le 30/09/2019

Extension du préjudice d’anxiété à tous les produits toxiques

Cass. Soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.879

 

Principe antérieur : Seuls les salariés justifiant d’une exposition à l’amiante pouvaient se prévaloir du préjudice d’anxiété, étant rappelé que par arrêt du 5 avril 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait déjà étendu l’ouverture d’un droit à réparation de ce préjudice à tout travailleur exposé à l’amiante. Jusqu’alors celui-ci était limité à ceux ayant travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Evolution jurisprudentielles : Par arrêt du 11 septembre 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation étend l’ouverture du droit à réparation du préjudice d’anxiété aux salariés exposés à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave.

 

Portée de l’arrêt : Désormais, tout salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Cependant, conformément aux règles de responsabilité de droit commun, dans cette hypothèse, la réparation du préjudice n’est pas systématique. En effet, il appartiendra au salarié de démontrer :

  • l’exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • un préjudice d’anxiété personnellement subi.

L’employeur pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir mis en œuvre les mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou d’organisation adaptés « au regard du risque connu ou qu’il aurait dû connaître » visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, notamment par la mise en place d’équipements de protection individuels et collectifs adaptées (Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

Reste que certaines interrogations demeurent :

  • sur les substances pouvant être concernées par cette solution, rendant ainsi le champ d’application du préjudice d’anxiété particulièrement vaste et continuellement extensible au gré des avancées de la science.

Pour autant, l’existence d’une faute de l’employeur est subordonnée à sa connaissance de l’existence d’un risque et à l’absence de prise en compte de celui-ci par la mise en œuvre de mesures de prévention. Pour être légitime et partant, opposable, cette méconnaissance du risque suppose néanmoins pour les entreprises de se tenir régulièrement informées des résultats des éventuelles recherches sur les incidences sur la santé des produits qu’elles utilisent dans le cadre de leur activité.

  • comme suite à la décision rendue le 5 avril 2019, sur les modalités d’appréciation :
    • du préjudice d’anxiété par hypothèse, subjectif, qui doit nécessairement être individualisé ;
    • de son lien avec l’activité professionnelle, problématique mieux connues des juridictions de sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, que des Conseils de prud’hommes,
    • ou encore du point de départ du délai de prescription de l’action du salarié qui auparavant courait à compter de l’inscription de l’établissement au sein duquel il travaillait sur la liste réglementaire.

 

En pratique : Ainsi, en cas de contentieux, dès lors que la responsabilité de l’employeur serait engagée au titre d’un manquement à son obligation de sécurité, trois points pourront utilement être débattus :

  • le cas échéant, le point de départ et la durée de prescription de l’action du salarié, étant précisé qu’initialement fixée à 30 ans, cette dernière a connu des réductions successives par les lois n°2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, dont les conditions d’application aux prescriptions en cours font l’objet de mesures transitoires ;
  • la preuve de l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • le quantum de l’indemnisation du préjudice dès lors que le juge considèrerait celui-ci comme étant démontré.

Par Marjorie Fredin