La participation du public face au covid-19 : La réponse du législateur

Le droit positif n’en finit pas d’être bouleversé pour s’adapter à l’épidémie de Covid-19. Nous nous étions interrogés, dans le cadre d’un précédent commentaire d’actualité, sur le point de savoir comment le législateur adapterait le droit de la participation du public aux projets d’aménagement du territoire ou aux projets, plans et programmes susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement, à la suite des nombreuses interruptions ayant dû intervenir en cette période d’urgence sanitaire. 

En application des articles 11-2-a) 11-8-e) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, des mesures adaptant les « délais et les modalités de consultation du public » et des mesures dérogatoires « aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique », pourront être prises par ordonnance. 

C’est dans ce contexte que l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, a été adoptée. 

L’article 7 de cette ordonnance dispose, tout d’abord, que : 

« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. 

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public ». 

Le principe est donc que toutes les procédures de consultation ou de participation du public (ce qui inclut notamment les procédures de débat public, de concertation préalable prévue à l’article L. 103-2 du Code de l’urbanisme, d’enquête publique classique ou encore de participation du public par voie électronique) qui devaient avoir lieu entre le 12 mars et le 24 juin 2020 sont suspendues. 

La notion de « suspension », contrairement à celle d’ « interruption », implique, selon une analyse sémantique, que le délai est arrêté temporairement sans effacer la période déjà courue. 

En d’autres termes, à titre d’illustration, une enquête publique prévue pour une durée de 30 jours, commencée le 3 mars, dont le cours a été suspendu à compter du 12 mars, devrait reprendre le 25 juin, et ce jusqu’au 15 juillet 2020. 

 

L’article 12 de l’ordonnance prévoit toutefois un régime dérogatoire en matière d’enquêtes publiques portant sur des projets particulièrement importants sur le plan national et présentant une urgence particulière (on pensera, à cet égard, à la réalisation du Grand Paris Express ou encore aux Jeux Olympiques de 2024) : 

« Le présent article s’applique à toute enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée pendant la période définie au I de l’article 1er de la présente ordonnance. 

Lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut en adapter les modalités : 

1° En prévoyant que l’enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l’enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l’interruption due à l’état d’urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;

2° En organisant une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés. 

Lorsque la durée de l’enquête excède la période définie au I de l’article 1er de la présente ordonnance, l’autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève. 
Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article ». 

Ainsi est-il prévu, dans ce cas exceptionnel, la possibilité de poursuivre une enquête publique en cours ou à venir par voie exclusivement dématérialisée. 

Lorsqu’est concernée une enquête publique en cours au moment de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire, une adaptation de la durée de l’enquête (à savoir implicitement un report de la fin de celle-ci) pourra être mise en place pour tenir compte de la période d’interruption due à la mise en place de l’état d’urgence sanitaire. 

Lorsqu’il a été prévu qu’une enquête publique débute entre le 12 mars et le 24 juin 2020, mais expire au-delà de cette dernière date, l’enquête pourra se dérouler à compter du 25 juin selon les modalités du droit commun. 

Nul doute que si ce dispositif exceptionnel de poursuite d’enquêtes publiques est actionné, il ne manquera pas de susciter des débats enflammés devant le juge administratif sur le point de savoir ce que sont les « conséquences difficilement réparables » qu’est susceptible d’entraîner l’état d’urgence sanitaire sur des projets ou encore sur la notion de « projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ».  

Le droit de la participation du public peut donc se trouver potentiellement malmené par l’article 12 de l’ordonnance du 25 mars 2020 en réduisant, voire en empêchant, les possibilités au public de s’exprimer (au regard du constat récemment dressé des situations d’ « illectronisme » ou d’absence d’accès à internet dans certains territoires), au demeurant là où une telle expression est la plus importante lorsqu’elle porte sur des projets d’importance considérable. 

 

Par Martin Mattiussi-Poux

Chômage partiel : Attention à ne pas en abuser !

Ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics

Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle

 

Alors que le dispositif d’activité partiel (communément appelé chômage partiel) connaît un véritable succès, de nombreux abus venant des employeurs sont de plus en plus dénoncés.  

En effet, certains employeurs n’hésitent pas à demander à leurs salariés placés en chômage partiel total de continuer à travailler, ce qui est illégal comme l’a récemment précisé la ministre du travail.  

A cet égard, il convient de rappeler que le chômage partiel peut prendre deux formes :  

  • soit un arrêt total de l’activité des salariés – dont les contrats de travail sont suspendus – , en raison de la fermeture de l’entreprise ou d’un ou plusieurs services : on parle alors de chômage partiel total. Dans ce cas, les salariés ne doivent pas du tout travailler ; 
  • soit une réduction du temps de travail hebdomadaire habituel. Dans ce cas, il peut être demandé aux salariés un certain nombre d’heures qui doivent être déclarées.  

Ainsi, un employeur qui demande à un collaborateur en chômage partiel total de télétravailler est dans l’illégalité. C’est une fraude ! 

Attention, il ne faut pas s’y méprendre, la situation de crise n’empêchera pas par la suite l’administration de contrôler les abus. Il est, d’ailleurs, fort probable que les Direccte lancent prochainement quelques contrôles afin de donner l’exemple et mettre fin aux velléités de fraude.  

Et parce que solidarité ne doit pas rimer avec profit, La Ministère du travail a rappelé les sanctions (cumulatives) encourues par les employeurs fraudeurs :   

  • remboursement intégral des sommes perçues au titre du chômage partiel ; 
  • interdiction de bénéficier, pendant une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle ; 
  • 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. 

 

Sachez également que le site du Ministère du Travail invite actuellement les salariés et les représentants du personnel à signaler aux Direccte, tout manquement à cette règle… 

Par Meriem Khelif

Ordonnances du 25 mars 2020 et assistance éducative et mineurs non accompagnés

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

 

Aux termes d’une série d’ordonnances adoptées le 25 mars et publiées le 26 mars dernier, le Gouvernement a précisé le contenu de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19, publiée le 24 mars dernier et qui a instauré un « état d’urgence sanitaire » fixé rétroactivement au 12 mars dernier. 

Parmi elles, l’ordonnance n° 2020-304 modifie les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, et contient notamment un chapitre spécifique à l’assistance éducative. L’ordonnance n° 2020-306 est quant à elle relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Ce qu’il faut en retenir :  

  • Lorsque la mesure d’assistance éducative expire au cours de la période d’urgence sanitaire, le juge peut, sans audition des parties et par décision motivée prise à l’appui du rapport éducatif, dire qu’il n’y a plus lieu à assistance éducative.  
  • A défaut, les mesures d’assistance éducative dont le terme vient à échéance pendant la période d’urgence sanitaire sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période.  
  • Le juge peut suspendre ou modifier les droits de visite et d’hébergement, sans audience et par décision motivée, le maintien des liens entre l’enfant et la famille étant conservé par tout moyen. 
  • Le juge peut tenir les audiences civiles en ayant recours à un moyen de communication : les audiences urgentes en matière d’assistance éducative sont donc maintenues. 
  • Les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire sont prorogés : la diligence sera réputée avoir été faite si elle a été effectuée dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la période d’urgence, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. 

Ainsi, si un mineur non accompagné est placé au sein du département par le juge des enfants durant la période d’urgence sanitaire, le département pourra interjeter appel de cette décision jusqu’à 15 jours après la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

Il conviendra d’être particulièrement vigilant. Afin d’éviter de s’exposer au risque de voir un appel déclaré irrecevable car non formé dans ce nouveau délai, nous vous conseillons de préparer dès à présent les déclarations d’appel, afin que ces dernières soient prêtes à être adressées dès la levée du confinement. 

Par Nadia Taillebois-Zaiger

Rejet de la demande de mesures pour la mise à disposition de matériels aux personnels de santé

Une nouvelle action a été portée devant le Conseil d’Etat par les soignants afin de contraindre l’Etat à prendre des mesures permettant à ceux particulièrement exposés au virus Covid-19 de bénéficier des matériels nécessaires à leur protection. Elle est rejetée par le Conseil d’Etat.  

Les requérants demandaient qu’il soit enjoint à l’Etat d’adopter toutes décisions et mesures d’urgence afin de permettre leur approvisionnement suffisant en matériel et, par ailleurs, de prendre toutes les mesures de police et de réquisitions nécessaires afin de procéder à la fabrication ou à la remise des stocks suffisants de protections (masques FFP2, gel hydroalcoolique, surblouses, charlottes, gants, etc.). Ils invoquaient, à cet égard, la violation du droit à la vie, du droit ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, du droit à la protection de la santé (le droit de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé), et, enfin, des libertés d’entreprendre et du commerce et de l’industrie.   

S’agissant des matériels de protection autres que les masques, le juge a relevé qu’il n’existait pas de difficultés notables d’approvisionnement justifiant que d’autres mesures que celles existantes actuellement soient mises en œuvre au plan national.  

S’agissant des masques, en matière d’approvisionnement, le Conseil d’Etat relève que, depuis le début de l’épidémie – où le stock d’Etat était de 117 millions de masques anti-projections et alors qu’il n’en existait aucun pour les masques de type FFP2, c’est-à-dire ceux conçus pour protéger le porteur du masque – l’Etat a pris des mesures de réquisitionnement auprès de toute personne morale de droit public ou de droit privé et des entreprises de fabrication/distribution, bénéficié d’un certain nombre de dons et passé plusieurs commandes portant sur plusieurs centaines de millions de masques, cela devant conduire à ce qu’il dispose très prochainement de 24 millions de masques par semaine. Par ailleurs, il a relevé que la production de nouveaux types de masques, dont certains réutilisables, était à l’étude par des entreprises françaises, dont le développement est soutenu par l’Etat.  

En matière de distribution, le Conseil d’Etat considère qu’elle a eu lieu selon une « stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée », adaptée en fonction de l’évolution de l’épidémie et au regard des besoins théoriques de chaque profession.  

Le juge pointe toutefois le fait que la dotation en masques de type FFP2 est partielle et, par ailleurs, et que la dotation en masques chirurgicaux est par ailleurs insuffisante pour que les patients puissent en porter (afin d’éviter la contamination des soignants).  

Il considère néanmoins au total qu’il n’y a pas matière à prononcer les mesures sollicitées par les requérants, la situation devant nettement s’améliorer dans les jours et semaines à venir.  

En substance, le Conseil d’Etat considère donc que les mesures effectivement envisageables ont été mises en œuvre par le Gouvernement pour permettre la dotation des soignants en matériels de protection, et qu’aucune injonction de nature à avoir un prolongement concret ne pourrait malheureusement permettre d’améliorer la situation. 

Par Stella Flocco

Dérogations aux prorogations de délais instituées par l’ordonnance n° 2020-306 en matière environnementale

Publié au Journal officiel du 2 avril 2020, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 liste de manière exhaustive les délais qui ne bénéficieront pas des mécanismes de prorogation prévus par l’ordonnance n° 2020-306. Les dispositions de cette ordonnance indiquent en effet que seront prorogés certains délais dont le terme devait échoir durant la période s’étendant du 12 avril 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence.   

Aux termes de ce décret, de nombreux délais, auxquels devait s’appliquer l’ordonnance n° 2020-306, y sont donc soustraits. Les délais visés par ce décret sont principalement applicables en droit de l’environnement.  

Ne seront par exemple pas soumis aux mécanismes de suspension et de report de leur point de départ les délais applicables aux mesures, contrôles, analyses et surveillances ayant pour objet la sécurité, la protection de la santé et de la salubrité publique et la préservation de l’environnement prescrits par les arrêtés et décisions pris en application de certaines dispositions du Code de l’environnement, du Code minier et du Code de l’énergie. Il s’agit notamment des délais applicables aux prescriptions s’appliquant aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et découlant des autorisations environnementales et arrêtés d’autorisation, enregistrement ou déclaration. Dérogent également aux dispositions de l’ordonnance commentée les délais de certains travaux et opérations d’entretien fixés dans les autorisations environnementales des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA), ainsi que les délais d’élaboration et d’homologation des plans annuels de répartition du volume d’eau faisant l’objet d’une autorisation de prélèvement. De nombreux autres délais sont ainsi énumérés au sein du décret commenté.  

En application de ce texte, les délais qui y sont mentionnés reprennent leur cours à sa date d’entrée en vigueur, c’est-à-dire au 3 avril 2020. Pour la computation de ces délais, il importe néanmoins de noter que, en application des dispositions de l’ordonnance n° 2020-306, ils auront bénéficié des mécanismes de prorogation ainsi institués durant la période du 12 mars 2020 au 3 avril 2020.  

 

Par Cécile Jauneau et Julie Cazou

Le Gouvernement au secours des artistes-auteurs

Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19

Réclamées par la Ligue des auteurs professionnels depuis le 17 mars dans une lettre ouverte au Premier ministre, des mesures ont enfin été adoptées pour répondre aux attentes des artistes-auteurs. En effet, le milieu culturel et artistique est directement impacté par l’interdiction des rassemblements et la brutale perte des revenus annexes que les artistes-auteurs percevaient dans le cadre des actions d’éducation artistique et culturelle. 

Après avoir annoncé le 18 mars dernier une aide d’urgence de 22 millions d’euros pour différents secteurs culturels, le ministère de la culture a ainsi précisé les dispositifs d’action en faveur des artistes-auteurs.   

Dans un premier temps, les artistes-auteurs pourront bénéficier des mesures adoptées dans le cadre des ordonnances des 25 et 27 mars 2020 détaillant les aides accordées aux entreprises durant cette période de crise sanitaire. Ainsi, les artistes-auteurs pourront bénéficier d’une aide pouvant s’élever à 1 500 €, issue du fond de solidarité mis en place par le Gouvernement. Ils peuvent également bénéficier, comme les salariés, des prestations de l’assurance maladie s’ils font l’objet d’une mesure d’isolement ou de maintien à domicile ou bien s’ils sont parents d’enfant faisant l’objet d’une telle mesure. 

Par ailleurs, les artistes-auteurs pourront reporter intégralement ou étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux (mesure prévue par l’ordonnance du 25 mars 2020). De la même façon, les artistes-auteurs pourront solliciter un report ou un étalement de leurs échéances sociales et fiscales.  

Enfin, l’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit d’autoriser de façon exceptionnelle les organismes de gestion collective à recourir aux sommes que la loi leur impose de consacrer notamment à des actions artistiques et culturelles (projets éducatifs et culturels, festivals…), pour soutenir financièrement les auteurs et artistes privés de recettes économiques. Les organismes de gestion collective ont alors jusqu’au 31 décembre 2020 pour verser les aides aux titulaires de droits d’auteur et de droits voisins dont les revenus découlant de l’exploitation en France de leurs œuvres et prestations ont été gravement affectés par la crise sanitaire et les mesures de confinement. 

 

Par My-Kim Yang-Paya et Elie Lellouche

Le report des délais de procédure en cours devant l’INPI

Principe :  

Le Code de Propriété Intellectuelle instaure de nombreux délais liés aux formalités de dépôt en matière de propriété industrielle (marques, brevets, dessins et modèles etc.).  

Ainsi, la procédure d’acquisition des droits de propriété industrielle est enfermée dans des délais stricts tant du côté du déposant (paiement, observations aux avis d’irrégularités) que des tiers (délais d’opposition, d’observation au soutien des oppositions).  

La mesure instaurée par l’état d’urgence sanitaire :  

Le Gouvernement a prévu dans son ordonnance du 25 mars 2020 n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, une prorogation des délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

L’Office Nationale de la Propriété Intellectuelle en qualité d’établissement public administratif est visé par l’article 6 de cette ordonnance et a pris le soin de reporter ses délais au regard des difficultés liées au Covid-19.  

Ainsi, le 26 mars 2020, le Directeur de l’INPI a publié un communiqué dans lequel il annonce qu’en vertu de cette ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, toutes les échéances intervenant dans la période entre le 12 mars et un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire sont reportées à un mois après la fin de cette période si le délai initial était d’un mois et à deux mois après la fin de cette période si le délai initial était de deux mois ou plus.  

Il a été précisé que ces reports ne s’appliquent qu’aux délais prévus par le Code de la propriété intellectuelle, à l’exception de ceux résultant d’accords internationaux ou de textes européens. 

Concrètement, ce report concerne les échéances pour faire opposition à une marque, pour payer une annuité de brevet, pour renouveler une marque ou proroger un dessin ou modèle et pour bénéficier du délai de grâce correspondant, pour introduire un recours administratif ou juridictionnel, pour formuler des observations de tiers ou pour répondre à une notification de l’INPI.  

Il ne concerne en revanche pas les délais de priorité pour une extension internationale, les délais de paiement pour le dépôt de brevet ni les délais pour déposer un certificat complémentaire de protection, qui relèvent de dispositions supra-nationales.  

Conseil : Si vous êtes en mesures de le faire, ou vos conseils mandataires, pour répondre aux notifications ou à procéder à vos démarches, sans attendre l’extinction des reports issues de cette décision du Directeur de l’INPI, cela permettra d’éviter d’engorger les procédures à l’issue de la période d’urgence sanitaire. 

Par Manon Boinet

Gels hydroalcooliques : le gouvernement assouplit temporairement les règles de production

Face à la consommation accrue de produits hydroalcooliques due à l’épidémie de Covid-19, la Ministre de la transition écologique et solidaire a autorisé, par un arrêté publié le 13 mars 2020 et modifié les 20 et 27 mars 2020, la mise à disposition sur le marché et l’utilisation temporaires de certains produits hydroalcooliques utilisés en tant que biocides désinfectants pour l’hygiène humaine, jusqu’au 31 mai 2020. 

Cet arrêté autorise quatre types d’établissements à préparer et à formuler ces produits hydroalcooliques :  

  • Les établissements pharmaceutiques de fabrication de médicaments à usage humain (définis au 1° de l’article R. 5124-2 du Code de la santé publique) ;  
  • Les établissements de fabrication de produits cosmétiques (prévus à l’article L. 5131-2 du Code de la santé publique) ;   
  • Les établissements de fabrication de produits biocides ayant déclaré un produit relevant de l’un des types de produits 1, 2, 3, 4 ou 5 au titre de l’article L. 522-2-I du Code de l’environnement ;  
  • Les installations classées pour la protection de l’environnement (et non plus seulement les installations soumises à autorisation ou enregistrement comme il était prévu dans la première version de l’arrêté).  

 

La modification du 27 mars 2020 permet également aux fabricants de produits biocides déjà autorisés sur le marché, dont la substance active est l’éthanol ou l’isopropanol, de recourir aux référentiels listés à l’annexe de l’arrêté.  

Cette annexe liste les quatre formules (contre trois formules dans l’arrêté initial) autorisées à titre dérogatoire afin de produire ces gels hydroalcooliques, chaque formule détaillant notamment les référentiels de ses composants, ainsi que les règles concernant l’étiquetage des contenants, les conditions de conservation avant ouverture et les règles de libération des lots.  

Il est à noter que cet arrêté, déjà modifié deux fois dans les quinze premiers jours de sa publication, pourrait encore être amené à évoluer dans la mesure où certaines questions restent en suspens, concernant par exemple le conditionnement des produits. 

Par Cécile Jauneau

Précisions juridiques autour du report du second tour du renouvellement général des conseils municipaux et communautaires

Ces nouvelles dispositions interviennent à la suite du report du second tour des élections municipales initialement prévu le dimanche 22 mars 2020, entériné par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et le décret n° 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires en cours. Elles apportent quelques précisions sur le déroulement de ce second tour, dans l’hypothèse (de moins en moins probable) où il aurait bien lieu d’ici le mois de juin (dans l’hypothèse inverse, l’ensemble des opérations électorales serait annulé).  

Cette ordonnance particulièrement succincte vise notamment à organiser l’établissement des listes électorales en vue du second tour, les modalités de dépôt des listes de candidats au second tour ou le délai exceptionnel accordé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour statuer sur les comptes de campagne. 

 

I – Le maintien des listes électorales en vue du second tour des élections  

En premier lieu, l’article 1er de l’ordonnance prévoit de « figer » les listes électorales établies pour le premier tour. Il est prévu que le 2nd tour aura lieu à partir des listes électorales et des listes électorales complémentaires établies pour le premier tour, sous réserve de certaines nouvelles inscriptions et radiations uniquement, à savoir : 

  • les inscriptions intervenues en raison de l’atteinte de l’âge de la majorité ; 
  • celles résultant de l’acquisition de la nationalité française ; 
  • les inscriptions ou radiations ordonnées par l’autorité judiciaire ; 
  • ou les radiations en raison du décès ou de la perte de la qualité d’électeur.  

 

En deuxième lieu, et en conséquence, il est prévu que le maire ou la commission de contrôle ne peuvent procéder à aucune radiation des listes et ce jusqu’au lendemain du second tour, en dérogation aux dispositions prévues par le Code électoral. 

Enfin, dans le cas où le maire ou la commission de contrôle procèderaient à des inscriptions sur listes, celles-ci ne seront pas prises en compte pour les listes établies pour le second tour des élections municipales. 

 

 II – Les modalités de dépôt des listes de candidats  

L’article 2 de l’ordonnance prévoit de déroger aux modalités habituelles de dépôt des listes des candidats.  

Il ressort de l’ordonnance qu’une période complémentaire de dépôt des déclarations de candidature sera ouverte à une date fixée par le futur décret relatif à la convocation des électeurs et close le mardi qui suit la publication de ce décret à 18 heures.  

En revanche, les déclarations qui ont été enregistrées avant le mardi 17 mars 2020 à 18 heures et pour lesquelles un récépissé définitif a été délivré demeurent valables. Les candidats n’ont pas à procéder à un nouveau dépôt. 

Néanmoins, les candidats qui souhaitent retirer leur candidature durant la période complémentaire de dépôt peuvent le faire sous certaines conditions. Cette faculté ne peut intervenir que pour les candidatures déposées dans les communes de plus de 1 000 habitants et la métropole de Lyon. La déclaration de retrait d’une liste entière doit comporter les signatures de la majorité des candidats de la liste. 

 

III – Le sort des conseillers élus au premier tour dans les communes de moins de 1000 habitants  

L’article 3 de l’ordonnance prévoit que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les sièges acquis au 1er tour sont maintenus. Le second tour ne vise qu’à procéder à l’élection des sièges non pourvus au premier tour.  

 

IV – Le délai d’analyse de la CNCCFP allongé   

L’article 4 de l’ordonnance rallonge le délai dont dispose la commission de contrôle pour se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à la suite d’un recours contentieux. 

En effet, le délai ordinairement prévu est de deux mois à compter du 10ème vendredi suivant le premier tour de scrutin (date limite de dépôt des comptes) lorsque le juge est saisi d’une contestation d’une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné. Le juge électoral doit sursoir à statuer jusqu’à ce que la commission se prononce sur les comptes de campagne des candidats. 

L’ordonnance permet d’observer des délais réalistes compte tenu des circonstances puisqu’elle fixe à trois mois « à compter de la date prévue au 4° du XII de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 » le délai dont dispose la CNCCFP pour statuer. Or, cette phrase ne permet pas de comprendre à quelle date la CNCCFP doit statuer puisque l’article 19 XII 4° mentionne deux dates de dépôt différentes, selon que l’élection a été acquise au 1er ou au second tour (10 juillet ou 11 septembre 2020). Faut-il considérer, dans la logique traditionnelle, que le délai doit être le même pour tous les candidats et retenir le 10 juillet comme point de départ unique ou, au contraire, compte tenu de l’écart exceptionnel entre les deux tours, considérer que le délai de trois mois court à partir du 10 juillet dans le cas d’élection dès le premier tour et du 11 septembre dans le cas d’élection au second ? 

Par Aloïs Ramel et Camille Condamine

Sociétés d’habitation à loyer modéré, sociétés d’économie mixte, GIE, associations : prorogation des délais d’approbation des comptes et assouplissement des règles relatives à la tenue des assemblées et organes dirigeants

Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19

 

En raison de la difficulté – voire de l’impossibilité – pour les assemblées et organes dirigeants des personnes morales de droit privé de se réunir en raison des mesures de restriction des déplacements et rassemblements prises pour répondre à la crise sanitaire actuelle, diverses ordonnances ont été adoptées le 25 mars 2020 par le Gouvernement, notamment afin de leur accorder plus de temps pour approuver leurs comptes et assouplir les règles de réunion de leurs assemblées et de leurs organes de gouvernance.  

 

I – Prorogation des délais d’approbation des comptes 

L’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 proroge de 3 mois le délai pour approuver les comptes clos entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un moins après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Ainsi, une société qui avait jusqu’au 30 juin pour approuver ses comptes pourra y procéder jusqu’au 30 septembre 2020. 

Pour les sociétés anonymes ayant une gouvernance de forme dualiste, c’est-à-dire composée d’un conseil de surveillance et d’un directoire, le délai accordé au directoire pour arrêter les comptes et le communiquer au conseil de surveillance est également prorogé de 3 mois.   

Ces dérogations ne s’appliquent toutefois pas aux sociétés qui ont désigné un commissaire aux comptes lorsque celui-ci a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.  

 

II – Assouplissement des règles permettant aux organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction de se tenir en en visioconférence ou en téléconférence

L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 20202, applicable aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 20203, permet aux membres des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction de participer aux réunions de ces derniers au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle, sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur soit nécessaire ni ne puisse s’y opposer, et ce, quel que soit l’objet de la décision (y compris par conséquent sur l’établissement des comptes annuels, du rapport de gestion et, le cas échéant, des comptes consolidés et du rapport sur la gestion du groupe). 

Les moyens utilisés doivent permettre l’identification des participants, garantir leur participation effective, transmettre au moins leur voix et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations.  

 

III – Assouplissement des règles permettant de consulter par écrit les organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction

La même ordonnance permet également à ces organes de prendre des décisions par voie de consultation écrite de leurs membres sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer, et ce, quel que soit l’objet de la décision.  

 

IV – Assouplissement des règles relatives aux assemblées générales

L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 tend également à faciliter l’organisation des assemblées générales, tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 20204, en permettant :  

  • de communiquer par message électronique les documents ou informations qu’un membre d’une assemblée pourrait demander préalablement à sa tenue ; 
  • de réunir une assemblée à « huis clos », c’est-à-dire sans que les participants ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle, dès lors que l’assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires ;  
  • d’y participer au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle permettant l’identification des participants, sans qu’une clause des statuts ou du contrat d’émission ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer, et ce, quel que soit l’objet de la décision (y compris, le cas échéant, l’approbation des comptes). Les moyens techniques utilisés doivent alors permettre l’identification des participants, transmettre au moins leur voix et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations.   

Consultez la note de la Fédération des coopératives HLM réalisée en collaboration avec Seban &  Associés : https://www.hlm.coop/ressources/all/11222 

 

Par Lounès Khadir

Mesures prises en faveur des microentreprises affectées par la propagation de l’épidémie de covid-19 s’agissant du paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité et mesures relatives à la trêve hivernale

Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19  

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 

Décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 

Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation 

Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale 

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale 

 

Publiées au Journal Officiel du 26 mars 2020, l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 (ci-après « l’Ordonnance n° 2020-316 ») et l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale (ci-après « l’Ordonnance n° 2020-331 ») font partie du chapelet de mesures prises par le Gouvernement en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.  

L’Ordonnance n° 2020-316, qui vise à prévenir et limiter la cessation d’activité des microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie, a été complétée par le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 (ci-après le « Décret n° 2020-378 ») publié au Journal Officiel du 1er avril 2020.  

L’Ordonnance n° 2020-316 concerne les personnes physiques et personnes morales de droit privé, résidentes fiscales françaises, qui exercent une activité économique et remplissent un certain nombre de conditions définies dans le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. En particulier, les entreprises concernées doivent avoir débuté leur activité avant le 1er février 2020, avoir un effectif inférieur ou égal à dix salariés et le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos doit être inférieur à un million d’euros (pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros). Les entreprises visées doivent également avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % durant la même période.  

Et elle prévoit trois séries de mesures en faveur de ces microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie :  

  • l’interdiction, jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, de la suspension, de l’interruption ou de la réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau, et l’interdiction de la réduction de la puissance électrique distribuée (article 2) ;  
  • la possibilité de se voir accorder, à leur demande, le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire et non encore acquittée, sans que ce report ne puisse donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités à leur charge. Il est prévu que le paiement des échéances ainsi reportées soit réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois (article 3) ; 
  • l’interdiction de l’application de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux de ces microentreprises (article 4).  

 

L’Ordonnance n° 2020-331 prolonge pour sa part jusqu’au 31 mai 2020 la trêve hivernale ainsi que l’interdiction de l’interruption de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles pour non-paiement des factures (article 1er). Il demeure cependant possible pour les fournisseurs d’électricité de procéder à une réduction de puissance, sauf pour les consommateurs en situation de précarité énergétique.  

Par Candice Méric

Covid-19 et réseaux mobiles de communications électroniques

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 

Alors que la propagation de la pandémie Covid-19 a poussé la population française au confinement, la numérisation massive de la vie professionnelle et sociale a conduit le Gouvernement à prendre diverses mesures, par voie d’ordonnance, afin de garantir la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques. 

Parue au Journal Officiel du 26 mars 2020, l’ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire, a aménagé certaines procédures préalables à l’installation ou à la modification des installations de communications électroniques, et plus précisément des équipements radioélectriques (antennes-relais de téléphonie mobile). 

Cette ordonnance prévoit quatre types de mesures qui faciliteront pendant cette période d’urgence les interventions des opérateurs de téléphonie mobile :  

  • Suspension de l’obligation de transmission au maire ou président de l’intercommunalité, du dossier d’information « en vue de l’exploitation ou de modification d’une installation radioélectrique » sur le territoire communal, et ce pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire. Cependant, l’exploitant de l’installation doit en aviser au préalable les autorités locales ; 
  • Faculté pour les exploitants de prendre librement des décisions d’implantation de stations radioélectriques après une information de l’Agence nationale des fréquences par dérogation à l’article L. 43-I du Code des postes et des communications électroniques ; 
  • Réduction du délai d’instruction de deux mois à 48 heures, pour les demandes de permissions de voirie relatives « aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire ou dans le cadre d’interventions urgentes ». Le silence gardé par l’administration, au-delà de 48 heures, vaut décision d’acceptation ; 
  • Dispense de toute formalité pour les constructions, installations et aménagements de faible durée et strictement nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques.  

Sur le plan temporel, il importe de souligner que cet allégement de formalité en faveur des opérateurs, est seulement valable pour la période d’état d’urgence sanitaire qui est prévue pour deux mois par la loi du 23 mars 2020, soit jusqu’au 24 mai 2020. Cette période pourrait toutefois être prorogée par le législateur (art. 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020).  

Cette ordonnance pourra être utile en particulier pour installer des antennes temporaires dans des zones où les réseaux mobiles sont fortement mobilisés. 

Par Akif Ekinci

Etat d’urgence sanitaire : quid des délais donnés par l’administration et notamment en matière de péril ?

Le gouvernement a pris le 25 mars 2020 une ordonnance n° 2020-306  « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ».   

Cette ordonnance énonce un principe général de maintien et de suspension des délais selon la date d’échéance des délais et aborde plus particulièrement son application en matière d’injonction faite d’avoir à réaliser des travaux 

 

I – Les principes 

L’article 1er de cette ordonnance de portée générale porte sur les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré et éventuellement prorogé. 

Le texte voté par le Parlement le 22 mars 2020 sur la situation sanitaire actuelle prévoit que l’état d’urgence sanitaire doit entrer en vigueur pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire à compter de la publication de la loi à savoir le 24 mars 2020. 

En conséquence, l’état d’urgence sanitaire se terminera donc le 24 mai 2020 (24 mars date de publication + 2 mois d’état d’urgence) sauf décision de prorogation

Ainsi, l’ordonnance vise-t-elle les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, puisque l’article 1er prévoit bien un délai supplémentaire de 1 mois à compter de l’expiration de l’état d’urgence (fin état d’urgence 24 mai 2020+ 1 mois(article 1er) soit 24 juin 2020). 

Il résulte donc de la mise en œuvre de ces éléments que : 

  • les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020, leur terme n’est pas reporté, 
  • les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire soit postérieurement au 24 juin 2020 ne sont ni suspendus, ni prorogés. 

  

II – Quel principe pour les injonctions d’avoir à faire des travaux ? 

L’article 8 dispose que « Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice. 
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci ». 

 En conséquence de la combinaison de ces deux articles :   

  • que toute injonction faite par l’administration d’avoir à procéder à des travaux avant le 12 mars et qui n’aurait pas été respectée peut être sanctionnée. Attention ce n’est pas la date de l’arrêté à prendre en compte mais la date fixant l’expiration du délai de l’injonction. 
  • ceux devant être réalisés avant l’expiration de l’état d’urgence sont suspendus jusqu’au 24 mai 2020 ( s’il restait par exemple 5 jours pour un propriétaire pour faire des travaux, ces 5 jours seront reportés au-delà du 24 mai soit jusqu’au 29 mai). Les travaux devant être réalisés (ce qui me semble rare en matière de péril) au-delà du 24 juin ne sont pas suspendus et restent sanctionnables dès cette date, sauf bien sûr reconduction de l’état d’urgence sanitaire. 

  

Il convient toutefois de préciser que toute décision d’un tribunal enjoignant la réalisation de travaux n’est pas suspendue et que les règles ci-dessus ne sont pas applicables. 

Mais il y a lieu de s’interroger afin de savoir si cet article est applicable aux mesures de péril ? 

A priori, elle le seraient pour les périls ordinaires pris sur le fondement de L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation enjoignant au propriétaire de faire des travaux afin de mettre durablement fin au péril. 

En revanche, il y a lieu de s’interroger concernant les mesures de péril imminent prises sur le fondement des articles L. 511-3 du Code la construction et de l’habitation lorsque l’immeuble ou ses parties communes présente un danger grave et actuel. Sur ce fondement le Maire enjoint le propriétaire par arrêté l’obligation d’avoir a réaliser en urgence des travaux nécessaires afin de faire cesser l’imminence du péril

 Or, l’article 9 de l’ordonnance « Exception à la règle » dispose que « Un décret pourra fixer les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend ». 

Ainsi, les procédures de péril imminent concernant manifestement la protection de la sécurité il y a lieu d’attendre le décret annoncé pour savoir sur la suspension des délais évoquée ci-dessus s’applique à cette procédure particulière. 

 A défaut de décret un contentieux abondant est à anticiper. 

COVID-19 : Prolongement de la trêve hivernale

Contexte :  Dans le cadre de la lutte contre le virus coronavirus, le gouvernement a été habilité, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à adopter une série de dispositions permettant la mise en œuvre des mesures annoncées par le président de la République Emmanuel Macron. 

Il s’agit plus précisément d’adapter les règles relatives à certains domaines et procédure, au contexte épidémique. 


Principe : 
La trêve hivernale de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution consiste en la suspension des expulsions du logement des personnes, à l’exception de celles qui se sont introduites dans les lieux par voie de fait, entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année, et ce afin d’éviter qu’elles se trouvent sans toit les mois les plus froids de l’année. 

En cette période de crise sanitaire, il est apparu impératif de prolonger cette mesure de protection dans le temps et ainsi permettre à tous de pouvoir respecter le confinement imposé. 

C’est ainsi qu’a été adoptée l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars relative au prolongement de la trêve hivernale. 


Apport : 
 L’article 1er de l’ordonnance susvisée dispose que la trêve hivernale, laquelle s’achève habituellement le 31 mars de chaque année, est prolongée jusqu’au 31 mai pour l’année 2020, en France métropolitaine ainsi qu’à l’Outre-Mer. 

Est également prolongée d’autant l’interdiction des fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz de procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles prévue à l’article L. 115-3 du Code de l’action sociale et des familles. 

 

Par Emilie Bacqueyrisses

COVID-19 et fonctionnement des juridictions judiciaires durant l’état d’urgence sanitaire

Principe : La loi instaurant l’état d’urgence sanitaire en France a été publiée le 24 mars 2020. Ses dispositions emportent de nombreuses conséquences sur le fonctionnement des juridictions et notamment des juridictions judiciaires.  

Ainsi, aux termes de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dite « ordonnance portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété », il est désormais prévu dans quelles conditions, permettant à la fois la continuité du service public de la justice et la protection de la santé des personnes, fonctionneront les juridictions de l’ordre judiciaire durant cet état d’urgence.    

 

1 – Détermination de la période d’application de l’ordonnance 

Les dispositions de cette ordonnance s’appliquent aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant dans les matières autres que pénale pendant une période allant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire 

 

2 – Le fonctionnement des juridictions en cas d’empêchement 

S’agissant du fonctionnement des juridictions judiciaires pendant la période déterminée, l’ordonnance prévoit que si une juridiction du premier degré est dans l’incapacité totale ou partielle de fonctionner, une ordonnance prise par le premier président de la cour d’appel désignera une juridiction de même nature et du ressort de la même cour, qui remplacera la juridiction empêchée.  

La juridiction désignée sera compétente pour les affaires en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance de désignation. 

En pratique : L’ordonnance du premier président de la Cour d’appel détermine les activités faisant l’objet du transfert de compétence et fait l’objet d’une publication dans deux journaux diffusés dans le ressort de la cour. Elle ne peut avoir une durée supérieure à la période mentionnée en (1). 

 

3 – Les différentes conditions de tenue des audiences 

Lorsqu’une audience est supprimée, le greffe avise les parties du renvoi de l’affaire par tout moyen (notamment par voie électronique ou lettre simple). 

Avant l’ouverture de l’audience, le Président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte. 

En cas d’impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes, les débats peuvent se tenir en chambre du conseil. 

Enfin, le juge peut également, par décision non susceptible de recours, décider que l’audience se tiendra via un moyen de télécommunication audiovisuelle, ou, en cas d’impossibilité technique, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Dans ces cas, le juge organise et conduit la procédure. 

Lorsque la représentation est obligatoire, le juge peut décider que la procédure se déroulera selon la procédure sans audience. Les parties disposent alors d’un délai de quinze jours pour s’y opposer. 

En pratique : les affaires peuvent être, soit renvoyées à une date d’audience ultérieure, soit se dérouler selon la procédure sans audience (uniquement en cas de représentation obligatoire), soit se dérouler en publicité restreinte ou chambre du conseil (hors présence du public), soit, enfin, se dérouler par un moyen de communication à distance. 

Ces différentes possibilités sont choisies discrétionnairement par le juge, seule la procédure sans audience peut faire l’objet d’une opposition, sauf lorsqu’elle revêt un caractère d’urgence. 

 

4 – Les modalités d’échange des écritures et de communication des décisions 

Durant cette période, les parties peuvent échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen, dès lors que celui-ci permet au juge de s’assurer du respect du contradictoire. 

Les décisions sont portées à la connaissance des parties par tout moyen.  

En pratique : les modalités d’échanges des écritures et de communication des décisions sont simplifiées. Le juge devra simplement pouvoir être en mesure de vérifier que le contradictoire aura été respecté.  

 

5 – Dispositions particulières à la procédure de référé 

S’agissant de la procédure de référé, par souci de simplification durant cette période, la juridiction peut, avant l’audience et par ordonnance non-contradictoire, rejeter la demande : 

  • si la demande est irrecevable ; 
  • s’il n’y a pas lieu à référé. 

En pratique : pour éviter l’engorgement des audiences de référé maintenues, la juridiction pourra rejeter une demande avant même la tenue de l’audience. 

Par Aliénor De Roux

Le sort du contentieux des clauses résolutoires à la lumière de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et ce, durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée

Ladite ordonnance comporte un titre Ier relatif aux dispositions applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et un titre II portant sur les dispositions en matière de copropriété. 

Elle prévoit plusieurs dispositions permettant d’adapter le traitement des affaires nouvelles et en cours de traitement.  

A ce titre plusieurs points méritent une attention particulière notamment dans le contentieux des baux commerciaux et, plus précisément, des acquisitions de clauses résolutoires.  

Il convient dans la présente étude de résumer les points de l’ordonnance pouvant impacter le contentieux des clauses résolutoires (A) et, dans un second temps, d’apporter certaines observations et consignes à adopter dans ce contexte (B). 

 

A – Résumé des mesures de l’ordonnance pouvant impacter le contentieux des clauses résolutoires

L’ordonnance adapte la procédure civile pour permettre autant que possible le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus covid-19. 

A ce titre, ladite ordonnance, en son article 4, prévoit des modalités simplifiées de renvoi des affaires. 

Également, l’ordonnance permet à la juridiction de statuer à juge unique en première instance comme en appel dès lors que l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience aura eu lieu pendant la période mentionnée à l’article 1er.  

Concernant, les nouvelles affaires et au regard du contexte actuel, l’ordonnance simplifie les modalités d’échange des écritures et des pièces des parties et prévoit que le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil, c’est-à-dire hors la présence du public ainsi que des audiences dématérialisées (articles 6 et 7). 

Ainsi, les audiences pourront, en première instance comme en appel, avoir lieu par visioconférence.  

En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen, le juge pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique.  

Pour éviter l’engorgement des audiences de référés maintenues, la juridiction pourra en outre, par ordonnance non contradictoire, rejeter une demande irrecevable ou qui n’en remplit pas les conditions (article 9). 

Dans ce contexte, il est suggéré de prendre d’importantes précautions pouvant aller jusqu’à suspendre toutes démarches initiales à ce type d’affaires et notamment la signification des commandements de payer ainsi que les sommations d’avoir à se conformer aux clauses du bail.  

 

B – Observations et consignes à adopter dans ce contexte

En fonction du type de problématique, voici certaines prescriptions à retenir.  

1 – Concernant le défaut d’exploitation d’un local commercial : 

En application des mesures de confinement, publiée le 12 mars 2020, tout défaut d’exploitation du local donné à bail ne pourra, en l’état actuel des choses faire l’objet d’une sommation d’avoir à exploiter signifiée par huissier.   

En effet, la signification d’un tel acte risquerait fortement d’être perçue, dans le cadre d’un recours au magistrat, comme caractérisant une mauvaise foi du bailleur.  

Le magistrat pourrait allait jusqu’à déclarer la nullité d’un tel acte.  

2 – Concernant le défaut de paiements et de charges : 

Concernant le défaut de paiement des loyers et charges qui pourraient justifier une action en acquisition de clause résolutoire de la part du bailleur, il semble, a priori, que les mesures de confinement ne soient pas incompatibles avec l’obligation de verser les loyers et charges.  

Or, il convient d’attirer l’attention des bailleurs sur le fait que les locataires seraient susceptibles d’invoquer lesdites mesures de confinement ainsi que le principe de l’exception d’inexécution (Article 1219 du Code civil) afin de s’opposer à toutes mesures telles que la signification d’un commandement de payer ou l’assignation aux fins d’expulsion pour impayés.  

3 – Concernant le non-respect de l’activité initialement prévue au bail 

Enfin, le non-respect de l’activité initialement prévue au bail par le preneur semble, lui, pouvoir être poursuivi malgré le contexte.  

Or, l’analyse et l’instruction d’un tel dossier implique un certain nombre d’éléments et de preuves qui semblent matériellement compliquées voire impossible à réunir et notamment les constats devant être réalisés par Huissier de Justice sur place directement et dans un contexte où la grande majorité des commerces sont fermés.   

4 – Concernant les audiences en cours 

L’ensemble des audiences concernant l’acquisition d’une clause résolutoire fait l’objet d’un renvoi automatique à une date ultérieure indéterminée. Les dates de renvoie seront communiquées aux parties par le service du greffe.  

Par Johann Petitfils-Lamuria

COVID-19 et respect des délais : Les nouvelles règles applicables pendant la crise

Principe : La crise sanitaire et les règles de confinement qu’elle impose ne permettent plus, dans certains cas, de respecter les délais fixés par la loi ou les conventions.  

Afin de protéger les justiciables des conséquences parfois lourdes que peuvent impliquer le retard dans l’exécution d’une démarche, le gouvernement modifie les règles de computation des délais pendant la crise.  

Ainsi, aux termes de l’ordonnance n° 2020-306 dite « ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période », il est désormais prévu deux régimes distincts : l’un régissant les délais légaux (loi et règlements) et l’autre régissant les certains délais contractuels. 

Des exceptions à ce principe pourront toutefois demeurer envisageables en fonction des situations, notamment au regard de dispositions spéciales dérogatoires d’ores et déjà prises et à intervenir ainsi que des dispositions existantes relatives à l’imprévision ou à la force majeure. 

 

1°) S’agissant des délais fixés par loi et le règlement, l’article 2 de l’ordonnance susvisé dispose que :   

Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. 

 Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit”. 

En pratique : pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, ou publications prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, y compris désistement d’office, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui devaient être réalisés dans la période mentionnée à l’article 1er, les délais sont prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois

Points de vigilance : En premier lieu, l’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. En deuxième lieu, le champ d’application de l’article 2 est limité aux seuls délais prescrits par la loi et le règlement. Les délais fixés par des stipulations contractuelles sont donc exclus de la prorogation instaurée par l’article 2, sauf dispositions dérogatoires spéciales contraires. Enfin et en dernier lieu, les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 n’entrent pas dans le champ de cette mesure. Leur terme n’est pas reporté. De même, les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ne sont ni suspendus, ni prorogés. 

 

2°) S’agissant des délais « sanction » fixés par les contrats, l’article 4 de l’ordonnance susvisé dispose que : 

Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.

 
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. 

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er”. 

En pratique : L’article 4 fixe le sort des astreintes et des clauses contractuelles visant à sanctionner l’inexécution du débiteur. Ces clauses qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et l’expiration de la période définie au I de l’article 1er sont suspendues : leur effet est paralysé. Elles prendront effet un mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.   

Points de vigilance : L’exécution des autres obligations contractuelles doivent cependant toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat, sauf dispositions dérogatoires spéciales contraires.

Par Romain Desaix

COVID-19  et absence de syndic : La continuité de l’administration doit être assurée

Principe : La propagation du coronavirus COVID-19 sur l’ensemble du territoire français a conduit le Président de la République à prendre des décisions annoncées le 12 mars 2020 afin de protéger les citoyens et freiner l’épidémie.  

A cet effet, une circulaire n° CRIM-2020-10/E1-13.03.2020, a été prise dès le 14 mars 2020 par le Ministère de la Justice dont l’objet est d’identifier les difficultés susceptibles de se poser dans le traitement judiciaire des procédures pénales et civiles et de préciser les instructions de politique pénale adaptées à ces circonstances exceptionnelles. 

Dans ces conditions, depuis la crise sanitaire, que se passe-t-il lorsqu’une copropriété se retrouve totalement dépourvue de syndic, sans possibilité de renouvellement tacite comme prévu par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, paralysant ainsi son fonctionnement ? 

Ainsi, il est possible de saisir le Tribunal judiciaire aux fins de désignation d’un administrateur provisoire dès qu’une copropriété se retrouve dépourvue de syndic.   


Clarification : 
cette circulaire précise qu’il est possible de saisir le tribunal judiciaire aux fins de désignation d’un administrateur provisoire lorsque qu’une copropriété se retrouve dépourvue de syndic. 

Dans cette hypothèse, la seule possibilité offerte au syndicat des copropriétaires, en l’absence de réunion possible d’une assemblée générale, sera d’obtenir du président du tribunal judiciaire la désignation, par voie d’ordonnance sur requête, d’un administrateur provisoire, en application du dernier alinéa de l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.  

Appport : En vertu de l’article 47 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, le président du tribunal judiciaire peut être saisi sur requête par tout intéressé, y compris par l’ancien syndic de la copropriété dont le mandat a expiré.   

Le président du tribunal judiciaire pourra ainsi habiliter judiciairement un administrateur provisoire à gérer la copropriété pendant cette phase transitoire et, lorsque la situation le permettra, à convoquer l’assemblée générale des copropriétaires en vue de la désignation d’un syndic.   

Les fonctions de cet administrateur provisoire cessent de plein droit à compter de l’acceptation de son mandat par le syndic désigné par l’assemblée générale.

Par Samira Nina

COVID-19 : Renouvellement de plein droit du contrat de syndic

Principe :  la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 habilite le Gouvernement à prendre, toute mesure pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020 afin d’adapter les règles relatives à certains domaines et procédures.  

Se pose alors la question pour les entreprises dont les locaux sont en copropriété et pour lesquelles les assemblées générales sont dans l’impossibilité de se réunir pendant la période de pandémie du covid-19, y compris celles appelées à se prononcer sur la désignation d’un syndic en raison de l’arrivée à terme du contrat du syndic en exercice. 

Précisons que le contrat de syndic est un contrat à durée déterminée, non susceptible de renouvellement tacite. 

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, en son article 22, pris en application de la loi n°2020-290 traite de cette difficulté.


Clarification :
L’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 permet le renouvellement de plein droit du contrat de syndic arrivé à terme à compter du 12 mars 2020, sans que l’assemblée générale ait pu se réunir pour conclure un nouveau contrat de syndic.  

Cette disposition emporte ainsi dérogation aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis d’une part, et d’autre part de l’article 1102 du Code civil, qui pose le principe de la liberté contractuelle.


Apport :
 Cette disposition a pour objectif d’assurer une pérennité dans la gestion des copropriétés, leur conservation et la continuité des services essentiels à leur fonctionnement normal, conformément à leur destination. En vertu de cette ordonnance, le contrat de syndic en exercice est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, qui pourra être tenue à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, et au plus tard dans les six (6) mois de cette sortie. 

Par Samira Nina

Ce que disent les ordonnances prévues par la loi d’urgence en droit du travail

Les ordonnances publiées le 26 mars 2020 prévoient différentes dispositions en matière d’organisation du temps de travail pour permettre à l’employeur d’adapter l’organisation du travail à la situation exceptionnelle que rencontre la France. 

Deux séries de mesures permettent aux entreprises de répondre à une baisse d’activité (1) ou à l’inverse à un surcroît d’activité (2). 

I – Pour les entreprises confrontées à une baisse d’activité 

Outre le recours à l’activité partielle, l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés. 

Un accord d’entreprise ou un accord de branche peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise

En outre, et sans qu’il soit nécessaire de recourir à un accord d’entreprise ou de branche, l’employeur peut en respectant un délai de préavis d’un jour franc modifier : 

  • les journées de repos acquises par le salarié au titre des jours de réduction du temps de travail attribués au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail.
  • les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année. 

Il peut également imposer la prise de jours déposés sur le compte épargne temps. 

Ces dispositifs permettant de mobiliser les jours placés sur un CET ou de RTT sont limités à 10 jours.  

 

II – Pour les entreprises confrontées à un accroissement de leur activité 

A l’inverse et de manière temporaire et exceptionnelle, dans les entreprises des secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation qui seront définies par décret (exemple : grande distribution, pharmacie…), l’employeur pourra déroger aux règles d’ordre public en matière de durée quotidienne maximale de travail, de durée quotidienne maximale accomplie par un travailleur de nuit, de durée du repos quotidien, de durée hebdomadaire maximale absolue et moyenne, de durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit. 

L’employeur faisant usage d’au moins une des dérogations admises devra en informer sans délai le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. 

Pour ces entreprises des dérogations au respect du repos dominical et à la durée du travail seront accordées. 

Les décrets attendus devront paraître très prochainement ! 

 

Par Corinne Metzger