le 30/09/2019

Adoption de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

Le 23 juillet 2019, l’Assemblée nationale a adopté sans modification, en deuxième lecture, la proposition de loi, adoptée avec modification par le Sénat en deuxième lecture.

La proposition de loi a été promulguée au Journal Officiel le 26 juillet 2019.

En adoptant cette loi, la France est devenue le premier pays à transposer la Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique dont l’ultime mouture a été définitivement adoptée le 26 mars dernier par le Parlement européen réuni en assemblée plénière à Strasbourg.

Rappelons que cette transposition n’est que partielle puisque la proposition de loi présentée par David ASSOULINE, Patrick KANNER, Marc DAUNIS et plusieurs de leurs collègues, ne traite que des droits voisins des éditeurs et des agences de presse relatif à l’exploitation numérique de leurs publications de presse. Le reste de la directive, notamment son très discuté article 13 (désormais article 17) qui reprend intégralement le régime de responsabilité des plateformes d’hébergement en ligne (YouTube, Dailymotion …), fera l’objet de la loi sur l’audiovisuel prévue pour le deuxième semestre 2020.

Les apports de la loi sont considérables et n’ont certainement pas terminé d’être acclamés par le milieu des agences et des éditeurs de presse.

 

En leur reconnaissant un droit voisin à part entière, au même titre que les artistes-interprètes ou les producteurs de phonogrammes, la loi leur confère une protection des plus opportune puisqu’elle était, jusqu’alors, quasi-inexistante.

En effet, les exigences d’une presse libre et pluraliste, indispensables pour garantir l’accès aux citoyens à une information de qualité, ont entrainé une multiplication des sources journalistiques (particulièrement avec le développement de la presse en ligne) et avec elle, l’émergence de nouveaux services en ligne tels que les agrégateurs d’informations ou les services de veilles médiatiques dont l’activité principale consiste à réutiliser des publications de presse. De leur côté, les éditeurs de publication de presse n’étant pas reconnus comme titulaires de droits, rencontraient beaucoup de difficultés pour l’octroi de licences d’exploitation et donc pour obtenir rémunération desdites réutilisations.

Cette pratique devrait désormais être bannie du paysage médiatique puisque le nouvel article L. 218-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que : « l’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise [moyennant rémunération] avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous forme numérique par un service de communication au public en ligne ».

 

En outre, la loi vient agrémenter l’actuel article L. 211-4 du CPI d’un paragraphe V. fixant la durée des droits patrimoniaux des éditeurs de presse et des agences de presse à deux ans, à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse.

 

Des amendements ont également précisé que la fixation du montant de la rémunération due au titre des droits voisins, prendra en compte « des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse », ainsi que « la contribution des publications de presse à l’information politique et générale » (article L. 218-4 al. 2 nouveau).

L’idée des rédacteurs est ici d’encourager une presse de qualité en rémunérant l’utilisation des publications de presse en fonction de leur contribution au débat public et au bon fonctionnement d’une société démocratique, et non du niveau d’audience atteint.

Cette disposition aurait toutefois mérité quelques précisions. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, on peut se demander si les contenus qui ne constitueraient pas de l’information politique et/ou générale entrent tout de même dans le champ de la protection et a fortiori, de la rémunération.

 

Du reste, la protection accordée aux éditeurs et agences de presse n’est, pas sans limites puisque le nouvel article L. 211-3-1 prévoit, en toute conformité avec l’article 15 de la directive, que ces derniers ne pourront interdire :

  1. Les actes d’hyperlien ;
  2. L’utilisation de mots isolés ;
  3. Ou l’utilisation de très courts extraits d’une publication de presse.

Ces exceptions permettent ainsi de préserver le principe de libre circulation de l’information et tracent, au demeurant, une frontière assez nette entre ce qui est autorisé et ce qui requiert l’autorisation préalable de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse.

Mais comme l’a souligné l’Association des Services Internet Communautaire (ASIC) dans son communiqué en date du 23 juillet, on peut ici aussi regretter l’absence de précision quant au sens de certains concepts comme la notion de « court extrait ».

Il reviendra donc aux juges de préciser les contours encore incertains de ce droit, et d’en expliciter plus concrètement la mise en œuvre.

Par My-Kim Yang-Paya et Clément Legrand