le 25/03/2020

Fermeture d’établissements  médico-sociaux, manque de personnel dans les établissements en activité : comment les gestionnaires peuvent réagir  face au COVID 19 ?

La crise sanitaire actuelle a de graves répercussions sur le secteur sanitaire et social, et notamment sur la prise en charge des personnes vulnérables accueillies dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). En effet, si de nombreux établissements d’accueil ont, à la suite du passage en stade 3 de l’épidémie, fermés, cette fermeture doit être accompagnée d’un dispositif organisant la continuité de l’accompagnement médico-social aux familles (astreinte téléphonique, mise en place de prestations prioritaires au domicile, orientation si besoin vers une structure d’hébergement). Par ailleurs, d’autres établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées doivent rester ouverts alors même que l’absentéisme du personnel y est très important et qu’ils manquent souvent de matériels de protection (masques, gants, surblouse, solutions hydroalcooliques).

Il existe plusieurs possibilités pour les directeurs d’établissements afin de mobiliser leurs équipes à l’arrêt du fait de la fermeture des établissements où ils travaillent normalement. Cette mobilisation du personnel est possible, sans avoir à recourir au volontariat, au nom du principe de continuité de l’activité des établissements médico-sociaux qui a pour but de garantir la continuité et la qualité des prises en charge au sein des ESSMS. En effet, les professionnels du secteur médico-social assument, comme les professionnels hospitaliers, des missions incompressibles nécessaires à la continuité des accompagnements en gestion de crise.

Dans des consignes publiées par le Ministère des solidarités et de la santé le 4 mars[1], il a ainsi été rappelé que le personnel des établissements sociaux et médico-sociaux n’avait pas vocation à être placé en chômage technique dans l’hypothèse où l’établissement où il travaille – par exemple un institut médico-éducatif (IME) en externat – serait fermé mais à être « mobilisé » sur décision de la direction de l’établissement ou du service concerné. Le personnel médico-social peut ainsi être mobilisé pour soutenir la continuité des soins au domicile de la personne pour des gestes ou des temps pour lesquels les proches aidants ne peuvent pas prendre le relais. Dans ce cas, cela doit être autorisé par le directeur de l’ARS. De même, il peut être mobilisé pour renforcer les effectifs d’une autre structure d’hébergement gérée par le même employeur, sous réserve de respecter ce qui est prévu dans le contrat de travail et que cette mobilisation s’inscrive dans l’objet statutaire de l’association.

Si ces deux hypothèses – intervention à domicile ou pour renforcer les équipes des établissements ouverts – ont vocation à s’appliquer alors même que le personnel en question ne serait pas volontaire, elles peuvent toutefois être tempérées par le risque que le salarié décide d’exercer son droit de retrait[2] (invoquant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé dû au de mise en place par son employeur de systèmes de protection efficaces) ; étant précisé que ce droit de retrait est entendu strictement par les tribunaux. En effet, dans le contexte du COVID 19, il sera difficile à exercer s’il apparaît que l’employeur a appliqué les mesures recommandées par les autorités sanitaires en vue d’assurer une sécurité maximum de ses salariés. Sur les mesures recommandées dans les ESSMS, s’agissant de salariés exposés régulièrement à des contacts étroits avec le public du fait de leur profession et donc pour lequel le risque de transmission du virus peut s’avérer plus élevé, il est recommandé aux employeurs de mettre en place des mesures d’hygiène renforcées en complétant les mesures barrières par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre (lorsque cela est pertinent et possible), par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, ainsi que par le lavage des mains. En l’absence de personnes malades, il n’est en revanche pas demandé de leur fournir des masques (qui sont obligatoires pour les personnes en contact direct avec les malades du COVID 19).

Dans le cas où la mobilisation du personnel des structures fermées ne permettrait pas de combler le manque de personnel des structures ouvertes, il serait possible de solliciter le personnel de structures tierces que ces dernières mettraient à disposition dans le cadre de la solidarité territoriale, toujours au nom du principe de continuité de l’activité des établissements médico-sociaux. C’est l’hypothèse de l’appel à candidatures mis en place par la direction d’un établissement pour recenser les professionnels volontaires pour intervenir auprès d’un autre organisme gestionnaire. Il est alors fait recours à l’outil qu’est la mise à disposition temporaire de salarié, les salariés restant rémunérés par l’employeur habituel.

 

Contrairement à ce qui a été évoqué plus haut pour la mobilisation de personnel entre structures d’un même employeur, ici, la mobilisation fonctionne sur la base du principe du volontariat (professionnels volontaires) et ne peut être « imposée » au personnel de l’organisme tiers.

De même, il importe également de préciser, s’agissant des structures qui ont fermé et qui nécessitent un suivi de la situation des personnes et de leurs proches aidants, que les autorités sanitaires ont pu préciser que si les effectifs ne permettent pas à l’établissement fermé d’assurer la continuité des accompagnements prioritaires au domicile des personnes, une organisation avec les autres partenaires médico-sociaux et de droit commun du territoire doit être envisagée (par exemple d’autres organismes gestionnaires de structures médico-sociales). L’idée est de faire jouer « la complémentarité de leurs actions au service des personnes et de leurs familles »[3]. Pour ce faire, il est conseillé se rapprocher de l’ARS territorialement compétente et faire état de ses difficultés.

Enfin, les ESSMS doivent déployer sans délai leur plan de continuité et de transformation de l’activité vers le domicile des personnes. Il est en effet conseillé à l’employeur d’organiser un plan de continuité et de soumettre les mesures envisagées au CSE. La formalisation de ce plan de continuité doit permettre d’envisager une situation de crise avec plus de recul, cette démarche pro-active ayant pour objet d’avoir à gérer des situations marquées par l’urgence.

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[1] Également disponibles dans « Consignes et recommandations applicables à l’accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap », 4 mars 2020, Ministère des solidarités et de la santé, pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap

[2] Article L. 4131-1 du Code du travail 

[3] Page 13 du même document « Consignes et recommandations applicables à l’accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap »

 

Par Audrey Lefèvre et Esther Doulain