Le régime de la prime de transition énergétique

Arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique

Le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique, accompagné d’un arrêté du même jour, précise les conditions et le régime de ce dispositif destiné à remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique. Le décret expose les conditions d’accès à la prime, puis son régime.

La prime de transition énergétique est destinée aux propriétaires qui disposent de revenus inférieurs à un plafond déterminé par l’arrêté. Sur le plan matériel, la prime de transition énergétique concerne certains logements et certains travaux seulement. En effet, elle est accordée aux logements occupés à titre de résidence principale et achevés depuis plus de deux ans à la date du début des travaux, de surcroît uniquement pour les travaux qualifiés de « dépenses éligibles » figurant à l’annexe 1 du décret (article 2).

Le régime de la prime est également encadré par le décret. L’article 6 prévoit que la prime de transition énergétique est gérée pour le compte de l’Etat par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). La demande de prime peut être établie par la personne à qui elle bénéficiera ou un mandataire (article 5).

S’agissant de la réalisation des travaux, l’article 3 énonce qu’ils ne peuvent pas être engagés avant délivrance de l’accusé de réception de l’Anah de la demande de prime. Cependant, le directeur de l’agence peut accorder une dérogation en cas de risque pour la santé ou la sécurité. Les travaux doivent être achevés dans un délai d’un an à compter de la notification de la décision attribuant la prime, de 6 mois en cas de versement d’une avance ou de trois ans pour les parties communes (article 2, III-IV).

Le montant de la prime est fixé forfaitairement par type de dépense éligible en fonction de différents critères : les ressources du demandeur, la partie de l’immeuble ou l’équipement concerné, ainsi que des travaux pouvant être qualifiés de « dépense éligible », suivant la liste figurant en annexe du décret (article 3, I).

L’article 3 du décret prévoit des limites à la prime de transition énergétique. En premier lieu, le montant total de la prime et les aides énoncées par l’article comme celles perçues au titre des certificats d’économie d’énergie, ne peuvent laisser moins de 25% de la dépense éligible à la charge du bénéficiaire, ou pas moins de 10% pour les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à un certain plafond. En deuxième lieu, le montant cumulé des primes pour un même logement ne peut excéder 20.000 euros sur cinq années consécutives à compter de la date de la première attribution de prime. En troisième lieu, non seulement le montant total des aides publiques et privées ne peut être supérieur au montant total d’une même dépense éligible (article 3, VI), mais, en outre, la prime de transition énergétique n’est pas cumulable avec les autres primes de l’Anah (article 3).

L’Anah peut réaliser ou faire réaliser tout contrôle nécessaires au respect, par le demandeur, des dispositions relatives à la prime de transition énergétique (article 10). En cas de non-respect des dispositions, l’Agence peut retirer partiellement ou en totalité la décision attribuant la prime, entraînant un éventuel reversement de tout ou partie des sommes perçues.

Consultation publique sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

Un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux est ouvert à la consultation depuis le 20 janvier 2020, jusqu’au 9 février 2020. Cette consultation a pour objet d’intégrer les évolutions posées par le troisième cycle de gestion de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, sur la période 2022-2027. Outre des ajustement rédactionnels, la consultation propose donc deux modifications de fond.

D’une part, elle vise à amender les règles de participation du public applicables aux SDAGE et aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), en intégrant les modifications prévues par le décret n° 2018-847 du 4 octobre 2018. Ce décret fait lui-même suite à l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public. A titre d’illustration, les modifications envisagées de l’article 1, II de l’arrêté du 17 mars 2006 visent à ce que les SDAGE soient accompagnés, en annexe, d’un résumé des dispositions prises pour recueillir les observations du public et l’avis des assemblées et organismes consultés. Ce résumé s’ajoute aux autres documents d’accompagnement comme la synthèse sur la tarification et la récupération des coûts. De plus, le futur article 2 de l’arrêté introduirait l’obligation pour les projets de SDAGE mis à la disposition du public d’être accompagnés de l’avis de l’autorité environnementale. En outre, le projet prévoit de modifier l’article 12, VI du décret pour ajouter un 3° selon lequel le résumé des dispositions concernant le recueil des observations du public et des avis comprendrait la déclaration prévue à l’article L. 122-9 du Code de l’environnement.

D’autre part, la consultation envisage d’inclure des précisions sur le contenu des SDAGE pour la période 2022-2027. Premièrement, le projet d’arrêté modifie l’article 6 et fixe les dates d’échéance des objectifs pour chacune des masses d’eau mentionnées dans les tableaux de synthèse mentionnés à l’article 8 de l’arrêté du 17 mars 2006. Deuxièmement, il modifie l’échéance de réalisation des objectifs d’état chimique en fonction des évolutions de la directive 2013/39/CE relative aux substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau. L’échéance est portée à 2033 pour les substances dont les normes de qualité environnementales ont été modifiées par la directive, et 2039 pour les substances introduites par la directive. Troisièmement, il prévoit la réécriture de l’article 10 de l’arrêté du 17 mars 2006 relatif aux objectifs spécifiques aux zones de protection des prélèvements d’eau destinée à la consommation humaine. L’arrêté aujourd’hui en vigueur énonce que les objectifs spécifiques aux zones de protection des prélèvements d’eau destinés à la consommation humaine sont présentés sous la forme d’une carte des zones où des objectifs plus stricts sont fixés, et d’une carte des zones à préserver en vue de leur utilisation future pour les captages destinés à la consommation humaine. D’une part, le nouvel article 10 préciserait qu’une liste, présentant « a minima » le ou les captages soumis à des objectifs plus stricts en application de l’article R. 212-14 du Code de l’environnement, s’ajoute au registre des zones protégées prévu à l’article R. 212-4 du Code de l’environnement. En effet, l’arrêté aujourd’hui en vigueur prévoit qu’une version abrégée du registre doit figurer dans les documents accompagnant le SDAGE. Le nouvel article ajouterait également que ces captages sont soumis aux normes de qualités fixées pour les eaux brutes de l’arrêté du 11 janvier 2007, « notamment pour les nitrates et les pesticides ». D’autre part, le nouvel article 10 modifierait les dispositions relatives aux zones à préserver en vue de leur utilisation future : il ajouterait que la cartographie de ces zones doit mentionner leurs limites, ou à défaut des masses d’eaux concernées par ces zones.

Le projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée

Mercredi 29 janvier 2020 en Conseil des ministres, le gouvernement a présenté le projet de loi relatif au parquet européen et à la juridiction pénale spécialisée. En particulier, ce projet de loi prévoit une nouvelle convention judiciaire pour les délits prévus par le Code de l’environnement d’une part, ainsi que des dispositions relatives à l’organisation de la justice en matière environnementale d’autre part.

S’agissant de la convention judiciaire d’intérêt public, l’article 8 du projet de loi envisage l’insertion d’un nouvel article 41-1-2 dans le Code de procédure pénale indiquant que la convention judiciaire peut être conclue entre le procureur de la République et une personne morale mise en cause au titre des délits prévus au Code de l’environnement ainsi que des infractions connexes, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement.

La convention judiciaire peut contenir jusqu’à trois obligations différentes. D’abord, elle peut obliger à payer une amende, dont le montant est fixé au regard des avantages tirés des manquements, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires. Les versements peuvent être échelonnés dans une période qui ne peut dépasser 1 an. Ensuite, elle peut obliger la personne morale à régulariser sa situation. La mise en conformité sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement. Enfin, elle peut obliger à réparer un éventuel préjudice écologique dans un délai maximum de 3 ans.

L’article 8 concerne également le régime de la convention judiciaire. Tous les frais engagés, notamment relatifs aux expertises techniques nécessaires pour accompagner la personne morale mise en cause, sont supportés par cette dernière et ne peuvent être restitués en cas d’interruption de l’exécution de la convention. De plus, si une victime est identifiée, la convention a vocation à prévoir également la réparation de son préjudice dans un délai maximal d’un an. Le montant de l’amende et la convention sont publiés sur les sites du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune ou de l’EPCI sur le territoire duquel a été commise l’infraction. Ce dispositif vise à permettre un traitement rapide des affaires dont l’enjeu financier est important.

S’agissant du volet institutionnel de la réforme en matière de délits environnementaux, le projet de loi envisage la création de pôles interrégionaux spécialisés en matière d’atteinte à l’environnement et à la santé publique. Ainsi, le nouvel article 706-2-3 du Code de procédure pénale permettrait l’extension de la compétence territoriale d’un tribunal judiciaire au périmètre du ressort de la cour d’appel dans lequel il se trouve pour connaître des délits prévus par le Code de l’environnement. Cette proposition s’accompagne d’une extension similaire de la compétence du procureur de la République et du juge d’instruction.

Lancement par le Ministère de la Transition écologique et solidaire d’une consultation du public sur le projet révisé de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) portant sur la période 2019-2028

Il y a un peu plus d’un an, le Ministre en charge de l’Energie publiait le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 (voir notre LAJEE n°47 de février 2019).

Après la publication de ce premier projet[1], celui-ci a été discuté durant toute l’année 2019 au sein de différentes assises ou conférences régionales, de réunions d’échanges ainsi qu’au sein de plusieurs instances. Ces derniers ont rendu des avis qui ont été rendus publics sur le site du Ministère en particulier le Conseil supérieur de l’énergie, le Conseil national de la transition écologique ou encore l’Autorité environnementale.

C’est dans ce contexte que, sur le fondement de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé une nouvelle consultation du public sur le projet révisé de PPE.

Cette consultation, qui est ouverte depuis le 20 janvier dernier et s’achèvera le 19 février prochain, porte sur une version 2 de la PPE (son document principal, une synthèse et le projet de décret) qui est disponible sur le site de consultation publique du Ministère avec les documents associés.

Le Ministère a publié un document résumant les principales modifications apportées au projet de PPE par rapport à la version publiée en janvier 2019 et indiquant comment les avis recueillis ont été pris en compte.

Cette PPE a pour objectif de mettre en place un chemin d’une transition juste allant dans le sens du respect de l’environnement et du climat. Afin d’atteindre cet objectif, la PPE a fixé les priorités d’actions pour atteindre les objectifs fixés par la loi :

  • réduire de 40 % entre 1990 et 2030 les émissions de gaz à effet de serre ;
  • réduire de 20% la consommation finale d’énergie en 2030 ;
  • porter à 33% la part des énergies renouvelables de la consommation finale brute d’énergie en 2030 ;
  • réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2035.

 

S’agissant du dernier objectif relatif à la part du nucléaire dans la production d’électricité, l’Assemblée Nationale a créé le 29 Janvier 2020, une mission d’information sur le suivi de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, dont l’arrêt définitif du réacteur n°1 aura lieu le 22 Février 2020.

La mission sera composée de 20 députés et aura pour objet d’étudier l’implication de l’Etat dans la reconversion du site et le projet de territoire, mais également d’étudier l’indemnisation signée entre l’Etat et EDF et l’indemnisation des opérateurs.

Une fois adoptée, la PPE fixera un cadre réglementaire en définissant des objectifs d’appels d’offre pour les installations de production d’électricité en particulier à partir d’énergie renouvelable, fixera également des orientations en matière d’autorisation d’exploitation d’installations de production électriques d’énergie et les orientations avec lesquelles l’autorisation d’exploiter des nouvelles qui devront être compatibles avec le plan stratégique d’EDF, et enfin la PPE fixera le cadre réglementaire du niveau de sécurité d’approvisionnement du système énergétique français notamment via un critère de défaillance et un critère pour la sécurité d’approvisionnement.

[1] Le projet de PPE comportait plusieurs documents : un projet de décret, une version complète de la PPE , un document de synthèse et une étude d’évaluation environnementale stratégique.

 

Loi Energie-Climat : les apports en matière de participation des collectivités territoriales et de leurs groupements au sein de sociétés de production d’énergies renouvelables

La loi n° 2019-1147 relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 (dite loi « Energie-Climat ») a pour objet la définition et la mise en œuvre de la politique en matière de transition énergétique en vue de répondre à l’« urgence écologique et climatique ». Elle prévoit notamment l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 et fait suite à la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite « loi TECV »).

La participation des collectivités territoriales et de leurs groupements dans les sociétés de production d’énergies renouvelables (« EnR »), qui visent à faciliter – et donc à encourager – les investissements dans les EnR, est, globalement, renforcée dans le cadre de cette loi.

Il est à préciser que pour l’étude d’autres aspects de cette loi, il est possible de se référer aux deux précédents focus des LAJEE n° 56 et 57, respectivement intitulés : « Loi Energie-Climat : Régulation et tarification des secteurs de l’électricité et du gaz » et « Loi Energie-Climat : Nouveautés relatives à la procédure d’évaluation environnementale et à l’encadrement des émissions de gaz à effet de serre »).

 

1 – Précisions sur la territorialité de l’intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements

Depuis la création du Code général des collectivités territoriales (« CGCT »), son article L.  2253-1 (désormais son premier alinéa) prohibe, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d’Etat, toute participation des communes ou de leurs groupements dans le capital d’une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif n’ayant pas pour objet d’exploiter les services communaux ou des activités d’intérêt général dans les conditions prévues à l’article L. 2253-2 (article relatif aux sociétés d’économie mixte locales, « SEML »).

Il en va de même pour les départements (article L. 3231-6 du CGCT) et, jusqu’à récemment, ce principe s’appliquait également pour les régions (v. désormais le 8° bis de l’article L. 4211-1 du CGCT créé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ou « loi NOTRe »).

La loi TECV du 17 août 2015 précitée avait toutefois introduit, au sein des différents articles précités, une dérogation à ce principe en matière de prise de participation des communes et de leurs groupements, des départements et des régions au capital de SA ou de SAS dont l’objet social est la production d’EnR « par des installations situées sur leur territoire » ou, excepté pour les régions, « sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire » (articles L.  2253-1 alinéa 2 pour les communes, L. 3231-6 pour les départements et L. 4211-1-14° du CGCT pour les régions).

C’est précisément cette dernière notion d’installations situées « à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire » qui générait, dans la pratique, des difficultés d’interprétation eu égard à son caractère approximatif.

La loi Energie-Climat (article 42) vient pallier cette incertitude et opte pour le choix du terme « limitrophe » (c’est-à-dire directement voisin), en supprimant par ailleurs le critère conditionnant la participation au capital des communes et de leurs groupements ainsi que des départements au fait que les installations en question devaient contribuer à l’approvisionnement énergétique de leur territoire.

En somme, seul désormais compte l’emplacement des installations de production d’EnR : « Par dérogation au premier alinéa, les communes et leurs groupements peuvent, par délibération de leurs organes délibérants, participer au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou, pour une commune, sur le territoire d’une commune limitrophe ou, pour un groupement, sur le territoire d’un groupement limitrophe » (v. l’article L. 3231-6 pour les départements).

S’agissant des régions, les termes de l’article L. 4211-1-14° demeurent inchangés sur ce point, l’objet social de la société devant correspondre à la production d’EnR « par des installations situées sur leur territoire ».

 

2 – Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de prises de participation « indirectes » au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables

Le deuxième apport de la loi Energie-Climat (article 42) réside dans la possibilité désormais offerte aux communes et leurs groupements, aux départements et aux régions de prendre des participations dans des SA ou SAS ayant pour seul objet de détenir des actions au capital de SA ou de SAS dont l’objet social est la production d’EnR par des installations situées sur leur territoire (pour les communes et leurs groupements, les départements et les régions) ou sur un territoire limitrophe (pour les communes et leurs groupements ainsi que pour les départements).

Cette nouveauté retient l’attention, bien que l’on puisse s’interroger sur la pertinence de restreindre a priori l’objet de ces sociétés à un seul rôle de structure intermédiaire. Elle devrait en tout cas permettre de fluidifier le financement de projets de production d’EnR via la constitution de sociétés locales d’investissement ayant pour objet de prendre des participations dans des sociétés dédiées quant à elle à la production d’EnR.

 

3 – Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de consentir des avances en compte courant aux sociétés de production d’EnR

Troisième apport de la loi Energie-Climat (article 42), les communes et leurs groupements, les départements et les régions pourront désormais consentir aux sociétés de production d’EnR auxquelles ils participent directement des avances en compte courant (articles L. 2253-1 alinéa 2, L. 3231-6 et L. 4211-1 du CGCT).

C’est ici aussi une nouveauté importante ; avant la loi Energie-Climat, cette possibilité était incertaine dans son principe au regard notamment de l’encadrement spécifique qui était prévu en la matière à l’égard des SEML. Or, outre la participation au capital, le financement des projets dans le secteur de la production des EnR repose également – et souvent significativement – sur l’octroi d’avances en compte courant émanant des actionnaires.

On observera toutefois que ces avances devront obligatoirement être réalisées « au prix du marché » et dans les conditions, strictes, prévues à l’article L. 1522-5 du CGCT (renvoi au régime applicable aux SEML), ce qui impliquera notamment qu’elles ne pourront être consenties pour une durée supérieure à deux ans, éventuellement renouvelable une fois (au terme de cette période, l’apport est remboursé ou transformé en augmentation de capital) et excéder 5 % des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget de la collectivité ou du groupement.

 

4 – Ouverture du financement participatif aux SPV de production de biogaz

La loi TECV (article 111) avait déjà donné la possibilité à des sociétés par actions, des SEML ou des sociétés coopératives constituées pour porter un projet de production d’électricité à partir d’EnR, de proposer, lors de leur constitution ou de l’évolution de leur capital, une part de ce dernier aux personnes physiques, notamment aux habitants dont la résidence est à proximité du lieu d’implantation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le territoire ou à proximité du territoire desquels il se situe. Aussi, ces mêmes personnes peuvent se voir proposer de participer au financement du projet de production d’EnR porté par ces sociétés (article L. 314-28 du Code de l’énergie).

L’un des objectifs poursuivis par ce texte était de favoriser toute forme de financement participatif, y compris de la part de collectivités territoriales et de leurs groupements, dans le but notamment de favoriser au plan local la bonne acceptation des projets de production d’EnR.

Quatrième apport de la loi Energie-Climat, son article 50-I-4° (futur article L. 446-23 du Code de l’énergie qui entrera en vigueur le 8 novembre 2020) étend, dans les mêmes termes, cette possibilité aux sociétés constituées pour porter un projet de production de biogaz.

Par Thomas Rouveyran et Christophe Farineau

Empiètement sur l’assiette d’une servitude et mesure de démolition : le juge doit rechercher si la mesure de démolition n’est pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées d’une servitude de passage

Le 19 décembre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si s’agissant d’une mesure de démolition, la Cour d’appel doit rechercher si cette mesure n’est pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées d’une servitude de passage.

En l’espèce, Une servitude de passage avait été instituée au profit d’une parcelle cadastrée, par acte notarié. Par la suite, la propriétaire d’une des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage a fait construire une maison d’habitation sur sa parcelle, en exécution d’un permis de construire. Un des propriétaires de la parcelle cadastrée au profit desquels la servitude de passage avait été instaurée, a assigné en référé les propriétaires des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage en suppression des constructions, plantations et équipements empiétant sur l’assiette de la servitude.

Par un arrêt du 10 juillet 2018, la Cour d’appel de Dijon avait ordonné la démolition de la construction. Elle avait retenu que le passage était réduit de moitié à hauteur du garage en raison de l’empiètement et qu’un déplacement de l’assiette de la servitude ne pouvait être imposé au propriétaire du fonds dominant que dans les conditions prévues à l’alinéa 3 de l’article 701 du Code civil.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. Elle estime que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision car elle n’a pas recherché si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage. 

 

Précisions sur les règles valables devant le juge administratif en matière de contentieux sociaux

Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 4 décembre dernier – relatif à la récupération d’indu de revenu de solidarité active par un Département – est venu réaffirmer la manière dont le juge administratif doit être amené à procéder et statuer en matière de contentieux social.

Pour rappel, le contentieux dit « social » qui relève du juge administratif a trait aux recours relatifs aux prestations, allocations ou droit attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

Cet arrêt a permis au Conseil d’Etat de rappeler la souplesse avec laquelle sont tenus de statuer les juges administratifs en matière de contentieux social et ses contours. Après avoir rappelé les dispositions du Code de justice administrative (CJA) qui prévoient des règles particulières applicables aux requêtes en matière de contentieux social[1], le Conseil d’Etat reprécise que cette procédure, plus souple que la procédure classique, vaut notamment lorsque le requérant n’est pas représenté par un avocat. Ainsi, une requête ne peut pas être rejetée pour défaut ou insuffisance de motivation sans avoir informé le requérant au préalable de la nécessité de lui soumettre lesdits éléments, comme le prévoit les articles R. 772-6 et R. 772-7 du CJA. De même, le Conseil d’Etat revient sur les dispositions du CJA qui prévoient des règles particulières applicables à l’instruction et au jugement des requêtes en matière de contentieux social[2]. C’est ainsi qu’il précise que le juge ne peut rejeter les conclusions dont il est saisi, pour un motif sur lequel son contenu peut avoir une incidence, s’il ne dispose pas des éléments pertinents de ce dossier, sauf à avoir invité le requérant à produire les pièces précises qui sont nécessaires à l’examen de ses droits. En faisant reposer sur le juge la charge relative à l’exigence de production de certaines pièces déterminantes, le Conseil d’Etat affirme le caractère souple pour l’administré voire exigeant pour le juge s’imposant dans le cadre de ce contentieux.

Il rappelle par ailleurs que la procédure contradictoire peut être poursuivie à l’audience sur les éléments de fait qui conditionnent l’attribution de la prestation ou de l’allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête, et que le juge peut décider de différer la clôture de l’instruction à une date postérieure à l’audience[3].

Cependant, cette réaffirmation par le Conseil d’Etat des dispositions plus souples du Code de justice administrative qui s’appliquent au contentieux social est suivie d’une mise en pratique aux faits de l’espèce. C’est ainsi qu’il a été considéré que rien n’oblige le juge à diligenter une mesure supplémentaire d’instruction ou d’inviter le demandeur à produire les pièces nécessaires pour établir le bien-fondé d’allégations insuffisamment étayées lorsque « le défendeur a communiqué au tribunal l’ensemble des éléments pertinents du dossier constitué pour l’instruction de la demande ou pour le calcul de l’indu que ces éléments ont été soumis au débat contradictoire ».

En l’espèce, il a considéré que le Département en question avait fourni des éléments pertinents et que l’exigence incombant au juge de demander la production d’autres documents susceptibles de corroborer les allégations de la requérante ne s’appliquait pas.

[1] Articles R. 772-5 à R. 772-10 du Code de justice administrative

[2] Articles R. 772-5 à R. 772-10 du Code de justice administrative

[3] Article R. 772-8 du Code de justice administrative

Loi engagement et proximité : un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande

L’article 65 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a introduit dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) un nouvel article L. 5211-4-4 qui prévoit qu’un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer et exécuter des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande :

« I. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou entre ces communes et cet établissement public, les communes peuvent confier à titre gratuit à cet établissement public, par convention, si les statuts de l’établissement public le prévoient expressément, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des membres du groupement.

II. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon ou entre ces communes et cette métropole, les communes peuvent confier à cette dernière, à titre gratuit, par convention, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences dont la métropole dispose, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des communes membres du groupement. »

Ce dispositif constitue une nouvelle hypothèse de mutualisation de ressources permettant aux EPCI à fiscalité propre d’apporter leur appui à leurs communes membres pour la passation et l’exécution de marchés publics, en particulier lorsque celles-ci ne disposent pas elles-mêmes de l’ingénierie nécessaire.

Il vient s’ajouter aux mécanismes déjà ouverts à cette fin aux EPCI et à leurs communes membres, leur permettant soit se doter de services communs (article L. 5211-4-2 du CGCT), soit de prévoir la mise en commun de matériels (article L. 5211-4-3 du CGCT).

Les conditions de recours à cette possibilité nouvelle sont toutefois encadrées par le texte :

  • L’article L. 5211-4-4 n’est applicable qu’aux seuls EPCI à fiscalité propre, à l’exclusion donc des syndicats ;
  • Un groupement de commande doit être constitué entre des communes membres ou entre celles-ci et l’EPCI, la formulation du texte emportant deux conséquences : d’une part, est exclue la possibilité pour un EPCI de passer ou d’exécuter des marchés publics pour une seule commune membre ou pour des communes non membres ; d’autre part, dès lors que l’EPCI n’est pas tenu de participer au groupement de commande, il peut donc assurer la passation et l’exécution de marchés ne correspondant pas à ses besoins propres ce qui déroge aux règles prévues par les articles L. 2113-6 et suivants du code de la commande publique (CCP) ;
  • L’intervention de l’EPCI ne peut se faire, d’une part, que par convention et, d’autre part et surtout, qu’à titre gratuit, ce qui permet de faire échapper cette convention au champ de la commande publique, un contrat de la commande publique se définissant, notamment, par son caractère onéreux (article L. 2 du CCP) ;
  • Les statuts de l’EPCI doivent prévoir expressément cette possibilité – des modifications statutaires seront donc à envisager pour les EPCI souhaitant se saisir de ce nouvel instrument ;
  • L’EPCI considéré pourra passer et exécuter des marchés, pour le compte de communes membres dès lors qu’elles sont constituées en groupements de commande, indépendamment des compétences qui lui sont transférées, par dérogation donc au principe de spécialité.

Ceci étant, l’article L. 5211-4-4 du CGCT soulève plusieurs interrogations.

Tout d’abord, l’article prévoyant qu’un EPCI peut se voir confier « la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics », celui-ci exclut nécessairement le cas des contrats de concession. Cette exclusion paraît surprenante puisque les autorités concédantes sont autorisées par l’article L. 3112-1 du CCP à constituer des groupements « afin de passer conjointement un ou plusieurs contrats de concession ».

Ensuite, si l’article subordonne l’intervention de l’EPCI à la conclusion d’une convention, la question reste entière de savoir si cette convention devra être signée entre l’EPCI et l’ensemble des communes membres ayant constitué un groupement de commandes – celui-ci n’ayant pas de personnalité morale – ou si elle pourra être signée entre l’EPCI et le coordonnateur du groupement de commandes.

Par ailleurs, il sera nécessaire de définir les limites de ce que l’EPCI peut prendre en charge au titre de l’exécution des marchés publics qui seront conclus par les communes membres ayant constitué un groupement de commandes et, notamment, de préciser s’il peut s’agir de l’exécution financière dès lors qu’un débat doctrinal persiste sur la possibilité pour le coordonnateur d’un groupement de commandes d’assurer une telle fonction.

Enfin, la question reste entière de la responsabilité que l’EPCI engagera dans le cadre des fonctions qui lui seront confiées en application de l’article L. 5221-4-4 du CGCT, cet article ne précisant rien sur ce point, à la différence de l’article L. 2113-7 du CCP selon lequel « les acheteurs membres du groupement de commandes sont solidairement responsables des seules opérations de passation ou d’exécution du marché qui sont menées conjointement en leur nom et pour leur compte selon les stipulations de la convention constitutive ».

Départ à la retraite : attention à la pratique du « coup de chapeau » !

Certains employeurs, et en particulier lorsque les pensions de retraite sont calculés sur les six derniers mois précédents le départ, procèdent à une augmentation du salaire de leurs salariés afin qu’ils bénéficient d’une retraite plus élevée.

Cet usage, appelé « coup de chapeau », exonère-t-il l’employeur de verser l’indemnité de départ à la retraite ? Telle était la question posée à la Cour de cassation dans cette affaire.

En effet, en l’espèce, deux salariés d’un EPIC avaient, dans le cadre d’une action en réparation du préjudice d’anxiété, réclamé devant le Conseil de prud’hommes le versement le versement de l’indemnité de départ à la retraite due au titre de l’article L. 1237-9 du Code du travail. A la date de leur départ en retraite, ils n’en avaient pas bénéficié puisqu’ils avaient vu augmenter leurs salaires les 6 mois précédents la retraite afin que leurs pensions, calculées sur la rémunération des six derniers mois, soient plus élevée. Telle était l’argumentation de l’employeur devant les juridictions du fond et devant la Cour de cassation.

Pour l’employeur, l’avantage dit du « coup de chapeau » ne se cumule pas avec l’indemnité légale de départ à la retraite, ces deux avantages ayant le même objet à savoir constituer pour le salarié un complément de salaire lié à son départ à la retraite.

L’indemnité de départ à la retraite prévue par l’article L. 1237-9 du Code du travail ne compense donc pas un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l’occasion de son départ en retraite de la même manière que le « coup de chapeau ».

Au fond mais aussi devant la Cour de cassation, cette argumentation est rejetée. La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel selon les termes suivants : « l’usage dit du « coup de chapeau » pratiqué par l’employeur en faveur de salariés n’ayant pas atteint le dernier échelon indiciaire et leur permettant de bénéficier, six mois avant leur départ à la retraite, à la fois d’une augmentation de salaire et d’une majoration consécutive du montant de leur retraite, et l’indemnité de départ à la retraite de l’article L. 1237-9 du Code du travail versée par l’employeur à tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse n’ont pas le même objet ; que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que ces deux dispositifs pouvaient se cumuler ».

Ainsi, une nouvelle fois, la Cour de cassation, applique la jurisprudence relative aux avantages en concours  et complète la jurisprudence rendue relativement à l’indemnité de départ à la retraite.

En effet, cette décision fait écho à une décision rendue 20 ans plus tôt selon laquelle l’indemnité de départ de retraite versée une fois pour toute n’a pas le même objet que le dispositif maison de retraite complémentaire (Cass. Soc., 30 novembre 1999, n° 97-41.977 ).

Absence d’indemnisation par la commune des travaux réalisés postérieurement à un arrêté de péril imminent

Dans cette affaire, une société ayant exécuté, sans contrat écrit, les travaux d’urgence prescrits par deux arrêtés de péril imminent sollicitait la condamnation de la commune au paiement des prestations réalisées.

A titre de rappel, le Maire peut, en présence d’un péril grave et imminent, prendre, sur le fondement de ses pouvoirs de police spéciale et en application des articles L. 511-3 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, un arrêté de péril prescrivant aux propriétaires de l’immeuble concerné la réalisation de travaux conservatoires dans un délai imparti.

En cas de carence de ces propriétaires, le Maire a la faculté de se substituer à ces derniers en faisant réaliser d’office ces travaux et de recouvrer le coût de ces travaux conformément à l’article L. 511-4 du même Code, ce qui n’était pas le cas ici.

Par suite, la Cour rappelle que « il résulte de ces dispositions que les frais engagés pour mettre fin à l’imminence du désordre affectant un bâtiment sont en principe à la charge du propriétaire de l’immeuble, que les travaux aient été exécutés à l’initiative de ce dernier ou d’office par la commune ».

Pour écarter la responsabilité extracontractuelle de la commune, la Cour retient qu’ « il ne résulte d’aucun élément de l’instruction qu’elle [la société] aurait entrepris les travaux sur les immeubles avant l’intervention des arrêtés de péril imminent. Si la commune […], qui n’a pas mis en œuvre la procédure d’exécution d’office des travaux prévue par les dispositions de l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation, a pu s’entremettre entre la société Ceroni et les propriétaires des immeubles, il ne résulte d’aucune pièce du dossier, […]qu’elle aurait entendu commander pour elle-même l’exécution de ces prestations, ce qu’elle ne pouvait d’ailleurs légalement faire ».

En d’autres termes, aucun élément ne permettait d’identifier avec certitude le commanditaire des travaux, dont le coût était par principe à la charge des propriétaires de l’immeuble visé par les arrêtés de péril, en application des dispositions précitées du code de la construction et de l’habitation, la conséquence étant que la commune ne pouvait être tenue au règlement de ces sommes.

A l’inverse, il est jugé que les prestations commandées par la commune et réalisées avant ces arrêtés sont bien dues par cette dernière.

Confirmation de l’annulation de la délibération par laquelle la ville de Marseille a décidé de recourir à un accord-cadre de marchés de partenariat

Par un arrêt en date du 27 décembre 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’annulation de la délibération par laquelle la ville de Marseille a approuvé le principe du recours à un accord-cadre de marchés de partenariat pour la réalisation d’une opération de rénovation d’écoles et de construction de nouveaux établissements.

Confirmant et précisant le raisonnement du Tribunal, la Cour administrative d’appel de Marseille a tout d’abord jugé que « la décision par laquelle l’organe délibérant d’une collectivité territoriale se prononce, en application de l’article 77 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, sur le principe du recours à un marché de partenariat ne présente pas, quant à elle, le caractère d’une simple mesure préparatoire à la conclusion du contrat mais manifeste, d’une part, le choix des modalités particulières d’acquisition et d’exploitation de biens nécessaires à une mission de service public ou d’intérêt général, d’autre part, le cas échéant, le choix corrélatif de la collectivité s’agissant des modalités de gestion de cette mission et, enfin, ses options quant aux modalités de financement et d’intégration, dans son patrimoine, des équipements nécessaires. Cet acte n’est dès lors pas au nombre de ceux qui peuvent être contestés seulement à l’occasion du recours dirigé contre le contrat lui-même. La ville de Marseille n’est dès lors pas fondée à soutenir que les recours pour excès de pouvoir présentés contre la délibération du 16 octobre 2017 […] seraient irrecevables en raison de l’existence d’une voie de droit ouverte contre le marché
lui-même ».

Et elle a ensuite considéré que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la ville de Marseille ne démontre pas, au vu de l’évaluation préalable qu’elle a réalisée, que le recours à un marché de partenariat présente un bilan plus favorable que celui des autres modes de réalisation du projet.

Cette décision témoigne, une fois encore, de ce que l’évaluation préalable du mode de réalisation est un document important, à la rédaction duquel il faut attacher le plus grand soin.

Quand les clauses d’exclusion dans les polices d’assurance construction ne cessent de faire parler d’elles…

À la rentrée 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation était revenue sur l’appréciation stricte du caractère précis, formel et limité de la clause d’exclusion de garantie dans les polices d’assurance construction[1].

C’était sans compter sur une fin d’année où la Cour de cassation, certainement plus agitée, est venue bousculer les précédentes décisions rendues en la matière avec un renvoi à la définition risque garanti.

Sur le plan factuel, une société a souhaité faire réaliser des travaux de chauffage-climatisation de la péniche, aménagée en bureaux, dont elle est propriétaire et qu’elle donne en location.

La société chargée de réaliser lesdits travaux était assurée au titre de sa responsabilité auprès de la compagnie AXA aux termes d’un contrat couvrant la responsabilité de son assuré pour les dommages de nature décennale, la responsabilité civile, après réception, connexe à celle pour dommages de nature décennale, ainsi que la responsabilité civile du chef d’entreprise avant ou après réception des travaux.

Postérieurement à la réception intervenue avec réserves en juin 2010, des désordres consistant en une insuffisance des températures effectivement atteintes sont apparues.

Pour condamner la compagnie AXA à garantir le sinistre, la Cour d’appel de Versailles avait, aux termes de son arrêt rendu le 13 novembre 2017, rappelé que « une clause qui doit être interprétée ne peut être une clause d’exclusion formelle et limitée ».

A l’appui de son argumentation, la Cour d’appel avait ainsi considéré que « En l’espèce, la combinaison des clauses des conditions particulières qui prévoient l’assurance de tout sinistre mettant en jeu la responsabilité civile du chef d’entreprise couvrant tous dommages confondus avant réception et après réception, comprenant le préjudice matériel et immatériel, et des clauses des conditions générales excluant la responsabilité civile de son fait ou de celui de ses préposés et à l’activité de construction conduit à constater l’imprécision des clauses d’exclusion et par voie de conséquence, conduit à écarter les articles 2.18.15, 2.18.16 et 2.18.17. »

En réalité, jusque-là, aucune surprise pour cette solution ancienne qui s’inscrit dans la ligne droite de nombreuses décisions rendues en matière d’interprétation et d’imprécision d’une clause d’exclusion de garantie.

Néanmoins, par un arrêt rendu le 19 décembre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation retient que « […] sans apprécier la validité des clauses d’exclusion de garantie par rapport à la définition du risque garanti prévue par l’article 2.17 des conditions générales, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef »

Autrement dit, la Cour revient sur la question de la validité des clauses d’exclusion de garantie qui doivent, selon elle, être interprétées et appréciées par rapport à la définition du risque garanti.

Interprétation ou non….la problématique des clauses d’exclusions dans les polices d’assurance promet encore de faire parler d’elle en cette nouvelle année.

[1]https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000039156993&fastReqId=363978709&fastPos=1

Attention aux effets d’une fusion sur la Base de données économiques et sociales (BDES) !

La BDES  prévue à l’article L. 2312-18 du Code du travail, est le support de préparation à la consultation annuelle du comité économique et social (CSE) sur :

  • les orientations stratégiques de l’entreprise;
  • la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

 

En l’absence d’accord d’entreprise, les informations portent en application de l’article L. 2312-36 du Code du travail sur :

  • l’année en cours ;
  • les 2 années précédentes ;
  • les 3 années suivantes, sous forme de perspectives.

 

Elle doit permettre au CSE d’obtenir une information « complète et loyale » pour qu’il soit en mesure de rendre des « avis éclairés ».

En cas de BDES manquante, incomplète ou non mise à jour, le CSE, un représentant du personnel, un syndicat ou l’inspection du travail peut saisir le juge judiciaire pour ordonner à l’employeur la mise en place de la BDES ou la communication des éléments manquants.

Le délit d’entrave, sanctionné par une amende de 37.500 euros (porté à 75.000 euros en cas de récidive) peut être alors constitué.

Au terme de l’arrêt sus visé, la Cour de cassation précise que dans le cas d’une opération de fusion, les informations fournies doivent porter, sauf impossibilité pour l’employeur de se les procurer, sur les entreprises parties à l’opération de fusion, pour les années visées aux articles précités.

À défaut, les délais d’information-consultation annuelle du CSE ne courent pas (Cass. Soc., 28 mars 2018, n° 17-13.081).

Il est donc impératif à l’issue d’une fusion de veiller à bien intégrer dans la BDES de l’entreprise d’accueil, les données récoltées dans l’entreprise sortante, afin que les consultations annuelles récurrentes puissent valablement se dérouler.

 

Validation des tarifs plafonds applicables aux Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) par la Haute juridiction administrative

Un arrêt du Conseil d’Etat a validé les tarifs plafonds fixés par un arrêté interministériel du 2 mai 2018[1] pour les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Les lois de financement de la Sécurité sociale pour 2008 et 2009 et la loi de finances pour 2009 ont en effet modifié le droit budgétaire des ESSMS financés par l’Etat en créant des tarifs plafonds règlementaires notamment s’agissant des Etablissements ou Services d’Aide par le Travail (ESAT) et des CHRS.

C’est ainsi que l’article L. 314-4 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit qu’un arrêté interministériel doit, pour chacune de ces catégories, déterminer le forfait plafond ou son mode de calcul ainsi que les règles permettant de ramener le tarif pratiqué au niveau du tarif plafond.

Dans ce cadre, un arrêté interministériel en date du 2 mai 2018 – soit près de neuf ans après que le législateur en a prévu la possibilité – a fixé pour la première fois les tarifs plafonds des CHRS qui leur sont imposés au titre de l’exercice 2018. Ces tarifs dépendent des prestations apportées par ces centres déterminés à partir de douze Groupes Homogènes d’Activité et de Missions (GHAM). Les différents montants retenus ont été reconduits pour l’exercice 2019 par un arrêté du 13 mai 2019[2].

Plusieurs associations se sont opposées à la fixation de tels tarifs plafonds et ont alors formé un recours contre cet arrêté. C’est ce dernier qui vient d’être définitivement rejeté par la Haute juridiction administrative.

Tout d’abord, sur la possibilité pour l’autorité compétente de l’Etat de procéder à la tarification d’office de l’établissement en l’absence de transmission des données prévues à l’article L. 345-1 du CASF visée à l’article 3 de l’arrêté, la juridiction a rappelé que l’arrêté se bornait à rappeler la règle prévue par ces mêmes dispositions. Ce principe laisse cependant une grande part d’incertitude dans l’hypothèse où l’organisme gestionnaire ne parvient pas à transmettre ses données, en raison d’un problème informatique par exemple.

Ensuite, le recours portait notamment sur le niveau retenu pour les tarifs plafonds et la méthode retenue par l’autorité administrative pour les déterminer qui, selon les requérants, auraient manqué de fiabilité. Or, le Conseil d’Etat considère que rien n’interdisait que les tarifs plafonds soient différenciés en fonction des missions assurées par les établissements et du type d’hébergement qu’ils proposent, c’est-à-dire, par GHAM. Au contraire, les juges considèrent qu’ils visent à mieux prendre en compte les charges supportées par les structures dans l’allocation des ressources de l’Etat. De même, les juges ont considéré que l’étude des coûts portant sur l’activité de 672 CHRS sur un total de 797 existants, ayant permis de fixer les tarifs plafonds, était un échantillon « suffisant pour permettre aux ministres d’appréhender les coûts moyens des établissements et services et d’identifier les facteurs expliquant les écarts à la moyenne », cela en dépit du fait que l’étude en question n’a pas fait l’objet d’une publication ou n’était prévue par aucune disposition législative ou règlementaire.

Par ailleurs, à l’argument selon lequel les coûts – en particulier immobiliers – supportés par les CHRS sont hétérogènes, les juges ont répondu en considérant que les ministres n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en adoptant des tarifs plafonds uniformes pour l’ensemble du territoire et en n’opérant des majorations des tarifs plafonds que pour les collectivités d’outre-mer.

Enfin, les juges ont validé le principe fixé à l’article 3 de l’arrêté contesté et qui concernait les règles applicables aux établissements présentant un coût de fonctionnement brut à la place supérieur à ces tarifs plafonds et notamment la possibilité pour le préfet d’aller au-delà du taux d’effort déterminé dans certaines circonstances. Si les organisations à l’origine du recours contestaient l’imprécision de cet effort, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions permettant à l’autorité de tarification d’appliquer un taux d’effort budgétaire supérieur dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 314-7 du CASF afin de tenir compte des moyennes observées sur son territoire et des écarts à ces moyennes pour des établissements dont l’activité est comparable étaient suffisamment claires et précises.

Cette décision du Conseil d’Etat ne surprend pas étant donné qu’il avait déjà validé les tarifs plafonds fixés en 2015 pour les ESAT[3]. Le Conseil d’Etat reconnait toutefois plus spécifiquement dans l’arrêt étudié une grande marge d’appréciation au Gouvernement pour fixer les tarifs plafonds. Il reviendra ainsi au juge de la tarification sanitaire et sociale de se prononcer sur la manière dont les préfets de Région appliquent ces règles dans le cadre des recours contentieux formés par les CHRS à l’encontre de leurs tarifs 2018 et 2019.

Pour finir, rappelons que les tarifs plafonds ont été mis en place par le Gouvernement alors que ce dernier constatait une très forte hétérogénéité dans les crédits attribués aux CHRS et souhaitait garantir « plus d’équité dans la répartition des ressources, avec des tarifs harmonisés selon les prestations délivrées ».« Cette réforme ne remet aucunement en cause les deux principes au fondement de la politique de l’hébergement : l’inconditionnalité de l’accueil et la continuité de la prise en charge.»[4]. Il importe cependant de préciser que la tarification plafond intervient dans un contexte de restriction budgétaire avec un objectif gouvernemental de diminution du budget des CHRS qui forcément impactera la qualité de l’accompagnement des personnes hébergées et le nombre de places voire de centres disponibles.

[1] Arrêté du 2 mai 2018, NOR: TERS1804182A

[2] Arrêté du 13 mai 2019, NOR: TERS1913574A

[3] Conseil d’Etat, 28 juillet 2017, n° 39-4811

[4] Question écrite d’Emmanuelle Anthoine du 20 novembre 2018, n° 14374 et réponse du Ministère de la Ville et du Logement, n° 6491, JO de l’Assemblée nationale du 9 juillet 2019

Le droit de rétractation peut être contractuellement conféré à un acquéreur professionnel aux termes de la promesse de vente d’un bien immobilier

La Cour de cassation devait se prononcer le 5 décembre 2019, à l’occasion d’une action en paiement d’une clause pénale suite à l’exercice de sa faculté de rétractation par un acquéreur professionnel.

En l’espèce, des époux ont vendu une maison d’habitation à une société laquelle a exercé la faculté de rétractation prévue au contrat et, qui lui avait été notifiée par le notaire rédacteur de la promesse de vente.

Soutenant que la société ne pouvait se rétracter en raison de sa qualité de professionnel, les vendeurs l’ont assignée en paiement de la clause pénale.

La demande en paiement de la clause pénale est rejetée par les juges du fond.

Les requérants forment alors un pourvoi en cassation, aux motifs que l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation n’offre une faculté de rétractation qu’en présence d’un acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation au profit d’un acquéreur non professionnel.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel au motifs que les parties peuvent conférer contractuellement à un acquéreur professionnel la faculté de rétractation prévue par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, et les vendeurs ne peuvent contester le droit de rétractation qu’ils ont contractuellement conféré à la société.

En effet, en dépit de la qualité de professionnel de l’immobilier de la société, les vendeurs ont sciemment accepté la clause négociée par laquelle ils ont donné, ensemble avec l’acquéreur, mandat exprès au notaire de notifier le droit de rétractation de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation à la société.

Par ailleurs, les vendeurs ne justifient d’aucune erreur sur l’objet de la société acquéreur ni de conditions de négociation et de signature propres à établir qu’ils n’auraient pas négocié les termes du contrat et ne démontrent pas que la clause prévoyant le droit de rétractation serait une clause de style.

Enfin, les termes « acquéreur non professionnel » figurant dans la clause litigieuse ont pour effet de conférer un droit de rétractation à l’acquéreur, clairement identifié comme étant la société.

En conséquence, la faculté de rétractation prévue par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation peut être conférée contractuellement à un acquéreur professionnel.

Le droit à réparation du tiers au contrat sur le fondement de la responsabilité délictuelle

En raison de l’interruption de la fourniture en énergie endurée pendant plusieurs semaines par une société commercialisant du sucre de canne, le tiers au contrat d’alimentation en énergie, qui était en relation avec la société sucrière, a subi un préjudice d’exploitation.

C’est ainsi que l’assureur de cette société tierce a recherché, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la responsabilité de la société fournisseur d’énergie tirée du manquement contractuel qui lui était imputable et qui lui avait causé un dommage.

La Cour de cassation était donc appelée à s’interroger sur le maintien du principe énoncé dans l’arrêt Boot shop, rendu par son assemblée plénière le 6 octobre 2006 et depuis en partie controversé. La Cour de cassation y avait considéré que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage », excluant ainsi toute nécessité de démontrer une faute.

Dans son arrêt du 13 janvier 2020, la Cour de cassation confirme le principe énoncé dans son arrêt Boot shop, considérant que le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.

Il s’agit de faciliter l’indemnisation du tiers à un contrat qui, justifiant avoir été lésé en raison de l’inexécution d’obligations purement contractuelles, ne pouvait caractériser la méconnaissance d’une obligation générale de prudence et diligence, ni du devoir général de ne pas nuire à autrui.

Il sera enfin noté qu’en appliquant le principe énoncé par l’arrêt Boot shop à une situation où le manquement dénoncé portait sur une obligation de résultat et non, comme dans ce précédent arrêt, sur une obligation de moyens, l’assemblée plénière ne retient pas la nécessité d’une distinction fondée sur la nature de l’obligation méconnue.

L’appréciation de la titularité d’un bail commercial entre une société commercial et la personne de son gérant

En droit, les dispositions de l’article 1843 du Code civil prévoient que les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant son immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.

Il est également prévu que les engagements souscrits seront réputés l’avoir été pour le compte de cette société dès l’origine.

« les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci ».

En l’espèce, une SARL avait été constituée par son associé unique qui avait, dans l’attente de l’immatriculation de sa société, souscrit un bail commercial en vue de l’exercice de son activité professionnelle.

Dans un contentieux relatif aux impayés liés aux loyers et charges de cette société s’est posée la question de la titularité du bail entre la société et son gérant.

A cette question la Cour d’appel a précisé que, bien que les statuts de la société, ne mentionnent pas la reprise du bail dans ses annexes et qu’il n’existe aucun mandat écrit autorisant son gérant à contracter le bail au nom de la société, il résulte de l’ensemble des éléments produits que les parties avaient la volonté de substituer la société à la personne de son gérant.

En l’espèce, la Cour d’appel a précisé que les parties avaient clairement marqué la volonté de substituer la société à la personne de son gérant après avoir relevé l’existence de « 3 actes positifs » à savoir :

  • Une instance en référé initiée par la société se présentant comme titulaire du bail ;
  • La signature par cette société d’un contrat de prêt afin de financer l’aménagement des locaux ;
  • L’inscription du droit au bail dans sa comptabilité.

La Cour de Cassation a, dans son arrêt du 15 janvier 2020, confirmé la position de la Cour d’appel en réaffirmant le principe selon lequel la titularité d’un bail commercial fait l’objet d’une appréciation in abstracto tentant de réunir les éléments permettant d’établir la volonté des parties.

Attribution à l’ARCEP de la mission de régulation du secteur de la distribution de la presse par la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse

Loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques

Rapport au ministre de l’Économie et des Finances et à la ministre de la Culture – Dix propositions pour moderniser la distribution de la presse

 

Dans un contexte de profond bouleversement du secteur de la distribution de la presse au numéro, du fait de l’accélération de la diffusion numérique et de l’évolution des pratiques des lecteurs, la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques (dite loi « Bichet »), adoptée dans l’immédiat après-guerre afin d’organiser la pluralité de l’information et l’égalité entre les éditeurs, indépendamment de leur taille ou des opinions qu’ils véhiculent, est apparue inadaptée aux présents enjeux du secteur.

Rendu public par le Gouvernement en juillet 2018, le rapport de la mission confiée à M. Marc Schwartz a porté dix propositions[1] pour moderniser la distribution de la presse. Ce rapport prônait en particulier une régulation renforcée de la distribution de la presse par le biais d’un régulateur unique, aux pouvoirs étendus, et disposant d’une expertise juridique, économique et technique suffisante tout en étant doté de moyens d’exercer un contrôle efficace.

Promulguée le 18 octobre 2019, la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse réformant la loi Bichet a ainsi confié la mission de régulation du secteur de la distribution de la presse, précédemment exercée par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) et du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), à l’Arcep. L’information est passée relativement inaperçue, mais à l’occasion de l’attribution de cette nouvelle mission, l’Arcep a changé de nom pour devenir « l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse », tout en conservant l’acronyme préexistant Arcep (le « p » renvoyant à présent tant à ses missions postales qu’à ses missions de distribution de la presse).

 

[1]

1. Réaffirmer les principes fondateurs de la loi Bichet que sont la liberté de diffusion de la presse et l’impartialité de la distribution (absence de discrimination entre les titres) ; ainsi que l’indépendance et le pluralisme de la presse d’information politique et générale.
2. Unifier et renforcer la régulation de la distribution de la presse en la confiant à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
3. Créer auprès de la nouvelle autorité de régulation un comité consultatif de la distribution de la presse représentatif de l’ensemble des parties prenantes du système de distribution.
4. Instaurer pour les entreprises de presse, en remplacement du statut coopératif obligatoire, un « droit à être distribué » dans des conditions transparentes, efficaces et non discriminatoires et par des sociétés agréées par le régulateur.
5. Rendre ce droit d’accès à un réseau effectif, en dotant le régulateur de réels pouvoirs d’investigation, de contrôle et de sanction à l’égard des sociétés agréées pour distribuer la presse.
6. Mieux définir le champ d’application de la loi, pour réguler les flux d’entrée dans le système de distribution.
7. Une urgence : insuffler une nouvelle dynamique commerciale en allégeant les contraintes qui pèsent sur le réseau de vente et en associant effectivement les détaillants au choix des produits qu’ils reçoivent.
8. Assouplir l’organisation de la distribution, sans déstabiliser le réseau.
9. Prévoir une transition fluide vers le nouveau système de régulation.
10. Envisager d’étendre à la diffusion numérique le principe de pluralisme de la presse d’information politique et générale.

 

Consultation publique relative à la transposition du Code des communications électroniques européen

La Direction Générale des Entreprises a lancé, le 16 janvier dernier, la consultation publique relative à la transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le Code des communications électroniques européen. Il est prévu que cette transposition, qui doit intervenir avant le 21 décembre 2020, soit réalisée par ordonnance dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique.

Depuis la libéralisation du secteur des télécoms en 1998, trois « paquets » télécoms se sont succédé : en 2002, en 2009 et en 2018 avec la directive visée ci-avant. Le Code des communications électroniques européen s’inscrit dans la continuité des textes précédents puisqu’il porte sur les mêmes domaines et poursuit des objectifs similaires, tout en mettant l’accent sur l’investissement dans les réseaux de nouvelle génération.

Les auteurs du Code ambitionnent d’instaurer un cadre harmonisé au sein de l’UE pour la réglementation des réseaux et des services de communications électroniques, qu’ils soient destinés aux télécoms ou à l’audiovisuel.

La consultation publique, qui a pour vocation de recueillir l’avis de l’ensemble des publics concernés par le projet d’ordonnance, se présente sous forme de versions consolidées des dispositions du Code des postes et des communications électroniques et du Code de la consommation concernées par l’exercice de transposition, dispositions qui sont réparties en huit annexes[1].

Parmi les modifications les plus notables, on trouve notamment l’intégration, sous la notion clé d’opérateurs de communications électroniques nouvellement définie, des fournisseurs de services OTT (pour « over the top »), tels que SkypeOut.

Le texte soumis à consultation introduit aussi un changement de paradigme en supprimant l’obligation de déclaration préalable à l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), au profit d’une autorisation générale.

Le texte soumis à consultation transcrit par ailleurs la mise en place obligatoire, avant le 21 juin 2022, d’un système d’alerte aux publics, c’est-à-dire la transmission de messages à l’ensemble des utilisateurs finals situés dans une zone géographique déterminée dès réception d’une demande du Premier ministre, du représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, du préfet de police.

Ce projet introduit aussi des dispositions relatives à l’information sur l’état des réseaux et la planification des déploiements, avec l’idée d’éviter les doublons, particulièrement en ce qui concerne le déploiement de la fibre. Pour ce faire, le texte prévoit que l’ARCEP a l’obligation d’établir un relevé géographique de la couverture du territoire par des réseaux existants afin d’identifier les zones dans lesquelles aucun réseau permettant d’offrir un débit descendant d’au moins 100 Mbps n’a été ou ne sera déployé avant de lancer des appels à manifestation d’intention.

Il élargit le périmètre du service universel en prévoyant que tous les consommateurs devront avoir accès à un service d’accès adéquat à l’Internet à haut débit et à un service de communications vocales. Le caractère adéquat implique a minima l’accès à des fonctionnalités telles que la messagerie électronique, l’achat et la commande de biens ou de services en ligne ou encore les médias sociaux et messagerie instantanée. Ce service d’accès devra également être abordable, y compris pour les personnes à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers. L’ARCEP sera en charge de vérifier le caractère abordable en surveillant le niveau et l’évolution des tarifs de détail des services disponibles sur le marché, notamment au regard des revenus nationaux.

Le texte soumis à consultation publique prévoit par ailleurs la possibilité d’attribuer des ressources en numérotation en vue de fournir des services de communications électroniques autres que les communications interpersonnelles, une telle possibilité visant à accompagner le développement de l’Internet des objets.

Enfin, de nouvelles dispositions viennent renforcer les droits des consommateurs, en particulier l’introduction de règles d’indemnisation des utilisateurs finals en cas de non-respect des fournisseurs en matière de portage, de changement de fournisseur et de non-présentation à un rendez-vous de service et d’installation. Certaines dispositions prévues pour les consommateurs sont étendues aux microentreprises, aux petites entreprises et aux organisations à but non lucratif (modalités de l’information contractuelle, durée maximale des contrats, etc.).

S’agissant de l’obligation des Etats membres d’attribuer, au plus tard le 31 décembre 2020, des blocs de la bande de fréquences 3,4 – 3,8 GHz pour permettre le déploiement de la 5G, il convient de noter qu’aucune mesure de transposition n’est rendue nécessaire.

 

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[1] Annexe 1 : transposition des dispositions relatives aux définitions et à la gouvernance
Annexe 2 : transposition des dispositions relatives à l’autorisation générale et aux obligations légales
Annexe 3 : transposition des dispositions relatives à l’information sur l’état des réseaux, la planification des déploiements et les demandes d’informations aux entreprises
Annexe 4 : transposition des dispositions relatives au service universel des communications électroniques
Annexe 5 : transposition des dispositions relatives à l’accès
Annexe 6 : transposition des dispositions relatives au spectre
Annexe 7 : transposition des dispositions relatives à la numérotation
Annexe 8 : transposition des dispositions relatives aux droits des consommateurs

 

Précisions sur les délais de recours de l’acquéreur évincé à l’encontre d’une décision de préemption

Lorsqu’un acquéreur évincé se voit notifier une décision de préemption sans mention des voies et délais de recours, ces délais ne lui sont pas opposables. Néanmoins, son recours ne peut être exercé, en application de la jurisprudence « Czabaj », que dans un délai raisonnable d’un an.

Dans cette affaire, le maire de Montreuil avait décidé de préempter un immeuble pour l’acquisition duquel M. et Mme A avaient conclu une promesse de vente. Si ces derniers ne s’étaient pas vus notifier la décision de préemption, ils s’étaient néanmoins renseignés auprès de la Commune sur l’état d’avancement du projet pour lequel le droit de préemption avait été exercé et avaient joint à leur demande la copie intégrale de la décision de préemption, dépourvue de la mention des voies et délais de recours.

M. et Mme A avaient ensuite saisi le Tribunal administratif de Montreuil d’un recours en annulation de cette décision de préemption.

Si en première instance, le Tribunal administratif de Montreuil avait fait droit aux prétentions des requérants, la Cour administrative d’appel de Versailles avait quant à elle estimé que leur recours était tardif, et annulé ce jugement.

Dans sa décision du 16 décembre 2019, le Conseil d’Etat souligne d’abord que l’acquéreur évincé étant au nombre des personnes auxquelles la décision de préemption doit être notifiée, le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 du Code de justice administrative ne lui est pas opposable si la décision ne lui a pas été notifiée avec l’indication des voies et délais de recours.

Faisant application de sa jurisprudence « Czabaj » (CE, 13 juillet 2016, n° 387763), le Conseil relève néanmoins que le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle. Le destinataire de la décision de préemption ne peut donc exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable d’un an à compter de la notification de la décision ou à compter de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la demande de renseignement adressée à la mairie était de nature à établir que les requérants avaient eu connaissance, à cette date, de la décision de préemption.

Le recours de M. et Mme A, exercé au-delà du délai raisonnable d’un an à compter de cette date, était donc tardif.