiques locales (EPL)

Dans sa Décision n° 2019-781 DC intervenue le 16 mai 2019, le Conseil Constitutionnel a validé l’essentiel des articles de la Loi relative au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

L’une des mesures phares de la Loi Pacte concerne l’harmonisation des seuils de certification des comptes des sociétés commerciales.

En effet, il est prévu que la désignation du commissaire aux comptes dans les SA et SCA ne sera désormais obligatoire qu’en cas de franchissement de certains seuils qui seront arrêtés par un décret ultérieur qui s’alignera aux seuils européens de référence.

Dans ce cadre, la rédaction des articles L. 225-218 et L. 226-6 du Code de commerce concernant la nomination des commissaires aux comptes, respectivement dans les sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions, sera modifiée.

Dans les SAS, la certification des comptes est déjà prévue par l’article L. 227-9-1 al. 2 du Code de commerce et l’article R. 227-1 du même code précisait les seuils applicables pour cette certification (un bilan d’au moins 1 000 000 €, un chiffre d’affaires d’au moins 2 000 000 € et au moins 20 salariés).

Désormais, les SAS tout comme les SA et les SCA se verront appliquer les mêmes seuils. La certification des comptes sera obligatoire dès lors que ces sociétés remplissent deux des conditions suivantes : un bilan d’au moins 4 millions d’euros ; un chiffre d’affaires d’au moins 8 millions d’euros ; au moins 50 salariés.

Il se posait cependant la question de l’application de ces seuils aux EPL étant donné qu’elles constituent une catégorie de sociétés anonymes.

Un amendement avait été présenté par certains députés en vue d’exclure ces sociétés des seuils de certification (insertion d’un article 9 bis D).

Ainsi, à travers cet amendement, il était prévu d’écarter l’application des seuils et de maintenir la désignation des commissaires aux comptes dans les SEM en modifiant les dispositions de l’article L.1522-1 du CGCT et dans les SPL en modifiant l’article L.1531 du CGCT.

L’argument invoqué était que ces sociétés agissant pour le compte des collectivités publiques gèrent des fonds pour des montants très significatifs et qu’il convenait de prendre en compte leur caractère atypique en les excluant du nouvel effet de seuils de commissariat aux comptes tel que prévu par l’article 9.

Cet amendement qui avait été retiré par la suite par le Sénat le 11 janvier 2019 a cependant été partiellement réintroduit dans le texte définitif de la Loi Pacte avec des modifications.

En effet, le texte définitif de la Loi Pacte adopté le 11 avril 2019 prévoit à son article 30 que :

« le chapitre IV du titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L1524-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 1524-8. – Par dérogation à l’article L.225-218 du code de commerce, les sociétés d’économie mixte locales sont tenues de désigner au moins un commissaire un commissaire aux comptes. »

Il ressort de cet article que la désignation du commissaire aux comptes est rendue obligatoire dans les sociétés d’économie mixte et les sociétés publiques locales.

Avances en compte courant et prêts participatifs entre organisme HLM : décret du 29 avril 2019

Dans le but de parfaire l’application des dispositions de la loi ELAN et de respecter l’échéancier publié le 12 avril 2019 sur Légifrance, le Premier ministre a – sur le rapport de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales – pris le décret n° 2019-383 du 29 avril 2019 relatif aux modalités de déclaration des avances en compte courant prévues à l’article L. 423-15 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après dénommé « CCH »)  et des prêts participatifs prévus à l’article L. 423-16 du CCH.

Pour mémoire, les avances en compte courant et les prêts participatifs peuvent être consentis par les organismes HLM et sont respectivement prévus aux articles L. 423-15 et L. 423-16 du CCH, eux-mêmes créés par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.

La loi ELAN ainsi que ce décret du 29 avril 2019 apportent les modifications suivantes aux modalités d’octroi d’avances en compte courant et de prêts participatifs entre organismes HLM.

Premièrement, la loi réduit le délai dont bénéficie l’un des deux ministres pour s’opposer à un concours financier en le faisant passer de deux mois à quinze jours (article 84 de la loi ELAN).

Deuxièmement, la loi a élargi le bénéfice de ces concours financiers – avances en compte courant et prêts participatifs – aux organismes appartenant au même groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1 du CCH que l’organisme HLM prêteur, ce qui autorise donc la mise en place de tels prêts entre organismes membres d’une société de coordination.

Troisièmement, le décret supprime d’une part, parmi les pièces justificatives, l’obligation de produire une note justifiant l’opération. Cette note devait notamment préciser « (…) du point de vue de l’organisme prêteur, sa capacité à remplir sa mission sociale compte tenu [de l’avance ou du prêt] en cause et, du point de vue de l’emprunteur, la destination sociale des fonds correspondants ; elle [devait comporter], pour chacun d’entre eux, un état prévisionnel d’activité portant sur une période de trois ans ».

D’autre part, le décret modifie la clause suspensive devant figurer dans le contrat d’avance ou de prêt participatif. Cette clause suspensive devait précédemment prévoir l’absence d’opposition conjointe des deux ministres chargés du Logement et de l’Économie. Il est désormais prévu que l’absence d’opposition d’un des deux ministres concernés suffit.

In fine, les pièces, devant figurer à l’appui de la déclaration préalable d’avance en compte courant ou de prêt participatif et être fournies aux deux ministres concernés, sont les suivantes :

  • Pour les avances en compte courant (art. R. 423-1-1 du CCH) :
  • « la justification de sa participation supérieure à 5 % au capital de la société devant bénéficier de l’avance ou de l’appartenance au même groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1 que l’organisme devant bénéficier de l’avance » ;
  • et, « une copie du contrat d’avance signé comportant une clause suspensive relative à l’absence d’opposition de l’un des deux ministres, dans lequel figurent le montant, la durée et le taux de rémunération ».
  • Pour les prêts participatifs (art. R. 423-1-2 du CCH) :
  • « la justification d’une situation de contrôle définie à l’article L. 233-3 du code de commerce sur la société devant bénéficier du prêt participatif ou de l’appartenance au même groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1 que l’organisme devant bénéficier du prêt participatif » ;
  • et, « une copie du contrat de prêt participatif signé comportant une clause suspensive relative à l’absence d’opposition de l’un des deux ministres, dans lequel figurent le montant, la durée et le taux de rémunération ».

Enfin, le décret crée un article D. 481-16 du CCH incluant les SEM agréées pour construire et gérer du logement social dans le dispositif de contrôle des avances en compte courant et des prêts participatifs.

Prescription de l’action publique et article 175 du Code de procédure pénale

La prescription de l’action publique peut être définie comme une cause d’extinction de cette action par l’effet de l’écoulement d’une période de temps depuis le jour de la commission de l’infraction ou du dernier acte qui l’a interrompue. A l’expiration du délai de prescription, l’action publique est éteinte et plus aucune poursuite n’est possible.

Pour mémoire, par une loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le législateur est venu doubler les délais de prescription de droit commun en matière criminelle et délictuelle : le délai est désormais fixé à vingt ans au lieu de dix ans, s’agissant de la matière criminelle (CPP, art. 7 al. 1er) ; celui en matière délictuelle passe de trois à six ans (CPP, art. 8 al. 1er).

Au cas d’espèce, le 28 décembre 2017, l’un des mis en examen saisissait le juge d’instruction d’une requête tendant à ce que soit constatée la prescription de l’action publique. Par ordonnance du 9 février 2018, le juge d’instruction disait n’y avoir lieu de constater l’extinction de l’action publique, de sorte que les mis en examen relevaient appel de la décision.

Par un arrêt du 30 mai 2018, la Chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance entreprise et précisait qu’aux termes « de la lettre […] des dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale, s’évincent, en l’état du droit procédural applicable à la date du 6 novembre 2013, tout à la fois cause d’interruption (s’agissant d’une étape effective dans l’avancement des poursuites concernées) et cause de suspension (le parachèvement des formalités de clôture devenant nécessaire pour qu’une juridiction du fond puisse être éventuellement saisie) de la prescription par l’effet de la communication de la procédure au ministère public par le magistrat instructeur aux fins de règlement ; peu importe qu’une quelconque partie intéressée à la poursuite ait pu régulariser des écritures pendant le cours des formalités de règlement : elle ne pouvait pas ainsi obtenir la saisine prématurée du juge qu’elle espérait, ce qui a suffi à bien emporter obstacle rendant impossible la mise en mouvement ou l’exercice effectif de l’action publique ».

Le pourvoi en cassation formé par les parties à l’encontre de cet arrêt était rejeté par la Cour de cassation, qui reprenait le raisonnement de la Chambre de l’instruction :

  • D’une part en affirmant que « la prescription de l’action publique est interrompue par l’avis de fin d’information donné par le juge d’instruction aux parties, en application de l’article 175 du Code de procédure pénale » ;
  • D’autre part, en avançant que « la prescription de l’action publique est suspendue pendant les délais prévus audit article, le juge d’instruction estimant l’information achevée ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation fait de l’article 175 du Code de procédure pénale et en conséquence de l’avis d’information, tant une cause d’interruption que de suspension de l’action publique.