Entreprises et COVID-19 : Que faire après la crise ?

La question majeure que se posera l’ensemble des Entreprises les prochaines semaines – une fois la crise sanitaire endiguée – sera la suivante : 

« Comment rebondir ? » 

Au-delà des mesures qui ont été annoncées par le Gouvernement pour soutenir les Entreprises durant cette crise sanitaire et celles qui le seront les prochaines semaines par voie d’ordonnance, il est patent, et ce depuis plusieurs années, que les entreprises sont mal informées quant aux dispositifs qui s’offrent à elles pour prévenir de futures difficultés. 

En effet, aujourd’hui un panel de mesures existe pour soulager les entreprises lors de l’apparition des premières tensions des flux de trésorerie (mandat ad hoc, conciliation) 

Ces mesures demeurent aujourd’hui relativement méconnues. 

Pourtant, elles sont de nature à pouvoir prévenir et à faire cesser ces difficultés.  

Après avoir cherché à traiter les difficultés des entreprises, le législateur s’oriente depuis 1984 vers la prévention des difficultés des entreprises et depuis 2005 vers la sauvegarde des entreprises en difficulté. 

Selon l’article L. 611-2 du Code de commerce, une entreprise est en difficulté si elle « connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son activité ».   

Le critère d’ouverture d’une procédure collective est l’existence d’un état de cessation des paiements, lequel se définit comme étant l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (article L. 631-1 du Code de commerce) 

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.  

Le fait de prévenir les difficultés de l’entreprise en amont relève donc un intérêt particulier majeur. 

Prévenir les difficultés de son entreprise consiste pour le dirigeant à les anticiper dès lors que des indicateurs laissent à penser que l’entreprise se dirige vers des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.  

Outre les procédures de traitement des difficultés des entreprises (redressement judiciaire et liquidation judiciaire) et la procédure de sauvegarde qui est à la fois une procédure de traitement des difficultés et une procédure de prévention (puisque les difficultés sont avérées mais que l’état de cessation des paiements n’est pas caractérisé), la loi et la pratique ont également organisé des procédures dites de prévention des difficultés. 

Sont ainsi prévus 2 dispositifs :  

  • Le mandat ad hoc ; 
  • La procédure de conciliation. 

Ces deux processus qui sont confidentiels, permettent parfois de trouver un accord pour éviter que les difficultés soient avérées, mais ne permettent pas d’imposer des modalités aux créanciers. 

 

Le mandat ad hoc 

Son but est de rétablir la situation de l’entreprise avant la cessation des paiements. 

Le mandat ad hoc permet au dirigeant d’entreprise de négocier ses dettes sous l’égide d’un mandataire ad hoc désigné par le président du Tribunal de Commerce.  

Les mandataires ad hoc sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs). 

Lors de la désignation du mandataire, le coût de son intervention est déterminé en accord avec le chef d’entreprise. 

Toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale), mais aussi les associations, les auto-entrepreneurs, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) peuvent solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc. 

Précision importante, le débiteur ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements. 

S’agissant des difficultés, il peut s’agir de difficultés financières (non-respect des échéances normales de paiement des fournisseurs, multiplication des inscriptions de privilèges) ou encore de situations de blocage (litiges entre associés pouvant entraîner la paralysie de l’entreprise). 

Hormis le fait que l’entreprise ne doit pas être en cessation de paiement pour avoir recours au mandat ad hoc, la procédure doit suivre un cheminement particulier.  

En effet, le débiteur, ou le représentant légal de ce dernier, doit déposer une demande au greffe du tribunal de commerce s’il exerce une activité commerciale ou artisanale. Dans les autres cas, c’est le greffe du tribunal de grande instance qui se charge d’accéder à la requête.  

Celle-ci doit être effectuée par écrit, et doit impérativement faire mention des raisons de la demande. 

La durée de la procédure de mandat ad hoc n’est pas encadrée par la loi dans un délai fixe. Le plus souvent, le président assigne une durée renouvelable de la mission du mandataire ad hoc

Comme dans la conciliation, l’objectif de la procédure de mandat ad hoc est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes. 

En particulier, le mandat ad hoc permet de rechercher, avec l’aide du mandataire, les meilleures solutions de rétablissement de l’entreprise. 

Le mandataire dresse un état de la situation de l’entreprise et traite directement avec les créanciers. Ces derniers ont le choix d’accepter de coopérer ou non. En cas d’échec des négociations, le mandataire doit le signifier auprès du tribunal l’ayant désigné. En revanche, en cas d’accord trouvé avec les créanciers, un accord officiel doit être signé par ces derniers. 

Par ailleurs, il est important de souligner que durant le mandat, le dirigeant continue de gérer seul son entreprise. Aussi, il est possible de réclamer la fin de la mission du mandataire à tout moment : la demande se fait auprès du président du greffe du tribunal compétent.  

Dans ce cas, une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte et met fin à l’accord négocié avec le mandataire. 

La procédure du mandat ad hoc offre une certaine souplesse au dirigeant, qui peut notamment choisir de son plein gré de se faire assister par un mandataire, et qui peut mettre fin à cette procédure à tout moment, comme évoqué ci-dessus.  

Aussi, la procédure se déroule en toute confidentialité. Mais, l’avantage majeur réside dans le fait que le mandat ad hoc est une solution accompagnée de grandes chances de réussite.  

Ce type de procédure est confié à des experts économiques ou financiers. Ils apportent alors tout leur savoir-faire pour résoudre, le plus tôt possible, les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises qui y ont recours. 

En revanche, le mandat ad hoc présente aussi des inconvénients.  

En outre, contrairement à la conciliation, la procédure ne permet pas de suspendre les poursuites des créanciers n’ayant pas pris part à l’accord. Par ailleurs, malgré l’intervention d’un expert, le juge n’a pas beaucoup de pouvoir et ne peut donc intervenir entre les créanciers et le débiteur. Il s’agit, concrètement, d’une procédure de règlement à l’amiable afin d’éviter l’aggravation d’une situation financière délicate. 

 

La procédure de conciliation 

C’est une procédure « préventive » prévue par le Code de commerce (articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce) intervenant dans le cadre du règlement des litiges commerciaux. 

La conciliation est avant tout une procédure amiable entre une entreprise et les partenaires à qui elle doit régler des créances.  

Sa mise en œuvre est confidentielle, elle ne fait pas l’objet d’une annonce officielle et publique comme cela peut être le cas dans des démarches de plan de redressement ou de liquidation. 

Cependant, toutes les sociétés n’ont pas accès à la conciliation. Il faut justifier de difficultés financières suffisantes. L’entreprise ne doit néanmoins pas être en situation de cessation des paiements. Si jamais c’est le cas, elle dispose de 45 jours après la déclaration de cessation de paiements pour entamer une procédure de conciliation.  

La conciliation doit être sollicitée par le débiteur. Une requête est à adresser pour l’ouverture de la procédure auprès du : 

  • Tribunal de commerce pour les commerçants et les artisans ; 
  • Tribunal judiciaire pour les autres types d’entreprises. 

Le détail des comptes de l’entreprise sur les 3 dernières années est alors demandé pour justifier la conciliation. Le dirigeant déclare cependant sur l’honneur ne pas avoir ouvert de procédure similaire durant les 3 derniers mois avant le dépôt de la demande auprès du tribunal. Afin de respecter les délais autorisés, il est également requis de préciser la date de début de cessation des paiements s’il y en a une. 

Les conciliateurs sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs). 

La durée de la procédure de conciliation est de 4 mois maximum, renouvelable pour un mois à la demande exclusive du conciliateur. 

Dès lors que la procédure de conciliation est déclenchée, les créanciers ne pourront plus demander le redressement ou la liquidation de l’entreprise. 

Comme dans le mandat ad hoc, l’objectif de la procédure de conciliation est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes. 

En particulier, la conciliation permet la mise en place d’un accord (moratoire, renégociation d’emprunt, etc.) lorsque l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements ou ne s’y trouve pas depuis plus de 45 jours.   

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers et partenaires, destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise et assurer sa pérennité. 

Il peut présenter des propositions en vue de la sauvegarde de l’entreprise, de la poursuite de l’activité et du maintien de l’emploi. 

Il peut se voir confier la préparation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourra être mise en œuvre dans le cadre d’une éventuelle procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. 

Les parties à la conciliation peuvent demander au président du tribunal de constater leur accord, ce qui permettra d’obtenir une force exécutoire. L’accord est confidentiel et seuls les signataires y sont tenus. 

Le débiteur peut également demander une homologation de l’accord de conciliation au tribunal à condition : 

  • qu’il ne soit pas en cessation des paiements ; 
  • que l’accord assure la pérennité de l’entreprise ; 
  • et que l’accord ne lèse pas les intérêts des créanciers non signataires. 

L’homologation de l’accord de conciliation empêche ou stoppe toute poursuite judiciaire de la part de ses signataires, et lève l’interdiction éventuelle d’émettre des chèques. Une publication au BODACC est effectuée. 

Les créanciers qui apportent des fonds, des biens ou des services dans le cadre de la procédure de conciliation bénéficient d’un privilège de conciliation si l’entreprise est par la suite mise en redressement ou en liquidation judiciaire. 

 

En conclusion, outre les mesures mises en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises durant l’actuelle crise sanitaire, celles-ci ne devront pas hésiter à employer les procédures préventives prévues par le Code de commerce. 

Même si la procédure est plus lourde à mettre en œuvre, la procédure de conciliation présente de meilleurs avantages que le mandat ad hoc puisque l’accord permet de suspendre les poursuites individuelles, contrairement au mandat ad hoc. 

Les entreprises qui emploieront ces dispositifs auront de meilleures chances de rebondir après cette crise sans précédent, laquelle laissera certainement une trace majeure dans notre manière de construire notre économie. 

Après avoir engagé et bénéficié des mesures de soutien prises par le Gouvernement, il est donc impérieux que les chefs d’entreprise se rapprochent des greffes des tribunaux de commerce afin de pouvoir mettre en œuvre ces dispositifs. 

Par Hakim Ziane

Brèves de jurisprudence

Permis de construire- dualité des moyens- surface de vente- doute – inopérance des moyens tirés du défaut d’autorisation d’exploitation commerciale  

CAA Marseille, 5 mars 2020, n° 19MA03044 

La CAA de Marseille juge que les moyens dirigés contre une autorisation d’urbanisme qui n’a pas été soumise à l’examen pour avis de la CDAC fondés sur la méconnaissance du code de commerce sont inopérants, nonobstant les doutes qui ressortiraient de l’analyse des pièces du dossier quant à la surface de vente effectivement réalisée.  

 

Une commune d’implantation est-elle recevable à solliciter du juge administratif l’annulation d’un avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), sur le fondement duquel elle avait dû refuser la délivrance d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ?  

CAA Nantes, 28 février 2020, n°19NT02099 Commune de Guignen

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, le contentieux de l’urbanisme commercial ne cesse de soulever des interrogations entre l’articulation des anciennes et nouvelles règles en matière de délivrance des autorisations d’exploitations commerciales et, comme l’illustre ce récent arrêt, du caractère faisant grief des avis rendus par les commissions d’aménagement commercial. 

En l’espèce, et après un premier avis défavorable de la CNAC en novembre 2018, une nouvelle autorisation d’exploitation commerciale avait été sollicitée par le porteur du projet sur le territoire de la commune de Guignen pour la création d’un supermarché et d’un drive. Le projet, remanié après le refus essuyé, avait reçu l’avis favorable de la CDAC d’Ile et Vilaine en janvier 2019.  

Plusieurs exploitants concurrents ont formé devant la CNAC un recours à l’encontre de cet avis favorable, laquelle a émis le 4 avril 2019 un avis défavorable, contraignant ainsi le maire de la commune à refuser la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.  

Saisissant la Cour administrative d’appel de Nantes, la commune d’implantation sollicitait l’annulation de l’avis défavorable de la CNAC. 

Se posait néanmoins la question de la recevabilité de cette contestation car au regard de positions récentes du Conseil d’Etat et notamment de l’avis contentieux « Difradis » du 15 avril 2019 [1]  ainsi que de la décision Société SODIPAZ du 27 janvier 2020 [2], l’acte par lequel la CNAC se prononce sur le projet d’équipement commercial a, après la mise en vigueur fixée au 15 février 2015 des dispositions de l’article 6 du décret du 12 février 2015, le caractère d’une simple mesure préparatoire et non d’un acte décisoire susceptible d’un recours pour excès de pouvoir. 

Pour autant et relativement à des communes en compétence liée de refuser la délivrance du permis de construire valant AEC lorsqu’un avis défavorable des commissions d’aménagement commercial est ainsi rendu, les juges du fond font montre d’une jurisprudence plus pragmatique des dispositions de l’article L.425-4 du code de l’urbanisme. 

Poursuivant sa jurisprudence en la matière, la Cour administrative d’appel de Nantes a, en l’espèce, jugé :  

« En vertu des dispositions de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme […] en vertu des dispositions de l’article L. 7521 du code de commerce […] ». De l’ensemble des dispositions rappelées ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 juin 2014 de laquelle elles sont issues, il résulte que le législateur a entendu que, pour tout projet simultanément soumis à autorisation d’exploitation commerciale et à permis de construire, toute contestation touchant à la régularité ou au bien-fondé d’une autorisation d’exploitation commerciale ne puisse désormais être soulevée que dans le cadre du recours introduit, le cas échéant, contre le permis de construire finalement délivré, en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. 

Il résulte de ces dispositions et en particulier de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, que lorsque l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial est défavorable, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivré. Le maire étant ainsi tenu de refuser le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, il est de ce fait recevable, le cas échéant, à solliciter directement devant le juge l’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial ». 

Et confirme ainsi la lecture faite des dispositions combinées des articles L. 425-4 du Code de l’urbanisme et des articles L. 752-1 et suivants du Code de commerce par cette même cour dans un arrêt du 15 septembre 2017 : 

« Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial.[…]/ A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l’article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. » ; qu’aux termes de l’article L. 752-17 du code de commerce : « I. Conformément à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, le demandeur, le représentant de l’Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial, tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial. / La Commission nationale d’aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l’absence d’avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d’implantation du projet et le représentant de l’Etat dans le département ne sont pas tenus d’exercer ce recours préalable […]» ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsque l’avis de la commission nationale d’aménagement commercial est favorable, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne peut être refusé sur le fondement des dispositions de l’article L. 752-1 et suivants du code de commerce ; que dans ces conditions, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale est recevable à solliciter devant le juge de l’excès de pouvoir l’annulation de l’avis rendu par la commission nationale d’aménagement commercial qui présente à son égard un caractère décisoire ; qu’il suit de là, que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société L. doit être écartée ; » [3] ; 

Il est à noter également que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a également pris position en ce sens dans un arrêt en date du 2 novembre 2017[5]

Ces dernières décisions n’ont pas été frappées de pourvoi. Toutefois, et au regard de la décision société SODIPAZ du Conseil d’Etat précitée, il pourrait en être différemment pour cet arrêt du 28 février 2020, dont la solution ne deviendra définitive qu’à l’échéance du délai de pourvoi. 

 

Par Céline CAMUS- Avocate associée – Seban Atlantique 
et
Gaëlle PAULIC – Avocate Seban Atlantique 

 

[1] Conseil d’Etat, 15 avril 2019, Société DIFRADIS, n° 425854 

[2] Conseil d’Etat, 27 janvier 2020, Société SODIPAZ et autres, n° 423529 

[3] CAA Nantes, 15 septembre 2017, Commune de Loudéac et Communauté intercommunale pour le développement de la région et des agglomérations de Loudéac, n° 16NT00526 

[5] CAA Bordeaux, 2 novembre 2017, Société EURO DEPOT IMMOBILIER, n° 16BX03230 

Le Conseil constitutionnel valide l’étude d’impact issue des dispositions de l’article L.752-6 du Code de commerce de la loi ELAN

I – Rappel des dispositions issues de la loi ELAN 

Pour lutter contre la dévitalisation commerciale de certains territoires, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a modifié la législation sur l’urbanisme commercial par une diversité de mesures visant : 

  • à redynamiser et préserver les centres-villes par l’instauration des Opérations de Revitalisations de Territoire (ORT) [1]  ; 
  • à réintroduire une approche économique de l’impact des projets tant notamment dans l’obligation de produire pour chaque demande d’autorisation d’exploitation commerciale une étude d’impact que dans la modification de la composition des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) ; 
  • à renforcer les outils de contrôle en matière d’aménagement commercial en instaurant, d’une part, un contrôle a posteriori du respect de l’autorisation délivrée et, d’autre part, en accroissant les prérogatives du préfet dans les obligations de démantèlement des exploitations désaffectées. 

Ainsi, trois nouveaux critères ont été ajoutés, sous l’article L. 752-6 du Code de commerce, pour les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2019 : 

  • En matière d’aménagement du territoire : 
    • La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes, et de l’EPCI dont la commune est membre [L. 752-6 I 1°e] ; 
    • les coûts indirects supportés par la collectivité en matière d’infrastructures et de transports, [L. 752-6 I 1° f] ; 
  • En matière de développement durable : le bilan des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu au 1° et 2° du I de l’article L229-25 du code de l’environnement (lequel concerne les entreprises de plus de 500 salariés) [L752-6 I 2° a]. 

Parmi, ces nouveautés, le législateur a également imposé la complétude du dossier de la demande par la production d’une étude d’impact : 

  • réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l’Etat dans le département. (cf. arrêté du 19 juin 2019) ; 
  • devant évaluer « les effets du projet sur l’animation et le développement économique du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’EPCI dont la commune d’implantation est membre, ainsi que sur l’emploi, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires » ; 
  • et démontrant que le projet ne peut s’implanter sur une friche existante en centre-ville ou en périphérie .[L. 752-6 III]. 

 

II – Le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale  

Ce décret a précisé le contenu de cette étude d’impact ainsi que son entrée en vigueur, à savoir aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2020. 

L’étude d’impact doit ainsi comporter les informations suivantes : 

  • Informations relatives à la zone de chalandise et à l’environnement proche du projet (délimitation de la zone de chalandise, ses caractéristiques) (déjà présent dans les dossiers) ; 
  • Localisation, en centre-ville, comme en périphérie, des friches (= toute parcelle inexploitée et en partie imperméabilisée) ; 
  • « Présentation de la contribution du projet à l’animation des principaux secteurs existants, notamment en matière de complémentarité des fonctions urbaines et d’équilibre territorial, en particulier la contribution, y compris en termes d’emploi, du projet à l’animation, la préservation ou la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d’implantation & des communes limitrophes incluses dans la zone de chalandise définie pour le projet » ; 
  • Mention des subventions, mesures et dispositifs de toutes natures mis en place sur les territoires de ces communes en faveur du développement économique (FISAC) ; 
  • Indication sur les ORT et les secteurs d’intervention ; 
  • Présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs (variété, diversification et de complémentarité de l’offre proposée par le projet avec l’offre existante). 

Elle doit également préciser, pour chaque information, ses sources, sauf carence justifiée, et, pour chaque calcul, sa méthode. 

 

III – Sur le recours formé par le Conseil National des Centres Commerciaux  

Le Conseil National des Centres Commerciaux (ci-après CNCC) a formé une requête pour excès de pouvoir à l’encontre du décret précité et sollicité du Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du e) du 1° du I, III et IV de l’article L. 752-6 du Code de commerce. 

Faisant droit à cette demande, le Conseil d’Etat avait saisi en date du 13 décembre 2019 [2], le Conseil Constitutionnel de la question de la conformité de ces nouvelles dispositions issues de la loi ELAN au texte constitutionnel. 

Pour le CNCC, ces dispositions portaient atteinte à la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que le nouveau dispositif législatif subordonne la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale à la prise la prise en considération de la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale concerné, laquelle est appréciée par la commission départementale d’aménagement commercial au vu d’une étude d’impact évaluant les effets du projet sur l’animation et le développement économique des centres-villes de ce territoire et sur l’emploi. Cette même étude d’impact devant, en outre, établir qu’aucune friche existante en centre-ville, ou à défaut, en périphérie, ne permet l’accueil du projet. 

Le CNCC estimait qu’aucun motif d’intérêt général ne permettait de justifier ces dispositions, lesquelles ne poursuivaient pas un objectif d’aménagement du territoire mais un objectif purement économique de protection du commerce des centres-villes, en limitant, plus que nécessaire, les possibilités d’implantation des grandes surfaces commerciales en périphérie des centres-villes. 

Il était également soutenu que les nouvelles dispositions portaient une atteinte disproportionnée à cette même liberté d’entreprendre dès lors que le territoire sur lequel les effets du projet doivent être appréciés serait trop large et que les critères retenus avantageaient les opérateurs économiques déjà présents sur zone au détriment des nouveaux entrants. 

 

IV – La décision n °2019-830 du Conseil Constitutionnel du 12 mars 2020 

Par sa décision précitée, le Conseil Constitutionnel a tranché en faveur de la constitutionnalité de ces nouvelles dispositions [3]

Après avoir rappelé qu’il est toujours loisible d’apporter à la liberté d’entreprendre « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi » (considérant 5), le juge constitutionnel estime que les dispositions contestées du e) du paragraphe I ne constituent qu’un critère d’appréciation supplémentaire dans l’appréciation globale des effets d’un projet sur l’aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville (considérant 10) et qu’elles ne subordonnent pas la délivrance de l’autorisation d’exploitation commerciale à la démonstration de l’absence de toute incidence négative du projet sur le tissu commercial des centres-villes. 

En prévoyant également que l’analyse d’impact, visée au paragraphe III, de l’article L. 752-6 précité, puisse s’appuyer notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux existants dans la zone de chalandise pertinente, le législateur n’a fait, pour le Conseil, qu’expliciter l’utilité de cet outil pour faciliter l’appréciation par les commissions d’aménagement commercial des effets d’un projet sur l’animation et le développement économique des centres-villes et de l’emploi, sans avoir ici introduit de nouveaux critères d’évaluation des projets (considérant 12). 

S’agissant plus particulièrement de la problématique des friches, le Conseil Constitutionnel valide la rédaction du paragraphe IV de l’article L. 752-6 et juge, là encore, que les dispositions instituées n’ont pas pour effet d’interdire toute délivrance d’une autorisation au motif de la seule existence d’une friche. 

 

V – Un contentieux à suivre …  

La décision du Conseil Constitutionnel ne lève toutefois pas tous les questionnements relativement à la légalité des autres novations introduites par la loi ELAN en matière d’aménagement commercial et ce d’autant que les effets de certains outils se font déjà sentir sur les acteurs du secteur.  

L’instauration d’un moratoire des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale en périphérie des opérations de revitalisation des territoires (ORT), moratoire qui pourra être prononcé par un arrêté préfectoral, pour une durée de trois ans, renouvelable un an (article L. 752-1-2 du Code de commerce) (mécanisme déjà mis en œuvre dans l’Allier) et le contrôle a posteriori du respect de l’autorisation d’exploitation commerciale, matérialisé par un certificat de conformité (article L. 753-23 du Code de commerce) font, ainsi qu’indiqué précédemment, parti de ces nouveaux outils qui sont également contestés devant le Conseil d’Etat. 

La position du juge administratif, à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel, devrait prochainement suivre. 

Bataille judiciaire a également été lancée devant les instances communautaires pour tenter d’obtenir un fléchissement des nouvelles dispositions en matière d’aménagement commercial avec l’introduction d’un recours en manquement initié par le même CNCC et des premières discussions avec la Commission Européenne qui laissent espérer aux acteurs économiques une saisine possible de la CJUE. 

Par Céline CAMUS- Avocate associée – SEBAN Atlantique
et
Gaëlle PAULIC – Avocate SEBAN Atlantique 

 

[1] « Quels sont les apports de la loi ELAN en matière d’aménagement commercial ? », Céline CAMUS, in LAJ Seban et Associés, n°94, mars 2019, Edition spéciale Loi Elan 

[2] Conseil d’Etat, 13 décembre 2019, décision n°431724, Conseil National des centres commerciaux 

[3] Conseil Constitutionnel, décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, Conseil national des centres commerciaux (Délivrance des autorisations d’exploitation commerciale 

COVID-19 : Fermeture des commerces et des restaurants, ce que précise l’arrêté ministériel

L’arrêté du Ministère de la Santé précisant les annonces faites par le Premier Ministre samedi 14 mars dernier concernant la fermeture des commerces « non essentiels » et la limitation des rassemblements pour lutter contre l’épidémie du coronavirus a été publié ce dimanche 15 mars 2020 au Journal Officiel.  

On y lit notamment qu’il y a lieu « de fermer les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse ; que compte tenu de leur contribution à la vie de la Nation, les services publics resteront ouverts y compris ceux assurant les services de transport ».  

Concernant le détail des établissements ne pouvant plus accueillir de public «  jusqu’au 15 avril 2020 », l’arrêté mentionne 8 catégories :  

  • les salles d’auditions, les salles de conférences, les salles de réunions, les salles de spectacles ou à usage multiple (catégorie L) ; 
  • les centres commerciaux (catégorie M) ;
  • les restaurants et débits de boissons (catégorie N) ;
  • les salles de danse et salles de jeux (catégorie P) ;
  • les bibliothèques, centres de documentation (catégorie S) ;
  • les halles d’expositions (catégorie T) ;
  • les établissements sportifs couverts (catégorie X) ;
  • les musées (catégorie Y).  

Restaurants et bars sont « autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison ». Ils n’ont simplement plus le droit de recevoir du public.  

Par Alexane Raynaldy

Brevet provisoire et certificat d’utilité transformé en brevet : le décret est paru !

Attendu depuis plusieurs mois, le décret du 8 janvier 2020 détermine les modalités de la transformation d’une demande de certificat d’utilité en demande de brevet d’invention et crée également une procédure pour le dépôt d’un brevet provisoire.  

L’apport principal du décret est la création de la demande du brevet provisoire qui entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2020 : cette mesure avait initialement été retirée du projet de loi par le Conseil d’Etat, dans son avis du 14 juin 2018, qui avait estimé qu’elle relevait du pouvoir réglementaire. Le but affiché de la création d’une demande provisoire de brevet est donc de permettre d’effectuer un dépôt auprès de l’INPI à moindre coût et avec un minimum de formalités. 

Inspiré notamment du « provisional patent application » existant aux Etats-Unis, ce dispositif devrait permettre aux entreprises de procéder rapidement et à un moindre coût à une demande leur offrant la possibilité de se prévaloir d’une date de priorité et avec un minimum de formalités.  

Par ailleurs, la loi Pacte du 22 mai 2019 contenait plusieurs mesures destinées à favoriser l’innovation des entreprises notamment en facilitant les démarches de protection de leurs inventions. En effet, cette loi avait permis de transformer un certificat d’utilité en brevet d’invention. Le décret du 8 janvier 2020 vient alors fixer les modalités de cette transformation qui seront applicables aux demandes de certificat d’utilité déposées à compter du 11 janvier 2020.  

Défini par l’article L.611-2 2° du Code de la propriété intellectuelle, le certificat d’utilité est un titre de propriété industrielle délivré à un déposant en contrepartie de la divulgation de son invention. Il confère à son titulaire un monopole d’exploitation d’une durée maximale de 10 ans. La notion de durée mise à part, il offre la même protection qu’un brevet même s’il n’est pas soumis aux mêmes conditions d’obtention : en effet, le certificat d’utilité bénéficie d’une durée d’instruction plus courte du fait de l’absence d’établissement du rapport de recherche.  

Grâce à la transformation du certificat d’utilité en brevet, il ne fait aucun doute que ce titre de propriété intellectuelle gagnera en attractivité. Le décret du 8 janvier 2020 fixe les modalités procédurales cette transformation et explique que la requête en transformation d’un certificat d’utilité en demande de brevet devra être formulée par écrit dans un délai de dix-huit mois suivant le dépôt de la demande de certificat d’utilité de la date de priorité si une priorité a été revendiquée. Il est à noter que cette transformation devra être accompagnée du paiement d’une taxe de recherche et donnera lieu à l’établissement d’un rapport de recherche d’antériorité. 

Par My-Kim Yang-Paya et Elie Lellouche

Quelles mesures prises pour soutenir les entreprises au cours de la crise sanitaire du COVID-19 ?

La mobilisation contre le Covid-19 n’est pas seulement sanitaire, elle est aussi économique.  

Le président Emmanuel Macron a promis lundi 15 mars, lors de son allocution aux Français, un soutien total de l’État pour éviter des faillites d’entreprises et des licenciements massifs. 

C’est pourquoi un certain nombre de mesures ont été prises le 25 mars 2020 par voie d’ordonnances afin de pouvoir soutenir la reprise d’activité des entreprises impactées par cette crise sanitaire. 

La majorité de ces dispositifs portent sur un report et non une annulation des dettes sociales et fiscales et des aides financières afin d’aider les entreprises à passer la période de tension actuelle mais dont le terme est encore incertain.  

 

I – LES MESURES POUR SOULAGER LA TRESORERIE DES ENTREPRISES 

Face à l’épidémie, le Gouvernement a mis en place des mesures immédiates de soutien aux entreprises  

1 – Les mesures fiscales 

A – Délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts directs) sauf pour la TVA 

IS : Toutes entreprises, sans aucune condition, peuvent demander le report, sans aucune pénalité, pendant 3 mois du règlement de leurs prochaines échéances (acomptes de l’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires) en se rendant  sur https://www.impots.gouv.fr/portail/node/9751et en adressant le formulaire proposé à son Service des Impôts des Entreprises  (SIE)  ou DGE pour les grandes entreprises. 

Si les entreprises ont déjà réglé leurs échéances de mars, elles ont la possibilité d’en demander le remboursement auprès de leur service des impôts des entreprises, une fois le prélèvement effectif. 

Pour les travailleurs indépendants, il est possible de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source.  Il est aussi possible de reporter le paiement de leurs acomptes de prélèvement à la source sur leurs revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si leurs acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si leurs acomptes sont trimestriels.

URSSAF :  La démarche à entreprendre en vue de bénéficier de ces reports est précisée sur le site internet de l’URSSAF. Le report peut être de 3 mois tant pour les cotisations salariales que patronales. Il est possible de demander à sa banque de rejeter le prélèvement en cours. 

Si l’employeur ne souhaite pas opter pour un report de l’ensemble des cotisations et préfère régler les cotisations salariales, il peut échelonner le règlement des cotisations patronales, comme habituellement.   

POUR LES COTISATIONS RETRAITE : un report ou un accord délai est également possible pour les cotisations de retraite complémentaire.  

S’AGISSANT DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS : l’échéance mensuelle du 20 mars ne sera pas prélevée. Dans l’attente de mesures à venir, le montant de cette échéance sera lissé sur les échéances ultérieures (avril à décembre). En complément de cette mesure, les travailleurs indépendants peuvent solliciter l’octroi de délais de paiement, y compris par anticipation.  

Il n’y aura ni majoration de retard ni pénalité ; un ajustement de leur échéancier de cotisations pour tenir compte d’ores et déjà d’une baisse de leur revenu, en réestimant leur revenu sans attendre la déclaration annuelle ; l’intervention de l’action sociale pour la prise en charge partielle ou totale de leurs cotisations ou pour l’attribution d’une aide financière exceptionnelle. 

CFE ou TAXE FONCIERE : il est possible de suspendre les contrats de mensualisation sur impots.gouv.fr ou en contactant le Centre prélèvement service : le montant restant sera prélevé au solde, sans pénalité. 

Pour faciliter l’ensemble des démarches, la direction générale des finances publiques (DGFiP) met à disposition un modèle de demande, disponible sur le site impots.gouv.fr, à adresser au service des impôts des entreprises. 

 

B – Remises d’impôts directs pouvant être décidées dans le cadre d’un examen individualisé des demandes 

Les nouvelles mesures permettent également de solliciter auprès du comptable public un plan de règlement afin d’étaler ou reporter le paiement de la dette fiscale. 

Si ces difficultés ne peuvent pas être résorbées par un tel plan, les entreprises peuvent solliciter, dans les situations les plus difficiles, une remise des impôts directs (impôt sur les bénéfices, contribution économique territoriale, par exemple).   

Le bénéfice de ces mesures gracieuses est soumis à un examen individualisé des demandes tenant compte de la situation et des difficultés financières des entreprises. 

 

C – Remboursement immédiat des crédits d’impôt 

Tous les crédits d’impôts qui devaient être restitués cette année le seront immédiatement si l’entreprise en fait la demande après imputation de l’IS restant dû en 2019. 

 

2 – Les mesures économiques et financières 

Ces mesures ont été prises pour certaines entreprises rencontrant de réelles difficultés financières à la suite de la crise du Coronavirus (COVID-19), a été annoncée mardi 17 mars 2020 par le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire.  

Quelles sont les conditions pour en bénéficier ?  

Condition n°1  

  • Être commerçants, artisans, professions libérales et autres agents économiques, quel que soit leur statut (société, entrepreneur individuel, association…) et leur régime fiscal et social (y compris micro-entrepreneurs), ayant : 
    • un effectif inférieur ou égal à 10 salariés ; 
    • un chiffre d’affaires sur le dernier exercice clos inférieur à 1 000 000€ ;
    • un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 €.
  • Avoir eu un début d’activité avant le 1er février 2020 ;
  • N’avoir eu aucune déclaration de cessation de paiement avant le 1er mars 2020. 

NB : Les titulaires d’un contrat de travail ou d’une pension de retraite et les entrepreneurs ayant bénéficié d’au moins deux semaines d’arrêt maladie en mars ne sont pas éligibles. 

Condition n°2  

  • Diriger une entreprise dont la fermeture a été demandée pour des raisons sanitaires, comme c’est notamment le cas dans les secteurs de la restauration, du commerce non alimentaire (140.000), du tourisme (100.000) par exemple.
  • Diriger une très petite entreprise (quel que soit le secteur) dont le chiffre d’affaires s’est effondré d’au moins 70% entre mars 2019 et mars 2020. Précision : il convient de comparer les chiffres d’affaires de ces deux mois (et non d’effectuer un calcul sur l’ensemble de l’année écoulée). 

 

A – La création d’un Fonds de Solidarité  

(i) – Une aide financière défiscalisée  

Cette aide sera issue d’un fonds de solidarité de 1 milliard d’euros créé spécialement à cet effet par l’Etat et les Régions.  

Voici concrètement les détails de ce dispositif :  

 Quel montant ? 

L’aide est composée de deux niveaux :  

  • Le premier volet permet à l’entreprise de bénéficier d’une aide d’un montant égal à la perte déclarée de chiffre d’affaires en mars 2020, dans la limite de 1 500 €. 

La référence pour le calcul de la perte de chiffre d’affaires est précisée dans le tableau ci-dessous : 

Entreprises existantes au 1er mars 2019 

 Chiffre d’affaires du mois de mars 2019 

Entreprises créées après le 1er mars 2019 

Chiffre d’affaires mensuel moyen entre la date de création et le 1er mars 2020 

 Entrepreneur ayant bénéficié d’un congé pour maladie, accident du travail ou maternité en mars 2019 

Chiffre d’affaires mensuel moyen entre le 1er avril 2019 et le 1er mars 2020 

 

  • Le second volet permet aux entreprises qui bénéficient du premier volet de percevoir une aide complémentaire forfaitaire de 2000 € lorsque :
    • elles se trouvent dans l’impossibilité de régler leurs créances exigibles à trente jours ;
    • elles se sont vues refuser un prêt de trésorerie d’un montant raisonnable par leur banque. 

Pour en faire la demande, l’entreprise doit avoir au moins un salarié. Les régions seront en charge de l’instruction de ce deuxième volet.  

Quelles sont les conditions pour bénéficier de cette aide ?  

Condition n°1  

  • Être commerçants, artisans, professions libérales et autres agents économiques, quel que soit leur statut (société, entrepreneur individuel, association…) et leur régime fiscal et social (y compris micro-entrepreneurs), ayant : 
    • un effectif inférieur ou égal à 10 salariés ; 
    • un chiffre d’affaires sur le dernier exercice clos inférieur à 1 000 000€ ; 
    • un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 €. 
  • Avoir eu un début d’activité avant le 1er février 2020 ;
  • N’avoir eu aucune déclaration de cessation de paiement avant le 1er mars 2020. 

NB : Les titulaires d’un contrat de travail ou d’une pension de retraite et les entrepreneurs ayant bénéficié d’au moins deux semaines d’arrêt maladie en mars ne sont pas éligibles. 

Condition n°2  

  • Diriger une entreprise dont la fermeture a été demandée pour des raisons sanitaires, comme c’est notamment le cas dans les secteurs de la restauration (160.000 entreprises), du commerce non alimentaire (140.000), du tourisme (100.000) par exemple ;
  • Diriger une très petite entreprise (quel que soit le secteur) dont le chiffre d’affaires s’est effondré d’au moins 70% entre mars 2019 et mars 2020. Précision : il convient de comparer les chiffres d’affaires de ces deux mois (et non d’effectuer un calcul sur l’ensemble de l’année écoulée). 

Quel interlocuteur ? 

  • Pour l’aide de 1.500 euros voir auprès de la DGFiP à partir du 1er avril prochain sur impôts.gouv.fr 
  • Pour l’aide complémentaire voir directement auprès de la Région  

 

(ii) – La suspension du paiement de loyers et autres factures (eau, électricité, gaz)  

Mesure n° 1 : Les fournisseurs de gaz, d’électricité et d’eau potable ne peuvent procéder à la suspension, à l’interruption ou à la réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau pour non -des factures. 

Mesure n° 2 : Les fournisseurs susmentionnés sont tenus d’accorder le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 (soit deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’au 24 mai 2020).  

Mesure n° 3 : Aucune pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à aux locaux professionnels et commerciaux des personnes concernées par la mesure du Fonds de Solidarité. 

NB : Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée, soit le 24 juillet 2020

 

B – Un dispositif exceptionnel de garantie permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 milliards d’euros arrêté ECOT200809017 du 23 mars 2020) 

Ce dispositif a pour objectif de faciliter l’octroi par les banques de prêts de trésorerie aux entreprises de toutes tailles pour poursuivre leur activité et préserver l’emploi.  

Par ailleurs, les banques françaises se sont engagées à reporter jusqu’à 6 mois le remboursement de crédits des entreprises, sans frais. 

Ce dispositif est applicable aux prêts consentis depuis le 16 mars dernier et s’applique jusqu’au 31 décembre 2020. 

Les Entreprises concernées ? 

Toutes les entreprises personnes morales (SA, SAS, SARL …) ou physiques (artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs, ainsi que les associations et fondations ayant une activité économique).

A condition que ces entreprises ne soient pas en procédure de sauvegarde ou redressement judiciaire. 

Sont exclues les sociétés civiles immobilières, les établissements de crédit et société de financement. 

Quel montant ?

  • 3 mois de chiffre d’affaires de 2019 (25 % du montant total du CA HT) ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019 (les prêts peuvent se faire en plusieurs fois dans la limite de ce plafond).
  • Remboursable dans 1 an soit en une seule fois soit en plusieurs échéances d’une durée maximale de 5 ans (le taux sera précisé par décret).
  • Sans aucune garantie ou sûreté (sauf pour les grandes entreprises). Les entreprises ou entrepreneurs n’engagent donc pas leur patrimoine propre en cas de défaut de remboursement. 

La garantie accordée par l’Etat couvre une fraction du montant prêté variable en fonction de la taille de l’entreprise : 

    • 90 % pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, ou si elles n’ont jamais clôturé d’exercice, au 16 mars 2019, emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ; 
    • 80 % pour les autres entreprises qui, lors du dernier exercice clos, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros et inférieur à 5 milliards d’euros ; 
    • 70 % pour les autres entreprises. 

 Coût de la garantie et du crédit ? 

  • Le coût de la garantie dépend de la taille de l’entreprise et de la durée du prêt et qui varie entre 0,25 % et 2 % ;
  • Le taux d’intérêt est librement fixé par les banques qui se sont engagées à délivrer des crédits à prix coûtant. 

Comment profiter de ce dispositif ?  

  • Les Entreprises de moins de 5 000 salariés et réalisant moins de 1,5 milliard d’euros de CA doivent se rapprocher leur établissement bancaire habituel pour obtenir un préaccord de PGE (prêt garanti par l’Etat) ;
  • Il faut obtenir de Bpifrance une attestation de demande PGE en se connectant à : attestation-pge.bpifrance.fr pour que la banque valide le PGE. 

Attention : l’entreprise ne doit demander son numéro d’identification et son attestation qu’après avoir obtenu le préaccord de sa banque.  En cas de difficultés, ou de refus de l’identifiant, une adresse mail est mise à disposition des entreprises : supportentreprise-attestation-pge@pgefrance.fr ou se contacter le médiateur du crédit ou des entreprises.  

  • Entreprises de plus de 5 000 salariés ou réalisant plus de 1,5 milliard d’euros de CA. C’est la direction générale du Trésor qui apportera sa garantie, la procédure est similaire. Elle transmet ensuite sa demande à l’adresse suivante garantie.etat.grandesentreprises@bpifrance.fr.  

 

C – Soutien de l’Etat et de la Banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires  

La Médiation du crédit est un dispositif public qui vient en aide à toute entreprise qui rencontre des difficultés avec un ou plusieurs établissements financiers (banques, crédit bailleurs, sociétés d’affacturage, assureurs-crédit, etc.). 

 

D – Maintien de l’emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé 

L’entreprise verse une indemnité égale à 70% du salaire brut (environ 84 % du net) à ses salariés. Les salariés au SMIC ou moins sont indemnisés à 100%.  

L’entreprise sera intégralement remboursée par l’Etat, pour les salaires jusqu’à 6 927 euros bruts mensuels, c’est à dire 4,5 fois le SMIC.   

Pour les entreprises devant réduire ou suspendre leur activité, afin de placer leurs salariés en chômage partiel, une demande d’activité partielle peut être déposée en ligne sur le site du ministère du Travail dédié au chômage partiel. 

Par ailleurs, depuis le 16 mars, le ministère du Travail a indiqué que les entreprises avaient désormais 30 jours pour réaliser leur demande de chômage partiel, avec effet rétroactif. 

 

E – Appui au traitement d’un conflit avec des clients ou fournisseurs par le Médiateur des entreprises 

La Médiation des entreprises propose un service de médiation gratuit, rapide et réactif : un médiateur prend contact avec le saisissant dans les 7 jours afin de définir avec lui un schéma d’action et confidentiel. Le secret des affaires est préservé, la notoriété des entreprises également. 

Tout différend lié à l’exécution d’un contrat de droit privé, y compris tacite, ou d’une commande publique, peut faire l’objet d’une saisine du médiateur (ex : retard de paiement, services ou marchandises non conformes…). 

 

F – Marchés publics :  les pénalités de retard ne seront pas appliquées (dans les conditions fixées par l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020)  

 

II – LES MESURES POUR SOULAGER LE FONCTIONNEMENT DES ENTREPRISES 

L’interdiction de toutes réunions durant la crise sanitaire a été en prise en considération par la loi d’urgence du 22 mars 2020 non seulement pour les assemblées de copropriétés mais également pour les assemblées et conseil d’administration ou de surveillance de toutes les entreprises quelques soient leur forme sociale (SA, SAS, GIE, SCI, Coopérative, Mutuelle, Fédération, Association, Fondation).  

L’ordonnance du 25 mars 2020 est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date ultérieure fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 (article 11). 

Les mesures prévues par l’ordonnance couvrent : 

  • L’ensemble des assemblées – telles que les assemblées générales des actionnaires, associés, membres, sociétaires ou délégués, les assemblées spéciales, les assemblées des masses ; 
  • L’ensemble des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction – tels que les conseils d’administration, conseils de surveillances et directoires. 

 

Quelles mesures pour les Assemblées ? 

1 – Adaptation des règles de convocation et d’information 

  • Convocation 

Aucune nullité des assemblées n’est encourue lorsqu’une convocation devant être réalisée par voie postale n’a pu l’être en raison de circonstances extérieures à la société liées au contexte de l’épidémie de covid-19.  

  • Information 

L’exercice dématérialisé du droit de communication dont les membres des assemblées jouissent préalablement aux réunions est généralisé.  

 

2 – Adaptation des règles de participation et de délibération des assemblées 

  • Visioconférence et Dérogation aux règles de participation 

Ainsi, même si les statuts de la société ne permettent pas la tenue des assemblées (notamment les assemblées générales annuelles d’approbation des comptes qui se tiennent en majorité de mai à juin) par visioconférence, les entreprises pourront y recourir à condition de disposer des moyens techniques permettant de garantir l’identification et la participation effectives de tous les actionnaires.  

A titre exceptionnel, l’organe compétent pour convoquer ces assemblées, pourra décider de les tenir même sans la présence la présence par des moyens de visioconférence ou de télécommunication, des commissaires aux comptes et/ou des représentant des instances représentatives du personnel. Mais la possibilité de poser des questions écrites et le droit de proposer l’inscription de points ou de projets de résolutions à l’ordre du jour pour les SA et SCA restent applicable. 

Ce mode de consultation devra être communiqué au moins 3 jours ouvrés avant la date de l’assemblée par tous moyens en précisant la date et l’heure. 

Il en est de même pour les conseils d’administration et de surveillance et les directoires qui pourront également se tenir par conférence téléphonique.  

  • Le recours au vote par consultations écrites  

Pour les sociétés à responsabilité limitée l’approbation des comptes pourra se faire par la signature d’un acte sous seing privé et pour les autres décisions comme pour les sociétés civiles, en commandite par action ou encore en nom collectif, les consultations pourront se faire par écrit nonobstant une clause contraire des statuts et le fait que la loi ne permet pas la tenue des assemblées annuelles statuant sur les comptes par voie de consultation écrite. 

Exceptionnellement cette possibilité de vote par consultation écrite est applicable quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer. 

La même règle s’applique pour les décisions du conseil d’administration ou surveillance ou du Directoire même si cette possibilité n’est pas prévue dans les statuts ou le règlement intérieur de la société. 

Quelles mesures pour l’approbation des comptes ? 

  • Le délai imparti au directoire pour présenter au conseil de surveillance les documents pour la clôture des comptes annuels est prorogé de trois mois. Sauf si un commissaire aux comptes a été désigné et qu’il a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020. 
  • Le délai de trois mois à compter de la clôture, imparti au liquidateur pour établir les comptes annuels et le rapport écrit mentionnés est prorogé de deux mois.
  • Les délais imposés par des textes législatifs ou réglementaires ou par les statuts pour approuver les comptes et les documents qui y sont joints le cas échéant, ou pour convoquer l’assemblée chargée de procéder à cette approbation, sont prorogés de trois mois. Sauf si un commissaire aux comptes a été désigné et qu’il a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.
  • Les délais imposés au conseil d’administration, au directoire ou aux gérants pour établir les documents pour l’assemblée générale annuelle sont prorogés de deux mois. 

Ces dispositions ne s’appliquent pas si la clôture des comptes intervient entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

 

**** 

 

Au-delà des mesures qui ont été annoncées et celles qui le seront les prochaines semaines, durant cette période de crise sanitaire le droit des procédures collectives a été adapté.   

Mais il y a aussi les dispositifs pouvant être mis en place afin de pouvoir prévenir de futures difficultés qui existent d’ores et déjà. 

En effet, si la prévention des difficultés des entreprises offre un panel de mesures à même de pouvoir soulager les entreprises lors de l’apparition des premières tensions des flux de trésorerie (mandat ad hoc, conciliation), ces mesures demeurent aujourd’hui relativement méconnues. 

Pourtant, en ce contexte de crise, il sera certainement impératif de les employer en se rapprochant des greffes des tribunaux de commerce afin de pouvoir mettre en œuvre ces dispositifs au-delà de tous ces dispositifs 

 

♦ Les ordonnances du MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES 

 

Par My-Kim Yang-Paya, Alexane Raynaldy et Hakim Ziane

Covid-19 : La prorogation de plein droit des mesures prises dans le cadre de la protection des victimes de violences conjugales

Principe : L’article 515-12 du Code civil dispose que « Les mesures mentionnées à l’article 515-11 sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l’ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale ».

Face à l’épidémie de Covid-19, le Gouvernement a pris la mesure des enjeux sociaux et sociétales et a pris le soin de modifier un certain nombre de délais afin de maintenir la protection des personnes et assurer leur intégrité physique et psychique.

Pour mémoire, les articles 515-9 et suivants du Code civil permettent, lorsque des violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, et que ces violences mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, à cette victime de solliciter du juge aux affaires familiales qu’il lui soit en urgence délivrée une ordonnance de protection.

La mesure instaurée par l’état d’urgence sanitaire :

Ainsi le Gouvernement n’a pas manqué de considérer la situation des femmes victimes de violences conjugales et a consacré un article dédié à ces situations dans son ordonnance du 25 mars 2020 n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété pris en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Ainsi, l’article 12 de cette ordonnance dispose que :

« Les mesures de protection juridique des majeurs et les mesures de protection prises en application des articles 515-9 à 515-13 du code civil dont le terme vient à échéance au cours de la période définie à l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période, à moins qu’il n’y ait été mis fin ou que leur terme ait été modifié par le juge compétent avant l’expiration de ce délai ».

Constat : On ne peut que se réjouir de cette prise en compte des situations de détresse dans lesquelles peuvent se trouver un grand nombre de femmes victimes de violences conjugales.

En effet, l’extinction de mesures telles que l’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou l’attribution de la jouissance du domicile conjugale auraient pu emporter de graves conséquences dues à la réintégration de l’agresseur au sein du domicile conjugal et ce, d’autant plus en période de confinement.

Par Manon Boinet

Covid-19 : suppression exceptionnelle du jour de carence

La question du jour de carence en matière de congé de maladie est, depuis le début de la crise sanitaire, une préoccupation pour les agents comme pour les employeurs publics. 

Outre les congés de maladies dont bénéficient les personnes affectées par le virus, et bénéficiant à ce titre d’un arrêt de travail de droit commun du fait de leur inaptitude temporaire à l’exercice de leur fonction, se sont ajoutés ceux justifiés par les mesures d’isolement prise à l’encontre des premières personnes présentant le risque d’être contaminées par le virus, et donc de contaminer à leur tour leurs collègues en se rendant sur leur lieu de travail. 

Cette dernière hypothèse a été prévue, dans un premier temps, par le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 qui prévoyait la possibilité de bénéficier d’arrêts de travail, signés par le directeur de l’agence régionale de santé, aux travailleurs asymptomatiques faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, alors même qu’ils n’étaient pas, eux-mêmes, inaptes à l’exercice de leurs fonctions. Le décret prévoyait une dérogation au délai de carence prévu, en ce qui concerne les affiliés au régime général, à l’article L. 323-1 du Code de la sécurité sociale, ce qui permettait une indemnisation immédiate de ce type d’arrêt de travail.  

Mais la question restait entière dans le secteur public : le jour de carence est, pour l’ensemble des agents publics, prévu par un texte spécifique, l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, auquel le décret du 31 janvier 2020 ne prévoyait aucune dérogation.  

Cette question a très rapidement été soulevée et de ce fait, le gouvernement a fini par prendre en compte cette problématique en déposant un amendement au projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, depuis lors adopté et promulgué le 23 mars 2020, qui dispose désormais, à son article 8 que « les prestations en espèces d’assurance maladie d’un régime obligatoire de sécurité sociale et le maintien du traitement ou de la rémunération des périodes de congé pour raison de santé pour les assurés mentionnés à l’article L. 711-1 et au 1° de l’article L. 713-1 du code de la sécurité sociale dans des cas équivalents à ceux prévus à l’article L. 321-1 du même code sont versées ou garanties dès le premier jour d’arrêt ou de congé pour tous les arrêts de travail ou congés débutant à compter de la date de publication de la présente loi et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la présente loi ».  

Le dispositif est donc désormais clair : tant les agents publics que les salariés seront exonérés du dispositif des jours de carence, et pourront bénéficier du maintien de leur rémunération dès le premier jour d’arrêt.  

On peut observer que la question du régime indemnitaire reste en revanche posée : si son maintien est prévu en congé de maladie ordinaire au bénéfice des agents de l’Etat par le décret n° 2010-997 du 26 août 2010, on sait que certaines collectivités, dans le cadre de dispositifs de lutte contre l’absentéisme, ont prévu une suspension partielle du régime indemnitaire dans le cadre de tels congés.  

La question du maintien ou de la suspension du régime indemnitaire devra donc être tranchée par ces collectivités. 

 

 Par Vincent Cadoux

 

L’employeur peut-il imposer des jours de congés à ses salariés ?

Ça y est, elles sont là ! Les ordonnances aménageant le droit du travail pendant toute la durée de la crise sanitaire que nous vivons actuellement ont été adoptées ce mercredi 25 mars !

Face au confinement imposé par le gouvernement, certaines entreprises voient leur activité faiblir. Dans ce contexte, le gouvernement a décidé de bousculer les règles du droit du travail.

Parmi les mesures assouplissant la loi, il y a celles sur les dates de prise d’une partie des congés payés et de jours de repos.

Ainsi, il convient de retenir que désormais, l’employeur a la faculté d’imposer ou, au contraire, de différer des vacances, pour des périodes ne pouvant excéder « six jours ouvrables ». Il sera tenu de le dire seulement un « jour franc » – et non plus quatre semaines – à l’avance.

Dans ce cadre, l’employeur pourra imposer le fractionnement des congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et suspendre temporairement le droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans une même entreprise, ce qui permettra au cas où la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable à l’entreprise, ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés, de dissocier les dates de départ en congés.

En résumé, l’employeur va pouvoir obliger ses salariés à poser des jours de congés payés (6 jours ouvrables) pendant toute la durée de la crise.

Attention, toutefois, l’employeur sera obligé de passer par un accord collectif afin d’imposer les jours de congés payés.

Ce qui n’est pas le cas pour les jours RTT, les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année.

En effet, il convient de noter que, pendant toute la période de crise, les « dates des jours de réduction du temps de travail » et « des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié » pourront être dictées ou modifiées « unilatéralement » par la direction (sous réserve de respecter un délai de prévenance d’un jour franc), et sans qu’un accord collectif soit requis.

En d’autres termes, l’employeur va pouvoir obliger ses salariés à poser des jours de RTT, jours affectés au CET, acquis au titre d’une convention de forfait pendant la crise, même s’ils n’en ont pas envie et qu’ils sont confinés.

Mais attention, le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier ne peut être supérieur à dix.

Par Meriem Khelif

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : dispositions intéressant le fonctionnement et les compétences des personnes publiques locales

Diverses mesures relatives au fonctionnement institutionnel et aux compétences matérielles des collectivités territoriales ont été prévues dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, que nous présenterons ci-après. 

La loi adoptée constitue en effet un outil permettant de nombreuses modifications du fonctionnement institutionnel et matériel des collectivités territoriales, dans un souci d’assurer la continuité de l’exercice de leurs compétences. Ces modifications sont pour certaines d’ores et déjà applicables pour tenir compte de la situation (notamment électorale), alors que d’autres modifications sont susceptibles d’être instituées dans les semaines à venir dans les territoires, où l’état d’urgence sanitaire viendra à être déclaré et, le cas échéant, complété par des mesures permettant de garantir la santé publique. 

  

I – Les mesures institutionnelles permises par la loi  

En premier lieu, l’article 10 de la loi est relatif aux modalités de vote des délibérations dans les zones où l’état d’urgence sanitaire est déclaré dans les conditions prévues notamment à l’article L. 3131‑12 du code de la santé publique. 

Il est ainsi prévu que des règles de quorum différentes ainsi que des modalités d’organisation du vote sont applicables dans les communes, les départements, les régions, la collectivité territoriale de Corse, la collectivité territoriale de Guyane, la collectivité territoriale de Martinique, et les « établissements publics qui en relèvent », sur le territoire desquels l’état d’urgence sanitaire reçoit application. 

Ainsi, la règle classique du quorum fixé à la présence de la moitié des membres en exercice est assouplie pour permettre d’atteindre le quorum lorsque le tiers des membres en exercice seulement est présent. La règle par défaut, selon laquelle une nouvelle convocation sans quorum à trois jours d’intervalle a lieu si le premier quorum n’est pas atteint, est maintenue. 

La règle relative aux pouvoirs est également assouplie puisqu’il est alors permis qu’un membre de l’organe délibérant puisse être porteur non d’un seul mais de deux pouvoirs, qu’il s’agisse de la première réunion sur quorum ou sans quorum. 

Les modalités de vote des délibérations au scrutin public ou au scrutin ordinaire, à l’exception du scrutin secret, peuvent également être aménagées pour permettre le recours à un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance dans les conditions fixées par décret préservant la sécurité du vote. 

La portée de cette disposition peut soulever des interrogations dès lors qu’elle vise les collectivités territoriales citées et « les établissements publics qui en relèvent », cette dernière notion ne permettant pas de déterminer si les syndicats mixtes dits ouverts notamment, qui regroupent certaines ou plusieurs de ces collectivités, font partie du champ d’application matériel de ce dispositif, ce d’autant plus que le texte en cause ne renvoie pas aux dispositions qui leurs sont propres dans le CGCT. La question pourrait également être posée s’agissant des EPCI et des syndicats mixtes fermés mais apparaît soulever moins de difficultés dès lord que les dispositions qui leur sont applicables renvoient à l’article L. 2121-17 du CGCT, expressément visé par la loi.

 

En second lieu, l’article 11 de la loi est relatif à l’habilitation législative donnée au Gouvernement pour prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance. 

Des mesures, visées au I, 2°, i) de l’article, pourront concerner d’une part les modalités d’organisation de fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives, afin de limiter la propagation de l’épidémie. La dématérialisation des réunions nécessaires pour le fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives fait partie des règles qui pourront faire l’objet d’aménagements dans le cadre d’une ordonnance.    

D’autres mesures, visées au I, 8°, a) et g), pourront également, d’autre part, concerner le fonctionnement des institutions locales (collectivités territoriales et établissements publics locaux) afin d’en assurer la continuité du fonctionnement, l’exercice des compétences et la continuité budgétaire et financière. Là encore, des mesures portant sur la dématérialisation des réunions collégiales pourront être prises. Par ailleurs, les instances consultatives dont la composition est modifiée lors du renouvellement général des conseillers municipaux pourront bénéficier de mesures permettant d’aménager les mandats des membres représentants les élus locaux. 

Il est également à noter que des dispositions incluses dans le titre relatif aux dispositions électorales sont également susceptibles d’avoir des incidences sur le fonctionnement institutionnel des collectivités

 

Ainsi, l’article 19 institue une obligation d’information des candidats élus au premier tour en énonçant en son XIV que ceux-ci deviennent destinataires d’une copie de tous les actes du Maire relevant de ses attributions exercées au nom de la commune jusqu’à leur installation. Il s’agit donc des pouvoirs exercés par le Maire sur délégation du conseil municipal ainsi que tout acte de même nature pris par le Président de l’EPCI sur délégation de l’organe délibérant. Là encore la portée de cette disposition, qui renvoie à l’article L. 2122-22 du CGCT et n’évoque que les Présidents d’EPCI, soulève des interrogations quant à l’applicabilité de ces dispositions à l’ensemble des syndicats mixtes cette fois.  

Par ailleurs, l’article 20 de la loi institue une habilitation législative au Gouvernement qui pourra ainsi prendre par ordonnance toutes mesures relatives aux modalités d’organisation de l’élection des maires, des adjoints aux maires ainsi que des présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris en cas de maintien de l’état d’urgence sanitaire. Ces ordonnances pourront en particulier prévoir que la réunion peut se tenir en tout lieu permettant de préserver la santé des élus et des agents publics, que des règles procédurales simplifiées seront applicables notamment en ce qui concerne le calcul du quorum et le nombre de pouvoirs, et instituer toute forme appropriée de vote à l’urne ou à distance garantissant le secret du vote. 

 

II – Les mesures matérielles organisées par la loi 

Sur le plan matériel ensuite, diverses dispositions viennent adapter le droit budgétaire applicable aux collectivités territoriales.  

Ainsi, divers aménagements relatifs aux dispositions budgétaires sont prévus par l’article 9 : le calendrier budgétaire est en effet aménagé, et les conséquences juridiques en sont tirées, notamment au regard des pouvoirs du Préfet et des règles d’engagement des dépenses d’investissement. Ainsi, la date d’adoption du budget pour l’exercice est reportée du 30 avril au 31 juillet 2020 au plus tard. Pendant cette période, l’exécutif peut toutefois engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des sept douzièmes des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent non compris les crédits afférents au remboursement de la dette. Le pouvoir de règlement du budget par le Préfet après saisine de la chambre régionale des comptes est donc reporté à cette date du 31 juillet 2020. En l’absence de communication avant le 31 mars à l’organe délibérant d’informations indispensables à l’établissement du budget, le vote de l’organe délibérant arrêtant les comptes de la collectivité territoriale ou de l’établissement public au titre de l’exercice 2019 doit toutefois intervenir au plus tard le 31 juillet 2020. 

L’article 12 dispense, quant à lui, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre qui sont soumis à la contractualisation financière entre l’État et les collectivités territoriales pour consolider leur capacité d’autofinancement et organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public, de comparer les dépenses réelles de fonctionnement au titre de l’année 2020 au montant contractualisé ou arrêté en 2018 et les exclut ainsi que de la procédure de reprise financière en cas de dépassement de la trajectoire ainsi définie. 

Par ailleurs, l’habilitation législative conférée par l’article 11, I, 5°, a) et b) est susceptible d’intéresser les collectivités territoriales qui assurent des prestations sociales au titre du code de l’action sociale et des familles ou du code de la sécurité sociale. Peuvent ainsi être adoptées des dérogations pour adapter les conditions d’ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations aux personnes en situation de handicap, aux personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima sociaux et prestations sociales, et aux personnes âgées. L’on peut ainsi penser aux départements qui sont compétents pour définir et mettre en œuvre la politique d’action sociale. 

Plus substantiellement, l’habilitation législative est ensuite susceptible d’intéresser particulièrement le droit matériel des collectivités territoriales, au regard des mesures susceptibles d’être adoptées et visées au I, 8°, b) à f) de l’article 11. 

Ainsi, l’habilitation législative est susceptible d’intéresser non seulement l’exercice des compétences par les collectivités territoriales, la terminologie retenue à cet égard étant particulièrement large, mais également la répartition des compétences entre les organes des collectivités territoriales puisque les règles relatives aux délégations pouvant être consenties par les assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs sont susceptibles d’être modifiées. La portée de ces dispositions demeure à préciser au regard de l’emploi du terme d’« établissements publics locaux » dans le 8° : si les groupements de collectivités territoriales ne sont pas expressément visés ici, ils nous semblent néanmoins pouvoir être inclus parmi ces établissements publics, à tout le moins plus aisément que dans les établissements « relevant » des collectivités, mentionnés ci-avant. Toutefois, la rapidité avec lequel le processus législatif a eu lieu explique sans doute toutes ces imprécisions sémantiques, les différences terminologiques d’un dispositif à l’autre n’étant vraisemblablement pas volontaires pour une très large partie d’entre elles.  

L’habilitation législative est également susceptible d’intéresser la compétence budgétaire et financière afin d’assurer la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux : les modalités d’adoption des délibérations touchant aux bases et aux taux dans le cadre de l’établissement des impôts locaux pourront en effet être aménagées notamment au regard du calendrier encadrant strictement l’adoption de ces délibérations, ainsi que les modalités d’adoption des délibérations relatives aux tarifs des redevances.  

A ce titre, il faut relever que l’habilitation législative conférée par le I, 1°, h) de l’article 11 permettra au Gouvernement, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, de prendre toute mesure dérogeant à l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics dans l’exercice de leur fonction. Il n’est pas davantage précisé par la loi, de sorte que ces dérogations pourraient semble-t-il concerner aussi bien le régime de la responsabilité des comptables que les modalités de sa mise en œuvre.   

A noter également, au titre des mesures matérielles applicables lorsque des mesures permettant de garantir la santé publique prises au titre de l’état d’urgence sanitaire sont en vigueur, l’article 18 de la loi qui intéresse l’exercice par le département de sa compétence aide sociale à l’enfance. Celui-ci prévoit que pendant la durée des mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique, il ne peut être mis fin à la prise en charge par le conseil départemental des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge en tant que mineurs, mineurs émancipés ou jeunes majeurs de moins de vingt et un ans. 

 

Par Mélissa Goasdoué et Théophile Keïta

Covid-19  et enquêtes publiques : quel fondement pour l’interruption ?

Les mesures de confinement qui ont été mises en place par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, portant règlementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, ont dû entraîner en urgence le report des enquêtes publiques qui étaient prévues prochainement ou l’interruption des enquêtes publiques qui étaient alors en cours. 

Toutefois, ni le Code de l’environnement en ses articles L. 123-1 et suivants (lorsque les projets, plans ou programmes sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement), ni le Code de l’expropriation en ses articles L. 110-1 et suivants n’ont prévu le cadre dans lequel doit intervenir ces interruptions ou suspensions d’enquêtes. 

Les circonstances exceptionnelles ne sont en effet nullement prévues comme motifs d’interruption ou de suspension d’enquêtes publiques. 

L’interruption des enquêtes publiques est seulement prévue au cas où le commissaire-enquêteur serait empêché (C. envir., art. R. 123-5, al. 4, mod. par D. n° 2017-626, 25 avr. 2017, art. 4, 4°, e). 

Dans cette hypothèse, il appartient au président du tribunal administratif (ou à un conseiller délégué par lui) de désigner un commissaire enquêteur remplaçant et de fixer la date de reprise de l’enquête. Les conditions de reprise de l’enquête publique après son interruption sont les mêmes que celles applicables après une suspension d’enquête. 

La suspension de l’enquête publique, quant à elle, ne peut intervenir que si la personne responsable du projet, plan ou programme estime nécessaire d’apporter à celui-ci, à l’étude d’impact ou au rapport sur les incidences environnementales afférent, des modifications substantielles, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête pourra, après avoir entendu le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête, suspendre l’enquête pendant une durée maximale de six mois. Cette possibilité de suspension ne pourra être utilisée qu’une seule fois (C. envir., art. L. 123-14).  

Il n’existe donc, en l’état du droit commun des enquêtes publiques, aucune disposition législative ou règlementaire permettant à une enquête publique d’être interrompue ou suspendue en raison de circonstances exceptionnelles telles que la crise sanitaire du covid-19. 

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prévoit toutefois en son article 11-8-f) que pourront être prises par ordonnances, des mesures dérogatoires « aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique », si nécessaire, de manière rétroactive au 12 mars 2020, ce qui permettrait de donner un cadre juridique aux interruptions ou suspensions actuelles des enquêtes publiques. 

Cette disposition, de même que celle de l’article 11-2-a) qui prévoit, suivant la même logique, la possibilité de prendre par ordonnance des mesures adaptant « les délais et les modalités de consultation du public », si elle pourra permettre d’interrompre ou de suspendre des enquêtes publiques, pourra plus largement avoir un impact sur l’ensemble des procédures visant à consulter le public. En effet, la loi ne faisant pas spécifiquement référence aux procédures d’enquête publique prévues par le Code de l’environnement, diverses mesures pourront être prises dans le cadre de la participation du public à toutes les décisions ayant une incidence sur l’environnement, notamment les participations prévues pour les plans, programmes et projet ayant une incidence sur l’environnement mais non soumis à enquête publique (art. L. 123-19 C. envir.), ceux faisant l’objet d’une évaluation environnementale, ou encore les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les plans de gestion des risques inondation et les plans d’action pour le milieu marin. Il en va de même pour les procédures de participation du public hors procédures particulières (art. L. 123-19-1 et suivants C. envir.) et plus largement pour toutes les procédures de participation du public à l’élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l’environnement, c’est-à-dire préalablement au dépôt de la demande d’autorisation des projets ou pendant la phase d’élaboration d’un plan ou programme et notamment la mise en place de débats publics. Il en va de même pour l’ensemble des consultations du public qui peuvent être prévues par divers autres textes, hors du Code de l’environnement, par exemple la participation du public prévue par l’article L. 103-1 du Code de l’urbanisme.  

Il apparait ainsi, au vu de la rédaction très large de la loi qui mentionne la « consultation du public » sans spécifier le cadre de cette consultation, que toutes les procédures prévoyant une consultation du public pourront être concernées par les mesures qui pourront être prises par ordonnance. 

 

Par Martin Mattiussi-Poux et Solenne Daucé

Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 – Les mesures relatives aux structures intercommunales

I – Rappel liminaire sur les conséquences du report des élections municipales sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires 

1 – Rappel du processus électoral en cours 

La loi d’urgence indique que l’élection régulière des conseillers élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 est acquise (article 19 I dernier alinéa) ceux-ci entrant en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 si la situation sanitaire le permet, en fonction de l’analyse du comité scientifique remise au plus tard au Parlement le 23 mai 2020 (article 19, II, alinéa 1er). 

Par dérogation à ce principe, il est néanmoins précisé que dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, ainsi qu’à Paris, Lyon et Marseille, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection ou, s’il n’a pas lieu, dans les conditions prévues par une prochaine loi le cas échéant (article 19, II, alinéa 2 et 3). 

Si l’organisation du second tour n’est pas possible en juin, le premier tour du scrutin sera annulé (pour les communes n’ayant pas élu un conseil municipal complet) et une nouvelle élection sera organisée dans les délais et conditions fixés par une prochaine loi (article 19, I). 

En toutes hypothèses, un renouvellement intégral des conseillers élus au premier ou au second tour aura lieu en 2026 (article 19, XVII). 

 

2 – S’agissant des conséquences sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires 

La loi distingue, s’agissant des conséquences du report du second tour sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires, entre (article 19, IV),d’une part, le cas des conseils municipaux élus au complet, et d’autre part, ceux qui n’ont pas été élus au complet ou ont été élus à Paris, Lyon et Marseille, qui n’entrent en fonction qu’à l’issue du second tour (article 19, IV, 2° et 3°) ; par ailleurs, les conseillers métropolitains de Lyon en exercice au premier tour voient tous leur mandat prorogé jusqu’au second tour (article 19, IV, 3°). 

On relèvera par ailleurs que les candidats ayant été élus au premier tour mais qui voient leur entrée en fonction différée reçoivent copie de l’ensemble des décisions prises par le président de l’EPCI ou son remplaçant, jusqu’à leur installation (article 19, XIV). 

Trois précisions sont apportées par le texte sur ces prorogations. 

D’abord, les délibérations et délégations attribuées aux conseillers dont le mandat est prolongé ne sont pas remises en cause du seul fait de cette prorogation (article 19, IV, dernier alinéa).  

Ensuite, ces prolongations peuvent être remises en cause en cas de « surnombre » de conseillers communautaires, tel qu’exposé plus bas (article 19, IV, 2° et 3° : « sous réserve du 3 du VII »). 

Enfin, le texte envisage le cas particulier d’EPCI à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires : dans cette hypothèse, les conseillers communautaires en fonction dans les anciens EPCI à fiscalité propre conservent leur mandat au sein de l’établissement public issu de la fusion (article 19, VIII, alinéa 1er). 

 

II – Dispositions relatives aux structures de coopération locale 

1 – Dispositions applicables aux EPCI à fiscalité propre 

Il convient de préciser que l’ensemble des dispositions qui suivent est applicable aux Établissements publics territoriaux (EPT), même si ceux-ci sont en principe soumis au régime des syndicats de communes (article 19, VIII). 

 

a – Sur la composition du conseil communautaire et métropolitain 

L’application des règles exposées ci-avant amène à distinguer deux situations, celle des EPCI dont le conseil communautaire ou métropolitain est composé exclusivement de conseillers nouvellement élus (i) et celle des EPCI dont le conseil communautaire ou métropolitain est en outre composé de conseillers anciennement élus (EPCI « mixtes ») (ii). 

 

i – S’agissant des EPCI dont la totalité des conseillers communautaires a été désignée à l’issue du premier tour des élections municipales 

Le texte évoque d’abord le cas des EPCI à fiscalité propre dont le conseil communautaire est composé de conseillers tous élus au premier tour, c’est-à-dire qui ne comptent parmi leurs membres ni des communes dont le conseil municipal ne serait pas complet, ni Paris, Lyon ou Marseille, et à l’exclusion, enfin, de la Métropole de Lyon (article 19 VI). 

Dans cette première hypothèse, l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour, fixée par décret. 

 

ii. S’agissant des EPCI dont la totalité des conseillers communautaires n’a pas été élue à l’issue du 1er tour des élections municipales (« mixtes ») 

Le texte évoque le cas des autres EPCI à fiscalité propre, dont au moins une partie des communes membres voit le mandat de ses conseillers prorogés jusqu’au second tour, (article 19, VII, 1).  

La loi est silencieuse sur la composition des organes délibérants de ces EPCI, jusqu’à la date fixée pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour, néanmoins une circulaire ministérielle interprétant les dispositions de la loi indique à cet égard que le conseil communautaire en fonction à la veille du premier tour demeure jusqu’à cette date. 

Puis, à compter de la date d’entrée en fonction des conseillers élus au premier tour et jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires – qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, le conseil communautaire est ensuite composé à la fois de conseillers nouvellement élus, représentant les communes où le conseil municipal est complet, et de conseillers dont le mandat est prorogé, dans les cas visés plus haut. 

Si le nombre de représentants dont le mandat est prorogé ne correspond pas au nombre fixé par l’arrêté préfectoral en vigueur lors des élections de 2020 (article L. 5211‑6‑1, VII du CGCT), fixant le nombre de représentants de la commune considérée, le Préfet est alors fondé à « ajuster » le nombre de représentants de la commune, à la hausse ou à la baisse selon les cas, en tenant compte soit de l’ordre du tableau dans les communes de moins de 1.000 habitants, soit des moyennes obtenues lors des élections dans les communes de plus de 1.000 habitants (en tenant compte des re-désignations intervenues depuis le dernier renouvellement général, ou à défaut, des élections intervenues lors du dernier renouvellement général) (article 19, VII).    

 

b – Sur le mandat du président et des vice-présidents des EPCI à fiscalité propre 

La loi indique que le président et les vice‑présidents en exercice lors de l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour – c’est-à-dire ceux élus dans le cadre du précédent renouvellement (article L. 2122-15 du CGCT sur renvoi de l’article L. 5211-2 du même Code : « Le maire et les adjoints continuent l’exercice de leurs fonctions jusqu’à l’installation de leurs successeurs […] ») – sont maintenus dans leurs fonctions (article 19, VII, 4).  

Il est également précisé que, dans le cas particulier des EPCI résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires, le président et les vice‑présidents de l’EPCI appartenant à la catégorie à laquelle la loi a confié le plus grand nombre de compétences exercent les fonctions de président et de vice‑présidents de l’établissement public issu de la fusion (article 19, VIII, alinéa 2). 

La loi n’indique pas, cependant, jusqu’à quelle date leur mandat est maintenu. 

Selon toute vraisemblance, il convient d’en conclure que leur mandat est maintenu jusqu’à la réunion qui suit le second tour des élections municipales. 

Telle est d’ailleurs l’interprétation retenue par la circulaire communiquée par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la loi d’urgence qui précise que :  

« Le président et les vice‑présidents en exercice à la date fixée pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour sont maintenus dans leurs fonctions. […] Le nouveau conseil communautaire peut se réunir et élire un nouvel exécutif à compter de la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, réunion qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour» . 

Il est en outre précisé que les délégations consenties par le conseil communautaire ou métropolitain au(x) président ou vice-président(s) (article L. 5211‑10 du CGCT) ainsi que les délibérations relatives à leurs indemnités (article L. 5211‑12 du CGCT), en vigueur à la date d’entrée en fonction des conseillers élus au premier tour, demeurent « en ce qui les concerne » (article 19, VII, 4).  

Le cas des autres membres du bureau n’est en revanche pas évoqué.  

Notons encore que, s’agissant des indemnités des élus communautaires prévues à l’article L. 5211-12 du CGCT, il est précisé que les dispositions prévoyant l’adoption d’une délibération y afférente dans un délai de trois mois suivant l’installation du conseil communautaire ne sont pas applicables à l’organe délibérant d’un EPCI à fiscalité propre renouvelé au complet à l’issue de ce premier tour et de l’élection subséquente du maire et des adjoints de ses communes membres (article 19, XI). 

Par ailleurs, la loi indique qu’en cas d’absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions par un vice‑président dans l’ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé (article 19, VII, 4). 

 

c – Les pouvoirs et le fonctionnement des organes des EPCI à fiscalité propre 

S’agissant du fonctionnement des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre, le texte précise d’ores et déjà que le rapport qui sera remis au parlement le 23 mai 2020 (article 19, II) devra se prononcer sur les précautions à prendre pour l’organisation d’une réunion des conseils communautaires (article 19, II, 2°), l’article 10 prévoyant néanmoins que pendant la durée d’état d’urgence sanitaire (c’est-à-dire dans une période incluant notamment la période précédant ce rapport) les conseils communautaires pourront se réunir valablement, par dérogation aux règles de quorum, si un tiers des membres en exercice est présent. 

Par ailleurs, cet article prévoit qu’un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance papier préservant la sécurité du vote peut être mis en œuvre dans des conditions fixées par un décret à intervenir, toujours pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, sauf lorsqu’est requis le vote à bulletin secret.  

Un certain nombre de questions demeurent néanmoins en suspens quant aux règles applicables jusqu’au second tour, par exemple, sur l’étendue de leurs interventions, même si l’article 10 de la loi prévoit notamment des règles spécifiques de quorum et la possibilité d’un dispositif de vote électronique et par correspondance dans les conditions fixées par décret. 

L’ordonnance qui sera adoptée par le Gouvernement pourrait comporter des précisions en la matière, l’article 11, I, 8° a) précisant en effet que le Gouvernement pourra prendre toute mesure permettant de déroger « Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ». 

 

2 – Dispositions relatives aux syndicats de communes et aux syndicats mixtes 

L’article 19 (X) de la loi prévoit que : 

« Nonobstant toute disposition contraire, le mandat des représentants d’une commune, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte fermé au sein d’organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la date du premier tour est prorogé jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par l’organe délibérant. Cette disposition n’est pas applicable aux conseillers communautaires » .

Avant même, d’indiquer avec précision le champ d’application des dispositions du X de l’article 19 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid ‑19, il faut préciser que l’ensemble des règles présentées ci-après sont inapplicables aux EPCI-FP puisque celui-ci énonce que « Cette disposition n’est pas applicable aux conseillers communautaires ». 

Au demeurant, le texte prévoit que certains mandats des représentants au sein des « organismes de droit public » sont prorogés. D’emblée, précisons que, si ce terme a un sens particulier en droit de l’Union européenne de la commande publique, la notion d’ « organismes de droit public » n’est pas définie par la loi. 

La DGCL, dans la circulaire publiée le 23 mars 2019, faisant la synthèse des dispositions concernant les collectivités territoriales et leurs groupements, fait, elle, référence à la notion « d’organismes extérieurs ». 

En tout état de cause, il nous semble possible de considérer que la notion d’organismes de droit public à vocation à s’appliquer aux syndicats, qu’ils soient intercommunaux ou mixtes.  

Le législateur identifie en outre très précisément les représentants des collectivités qui peuvent proroger leurs mandats au sein de ces « organismes de droit public » : 

  • ceux des communes ;
  • ceux des EPCI, soit en vertu de l’article L.5210-1-1 A du CGCT, les représentants des syndicats de communes, des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles; 
  • ceux des « syndicats mixtes fermés ».

 

Ajoutons que seuls les représentants en exercice à la date du premier tour verront leurs mandats prorogés.  

Dès lors, il convient de relever que la prorogation des représentants au sein d’organismes de droit public et de droit privé de certaines personnes publiques n’est pas prévue : 

  • ceux des syndicats mixtes ouverts ; 
  • ceux des collectivités à statut particulier comme la Métropole de Lyon ou laVille de Paris. 

Il est à noter qu’aucune disposition relative à la prorogation des fonctions des Présidents et des Vice-Présidents n’est explicitement prévue pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes, contrairement à celles évoquées pour les EPCI à fiscalité propre, ni de règle explicite concernant les délégations dont ceux-ci bénéficient. 

Par Clara Zurbach et Margaux Davrainville

Loi d’urgence sanitaire : le durcissement des sanctions en cas de violation des mesures de restriction des déplacements

Le 18 mars 2020, le gouvernement a mis en œuvre la procédure accélérée aux fins d’adoption d’un projet de loi d’urgence visant à faire face à l’épidémie de Covid-19 ; élaborée par la Commission Mixte Paritaire, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 portant création de l’état d’urgence sanitaire est ainsi entrée en vigueur le 24 mars 2020 : elle est d’application immédiate.  

Sur le plan pénal, elle porte notamment un durcissement des sanctions en cas de violation des mesures de restriction des déplacements.  

La contravention de 4ème classe initialement instituée par le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 est désormais prévue par une disposition législative qui vient compléter l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, lequel dispose à compter de ce jour que :  

« La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 » relatifs aux mesures de restrictions ordonnées face à la crise sanitaire « est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

Si ces violations « sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule ». 

 

Cet article nouvellement rédigé vise la méconnaissance des interdictions ou obligations récemment instituées par décret du Premier ministre, par arrêté du Ministre chargé de la santé, ou encore par arrêté du représentant de l’Etat dans le département – le Préfet, face à la crise sanitaire.  

Les interdictions ou obligations à portée nationale édictées par décret du Premier ministre peuvent en conséquence être précisées au plan local, et notamment celles limitant les déplacements ; plus d’une centaine de Communes ont pour l’heure instauré par arrêté municipal, un couvre-feu sur leur territoire. 

Une semaine après l’entrée en vigueur des mesures de confinement instaurées, l’exécutif a ainsi renforcé l’arsenal juridique dans un but dissuasif, en prévoyant un durcissement des sanctions prévues en cas de méconnaissance des règles restreignant les déplacements. 

Désormais, l’inobservation des interdictions ou obligations mises en œuvre au plan national ou au plan local sera sanctionnée :  

  • D’une amende forfaitaire prévue pour les contraventions de 4ème classe (135 € pouvant être majorée à 375 € en l’absence de paiement dans les 45 jours) ; 
  • D’une amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (1.500 € au plus – l’amende forfaitaire n’étant pas prévue pour les contraventions de la 5ème classe) si une seconde violation est constatée dans un délai de quinze jours ;  
  • De six mois d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende (au plus) si ces violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours ; seront également encourues les peines complémentaires de travail d’intérêt général et de suspension du permis de conduire – pour une durée de trois ans au plus – lorsque l’infraction aura été commise à l’aide d’un véhicule.  

Précisons que les agents de police municipale ainsi que les agents chargés d’un service de police et ceux de surveillance de la Ville de Paris sont désormais habilités – aux côtés des agents de police nationale – à constater par procès-verbaux les contraventions des 4ème et 5ème classes susvisées.  

La « multirécidive » visée par ces nouvelles dispositions reçoit désormais une qualification délictuelle, rendant le Tribunal correctionnel seul compétent pour en juger.  

Sur ce point, il faut néanmoins rappeler que la récidive répond normalement à des critères stricts relevant de l’appréciation d’un juge et est notamment exclue pour les contraventions de 4ème classe ; cet aspect de la loi d’urgence sanitaire sera dès lors vraisemblablement débattu devant les juridictions qui en seront saisies, notamment dans le cadre des procédures de comparution immédiate. 

L’instauration de ce nouveau délit dote en tout état de cause les services de police et du Parquet d’un fondement juridique permettant de procéder à l’interpellation, à la garde à vue, voire au déferrement et au jugement d’administrés récalcitrants qui ne respecteraient pas les consignes. Rappelons en effet que ces comportements étaient précédemment poursuivis – et ont pour certains été condamnés – sur le fondement – juridiquement fragile – du délit de la mise en danger d’autrui qui requiert toutefois d’apporter la preuve, non seulement d’un manquement à une obligation législative ou règlementaire particulière de sécurité ou de prudence – réuni dans un tel cas – mais surtout de l’existence d’un risque immédiat de mort – ce qui pouvait paraître ici contestable. 

Enfin, l’article 11 de cette loi d’urgence sanitaire a adopté la possibilité pour le Gouvernement de procéder par voie d’ordonnance pour notamment adapter et simplifier les délais de procédure prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ; le texte précise que ces mesures seront rendues rétroactivement applicables à compter du 12 mars 2020, et ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19.  

Il en va de même s’agissant des règles relatives à la compétence territoriale des juridictions, au déroulement des audiences pour les contentieux urgents et des gardes à vue qui devront être adaptées, notamment en favorisant le recours à la visioconférence, tout comme des mesures relatives à l’exécution des peines privatives de liberté, des mesures de placement et autres mesures éducatives prises en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, pour limiter la propagation du virus. 

L’ordonnance précisant les modalités d’application de ces dispositions devrait être adoptée rapidement. 

 

Par Marlène Joubier et Margaux Parisot

Logement social, Covid 19 et RGPD

Depuis plusieurs jours, les bailleurs sociaux multiplient les dispositifs de vigilance à l’égard des personnes les plus vulnérables.  

Pour ce faire, ils constituent notamment des bases de données de séniors de plus de 70 ans.  

Dans la crise sanitaire liée au Covid-19 que nous traversons, cette démarche est tout à fait louable et peut être parfaitement sécurisée juridiquement, à condition néanmoins de respecter les règles qui suivent :  

1 – Ne collecter que les données strictement nécessaires à la finalité poursuivie. Si l’objectif est de prendre l’attache des personnes vulnérables et de vérifier qu’elles ont la capacité de répondre à leurs besoins vitaux, il n’est pas besoin d’intégrer, par exemple, au sein de ces fichiers, toutes les informations afférentes à la vie locative de la personne ; 

2 – Fixer une durée de conservation des données strictement limitée à ce qui est indispensable à la finalité poursuivie. A notre sens, ce type de fichier devra être supprimé ou, à tout le moins anonymisé (pour permettre de disposer éventuellement de données statistiques) dès l’issue de la crise sanitaire ;  

3 – Garantir techniquement la sécurité des données traitées et restreindre autant que possible les personnes habilitées à les connaître ;  

4 – Informer les personnes concernées au moyen d’une mention de ce type (à intégrer sur votre site internet ou à communiquer directement aux locataires concernés par courriel ou en substance à l’oral) : « Notre organisme, soucieux de concourir, dans ce contexte de crise sanitaire, à la protection de ses locataires les plus fragiles, a souhaité mettre en œuvre un dispositif de vigilance à l’égard des plus de 70 ans, pour lequel il est conduit à traiter des données à caractère personnel. Ces données ne seront collectées que pour cette finalité exclusive et le temps de résolution de ladite crise sanitaire. Pour toute information complémentaire ou pour faire valoir un des droits associés à ce traitement de données à caractère personnel, vous pouvez vous adresser à son délégué à la protection des données joignables via les coordonnées suivantes xxx » ;  

5 – Intégrer une nouvelle fiche à votre registre des activités de traitement. A toutes fins utiles, en voici un canevas à compléter.  

 

Traitement n°x – Mise en œuvre d’un dispositif de vigilance à l’égard des personnes vulnérables lors de la crise sanitaire liée au covid-19  

Service référent  Direction de la vie locative Date de création   
Base juridique 6.1 d) ou 6.1 e) Dernière mise à jour  
Finalités du traitement Mettre en œuvre un dispositif de vigilance à l’égard des personnes vulnérables lors de la crise sanitaire liée au covid-19     
Catégories de personnes concernées  Locataires de plus de 70 ans     
Catégories de données collectées 

Données relatives aux locataires concernés : nom, prénom, coordonnées (adresse postale, numéro de téléphone) 

Données relatives à la situation du locataire : difficultés éventuelles rencontrées, mesures mises en œuvre par le bailleur pour l’accompagner  

   
Durée de conservation Durée de la crise sanitaire    
Catégorie des destinataires Personnel habilité du responsable de traitement      
Transfert des données Pas de transfert hors UE      
Mesures de sécurité Mesures de sécurité générales mises en œuvre par le bailleur (et détaillées, en principe, en première partie du registre)     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Elise Humbert

La loi d’urgence et l’organisation du travail en période d’épidémie de covid-19

La loi d’urgence votée le 22 mars dernier prévoit différentes dispositions permettant à l’employeur d’organiser le temps de travail de ses salariés en période de réduction de l’activité liée au coronavirus. 

A titre liminaire, il convient de rappeler : 

  • que le télétravail doit être privilégié dans tous les cas où les salariés peuvent assurer la continuation de l’activité de l’entreprise : il peut être mis en place unilatéralement par l’employeur ;
  • que l’employeur peut avoir recours au dispositif d’activité partielle (plus couramment appelé chômage partiel) dès lors que l’activité de l’entreprise est réduite : l’employeur peut alors soit réduire la durée légale du travail soit cesser tout ou partie des activités pendant un temps déterminé (12 mois maximum). Un décret à venir devrait revoir le dispositif actuel de prise en charge par l’Etat de l’indemnisation de cette période d’activité partielle.
  • que l’employeur peut demander à ses salariés de suivre une formation professionnelle. 

 

La loi d’urgence pour faire face à la crise sanitaire a étendu les conditions de recours aux arrêts de travail en permettant, sans délai de carence, un tel recours dans les cas suivants : 

  • lorsque le salarié fait l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, il est donc placé en quarantaine ;  
  • Lorsque le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans dont l’établissement d’accueil a été fermé sur décision de l’autorité publique. ;
  • Lorsque le salarié est considéré comme une personne à risque avéré. 

Les salariés obtiendront le versement d’indemnités journalières pendant une durée maximale de 20 jours. 

Ce dispositif leur permet le cumul de l’indemnité complémentaire due par l’employeur et l’indemnité journalière légale versée par la Sécurité sociale et ce, dès le premier jour d’arrêt de travail (décret n° 2020-193 du 4 mars 2020 publié au Journal officiel du 5 mars 2020). 

Cette nouvelle règle est entrée en vigueur le 5 mars 2020. 

En outre, au terme de la loi d’urgence, le Gouvernement va être autorisé à prendre par ordonnances des mesures visant à permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés. 

Jusqu’à ces dispositions nouvelles, les salariés devaient prendre les congés payés posés et acceptés par l’employeur qui ne pouvait que : 

  • en cas de circonstances exceptionnelles déplacer les congés posés et acceptés (article L.3141-16 du Code du travail) ; 
  • proposer aux salariés de prendre des congés payés pendant la période de confinement. 

A présent, dès lors qu’il existe un accord d’entreprise ou de branche, l’employeur pourra imposer dans la limite de 6 jours ouvrables la pose de congés payés. 

En l’absence de négociation de branche, il faudra inviter les organisations syndicales à négocier un accord d’entreprise : cette négociation pourra avoir lieu dans les locaux de l’entreprise en respectant les mesures de sécurité (distance d’1 mètre, désinfection de la salle de réunion…) ou envisager une négociation par visio conférence. 

Il convient cependant de préciser que si le gouvernement a été habilité à modifier par voie d’ordonnance les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis, rien n’a été prévu en matière de négociation collective. 

En l’absence d’accord d’entreprise ou de branche, l’employeur pourra cependant imposer ou modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, les jours de repos prévus par les conventions de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation. 

Enfin et pour les entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale il sera possible de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical. 

Aux côtés de ces mesures liées à l’organisation du travail, l’employeur pourra modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement de l’intéressement et de la prime exceptionnelle. 

Nous vous tiendrons informés de la publication à venir des ordonnances. 

Par Corinne Metzger

Fermeture d’établissements  médico-sociaux, manque de personnel dans les établissements en activité : comment les gestionnaires peuvent réagir  face au COVID 19 ?

La crise sanitaire actuelle a de graves répercussions sur le secteur sanitaire et social, et notamment sur la prise en charge des personnes vulnérables accueillies dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). En effet, si de nombreux établissements d’accueil ont, à la suite du passage en stade 3 de l’épidémie, fermés, cette fermeture doit être accompagnée d’un dispositif organisant la continuité de l’accompagnement médico-social aux familles (astreinte téléphonique, mise en place de prestations prioritaires au domicile, orientation si besoin vers une structure d’hébergement). Par ailleurs, d’autres établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées doivent rester ouverts alors même que l’absentéisme du personnel y est très important et qu’ils manquent souvent de matériels de protection (masques, gants, surblouse, solutions hydroalcooliques).

Il existe plusieurs possibilités pour les directeurs d’établissements afin de mobiliser leurs équipes à l’arrêt du fait de la fermeture des établissements où ils travaillent normalement. Cette mobilisation du personnel est possible, sans avoir à recourir au volontariat, au nom du principe de continuité de l’activité des établissements médico-sociaux qui a pour but de garantir la continuité et la qualité des prises en charge au sein des ESSMS. En effet, les professionnels du secteur médico-social assument, comme les professionnels hospitaliers, des missions incompressibles nécessaires à la continuité des accompagnements en gestion de crise.

Dans des consignes publiées par le Ministère des solidarités et de la santé le 4 mars[1], il a ainsi été rappelé que le personnel des établissements sociaux et médico-sociaux n’avait pas vocation à être placé en chômage technique dans l’hypothèse où l’établissement où il travaille – par exemple un institut médico-éducatif (IME) en externat – serait fermé mais à être « mobilisé » sur décision de la direction de l’établissement ou du service concerné. Le personnel médico-social peut ainsi être mobilisé pour soutenir la continuité des soins au domicile de la personne pour des gestes ou des temps pour lesquels les proches aidants ne peuvent pas prendre le relais. Dans ce cas, cela doit être autorisé par le directeur de l’ARS. De même, il peut être mobilisé pour renforcer les effectifs d’une autre structure d’hébergement gérée par le même employeur, sous réserve de respecter ce qui est prévu dans le contrat de travail et que cette mobilisation s’inscrive dans l’objet statutaire de l’association.

Si ces deux hypothèses – intervention à domicile ou pour renforcer les équipes des établissements ouverts – ont vocation à s’appliquer alors même que le personnel en question ne serait pas volontaire, elles peuvent toutefois être tempérées par le risque que le salarié décide d’exercer son droit de retrait[2] (invoquant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé dû au de mise en place par son employeur de systèmes de protection efficaces) ; étant précisé que ce droit de retrait est entendu strictement par les tribunaux. En effet, dans le contexte du COVID 19, il sera difficile à exercer s’il apparaît que l’employeur a appliqué les mesures recommandées par les autorités sanitaires en vue d’assurer une sécurité maximum de ses salariés. Sur les mesures recommandées dans les ESSMS, s’agissant de salariés exposés régulièrement à des contacts étroits avec le public du fait de leur profession et donc pour lequel le risque de transmission du virus peut s’avérer plus élevé, il est recommandé aux employeurs de mettre en place des mesures d’hygiène renforcées en complétant les mesures barrières par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre (lorsque cela est pertinent et possible), par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, ainsi que par le lavage des mains. En l’absence de personnes malades, il n’est en revanche pas demandé de leur fournir des masques (qui sont obligatoires pour les personnes en contact direct avec les malades du COVID 19).

Dans le cas où la mobilisation du personnel des structures fermées ne permettrait pas de combler le manque de personnel des structures ouvertes, il serait possible de solliciter le personnel de structures tierces que ces dernières mettraient à disposition dans le cadre de la solidarité territoriale, toujours au nom du principe de continuité de l’activité des établissements médico-sociaux. C’est l’hypothèse de l’appel à candidatures mis en place par la direction d’un établissement pour recenser les professionnels volontaires pour intervenir auprès d’un autre organisme gestionnaire. Il est alors fait recours à l’outil qu’est la mise à disposition temporaire de salarié, les salariés restant rémunérés par l’employeur habituel.

 

Contrairement à ce qui a été évoqué plus haut pour la mobilisation de personnel entre structures d’un même employeur, ici, la mobilisation fonctionne sur la base du principe du volontariat (professionnels volontaires) et ne peut être « imposée » au personnel de l’organisme tiers.

De même, il importe également de préciser, s’agissant des structures qui ont fermé et qui nécessitent un suivi de la situation des personnes et de leurs proches aidants, que les autorités sanitaires ont pu préciser que si les effectifs ne permettent pas à l’établissement fermé d’assurer la continuité des accompagnements prioritaires au domicile des personnes, une organisation avec les autres partenaires médico-sociaux et de droit commun du territoire doit être envisagée (par exemple d’autres organismes gestionnaires de structures médico-sociales). L’idée est de faire jouer « la complémentarité de leurs actions au service des personnes et de leurs familles »[3]. Pour ce faire, il est conseillé se rapprocher de l’ARS territorialement compétente et faire état de ses difficultés.

Enfin, les ESSMS doivent déployer sans délai leur plan de continuité et de transformation de l’activité vers le domicile des personnes. Il est en effet conseillé à l’employeur d’organiser un plan de continuité et de soumettre les mesures envisagées au CSE. La formalisation de ce plan de continuité doit permettre d’envisager une situation de crise avec plus de recul, cette démarche pro-active ayant pour objet d’avoir à gérer des situations marquées par l’urgence.

– 

[1] Également disponibles dans « Consignes et recommandations applicables à l’accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap », 4 mars 2020, Ministère des solidarités et de la santé, pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap

[2] Article L. 4131-1 du Code du travail 

[3] Page 13 du même document « Consignes et recommandations applicables à l’accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap »

 

Par Audrey Lefèvre et Esther Doulain

Covid-19 et chantiers en cours : l’impossible équation

Lorsque le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé les premières mesures de confinement les 12 et 16 mars derniers, les réactions des entreprises de travaux publics ont été diverses. Pour l’essentiel, elles ont considéré que les mesures de confinement impliquaient l’arrêt des travaux. Certaines, cependant, ont décidé de maintenir et d’adapter leur activité.  

Et cette situation a également été gérée de façon diverse par les personnes publiques, qu’elles soient maitre d’ouvrage, dans le cadre de marchés publics, ou autorité délégantes, dans le cadre de conventions de délégation de service public. Certaines personnes publiques ont fait le choix de prononcer un ajournement des travaux sur le fondement de l’article 49.1 du Cahier des Clauses Administratives Générales relatif aux marchés de travaux (ci-après dénommé « CCAG »). D’autres ont décidé de reporter les délais d’exécution de leurs marchés. D’autres encore restent dans l’attente d’une position claire des entreprises de travaux.  

Or, dans les jours qui ont suivi, plusieurs déclarations gouvernementales ont laissé à penser qu’en dépit de l’épidémie, les entreprises de travaux publics devaient maintenir l’exécution des chantiers. Ces déclarations ont entrainé incompréhensions et tensions de la part des entreprises de travaux publics.  

Une première source d’apaisement est venue d’un communiqué de presse, disponible ici, conjoint des entreprises de travaux publics et du gouvernement publié le 21 mars dernier et dressant la feuille de route pour la reprise des chantiers.  

Pour les personnes publiques, les éléments suivants méritent particulièrement d’être relevés :  

  • Avant toutes choses, le Gouvernement affiche son souhait que la continuité de l’activité du secteur et la poursuite des chantiers soient assurés ; 
  • Pour ce faire, les organisations professionnelles des entreprises du bâtiment et des travaux publics se sont engagées à diffuser un guide de bonnes pratiques, préalablement validé par les Ministères du Travail, des Solidarités et de la Santé ; 
  • S’agissant des travaux publics, comme par exemple les infrastructures de transport ou les travaux de voirie, les grands maîtres d’ouvrage publics au niveau national et les préfets au niveau local coordonneront et prioriseront les chantiers à poursuivre ou à relancer ; 
  • Des mesures particulières seront prises pour les travaux devant être réalisés chez des particuliers en leur présence (on pense notamment aux travaux de raccordement aux réseaux de communications électroniques ou aux travaux d’installation des compteurs Gazpar ou Linky, par exemple). 

A la date de la publication de la présente lettre d’actualité, ce guide des bonnes pratiques n’est pas encore publié. Les entreprises de travaux publics continuent de maintenir les chantiers à l’arrêt et les organisations d’architectes souhaitent également être associées aux négociations sur ce guide. Bref, la tension reste élevée entre les différents intervenants.  

Dans ce contexte trouble, et quelle que soit la façon dont la situation a été gérée dans les premiers jours, il est important que les personnes publiques ne constituent pas la variable d’ajustement de ces tensions. Et pour ce faire, elles devraient conserver trois caps dans la gestion de cette crise : 

  • Il est important qu’elles soient informées des décisions prises par les entreprises de travaux publics et, le cas échéant, qu’elles empêchent les situations dont elles auraient connaissance et qui généreraient manifestement un risque pour la santé des travailleurs. Car c’est à l’entreprise au premier chef qu’il appartient de définir les règles permettant d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs et les personnes publiques ne doivent pas se trouver en situation de s’y substituer ;  
  • Si l’entreprise décide de maintenir ou de reprendre son activité, elle devra le faire dans le respect du guide des bonnes pratiques et sous le contrôle du coordonnateur Sécurité et Protection de la Santé sur le chantier ;  
  • L’heure n’est manifestement pas à l’application de pénalités du fait de retard trouvant leur cause dans la gestion de cette crise. Mais les personnes publiques doivent dès maintenant disposer de tous les éléments permettant d’appréhender la gestion de cette période par les entreprises de travaux. Ainsi, lorsque cette crise sera derrière nous, les personnes publiques seront plus facilement en mesure d’appréhender les retards trouvant effectivement leur cause dans la gestion du Covid-19 et ceux qui sont imputables aux manquements des entreprises. 

Et bien entendu, tout cela dépendra des termes des ordonnances à venir, notamment de l’ordonnance modifiant le code de la commande publique.

 

Par Marion Terraux

Covid-19 : Instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme et autorisations tacites

Concernant la crise sanitaire et son impact sur le droit de l’urbanisme, la question de la délivrance d’autorisations tacites revient régulièrement.   

En effet, rappelons que l’article R. 424-1 du Code de l’urbanisme prévoit que le silence gardé par l’autorité compétente à l’issue du délai d’instruction vaut, sauf exceptions prévues aux articles R. 424-2 et R. 424-3 du même Code, autorisation tacite.    

Les délais d’instruction de droit commun étant (sauf modifications ou prolongations visées aux articles prévues aux articles R. 423-24 à R. 423-37) d’un mois pour les déclarations préalables, de deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, et de trois mois pour les autres demandes de permis de construire et les demandes de permis d’aménager (article R. 423-23). 

Or, les mesures adoptées dans le cadre de la crise sanitaire rendent évidemment difficiles l’instruction dans les délais des demandes déposées. Ce d’autant plus que le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a indiqué, dans un document d’aide à la prise de décision destiné aux collectivités en date du 21 mars 2020, que les services chargés de recueillir des demandes d’autorisation d’urbanisme figuraient parmi les services publics locaux facultatifs « non essentiels », et pouvaient dès lors être fermés sur décision de l’autorité locale compétente.    

Toutefois, dans ce même document d’aide à la prise de décision, le Ministère a immédiatement précisé que « l’inactivité d’un service ne génèrera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune » dès lors que « le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme ».   

Cela étant, sur ce point, il convient de rappeler que la loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire, promulguée ce mardi 24 mars ne prévoit pas, en tant que telle, la suspension du délai de traitement des demandes d’autorisations d’urbanisme mais autorise, en son article 11 2° a), le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour adapter « les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ». 

Par conséquent, si, au regard de ce qui précède, la suspension rétroactive au 12 mars 2020 du délai de traitement desdites demandes devrait vraisemblablement être retenue, il conviendra d’attendre la ou les ordonnances à intervenir sur le sujet afin de le confirmer et d’en apprécier les modalités d’application.  

 

Par Arthur Gayet et Mona Rousseau

Assurance dommages-ouvrage et covid-19

Arrêts de chantier, retards d’exécution, risques de vols, garde du chantier, protection des salariés, pertes d’exploitation… le coronavirus suscite de nombreuses interrogations à tous les niveaux. 

Face à cette situation exceptionnelle que représente une épidémie, une pandémie ou plus généralement une crise sanitaire, les différents acteurs du secteur du bâtiment doivent eux aussi s’adapter. 

Le 21 mars dernier, le gouvernement et les fédérations des représentants des professionnels du BTP ont, semble-t-il, trouvé un accord afin de permettre la reprise des chantiers et ainsi assurer la continuité des activités, accord qui soyons en sûr n’évitera nullement des contentieux ultérieurs 

Néanmoins, en pratique, cette crise sanitaire sans précédent crée de nombreuses incertitudes juridiques et des interrogations subsistent notamment en matière d’assurances.  

En effet, comment les assureurs se mobilisent ils pour assurer une continuité d’activité et accompagner les assurés pour faire face à cette situation exceptionnelle ?  

Il y a encore quelques jours, la SMABTP annonçait que les garanties de son contrat « Tous Risques Chantiers » seraient maintenues pendant l’arrêt de chantier dû aux circonstances exceptionnelles et seraient allongées dans la limite de 60 jours sans surprime et sans déclaration préalable. 

En revanche et pour le moment, les assureurs restent silencieux en ce qui concerne la mise en œuvre des garanties de leur contrat d’assurance « dommages-ouvrage » et notamment concernant les délais de réponse auxquels sont tenus ces assureurs et responsabilités. 

  

Pour autant, en période de situation exceptionnelle, interrogations exceptionnelles…  

  • Quelles seront les conséquences du confinement sur les délais en matière d’assurance dommages-ouvrage ? (1)  
  • Le covid-19 pourrait-il être assimilé à un cas de force majeure de nature à exonérer les constructeurs de leur éventuelle responsabilité ? (2) 

 

 

1 – Quelles conséquences du confinement sur les délais en matière d’assurance dommages-ouvrage ? 

Dans ce contexte particulier et dans le prolongement des polémiques concernant notamment l’arrêt ou non des chantiers, l’on ne peut que s’interroger sur le sort des déclarations de sinistre effectuées avant et pendant la période de confinement. 

En effet, la déclaration de sinistre est un préalable indispensable en matière d’assurance dommages-ouvrage. Néanmoins et notamment dans l’hypothèse d’un arrêt de chantier, comment calculer et respecter le délai de déclaration de 5 jours prévu par l’article L. 113-2 du Code des assurances ?  

Ou encore comment respecter les conditions de fond et de forme prévues par l’annexe II de l’article A 243-1 du même Code ?  En effet, comment respecter les exigences d’une lettre recommandée ou d’un envoi recommandé électronique au regard du confinement ?  

Par ailleurs, la réception par l’assureur de la déclaration de sinistre est aussi le point de départ pour le calcul des délais énoncés à l’article L. 242-1 du Code des assurances. 

Aussi, l’on s’interroge également sur le sort des délais impératifs énoncés par les dispositions d’ordre public et non dérogatoires de cet article qui prévoient que : 

 « […] L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. 
Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze jours. 
Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal. 
Par ailleurs, ce même texte prévoit que : 
« Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée. 
Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’acceptation expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours. (…) » 

 

Toutefois, dans le contexte actuel de confinement, comment apprécier et mettre en œuvre ces dispositions ? Comment caractériser les « difficultés exceptionnelles » ?  

En tout état de cause, les délais de gestion sont strictement encadrés par le Code des assurances et il est difficile de croire que les assureurs accorderont, au regard de la crise sanitaire et même indépendamment de la qualification de « difficultés exceptionnelles », un délai supplémentaire qui excéderait 135 jours. 

Au contraire, il est plus que probable que les assureurs Dommages-Ouvrage opposeront un refus systématique de garantie et ce afin d’éviter un dépassement de délai qui leur serait systématiquement défavorable. 

Les maitres d’ouvrage devront donc être encore plus vigilants sur la date de la déclaration de sinistre effectuée et plus généralement sur l’ensemble des délais susvisés.  

 

2 – Le covid-19 peut-il être assimilé à un cas de force majeure de nature à exonérer les constructeurs de leur éventuelle responsabilité ?  

Le 29 février 2020, le ministre de l’Economie et des Finances avait affirmé que le coronavirus serait considéré comme un cas de « force majeure » mais semblait considéré que cette reconnaissance de la force majeure serait réservée aux seuls marchés publics de l’Etat. 

Peut-on alors considérer que cette reconnaissance puisse par la suite s’appliquer aux contrats d’assurance comme l’assurance Dommages-Ouvrages ou soit susceptible d’exonérer les constructeurs de leur responsabilité au titre de désordres dont la cause trouverait son origine dans des travaux réalisés pendant cette période litigieuse ? 

Pour rappel, s’agissant de la responsabilité des constructeurs, seule la preuve d’une cause étrangère généralement synonyme de force majeure (toujours plus difficile à rapporter), du fait d’un tiers ou encore d’une faute du maître d’ouvrage peut exonérer partiellement ou totalement le constructeur de sa responsabilité décennale.  

Toutefois, la force majeure est rarement admise par les juges puisque sa reconnaissance tient à trois conditions cumulatives en ce sens que l’évènement doit être imprévisible, irrésistible et extérieur à l’ouvrage réalisé. 

En principe, au sein des contrats d’assurance dommages, un évènement comme une épidémie dépasse généralement le périmètre des garanties de cette assurance et c’est d’ailleurs, la raison pour laquelle ces contrats excluent la plupart du temps de manière expresse le risque d’épidémie. 

Une lecture attentive des clauses insérées au sein de chaque contrat d’assurance conclu devra être faite. 

En l’absence de précision, si le caractère d’extériorité ne devrait pas poser de difficulté, plusieurs interrogations devront trouver une réponse : comment et finalement quand apprécier le caractère d’imprévisibilité au regard du Coronavirus ?  Quid notamment des contrats conclus avant ? Quid des mesures prises par les intervenants à l’acte de construire et/ou aménagements mis en place pour éviter ou à tout le moins minimiser les conséquences de cette crise sanitaire ?  

Une analyse in concreto de chaque situation sera encore plus de rigueur.  

Cette période compliquée d’un point de vue sanitaire entrainera manifestement de nombreuses interrogations d’un point de vue assurantiel dans les mois et les années qui suivront ces évènements. 

En effet, pourra-t-on considérer qu’un maître d’ouvrage aurait pu constater l’existence de désordre sur un ouvrage notamment public, dans les mois qui suivront la réception alors que le confinement était en cours, empêchant ainsi des visites dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ? 

Le principe fondamental du droit des assurances à savoir l’existence d’un « aléa » est-il susceptible d’être remis en question du fait de cette période de crise ? 

Gageons que les tribunaux risquent d’être fortement mobilisés sur ces questions dès que la pandémie aura pris fin. 

 

Par Justine L’Huissier

Précisions juridiques autour des mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19

Ces nouvelles mesures interviennent dans le cadre de la poursuite de la lutte contre la propagation du virus covid-19, notamment à suite de la mise en place d’un état d’urgence sanitaire et de la décision rendue par le Conseil d’Etat le 22 mars 2020 à la suite de la requête en référé liberté introduite par le syndicat Jeunes Médecins (et commentée par ailleurs au sein de cette LAJ).  

La loi instaure un dispositif d’état d’urgence « sanitaire », à côté del’état d’urgence de droit commun prévu par la loi du 3 avril 1955. Il s’agit « d’affermir les bases légales » sur lesquelles reposaient jusqu’ici les mesures prises pour gérer l’épidémie de covid-19. 

Dans sa décision, le juge des référés du Conseil d’Etat rejette la demande de confinement total et enjoint au Gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions déjà édictées.  

C’est dans ce cadre que le décret vient préciser certaines dispositions précédemment édictées.  

Par un décret du 23 mars 2020, le Premier ministre prend des mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires et de décider des mesures temporaires de contrôle des prix. 

Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, fixer les autres mesures générales et des mesures individuelles. Les préfets peuvent être habilités à prendre localement des mesures d’application. Toutes ces mesures doivent être proportionnées aux risques encourus. 

En premier lieu, le décret ne vise pas à instaurer un confinement total. En effet, le chapitre 1er du décret portant sur les dispositions générales encadre certaines mesures précédemment prises. Or, malgré la volonté du gouvernement de ralentir la propagation du virus, les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports ne sont pas interdits, mais sont organisés en veillant au strict respect des mesures sanitaires et des mesures dites « barrières ». 

 

En deuxième lieu, l’article 3 du décret vise à préciser certaines mesures concernant les déplacements et les transports des individus. Jusqu’au 31 mars 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile est interdit à l’exception des déplacements pour certains motifs et en évitant tout regroupement de personnes.  

S’agissant des déplacements pour motifs de santé. Les consultations et soins pouvant être assurés à distance sont privilégiés, à l’exception des patients atteints d’une infection longue durée ou qui ne peuvent être différés. 

S’agissant des déplacements brefs, il est prévu que ces déplacements ne sont pas interdits. Ne sont autorisés que les déplacements dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie. Chaque personne qui souhaite bénéficier de l’une des exceptions figurant à l’article 3 du décret doit se munir, lors de son déplacement hors du domicile, de l’attestation de déplacement dérogatoire permettant de justifier les raisons de ce déplacement.  

Il est également précisé que tout opérateur de transport public collectif routier, guidé ou ferroviaire de voyageurs, est tenu de mettre en place les mesures sanitaires prévues dans le décret. 

 

En troisième lieu, le décret maintient la limitation et l’interdiction de certains rassemblements jusqu’au 15 avril 2020. Il s’agit en l’espèce d’interdire tout rassemblement, réunion ou activité impliquant plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert.  

En quatrième lieu, à la suite de certaines critiques formulées (notamment par le Conseil d’Etat), la tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite. Toutefois, il est à noter qu’après avis du maire, le représentant de l’Etat dans le département peut, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population dans le respect des règles sanitaires.  

Les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts mais tous les rassemblements ou réunions sont interdits. Seules les cérémonies funéraires regroupant au maximum 20 personnes sont autorisées. 

Enfin, le décret ordonne la réquisition de stocks de masques et réaffirme les mesures temporaires de contrôle des prix des gels hydro-alcooliques. 

Dans le cas actuel, il s’agit d’une situation inédite et exceptionnelle, de sorte que les mesures prises sont susceptibles d’évoluer. En effet, les autorités peuvent être amenées à prendre des décrets ou arrêtés visant à encadrer davantage ou prolonger les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19.  

Par Camille Condamine