La modification du règlement intérieur sur injonction de l’administration ne nécessite pas la consultation des IRP

En application de l’article L. 1321-4 du Code du travail, l’établissement et la modification du règlement intérieur est soumis à certaines formalités et en particulier doit être soumis à l’avis du comité social et économique, indiquer la date de son entrée en vigueur, être diffusé au personnel, être publié et déposé au greffe du Conseil de prud’hommes.

Il est de jurisprudence constante que l’introduction ou la modification du règlement intérieur sans qu’il ait été procédé aux consultations ou aux formalités de publicité le prive d’effet à l’égard des salariés (Cass. soc. 4-6-1969 no 68-40.377 P ; Cass. soc. 11-2-2015 no 13-16.457 FS-PB).

Ainsi, à défaut de consultation des institutions représentatives du personnel, et ce même si elles ont un rôle purement consultatif et que l’employeur peut passer outre leur avis, le règlement est inopposable aux salariés (Cass. Soc., 9 mai 2012, n° 11-13.687). A l’inverse, les salariés peuvent s’en prévaloir (Cass. Soc., 28 mars 2000, n° 97-43.411).

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation tempère légèrement sa position de principe.  La situation était toutefois bien particulière !

Dans cette affaire, sur injonction de l’inspecteur du travail, le règlement intérieur d’une entreprise a fait l’objet de modifications. Une organisation syndicale a saisi en référé le président du tribunal de grande instance aux fins de voir constater l’inopposabilité du règlement intérieur aux salariés de l’entreprise, l’irrégularité des procédures disciplinaires mises en œuvre, l’interdiction à la société de mettre en œuvre des procédures disciplinaires sur la base de ce règlement et de reconnaitre l’existence d’un trouble manifestement illicite. Seul le règlement intérieur initial avait été soumis aux IRP. 

La Cour de cassation confirme la position adoptée par les juges du fond : il n’y avait pas lieu à référé dans la mesure où les modifications du règlement intérieur initial et soumis à la consultation des représentants du personnel résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail, injonctions auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer. Il n’y avait donc pas lieu à une nouvelle consultation. 

En définitive, si la modification résulte de la volonté exclusive de l’employeur, ce dernier reste tenu de consulter les IRP sous peine de voir le règlement intérieur inopposable aux salariés. En revanche, si la modification du règlement intérieur est imposée uniquement par l’inspection du travail, l’employeur est exonéré de demander à nouveau l’avis des IRP. En effet, l’employeur n’a pas d’autres choix que d’obtempérer aux injonctions de l’inspecteur du travail, sous peine d’amende (C. trav. art. L. 1322-1 et R. 1323-1). Il parait néanmoins souhaitable que l’employeur communique aux IRP le texte modifié.

Exclusion des terrains nus de la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs

Par un arrêt en date du 20 juin 2019, la Cour administrative d’appel de Nantes, faisant une application des dispositions de l’article L.561-1 du Code de l’environnement, juge légale la décision du préfet du refuser d’exproprier pour risques naturels majeurs des parcelles classés en zone rouge du plan de prévention des risques d’inondation au motif que celles-ci ont la nature d’un terrain nu.

En effet, en vertu des dispositions précitées, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation des biens exposés à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine dès lors que ce risque menace gravement des vies humaines et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation.

En l’espèce, la Cour considère que la décision de refus d’exproprier du préfet est légale dès lors qu’elle se fonde, d’une part, sur la circonstance que la propriété des requérants ne supporte que des biens et constructions mobiles (caravanes non assurées pour circuler sur la voie publique et installées sur une dalle de béton et des parpaings et cabanon affecté à l’usage de sanitaire et de coin cuisine) et doit donc être regardé comme un terrain nu et, d’autre part, sur le fait que l’interdiction de toute construction ou l’interdiction temporaire de stationnement des caravanes est de nature à assurer la sauvegarde et la protection des populations pour un coût moindre que l’acquisition de la propriété par l’Etat.

Notification du dépôt du dossier d’enquête préalable à l’adresse de l’exproprié mentionnée dans l’arrêté de cessibilité

Dans cette affaire, l’autorité expropriante a notifié le dépôt du dossier des enquêtes préalables à la déclaration d’utilité publique et parcellaire au dernier domicile connu de l’exproprié, tel que mentionné dans l’état parcellaire.

Ce même exproprié, ne résidant pas à l’adresse indiquée dans l’état parcellaire, s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance d’expropriation en reprochant au juge d’avoir prononcé le transfert de propriété alors que la notification susvisée lui serait parvenue tardivement à son domicile réel, violant ainsi les dispositions des articles L. 221-1, R. 221-1 et R. 131-6 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

La Cour de cassation n’a toutefois pas fait droit à cette argumentation et rejette le pourvoi après avoir notamment relevé que ladite notification avait été effectuée à l’adresse mentionnée dans l’état parcellaire et délivrée avant l’ouverture de l’enquête parcellaire « sans qu’il soit établi que l’autorité expropriante ait eu connaissance à cette date d’une autre adresse ».

L’état parcellaire est notamment établi par l’autorité expropriante « à l’aide d’extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l’aide des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens », en vertu de l’article R. 131-3 du Code de l’expropriation.

En retenant cette solution, il revient ainsi à l’exproprié de démontrer que l’autorité expropriante avait connaissance d’une autre adresse, faute de quoi la notification susvisée à l’adresse mentionnée dans l’état parcellaire sera jugée valable.

Annulation d’un contrat de vente et restitutions de plein droit de la chose et du prix

Un couple d’acheteurs a conclu avec la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France un contrat de vente et d’installation d’une centrale photovoltaïque.

Les acheteurs ont finalement assigné le liquidateur de la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France en résolution de la vente et condamnation du vendeur à reprendre le matériel photovoltaïque.

A la suite de l’arrêt de la cour d’appel ordonnant l’annulation de la vente, les acquéreurs ont formé un pourvoi en cassation, faisant grief à l’arrêt d’avoir ordonné, au titre de l’annulation du contrat, la reprise du matériel photovoltaïque, sans prescrire la restitution du prix de vente.

La Cour de cassation a toutefois rappelé que :

« […] l’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la cour d’appel n’était pas tenue, à défaut de demande expresse en ce sens, d’ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue ».

En effet, l’article 1178 alinéas 2 et 3 du Code civil dispose :

« Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ».

Dès lors, la restitution du prix est une conséquence légale de l’annulation de la vente ; si bien que cette restitution est due de plein droit, que le juge du fond l’ordonne expressément ou non.

C’est ainsi que la Cour de cassation se prononçait dans un arrêt du 29 janvier 2013 :

« Attendu que pour infirmer le jugement en ses dispositions ordonnant, ensuite de la résolution de la vente, la restitution de la partie du prix réglé par la société civile immobilière Sephora à la société civile immobilière Les Mimosas, l’arrêt retient que la restitution du prix n’avait pas été demandée ni en première instance ni en appel et qu’elle ne pouvait en conséquence être ordonnée sous peine de statuer ultra petita ;

Qu’en statuant ainsi, alors que lorsqu’un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution par l’une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n’avaient jamais existé, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass, 3ème Civ, 29 janvier 2013, n° 01-03185).

Par conséquent, lorsque l’annulation d’une vente est demandée, peu importe que la restitution du prix ait été expressément demandée ou ordonnée, dès lors que la remise des choses dans le même état qu’avant la vente est une conséquence légale de cette annulation.

Encadrement de l’habitat inclusif et de son forfait

Arrêté du 24 juin 2019 relatif au modèle du cahier des charges national du projet de vie sociale et partagée de l’habitat inclusif 

 

Les textes relatifs à la mise en œuvre de l’habitat inclusif ont été publiés le 25 juin dernier. Ce modèle d’habitat intermédiaire, prévu dans la cadre de la Loi Elan (article 128) et consacré à l’article L. 281-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), permet aux personnes d’accéder à un logement autonome en milieu ordinaire, avec des services associés d’établissement médico-social tel qu’un service d’aide et d’accompagnement à domicile ou un service polyvalent d’aide et de soins à domicile. Édition du 25  juin 2019

Un décret, tout d’abord, daté du 24 juin 2019, vient définir les obligations du « porteur de l’habitat inclusif » soit de la personne morale chargée d’assurer le projet de vie sociale et partagée de l’habitat inclusif. Il peut s’agir d’une association, d’une collectivité, d’un opérateur social ou médico-social etc. Parmi celles-ci figurent notamment l’élaboration du « projet de vie sociale et partagée en étroite concertation avec les habitants », « l’animation et la régulation de la vie quotidienne de l’habitat inclusif » et la supervision de partenariats avec l’ensemble des acteurs locaux.

Ensuite, le décret fixe le montant, les modalités et les conditions de versement du forfait « habitat inclusif » attribué aux personnes et aux personnes âgées. Plus précisément sont visés deux catégories de personnes pouvant se voir attribuer ce forfait :

– les personnes handicapées titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l’allocation compensatrice ou d’une pension d’invalidité, ou encore les personnes majeures orientées vers un établissement ou un service spécialisé par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)

– les personnes âgées classées dans les groupes iso-ressources (GIR) 1 à 5.

Ce forfait est versé, par les agences régionales de santé (ARS), aux porteurs de projet qui ont répondu à un appel à candidatures et ont vu leur projet retenu. Le forfait pour ce mode d’habitat est compris entre 3.000 et 8.000 € par an et par habitant, dans la limite de 60 000€ par habitat inclusif. Par ailleurs, ce montant, objet d’une convention avec l’ARS, est modulé par cette dernière en fonction de différents critères tels que « le temps consacré à l’animation du projet de vie sociale et partagée par le ou les professionnels » ou « la nature et les caractéristiques des actions identifiées dans le cadre du projet de vie sociale et partagée dans l’habitat ».

L’arrêté du 24 juin 2019 quant à lui définit le cahier des charges, visé à l’article L. 281-1 du CASF, sur lequel repose un projet de vie sociale et partagée d’habitat inclusif.

Si l’initiative de l’habitat inclusif a été saluée, le cadre dessiné par les textes règlementaires semble encore trop restreint à la notion d’habitat inclusif pour plusieurs associations du secteur, notamment concernant les formes d’habitat possibles dont le périmètre est aujourd’hui limité.

Rupture conventionnelle : l’employeur peut être assisté même si le salarié ne l’est pas

L’article L.1237-12 du Code du travail précise que « Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié. ». Par arrêt en date du  5 juin 2019 (n° 18-10.901), la Cour de cassation a précisé que l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture, alors que le salarié n’était pas assisté, ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression.

Ainsi, même en cas de non-respect des dispositions formelles édictées par l’article L. 1237-12 du Code du travail, la convention de rupture ne pourra être annulée que si le salarié démontre l’existence d’un vice du consentement.

La Cour de cassation sécurise ainsi les ruptures conventionnelles en faisant obstacle à toute nullité automatique pour vice de forme.

Nouvelles précisions sur la régularité d’une candidature d’une collectivité à l’attribution d’un contrat de la commande publique

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 14 juin dernier constitue le dénouement d’un contentieux initié en 2006 par la Société Armor SNC qui contestait, en tant que candidate évincée, la régularité de la procédure de passation qui avait abouti à l’attribution par le Département de la Vendée d’un marché public ayant pour objet la réalisation de travaux de dragage de l’estuaire du Layau au Département de la Charente-Maritime.

Dans sa décision Société Armor SNC en date du 30 décembre 2014 (req. n° 355563), le Conseil d’Etat a précisé dans quelles conditions les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération peuvent présenter leur candidature à l’attribution d’un contrat de la commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique : cette candidature doit constituer le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment « d’amortir des équipements », de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier, et sous réserve qu’elle ne compromette pas l’exercice de cette mission. Par ailleurs, une fois admise dans son principe, cette candidature ne doit pas fausser les conditions de la concurrence : en particulier, le prix que la collectivité propose doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans bénéficier d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié. Après avoir posé ce principe, le Conseil d’Etat avait renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nantes qui a, par un arrêt en date du 12 avril 2017, rejeté à nouveau le recours de la Société Armor SNC.

Saisi d’un pourvoi par la Société Vinci construction maritime et fluvial, substituée à la Société Armor SNC, la Haute Juridiction vient, dans cette décision en date du 14 juin 2019, apporter d’utiles précisions sur la notion d’amortissement des équipements publics pouvant justifier la candidature d’une collectivité à un contrat de la commande publique : cet amortissement ne doit pas s’entendre dans un sens précisément comptable, contrairement à ce qu’a jugé la Cour administrative d’appel de Nantes, mais plus largement « comme traduisant l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité, dès lors que ces derniers ne sont pas surdimensionnés par rapport à ses propres besoins ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat a relevé que la drague « Fort Boyard », acquise en mai 2002 par le département de la Charente-Maritime, avait été dimensionnée pour faire face aux besoins et spécificités des ports de ce département mais n’était utilisée qu’une partie de l’année pour répondre à ces besoins. Dès lors, son utilisation hors du territoire départemental pouvait être regardée comme s’inscrivant dans le prolongement du service public de création, d’aménagement et d’exploitation des ports maritimes de pêche dont le Département a la charge en application des dispositions de l’article L. 601-1 du Code des ports maritimes, sans compromettre l’exercice de cette mission. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré qu’une telle utilisation de la drague « Fort Boyard » permettait d’amortir l’équipement et de valoriser les moyens dont dispose, dans ce cadre, le service public de dragage de la Charente-Maritime et que, par suite, sa candidature au marché de travaux de dragage lancé par le Département de la Vendée répondait à un intérêt public local.

Enfin, le Conseil d’Etat a considéré, au regard du sous-détail des prix produit par le Département, que l’ensemble des coûts, y compris les charges d’amortissement de la drague « Fort Boyard », avaient été pris en compte pour la détermination du prix.

Validité de la clause de renonciation prévue à l’acte de vente : Irrecevabilité de l’action en responsabilité exercée, par l’acquéreur d’un bien immobilier à l’encontre du notaire, rédacteur de l’acte de vente, dans la mesure où il a préalablement renoncé à engager toute action contre celui-ci

Dans le cadre d’un contrat de vente, a renoncé à son droit d’agir contre le notaire, l’acquéreur d’un bien immobilier qui a, sans contrepartie, manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer à engager une action en responsabilité contre le notaire pour obtenir réparation du préjudice résultant du défaut de mention, dans la promesse synallagmatique de vente, de la servitude grevant l’immeuble objet de la vente.

Telle est la position adoptée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 juin 2019.

En l’espèce, dans le cadre de la vente d’un bien immobilier sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire, la promesse synallagmatique de vente ne faisait pas mention de l’existence d’une servitude non aedificandi grevant le fonds adjacent. Une fois la servitude révélée à l’acquéreur, celui-ci, après obtention du permis de construire, a convenu avec les propriétaires du fonds l’annulation de la servitude moyennant rémunération et a réitéré la vente par la signature de l’acte authentique. Il s’est ensuite retourné contre le notaire en engageant, à son encontre, une action en réparation du dommage causé par le défaut de mention, dans la promesse de vente, de la servitude grevant l’immeuble.

Les juges du fond, après avoir relevé que l’acquéreur reconnaît que, dans l’acte réitérant le vente, son attention a été expressément attirée sur l’existence d’une servitude et qu’il a renoncé irrévocablement à engager ultérieurement la responsabilité du notaire et solliciter, à leur encontre, l’allocation de dommages et intérêts, condamnent le notaire à indemniser l’acquéreur du préjudice subi au motif que la victime d’un dommage ne peut renoncer par avance à demander réparation de son préjudice et que ce renoncement ne peut valoir transaction en l’absence de contrepartie donnée par le notaire.

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel en considérant, au contraire, que la renonciation à un droit est un acte unilatéral qui n’exige pas l’existence de contreparties réciproques et qu’est caractérisée, en l’occurrence, le renoncement de l’acquéreur dans le mesure où il avait manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer à agir en responsabilité contre le notaire rédacteur de l’acte pour obtenir réparation du préjudice résultant de l’absence de la mention, dans le promesse de vente, de l’existence d’une servitude.

 

Ordonnance d’expropriation et arpentage préalable

En cas d’expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d’arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document. En d’autres termes, un simple état parcellaire annexé à l’ordonnance est insuffisant.

C’est ce qu’a jugée la Cour de cassation dans un arrêt en date du 13 juin 2019, au visa des articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ensemble l’article 7 et 25 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

Dans cette affaire, une ordonnance d’expropriation du 28 décembre 2017 avait opéré le transfert de propriété au profit de la commune de Millau d’immeubles, et de portions d’immeubles, entrainant nécessairement la modification des limites des parcelles concernées.

Or, aucun document d’arpentage n’ayant été réalisé préalablement à cette ordonnance, elle ne désignait pas les parcelles concernées conformément à leur future numérotation.

Le juge de cassation a ainsi considéré que l’ordonnance d’expropriation méconnaissait les dispositions susvisées, et notamment l’article 25 du décret du 4 janvier 1955 :

« Que l’article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la conservation du cadastre précise que tout changement de limite de propriété doit être constaté par un document d’arpentage qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l’acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété ;

Attendu qu’il résulte de ces textes qu’en cas d’expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d’arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document  ».

Risque d’incendie et R.111-2 du Code de l’urbanisme

Par un arrêté en date du 30 novembre 2010, le maire de Tanneron a refusé de délivrer à M. A… le permis de construire une maison d’habitation et une piscine qu’il sollicitait, en se fondant sur les risques élevés d’incendie de forêt dans le secteur concerné. Devant le Conseil d’Etat, M. A… invoquait les dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

Dans sa décision, la Haute juridiction administrative a rappelé « En vertu de ces dispositions, lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect ».

En l’espèce, elle a considéré : « il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. A…soutenait qu’un permis de construire aurait pu lui être légalement délivré au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, compte tenu des caractéristiques du projet et des aménagements supplémentaires envisageables pour réduire les risques relatifs aux incendies de forêt tels que la réalisation de réserves de stockage d’eau, la mise en place d’un dispositif d’arrosage adapté ainsi que le recours à des matériaux et techniques de construction réduisant les risques d’embrasement, la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que, eu égard aux risques particulièrement élevés que présentait le projet du fait de sa situation au bord d’un plateau dominant un très important massif forestier, tant en ce qui concerne son exposition aux incendies que pour assurer sa défense en cas de sinistre, ni l’existence d’une bouche d’incendie à 80 mètres du projet, ni la réalisation de l’aire de manœuvre prévue dans le dossier de demande, ni même la réalisation complémentaire d’autres équipements envisagés pour renforcer la défense contre l’incendie dont se prévalait le requérant, n’étaient de nature à conduire à regarder le refus opposé par le maire de Tanneron à la demande de permis comme ayant méconnu les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. En statuant ainsi par un arrêt qui est suffisamment motivé, la cour a souverainement apprécié les faits de l’espèce sans les dénaturer et n’a pas commis d’erreur de droit ».

Le juge administratif a ainsi examiné très précisément les différentes prescriptions spéciales susceptibles d’être mises en œuvre pour limiter le risque (réalisation de réserves de stockage d’eau, mise en place d’un dispositif d’arrosage, recours à des matériaux et techniques de construction réduisant les risques d’embrasement) pour en déduire, au regard des risques d’incendie particulièrement élevés que présentait le projet, que ces prescriptions invoquées par le requérant étaient insuffisantes. Ce faisant, le Conseil d’Etat a jugé que les moyens de défense contre l’incendie dont se prévalait le requérant ne pouvaient conduire à regarder le refus opposé par le maire de Tanneron à la demande de permis comme ayant méconnu les dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme.

Société de coordination : rémunération du Directeur général par ailleurs Directeur général d’un Office public de l’habitat membre

L’article L. 421-12-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) autorise un directeur général d’Office public de l’habitat (OPH) à occuper une autre fonction de direction dans un organisme d’habitations à loyer modéré au sens de l’article L. 411-2, une société d’économie mixte exerçant une activité de construction et de gestion de logements sociaux et éventuellement d’aménagement, ou un organisme mentionné à l’article L. 365-1.

Cette autorisation n’est envisageable que lorsque le cumul est accessoire et ne donne lieu à aucune rémunération supplémentaire.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a cependant prévu une dérogation à cette gratuité du cumul lorsqu’il s’agit pour le directeur général d’office d’assurer également la direction d’une société de coordination prévue à l’article L. 423-1-2 et dont est actionnaire l’OPH qu’il dirige.

Un décret d’application vient de préciser que, le cas échéant, le cumul doit être autorisé par le Conseil d’administration de l’OPH et, surtout, que la rémunération, bien qu’autorisée, est plafonnée.

Il crée ainsi au sein du CCH un article R. 421-20-1-1, selon lequel :

  • La rémunération du directeur général de l’OPH qui assure également la direction de la société de coordination dont l’office est actionnaire est fixée par le contrat conclu entre le directeur général de l’office et la société, après transmission au commissaire du Gouvernement de la copie de la délibération adoptée par le conseil d’administration de l’OPH pour autoriser le cumul ;
  • La somme du montant de la part forfaitaire de la rémunération du directeur général de l’OPH telle qu’elle est fixée en application de l’article R. 421-20 et du montant de sa rémunération au titre de la direction de la société de coordination ne peut excéder 120 % du montant de cette part forfaitaire.

 

Outre que la part variable de rémunération du Directeur général de l’OPH n’entre pas dans l’assiette du plafond posé, ce qui limite nécessairement le montant de la rémunération susceptible d’être versée par la Société de coordination, on doit relever que le décret prévoit un contrat entre le directeur général et la Société de coordination.

Il s’agit là d’un élément surprenant dans la mesure où, en principe, une société anonyme telle que la société de coordination et son Directeur Général ne peuvent être liés par un contrat de travail, en l’absence de lien de subordination entre ce dirigeant et la société.

En effet, la rémunération du Directeur Général de société anonyme est une rémunération fixée par le conseil d’administration qui, si elle bénéficie du régime social et fiscal des traitements et salaires, constitue cependant une rémunération de mandataire social, en application des dispositions de l’article L.225-53 du code de commerce. Il n’y a donc pas de contrat conclu entre la société et le directeur général mais une délibération du conseil d’administration fixant la rémunération du Directeur Général.

Définition des modalités de décompte des logements sociaux et des logements-foyers non autonomes pour l’application des obligations de regroupement prévues par la loi ELAN

Pour mémoire, la loi n° 2018-1221 du 23 novembre 2018 dite loi ELAN a posé le principe de regroupement au 1er janvier 2021 des organismes HLM (cf. art. L. 423-2 du Code de la construction et de l’habitation, ci-après « CCH ») et des SEM agréées logement social (cf. art. L. 481-1-2 du CCH) au sein d’un groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1 du CCH lorsqu’ils gèrent moins de 12.000 logements sociaux. 

La loi ELAN a par ailleurs imposé l’obligation de fusion des OPH lorsqu’ils sont rattachés à une même personne publique et qu’ils gèrent moins de 12.000 logements sociaux au 1er janvier 2021 (cf. art. L. 421-6 du CCH) ;

La loi ELAN a également prévu que les SEM agréées logement social détenant moins de 1.500 logements sociaux, qui n’ont pas construit au moins 500 logements sociaux pendant 10 ans et qui ne contribuent pas suffisamment aux missions et objectifs d’intérêt général risquent dès à présent de se voir retirer leur agrément logement social (cf. art. L. 481-1-1 du CCH).

Par le décret n° 2019-634 en date du 24 juin 2019 portant diverses dispositions relatives aux organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, le Gouvernement précise les modalités de décompte des logements sociaux et des logements-foyers non autonomes pour l’application de l’obligation de regroupement des organismes HLM et SEM agréées logement social détenant moins de 12.000 logements et du dispositif consistant en la perte d’agréement de certaines SEM agréées logement social.

 

En premier lieu, ce décret détermine les logements devant être pris en compte pour mettre en œuvre le dispositif introduit par la loi ELAN à l’article L. 481-1-1 du CCH qui permet le retrait d’agrément des SEM agréées logement social de moins de 1.500 logements sociaux, après avoir été mises en demeure, par le ministre chargé du Logement.

En vertu du nouvel article R. 411-6 du CCH, les logements comptabilisés sont :

  • les logements faisant l’objet de conventions APL conclues en application de l’article L. 351-2 2°, 3° et 5° du CCH, à savoir :
    • les logements à usage locatif appartenant à des organismes HLM ou gérés par eux ou appartenant aux bailleurs du secteur locatif définis au quatrième alinéa de l’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, ou appartenant à d’autres bailleurs (cf. art. L. 351-2 2° du CCH) ;
    • les logements à usage locatif construits, acquis ou améliorés à compter du 5 janvier 1977 au moyen de formes spécifiques d’aides de l’Etat ou de prêts dont les caractéristiques et les conditions d’octroi sont déterminées par décrets ainsi que les logements à usage locatif construits à compter du 1eroctobre 1996 ayant bénéficié d’une décision favorable (cf. art. L. 351-2 3° du CCH) ;
    • les logements-foyers de jeunes travailleurs et les logements-foyers assimilés aux logements mentionnés ci-dessus (cf. art. L. 351-2 5° du CCH) ;
  • les logements appartenant aux organismes HLM ou aux SEM agréées et construits, ou acquis et améliorés avant le 5 janvier 1977.

 

Il est par ailleurs ajouté que « [d]ès lors que les structures ne sont pas constituées de logements autonomes, le nombre de logements équivalents est obtenu en retenant la partie entière issue du calcul effectué à raison d’un logement pour trois lits de logements-foyers ».

En second lieu, ce décret prévoit en son article 6 que cette définition des logements sociaux sera, à partir du 1er janvier 2021, également applicable :

  • à l’obligation de fusion des OPH rattachés à une même personne publique gérant moins de 12.000 logements sociaux (cf. a L. 421-6 du CCH);
  • et, à l’obligation de regroupement des organismes HLM (cf. art. L. 423-2 du CCH) et des SEM agréées (cf. art. L. 481-1-2 du CCH) gérant moins de 12.000 logements sociaux.

Est-il encore possible d’accorder de gré à gré des titres d’occupation du domaine privé pour l’exercice d’une activité économique ?

Par une réponse ministérielle en date du 29 janvier dernier, le Ministre de l’action et des comptes publics[1] a indiqué que « les autorités gestionnaires du domaine privé doivent […] mettre en œuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public et qui sont précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques », c’est-à-dire, pour le présenter plus clairement, qu’elles doivent par principe mettre en œuvre une procédure de sélection préalable. Cette obligation, dont on sait qu’elle ne figure pas dans des textes nationaux, résulterait du droit européen, tel qu’interprété par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision Promoimpresa du 14 juillet 2016 (affaires n° C-458/14 et C-67/15).

Cette position catégorique suscite la réflexion : faut-il effectivement considérer que le principe est désormais celui de la mise en concurrence systématique des autorisations d’occupation du domaine privé lorsqu’elles sont conclues en vue de l’exercice par le preneur d’une activité économique ?

La question appelle selon nous une réponse négative. En effet, s’il semble clair que la jurisprudence Promoimpresa s’applique pleinement à la délivrance de titres sur le domaine privé (I.), elle est sans doute loin d’impliquer la mise en place systématique de procédures de sélection (II.), et n’implique en aucun cas de suivre à la lettre les procédures décrites par le Code général de la propriété des personnes publiques (III.). La réponse ministérielle du 29 janvier dernier aurait donc gagné à être plus précise et plus nuancée.

 

I- La jurisprudence Promoimpresa s’applique pleinement à la délivrance de titres d’occupation du domaine privé

Il faut rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé que lorsqu’une autorisation d’occupation d’une dépendance domaniale ne constitue pas un contrat de concession de service, elle doit malgré tout, dans certains cas, être précédée de la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence sur le fondement de la directive services (2006/123/CE), dès lors que l’autorisation est nécessaire à l’exercice d’une activité économique.

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative  à la propriété des personnes publiques est venue tirer les conséquences de cette décision pour ce qui concerne le domaine public, en posant le principe de l’organisation d’une procédure de sélection préalable à l’octroi d’autorisations d’occupation du domaine public, lorsqu’elles ont pour effet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine. Mais il est clair que cette obligation de publicité et de mise en concurrence introduite dans le droit positif par l’ordonnance du 19 avril 2017 ne concerne que les autorisations d’occupation du domaine public, et il n’aurait d’ailleurs pas pu en aller autrement dans la mesure où la loi Sapin n’habilitait le gouvernement à définir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable que pour l’occupation du domaine public.

Pour autant, dans la mesure où le droit européen ne fait pas la distinction entre domaine public et domaine privé, la solution consacrée par l’arrêt Promoimpresa s’applique également pleinement aux biens relevant du domaine privé.

 

II- La jurisprudence Promoimpresa est sans doute loin d’impliquer la mise en place systématique de procédures de sélection

La décision Promoimpresa n’indique toutefois pas que toutes les conventions d’occupation du domaine doivent donner lieu à une procédure de sélection, loin de là.

Déjà, il faut souligner que seules sont concernés les titres d’occupation qui peuvent être qualifiés d’ « autorisation » au sens de la directive services, c’est-à-dire qui constituent des actes formels « devant être obtenus par les prestataires, auprès des autorités nationales, afin de pouvoir exercer leur activité économique ». Or, il n’est sans doute pas acquis qu’un titre d’occupation réponde à cette définition lorsque l’activité en cause n’est pas immédiatement liée à la dépendance en question et pourrait être exercée dans des conditions similaires ailleurs. Un auteur émet ainsi l’hypothèse suivant laquelle la reconnaissance de l’existence d’un régime d’autorisation découlerait de ce que l’opérateur ne peut exercer son activité qu’au moyen de la dépendance en cause car elle présente certaines particularités : il faudrait que le bien du domaine privé conditionne l’exploitation de l’activité projetée (Sudres N., « Occupation du domaine privé, ordonnance du 19 avril 2017 et mise en concurrence », AJDA 2017, p. 2110). Si cette interprétation était confirmée, bon nombre de dépendances « classiques », qui certes appartiennent à des personnes publiques, mais qui présentent des caractéristiques similaires à d’autres biens présents sur le marché (des locaux commerciaux par exemple), échapperaient à l’obligation de mise en concurrence, à raison de ce qu’ils ne sont pas nécessaires à l’exercice de l’activité projetée, car aisément substituables.

Au-delà, la jurisprudence Promoimpresa n’impose de mettre en œuvre une procédure de mise en concurrence que lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables ».

A cet égard, s’il est vrai que, comme toute ressource matérielle, les parcelles et locaux disponibles ne sont jamais illimitées, cette circonstance n’implique évidemment pas qu’elles soient regardées comme rares. Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques est éclairant sur ce point, puisque là où l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques vise, au titre des exceptions à une mise en concurrence « classique », le cas dans lequel « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité », il précise que sont concernés les cas dans lesquels « il existe une offre foncière disponible suffisante pour l’exercice de l’activité projetée, c’est-à-dire lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice d’une activité donnée est suffisant par rapport à la demande. Autrement dit, sont visées par là des situations n’ayant pas pour effet de restreindre ou de limiter la libre concurrence ». La doctrine en conclut qu’une « offre foncière « non limitée » est en réalité une offre « suffisante » » (Lenoir N., « La domanialité publique à l’épreuve du droit de l’Union. A propos de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 », JCP G, n° 39, 25 septembre 2017) ; une offre « permettant objectivement » « d’accueillir l’ensemble des personnes intéressées par un titre d’occupation » (Didriche O., « Le droit de l’Union impose une procédure préalable à la délivrance des titres d’occupation du domaine public », AJCT 2017, p. 109).

La « rareté » doit donc s’apprécier au regard de l’existence ou non d’un risque que certains opérateurs intéressés par une autorisation d’occupation de nature à permettre l’exercice de leur activité ne puissent être servis, et ne puissent en conséquence pas exercer leur activité. L’avis du Conseil d’Etat n° 393422 du 17 octobre 2017 (rapport public 2018 du Conseil d’Etat, p. 358) conforte cette analyse.

Or, il nous semble que dans bien des cas les biens immobiliers relevant du domaine privé des personnes publiques ne présentent pas cette caractéristique.

En définitive, le critère de la rareté rejoint sans doute celui de la nécessité de la dépendance évoqué plus haut, au point que certains auteurs fusionnent les deux conditions (Sudres N., « Occupation du domaine privé, ordonnance du 19 avril 2017 et mise en concurrence », AJDA 2017, p. 2110).

Et, au global, le sujet sera de notre point de vue toujours affaire d’espèce, et notamment fonction des caractéristiques de la zone concernée. On peut toutefois sans doute s’accorder sans peine sur la nécessité d’organiser une sélection avant d’autoriser un opérateur à installer un hôtel de luxe dans une dépendance atypique ou exceptionnelle (un hôtel particulier, une ancienne prison,…) ou avant d’autoriser un commerçant à s’installer dans un local d’une surface hors du commun situé dans une zone très tendue. En revanche, il devrait toujours être possible de signer de gré à gré des baux portant sur des dépendances plus classiques (locaux commerciaux ou bureaux sans spécificité particulière,…), sans même avoir à organiser une publicité. De ce point de vue, il n’y aurait en effet selon nous pas matière à appliquer l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit une obligation de publicité pour l’octroi d’autorisations portant sur le domaine public même lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité ».

 

III- La jurisprudence Promoimpresa n’implique assurément pas d’appliquer les procédures précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du ode général de la propriété des personnes publiques

Il faut souligner qu’il n’y a à notre sens aucune obligation de se conformer aux procédures fixées par le code général de la propriété des personnes publiques pour l’attribution d’autorisations d’occuper des « ressources rares » relevant du domaine privé. Il sera naturellement possible de s’en inspirer, dans la mesure où elles sont censées être en conformité avec la jurisprudence Promoimpresa, mais il sera également possible de s’en écarter sans heurter pour autant le droit européen, seul applicable ici, on le disait.

Le code va, en effet, au-delà de ce qu’impose la directive Services sur certains points. On le disait, le code pose par exemple une obligation de publicité préalable à la délivrance du titre lorsque le nombre d’autorisations disponibles n’est pas limité ; et il fixe, pour le reste, des règles qui auraient pu être différentes, l’article 12 de la directive laissant le soin aux Etats membres de mettre en place d’une « procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l’ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ».

Il aurait donc été préférable que la réponse ministérielle du 29 janvier 2019 invite à suivre des procédures conformes aux principes posés par la directive Services, plutôt que des procédures similaires à celles fixées par le Code général de la propriété des personnes publiques.

 

[1] Réponse ministérielle n° 12868, JOAN 29 janvier 2019, p. 861 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-12868QE.htm)

 Par Maëva Guillerm, Avocate Directrice

 

Prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité : une nouvelle délibération adoptée par la CRE

Comme nous vous l’avions indiqué dans une précédente brève, la CRE envisageait de délibérer sur les évolutions des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité destinées à s’appliquer à partir du 1er août 2019 (voir notre LAJEE n°20 publiée en mai dernier).

Pour ce faire, la CRE avait organisé une consultation publique qui s’est déroulée du 18 avril au 17 mai 2019. Elle a reçu 25 contributions. L’ensemble des réponses non confidentielles à la consultation publique menée par la CRE a été publié simultanément à la décision de la CRE.

Comme suite à cette consultation, la CRE vient donc d’adopter une nouvelle délibération qui vient abroger la délibération du 16 novembre 2016 (modifiée ensuite) portant décision sur la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité.

Cette délibération a été publiée au Journal Officiel du 30 juin 2019 et l’ensemble de ses dispositions doivent entrer en vigueur le 1er août 2019.

Elles visent notamment à :

  • faire évoluer le tarif des prestations annexes à destination des particuliers, des entreprises, des professionnels et des collectivités réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ainsi que le tarif de la prestation de mise en service sur raccordement existant, par l’application de formules d’indexation ;
  • modifier le prix de la prestation de transmission récurrente de la courbe de charge pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA ;
  • introduire une prestation de transmission en J+1 des index et autres données du compteur pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36kVA et équipés d’un boitier IP ; introduire une prestation de transmission ponctuelle en infrajournalier de données mesurées pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA et équipés d’un boitier IP ;
  • introduire une prestation de modification de puissance de raccordement en injection pour les producteurs raccordés dans le domaine de tension BT ≤ 36 kVA, avec différentes options et tarifs associés.

 

De cette énumération, on commentera plus particulièrement le fait que la CRE vient modifier la prestation de collecte et transmission récurrente de la courbe de charge pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA.

Cette prestation comportait deux options, l’une payante, l’autre non :

  • option 1 : « Transmission récurrente de la courbe de charge » : la prestation consistait à transmettre au demandeur, à fréquence quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, la courbe de charge au pas 10 minutes d’un point de connexion actif. La courbe de charge est constituée des données de puissance active brutes issues du compteur ou corrigées par le SI Enedis, au choix du demandeur. Cette option était non facturée dans le cas d’une transmission mensuelle ou hebdomadaire et facturée à hauteur de 5,06 € HT par an dans le cas d’une transmission quotidienne.
  • option 2 : « Collecte de la courbe de charge » : la prestation consistait à activer la collecte de la courbe de charge au pas 10 minutes pour un point de connexion actif. Cette option n’était pas facturée.

 

La délibération indique qu’Enedis avait proposé que l’option 1 décrite ci-dessus ne soit plus facturée pour une transmission quotidienne au regard des difficultés de facturation et du volume de souscription de la prestation. La majorité des contributeurs à la consultation publique s’était ensuite exprimée en faveur de cette demande, mettant notamment en avant son importance pour le bon fonctionnement du marché.

 

C’est la raison pour laquelle la CRE a confirmé dans sa délibération commentée qu’elle partageait ce point et considérait dès lors que l’accès à la courbe de charge quotidienne devait être encouragé. En conséquence, compte-tenu des faibles coûts liés à la réalisation individuelle de cette prestation et afin de favoriser sa souscription, la présente délibération modifie cette prestation en la rendant non facturable quelque soit son rythme de transmission.

Fonds de péréquation de l’électricité (FPE) : nouveaux arrêtés publiés

Arrêté du 13 juin 2019 relatif aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2016 pris par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire publié au Journal Officiel du 21 juin 2019.

Arrêté du 13 juin 2019 relatif aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2017 pris par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire publié au Journal Officiel du 21 juin 2019.

 

Trois arrêtés relatifs au fonds de péréquation de l’électricité ont été récemment publiés. Ces arrêtés fixent, d’une part les coefficients de la formule du fonds de péréquation de l’électricité et, d’autre part les montants associés que doivent verser ou recevoir les gestionnaires de réseaux. 

Le service public de la distribution d’électricité est exploité en métropole par des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité que sont la société Enedis et les entreprises locales de distribution (environ 150). La zone de desserte exclusive de ces dernières couvre 5% du territoire tandis que celle de la société Enedis couvre 95 % du territoire métropolitain.

On rappellera par ailleurs que pour bénéficier de ce service public, l’ensemble des usagers acquitte le même tarif (le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité dit « TURPE ») alors que les coûts exposés par les gestionnaires de ces réseaux sont différents.

Le TURPE est par ailleurs calculé de manière à couvrir l’ensemble des charges d’exploitation et d’investissement des gestionnaires de réseaux de distribution dans l’exercice de leurs missions, sur la base toutefois des comptes présentés par le gestionnaire de réseau de distribution le plus important, à savoir Enedis.

C’est pour corriger ce déséquilibre, et permettre aux entreprises locales de distribution de voir les charges qu’elles supportent au titre de leurs obligations de service public couvertes au vu de ce contexte particulier, que la loi a instauré un Fonds de péréquation de l’électricité (FPE).

Le FPE est régi par les articles L. 121-29 et L. 121-30 et aux articles R. 121-44 à R. 121-64 du Code de l’énergie, ces dispositions étant issues des modifications apportées par le décret n° 2017-847 du 9 mai 2017 relatif à la péréquation des charges de distribution d’électricité (et commenté dans notre LAJEE n°29 publiée en Juin 2017).

Les articles R.121-53 et R.121-57 du Code de l’énergie définissent les modalités de calcul des contributions et des dotations versées au titre du FPE selon que l’exploitation du service public de la distribution assurée par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité est bénéficiaire ou déficitaire.

L’article R.121-58 du Code de l’énergie prévoit quant à lui que la valeur des coefficients servant au calcul de la péréquation forfaitaire, ainsi que les montants des dotations et des contributions correspondants, est fixée chaque année par arrêté. 

En 2018, le Conseil d’État avait annulé les arrêtés du 15 juillet 2016 relatifs aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation, respectivement, pour les années 2012, 2013 et 2014 et pour l’année 2015 (CE, 9 mars 2018, n° 403411 : voir sur ce point notre LAJEE n°38 publiée en avril 2018).

Tirant les conséquences de cette décision, le Ministre de la transition écologie et solidaire a édicté de nouveaux arrêtés en date du 13 juin 2019 qui fixent :

  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour les années 2012 à 2015 ;
  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2016 ;
  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2017.

Ces trois arrêtés fixent également les contributions et les dotations de chacun des gestionnaires des réseaux publics de distribution qui en résultent.

D’autres arrêtés qui devraient être publiés ultérieurement fixeront les valeurs des coefficients pour les années 2018 et 2019.

Nouveaux tarifs réglementés de vente du gaz naturel au 1er juillet 2019

De nouveaux arrêtés ministériels du 27 juin 2019 relatifs aux tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz naturel ont été publiés au JORF du 30 juin 2019.

Pour rappel, conformément à l’article L. 445-2 du Code de l’énergie, les décisions sur les TRV de gaz naturel sont prises conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Les arrêtés publiés récemment portent sur les TRV proposés par la société ENGIE et les 22 entreprises locales de distribution de gaz (ELD) fournissant du gaz naturel aux TRV pour la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 1er juillet 2020.

Ces arrêtés ont été pris à la suite des avis de la CRE du 25 juin 2019 correspondant au fournisseur ENGIE, d’une part, et aux 22 autres ELD prises individuellement, d’autre part.

Les TRV de gaz naturel doivent couvrir la totalité des coûts de fourniture du fournisseur concerné (art. L. 445-2 du Code de l’énergie). Les coûts pris en compte pour chaque fournisseur sont les coûts d’approvisionnement et d’autres charges liées à la fourniture de gaz, à savoir les coûts d’utilisation des infrastructures gazières de transport et de distribution, les coûts d‘utilisation du stockage du gaz naturel et les coûts commerciaux de la fourniture (art. R. 445-2 du Code de l’énergie).

Les arrêtés sur les TRV de gaz naturel fixent notamment une formule permettant à chaque fournisseur de modifier leurs tarifs de manière mensuelle ou trimestrielle pour répercuter la variation de leurs coûts d’approvisionnement.

Pour la société ENGIE, le barème tarifaire applicable depuis le 1er juillet dernier est en baisse de 6,8 % en moyenne par rapport au barème en vigueur au mois de juin 2019.

Publication des derniers textes du Paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » au Journal Officiel de l’Union européenne

Les textes restant à adopter issus du Paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » ont été publié au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE) le 14 juin dernier :

 

Le Conseil européen avait adopté ces derniers textes le 22 mai dernier, ce qui constituait la dernière étape de la procédure législative de l’Union européenne.

Outre le règlement portant sur rôle et le fonctionnement de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), dont le renforcement de sa fonction de surveillance des régulateurs nationaux, les mesures de la directive et du règlement sur le marché intérieur de l’électricité ont pour objectif de rendre ce « marché compétitif, axé sur les consommateurs et flexible » (voir le communiqué de presse du Conseil européen du 22 mai dernier). Ces mesures portent notamment sur les enjeux liés à l’adaptation de la production d’électricité aux énergies renouvelables et réforment le cadre applicable aux mécanismes de capacité.

Le règlement sur la préparation aux risques vise à renforcer la sécurité énergétique de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne par une meilleure gestion des crises électriques, en posant notamment l’obligation pour ces derniers d’établir des plans de préparation au risque sur la base de scénarios nationaux et régionaux et un cadre de coopération entre les Etats membres en cas de crise ou pénurie électrique.

Leur entrée en vigueur interviendra le 4 juillet 2019, date de publication de la présente Lettre d’actualités, à l’exception de certaines dispositions particulières.

Les règlements pourront exiger des adaptations en droit national, et la directive sur les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité devra être transposée en droit national le 31 décembre 2020 (sauf pour certaines dispositions dont la transposition doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2019 ou le 25 octobre 2020).

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, en cours d’examen par le Parlement, a prévu une habilitation du Gouvernement pour transposer et adapter le droit national à ces derniers textes du Paquet européen par voie d’ordonnance (voir le Focus de la présente Lettre d’actualités).

Rapport d’activité 2018 du médiateur national de l’énergie

Le médiateur national de l’énergie a publié son rapport d’activité de l’année 2018. Il y dresse notamment un état des lieux de sa fonction première, à savoir la médiation des litiges dans le secteur de l’énergie. Son activité est en forte hausse puisque le nombre de litiges qui lui ont été soumis a augmenté de plus de 16% par rapport à l’année 2017, ce qui ne manque pas d’inquiéter le médiateur national de l’énergie, Jean Gaubert, dont le mandat se termine en novembre 2019. Certaines catégories de litiges augmentent significativement : ainsi les médiations relatives à des problèmes de facturation (blocage de factures, erreur sur le prix, règlement non pris en compte…) ont ainsi connu un accroissement de 60 % par rapport à l’année 2017.

En dépit de ses inquiétudes, le médiateur national de l’énergie a su répondre à cet accroissement des litiges un peu plus de 5.000 recommandations de solutions et accords amiables ont été émis en 2018 par le médiateur national de l’énergie (soit une augmentation des recommandations de 37% par rapport à l’année 2017).

Par ailleurs, les solutions recommandées en médiation ont été exécutées en totalité par les opérateurs dans 86% des cas, ce qui démontre leur efficience des médiations. Néanmoins, Le médiateur national de l’énergie déplore toutefois que certaines entreprises du secteur de l’énergie ne respectent pas le principe de la médiation et s’affranchissent purement et simplement des délais réglementaires ou ne mettent pas en œuvre dans un délai raisonnable les accords amiables qu’elles ont pourtant acceptés.

Le médiateur national de l’énergie souligne par ailleurs l’importance de l’information dans un marché en pleine mutation et où « les consommateurs ont plus que jamais besoin d’être protégés, en particulier les plus précaires ». De manière générale, le médiateur national de l’énergie se révèle satisfait en la matière puisqu’il a relevé que les Français ont été plus nombreux à connaître leur droit au changement de fournisseur (il en est ainsi des deux tiers des personnes interrogées dans le cadre du baromètre Energie-Info).

Néanmoins, il constate que le fonctionnement du secteur de l’énergie demeure confus pour bon nombre de consommateurs et déplore que certains fournisseurs jouent sur cette méconnaissance pour conquérir des parts de marché, au risque de détériorer la confiance des consommateurs. A cet égard, il indique que si le développement de la concurrence dans le secteur de l’énergie est une bonne chose et doit être encouragé, cela ne doit pas être au prix d’une recrudescence de mauvaises pratiques telles que les « méthodes commerciales douteuses », les multiplications de « trophées clients » ou encore des promotions trompeuses autour des tarifs règlementés. Le médiateur a ainsi constaté que l’offre d’un fournisseur se prévalant d’être 10% moins cher que le tarif règlementé s’accompagnait en réalité de multiples contraintes (paiement par virement mensuel automatique, une absence de service client par téléphone) et que le rabais annoncé se limitait en réalité à 6.6%. Le médiateur met donc en garde les fournisseurs contre ces pratiques qui sont autant de facteurs susceptibles de faire perdre confiance aux consommateurs.

Enfin, ce rapport a également été l’occasion pour le médiateur national de l’énergie de rappeler à l’ordre les opérateurs, plusieurs d’entre eux n’hésitant pas à s’affranchir de contraintes légales. Ainsi, le médiateur a été confronté à des cas où des opérateurs ne respectaient pas l’interdiction légale de facturer des rattrapages de consommations de plus de 14 mois ou à celui où un fournisseur continuait, année après année, à facturer de manière erratique. Par ailleurs, le médiateur a fustigé plusieurs fournisseurs d’énergie aux motifs qu’ils ne savent toujours pas gérer correctement les erreurs de références des compteurs, de plus en plus fréquentes, alors que ces erreurs entraînent d’importantes complications et problèmes pour les consommateurs qui en sont victimes.

Recommandation du médiateur national de l’énergie sur un litige de facturation de consommations enregistrées par le compteur Linky

Un consommateur a saisi le médiateur national de l’énergie d’un litige l’opposant à son fournisseur et son distributeur d’électricité concernant la facturation de ses consommations d’électricité. La requérante estimait que sa consommation enregistrée par le compteur Linky était anormalement élevée par rapport à la consommation enregistrée par son ancien compteur et suspectait un dysfonctionnement du compteur Linky. Elle reprochait également à son fournisseur d’électricité de ne pas lui permettre de passer d’une facturation annuelle à une facturation mensuelle.

Le médiateur national de l’énergie a tout d’abord analysé la consommation de la requérante et constaté que la consommation enregistrée par le compteur Linky se situait dans la moyenne des consommations des autres. Le médiateur national de l’énergie relevait une augmentation de la consommation à partir de la pose du compteur Linky mais soulignait que cette dernière pouvait s’expliquer par la période concernée. En effet, le compteur Linky ayant été installé en début décembre et la majorité de la consommation étant enregistrée durant cette période, il n’était donc pas anormal que la consommation soit plus importante entre décembre et février (période la plus froide de l’année durant laquelle les convecteurs électriques fonctionnent d’avantage) qu’entre octobre et décembre (période antérieure à l’installation du compteur Linky).

Au regard de ces éléments, le médiateur national de l’énergie concluait qu’il n’était pas en mesure, au regard des éléments à sa disposition, de remettre en cause la consommation enregistrée par le compteur Linky.

Dans le cadre de sa demande à son fournisseur d’électricité pour obtenir une mensualisation de sa facturation, ce dernier avait répondu à la requérante qu’il n’était pas en mesure de lui proposer une facturation mensuelle au motif qu’il ne détenait pas de « relevés journaliers et chaque 30 minutes ». Le médiateur national de l’énergie a pris acte de cette réponse et a fait part de son étonnement à la requérante dans la mesure où un « relevé par mois dont la date peut éventuellement être choisie par [le] fournisseur devrait suffire à établir une facturation mensuelle ».

Compte tenu de la circonstance que le changement de mode de facturation aurait permis à la requérante de constater les fluctuations de sa consommation et « qu’un suivi plus fin de [sa] consommation aurait vraisemblablement pu permettre d’éviter ce litige », le médiateur national de l’énergie recommande au fournisseur d’électricité de faire droit à la demande de mensualisation et d’accorder à la requérante un dédommagement de 75 euros TTC pour l’absence de mise en place d’une facturation mensuelle pour des raisons confuses.

L’AODE est propriétaire du réseau de distribution d’électricité y compris des compteurs Linky

Dans un arrêt, qui sera mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat a confirmé, à l’occasion d’un différend relatif au déploiement des compteurs communicants dits « Linky » :

  • d’une part, que l’Autorité Organisatrice de la Distribution d’Electricité (ci-après, AODE), c’est-à-dire la personne publique exerçant la compétence visée à l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT), est propriétaire du réseau public de distribution d’électricité y compris s’agissant des ouvrages transmis pas ses membres lors de leur adhésion ;
  • d’autre part, et par voie de conséquence, que les communes ayant transféré leur compétence d’AODE à une intercommunalité ne sont pas compétentes, faute d’en être propriétaire, pour s’opposer, à tout le moins sur le terrain de la propriété, au déploiement des compteurs Linky qui font partie intégrante du réseau public de distribution d’électricité.

On sait en effet qu’en droit de l’intercommunalité, le principe qui prévaut habituellement en cas de transfert d’une compétence à une structure de coopération intercommunale est celui de « la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence » (art. L. 1321-1 du CGCT). Le membre qui transfère sa compétence demeure donc, en principe, propriétaire des ouvrages qu’il met à disposition de l’entité bénéficiaire du transfert.

Or, ce mécanisme classique ne s’applique pas en matière de distribution d’électricité dès lors que l’article L. 322-4 du Code de l’énergie dispose que « les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales ». C’est bien la personne publique exerçant la compétence d’AODE qui est désignée comme étant propriétaire du réseau, sans distinction, parmi les éléments du réseau, entre ceux établis avant le transfert de la compétence et ceux établis après.

Mais le Conseil d’Etat n’avait pas encore eu l’occasion, avant cette décision du 28 juin 2019, de confirmer cette particularité du régime des biens nécessaires à l’exercice de la compétence relative à la distribution publique d’électricité.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, une commune avait, pour s’opposer au déploiement des compteurs communicants Linky sur son territoire, pris une délibération refusant l’élimination sur son territoire des compteurs électriques existants et leur remplacement par les compteurs Linky. La commune avait ensuite pris une seconde délibération maintenant la position exprimée dans la première et refusant de faire droit au recours gracieux introduit par le Préfet à l’encontre de sa délibération.

Mais, le Tribunal administratif, saisi par le Préfet, avait annulé les deux délibérations, ce que la Cour administrative d’appel de Nantes avait également confirmé en relevant, notamment, que la commune n’était pas compétente pour s’opposer au déploiement des compteurs (voir notre commentaire dans la Lettre d’actualité juridique énergie et environnement de novembre 2018).

Le Conseil d’Etat confirme cette analyse en jugeant qu’ « Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie ».