le 22/05/2019

Nouvelle jurisprudence relative à la fraude quant à la qualité du pétitionnaire pour présenter une demande de permis de construire

CAA Paris, 11 avril 2019, SCI Paris 34 Fédération et Ville de Paris, n° 18PA01038 et 18PA01049

Par un arrêt fort intéressant en date du 11 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu l’existence d’une fraude commise par le pétitionnaire quant à sa qualité pour présenter une demande de permis de construire, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Dans cette affaire, la société pétitionnaire, porteuse d’un projet de construction portant sur les parties communes d’un immeuble en copropriété, n’avait pas obtenu l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires pour réaliser ses travaux, et s’était même vu opposer une opposition farouche de l’ensemble des autres copropriétaires réunis en assemblée (ladite société ayant cherché lors de cette assemblée à minimiser l’ampleur de son projet).

Passant outre cette opposition, elle a présenté une demande de permis de construire sans en avertir les autres copropriétaires et la mairie de Paris lui a délivré le permis sollicité.

L’un des syndicats de copropriétaires ainsi que plusieurs copropriétaires en leur nom propre ont demandé l’annulation du permis.

Le Tribunal administratif de Paris ayant fait droit à leur demande en première instance, aussi bien la Ville de Paris que la société pétitionnaire ont fait appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation du permis au motif qu’une fraude avait bel et bien été commise par la société pétitionnaire, et ce indépendamment que le service instructeur ait été averti de l’existence de cette fraude :

 

« Il ressort des pièces du dossier que l’assemblée générale des copropriétaires, réunie le 31 mars 2015, a décidé à l’unanimité de reporter le vote sur le projet de la SCI 34 rue de la Fédération, compte tenu, d’une part, de l’opposition de nombreux copropriétaires aux travaux en cause et, d’autre part, de la contestation, eu égard à leur importance, des modalités de vote définies pour les adopter. Le vote était ainsi différé jusqu’à présentation d’une nouvelle résolution par la société Paris 34 Fédération. Ainsi, lorsque la société pétitionnaire a déposé le 26 juin 2015 une demande de permis de construire en attestant avoir qualité pour le faire, elle savait que l’obtention d’une autorisation de la copropriété était nécessaire, qu’elle ne l’avait pas obtenue et qu’aucune demande d’autorisation n’était même en cours d’examen. Elle ne pouvait donc ignorer, à la date du dépôt de sa demande de permis de construire, qu’elle ne disposait pas d’une des qualités prévues à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme pour déposer une telle demande. En attestant avoir l’une des qualités définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, elle s’est livrée à une manœuvre frauduleuse afin d’induire l’administration en erreur. L’autorisation qui lui a été délivrée, qu’elle n’avait pas qualité pour obtenir, ne peut, ayant été obtenue par fraude, qu’être annulée. Est sans influence à cet égard la circonstance que les services de la Ville de Paris, qui ont d’ailleurs été alertés à plusieurs reprises sur la situation de la copropriété au cours des mois de mai et juin 2015 et qui n’ont pas cru bon de revenir sur leur décision une fois saisis d’un recours gracieux, auraient ignoré l’existence de cette fraude ». 

 

Le juge administratif s’érige ainsi en rempart contre les autorisations d’urbanisme sollicitées par des demandeurs dépourvus de qualité pour ce faire, et qui ont réussi à tromper la vigilance du service instructeur.