L’accès du dirigeant-caution à la procédure de surendettement

Principe : Il est fréquent que les créanciers ( banques, enseignes)   des entreprises, recourent au mécanisme du cautionnement afin de garantir les créances qu’elles peuvent avoir sur les entreprises, et ce quelque soit leur taille. Concluant avec des sociétés commerciales, il n’est pas rare que les établissements bancaires ou tout autre créancier, demandent un engagement de caution à la personne physique qui en est l’associé principal et le dirigeant.

Clarification : Un dirigeant -caution,  d’engagements pris par sa société dans le cadre de son activité, peut saisir, la commission de surendettement des particuliers, lorsqu’il ne peut faire face aux demandes de paiement formulées par les créanciers de la société.

Apport : La Cour de cassation confirme que les dispositions de l’article L.711-1 du Code de la consommation, en matière de surendettement des particuliers, s’applique au dirigeant-caution. Cet article précise que le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne-foi, le surendettement étant caractérisé par « l’impossibilité de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ». Ce même article précise en outre que « l’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ». 

En conséquence, il est d’autant plus important pour les créanciers de s’assurer de la situation des personnes qui s’engagent comme caution.

 

Par Samira Nina

SCI et application du dispositif sur les clauses abusives : appréciation de la qualité de maître d’ouvrage non professionnel pour écarter une clause abusive

Principe : La qualification de non-professionnel ouvre la voie à l’interprétation sur le caractère abusif d’une clause figurant au contrat. La question est fréquente concernant les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité contenues dans certains contrats de maîtrise d’œuvre ou de louage d’ouvrage.

 

Clarification : En l’espèce, une SCI a confié à un architecte, la maîtrise d’œuvre complète de la construction d’un bâtiment à usage professionnel ; le contrat prévoyant que, même en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seraient dus et réglés en totalité au maître d’œuvre. La SCI ayant abandonné son projet, l’architecte l’a assignée en paiement d’une somme correspondant à l’intégralité des honoraires prévus au contrat. L’arrêt d’appel a déclaré abusive la clause insérée dans le contrat de maîtrise d’œuvre, en a prononcé la nullité et a rejeté la demande de l’architecte en paiement formée sur le fondement de cette clause.

Sur pourvoi formé par l’architecte, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, confirme l’arrêt en ce qu’il a considéré que la SCI n’était pas en l’espèce un professionnel, de sorte qu’elle pouvait se prévaloir des dispositions du Code de la consommation sur les clauses abusives.

Par ailleurs, s’agissant du caractère abusif de la clause, la troisième chambre civile confirme également l’arrêt d’appel.

En effet, la clause litigieuse avait pour conséquence de garantir au maître d’œuvre, par le seul effet de la signature du contrat, le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que fût le volume des travaux, sans qu’il n’en résultât aucune contrepartie réelle pour le maître de l’ouvrage

 

Apport : Une SCI qui a pour objet social l’investissement et la gestion immobilière est un professionnel de l’immobilier, mais pas un professionnel de la construction, Des lors , la SCI peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 132-1 devenu l’article L. 212-1 du Code de la consommation.

Par Charlotte Duvernois

Loi de finances 2020 : ce qui changerait pour les entreprises

Le Sénat a adopté en première lecture ce mardi 10 décembre 2019 le projet de loi de finances pour 2020. Le projet de loi de finances 2020 (PLF) prévoit plusieurs mesures pour les entreprises : poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés, possibilité d’exonération de certaines taxes, incitation à embaucher via des CDI ou CDD longs, etc.

La principale mesure est la revalorisation des seuils triennaux : régimes d’imposition des bénéfices, régimes de TVA et conditions d’application de la franchise en base. Des réformes d’envergure affectent également la TVA.

Ainsi, sous réserve de leur adoption définitive par le Parlement, les mesures présentées ci-dessous seraient donc susceptibles d’être effectives à compter du 1er janvier 2020. 

 

Revalorisation des seuils des régimes d’imposition des bénéfices

Le projet de loi revalorise les seuils du régime micro, du régime simplifié (bénéfices industriels et commerciaux) ainsi que celui du régime de la déclaration contrôlée (bénéfices non commerciaux). Cette revalorisation resterait en vigueur pour les années 2020, 2021 et 2022 :

BIC

Micro-BIC
Régime simplifié

176 200 € (achat-revente) ou 72 500 € (services)
818 000 € (achat-revente) ou 247 000 € (services)

BNC

Micro-BNC
Déclaration contrôlée

< 72 500 €
> 72 500 €

BA

Micro-BA
Régime simplifié

85 800 €
365 000 €

Enfin, pour bénéficier du versement libératoire de l’impôt sur le revenu, le revenu fiscal de référence du micro-entrepreneur ne devra pas dépasser 27 519 € par part de quotient familial.

Cette limite s’appréciera au titre de l’année 2020.

Baisse de l’impôt sur les sociétés

Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, le taux normal de l’impôt sur les sociétés est ramené à 28 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, à 26,5 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021 et enfin à 25 % à compter du 1er janvier 2022.

Pour les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 millions d’euros, la trajectoire de baisse est la suivante :

  • pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2020, ces entreprises paieront l’impôt sur les sociétés au taux de 28 % jusqu’à 500 000 € de bénéfice. Au-delà, le taux normal de 31 % s’appliquera ;
  • pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2021, c’est le taux de 27,5 % (et non pas 26,5 %) auquel il sera recouru pour l’ensemble de leur bénéfice imposable.

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, le taux normal de l’impôt sur les sociétés sera abaissé à 25 % pour l’ensemble des entreprises.

 

Les exonérations fiscales en matière de CFE, TFPB et CVAE

Pour compléter le dispositif de la Loi ELAN du 23 novembre 2018, et afin de revitaliser les territoires ruraux et les centres des villes moyennes, le projet de loi prévoit de donner la possibilité aux collectivités territoriales d’instaurer une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE), de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au profit des petites activités commerciales (entreprises de moins de 11 salariés et de moins de 2 millions de chiffre d’affaires annuel) :

  • dans les territoires ruraux (petites communes ayant encore moins de dix commerces et non intégrées à une aire urbaine) ;
  • dans les zones d’intervention des communes ayant signé une convention ORT (opération de revitalisation de territoire) et dont le revenu médian par unité de consommation est inférieur à la médiane nationale.

Ces dispositifs de soutien en faveur du commerce de proximité pourront s’appliquer à compter du 1er janvier 2020.

Modification du régime du mécénat d’entreprise

Le régime du mécénat d’entreprise prévoit actuellement une réduction d’impôt égale à 60% du montant des versements pris dans la limite de 10.000 € ou de 5% du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé.

Ces dons doivent être effectués au profit d’un certain nombre d’organismes tels que les organismes d’intérêt général, les fondations ou associations reconnues d’utilité publique ou encore des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt général à but non lucratif.

Le PLF 2020 prévoit d’abaisser à 40% le taux de réduction d’impôt pour les versements supérieurs à 2 millions d’euros. Toutefois, le taux de réduction demeurerait à 60% quel que soit le montant du don pour les organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement, ou qui procèdent à titre principal à la fourniture gratuite de certains soins à des personnes en difficultés.

Revalorisation des seuils des régimes d’imposition à la TVA

Le projet de loi de finances pour 2020 revalorise tous les seuils d’imposition à la TVA :

Franchise en base

Seuils de base : 85 800 € (achat-revente) ou 34 400 € (services)
Seuils majorés : 94 300 € (achat-revente) ou 36 500 € (services)

Régime simplifié

Seuils de base : 818 000 € (achat-revente) ou 247 000 € (services)
Maintien du régime : 901 000 € (achat-revente) ou 279 000 € (services)

 

Régime TVA

Transposition de la directive de l’Union Européenne n°2018/1910 relative à l’harmonisation et à la simplification du système de TVA

Le projet de loi prévoit de transposer la directive UE/2018/1910 du 4 décembre 2018 visant à :

  • harmoniser et simplifier certaines règles de TVA applicable aux stocks sous contrat de dépôt ;
  • clarifier les règles de taxation des opérations en chaîne ;
  • ajouter deux conditions supplémentaires à l’exonération des livraisons intracommunautaires.

Désormais, l’acquéreur devra être identifié à la TVA dans un État membre autre que celui de départ des biens et avoir communiqué son numéro d’identification au fournisseur. Par ailleurs, le fournisseur devra également avoir déposé un état récapitulatif (DEB).

Transposition de la directive de l’Union Européenne n° 2017/2455 relative aux règles de TVA dans le cadre du commerce électronique

Le projet de loi transpose une autre directive intéressant le régime de la TVA (n°2017/2455), et plus particulièrement le commerce électronique : création de la notion d’opération de vente à distance de biens importés, création de nouvelles règles en matière de vente à distance de biens intracommunautaires, création d’un guichet électronique pour les ventes à distance de biens importés.

 

Par My-Kim Yang-Paya et Hakim Ziane

Projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) : les mesures en matière environnementales à l’issue de son adoption définitive

Après un long processus législatif, l’Assemblée Nationale a définitivement adopté, mardi 19 novembre 2019, le projet de loi d’orientation des mobilités, dite loi LOM, qui vise à repenser les « déplacements du quotidien », en y intégrant les problématiques de développement durable et de pollution de l’air.

Parmi les apports de ce texte, figure l’inscription dans le texte de l’objectif de la neutralité carbone des transports terrestres d’ici 2050, objectif qui sera atteint notamment par la réduction de 37,5% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et l’interdiction de la vente des voitures à énergie fossile d’ici 2040 (art. 73)

Le projet de loi prévoit également de soutenir le développement des véhicules électriques par diverses mesures : multiplication par cinq d’ici 2022 du nombre de bornes de recharge publiques pour les véhicules électriques, obligation d’équipement de telles bornes des parkings de plus de dix places des bâtiments neufs ou rénovés, possibilité de recharge gratuite sur le lieu de travail etc. (art. 64)

D’autres mesures doivent permettre d’atteindre l’objectif de neutralité carbone des transports terrestres, comme le développement des zones à faibles émissions (ZFE), dont le but est de limiter la circulation aux véhicules les moins polluants (art. 85). Le texte soutient également le développement des mobilités douces, notamment le vélo (art. 50) par diverses mesures et notamment par la mise en œuvre du plan vélo qui prévoit l’obligation de réaliser des itinéraires cyclables en cas de travaux ainsi qu’un schéma national des véloroutes et voies vertes (art. 60), l’interdiction du stationnement des véhicules de cinq mètres en amont des passages piéton (art. 52) ou encore l’assouplissement des conditions de création d’un local vélo dans les copropriétés (art. 69). La création du forfait mobilité durable, qui remplace l’indemnité kilométrique vélo, devrait également encourager le développement de l’utilisation des vélos par la mise en place de règles simplifiées (art. 82).

Le texte prévoit par ailleurs de supprimer les « zones blanches » de la mobilité en organisant la couverture du territoire par des autorités organisatrices de mobilité (AOM), dont la compétence reviendrait aux régions à défaut pour les communes de s’en emparer, via leur intercommunalité, avant le 31 décembre 2020 (art. 8).

Si le texte a pu être salué par certains observateurs, des ONG dénoncent cependant la timidité des mesures prises face à l’urgence climatique et aux problématiques de la pollution de l’air.

Le texte, qui a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel le 27 novembre 2019 par plus de 60 députés, n’a pas encore été promulgué.

Fixation des modalités d’exonération de la TGAP pour les déchets sauvages

L’article 266 sexies du Code des douanes prévoit, depuis le 1er janvier dernier, que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ne s’applique pas « aux réceptions de déchets en provenance d’un dépôt non autorisé de déchets abandonnés dont les producteurs ne peuvent être identifiés et que la collectivité territoriale chargée de la collecte et du traitement des déchets des ménages n’a pas la capacité technique de prendre en charge », autrement dit aux déchets issus de décharges sauvages. Le texte précise en outre que le constat de l’impossibilité d’identifier les producteurs et l’incapacité technique de prise en charge des déchets doit être fait par arrêté préfectoral, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, le cas échéant, renouvelable une fois, dans des conditions précisées par décret.

Ce décret vient précisément d’être publié, qui énonce à la fois les critères de qualification des déchets concernés par cette exonération et énonce les modalités procédurales permettant aux collectivités concernées par ces « mers de déchets sauvages » de bénéficier de l’exonération. Il définit d’abord, dans son article 1er, le dépôt illégal de déchets comme un « amoncellement de déchets abandonnés par une ou plusieurs personnes sur une ou plusieurs parcelles de terrain contiguës et qui ne peut être considéré comme une installation de stockage illégalement exploitée au sens de la législation relative aux installations classées ».

Il indique ensuite que l’exonération est possible lorsque la quantité de déchets estimée du dépôt illégal excède 100 tonnes ou 50 tonnes « après avoir retiré, par une opération de tri, les déchets issus de produits soumis à responsabilité élargie du producteur ou pouvant faire l’objet d’une valorisation » (article 2).

Les articles 3 et 4 du décret sont consacrés aux modalités concrètes d’obtention de l’autorisation et à la prise en compte de ceux-ci dans le site de traitement.

Ainsi, la collectivité en charge de la gestion des déchets sauvages adresse au préfet une demande de constatation de l’impossibilité d’identifier les producteurs et de l’incapacité technique de prise en charge des déchets. A cette demande est joint le procès-verbal de constat d’infraction mentionnant les parcelles concernées, l’estimation du volume de déchets et l’absence d’identification des auteurs du dépôt, ainsi que, si cette démarche est requise, l’engagement de la collectivité à trier les déchets. Le préfet dispose d’un délai deux mois pour statuer.

Les déchets ne devront pas être mêlés aux autres déchets pour pouvoir être pesés séparément à l’entrée du site de traitement et l’exploitant de l’installation ; ce dernier devra avoir été informé par la collectivité de la nature de ces déchets par transmission de l’arrêté correspondant ou du dossier de demande en cas d’accord tacite du préfet.

Il est enfin prévu que, « en cas de besoin, la réception des déchets en installation de stockage ou de traitement thermique peut avoir lieu avant l’adoption de l’arrêté », la collectivité disposant alors de trois mois pour régulariser la situation.

Précisions jurisprudentielles sur les règles applicables en matière de remise en état des installations classées

Par un arrêt n° 416860 du 13 novembre 2019, le Conseil d’Etat a précisé les règles applicables en matière de remise en état des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), concernant, d’une part, les points de départ de la prescription trentenaire de l’obligation de remise en état et, d’autre part, le rôle de l’Etat en cas d’impossibilité de mettre en demeure le dernier exploitant de respecter cette obligation.

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé que l’obligation légale faite au dernier exploitant d’une ICPE de remettre le site exploité en état se prescrit par trente ans et précisé le point de départ de ce délai : celui-ci court à compter du moment où la cessation d’activité a été portée à la connaissance de l’administration, « sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés ». Une telle dissimulation empêcherait dès lors le délai de prescription de courir, permettant à l’administration de mettre en demeure le dernier exploitant de remettre le site pollué en l’état plus de trente ans après sa cessation d’activité.

Le Conseil d’Etat a en outre statué sur le régime applicable aux installations qui ont cessé de fonctionner avant l’entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977, qui a créé l’obligation d’informer le préfet d’une cessation d’activité ; concernant ces installations et hors cas de dissimulation des dangers ou inconvénients, le délai de prescription court à compter de la date de la cessation effective de l’activité. Tenant compte des conséquences de cette règle de prescription, le Conseil d’Etat a par ailleurs précisé le rôle de l’Etat en cas d’impossibilité de mettre en demeure le dernier exploitant, ses ayants-droit, une personne qui se serait substituée à lui ou toute autre personne qui serait tenue de remettre le site en état. Dans une telle situation, l’Etat peut, « sans y être tenu », intervenir pour financer, avec la participation des collectivités le cas échéant, la dépollution du site, en confiant sa réalisation à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ou à un autre établissement public compétent. Il s’agit donc, pour l’Etat, d’une simple possibilité et non d’une obligation.

Il en va cependant autrement dans les cas où la pollution d’un sol « présente un risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publique ou pour l’environnement ». Le Conseil d’Etat précise dès lors qu’un tel risque fait peser sur l’Etat une véritable obligation de mettre en œuvre ses pouvoirs de police en vue d’assurer la mise en sécurité du site, notamment en menant des opérations de dépollution.

Délibération de la CRE du 30 octobre 2019 portant avis sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au II de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 sur les procédures de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité

Le territoire français est alimenté en gaz à haut pouvoir calorifique (« gaz H »), à l’exception d’une partie de la région des Hauts-de-France, approvisionnée à l’heure actuelle par du gaz naturel à bas pouvoir calorifique (« gaz B »), issu principalement du gisement de Groningue aux Pays-Bas. Le rendement actuel de ce gisement ne permettant pas d’envisager un renouvellement du contrat d’approvisionnement entre les Pays-Bas et la France à son échéance en 2029, il est nécessaire de procéder à la conversion du réseau de gaz naturel afin de passer d’une alimentation en gaz B à une alimentation en gaz H et de garantir aux 1,3 million de consommateurs concernés de continuer à bénéficier d’un approvisionnement en gaz.

C’est dans ce cadre que la CRE a été saisie par le ministère de la Transition écologique et solidaire d’un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au II de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

L’article 183 I de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 prévoit l’introduction du chèque conversion, qui est « un titre spécial de paiement permettant au propriétaire d’un appareil ou équipement gazier, utilisé pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, d’une puissance inférieure à 70 kilowatts, ou d’une puissance supérieure à 70 kilowatts s’il est utilisé pour le chauffage ou la fourniture d’eau chaude sanitaire d’un local à usage d’habitation, situé sur un site de consommation raccordé à un réseau de distribution dans une commune concernée par l’opération de conversion du réseau de gaz à bas pouvoir calorifique, dont l’impossibilité d’adaptation ou de réglage a été vérifiée dans le cadre des opérations de contrôle mentionnées à l’article L. 432-13 du Code de l’énergie, d’acquitter tout ou partie du montant de son remplacement », étant précisé qu’un arrêté détermine la liste des communes visées. Le montant du chèque conversion ne pourra pas excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel.

Dans l’attente de la mise en œuvre du chèque conversion mentionné au I de l’article 183 de la loi de finances pour 2019 précité, il est prévu au II de ce même article que soient mises en place des aides financières dont le montant ne pourra excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel. Il est également précisé qu’un arrêté doit fixer la liste des communes concernées.

Le décret n° 2019-114 et l’arrêté du 20 février 2019 relatifs aux aides financières mentionnées au II de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 – sur lesquels la CRE s’est prononcée dans une délibération du 30 janvier 2019 – sont ainsi venus préciser, d’une part, les montants de ces aides financières et, d’autre part, les communes visées par ce dispositif transitoire.

Le projet d’arrêté objet de la délibération de la CRE du 30 octobre 2019 ici commenté modifie l’arrêté du 20 février 2019 précité en ce qu’il vise à compléter la liste des 24 communes concernées par le dispositif transitoire d’aides financières en y ajoutant 23 communes.

S’agissant du projet d’arrêté stricto sensu, la CRE estime pertinent, dans l’attente de la finalisation du dispositif de chèque conversion, et afin de ne pas retarder l’opération de conversion, d’étendre le bénéfice du dispositif transitoire à 23 communes supplémentaires.

Au-delà du projet d’arrêté, la CRE profite de sa délibération ici commentée pour partager son analyse concernant le dispositif pérenne du chèque conversion introduit par le point I de l’article 183 de la loi de finances pour 2019 précité, qui prévoit en particulier que la gestion du chèque conversion incombe à l’Agence de services et de paiement. C’est en effet cette agence qui sera chargée d’émettre les chèques conversion et de les attribuer aux consommateurs concernés et de procéder au remboursement des professionnels ayant effectué le remplacement des appareils non adaptables. Il est de surcroît prévu que les gestionnaires de réseau de distribution de gaz naturel remboursent à l’Agence de services et de paiement les dépenses et les frais de gestion supportés pour l’émission et l’attribution des chèques conversion associés à des sites de consommation raccordés à leur réseau, au titre des coûts couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel (ATRD).

La CRE insiste en premier lieu sur le fait « qu’une analyse approfondie des coûts optimisés d’acquisition et d’installation des appareils et équipements gaziers est nécessaire afin de réévaluer les montants des chèques conversion qui seront couverts par le tarif ATRD ».

La CRE marque ensuite son opposition à l’introduction d’un « intermédiaire administratif supplémentaire entre le gestionnaire de réseaux de distribution et les consommateurs concernés » – à savoir l’Agence de services et de paiement – source de complexité additionnelle en comparaison avec une gestion directe par GRDF, d’autant plus compétent en la matière qu’il gère déjà le mécanisme de « chèque réglages ».

Enfin, la CRE observe que si les coûts des opérations de remplacement peuvent être supportés pour tout ou partie par les GRD et inclus dans l’ATRD, il ne devrait pas en aller de même des frais de gestion pour l’émission et l’attribution des chèques conversion.

Vente immobilière et catastrophe naturelle

En matière de vente immobilière, le vendeur a l’obligation d’informer l’acquéreur en cas de sinistres résultant de catastrophes naturelles intervenus sur le bien immobilier. A défaut, il encourt l’annulation de la vente. 

En effet, aux termes de l’article L. 125-5 (IV) du Code de l’environnement, le vendeur a une obligation d’information, sur les sinistres résultant de catastrophes technologiques ou naturelles reconnues ayant affecté en tout ou partie l’immeuble objet de la vente, pendant la période où il a été propriétaire, et des sinistres dont il a été lui-même informé. 

Doivent ainsi être mentionnés les sinistres ayant donné lieu à indemnisation au titre des effets d’une catastrophe technologique ou naturelle constatée par arrêté interministériel.  

Cette information doit être mentionnée dans l’acte authentique constatant la réalisation de la vente. 

A défaut, aux termes de l’article L. 125-5 (V) le non-respect de ces obligations d’information peut permettre à l’acquéreur de poursuivre la résolution du contrat de vente ou d’exiger une diminution du prix de la transaction. 

C’est sur ce point, que la Cour de cassation a dû se prononcer le 7 novembre 2019. 

En effet, l’acquéreur d’une maison a constaté l’apparition de fissures sur la façade, postérieurement à l’acquisition de celle-ci. 

Toutefois, le vendeur, au moment de la signature de l’acte authentique de vente, n’a pas signalé que le bien immobilier était situé dans une zone frappée par une longue sècheresse quinze ans plus tôt, et qu’en vertu d’un arrêté de catastrophe naturelle, une indemnisation lui a même été allouée. 

L’acquéreur demande alors l’annulation de la vente. 

 
Les juges du fond ont considéré qu’il s’agissait d’une information essentielle à la charge du vendeur, et qu’à cet égard le consentement de l’acquéreur a été vicié par le silence fautif du vendeur qui, a omis de déclarer cette catastrophe naturelle dans l’état des risques produit d’une part, et a déclaré dans l’acte de vente “ qu’à sa connaissance le bien n’avait jamais connu de sinistres résultant de catastrophes naturelles” d’autre part. 

Cette information n’aurait certainement pas amené l’acquéreur à contracter dans les mêmes conditions s’il avait eu connaissance, même au dernier moment de cette information, ont estimé les juges. La vente a été annulée.  

La Cour de cassation approuve ce raisonnement. 

L’information dissimulée était donc objectivement et évidemment une information substantielle, et il n’était donc pas nécessaire de prouver qu’elle était déterminante dans le consentement de cet acquéreur.  

Lors d’une vente immobilière, le propriétaire doit signaler les catastrophes naturelles qui ont affecté l’immeuble, même si elles ont eu lieu des années auparavant. Si l’acquéreur venait par la suite à apprendre qu’un tel événement s’est produit, il pourrait obtenir l’annulation de la vente en soutenant avoir été trompé par des manœuvres. 

Publication d’orientations de la CRE sur le modèle de contrat Gestionnaire de Réseau de Distribution – Fournisseurs (GRD-F) en matière d’accès aux réseaux publics de distribution d’électricité

Par une délibération du 24 octobre 2019 (mise en ligne le 13 novembre suivant), la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après la « CRE ») a publié ses « orientations » sur le modèle de contrat « Gestionnaire de Réseau de Distribution – Fournisseurs » (ci-après dénommé « contrat GRD-F ») sur l’accès aux réseaux publics de distribution d’électricité.

Pour rappel, les contrats GRD-F sont des contrats d’accès et d’utilisation du réseau public de distribution d’électricité conclus entre un gestionnaire du réseau public de distribution et un fournisseur d’électricité lui permettant de proposer à sa clientèle un contrat unique regroupant la fourniture d’électricité et l’accès au réseau public de distribution.

Ces contrats se basent sur des modèles de contrat ou de protocole, établis par chaque gestionnaire du réseau public de distribution et soumis à l’approbation de la CRE, en application des articles L. 111-92-3 et L. 134-3 du Code de l’énergie.

Les orientations de la délibération commentée, prise à la suite d’une longue consultation publique des acteurs concernés lancée le 17 juillet 2018 et achevée le 19 juillet 2019, visent selon la CRE à « harmoniser les pratiques et […] améliorer le fonctionnement des marchés ». Ce qui s’est traduit, dans la délibération commentée, par la définition de « grands principes qui doivent guider l’élaboration du modèle de contrat GRD-F » et la publication d’un modèle de contrat GRD-F annexé à la délibération.

Ce modèle de contrat GRD-F (et ses cinq annexes) définit notamment les engagements respectifs des parties en matière de comptage d’électricité, de puissance électrique souscrite, de continuité et de qualité d’alimentation, de tarification, de garantie bancaire à la charge du fournisseur d’électricité ou encore de responsabilité.

Ainsi, le modèle de contrat annexé à la délibération commentée constitue la base des prochains modèles de contrat GRD-F de chacun des gestionnaires du réseau public de distribution d’électricité que ces derniers devront soumettre à l’approbation de la CRE[1].

[1] Sur ce point, les termes de la délibération commentée précisent que « l’ensemble des GRD doit utiliser le modèle commun proposé par la présente délibération aux fins de l’établissement de leur propre modèle de contrat GRD-F, dont ils devront saisir la CRE pour approbation ».

 

Avis favorable de la CRE sur les nouvelles modalités de mise à disposition des personnes publiques et de transmission des données énergétiques

Les 13 août et 3 octobre 2019, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») a été saisie par le Ministère de la Transition écologique et solidaire pour avis sur un projet de décret et un projet d’arrêté portant sur la mise à disposition et la transmission aux personnes publiques des données relatives au transport, à la distribution et à la production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid.

Pour rappel, l’article 179 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 (codifié à l’article L. 111-73 du Code de l’énergie) a ouvert aux personnes publiques un accès aux données de consommation d’énergies détenues par les gestionnaires de réseaux sous réserve que cet accès préserve la confidentialité de données qualifiées de « sensibles ».

Les modalités de cet accès ont été précisées par les décrets n°2016-973 et n° 2016-972 du 18 juillet 2016 (codifiés aux articles D. 111-52 et suivants du Code de l’énergie) et un arrêté du même jour.

Les projets de textes soumis à l’avis de la CRE modifient respectivement le décret n° 2016-973 et l’arrêté du 18 juillet 2016.

Concomitamment à sa saisine de la CRE, le Ministère de la Transition écologique et solidaire avait également lancé une consultation publique sur les deux projets de textes qui s’est terminée le 4 novembre 2019.

Le 7 novembre 2019, la CRE a rendu son avis sur lesdits projets par la délibération commentée et mise en ligne le 22 novembre suivant. C’est l’objet de la délibération ici commentée.

Concernant tout d’abord le projet de décret, la CRE relève que ce projet prévoit :

  • la définition d’une nouvelle catégorie de consommateurs visant les « petits professionnels » (soit un consommateur d’électricité de puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA auquel est « associé un code NAF ou un SIRET »), à distinguer des consommateurs résidentiels et des entreprises ;

  • l’ajout d’une catégorie supplémentaire de données de transport d’électricité et de gaz naturel au périmètre des données mises à disposition des personnes publiques[1];
  • l’abaissement du seuil de 10 à 9 points de livraison en dessous duquel les données de consommation ne peuvent être divulguées aux personnes publiques (appelé aussi le seuil de « secrétisation »), qui devrait permettre aux personnes publiques, selon le Ministère, d’accéder à 20% de données supplémentaires ;

  • la définition de règles pour la mise à disposition et la transmission des données de consommation des petits professionnels et du secteur résidentiel, soulignant notamment que les consommations d’énergie des petits professionnels ne seront diffusées qu’à la maille des Ilots Regroupés pour l’Information Statistique (IRIS)[2] et non à la maille du bâtiment ;

  • la fixation de nouvelles dates et fréquences auxquelles les données doivent être transmises par les gestionnaires de réseaux au service statistique du ministère chargé de l’énergie (SDES) ;
  • l’ajout de nouvelles obligations aux fournisseurs d’énergies pour la communication de données aux gestionnaires des réseaux d’énergies.

 

S’agissant du projet d’arrêté soumis à son avis, la CRE a relevé que ce projet propose six modifications d’ordre technique concernant (i) le millésime du référentiel des IRIS applicable à la mise à disposition de données, (ii) l’exclusion des points de livraison dont la consommation est nulle, (iii) les nomenclatures des secteurs d’activité, (iv) les seuils de diffusion des données du secteur résidentiel (200 MWh/an) et des petits professionnels (50 MWh/an), (v) les règles de regroupements de bâtiments (en ligne avec celles décrites dans le projet de décret) et (vi) les dates de premières mises à disposition des données (par bâtiment en 2019 et à l’échelle des codes NAF à deux niveaux en 2022).

 

Par la délibération commentée, la CRE a émis un avis favorable sur le projet de décret et le projet d’arrêté qui reste soumis aux deux réserves suivantes :

  • d’une part, la CRE demande au Ministère d’adopter les mêmes règles de diffusion des données de consommation des petits professionnels par bâtiment que celles applicables aux agrégats par IRIS, dans la mesure où cette « […] non-diffusion […] constitue une exception préjudiciable qui n’apparait pas pleinement justifiée » ;
  • d’autre part, la CRE demande également au Ministère de corriger une incohérence entre les deux projets de textes. Il s’agirait de reprendre la distinction entre secteurs « résidentiel » et « non affecté » effectué par le projet d’arrêté dans le projet de décret, afin d’éviter que des petits professionnels, sans codes NAF ou SIRET, soient assimilés à des clients résidentiels.

La délibération commentée a été transmise au Ministre chargé de l’énergie à qui il reviendra de prendre en considération les deux réserves susvisées de la CRE.

[1] Il s’agit des données relatives à la « livraison totale annuelle de gaz et d’électricité, pour les installations directement raccordées au réseau concerné, par secteur d’activité et par point de livraison ».

[2] La CRE rappelle dans la délibération commentée que l’IRIS correspond à un « découpage du territoire effectué par l’INSEE à l’échelle infra-communale, selon un critère de population et de type d’activité ».

Définition du critère de proximité géographique en matière d’autoconsommation collective

Dans la foulée de l’avis rendu le 26 septembre 2019 par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) sur le projet d’arrêté qu’elle lui avait soumis (Voir notre commentaire dans notre Lettre d’actualités juridiques Energie et environnement de novembre 2019), la Ministre de la Transition écologique et solidaire a, par arrêté en date du 21 novembre 2019, apporté les précisions attendues sur le critère de proximité géographique entrant dans la définition de l’autoconsommation collective étendue.

Il résulte ainsi de l’article 1er de l’arrêté du 21 novembre 2019 qu’une opération d’autoconsommation collective peut être caractérisée lorsque le(s) producteur(s) et consommateur(s) concernés sont liés entre eux au sein d’une personne morale, qu’ils sont raccordés au réseau basse tension d’un unique Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD) et :

  • se trouvent à une distance maximale de 2 kilomètres (la distance s’appréciant au regard des point(s) d’injection et de livraison les plus éloignés ;
  • la puissance cumulée des installations de production est inférieure à 3 MW sur le territoire métropolitain continental et 0,5 MW dans les zones non interconnectées.

La combinaison entre un critère d’éloignement géographique et un critère de puissance maximal est donc consacrée.

On note toutefois que la Ministre n’a pas suivi les recommandations de la CRE en maintenant le seuil maximal de puissance à 3MW pour le territoire métropolitain. La CRE avait en effet jugé ce seuil de 3MW excessif et recommandé son abaissement à 1MW.

Conformément à ce que prévoit l’article 126 I de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), cette définition de l’autoconsommation collective étendue s’appliquera durant une période de cinq années commençant à courir le 23 mai 2019, et expirant donc le 22 mai 2024.

Par ailleurs, l’annexe unique de l’arrêté du 21 novembre 2019 commenté liste les données nécessaires à l’établissement du bilan de l’expérimentation dont la réalisation est imposée par l’article 126 II de la loi PACTE. A cet égard, la Ministre a complété la liste de ces données en reprenant de manière quasi intégrale les propositions d’ajouts formulés par la CRE dans sa délibération du 26 septembre 2019 mentionnée ci-avant.

Enfin, plusieurs dispositions de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (faisant l’objet d’un commentaire distinct au sein de la présente lettre d’actualité), en lien avec la notion d’autoconsommation collective, méritent d’être signalées.

Ainsi, l’article 41 de la loi du 8 novembre 2019 consacre la possibilité pour les organismes d’habitation à loyer modéré de créer, gérer et participer à des opérations d’autoconsommation collective d’électricité, en particulier avec leurs locataires.

L’article 40 de la même loi introduit pour sa part en droit interne la notion de « communauté d’énergie renouvelable » issue de l’article 22 de la directive 2018/2001 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Le nouvel article L. 211-3-2 du Code de l’énergie issue de l’article 40 de la loi énergie climat définit ainsi la communauté d’énergie renouvelable comme une entité juridique autonome qui :

« 1° Repose sur une participation ouverte et volontaire ;

2° Est effectivement contrôlée par des actionnaires ou des membres se trouvant à proximité des projets d’énergie renouvelable auxquels elle a souscrit et qu’elle a élaborés. Ses actionnaires ou ses membres sont des personnes physiques, des petites et moyennes entreprises, des collectivités territoriales ou leurs groupements ;

3° A pour objectif premier de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de rechercher le profit ».

Une communauté d’énergie renouvelable est autorisée à :

« a) Produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, y compris par des contrats d’achat d’électricité renouvelable ;

b) Partager, au sein de la communauté, l’énergie renouvelable produite par les unités de production détenues par ladite communauté ;

c) Accéder à tous les marchés de l’énergie pertinents, directement ou par l’intermédiaire d’un agrégateur ».

Un décret en Conseil d’Etat doit préciser les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

On soulignera également que la notion de « communauté énergétique citoyenne » visée par l’article 16 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/ UE (refonte) devra prochainement être transposée en droit interne. Si certaines dispositions de la loi du 8 novembre 2019 font d’ores et déjà référence à cette notion (et à l’article 16 de la directive du 5 juin 2019), l’articulation avec les communautés d’énergie renouvelable peut à ce stade poser question.

Plus généralement, la possibilité et l’opportunité de s’inscrire dans le nouveau cadre juridique de la communauté d’énergie renouvelable, plutôt que dans celui, proche, de l’autoconsommation collective ou encore dans celui des sociétés à financement participatif pouvant être créées matière de production d’énergie renouvelable (art. L. 314-28 du Code de l’énergie), mériteront d’être analysées au cas par cas par les porteurs de projets.

Délai de validité d’un permis de construire et opérations de désamiantage

Un permis de construire a été délivré en 2008 par le Maire de la Commune de Sanary-sur-Mer à une société, portant sur la démolition d’une villa existante et sur la construction d’un immeuble de 17 logements.

Par la suite, le maire a rendu trois décisions en 2014 et en 2015, par lesquelles il a rejeté les demandes formées par un voisin du terrain d’assiette du projet, que soit constatée la caducité du permis de construire.

Le voisin estimait, en effet, que les opérations de désamiantage, préalables à la démolition de la villa existante, avaient été interrompues pendant plus d’une année et qu’en refusant de constater la caducité du permis, le maire avait violé les dispositions de l’article R. 424-17 du Code de l’urbanisme

Le voisin a alors saisi le Tribunal administratif de Toulon d’un recours en annulation contre les trois décisions de refus de constater la caducité du permis de construire, mais son recours ayant été rejeté par un jugement en date du 10 octobre 2017, il a interjeté appel.

Par un arrêt rendu le 10 octobre 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille a également rejeté la requête au motif :

« qu’il ressort des pièces du dossier que l’inspection du travail a relevé, le 19 septembre 2012, qu’une canalisation en fibrociment située sous la véranda était susceptible de contenir de l’amiante et que la société devait faire réaliser, avant le début des travaux sur cette canalisation, un repérage indiquant la méthodologie de désamiantage. Il est constant que la phase désamiantage, obligatoire lorsque la présence d’amiante est suspectée, doit être prise en compte pour apprécier le maintien de la durée de validité du permis de construire, et ce, quelle que soit l’importance matérielle des analyses et travaux à réaliser ».

Poursuivant son raisonnement, la juridiction d’appel considère :

  • Qu’il ressort du compte-rendu d’analyse du laboratoire que des prélèvements sur le chantier des matériaux potentiellement amiantés ont été reçus par celui-ci le 31 mai 2013 et analysés le 4 juin suivant ;
  • Qu’il ressort, en outre, de l’attestation de l’une des entreprises de travaux que l’installation de chantier a eu lieu le 19 mai 2014 et le démarrage des travaux de terrassement le 21 mai suivant.

Ainsi, aucune interruption de travaux de plus d’un an n’ayant été constatée, la Cour administrative d’appel a considéré que le permis de construire n’était pas entaché de caducité et pouvait être exécuté.

Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est intéressant dans la mesure où elle indique clairement que les opérations de désamiantage, en ce compris la phase d’analyses préalables, doivent être comprises dans le commencement des travaux, au sens du Code de l’urbanisme.

Loi Energie-Climat : régulation et tarification des secteurs de l’électricité et du gaz

La loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a été publiée au Journal Officiel le 9 novembre dernier après que le Conseil constitutionnel ait confirmé la conformité du texte à la Constitution (avec une réserve d’interprétation relative au mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire : cf. développements plus loin).

Comportant 69 articles, organisés en huit chapitres, cette loi « Energie-Climat » est entrée en vigueur le 10 novembre 2019, à l’exception de certaines mesures bénéficiant d’un dispositif transitoire et de celles dont l’entrée en vigueur nécessite une mesure règlementaire d’application. Cette loi ambitionne de répondre à l’« urgence écologique et climatique » de notre pays, inscrite à l’article 1er de la loi.

Elle s’inscrit également dans le prolongement de l’adoption par le Parlement européen des nouvelles règles d’organisation du marché de l’électricité rassemblées au sein du Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens »[1]. Ainsi, elle habilite le Gouvernement à transposer (dans certains délais) et adapter le droit national à ces derniers textes par voie d’ordonnance (cf. Chapitre V).

Le présent focus portera son attention sur deux sujets traités par loi : d’une part celui des tarifs réglementés de vente de gaz et d’électricité et d’autre part celui de la régulation de l’énergie, tous deux objets respectivement des Chapitres VIII et VII de la loi commentée.

Les prochaines LAJEE qui paraîtront en janvier-février 2020 examineront les autres mesures adoptées par cette importante loi (développement des énergies renouvelables, évaluation environnementale, performance énergétique notamment).

1 – La suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel

Si les tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs professionnels ont progressivement disparu entre le 19 juin 2014 et le 1er janvier 2016, les tarifs destinés aux « petits » consommateurs, soit les sites non résidentiels ayant une consommation inférieure à 30 MWh par an, existent toujours.

Ces tarifs sont commercialisés par les fournisseurs dits « historiques », à savoir Engie (ex GDF) et les entreprises locales de distribution (ELD) chargées de la fourniture, chacune dans leur zone de desserte historique.

Toutefois, depuis 2017, l’avenir de ces tarifs avait sérieusement été remis en question. Et pour cause, le Conseil d’Etat avait jugé que la réglementation du prix de la fourniture du gaz naturel constituait une entrave à la réalisation du marché du gaz concurrentiel, qui n’était pas justifiée par un motif d’intérêt économique général. Ainsi, les dispositions législatives des articles L. 445-1 à L. 445-4 du Code de l’énergie étaient jugées incompatibles avec les objectifs de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE[2].

C’est dans ce contexte, que la suppression des tarifs réglementés de gaz naturel avait été introduite au sein de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE), pour être finalement retirée après la censure du Conseil constitutionnel au motif que l’article concerné ne présentait pas de lien direct ou indirect avec le projet de loi déposé initialement[3].

C’est la raison pour laquelle les mesures visant cette suppression ont finalement été introduites au sein de la loi Energie-Climat. Cette suppression interviendra en deux temps :

  • Le 1er décembre 2020 : seront supprimés les tarifs applicables à l’ensemble des consommateurs finals non domestiques, soit les professionnels (en effet, les professionnels consommant moins de 30 000 kWh de gaz par an peuvent encore être titulaires d’un contrat au tarif réglementé comme rappelé plus haut) ;
  • Le 1er juillet 2023 : seront supprimés les tarifs applicables aux consommateurs finals domestiques soit les particuliers, et également pour l’ensemble des immeubles d’habitation et copropriétés (les immeubles d’habitation et copropriétés consommant moins de 150 000 kWh de gaz par an peuvent encore être titulaires d’un contrat au tarif réglementé).

Par diverses mesures, la loi organise ainsi l’accompagnement et les modalités d’information des consommateurs par les fournisseurs dans le cadre de la fin de leur éligibilité à ces tarifs réglementés.

La loi Energie-Climat organise également la mise en place des dispositifs corrélatifs de « fourniture de dernier recours » et de « fourniture de secours » (article 63 9° de la loi qui crée les article L. 443-9-2 et L. 443-9-3 du Code de l’énergie) afin de prévoir les situations dans lesquelles un client final domestique ne trouverait pas de fournisseur ou que le fournisseur choisi serait défaillant.

Enfin, pour anticiper la fin de ces tarifs, la loi oblige les fournisseurs à cesser dès aujourd’hui leur commercialisation et au plus tard le 8 décembre (trente jours après la publication de la loi : cf. article 63 – XVI de la loi). C’est ainsi que certains fournisseurs ont d’ores et déjà cessé de commercialiser ces tarifs (depuis la mi-novembre 2019).

2 – La réforme des tarifs réglementés de vente d’électricité

A la différence des tarifs réglementés de gaz, les tarifs réglementés de vente de l’électricité, soit les tarifs dits « bleu » qui concernent les sites de puissance inférieure ou égale à 36 kVA, n’avaient pas été aussi radicalement remis en question par le Conseil d’Etat.

En effet, par son arrêt d’Assemblée du 18 mai 2018, Sté Engie et ANODE, n° 413688 et n° 414656, le Conseil d’Etat avait jugé que la réglementation des tarifs de vente d’électricité, inscrite à l’article L. 337-7 du Code de l’énergie, est une mesure clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable, et poursuit un objectif d’intérêt économique général de stabilité des prix. Le Conseil d’Etat avait en revanche considéré cette réglementation comme disproportionnée étant donné son caractère permanent (c’est-à-dire l’absence de  » réexamen périodique de la nécessité de l’intervention étatique sur les prix de vente au détail« ) et trop large dès lors qu’elle était applicable à tous les consommateurs finals, domestiques et non domestiques, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

En parallèle, la nouvelle directive la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE a posé des conditions strictes au maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité en Europe.

Elle n’admet la poursuite de la vente des tarifs réglementés que pour une période transitoire et que pour les clients finals domestiques et les micro-entreprises (occupant moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros, selon la définition donnée à l’article 2 de la directive). Le Parlement Européen, a ainsi choisi de maintenir les tarifs réglementés de vente de l’électricité au moins jusqu’en 2025. Les États qui sont concernés par cette mesure devront procéder à des évaluations et de justifier auprès de la Commission européenne que les conditions que posent la directive (aux paragraphes 4 et 7 de son article 5) sont bien respectées.

L’article 5. 10 de la Directive prévoit en dernier lieu que la Commission envisagera au plus tard fin 2025 un éventuelle fin des tarifs règlementés de vente :  « Au plus tard le 31 décembre 2025, la Commission réexamine la mise en œuvre du présent article visant à parvenir à une fixation des prix de détail de l’électricité fondée sur le marché, et présente un rapport sur cette mise en œuvre au Parlement européen et au Conseil assorti ou suivi, s’il y a lieu, d’une proposition législative. Cette proposition législative peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ».

C’est dans ce contexte que l’article 64 de la loi a tiré les conséquences de la jurisprudence et de la nouvelle directive en limitant le bénéfice des tarifs réglementés de vente de l’électricité (qui sont inscrits à l’article L. 337-1 du Code de l’énergie), à partir du 31 décembre 2020, « aux consommateurs finals domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble unique à usage d’habitation » et « aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros« .

Et la loi prévoit un mécanisme d’évaluation des tarifs qui devra être mis en place au plus tard avant le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025, puis tous les cinq ans, sur la base de rapports de la Commission de régulation de l’énergie et de l’Autorité de la concurrence (cf. Article 64 de la loi – article L. 337-9 du Code de l’énergie).

Cette évaluation des ministres chargés de l’énergie et de l’économie portera sur la contribution de ces tarifs aux objectifs d’intérêt économique général, notamment de stabilité des prix, de sécurité de l’approvisionnement et de cohésion sociale et territoriale, l’impact de ces tarifs sur le marché de détail et les catégories de consommateurs pour lesquels une réglementation des prix est nécessaire. Cette évaluation peut conduire au maintien, à la suppression ou à l’adaptation des tarifs.

La loi Energie-Climat comporte en outre diverses dispositions sur la communication auprès des clients que les fournisseurs doivent mettre en place de même que la communication à la charge du Médiateur de l’énergie et de la Commission de régulation de l’énergie

L’information des consommateurs est en outre renforcée avec la mise en place d’un comparateur des offres de fournitures en gaz naturel et en électricité via un accès en ligne gratuit par le médiateur national de l’énergie (article 66 de la loi – article L. 122-3 du Code de l’énergie).

3 – La régulation de l’énergie

La loi Energie-Climat consacre un chapitre aux aspects de régulation de l’énergie qui porte, d’une part sur les missions de la Commission de régulation de l’énergie (article 61 de la loi) et d’autre part sur la construction des tarifs réglementés de vente d’électricité, et plus particulièrement sur la part du nucléaire dans ces tarifs (article 62 de la loi).

C’est ainsi que le texte revoit la rédaction de l’article L. 336-5 du Code de l’énergie relatif à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (l’ARENH), mécanisme issu de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité dite « loi NOME », prévoyant un accès aux fournisseurs alternatifs à une certaine quantité d’électricité d’origine nucléaire à un prix régulé reflétant les coûts du parc de production nucléaire d’EDF.

L’objectif du mécanisme ARENH était de permettre aux consommateurs de continuer à bénéficier du prix compétitif de l’électricité française tout en assurant un développement de la concurrence. Le prix de l’ARENH a été fixé à 40 € HT / MWh au 1er juillet 2011 et se situe depuis le 1er janvier 2012 à 42 € HT / MWh. Ce dispositif à vocation transitoire doit prendre fin au 31 décembre 2025.

Tous les fournisseurs d’électricité autorisés en France, y compris les sociétés contrôlées par l’entreprise EDF, ont donc la possibilité de demander de l’ARENH dans la limite d’un volume global maximal désigné « plafond ARENH » fixé par le législateur à 100 térawattheures (TWh)[4]. On précisera que si la loi fixe le volume maximal d’ARENH susceptible d’être cédé au fournisseur, le volume pouvant être cédé doit faire l’objet d’un arrêté des ministres, et ce conformément aux termes de l’article L. 336-2 du Code de l’énergie. L’arrêté en vigueur à ce jour qui fixe effectivement le plafond à 100 TWh par an est l’arrêté du 28 avril 2011 fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par Electricité de France au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.

Ce plafond a toutefois été atteint pour la première fois lors du guichet de l’année passée, le 21 novembre 2018, puisque la demande des fournisseurs, pour l’année 2019, s’est élevée à 132,98 TWh hors filiales EDF.

Un relèvement du plafond législatif est donc rapidement apparu nécessaire pour satisfaire les demandes des fournisseurs. C’est pourquoi, l’article 62 de la loi vient modifier la rédaction de l’article L. 336-2 du Code de l’énergie en fixant le plafond du volume global annuel d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé aux fournisseurs par EDF à 150 térawattheures à compter du 1er janvier 2020, au lieu de 100 térawattheures actuellement[5]. Le relèvement effectif du plafond demeure néanmoins soumis à la publication d’un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie.

Reste à voir néanmoins si le relèvement du plafond jusqu’à 150 TWh (qui devra en tout état de cause être arrêté par les ministres pour être appliqué) sera suffisant à l’avenir pour satisfaire les demandes de fournisseurs. Le doute est permis au vu de la récente communication faite par la CRE qui indique avoir reçu (au guichet de novembre dernier) pour l’année 2020 un total de demandes de 147,0 TWh d’électricité formulées par 73 fournisseurs (hors fourniture des pertes des gestionnaires de réseau et hors filiales d’EDF), alors que la quantité d’électricité allouée aux fournisseurs au prix de 42€ par MWh demeure encore plafonnée à 100 TWh[6].

Pour compléter ces développements relatifs à l’ARENH, on précisera que les sénateurs ayant déféré la loi Energie-Climat au Conseil constitutionnel reprochaient notamment à ces dispositions de contraindre EDF à céder aux autres fournisseurs d’électricité jusqu’à 150 térawattheures par an d’électricité nucléaire historique à un prix déterminé par arrêté, en méconnaissance de la liberté d’entreprendre.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, si les dispositions portent atteinte à la liberté d’entreprendre d’EDF, elles sont justifiées par l’intérêt général. Le législateur a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l’électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché. Il considère, en outre, que des garanties ont été prévues pour réduire l’ampleur de l’atteinte apportée à la liberté d’entreprendre d’EDF.

Le Conseil a estimé cependant que le mécanisme transitoire défini par la loi concernant les règles de détermination du prix de l’électricité nucléaire historique devant être cédée par EDF aux autres fournisseurs d’électricité doit intégrer le coût de production d’électricité par les centrales nucléaires. Sous cette réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions.

C’est ici l’occasion de préciser d’ailleurs que la loi Energie-Climat reporte de 2025 à 2035 de l’objectif de ramener à 50%, contre plus de 70% aujourd’hui, la part du nucléaire dans la production d’électricité française. La feuille de route énergétique de la France prévoit dès lors la fermeture de 14 réacteurs nucléaires sur 58 d’ici 2035.

Ensuite, la loi comporte dans son article 62 d’autres dispositions visant à assurer un calcul des compléments de prix du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) tenant compte de l’effet de plafonnement prévu à l’article L. 336-1 du Code de l’énergie. Ces modalités de calcul et de répartition du complément de prix seront précisées par décret en Conseil d’Etat après avis de la Commission de régulation de l’énergie.

On observera que c’est dans ce cadre que la CRE a publié une délibération fin octobre dans le but de préciser les principes qui seront appliqués pour calculer le complément de prix en cas de dépassement du plafond[7].

L’article 64 de loi énergie climat ouvre également la possibilité d’une révision du prix de l’ARENH (actuellement fixé à 42 € par mégawattheure comme indiqué plus haut), sans attendre l’édiction du décret qui était prévu à l’article L. 337-15 du Code de l’énergie.

Enfin, l’article 65 de la loi vient utilement compléter l’article L. 337-6 du Code de l’énergie jusque-là silencieux sur la prise en compte dans la construction des tarifs réglementés de vente d’électricité du cout coût lié à l’atteinte du plafond de l’ARENH : « les tarifs réglementés de vente d’électricité sont établis par addition du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture tenant compte, le cas échéant, de l’atteinte du plafond mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 336-2 ».

En dépit de l’imprécision législative qui existait jusqu’à présent, le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé par les associations UFC Que Choisir et Consommation logement et cadre de vie (CLCV) contre la décision ayant fixé les tarifs réglementés de vente d’électricité applicables à compter du 1er juin 2019 (qui avait donné lieu à une hausse significative de la facture d’électricité) et a validé la méthode retenue par la CRE pour construire les tarifs règlementés de vente d’électricité qui se sont appliqués sur l’année 2019 dans le contexte de l’atteinte du plafond ARENH[8].

On retiendra de ces dispositions que la consolidation d’un marché concurrentiel de l’énergie, et surtout de l’électricité, est loin d’être aboutie. La part de la production nucléaire dans les tarifs dépend de la capacité du marché de production d’électricité à se diversifier sur le terrain des énergies renouvelables. Les tarifs réglementés de vente d’électricité demeurent aujourd’hui très dépendants de cette diversification, d’autant que le Conseil d’Etat, dans sa décision du 6 novembre 2019 précitée, a validé la dernière évolution des tarifs (à la hausse), dans l’hypothèse d’une atteinte du plafond de l’ARENH, afin de permettre le « maintien d’une concurrence tarifaire effective sur le marché de détail » au détriment cependant de la protection des consommateurs.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Aurélie Cros

 

 

[1] Pour mémoire ce Paquet législatif a été adopté par le Parlement européen en mars 2019. Les textes ont été publiés au JOUE le 14 juin 2019 : la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE ; le règlement 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité ;le règlement 2019/941 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE ; le règlement 2019/942 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie.

[2] CE, Ass., 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n° 370321.

[3] Décision du Conseil constitutionnel n° 2019-781 DC du 16 mai 2019 (partiellement conforme)

[4] Ce plafond est fixé à l’article L. 336-2, al.2 du Code de l’énergie Ce plafond n’a pas évolué depuis la loi NOME de 2010 et il représente environ 25% de la production du parc nucléaire historique. Le projet de loi Nome indiquait initialement que « Le plafond ne sera sans doute pas atteint avant plusieurs années si la concurrence évolue au rythme habituellement constaté lors de l’ouverture de marchés ».

[5] L’article L. 336-2 alinéa 2 est depuis rédigé comme suit : « […] Le volume global maximal d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé est déterminé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, en fonction notamment du développement de la concurrence sur les marchés de la production d’électricité et de la fourniture de celle-ci à des consommateurs finals et dans l’objectif de contribuer à la stabilité des prix pour le consommateur final. Ce volume global maximal, qui demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis, ne peut excéder 100 térawattheures par an jusqu’au 31 décembre 2019 et 150 térawattheures par an à compter du 1er janvier 2020 ».

[6] Cf. information communiquée par la CRE le 29 novembre 2019 relative aux demandes d’ARENH pour 2020 : https://www.cre.fr/Actualites/les-demandes-d-arenh-pour-2020

[7] Délibération n°2019-237 de la Commission de régulation de l’énergie du 30 octobre 2019 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant orientations sur les principes retenus pour le calcul du complément de prix

[8] Cf. CE, 9-10 ch. réunies, 6 novembre 2019, Associations « UFC Que Choisir » et « Consommation, logement et cadre de vie », n° 431902 et communiqué de presse de la CRE : https://www.cre.fr/Actualites/tarif-reglemente-de-vente-d-electricite-les-grands-principes-de-la-construction-tarifaire-sont-valides-par-le-conseil-d-etat

 

Décompte général et définitif et appel en garantie : le premier n’exclut pas l’autre

Cette décision s’inscrit notamment dans la continuité de l’arrêt rendu le 6 mai 2019 par le Conseil d’Etat concernant les effets de l’établissement du décompte général et définitif d’un marché sur la recevabilité d’un appel en garantie (CE, 6 mai 2019, n° 420765).

Dans notre affaire, le maître d’ouvrage, dans un contentieux relatif au solde du marché l’opposant à certaines entreprises de travaux, avait appelé en garantie le groupement de maîtrise d’œuvre, qui avait été condamné à le garantir pour partie.

Il est par principe reconnu que le caractère définitif du décompte général entraine l’irrecevabilité de toutes demandes ou réclamations postérieures le concernant, ce sur quoi la jurisprudence a toutefois admis certains tempéraments.

Ainsi, le Conseil d’Etat est venu rappeler ici que :

«  […] la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».

Or, dès lors que la Cour n’a pas recherché si les conditions précitées étaient remplies pour accueillir, malgré l’établissement du décompte général et définitif, l’appel en garantie formé par le maître d’ouvrage, son arrêt est annulé et l’affaire renvoyée.

Le rejet opéré par la Cour sur l’appel en garantie formé par certains membres du groupement de maîtrise d’œuvre à l’encontre d’un autre membre du même groupement est également censuré.

En effet, « dans le cas d’un groupement, il appartient au juge administratif d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévue dans l’acte d’engagement ».

Aussi, même si le marché était silencieux sur la répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’œuvre, la Cour se devait d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre de ce dernier.

En définitive, cette affaire souligne l’importance pour le maître d’ouvrage d’être vigilant à bien prendre en compte les litiges connus avant l’établissement du décompte général et définitif, ce qui, le cas échéant, conditionnera la recevabilité de ses appels en garantie.

Vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et liste des travaux pouvant être réservés par l’acquéreur

Déjà abordé dans notre lettre d’actualité juridique de juillet dernier, le décret n° 2019-641 du 25 juin 2019, modifiant les dispositions de l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation, était venu préciser la nature des travaux dont l’acquéreur en VEFA était susceptible de se réserver la réalisation après la livraison de son ouvrage.

Pour mémoire, aux termes de l’article R. 261-13-1 du même Code, étaient concernées les travaux de finition des murs intérieurs, de revêtements ou d’installation d’équipements de chauffage ou de sanitaires, et, le cas échéant, du mobilier pouvant les accueillir.

Par suite, l’arrêté du 28 octobre 2019, entré en vigueur le 8 novembre 2019, vient désormais apporter des précisions nécessaires en fixant la liste limitative de ces travaux.

L’article 1 de l’arrêté prévoit ainsi :

« 1° L’installation des équipements sanitaires de la cuisine et, le cas échéant, du mobilier pouvant les accueillir ;

2° L’installation des équipements sanitaires de la salle de bains ou de la salle d’eau et, le cas échéant, du mobilier pouvant les accueillir ;

3° L’installation des équipements sanitaires du cabinet d’aisance ;

4° La pose de carrelage mural ;

5° Le revêtement du sol à l’exclusion de l’isolation ;

6° L’équipement en convecteurs électriques, lorsque les caractéristiques de l’installation électrique le permettent et dans le respect de la puissance requise ;

7° La décoration des murs ».

Toutefois, sont expressément exclus les travaux relatifs aux installations d’alimentation en eau potable et évacuation des eaux usées de l’article R. 111-3 du code de la construction et de l’habitation.

Plus encore, de tels travaux devront impérativement respecter certaines caractéristiques énumérées à l’article 2 du même arrêté :

« – Ils sont sans incidence sur les éléments de structure ;

– Ils ne nécessitent pas d’intervention sur les chutes d’eau, sur les alimentations en fluide et sur les réseaux aérauliques situés à l’intérieur des gaines techniques appartenant aux parties communes du bâtiment ;

– Ils n’intègrent pas de modifications sur les canalisations d’alimentation en eau, d’évacuation d’eau et d’alimentation de gaz nécessitant une intervention sur les éléments de structure ;

– Ils ne portent pas sur les entrées d’air ;

– Ils ne conduisent pas à la modification ou au déplacement du tableau électrique du logement ».

En effet, il importe que les travaux réalisés ou confiés par l’acquéreur en VEFA n’impactent pas l’ouvrage déjà livré au regard de la responsabilité décennale des constructeurs.

Céder sa parcelle au nom de l’intérêt général, c’est perdre son droit de l’occuper

Par une décision en date du 8 novembre 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser la portée d’une « clause de destination » contenue dans un acte de cession immobilier conclu avec un personne publique.

En l’occurrence, l’association Club seynois multisport, propriétaire de plusieurs parcelles à Seyne-sur-Mer, avait cédé certaines de celles-ci à la commune de Seyne-sur-Mer d’abord dans le cadre d’un « acte administratif de cession amiable » puis ultérieurement moyennant un acte notarié. La cession était conditionnée à ce que l’usage du tènement immobilier soit exclusivement destiné aux activités sportives de tennis. En contrepartie de cette cession gracieuse, la commune avait mis à disposition de l’association les équipements du complexe tennistique, avant de décider de ne pas renouveler conventionnellement cette autorisation d’occupation et saisir le juge administratif aux fins d’expulsion de l’association sportive.

Par un jugement en date du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Toulon a fait droit à la demande d’expulsion de la commune, solution qui été confirmée en appel par un arrêt du 13 avril 2018 rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille.

Déboutée de ses demandes par les juges du fond, l’association sportive a donc formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, afin qu’il annule l’arrêt rejetant son appel, et se prononce au fond sur la légalité de la demande d’expulsion de la commune.

Pour rejeter le pourvoi de l’association sportive, la Haute Assemblée a suivi un raisonnement en trois temps. En effet, elle a d’abord démontré que les dépendances cédées relevaient du domaine public communal dès lors que les équipements sportifs, propriétés communales, étaient affectés au service public d’activité sportive et qu’ils étaient spécialement aménagés à cet effet.

Ensuite, le Conseil d’Etat a considéré que la clause contractuelle relative à la destination des biens, était incompatible avec le régime de la domanialité publique et que l’association sportive ne pouvait en tout état de cause se prévaloir de l’existence d’une quelconque servitude conventionnelle lui donnant un droit d’occupation sur les dépendances.

Après avoir établi que l’association sportive ne disposait donc pas de titre pour occuper les équipements du complexe sportif, relevant du domaine public communal, la Haute juridiction a conclu à la légalité de l’expulsion de l’association sportive.

Rifseep : un CIA à un euro est régulier !

Si on a pu penser que le contrôle de légalité en matière de RH était mort, le Rifseep nous donne l’occasion de vérifier le contraire, tant les Préfets auront systématiquement déféré les délibérations des collectivités ayant tenté de contourner le strict canevas prévu par le Gouvernement.

Pour mémoire, le Rifseep est composé de deux parts, que sont l’indemnité tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (ci-dessous « IFSE ») et le complément indemnitaire annuel (ci-dessous « CIA »).

Si le L’IFSE se veut liée au poste de l’agent, selon les responsabilités données et le niveau d’expertise que les responsabilités requièrent, le CIA va varier non pas au regard du poste et de l’expérience mais au regard des qualités professionnelles de l’agent.

Une première tentative a consisté à fixer à 0 % le CIA, puisque l’article 4 du décret sur le RIFSEEP indiquait uniquement que les agents pouvaient bénéficier d’un tel complément, compris le cas échéant entre 0 et 100% du montant maximal du groupe de fonctions, mais après que le Conseil constitutionnel ait été saisi, il a été jugé qu’il fallait nécessairement prévoir la possibilité d’un CIA (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-727 QPC du 13 juillet 2018, commune de Ploudiry).

Dans ces conditions, certaines communes ont décidé de le fixer à 1 euros et c’est fort logiquement que le Préfet a déféré au Tribunal administratif ces délibérations en considérant qu’il s’agissait là d’une violation de la décision du Conseil constitutionnel, un euro ne permettant pas de reconnaître la valeur professionnelle, l’investissement personnel dans l’exercice des fonctions et le sens du service public, la capacité de travailler en équipe ou encore la contribution au collectif de travail des agents.

Faisant propre d’une célérité inhabituelle, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) devait pourtant rejeter ce déféré en jugeant que le principe de parité avec l’Etat, fixé à l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, avait pour conséquence que la seule réserve qui puisse être opposée aux collectivités était relative au plafond maximal de la part du CIA, dès lors que le CIA lui-même était prévu.

Précisions sur les délais de prescription applicables aux créances détenues par les personnes publiques

Par une décision du 4 octobre 2019 qui sera mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat procède à un rappel et une précision des règles applicables en matière de comptabilité publique et plus précisément des délais de prescription applicables aux créances publiques.

En premier lieu, il rappelle l’articulation entre les délais de prescription légalement prévus. Les règles de la prescription quinquennale issues de l’article 2224 du Code civil ne s’appliquent pas lorsque des dispositions spéciales sont prévues. Dans cette affaire, tel était le cas du délai de prescription quadriennale fixée par l’article R. 332-21 du Code de l’urbanisme relatif à la participation des constructeurs pour non-réalisation d’aires de stationnement pour le recouvrement, par la personne publique, de la créance : de telles dispositions font obstacle à l’application du délai de prescription quinquennal institué par l’article 2224 précité.

Cette solution n’est pas nouvelle : le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion d’évoquer ces règles au sujet de l’ancienne prescription trentenaire alors prévue par l’article 2262 du code civil (CE, Section, 13 décembre 1935, Ministre des colonies c/ Compagnie des messageries fluviales de Cochinchine, n° 24102, p. 1186 ; CE, Assemblée, 13 mai 1960, Secrétaire d’Etat à l’agriculture, n° 34197, p. 328).

Il avait plus récemment fait application de cette règle en étant d’avis que le délai de prescription biennal institué par le premier alinéa de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pour les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents, faisait obstacle à l’application de l’article 2224 du Code civil, mais en précisant toutefois que, dans les deux hypothèses dérogatoires mentionnées au deuxième alinéa de l’article 37-1 et qui excluent le délai de prescription biennal pour les paiements indus qui résulteraient du fait de l’agent, le délai de prescription de l’article 2224 était alors applicable (CE, Avis, 28 mai 2014, n°376501, Publié au Recueil).

Il avait ensuite précisé, toujours s’agissant de cette prescription biennale, que les causes d’interruption et de suspension de la prescription demeuraient néanmoins régies par les principes dont s’inspirent les dispositions du titre XX du livre III du Code civil, ce en l’absence de toute autre disposition à ce titre applicable dans les dispositions de l’article 37-1 de la loi 12 avril 2000 (CE, 31 mars 2017, n°405797, Publié au Recueil). Pour rappel, il ne saurait en aller de même s’agissant de la prescription quadriennale des créances détenues sur les personnes publiques, les dispositions de l’article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics organisant un régime spécial d’interruption de la prescription quadriennale, rendant dans cette mesure inapplicables les principes dont s’inspirent les dispositions du Code civil.

Somme toute, il ne s’agit donc que de l’application de l’adage lex specialis derogat lex generali, selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise aussi, et c’est là le véritable apport de l’arrêt même s’il n’en est pas fait application dans cette espèce eu égard aux développements qui précèdent, que, lorsque l’article 2224 du Code civil est applicable aux créances détenues par les personnes publiques à défaut d’autres dispositions spéciales, il l’est non seulement à la prescription des actions en recouvrement de la créance (correspondant au délai laissé au comptable public pour recouvrer la créance une fois le titre émis), mais également à la prescription d’assiette (correspondant, elle, au délai laissé à l’administration pour émettre son titre).

Il importe toutefois de rappeler, en application des principes régissant l’articulation entre les délais de prescription précédemment évoqués, qu’en matière de recouvrement des créances détenues par les personnes publiques locales (c’est-à-dire pour le recouvrement des titres émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local en ce compris les établissements publics de santé), l’article L. 1617-5 du CGCT, 3°, institue lui aussi un délai quadriennal pour y procéder, de sorte que la prescription quinquennale de l’article 2224 ne peut être regardée comme applicable à ces actions, ce qui en réduit d’autant le champ d’application pour les collectivités territoriales.

Attribution rétroactive de l’aide médiale de l’Etat (AME) : un rappel bienvenu

Un récent jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris est venu rappeler le point de départ du délai imparti afin de pouvoir déposer sa demande d’admission à l’attribution rétroactive de l’aide médicale de l’Etat (AME).

Il a en effet considéré qu’il résultait des dispositions du Code de l’action sociale et des familles et de l’article 44-1 du décret du 2 septembre 1954 que le délai de trente jours avant l’expiration duquel la demande doit être déposée pour pouvoir bénéficier de la prise en charge des soins délivrés antérieurement court à compter de la fin de l’hospitalisation. Il a précisé que cela valait dans l’hypothèse où la personne hospitalisée est dans l’incapacité de réunir les pièces nécessaires à l’instruction de sa demande.

L’article 44-1 du décret du 2 septembre 1954 modifié par le décret n° 2005-859 du 28 juillet 2005 prévoit en effet que «  La décision d’admission à l’aide médicale de l’Etat prend effet à la date du dépôt de la demande » et précise que « si la date de délivrance des soins est antérieure à la date du dépôt de la demande, ces soins peuvent être pris en charge dès lors que, à la date à laquelle ils ont été délivrés, le demandeur résidait en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et que sa demande d’admission a été déposée avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la délivrance des soins ».

Cependant, ces dispositions ne précisent pas ce qu’il convient de comprendre par les termes de « date de délivrance des soins ». En effet, un doute existe quant au fait de savoir s’il convient de retenir le jour auquel les soins ont débuté ou la date à laquelle ces derniers ont pris fin. Si la Sécurité sociale considérait qu’il convenait de prendre en compte le premier jour des soins afin de savoir si la demande d’AME avait été déposée dans le délai de trente jours, l’établissement requérant soutenait que demandeur de l’AME a le droit au bénéfice de la rétroactivité si la demande a été déposée dans les trente jours à compter du dernier jours des soins.

Si la première interprétation était celle faite par les Commissions départementales d’aide sociale (CDAS), rien ne présageait de l’interprétation qui serait retenue par les juges administratifs depuis le transfert de ce contentieux aux tribunaux administratifs. Rappelons en effet que depuis le 1er janvier 2019 et en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 20016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le contentieux traité par les CDAS a été dévolu aux tribunaux administratifs en ce qui concerne l’admission à l’AME.

Cette décision est bienvenue à deux égards. Tout d’abord, car la personne prise en charge peut parfois se retrouver dans l’impossibilité matérielle de constituer sa demande d’AME. C’est ce qu’il s’était passé dans la décision en question où la personne hospitalisée avait été admise en soins psychiatriques et était dans l’impossibilité de procéder aux formalités nécessaires à une demande de prise en charge au titre de l’AME. Précisons que la constitution d’un dossier de demande d’AME requiert de rassembler plusieurs documents prouvant que le demandeur remplit les conditions de résidence stable et de ressources. Ce rassemblement est tout autant difficile pour les travailleurs sociaux de l’établissement lorsque l’état de santé de l’usager rend impossible toute communication avec ce dernier.

Ensuite, cela aurait pour conséquence de pénaliser l’établissement hospitalier qui, malgré les diligences de ses travailleurs sociaux, ne parvient pas toujours à rassembler, dans les temps, tous les documents nécessaires à la constitution du dossier de demande. Dans ce cas, l’établissement doit tirer un trait sur le recouvrement des frais engagés pour la prise en charge de la personne hospitalisée, les personnes éligibles à l’AME étant le plus souvent insolvables vouant à l’échec toute action contentieuse engagée à leur égard.

C’est d’ailleurs en ce sens que vont les propositions faites par le dernier rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances sur l’AME. Il est ainsi préconisé que soit fixé un délai de prise en charge rétroactive des soins à hauteur de trois mois afin de faciliter la facturation des soins par les hôpitaux.

Pesticides : la bataille juridique sur les possibilités d’intervention des élus locaux

Dans le cadre du débat actuel portant sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques et notamment du glyphosate, de nombreux élus locaux ont pris le parti de pallier la carence de l’Etat en la matière.

En particulier, nombre de maires ont ainsi pris des arrêtés en vue d’interdire ces produits sur le territoire de leur commune, au titre de leur pouvoir de police générale. Ces arrêtés, déférés par les préfets, sont pour la plupart actuellement examinés par les juridictions administratives. La question posée à ces juridictions est dès lors de savoir si les maires disposent de la compétence d’agir au titre de ce pouvoir de police générale, alors même qu’il existe une police administrative spéciale de l’Etat en matière d’utilisation et d’interdiction des produits phytopharmaceutiques. A ce jour, seul le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes de suspension dans deux affaires (n° 1912597 et 1912600), estimant que la carence de l’Etat et les circonstances locales particulières justifiaient l’action des maires en la matière et ainsi l’interdiction de ces produits.