Les limites de la liberté d’expression d’un représentant syndical

Si le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises, que les représentants syndicaux connaissaient du fait de leurs fonctions syndicales, une large liberté d’expression (CE, 18 mai 1956, Boddaert, n° 15589), il a toutefois rappelé, dans un arrêt du 27 janvier 2020, que celle-ci n’était pas illimitée et devait se concilier avec le respect de leurs obligations déontologiques et notamment leur devoir de réserve.  

En l’espèce, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi d’une adjointe administrative territoriale de 2ème classe employée par la Commune de Beaumont-sur-Oise, représentante du personnel au comité technique, qui avait été exclue pour deux jours de ses fonctions par le Maire de cette Commune. Il lui était en effet reproché d’avoir tenu, au cours d’un réunion du comité technique, des propos « particulièrement irrespectueux et agressifs » à l’égard de la Directrice générale des services, qui était présente lors de cette instance en qualité d’experte.  
 
Or, selon les juges du Palais-Royal, si « les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ». 

Il en résulte que les représentants syndicaux ne peuvent s’affranchir, même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale, de leurs obligations déontologiques en tant que fonctionnaire. 

Jusqu’à présent, une étude de la jurisprudence démontrait que seuls les propos considérés comme particulièrement diffamants, outrageants et injurieux et sans lien avec la défense des intérêts professionnels, prononcés par un représentant syndical, pouvaient être sanctionnés (CAA de Bordeaux, 8 novembre 2008, Juliette X C/ Commune de Rémire-Montjoye, rq n° 07BX01721). Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat va plus loin puisque désormais, les administrations peuvent sanctionner des représentants du personnel qui prononcerait des propos particulièrement agressifs et irrespectueux même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale.  

Le fait est que le juge administratif, dans le cadre de son contrôle entier des sanctions, veille précisément au contexte dans lequel des propos ont été tenus et, lorsqu’ils ne visent pas personnellement l’agent et n’excèdent pas les limites admissibles de la polémique syndicale, annule les sanctions, y compris du premier groupe (Voir, postérieurement à l’arrêt commenté : TA de Dijon, 12 mars 2020, Monsieur K. c/ Pole Emploi, req. n° 1901646). 

Une circulaire pour guider les communes devant installer leur nouveau conseil municipal

Nota : le Premier ministre a annoncé hier [jeudi 19 mars] un report de la tenue des conseils municipaux d’installation lorsque l’élection a été acquise dès le 1er tour, en contradiction avec la circulaire Gourault publiée la veille, commentée ci-dessous. Les anciens conseils municipaux seraient maintenus jusqu’à mi mai au moins.

La ministre de la cohésion des territoires a élaboré une circulaire pour aider les nombreuses communes (environ 30 000) dont l’élection municipale a été acquise lors du premier tour de scrutin à organiser l’installation de leurs conseils municipaux (les résultats du premier tour ayant été sanctuarisés, voir notre brève sur le sujet). 

Il paraissait en effet absolument indispensable d’expliquer aux services de ces communes comment organiser l’élection du maire et des adjoints (et potentiellement le vote d’autres délibérations indispensables, telles que la délégation de compétence du conseil municipal vers le maire) dans le contexte de confinement et de prévention du risque pandémique. Cela l’était d’autant plus que le Code général des collectivités territoriales pose le principe de publicité des séances du conseil municipal et impose que cette séance d’élection du maire se tienne entre le vendredi et le dimanche suivant le tour de scrutin décisif. 

En substance, cette brève circulaire indique que : 

  • Cette séance doit se tenir dans les délais habituels en la matière imposés par les textes ; 
  • Les règles habituelles de quorum doivent également être observées ; 
  • Il est fortement recommandé que les élus présentant des risques ou des fragilités particulières aient recours aux procurations ; 
  • Il est d’ailleurs rappelé qu’il n’est pas nécessaire d’être présent à cette séance pour être élu maire ou adjoint ; 
  • Les élus se rendant à cette séance sont considérés comme entrant dans l’un des cas dérogatoires permettant de se déplacer au sens du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant obligation de confinement ; 
  • En revanche, la circulaire part du principe que la séance se fera sans public compte tenu des obligations de confinement du reste de la population ; 
  • Il sera nécessaire de réduire au maximum la durée de cette séance en retenant un ordre du jour allégé (élection des maires et adjoints, délégation au maire) ; 
  • La séance devra être organisée dans le plein respect des gestes barrières (mise à disposition de gels hydro alcooliques, respect de la distance d’un mètre, possibilité de se réunir dans une autre salle que la salle du conseil habituelle si les conditions sanitaires l’exigent). 

 

Compte tenu de sa faible valeur juridique, cette circulaire n’a pas pu apporter des solutions sécurisées sur tous les sujets. Si un public devait néanmoins se présenter à la séance, par exemple, il faudra recourir au huis clos dans les conditions de droit commun, soit procéder à un premier vote public avant de faire sortir ces personnes. Par ailleurs, la recommandation forte sur le recours aux procurations sans mise en garde sur les effets juridiques corrélatifs pourrait fragiliser l’élection de l’exécutif et les décisions votées. En effet, rappelons que seuls les membres présents (et non les membres représentés) sont comptabilisés pour le calcul du quorum, d’après une jurisprudence bien ancrée. Sur la base de cette circulaire, les assemblées délibérantes pourraient penser échapper à cette rigueur et voter des délégations aux maires, qui pourraient par la suite être considérées comme illégales par le juge administratif par la voie de l’exception d’illégalité, mettant en péril des actes pris par le maire. Il est donc vivement recommandé de veiller au respect du quorum lors de la séance d’installation, sans quoi cela pourrait conduire, de façon contre-productive, à devoir reconvoquer un nouveau conseil municipal, à moins d’adopter des décisions risquant l’annulation. 

 

Gestion du Covid-19 dans la fonction publique

Outre les défis considérables qu’elle représente pour la collectivité en général et les responsables d’administration et d’entreprise an particulier, l’épidémie actuelle confronte également les employeurs publics à la délicate difficulté de concilier la préservation de la santé de leurs agents avec les nécessités de continuité des services publics essentiels.   

Pour accompagner les employeurs publics, le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a diffusé une circulaire le 16 mars exposant les recommandations à suivre pour un cadre juridique clair à la gestion de la crise actuelle.  

La circulaire invite de façon générale les administrations à établir des plans de continuité de l’activité (PCA), qui fixeront les règles générales définissant les modalités d’exercice des fonctions des agents des services afin de concilier les impératifs de santé et de continuité.  

La règle est, comme le gouvernement l’a de manière générale exposé auprès de tous les employeurs, la généralisation et la systématisation du télétravail pour l’ensemble des emplois qui le permettent. Les agents concernés doivent donc être placés d’office en situation de télétravail pour l’ensemble de leur activité professionnelle.   

Pour ceux des agents pour lesquels, en raison de la nécessité de leur présence physique sur leur lieu de travail, le télétravail n’est pas possible, le PCA devra définir, parmi ces emplois, ceux qui relèvent de fonctions essentielles pour la continuité des services publics vitaux.  

Ceux des agents qui exercent de telles fonctions devront continuer à se rendre sur leur lieu de travail pour assurer leurs fonctions. 

Cette règle connait une première exception définie par la circulaire, à savoir ceux des agents sujets à des affections médicales qui les rendent particulièrement vulnérables au virus COVID-19, et dont la circulaire, sur la base des recommandations du Haut conseil de la santé publique, définit la liste.  

Une seconde nuance doit également être considérée, non évoquée par la circulaire mais qui découle clairement des principes qu’elle énonce : lorsque la présence d’un agent n’est nécessaire que pendant une partie seulement de son temps de travail, sa présence devra également être limitée à ce qui est strictement nécessaire.  

Pour les autres agents pour lesquels le télétravail n’est pas possible, et dont les fonctions ne sont pas définies comme essentielles par le PCA, une circulaire antérieure de la DGAFP du 27 février 2020 avait présenté deux méthodes :  

Pour les agents contractuels relevant du régime général, la DGAFP préconise l’applications des dispositions spéciales édictées par le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 qui élargissait le bénéfice des arrêts de travail, signés par le directeur de l’agence régionale de santé, aux travailleurs asymptomatiques faisant l’objet d’une mesure d’isolement puisqu’elles s’appliquent aux bénéficiaires du régime général, dont, donc, les agents contractuels de droit public.  

Pour les fonctionnaires, qui ne relèvent donc pas de ce régime, la circulaire du 27 février comme celle du 16 mars préconisent le placement en autorisation spéciale d’absence rémunérée. 

 

Trois questions sont cependant laissées en suspens par ces circulaires :  

D’une part, l’applicabilité du décret du 31 janvier 2020 aux agents contractuels qui n’ont pas fait l’objet sur le plan médical de mesures de quarantaine ou d’isolement, dès lors que ces dispositions les plaçaient seuls dans leur champ d’application.   

D’autre part, celle de l’application du jour de carence aux agents contractuels : le décret du 31 janvier 2020 écarte l’application du jour de carence prévu par le Code de la sécurité sociale au bénéfice des salariés. En revanche, il ne prévoit pas la même exonération pour les agents contractuels, dont le jour de carence n’est pas défini par le Code de la sécurité sociale, mais par l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.  

Pour écarter ces deux difficultés, les employeurs pourront néanmoins choisir de placer également les agents contractuels en autorisation spéciale d’absence, ces dernières n’étant concernées par aucun dispositif de carence, aux termes même de la circulaire du 16 mars 2020.  

Enfin, sur le régime indemnitaire, certaines collectivités prévoient la suspension du régime indemnitaire pour les agents bénéficiant d’autorisations spéciales d’absence. Le secrétaire d’Etat a néanmoins annoncé que des préconisations seraient émises sur cette question précise, de sorte qu’il convient d’attendre encore des précisions, quitte à ne pas verser le régime indemnitaire et régulariser ensuite ou, au contraire, faire le choix d’un versement qui pourrait être recouvré ultérieurement. 

Covid-19 et juridictions de l’expropriation 

A compter de ce jour, toutes les audiences de fixation judiciaire des indemnités de dépossession et d’éviction assurées par les juridictions des expropriations qui étaient fixées prochainement sont renvoyées sine die au regard des circonstances sanitaires exceptionnelles. Il en va de même des audiences de référé-expulsion qui se tiennent habituellement devant cette même juridiction.

Les délibérés et ordonnances font l’objet de prorogations jusqu’à la fin de la crise sanitaire.

Les transports sur les lieux qui avaient fait l’objet de convocation sont également ajournés et reportés sine die.

Enfin, a été édicté le 18 mars 2020 un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 prévoyant, en son article 17, le recours aux ordonnances pour adapter, interrompre, suspendre ou reporter les délais de recours et de procédure juridictionnelle et ce de manière rétroactive à compter du 14 mars 2020, compte tenu de la période exceptionnelle.

Ces mesures pourraient avoir des répercussions importantes en matière de fixation judiciaire des indemnités, notamment en cause d’appel qui prévoit habituellement des délais de procédure à respecter à peine de nullité. Seban & Associés ne manquera pas de rendre compte de ces mesures une fois que ces ordonnances auront été adoptées.

Précisions juridiques autour du report du second tour des municipales

Par un décret particulièrement succinct du 17 mars 2020, il a été décidé de reporter le second tour des élections municipales et communautaires en cours. Ce report pose des questions tenant, d’une part, à ses conditions juridiques (I) et, d’autre part, à ses conséquences (II). 

 

1 – Les conditions du report du second tour des élections municipales  

Dimanche 15 mars, lors d’un scrutin marqué par la menace pandémique, le taux de participation aux élections municipale était d’environ 38,77%, alors qu’il était de près de 55% aux dernières élections municipales de 2014. Dans une allocution du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé un report du deuxième tour des élections municipales.  

Cette annonce va nécessiter une mobilisation de moyens juridiques importants dans un délai court, qui ne permettront probablement pas de lever toutes les ambiguïtés de la situation. 

 

Le cadre juridique du report des élections  

Concernant les élections locales, aucune disposition légale ne prévoit les cas limitatifs dans lesquels elles doivent ou peuvent être reportées.  

L’article L. 56 du Code électoral prévoit qu’« en cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour » et l’article L. 227 laisse plutôt penser que l’élection est un bloc unique car « les conseillers municipaux sont élus pour six ans. Lors même qu’ils ont été élus dans l’intervalle, ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret convoque en outre les électeurs ». 

Le Code électoral est clair sur le fait que le deuxième tour des élections doit en principe intervenir le dimanche suivant le premier tour. En toute orthodoxie juridique, il apparaitrait donc nécessaire qu’une loi intervienne avant le dimanche 22 mars 2020 pour repousser le second tour des élections municipales, ce qui est très certainement impossible compte tenu du délai et du contexte. En tout état de cause, une loi devrait en principe, d’une part, repousser le 2nd tour et définir une date pour la tenue de celui-ci (le 21 juin a priori) et, d’autre part, prolonger les mandats des conseillers municipaux et intercommunaux des élus concernés.  

Une loi est d’autant plus nécessaire que l’article 34 de la Constitution indique que tout ce qui touche à la libre administration des collectivités territoriales, prévue à l’article 72 de la Constitution, ressort du domaine de la loi.  

Dans sa déclaration du 16 mars 2020, le ministre de l’intérieur a mentionné la possibilité selon laquelle le projet de loi prévoirait que, dans un délai de six semaines au plus, c’est-à-dire au début du mois de mai, un rapport du conseil scientifique créé pour la gestion de la crise sanitaire du Covid-19, statuera sur la possibilité, au plan sanitaire, d’organiser les élections à un horizon de six semaines, c’est-à-dire à compter de mi-juin. 

Le gouvernement a également décidé de prendre un décret visant à abroger la convocation des électeurs pour le second tour des élections municipales, initialement prévu le 22 mars prochain (Décret n° 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019). 

On pourrait aussi imaginer (mais ce n’est pas l’option retenue à ce stade), dans le cas où la situation s’aggraverait, que le gouvernement proclame l’état d’urgence (prévu par la loi n°55-385 du 3 avril 1955) pour « calamité publique », ce qui lui permettrait alors d’agir uniquement par voie de décret.  

Ce n’est que dans ces conditions que le gouvernement peut modifier le calendrier électoral. 

 

L’exemple du report du deuxième tour des élections de 1973 

La question du report des élections n’est pas une question nouvelle. En effet, un second tour peut être reporté « en cas de circonstances exceptionnelles ». Ces dispositions ont été mises en œuvre en 1973 pour justifier du report du 2nd tour des élections législatives à la Réunion car un cyclone était intervenu durant l’entre-deux tour. 

Le Conseil constitutionnel, alors saisi d’une protestation électorale par le candidat Paul Vergès, a constaté que la loi électorale ne prévoit rien en cas de cyclone et a estimé que la décision du préfet, bien qu’inévitable compte tenu des circonstances et du silence de la loi, était juridiquement irrégulière, sans toutefois avoir altéré la sincérité du scrutin (DC, 73-603/741 AN du 27 juin 1973). En effet, le Conseil constitutionnel a affirmé que législateur était seul compétent en matière électorale et qu’il pouvait ainsi modifier librement les règles antérieures, sous réserve de ne pas porter atteinte à des règles ou principes de valeur constitutionnelle. La notion de « périodicité raisonnable » a été dégagée par le conseil (DC, 90-280 DC du 6 décembre 1990, §16) où il est considéré que « les électeurs doivent être appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ». Ce principe peut être entendu de deux manières. Selon une première interprétation, un délai rigoureusement similaire séparant des consultations identiques doit être observé, les élections municipales générales étant par exemple toujours séparées de six ans comme semble l’exiger l’article L. 227 du Code des communes. Mais il peut aussi signifier, de façon plus souple, que l’intervalle séparant deux consultations de même nature ne soit pas démesurément long.  

Quoi qu’il en soit, le Conseil considère depuis ces décisions que le législateur peut porter une atteinte à cette périodicité lorsqu’elle a un caractère exceptionnel et transitoire. Le législateur doit adapter le régime électoral des assemblées locales à certains besoins, mais, il ne faudrait cependant pas que la succession des lois fasse en sorte que ce caractère « transitoire » s’estompe trop fortement.  

 

Dans le cas actuel, il s’agit d’une situation inédite et exceptionnelle. En l’espèce, il serait question de reporter au minimum les élections de 12 semaines. Alors, qu’en principe, ce report pourrait soulever certaines difficultés dans la mesure où le délai de report est élevé et que face à l’incertitude quant à l’évolution de la situation, il est susceptible d’être rallongé, certaines élections locales ont été néanmoins reportées de plus d’un an face à des situations présentant un caractère bien moins exceptionnel.   

  

2 -Les conséquences d’un report du second tour des élections sur le 1er tour des municipales  

Les conséquences du report du 1er tour 

Le décret du 17 mars 2020 décide du report du second tour des élections municipales.  

Or, d’après un certain nombre de constitutionnalistes, l’élection municipale forme un tout indissociable de deux tours (si besoin), séparés d’une semaine. Dans cette logique, le report du second tour devrait, selon eux, a minima, entrainer l’annulation partielle des opérations électorales du 1er tour, seules les élections acquises en un tour pouvant être validées. 

Dans l’allocution du 16 mars 2020, le président mentionnait le fait que près de 30 000 communes en France auraient déjà élu les membres du conseil municipal dès le premier tour des élections. En cohérence, le décret du 17 mars mentionne que, dans 4 922 communes, un deuxième tour est nécessaire. 

Le pouvoir exécutif, dans le souci de respecter au mieux l’expression démocratique, a pris la décision de ne pas procéder à l’annulation des résultats du premier tour, y compris pour les élections non encore acquises, avec toutes les conséquences sur les possibilités de maintien et de fusion au second tour que cela entraine. 

Si l’on fait abstraction des débats doctrinaux sur la validité juridique de ce procédé (en l’absence de tout texte envisageant clairement la question), il n’en reste pas moins que des questions très concrètes vont se poser. 

 

Les conséquences pour les candidats et conseils en place 

Premièrement, la date de dépôt des candidatures du deuxième tour doit en principe intervenir le mardi précédant le dimanche du deuxième tour, au plus tard à 18 heures. Le décret du 17 mars n’abordant pas ce point, la loi devra définir ce qu’il en est pour le second tour, qui devrait se tenir (d’après les premières annonces) le 21 juin. 

Deuxièmement, la loi devra prévoir une suspension de la campagne officielle jusqu’à l’amorce du second tour, et ce d’autant que l’obligation de confinement de la population rend toute action de propagande totalement vaine. Dans cette attente, il faut inévitablement considérer que les restrictions pesant sur la communication institutionnelle en période préélectorale continuent à s’appliquer dans les communes concernées, jusqu’au second tour prévu au mois de juin. 

Troisièmement, en principe, les conseillers municipaux cessent leur mandat au moment du scrutin, à l’exception des maire et adjoints, qui conservent leurs fonctions jusqu’à l’élection du nouveau maire lors du conseil municipal d’installation. Il résulte d’un principe traditionnel du droit public consacré en 1952 par la jurisprudence que l’autorité désinvestie restée provisoirement en fonction est en charge de l’expédition des seules affaires courantes (CE, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, n° 86015). Ce principe a été posé afin d’éviter que des décisions importantes soient prises durant cette période transitoire par l’équipe sortante. En revanche, la continuité du service public rend nécessaire la gestion habituelle et courante de l’administration par les équipes évincées, ceci afin d’éviter de tomber dans un immobilisme complet jusqu’à l’élection du nouveau conseil. Il est particulièrement inconfortable de maintenir ce régime de pouvoirs limités à la gestion des affaires courantes sur une période aussi longue, dont il n’existe aucun précédent. Toutefois, là encore, compte tenu des circonstances exceptionnelles, les communes ne devraient pas se trouver dans une situation très différente des autres collectivités, qui verront leurs projets immanquablement gelés durant cette période. 

 

La prolongation des mandats des élus en place 

Reporter la date de l’élection conduit indirectement le législateur à allonger la durée du mandat des conseillers municipaux élus en mars 2014, et à raccourcir celle des conseillers municipaux à élire. Partant, les mandats des élus locaux alors que ceux-ci ont été désignés par les électeurs pour une durée, fixée au moment de l’élection, voient la durée de leur mandat modifiée en cours de mandat.  

Si cela peut paraitre étonnant, il faut néanmoins observer que des précédents de prolongation de mandats locaux de plusieurs mois existent, y compris dans une époque récente (on songera notamment aux dernières élections départementales, finalement tenues en mars 2015, soit un an après le terme normal du mandat de la moitié des conseillers généraux, à la suite de la réforme du mode de scrutin). 

Enfin, la loi devra régler l’épineuse question de la composition des conseils communautaires, qui pourront, dans cette période transitoire, rassembler à la fois des élus nouvellement élus au premier tour, et des élus issus de l’ancienne mandature, qui ont en principe cessé leur mandat. Cette question fait l’objet d’une autre brève ci-après. 

Covid-19 : quelles incidences sur les marques ?

Alors que le Directeur général de l’organisation mondiale de la santé annonçait le 11 mars dernier que l’épidémie de Covid-19 pouvait être qualifiée de pandémie, l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) n’a pas tardé à réagir face à cette situation exceptionnelle.  

En effet, l’épidémie emporte une incidence considérable sur les communications à l’échelle européenne et mondiale et par voie de conséquence entre EUIPO et ses parties prenantes à l’échelle internationale.  

En conséquence, le Directeur exécutif de l’EUIPO a signé, le 16 mars 2020 une décision qui entrera en vigueur le jour suivant sa publication au Journal Officiel de l’Office suivant laquelle il est décidé de la suspension de l’ensemble des délais de procédure expirant entre le 9 mars 2020 et le 30 avril 2020.  

L’ensemble des délais est donc prorogé jusqu’au 1er mai 2020. En pratique, cela signifie que l’ensemble des délais sont prorogés jusqu’au lundi 4 mai 2020, le vendredi 1er mai étant férié.  

Dans ce contexte de propagation rapide et constante de la COVID-19, il faut envisager que, comme l’avait fait le Directeur de l’Office Chinois de la Propriété Intellectuelle le 14 février dernier, le Directeur de l’Institut National de Propriété Intellectuel prenne à son tour une mesure visant à la prorogation des délais de procédure.  

Il ne faudra pas manquer de s’enquérir des nouvelles décisions des Directeurs d’Office au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie du Coronavirus et veiller à prendre note de l’ensemble des dates de reprises des procédures afin de ne pas manquer de protéger ou défendre ses droits.  

Ainsi, alors que les Offices tentent de prendre des mesures conservatrices des droits de leurs parties prenantes, les premiers dépôts de marques liés au virus sont déjà apparus aux USA et en Chine.  

Il est cependant à ce jour trop tôt pour mesurer l’ampleur de ce phénomène de dépôt douteux puisque toutes ces demandes doivent être publiées au Bulletin Officiel des Offices, les plus récentes ne l’ayant donc pas été.  

Il ne fait toutefois que peu de doute que ces demandes seront rejetées, toutefois le fondement juridique d’un tel refus n’est pas encore connu.  

Il est de la responsabilité de tous les Directeurs des Offices dans le monde de communiquer leurs lignes directrices pour l’examen des demandes de marques liées au Coronavirus COVID-19. 

Pour mesurer l’ampleur de ces dépôts reposant sur ce fléau mondial, il suffit de se reporter aux dires de l’Office Chinois de Propriété Intellectuelle qui affirme avoir reçu plus de 1000 demandes de dépôt de marque « CORONAVIRUS » désignant par exemple les classes 25 (vêtements) et 41 (divertissement) mais également des demandes portant sur le nom de l’hôpital construit en urgence, a fait l’objet de plusieurs dépôts, tout comme le nom du docteur Li Wenliang lanceur d’alerte et victime de ce virus… 

 

Les marques du tourisme subissent quant à elles l’impact de l’épidémie du Coronavirus et son retentissement sur la bourse mondiale.  

Partout dans le monde le secteur du voyage est particulièrement touché, le prix des actions des compagnies aériennes comme des grands groupes hôteliers est en chute libre, emportant une dévalorisation considérable de leurs marques.  

Et nous pourrons terminer par évoquer la marque de bière mexicaine « Corona » dont l’image de marque est particulièrement touchée par ce virus. Nul doute que les équipes de communication dédiées à cette marque vont devoir redoubler d’effort et d’imagination pour convaincre les populations que cette marque n’est pas liée au Virus.

Covid-19 : quels impacts sur les procédures en urbanisme ?

L’épisode du confinement lié au coronavirus impacte de nombreux domaines du droit. Pour certains d’entre eux, le gouvernement a commencé à apporter des réponses. Ainsi et par exemple, en matière de marchés publics, il a été annoncé que le coronavirus sera considéré comme un cas de force majeure justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles. 

S’agissant des procédures d’urbanisme, aucune communication propre à cette matière n’est intervenue pour l’instant.   

Nous pouvons penser que la force majeure pourra également trouver à s’appliquer dans certains cas. Si la jurisprudence ne donne que peu d’applications de cette notion en urbanisme, tel a, notamment, pu être le cas en matière de délai de validité d’un permis de construire lorsque la force majeure empêche la réalisation des travaux (entraînant alors une suspension du délai de validité : CE, 28 janvier 1955, Cts Robert et Bernard: Lebon 54, concl. Grévisse ; CE, 30 janvier 1985, Doumergue, n° 139417).  

Par ailleurs, un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 en discussion ce 18 mars nous donne des indications des mesures qui pourraient s’appliquer au droit de de l’urbanisme.  

En effet, au regard des informations disponibles, celui-ci devrait prévoir de permettre au gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure : 

  • Adaptant les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative, ainsi que les délais de réalisation par les entreprises ou les particuliers de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposés par les lois et règlements ;

     

  • Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté, ou toute sanction ou autre effet. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 14 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19 ;

     

  • Adaptant, aux seules fins de limiter pendant la durée de propagation du virus Covid-19 les contacts physiques entre les personnels des juridictions, et entre ces derniers et les justiciables, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure, à la publicité des audiences, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions en matière civile, sociale et commerciale. 

 

Ainsi, s’agissant de l’urbanisme, l’on peut notamment noter que des mesures seront prises quant aux délais de procédure et notamment les délais de recours devant le juge administratif. Cela apparaissait prévisible dans la mesure où il est difficile d’imposer le respect d’un délai de recours déclenché par un affichage sur le terrain en période de confinement.  

Par ailleurs, les délais d’instruction des demandes d’autorisation devraient être adaptés, ce qui apparaît également souhaitable afin d’éviter, par exemple, que les difficultés d’organisation résultant du confinement entraînent la délivrance d’autorisations tacites involontaires.  

Sont également prévues des mesures relatives à la question de la participation du public qui ne peut, évidemment, pas avoir lieu efficacement pendant la période de confinement (du moins lorsqu’elle n’est pas dématérialisée). 

Parmi les questions restantes, reste, notamment, l’adaptation de la procédure d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme et les avis à recueillir dans ce cadre (notamment les personnes publiques associées).  

En outre, les différentes dispositions à intervenir seront-elles applicables aux procédures en cours (dossier de demande d’autorisation d’ores et déjà déposé ou procédure d’élaboration prescrite) ? 

Dans l’attente des précisions à intervenir, il conviendra de demeurer vigilant afin de sécuriser au maximum les procédures d’urbanisme et d’aménagement en cours et à intervenir.  

Lutte contre l’impact économique du coronavirus : les annonces de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat

Lors de la vidéoconférence des dirigeants de l’UE qui s’est tenue le 10 mars dernier sur la réponse à apporter à l’épidémie de COVID-19, la présidente de la Commission européenne a déclaré que la Commission veillerait à ce que des aides d’Etat puissent être accordées aux entreprises qui en ont besoin. 

Un communiqué de presse du 13 mars dernier est venu préciser le sujet. La Commission européenne y indique qu’elle utilisera tous les instruments juridiques à sa disposition pour atténuer les conséquences de la pandémie en cours, en particulier en permettant aux États membres « d’agir de manière décisive et coordonnée, en utilisant toute la flexibilité [des] cadres instaurés par les aides d’Etat ».   

A cette occasion, la Commission souligne que les règles européennes en matière d’aides d’État permettent aux États membres de prendre des mesures rapides et efficaces pour aider les entreprises, et en particulier les PME, qui sont confrontées à des difficultés économiques en raison de l’épidémie de COVID-19. On pense en particulier aux aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. 

La Commission souligne également que les Etats membres peuvent concevoir de larges mesures de soutien conformes aux règles en vigueur en matière d’aides d’Etat.  

Elle indique à cet égard que l’article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE, qui dispose que sont compatibles avec le marché intérieur les « aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires », permet aux États membres d’indemniser les entreprises pour les dommages directement causés par des événements extraordinaires, y compris des mesures dans des secteurs tels que l’aviation et le tourisme. 

On sait par ailleurs que l’article 107, paragraphe 3, point b) du TFUE dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre », et que la Commission a admis que la crise économique et financière depuis 2008 entrait dans le champ d’application de cet article.  

La Commission souligne qu’il en va de même de l’impact de l’épidémie de COVID-19 en Italie, à raison de sa nature et de son ampleur. S’agissant des autres États membres, son appréciation concernant l’utilisation de l’article 107, paragraphe 3, point b), se fera selon une approche similaire. Tout porte donc à croire que l’évolution de la situation en France au cours des derniers jours permet également de solliciter ces dispositions. La Commission indique d’ailleurs qu’elle est « prête à travailler avec tous les États membres afin de garantir la mise en place en temps utile d’éventuelles mesures nationales de soutien pour faire face à l’épidémie de COVID-19 ». 

Il faut enfin souligner qu’un cadre juridique spécial au titre de l’article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE est en cours de préparation par la Commission, et devrait permettre de simplifier le recours à ces dispositions dans le contexte actuel. 

Au regard du droit européen, la souplesse sera de mise à n’en pas douter, pour faciliter l’intervention de l’État et des autres personnes publiques en soutien aux entreprises qui seront frappées par telle et/ou telle conséquence de cette situation sanitaire inédite. Reste à savoir si cette souplesse sera également traduite en droit français, notamment en considération de la répartition des compétences qui encadre l’action des collectivités territoriales en la matière. 

Covid-19 et baux commerciaux

Face à la menace du Coronavirus, de nombreux commerces ont dû, pour empêcher sa propagation, fermer leurs portes au public et renoncer ainsi à toute activité et revenus en découlant.  

Lors de son allocution télévisée du 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron a précisé plusieurs mesures afin de venir en aide aux petites entreprises sévèrement affectées par cette crise sanitaire. 

Le président a ainsi annoncé que « dès demain [mardi 17 février 2020], les factures d’électricité, de gaz ainsi que les loyers devront être suspendus » pour les petites et moyennes entreprises en difficulté. 

Il reste à encadrer cette suspension de paiement des loyers dans ses modalités et surtout dans sa durée. 

Il convient enfin de préciser que cette mesure concerne uniquement les entreprises et donc les loyers commerciaux et n’a donc pas vocation à s’étendre aux loyers des baux d’habitation, malgré le moratoire sollicité par la Confédération Nationale du Logement le 17 mars dernier. 

Covid-19 et contrats publics

Par une communication en date du 17 mars 2020, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures de soutien immédiates aux entreprises parmi lesquelles la « reconnaissance par l’État et les collectivités locales du Coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics », ce qui a pour conséquence que « pour tous les marchés publics d’État et des collectivités locales, les pénalités de retards ne seront pas appliquées » (https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises). 

Cette communication constitue une évolution par rapport aux précédentes déclarations du ministre de l’Economie et des Finances, datées du 29 février dernier, selon lesquelles la reconnaissance de la force majeure semblait réservée aux seuls marchés publics de l’Etat. 

Notons qu’au-delà des marchés publics, la solution devrait s’imposer également aux autres contrats de la commande publique, notamment aux contrats de concession. 

Ceci étant, si la force majeure peut conduire à la suspension, voire à la résiliation du contrat, encore faut-il rappeler qu’elle ne saurait être automatiquement retenue pour tous les contrats actuellement en cours d’exécution, même s’ils sont majoritairement concernés. 

La force majeure tient, en effet, à trois conditions.  

D’abord, l’existence d’un évènement extérieur aux parties au contrat. Tel est bien le cas s’agissant du Covid-19.  

Ensuite, la force majeure doit résulter d’un évènement imprévisible. A ce titre, un doute pourrait exister sur le caractère imprévisible du Covid-19 et de ses conséquences pour les contrats récemment conclus, alors que son existence était déjà connue.  

Enfin, l’évènement doit être irrésistible, ce qui implique d’établir que les conséquences de l’épidémie – notamment les mesures imposées par le Gouvernement afin de lutter contre sa propagation – rendent impossible, d’une quelconque manière, l’exécution du contrat. Cette impossibilité de se soustraire aux conséquences de l’épidémie doit résulter d’éléments précis (rupture de l’approvisionnement, personnels indisponibles etc.). 

Aussi, bien qu’elles donnent d’utiles orientations sur la vie des marchés publics dans les conditions actuelles, les annonces gouvernementales ne dispensent pas les acheteurs et leurs cocontractants de se référer aux conditions ci-dessus rappelées pour déterminer s’il y a lieu de suspendre totalement ou partiellement l’exécution du contrat sans appliquer de pénalités de retard, voire de résilier le contrat. 

Toutefois, les circonstances actuelles, très particulières, conduisent sans doute à faire preuve d’une certaine tolérance dès lors que les déclarations du Gouvernement entendent écarter l’application des pénalités de retard pour « tous les marchés publics » de l’Etat et des collectivités. La Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) recommande d’ailleurs aux acheteurs publics de ne pas « hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leurs cocontractants sont imputables à un cas de force majeure » (voir la fiche explicative publiée à l’adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/fiche-passation-marches-situation-crise-sanitaire.pdf

Il semble également possible de considérer que la mise en œuvre des autres sanctions contractuelles, telle que la résiliation pour faute du titulaire, devrait être écartée sauf à ce que l’acheteur dispose d’éléments précis et concordants lui permettant de prouver que le titulaire aurait pu prendre des mesures pour poursuivre l’exécution du marché dans des conditions normales. En revanche, les parties pourront envisager une résiliation pour cause de force majeure. 

En tout état de cause, il est fortement recommandé aux acheteurs et à leurs cocontractants d’engager un dialogue afin de décider des mesures à prendre et que les parties respectent les procédures prévues dans leur contrat, notamment celles prévues dans les cahiers des clauses administratives générales et particulières. 

En dernier lieu, en ce qui concerne la passation des contrats, les acheteurs publics peuvent mettre en œuvre une publicité limitée à dix jours en cas d’urgence (article R. 2161-8, 3° du Code de la commande publique), voire passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables en cas d’urgence impérieuse (article R. 2122-1 du Code de la commande publique) mais, dans ce dernier cas, le marché doit être limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence. La DAJ rappelle néanmoins que ces marchés « pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger » (v. la fiche explicative précitée). 

Suite de la saga de l’action directe du sous-traitant à l’encontre du maître de l’ouvrage

Par un arrêt rendu le 13 février 2020, la Haute juridiction est revenue non seulement sur l’acceptation tacite du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement mais plus généralement sur la portée de l’action directe d’un sous-traitant à l’encontre du maître de l’ouvrage. 

Pour mémoire, la sous-traitance est régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dont les dispositions sont d’ordre public.   

Il résulte des dispositions de l’article 6 de cette loi que, une fois accepté et ses conditions de paiement agrées par le maître d’ouvrage, le sous-traitant a droit au paiement direct par lui pour les prestations dont il assure l’exécution. 

En pratique, en application des dispositions de l’article 12 de cette même loi, le sous-traitant dispose d’une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne le paie pas un mois après en avoir été mis en demeure, étant précisé que la copie de cette mise en demeure doit être adressée au maître de l’ouvrage. Les sommes qui sont dues sont celles mentionnées dans le contrat de sous-traitance.  

En l’espèce et d’un point factuel, une entreprise principale a sous-traité le lot couverture et bardage à une société. 

Après réception, le sous-traitant a mis en demeure l’entreprise principale de lui régler le solde de son marché et en a adressé une copie au maître de l’ouvrage. 

Devant l’inaction de l’entreprise principale, le sous-traitant assigne directement en paiement le maître de l’ouvrage.  

Aux termes d’un arrêt rendu le 30 août 2018, la Cour d’appel de Douai a fait droit à cette action directe mais a toutefois limité le montant initialement réclamé par le sous-traitant. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le sous-traitant en ces termes : 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le maître de l’ouvrage avait accepté tacitement la société Soprema et agréé ses conditions de paiement de sorte que celle-ci pouvait agir au titre de l’action directe, retenu à bon droit que les obligations du maître de l’ouvrage étaient limitées à ce qu’il devait encore à l’entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure adressée à celui-ci et constaté qu’à cette date, le solde du marché de l’entreprise principale s’élevait à la somme de 61 958,08 euros et que le maître de l’ouvrage avait par la suite réglé au sous-traitant la somme de 35 000 euros, la cour d’appel, devant qui la société Soprema n’invoquait que la privation de l’action directe au soutien de sa demande subsidiaire formée sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, a, sans modifier l’objet du litige, légalement justifié sa décision de condamner le maître de l’ouvrage à payer au sous-traitant une somme de 26 958,08 euros » 

Cette décision est sans ambiguïté : l’action directe du sous-traitant est limitée aux sommes dues à la date de la mise en demeure. 

Précisions sur la notion « d’atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants » au sens de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme

Par une décision du 13 mars 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser les atteintes causées par un projet susceptibles de fonder un refus d’autorisation ou des prescriptions en application de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme.  

Dans cette affaire, le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société Cogédim Grand Lyon en vue de l’édification d’un immeuble collectif de 39 logements sur un terrain situé 21 rue du Docteur Horand dans le 9ème arrondissement.  

Ce permis de construire a été annulé par le tribunal administratif de Lyon sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme au motif que l’implantation du bâtiment aurait pour conséquence, en raison d’une baisse de l’ensoleillement, d’altérer les conditions de fonctionnement selon les principes architecturaux dits bioclimatiques selon lesquelles elle a été réalisée en 1987, d’une maison implantée à proximité. 

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé les dispositions de l’article R. 111-27 aux termes desquelles : 

 « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ». 

 Il a, ensuite, précisé – et c’est ce qui constitue l’apport de la décision – que « ces dispositions permettent de rejeter ou d’assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain».  

 Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a annulé le jugement rendu par Tribunal administratif de Lyon pour erreur de droit en considérant que le motif retenu (altération des conditions de fonctionnement d’une construction voisine réalisée selon des principes architecturaux bioclimatiques) ne constituait pas une atteinte visible à l’environnement du projet permettant l’application des dispositions de l’article R. 111-27 précité.  

Précisions sur les modalités de transfert de la compétence d’élaboration du PLU à une communauté de communes

L’article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a organisé le transfert de la compétence plan local d’urbanisme (PLU) aux communautés de communes. Le Conseil d’Etat précise ici les conditions dans lesquelles une communauté de communes peut poursuivre la procédure d’élaboration d’un PLU engagée par une commune avant le transfert de cette compétence. 

Dans cette affaire, la commune d’Hazebrouck a prescrit l’élaboration de son PLU par une délibération du 2 juillet 2009.  

Le 30 mai 2013, le préfet du Nord a institué, à compter du 31 décembre 2013, la communauté de communes de Flandre intérieure (CCFI), regroupant six EPCI et un syndicat à vocation unique, et incluant dans son périmètre trois communes isolées, dont celle d’Hazebrouck. 

Le projet de PLU de la commune d’Hazebrouck a été arrêté par délibération du conseil municipal le 12 décembre 2013, puis approuvé le 30 septembre 2014 par une délibération du conseil communautaire de la CCFI.  

Les requérants, exploitants d’un élevage porcin implanté sur le territoire de la Commune, ont demandé au Tribunal administratif de Lille l’annulation de cette dernière délibération. Ils affirmaient notamment que la CCFI était incompétente pour approuver le PLU de la commune d’Hazebrouck. 

Dans sa décision du 12 février 2020, le Conseil d’Etat rappelle d’abord l’article L. 5214-16 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), dans sa version issue de l’article 136 de la loi ALUR, qui organise le transfert automatique de la compétence en matière de PLU aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, ainsi que le régime transitoire prévu aux points II à IV de l’article 136 précité.   

Il considère qu’il résulte de ces dispositions que si la commune, membre de la communauté de communes, a engagé la procédure d’élaboration de son PLU avant le transfert de cette compétence à la communauté de communes, cette dernière peut décider de poursuivre cette procédure, sur son périmètre initial, une fois devenue compétente et en accord avec la commune concernée.  

Il précise par ailleurs que si, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, la compétence en matière de PLU pour la conduite d’actions d’intérêt communautaire devient une compétence obligatoire des communautés de communes, les communautés de communes préexistantes qui n’étaient pas compétentes en matière de PLU avant l’entrée en vigueur de cette loi ne le deviennent qu’à l’issue d’un délai de trois ans et sauf opposition d’au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population.  

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que l’arrêté du préfet du Nord du 30 mai 2013 portant création de la CCFI ne prévoit le transfert de la compétence en matière de PLU que pour les deux communautés de communes préexistantes de l’Houtland et des Monts de Flandre-Plaine de la Lys. C’est seulement par un deuxième arrêté du 11 décembre 2015, entré en vigueur au 1er janvier 2016, que cet établissement public s’est vu transférer la compétence en matière de PLUi sur l’ensemble de son territoire.  

Dès lors, le Conseil d’Etat en conclut que la CCFI n’était pas compétente, avant le 1er janvier 2016, pour délibérer sur le plan local d’urbanisme de la commune d’Hazebrouck.  

Inclusion de terrains non constructibles dans le périmètre d’un lotissement

Par sa décision en date du 30 janvier 2020, le Conseil d’Etat admet que des terrains non destinés à être bâtis puissent être inclus dans le périmètre d’un lotissement, dès lors que leur inclusion est nécessaire à la cohérence d’ensemble de l’opération et que la réglementation qui leur est applicable est respectée. 

Dans cette affaire, le maire de Saint-Clément-de-Rivière avait délivré à la société Décathlon un permis d’aménager en vue de la réalisation d’un lotissement multi-activités sur un terrain situé en limite territoriale de la métropole de Montpellier. 

L’association « Non Au Béton » avait contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Montpellier, puis, le jugement rendu ne faisant que partiellement droit à ses demandes, s’était pourvue en cassation. 

L’association contestait notamment l’inclusion des lots n° 6 et 8, qui n’avaient pas vocation à être bâtis (non constructibles car classés respectivement en zone NC et ND), dans le périmètre du lotissement.  

L’article L. 442-1-2 du Code de l’urbanisme prévoit que le périmètre du lotissement comprend des lots destinés à l’implantation de bâtiments : « le ou les lots destinés à l’implantation de bâtiments ainsi que, s’ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots ». 

Dans sa décision, le Conseil d’Etat souligne d’abord qu’une opération d’aménagement ayant pour effet la division d’une propriété foncière en plusieurs lots constitue un lotissement s’il est prévu d’implanter des bâtiments sur l’un au moins de ces lots.  

Il rappelle ensuite qu’une telle opération doit respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols édictées par le Code de l’urbanisme et les documents locaux d’urbanisme, et qu’il appartient ainsi à l’autorité compétente de refuser le permis d’aménager sollicité lorsque le projet de lotissement prévoit l’implantation de constructions dont la conformité avec les règles d’urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d’urbanisme requises.  

Le Conseil précise toutefois que « la circonstance que certains lots ne soient pas destinés à accueillir des constructions ne fait pas obstacle, par elle-même, à la réalisation d’une opération de lotissement incluant ces lots, dès lors que leur inclusion est nécessaire à la cohérence d’ensemble de l’opération et que la règlementation qui leur est applicable est respectée ». 

Le Conseil d’Etat permet donc l’intégration de lots non destinés à être bâtis dans le périmètre d’un lotissement, sous deux conditions cumulatives : 

  • d’une part, l’inclusion de ces lots doit être nécessaire à la cohérence d’ensemble de l’opération ;  
  • d’autre part, la réglementation qui leur est applicable doit être respectée (et ce, même si le permis d’aménager n’a pour objet que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière).  

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime donc que le Tribunal administratif de Montpellier n’a pas commis d’erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que les lots n° 6 et 8 devaient en tout état de cause être exclus du périmètre du lotissement, dès lors que d’une part, ces lots participaient à l’économie générale du lotissement et d’autre part, leur exploitation était conforme à la réglementation de leurs zonages respectifs. 

Application de la jurisprudence « CFDT Finances » aux déclarations d’utilité publique

Par un arrêt en date du 27 décembre 2019, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé que les vices de forme et de procédure d’une déclaration d’utilité publique ne pouvaient être utilement invoqués par la voie de l’exception d’illégalité. 

Dans cette affaire, la commune de Besançon avait décidé d’aménager un secteur situé au nord-est de la commune afin d’y réaliser un « éco-quartier » dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté. Le préfet du Doubs avait déclaré d’utilité publique cette opération puis déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet d’éco-quartier.  

Les requérants, propriétaires de terrains situés dans le périmètre de l’opération contestée, avaient demandé l’annulation devant le Tribunal administratif de Besançon de l’arrêté de cessibilité, en excipant notamment de l’illégalité pour vices de forme et de procédure de l’arrêté portant déclaration d’utilité publique.     

Dans sa décision, la Cour administrative d’appel de Nancy rappelle d’abord que l’arrêté de cessibilité et l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel il a été pris constituent les éléments d’une même opération complexe et qu’ainsi, à l’appui de concluions dirigées contre l’arrêté de cessibilité, un requérant peut se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité de l’acte déclarant d’utilité publique l’opération.   

Toutefois, elle relève que si, à l’appui de la contestation ainsi formée par voie d’exception, la légalité interne de la déclaration d’utilité publique, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours en annulation dirigé contre la déclaration d’utilité publique et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux. 

La Cour fait donc application de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 18 mai 2018 « Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT » (n° 414583), selon laquelle sont inopérants les moyens tirés des vices de forme et de procédure dont seraient entachés des actes règlementaires attaqués par la voie de l’exception.  

En l’espèce, l’arrêté portant déclaration d’utilité publique étant devenu définitif, les requérants ne pouvaient donc utilement soulever, dans le cadre d’une exception d’illégalité, les moyens tirés de l’insuffisance du dossier d’enquête publique relative à la déclaration d’utilité publique, du caractère insuffisamment motivé des conclusions du commissaire enquêteur, de l’insuffisance de l’étude d’impact sur l’environnement, du caractère erroné de l’appréciation sommaire des dépenses et de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale

Précisions sur la personne compétente pour octroyer les autorisations d’occupation du domaine public aux exploitants de réseaux ouverts au public visés au premier alinéa précité de l’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques

Par une décision du 24 février 2020, le Conseil d’État a tranché la question tendant à savoir si la délégation à un tiers de la gestion du service public exploité au moyen d’un réseau (d’assainissement ici) relevant du domaine public emporte automatiquement transfert au délégataire de la compétence d’autoriser l’occupation dudit domaine public à un exploitant de réseau de communications électroniques sur le fondement de l’article L. 45-9 du Code des postes et des communications électroniques. 

En l’espèce, le département des Hauts-de-Seine a conclu, le 31 décembre 1993, avec la société des Eaux de Versailles et de Saint-Cloud (ci-après, la « SEVESC »), une concession de service public ayant pour objet l’assainissement et la gestion des ouvrages publics nécessaires au bon fonctionnement de ce service.  

Par ailleurs, le 30 novembre 2007, le département des Hauts-de-Seine et la société Colt Technology Services (ci-après, la « société CTS ») ont conclu une convention d’autorisation du domaine public aux termes de laquelle le département autorisait la société CTS, sur le fondement de l’article L. 45-9 du Code des postes et des communications électroniques, à occuper le réseau d’assainissement départemental en vue de l’exploitation d’un réseau de communications électroniques par ladite société. 

Au titre de l’année 2015, le département des Hauts-de-Seine a émis à l’encontre de la société CTS un titre exécutoire en vue du recouvrement de la redevance correspondant à cette occupation du domaine public.  

La société CTS a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour obtenir l’annulation du titre exécutoire au motif que la SEVESC était seule compétente, en sa qualité de concessionnaire du service public d’assainissement, pour délivrer l’autorisation d’occupation du domaine public portant sur le réseau d’assainissement que le département lui avait donné en exploitation.  Le Tribunal administratif a rejeté sa demande mais la Cour administrative d’appel de Versailles a, sur appel de la société CTS, annulé ce jugement et le titre exécutoire litigieux. Le département des Hauts-de-Seine s’est donc pourvu en cassation contre cet arrêt. 

Dans le cadre de cette affaire, il revenait au Conseil d’État de trancher la question de droit suivante : la délégation à un tiers de la gestion du service public exploité au moyen d’un réseau public relevant du domaine public routier ou non entraîne elle nécessairement un transfert au délégataire de la compétence pour autoriser l’occupation de ce réseau par (ici) les exploitants de réseaux ouverts au public visés au premier alinéa précité de l’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques. 

Le Conseil d’État répond par la négative. Il commence par rappeler les termes des articles L. 45-9 et L.47-1 du Code des postes et communications électroniques et déduit de ces articles qu’ « il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucun texte, que la délégation à un tiers de la gestion du service public exploité au moyen d’un réseau public relevant du domaine public routier ou non entraîne nécessairement, dans le silence de la convention, le transfert au concessionnaire de la compétence pour autoriser l’occupation de ce réseau par les exploitants de réseaux ouverts au public visés au premier alinéa précité de l’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques, ainsi que pour fixer et percevoir les redevances correspondantes ». 

Appliquant le principe ainsi dégagé au cas d’espèce, le Conseil d’État juge que la cour administrative d’appel de Versailles ne pouvait pas se fonder, pour faire droit aux conclusions de la société CTS, sur le fait qu’il n’appartenait qu’à la SEVESC, concessionnaire du service public départemental de l’assainissement et gestionnaire des ouvrages publics nécessaires au bon fonctionnement de ce service, d’octroyer les permissions d’occupation du domaine public constitué par le réseau départemental d’assainissement et de percevoir les redevances correspondantes dès lors que cette compétence ne lui avait pas été expressément transférée par le département des Hauts-de-Seine dans le cadre de la délégation de service public

Au surplus, le Conseil d’État souligne que l’avenant au contrat de concession conclu entre le département Hauts-de-Seine et la SEVESC aux termes duquel ils avaient convenu que « toute utilisation du patrimoine qui ne répondrait pas aux nécessités du service public de l’assainissement relève de la compétence du Département en sa qualité de propriétaire des ouvrages et équipements, et autorité organisatrice du service d’assainissement » se bornait à rappeler le principe dégagé par le Conseil d’État et n’avait pas eu pour effet de confier à la SEVESC la compétence pour octroyer l’occupation de ce réseau par les exploitants de réseaux ouverts au public visés au premier alinéa précité de l’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques, ainsi que pour fixer et percevoir les redevances correspondantes. 

En conclusion, le Conseil d’État annule l’arrêt litigieux et, n’usant pas de son pouvoir d’évocation, renvoie l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Versailles. 

 

Covid-19 et justice civile

A compter de ce jour, toutes les audiences civiles sont supprimées, y compris en matière de référé, de juge de l’exécution et de mise en état. Les affaires font l’objet d’un renvoi sur un rôle d’attente et les délibérés prévus seront tous prorogés à une date ultérieure. 

S’agissant des affaires nouvelles et en cas d’urgence, il demeure possible de saisir les juridictions d’une requête à fin d’être autorisé à assigner d’heure à heure ou une requête.  

Les Associations syndicales libres et la domanialité publique

Depuis l’entrée en vigueur l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et son décret d’application du 3 mai 2006, le domaine public des personnes publiques est incompatible avec le périmètre des associations syndicales libres. 

 Mais les deux régimes n’étaient pas incompatibles sous l’ancienne législation applicable à ces associations syndicales de propriétaires. 

 Le Conseil d’Etat a été amené ainsi dans son arrêt du 10 mars 2020, à expliciter les conséquences de cette modification de régime, sur l’appartenance au domaine public d’un immeuble inclus dans le périmètre d’une telle association. 

Plus particulièrement, en l’espèce, une ASL crée en 1858, a saisi le Tribunal de grande instance, devenu le Tribunal judiciaire, tendant à faire constater que la commune est membre de cette ASL en qualité de propriétaire de six parcelles cadastrales situées à l’intérieur du périmètre d’une cité. 

Le Tribunal judiciaire a sursis à statuer sur l’action, jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur l’appartenance au domaine public communal desdites parcelles et dise, le cas échéant, si leur affectation, actuelle ou projetée, est compatible avec les obligations découlant de leur appartenance au périmètre de l’association syndicale. 

Cette ASL était soumise au régime de la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales. 

Toutefois, ce régime a été abrogé et remplacé par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004. 

Ainsi, l’article 6 de cette ordonnance prévoit que les créances de toute nature d’une association syndicale de propriétaires à l’encontre de l’un de ses membres sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de ce membre compris dans le périmètre de l’association. 

Dès lors, le Conseil d’Etat considère qu’il découle de cet article que « le régime des associations syndicales est, depuis leur entrée en vigueur, incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité ». 

Enfin, Le Conseil d’Etat tire les conséquences d’une telle incompatibilité. 

En premier lieu, l’ordonnance n° 2004-632 n’a toutefois pas eu pour effet d’emporter le déclassement des biens qui, avant son entrée en vigueur, appartenaient déjà au domaine public et se trouvaient compris dans le périmètre d’une association syndicale. « Dans ce cas, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’un déclassement, ces biens continuent d’appartenir au domaine public et l’incompatibilité des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 avec le régime de la domanialité publique a pour seule conséquence l’impossibilité pour l’association syndicale de mettre en œuvre, pour le recouvrement des créances qu’elle détient sur la personne publique propriétaire, la garantie de l’hypothèque légale sur les biens inclus dans le périmètre et appartenant au domaine public ». 

 En second lieu, un immeuble inclus dans le périmètre d’une association syndicale et qui, à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2004-632, n’appartenait pas au domaine public d’une personne publique « ne peut devenir une dépendance de ce domaine, alors même qu’il serait affecté à l’usage direct du public ou qu’il serait affecté à un service public et aurait fait l’objet d’aménagements propres à lui conférer cette qualification ». 

Salariés : les mesures à prendre par l’employeur face au Covid-19

 1 – Les principes généraux en matière de santé et sécurité au travail : 

L’employeur a l’obligation de justifier avoir mis en œuvre les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. 

A défaut le salarié peut user de son droit de retrait et refuser de se rendre dans une zone à risques dès lors qu’il existe un motif raisonnable de penser qu’il y a un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. 

Pour s’opposer à ce droit de retrait il faut être en mesure de démontrer que les mesures de prévention et de protection nécessaires ont été prises. 

Si le droit de retrait est manifestement abusif, une retenue sur salaire pour inexécution de la prestation de travail pourra être effectuée. 

 

2 – Les mesures à prendre en période de pandémie : 

Dans cette période où les risques de propagation d’une maladie sont particulièrement élevés l’employeur, pour remplir l’obligation ci-dessus exposée doit être particulièrement vigilant et veiller à prendre les mesures ci-après dès lors que la mise en œuvre du télé travail ne se révèle pas possible pour l’ensemble du personnel. 

A - Mesures d’information et de prévention : 

  • Consultation préalable du Comité Social et Economique (CSE) et implication du médecin du travail afin de mener des actions en matière de santé, d’hygiène et de sécurité ;
    Les réunions du CSE pourront se faire et visioconférence et si cela n’est pas possible, il faudra veiller à conserver une distance d’un mètre entre membre de cette organisation.
  • Mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) afin d’intégrer le risque épidémique et les actions menées pour limiter ce risque ;
  • Acquisition de matériel d’hygiène (savon, gel hydro alcoolique, masques FFP2, blouses à usage unique, etc.) associée à une information du personnel sur leur utilisation (le gouvernement a d’ailleurs publié des affiches pouvant être diffusées et postées dans les locaux de l’entreprise : gouvernement.fr/info-coronavirus ) ;
  • Elaboration de consignes en matière de sécurité et d’hygiène liées au risque épidémique ;
  • Formation du personnel concernant l’ensemble des mesures prises afin de garantir leur application ;
  • Création d’un dispositif de communication entre les salariés et l’employeur du type chat interne (exemple : wechat group) pour échanger avec salariés sur l’évolution de la situation et les mesures à prendre ; 
  • Information des salariés (par email ou autre) sur l’état d’avancement de l’épidémie à l’aide des informations fournies par le Gouvernement ;
  • Possibilité de limiter l’emprunt des transports publics en finançant des modes privés de déplacements (taxis, chauffeurs privés, covoiturage, etc.) ;
  • Dresser un carnet de route permettant le suivi des déplacements des salariés (séjours dans des zones à risques). 

 

B –  Mesures permettant d’organiser le travail : 

  •  Mise en place ou mise à jour du plan de continuité de l’activité (PCA)
    Ce document facultatif liste l’ensemble des mesures visant à assurer le maintien de l’activité essentielle de l’entreprise tout en préservant la santé et la sécurité des salariés (scénarios d’absentéisme, hiérarchisation des missions, modifications de l’exécution du travail, etc.) ;
  • Adaptation de l’organisation du travail (nouveaux horaires collectifs, aménagement de postes, aménagement des lieux de travail, polyvalence pour remplacer les salariés absents) via un accord d’entreprise ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur après avis du CSE ;
  • Aménager la durée du travail en cas de surcroît temporaire d’activité après information /autorisation de l’inspection du travail et avis du CSE (suspension du repos hebdomadaire et/ou quotidien, dépassement de la durée quotidienne du travail maximale et du travail de nuit, dérogation à la durée maximale de travail) ;
  • Mise en place du télétravail pour les salariés dont les fonctions sont compatibles avec un tel mode d’organisation du travail. 

 

3 – Que faire si un cas de coronavirus se révèle dans l’entreprise ? : 

 A - Les mesures de prévention : 

L’employeur doit informer les salariés et mettre en place les mesures suivantes dans les 14 jours : 

  •  Interdire tout voyages d’affaire (zone à risques ou non) ;
  • Interdire tout rendez-vous physique avec des clients ;
  • Interdire toute réunion, rassemblement ou évènement collectif ;
  •  Imposer le télétravail aux salariés en cas de risque d’épidémie, aucun formalisme n’est imposé (art. L.1222-11 du Code du travail) ;
  • Imposer aux salariés le port de masques en cas de risque avéré (à retranscrire dans le DUER) ;
  • Proposer et organiser le rapatriement des salariés situés dans des zones impactées ;
  • Restreindre ou interdire l’accès aux locaux aux salariés infectés si le télétravail n’est pas possible, leur rémunération sera maintenue ;
  • Mise en quarantaine par le salarié lui-même (salarié à risque ou infecté) qui doit contacter le 15 ou un médecin de l’ARS (seul habilité à délivrer un arrêt de travail correspondant à la durée de l’isolement de 14 jours). Le Gouvernement déconseille fortement de se rendre aux urgences hospitalières et de consulter un médecin traitant ;
  • Poser des congés pour couvrir la période de 14 jours de quarantaine ; 

 

B - Que faire en cas d’alerte du représentant du personnel ? :

Une enquête doit être ouverte par l’employeur conjointement avec le membre du CSE ayant émis l’alerte. 

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser : 

  • Le CSE est impérativement réuni, en urgence, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures. L’employeur informe immédiatement l’agent de contrôle de l’inspection du travail et l’agent du service de prévention de la CARSAT (ou CRAMIF en Île-de-France), qui peuvent assister à la réunion du comité social et économique (C. trav., art. L. 4132-3). 
  • Le CSE se prononce par un vote (à notre sens, l’employeur ne prend pas part à ce vote) ;
  • A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur. 

 

Enfin dans la situation particulière de pandémie, même si le Code du travail n’envisage pas formellement qu’un travailleur effectue directement une alerte, il est fortement conseillé de prendre en compte cette alerte et de mettre en œuvre les mesures sus visées.  

Si l’urgence l’exige, l’employeur pourra en outre prendre des mesures conservatoires. 

Clause de conciliation préalable inapplicable et recevabilité de l’action des acquéreurs en nullité de vente

Un couple a acquis une maison d’habitation sur laquelle sont apparues des fissures. Ces acheteurs ont donc assigné les vendeurs en nullité de la vente pour dol et garantie des vices cachés.  

Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre par les acquéreurs de la clause de conciliation préalable figurant à l’acte de vente.  

La Cour d’appel a cependant déclaré l’action des acheteurs recevable.  

La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel, considérant “que la clause prévoyant le recours préalable à un conciliateur, rédigée de manière elliptique en termes très généraux, était une « clause de style », la cour d’appel, qui n’a pas modifié l’objet du litige, a déduit à bon droit, de ces seuls motifs, qu’il ne s’agissait pas d’une clause instituant une procédure de conciliation préalable et obligatoire« .  

La Cour d’appel, interprétant souverainement les termes du contrat, a jugé qu’il s’agissait d’une clause de style, c’est à dire d’une clause introduite par les parties sans qu’ils y aient vraiment porté attention et sans que cela puisse donc traduire une volonté commune de la mettre en œuvre en cas de litige.  

Dès lors, cet arrêt rappelle combien il est important de rédiger l’ensemble des clauses du contrat de façon claire et précise.  

Cet arrêt peut également être mis en perspective avec les termes de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui impose désormais un préalable de médiation, de procédure participative ou de conciliation pour les litiges de moins de 5000 euros et dans certaines matières définies par la loi.