Droit pénal et de la presse
le 25/03/2020
Margaux PARISOTMargaux PARISOT

Loi d’urgence sanitaire : le durcissement des sanctions en cas de violation des mesures de restriction des déplacements

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Le 18 mars 2020, le gouvernement a mis en œuvre la procédure accélérée aux fins d’adoption d’un projet de loi d’urgence visant à faire face à l’épidémie de Covid-19 ; élaborée par la Commission Mixte Paritaire, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 portant création de l’état d’urgence sanitaire est ainsi entrée en vigueur le 24 mars 2020 : elle est d’application immédiate.  

Sur le plan pénal, elle porte notamment un durcissement des sanctions en cas de violation des mesures de restriction des déplacements.  

La contravention de 4ème classe initialement instituée par le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 est désormais prévue par une disposition législative qui vient compléter l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, lequel dispose à compter de ce jour que :  

« La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 » relatifs aux mesures de restrictions ordonnées face à la crise sanitaire « est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

Si ces violations « sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule ». 

 

Cet article nouvellement rédigé vise la méconnaissance des interdictions ou obligations récemment instituées par décret du Premier ministre, par arrêté du Ministre chargé de la santé, ou encore par arrêté du représentant de l’Etat dans le département – le Préfet, face à la crise sanitaire.  

Les interdictions ou obligations à portée nationale édictées par décret du Premier ministre peuvent en conséquence être précisées au plan local, et notamment celles limitant les déplacements ; plus d’une centaine de Communes ont pour l’heure instauré par arrêté municipal, un couvre-feu sur leur territoire. 

Une semaine après l’entrée en vigueur des mesures de confinement instaurées, l’exécutif a ainsi renforcé l’arsenal juridique dans un but dissuasif, en prévoyant un durcissement des sanctions prévues en cas de méconnaissance des règles restreignant les déplacements. 

Désormais, l’inobservation des interdictions ou obligations mises en œuvre au plan national ou au plan local sera sanctionnée :  

  • D’une amende forfaitaire prévue pour les contraventions de 4ème classe (135 € pouvant être majorée à 375 € en l’absence de paiement dans les 45 jours) ; 
  • D’une amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (1.500 € au plus – l’amende forfaitaire n’étant pas prévue pour les contraventions de la 5ème classe) si une seconde violation est constatée dans un délai de quinze jours ;  
  • De six mois d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende (au plus) si ces violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours ; seront également encourues les peines complémentaires de travail d’intérêt général et de suspension du permis de conduire – pour une durée de trois ans au plus – lorsque l’infraction aura été commise à l’aide d’un véhicule.  

Précisons que les agents de police municipale ainsi que les agents chargés d’un service de police et ceux de surveillance de la Ville de Paris sont désormais habilités – aux côtés des agents de police nationale – à constater par procès-verbaux les contraventions des 4ème et 5ème classes susvisées.  

La « multirécidive » visée par ces nouvelles dispositions reçoit désormais une qualification délictuelle, rendant le Tribunal correctionnel seul compétent pour en juger.  

Sur ce point, il faut néanmoins rappeler que la récidive répond normalement à des critères stricts relevant de l’appréciation d’un juge et est notamment exclue pour les contraventions de 4ème classe ; cet aspect de la loi d’urgence sanitaire sera dès lors vraisemblablement débattu devant les juridictions qui en seront saisies, notamment dans le cadre des procédures de comparution immédiate. 

L’instauration de ce nouveau délit dote en tout état de cause les services de police et du Parquet d’un fondement juridique permettant de procéder à l’interpellation, à la garde à vue, voire au déferrement et au jugement d’administrés récalcitrants qui ne respecteraient pas les consignes. Rappelons en effet que ces comportements étaient précédemment poursuivis – et ont pour certains été condamnés – sur le fondement – juridiquement fragile – du délit de la mise en danger d’autrui qui requiert toutefois d’apporter la preuve, non seulement d’un manquement à une obligation législative ou règlementaire particulière de sécurité ou de prudence – réuni dans un tel cas – mais surtout de l’existence d’un risque immédiat de mort – ce qui pouvait paraître ici contestable. 

Enfin, l’article 11 de cette loi d’urgence sanitaire a adopté la possibilité pour le Gouvernement de procéder par voie d’ordonnance pour notamment adapter et simplifier les délais de procédure prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ; le texte précise que ces mesures seront rendues rétroactivement applicables à compter du 12 mars 2020, et ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19.  

Il en va de même s’agissant des règles relatives à la compétence territoriale des juridictions, au déroulement des audiences pour les contentieux urgents et des gardes à vue qui devront être adaptées, notamment en favorisant le recours à la visioconférence, tout comme des mesures relatives à l’exécution des peines privatives de liberté, des mesures de placement et autres mesures éducatives prises en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, pour limiter la propagation du virus. 

L’ordonnance précisant les modalités d’application de ces dispositions devrait être adoptée rapidement. 

 

Par Marlène Joubier et Margaux Parisot