Projet de loi ASAP : allègement des procédures relatives à la règlementation des installations classées et au domaine de l’eau

En février 2020, le gouvernement a présenté un projet de loi dans l’objectif affirmé d’une simplification des relations entre le public et l’administration, avec la mise en place d’une plus grande proximité de l’action publique et une simplification et une plus grande rapidité de certaines démarches. L’exposé des motifs de la loi énonçait par exemple viser « la suppression ou le regroupement de près de quatre-vingt-dix commissions consultatives » et indiquait que « près de 99 % des décisions administratives individuelles seront prises, avant juin 2020, au niveau déconcentré, au plus proche des citoyens ». En raison de la crise sanitaire liée au covid-19, les discussions parlementaires portant sur ce projet ont été suspendues au début du mois de mars et ont repris en septembre 2020. 

  

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, qui comprend plus de 150 articles, a été adopté par le Sénat le 27 octobre et par l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020. Le 3 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés pour examen a priori de la constitutionnalité de ce projet de loi. Le texte de la loi ASAP tel que présenté ci-dessous pourrait ainsi connaître des modifications dans les semaines ou jours prochains. Selon les informations disponibles (qui n’ont pu être vérifiées à l’heure où nous écrivons ces lignes), les députés ayant saisi le Conseil constitutionnel lui demanderaient de déclarer l’ensemble du projet de loi comme inconstitutionnel, ou à défaut certaines de ses dispositions. Seraient particulièrement visées les dispositions relatives à la règlementation environnementale commentées ci-après. Les députés estimeraient en effet que celles-ci seraient contraires aux principes consacrés au sein de la Charte de l’environnement, au principe de non-régression du droit de l’environnement et au droit à un recours effectif[1].  

  

Le projet de loi ASAP est articulé autour de cinq titres, relatifs à la suppression de commissions administratives, à la déconcentration de décisions administratives individuelles, à la simplification des procédures applicables aux entreprises ainsi qu’à d’autres mesures de simplification ou portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français. 

Certaines des dispositions de la loi ASAP intéressent la règlementation environnementale. Sont ainsi modifiés le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) (A), concernant notamment les modalités de participation du public et la remise en état des sites, ainsi que la règlementation dans le domaine de l’eau (B). 

A/ Allègement des procédures applicables aux projets et aux ICPE  

Les dispositions de la loi ASAP modifiant la règlementation environnementale sont principalement liées à la simplification de la réalisation de projets industriels. Les motifs de la loi indiquent ainsi que « le projet de loi vise à donner une traduction législative aux propositions du député d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian. Ce dernier avait été missionné pour formuler des propositions afin d’accélérer et libérer les projets industriels sur nos territoires, en simplifiant les procédures préalables aux implantations industrielles ». On note effectivement à cet égard que des dispositions de la loi ASAP tendent à la simplification des procédures applicables aux ICPE (1) et allègent les procédures de participation du public (2). Il importe toutefois de noter que les obligations de remise en état des sites sont renforcées (3).  

1 – Simplification et sécurisation des procédures applicables aux projets et ICPE 

  

(a) Une modification apportée par la loi ASAP consiste en l’instauration d’une non-rétroactivité de la règlementation applicable, en matière d’installations classées, à une demande en cours d’instruction (article 21).  

En effet, en l’état actuel du droit et en application des articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 du Code de l’environnement (C. env.), des prescriptions peuvent être adoptées par arrêté ministériel et imposées aux exploitants d’ICPE soumises à autorisation, enregistrement et déclaration. Ces prescriptions visent par exemple à fixer les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d’accident ou de pollution. Si, au moment de leur publication, ces prescriptions ne s’imposent pas aux installations existantes, elles s’appliquent aux installations nouvelles, y compris lorsque leur demande est déjà en cours d’instruction. Par exemple, un dossier de demande d’autorisation ICPE pouvait se voir appliquer une nouvelle règlementation en cours d’instruction. Les travaux parlementaires indiquent que cela pouvait entrainer une insécurité juridique à laquelle le législateur a entendu remédier.  

L’article 21 de la loi ASAP prévoit ainsi que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, les prescriptions relatives au gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté, ainsi qu’aux installations déclarées existantes. Les autres prescriptions des arrêtés ministériels s’appliqueront aux demandes d’autorisation ou d’enregistrement en cours d’instruction selon les mêmes conditions et délais que pour les installations existantes, à condition que les demandes soient complètes au jour de la publication des arrêtés. Les demandes complètes d’autorisation et enregistrement sont donc traitées comme des installations existantes : les prescriptions des arrêtés ministériels relatives au gros œuvre ne leurs sont pas applicables et les autres prescriptions le sont selon les modalités prévues pour les installations existantes. 

Il pourra être noté que les motifs permettant de déroger à la non-rétroactivité des prescriptions aux demandes en cours d’autorisation, enregistrement et aux installations déclarées existantes ne comprennent pas la protection de l’environnement. Un amendement avait sollicité l’inscription de ce motif, qui a été rejeté en raison « d’un avis défavorable de la part du Gouvernement qui a jugé que les termes de « protection de l’environnement » étaient source de fragilité juridique, contrairement aux termes de sécurité, de santé et de salubrité publiques choisis pour définir les exceptions dans le projet de loi […]. Cette disposition, qui recouvrait un champ très large, conduisait en effet à vider l’article de sa substance »[2].  

 

(b) En outre, la loi ASAP supprime certaines consultations pour avis obligatoires du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (article 24). 

Lors de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une ICPE, l’avis de la commission compétente n’est plus exigé lorsque le préfet souhaite adopter des prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l’installation. Cet avis demeure toutefois obligatoire lorsque les prescriptions particulières aménagent les prescriptions générales en raison de circonstances locales (L. 512-7-3 C. env.). L’avis de la commission compétente, auparavant obligatoire en application des articles L. 512-7-5 et L. 512-12 C. env., n’est également plus exigé lorsque le préfet édicte des prescriptions complémentaires après mise en service d’une ICPE soumise à enregistrement ou pour les ICPE soumises à déclaration, en raison des potentielles atteintes aux intérêts protégés (articles L. 511-1 et/ou L. 211-1 C. env.). La consultation obligatoire du CODERST est également supprimée pour la procédure d’autorisation de construction et d’exploitation de canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures et de produits chimiques (L. 555-1 C. env.), ainsi que pour l’adoption des prescriptions complémentaires relatives aux canalisations soumises à autorisation (L. 555-12 C. env.). 

Les travaux parlementaires précisent toutefois que, si la consultation du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n’est plus obligatoire dans ces situations, celle-ci pourra toujours être réalisée par le préfet à titre facultatif. Un amendement visant à permettre la saisine pour avis du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur demande du porteur de projet a néanmoins été rejeté à la suite notamment d’un avis négatif du gouvernement.  

 

(c) Ensuite, la loi ASAP introduit la possibilité pour le préfet d’autoriser, avant l’octroi de l’autorisation environnementale, le lancement de travaux de construction, sous certaines conditions (article 26). Le législateur considère en effet que l’attente de l’octroi de cette autorisation peut « générer des délais »[3].  

Deux alinéas sont ainsi ajoutés à l’article L. 181-30 du Code de l’environnement. Le préfet peut, sur demande du pétitionnaire et par une décision spéciale et motivée, autoriser le pétitionnaire à exécuter le permis de construire, donc à lancer les travaux de construction, avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée. Cette possibilité est cependant encadrée, et est exclue lorsque les travaux nécessitent une des décisions de l’article L. 181-2 I C. env. (par exemple dérogation espèces protégées ou une autorisation spéciale au titre des réserves naturelles) ou une autorisation loi sur l’eau (L. 214-3 C. env.). Il est également nécessaire que la possibilité de commencer les travaux préalablement à l’octroi de l’autorisation environnementale ait été portée à la connaissance du public. En outre, l’autorisation d’urbanisme devra avoir été accordée et portée à connaissance du préfet.  

La décision du préfet doit être publiée, et le pétitionnaire pourra engager les travaux à ses frais et risques.  

(d) Le processus d’actualisation des études d’impact est également simplifié. L’article L. 122-1-1 III du Code de l’environnement prévoit à cet égard que, lorsque la réalisation d’un projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, les incidences du projet sur l’environnement sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. Si ces incidences n’ont pu être entièrement évaluées avant cette première autorisation, le maître d’ouvrage devra ensuite procéder à une actualisation de l’étude d’impact « dans le périmètre de l’opération pour laquelle l’autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l’échelle globale du projet » (L. 122-1-1 III C. env.). Cette actualisation est soumise à l’avis de l’autorité environnementale ainsi qu’à celui des collectivités territoriales et de leurs groupements intéressés par le projet.  

L’article 23 de la loi ASAP prévoit désormais que les nouveaux avis sont émis « dans le cadre de l’autorisation sollicitée ». Les travaux parlementaires indiquent à cet égard que « l’avis de l’autorité environnementale qui est à nouveau sollicité ne revient pas sur les éléments déjà autorisés et […] les prescriptions nouvelles qui peuvent être formulées ne portent que sur ce qui fait l’objet de la demande concernée »[4]. En outre, l’avis émis par l’autorité environnementale vaut à la fois pour la procédure d’autorisation environnementale et pour la procédure d’actualisation de l’étude d’impact.  

  

2 – Modifications relatives à l’information et participation du public 

Plusieurs dispositions de la loi ASAP impactent les modalités d’information et de participation du public, notamment dans le but de réduire les délais liés à la mise en œuvre de ce principe du droit de l’environnement.  

(a) Des modifications ont été apportées aux modalités d’exercice du droit d’initiative des collectivités territoriales, des ressortissants de l’Union européenne ou des associations agréées (article 24bis de la loi ASAP). Ce droit permet à ses bénéficiaires de demander au préfet l’organisation d’une concertation préalable dans le cadre de l’élaboration de certains projets, plans ou programmes. Tout d’abord, le délai dans lequel peut s’exercer ce droit d’initiative est réduit de quatre à deux mois à compter de la publication de la déclaration d’intention du projet ou de l’acte prescrivant l’élaboration du plan ou programme. Ensuite, concernant les projets susceptibles d’être soumis au droit d’initiative, l’article 24bis de la loi ASAP instaure une obligation pour l’autorité administrative d’informer les collectivités territoriales de la déclaration d’intention de projet transmise par le maître d’ouvrage. Les collectivités concernées sont celles dans lesquelles se trouve tout ou partie du territoire mentionné dans la déclaration d’intention. D’autres collectivités, groupements et associations agréées peuvent également être informés.  

 

(b) En outre, la loi ASAP restreint le champ de l’enquête publique dans la procédure d’autorisation environnementale (article 25 de la loi). En effet, si l’autorité organisant la consultation du public estime que celle-ci peut être réalisée par consultation électronique, en fonction des impacts sur l’environnement, sur l’aménagement du territoire et des enjeux socio-économiques qui s’attachent au projet concerné, alors elle pourra être réalisée selon cette modalité et non par enquête publique. L’enquête publique demeure obligatoire pour les projets mentionnés à l’article L. 213-2 I du Code de l’environnement, c’est-à-dire, sauf exception, ceux soumis à évaluation environnementale. Le législateur justifie cette modification par le raccourcissement des délais de procédure, estimant que cela « ferait gagner environ trois semaines de délais »[5]

(c) Des précisions sont apportées sur la procédure de participation du public devant être mise en œuvre pour la modification du décret de création d’un parc naturel marin (article 25 bis C de la loi ASAP) : si la modification porte sur la délimitation du parc ou les orientations de sa gestion, celle-ci sera soumise à enquête publique ; en revanche,  lorsque la modification porte sur la composition et les modalités d’organisation du conseil de gestion, celle-ci n’est pas soumise à la procédure d’enquête publique mais à celle de consultation électronique prévue à l’article L. 123-19-1 C. env., qui est la procédure applicable lorsqu’aucune procédure particulière n’est prévue. 

(d) L’article 25 bis D de la loi ASAP améliore la transparence sur les travaux du CODERST, rendant publics les documents qui lui sont transmis dans le cadre de l’examen des affaires inscrites à l’ordre du jour, sauf si ces documents sont protégés par le secret. Cette disposition a été adoptée en application des préconisations en ce sens du rapport d’information n° 2689 de la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, et tire donc les conséquences de l’incendie de Lubrizol.  

(e) Enfin, l’article 23 bis de la loi ASAP introduit un droit d’option du maître d’ouvrage concernant la procédure de participation du public à mettre en œuvre lorsque son projet est soumis en partie à la concertation prévue par le Code de l’urbanisme et en partie à la concertation préalable prévue par le Code de l’environnement (articles L. 103-2 du Code de l‘urbanisme et L. 121-15-1 du C. env.). Le maître d’ouvrage pourra ainsi choisir, au lieu de réaliser les deux procédures de consultation du public, de soumettre l’ensemble du projet à la concertation préalable prévue par le Code de l’environnement. Les projets pouvant faire l’objet de ce droit d’option sont les projets et opérations d’aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique, les projets de renouvellement urbain ainsi que la création d’une zone d’aménagement concerté. 

3 – Renforcement des obligations relatives à la remise en état des sites industriels  

  

(a) L’article 27 de la loi ASAP introduit une obligation pour l’exploitant d’une installation soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration de faire attester de la remise en état du site. Cette attestation « de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières », pour les ICPE soumises à autorisation ou enregistrement, doit être délivrée par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes. Pour les installations classées soumises à déclaration, l’attestation ne concernera que la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site. Il ressort des travaux parlementaires que cette mesure vise à garantir la qualité des analyses nécessaires à la remise en état des sites, celles qui pouvaient être menées jusqu’à présent n’étant pas nécessairement de qualité suffisante.  

(b) L’article 27 bis de la loi ASAP introduit un nouvel article L. 512-22 dans le Code de l’environnement, lequel instaure la possibilité pour le Préfet de fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site des ICPE mises à l’arrêt définitif. Le préfet devra pour cela consulter l’exploitant ou propriétaire du terrain ainsi que le maire ou président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme. Cette disposition vise à remédier aux retards souvent pris pour ces travaux, lesquels « sont fréquemment dus à une mauvaise gestion de la part des exploitants ou des propriétaires des sites »[6].

(c) La loi ASAP contient diverses autres mesures concernant la remise en état des sites. Ainsi, il est désormais prévu que, lors de la mise à l’arrêt d’une installation classée soumise à autorisation, l’exploitant devra également veiller à placer le site dans un état tel qu’il ne portera pas atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 C. env., relatifs à une bonne gestion de l’eau. Auparavant, les textes ne citaient à cet égard que les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 C. env., comprenant notamment à la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture ou encore la protection de la nature, de l’environnement et des paysages. En outre, lorsqu’un tiers prend en charge la réhabilitation du site, l’article 27 simplifie la procédure permettant à un autre tiers de se substituer à lui. Enfin, il est désormais précisé à l’article L. 514-8 du C. env. que les dépenses mises à la charge de l’exploitant comprennent celles engagées par l’Etat pour le suivi et la gestion des conséquences d’une situation accidentelle, la ministre déléguée Mme Pannier-Runacher ayant indiqué lors des discussions parlementaires que cela trouverait à s’appliquer aux situations comparables à l’accident de l’usine Lubrizol. 

 

B/ Modifications dans le domaine de l’eau 

La loi ASAP traite également des interventions dans le domaine de l’eau, afin notamment de les adapter à l’urgence.  

(a) Tout d’abord, l’article 25 bis B introduit de nouvelles dispositions dans le Code de l’environnement afin de faciliter les interventions d’urgence. D’une part, en cas d’urgence à caractère civil, qui se définit par opposition aux situations découlant de la défense nationale, les demandes d’autorisations environnementales liées aux activités, installations, ouvrages ou travaux seront instruites selon des délais et modalités spécifiques qui seront précisés par un décret en Conseil d’État et leur pétitionnaire devra demander à l’autorité administrative compétente de lui indiquer les informations nécessaires à la préparation de son projet et de sa demande d’autorisation (article L. 181-23-1 C. env.). D’autre part, lorsque les travaux envisagés ont pour objet de prévenir un danger grave et immédiat, la seule formalité obligatoire consistera en l’information du préfet et il ne sera pas nécessaire d’avoir présenté les demandes d’autorisation ou déclaration auxquelles les travaux sont en principe soumis (article L. 214-3 II bis). Un décret en Conseil d’État précisera cette procédure, qui était déjà prévue à l’article R. 214-44 C. env. et à laquelle le législateur a souhaité donner une base légale claire.  

Les travaux parlementaires soulignent que ces procédures d’urgence ne doivent être mises en œuvre que pour les interventions urgentes et absolument nécessaires à la sécurité des personnes. 

(b) Ensuite, la loi supprime la soumission automatique à autorisation environnementale des plans de gestion groupés pour l’entretien des cours d’eau (article L. 215-15 C. env.). Il est désormais précisé que, lorsque les opérations constituant ces plans sont soumises à autorisation environnementale ou à déclaration au titre de la réglementation loi sur l’eau, celles-ci valent approbation du plan. Ensuite, la déclaration d’intérêt général (DIG) nécessaire lorsque l’entretien groupé relève de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations est d’une durée désormais pluriannuelle adaptée à l’entretien groupé, au lieu de 5 ans renouvelable auparavant.  

(c) Enfin, l’article 20 de la loi ASAP concerne l’agrément de certains dispositifs d’assainissement. En effet, l’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales prévoit que des dispositifs de traitement destinés à être intégrés dans des installations d’assainissement non collectif doivent être agréés par les ministres chargés de l’environnement et de la santé. En application de la loi ASAP, cet agrément devra désormais être délivré par des organismes notifiés par l’Etat à l’Union européenne, en application du règlement n° 305/2011 du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction. 

Il conviendra d’être vigilant sur ces dispositifs, le Conseil constitutionnel pouvant être conduit à les censurer, en tout ou partie.  

 

Par Solenne Daucé et Julie Cazou 

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[1] Actu-environnement, Loi Asap : un groupe de députés saisit le Conseil constitutionnel, 4 novembre 2020. 

[2] Rapport n° 3347 de M. Guillaume KASBARIAN, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 17 septembre 2020 : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/csasap/l15b3347_rapport-fond.pdf 

[3] Ibidem. 

[4] Ibidem. 

[5] Ibidem. 

[6] Ibidem. 

COVID-19 et chômage partiel : suspension des nouveaux critères de vulnérabilité

Ce 15 octobre 2020, les juges des référés du Conseil d’Etat viennent de suspendre les dispositions du décret du 29 août dernier restreignant de manière importante les critères de vulnérabilité au covid-19 permettant aux salariés de bénéficier du chômage partiel en ramenant la liste des critères de 11 à 4.

Dès lors, en l’absence d’une nouvelle décision du Premier ministre, les critères retenus par le précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau.

Sont donc à nouveau considérées comme des personnes vulnérables et pouvant bénéficier du chômage partiel, les personnes répondant à l’un des onze critères suivants :

  • Etre âgé de 65 ans et plus ;

  • Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;

  • Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;

  • Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;

  • Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;

  • Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;

  • Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;

  • Etre atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise ;

  • médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur ;

  • biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;

  • infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;

  • consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;

  • liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;

  • Etre atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;

  • Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;

  • Etre au troisième trimestre de la grossesse.

Conformité communautaire du régime de l’article L.631-7 du CCH relatif aux locations touristiques de courte durée de type Airbnb

Nous avions rapporté, dans deux précédentes LAJ (décembre 2018 et avril 2020), la saisine par la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n° 17-26.156) de la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives à la conformité de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation au droit communautaire, et plus précisément à la directive « Services » n° 2006-/123/CE du 12 décembre 2006.

Pour rappel, l’article L. 631-7 du CCH (Code de la construction et de l’habitation) soumet à autorisation la location d’habitation meublée de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, en ce qu’elle constitue un changement d’usage du local.

Se fondant sur cet article, un procureur avait assigné une SCI qui se livrait à de la location de courte durée à une clientèle de passage, sans avoir au préalable obtenu une autorisation de changement d’usage.

Condamnée par la Cour d’appel, la SCI s’était pourvue en cassation en considérant que la Cour avait violé le principe de primauté du droit de l’Union européenne.

La Cour de cassation avait sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes : le régime de l’autorisation préalable posé par l’article L. 631-7 du CCH poursuit-il un objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location ? Cette mesure est-elle proportionnée et constitue-t-elle enfin une raison impérieuse d’intérêt général

L’Avocat Général de la CJUE, Michal BOBEK, avait rendu au mois d’avril 2020 (LAJ avril 2020) des conclusions favorables au communes ayant recours au dispositif de l’article L. 631-7 du CCH auquel les ces dernières ont recours pour lutter contre les locations touristiques de type Airbnb.

La grande chambre de la Cour de Justice, dans son arrêt en date du 22 septembre 2020, a considéré que la location de biens meublés destinés à l’habitation d’une clientèle de passage pour de courtes durées n’y élisant pas domicile et de manière répétée relevait de la notion de « service » et entrait par conséquent dans le champ d’application de la directive 2006/123/CE. Le régime posé par l’article L. 631-7 du CCH relevait en outre de la notion « d’autorisation préalable » de cette directive.

De plus, la Cour de Justice a jugé que l’objectif poursuivi de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers constituait une raison impérieuse d’intérêt général, l’article L. 631-7 du CCH visant à lutter contre la pénurie de logements destinés à la location.

Enfin, la juridiction communautaire a considéré que l’objectif poursuivi ne pouvait être réalisé par un dispositif moins contraignant, de telle sorte que le dispositif de l’article L. 631-7 du CCH était proportionné avec l’objectif poursuivi, et ce d’autant qu’il est matériellement et géographiquement restreint.

Nul doute que les communes reprendront activement la lutte engagée dans le cadre de nombreuses procédures ayant été suspendues le temps de la saisine de la CJUE.

Précisions sur l’octroi du congé spécial à un fonctionnaire en fin de détachement pris en charge par le centre de gestion

La Cour administrative d’appel de Versailles a été amenée à juger d’un recours indemnitaire introduit par un Centre de gestion à l’encontre d’une Communauté d’agglomération dans laquelle était précédemment détaché un fonctionnaire territorial d’une Commune. Ce détachement de la Commune à la Communauté d’agglomération était intervenu pour l’occupation d’un emploi fonctionnel, mais la Communauté d’agglomération y avait mis un terme anticipé.

Pris en charge par le Centre de gestion, le fonctionnaire avait préalablement demandé à la Communauté d’agglomération au sein de laquelle il avait été détaché le bénéfice d’un congé spécial, tel que cela est prévu par l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Mais le bénéfice lui en avait été refusé par l’EPCI et il avait finalement été pris en charge par le Centre de gestion qui, pour sa part, a demandé à la Communauté d’agglomération une indemnisation liée aux conséquences de cette prise en charge, dès lors que, selon lui, le congé aurait dû être accordé.

Pour mémoire, le régime du congé spécial des fonctionnaires territoriaux est prévu par l’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 88-614 du 6 mai 1988.

L’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoit que le bénéfice du congé spécial aux fonctionnaires territoriaux occupant un emploi fonctionnel en position de détachement peut être demandé dans le cadre de l’article 53 de la loi n°84-53, lorsqu’il est mis fin au détachement par l’autorité territoriale et qu’il n’existe pas d’emploi vacant du grade de l’agent au tableau des effectifs.

Dans ce cas, l’agent doit compter au moins vingt ans de services civils ou militaires valables pour le calcul de ses droits à pension et être à moins de cinq ans de son âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Le congé spécial est alors accordé de droit, même si un autre fonctionnaire en bénéficie déjà.

Dans cette hypothèse, la demande de congé spécial peut également être présentée jusqu’au terme de l’année de surnombre dans le cas où l’agent avait d’abord opté pour cette hypothèse.

Dans cette affaire, la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart mise en cause, a fait valoir qu’elle n’aurait pas été tenue d’accorder le congé spécial, au motif qu’il incombait à la commune de Colombes, en tant que collectivité d’origine de l’intéressé, de réintégrer l’agent dans ses effectifs. Toutefois, pour la Cour, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation qui était celle de l’EPCI, en sa qualité de collectivité d’accueil, d’accorder à l’agent le bénéfice des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 résultant de sa nomination sur emploi fonctionnel, dès lors que l’intéressé l’avait saisie d’une demande en ce sens dans le délai de prise en charge prescrit par l’article 99 de la loi du 26 janvier 1984.

C’est ainsi que la Communauté d’agglomération a été condamnée à verser au Centre de gestion une somme de plus de 250.000 euros au titre des sommes versées par le Centre de gestion à l’agent pendant la durée de sa prise en charge.

Il résulte de cet arrêté un intérêt accru pour les collectivités à veiller de près à ce que la procédure prescrite pour mettre fin au détachement comme celle prévue pour en organiser les conséquences soient suivies au plus près.

La protection fonctionnelle n’a pas besoin d’être demandée par l’agent

Décidemment, les affaires relatives à la protection fonctionnelle se suivent mais ne se ressemblent pas.

Après sa décision du 29 juin 2020, commentée dans la LAJ de juillet dernier, et aux termes de laquelle l’autorité compétente pour octroyer la protection fonctionnelle ne saurait être le supérieur hiérarchique mis en cause, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, sans manquer à son obligation d’impartialité, le Conseil d’Etat vient cette fois ci apporter deux précisions sur la demande de protection fonctionnelle.

Les faits sont relativement simples : Monsieur F. a assigné Monsieur V., ancien Maire de la commune de Messimy-sur-Saône, devant le Tribunal de grande instance en vue de le voir condamné pour des faits d’entrave discriminatoire. La protection fonctionnelle a été accordée par le conseil municipal à l’ancien élu, et c’est cette délibération qui fait l’objet de la contestation de Monsieur F.

Certes, l’espèce est relative à la protection fonctionnelle accordée à un élu et non à un agent, mais l’un des apports de cette décision est justement d’unifier les deux régimes : « Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions », le Conseil d’Etat ayant traditionnellement qualifié les élus « d’agents publics » s’agissant de la protection fonctionnelle.

Et les deux textes – le code général des collectivités et la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 – comportent des articles rédigés strictement de la même manière, qui permettent d’étendre aux agents publics les principes dégagés en leur application.

A l’occasion de cette affaire, le Conseil d’Etat a apporté deux nouveaux éléments à la théorie : d’une part, la protection de l’employeur public à savoir le remboursement des frais d’avocat et de la condamnation est due y compris dans le cadre d’une instance civile et non uniquement pénale, ce qui est assez logique dès lors que la protection fonctionnelle est accordée dans le cadre d’instances devant la juridiction administratives notamment dans le cas du harcèlement moral.

D’autre part, et cette solution intéressera d’autant plus les décideurs publics, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas besoin de demande formelle de l’agent de bénéficier de la protection fonctionnelle.

Il a en effet considéré, en renvoyant en cela à l’argumentation développée par le Tribunal administratif de Lyon en première instance, en premier lieu qu’aucune disposition n’imposait une demande écrite formalisée et en second lieu que l’octroi de la protection fonctionnelle était « de droit ».

Or, le texte sur lequel le Tribunal s’était appuyé, à savoir l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales : « […] La commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions » est exactement le même que celui de l’article 11 IV de la loi du 13 janvier 1983 : « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

Naturellement, il sera toujours plus prudent de solliciter de l’agent une demande écrite visant à s’assurer de sa volonté de bénéficier d’une telle protection, mais quoi qu’il en soit, l’absence d’une demande formalisée ne pourra pas être invoquée comme viciant la décision d’octroi de la protection fonctionnelle.

Détenir une arme de première catégorie dans son logement de fonction peut justifier l’exclusion définitive du service d’un fonctionnaire

Si depuis la célèbre décision Dahan du Conseil d’Etat, le contrôle des juges du fond du caractère proportionné des sanctions disciplinaires infligées aux agents publics est plus étroit, il n’est pourtant pas exempt d’une certaine marge d’appréciation, que la décision commentée illustre.

Un agent disposant d’un agrément d’agent communal en charge de la surveillance des parcs et jardins délivré par le procureur de la République, et d’un logement de fonction au sein du parc dont il assurait la surveillance, a été condamné en 2013 à une peine d’un an d’emprisonnement assortie d’un sursis total pour des faits de détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie, révélés en 2011.

Ces faits n’avaient toutefois pas été portés immédiatement à la connaissance de la Commune, qui les ne les a découverts qu’en sollicitant, en 2014, un extrait du bulletin n°2 de l’agent, alors que celui-ci était placé en détention provisoire, du chef de destruction volontaire, par pyromanie, du parc dont il assurait justement la garde.

Le Tribunal administratif de Marseille avait initialement fait droit au recours en excès de pouvoir de l’agent contre la sanction de la révocation, au motif de son caractère disproportionné.

La Cour, saisie en appel par la Commune, avait finalement annulé le jugement du Tribunal, en considérant que les faits reprochés à l’agent étaient incompatibles avec l’exercice de ses fonctions de gardien de parc, dès lors que pour exercer ces dites fonctions, l’agent bénéficiait d’un agrément d’agent communal délivré par le procureur de la République, et qu’il était particulièrement chargé d’assurer la surveillance et le maintien de la sécurité d’un parc ouvert au public.

L’agent s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, et soutenait que la Cour était tenue de rechercher, pour déterminer le caractère proportionné de la sanction, si les faits reprochés avaient nuit à l’image de la Commune, et si la manière de servir de l’agent pouvait conduire à atténuer le niveau de sanction infligée.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour, qui ne s’était pas estimée tenue de procéder à ces examens.

En revanche, l’agent soutenait également que l’appréciation des faits conduite par la Cour avait conduit au maintien d’une sanction hors de proportion avec la faute commise. Le doute était permis sur ce point, et les conclusions du rapporteur public Raphaël Chambon sous cet arrêt sont éclairantes : « Disons-le clairement, si nous avions été à la place des juges du fond, nous aurions jugé que la sanction prononcée était disproportionnée ».

En effet, la procédure disciplinaire ayant abouti à sa révocation ne s’était fondée que sur les faits de détention d’arme, seuls faits sur lesquels le juge pénal s’était prononcé. Ainsi, le rapporteur public n’a pas manqué de relever que l’on sentait « bien que les accusations d’incendie volontaire flottaient en arrière-plan de cette procédure disciplinaire », et que les seuls faits de détention d’une arme de première catégorie, non chargée, avec des munitions inutilisables avec cette arme, auraient pu justifier une sanction du troisième groupe.

Seulement, le juge de cassation ne peut remettre en cause l’appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises que dans le cas où la solution que les juges du fond ont retenue quant au choix, par l’administration, de la sanction serait hors de proportion avec les fautes commises (CE, 27 février 2015, La Poste, n°376598).

Et en l’espèce, la détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie par un agent dans son logement de fonction au sein du parc dont il était chargé d’assurer la surveillance était d’une gravité suffisante pour faire échec à la censure du juge de cassation, dont le degré de contrôle n’a pas permis de censurer une appréciation que le rapporteur public avait pourtant qualifié, en creux, d’erronée.

Projet de référentiel sur la protection des données à caractère personnel dans le secteur social : lancement d’une consultation publique de la CNIL

Dans le cadre de leurs activités, les acteurs du secteur social sont amenés à traiter de nombreuses données à caractère personnel au niveau de l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement social et médico-social des personnes âgées, en situation de handicap et en difficulté, parmi lesquelles des données sensibles telles que le NIR (ou « numéro de sécurité sociale ») et les données relatives à l’état de santé de leurs usagers.

La sensibilité des traitements réalisés dans ce secteur et le peu de sensibilisation des acteurs du secteur à la protection des données personnelles ont conduit la CNIL à récemment publier un projet de référentiel soumis à la consultation publique. En août dernier, la CNIL a par ailleurs publié une fiche dédiée au secteur social.

Le projet de référentiel est actuellement consultable sur le site de la CNIL. Il est possible de déposer un avis jusqu’au 1er décembre prochain.

Ce projet de référentiel s’adresse à l’ensemble des acteurs du secteur :

  • les départements ;
  • les centres communaux d’action sociale (CCAS) ;
  • les associations de droit privé créées sous la loi de 1901 ayant notamment pour mission l’accueil, l’hébergement, l’accompagnement et le suivi social et médico-social des personnes ;
  • les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
  • les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ;
  • les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ;
  • les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
  • les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;
  • les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ;
  • les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ;
  • les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ;
  • les organismes chargés de la gestion d’un régime de base de la sécurité sociale légalement obligatoire ou du service des allocations, prestations et aides mentionnés dans le code de la sécurité sociale ou du code de l’action sociale et des familles.

Les référentiels publiés par le CNIL n’ont pas de valeur contraignante mais fournissent un cadre particulièrement utile pour la mise en œuvre des traitements. Ceci d’autant plus que la CNIL, en cas de contrôle, sera certainement amenée à comparer les mesures effectivement mises en place à ce référentiel.

Il est donc vivement recommandé de prendre connaissance de ce référentiel sans attendre, et de faire part à la CNIL de son inadaptation, le cas échéant. 

 

Revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) : l’Etat enjoint de prendre un arrêté conjoint de compensation des hausses exceptionnelles du RSA, pour les départements, intervenues entre 2013 et 2017

Par un jugement du 30 juin dernier, le Tribunal administratif de Paris s’est prononcé sur l’absence de compensation des revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) intervenues par voie gouvernementale, par cinq décrets de revalorisation[1]. Ces revalorisations successives ont donné lieu à une hausse de 10% du RSA intervenue entre 2013 et 2017, conformément au plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté décidé par le Gouvernement, mise à la charge des départements qui ont la compétence pour l’attribution du RSA.

En 2019, trois départements (le Calvados, la Manche et l’Orne) ont déposé un recours en annulation à l’encontre du refus des ministres compétents – à savoir le ministre de l’intérieur et le ministre de l’action et des comptes publics – d’édicter l’arrêté prévu par l’article L. 1614-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), pour chacun des décrets de revalorisation du RSA pris depuis le décret n° 2012-1488 du 28 décembre 2012, qui aurait dû constater les dépenses résultant d’un accroissement des charges pesant, du fait de ces revalorisations, sur les départements et octroyer à ces derniers une compensation de cet accroissement de charges.

Le CGCT dispose que le transfert d’une compétence à une collectivité territoriale, lorsqu’il induit un accroissement net de charges pour celle-ci, donne lieu au transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal de cette compétence (article L. 1614-1 dudit Code). L’article L. 1614-2 du CGCT précise quant à lui qu’en cas de charge nouvelle pesant sur les collectivités du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées, cela donne également lieu à compensation. Enfin, les articles L. 1614-3 et L. 1614-5-1 du CGCT disposent qu’en cas d’accroissement de charges, le montant des dépenses corrélatives pour chaque collectivité concernée est constaté par arrêté conjoint des ministres chargés de l’intérieur et du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales. Il est en outre prévu que cet arrêté conjoint intervient dans les six mois suivant la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

En l’occurrence, le recours des trois départements normands fait suite à la procédure engagée devant le Conseil d’Etat en vue de l’annulation de l’un des décrets ayant procédé à cette revalorisation (Décret n° 2016-1276 du 29 septembre 2016). La Haute Juridiction a rejeté cette requête en indiquant qu’il appartenait aux départements qui estimaient que le décret en cause leur imposait des charges nouvelles de « contester l’absence de compensation, notamment en demandant, le cas échéant, l’annulation du refus des ministres compétents de prendre l’arrêté constatant les dépenses résultant d’un accroissement des charges prévu par l’article L. 1614-3 du CGCT » (Conseil d’Etat, 21 février 2018, n°409286, Département du Calvados et autres).

A la suite de cette décision et après avoir demandé aux ministres compétents d’édicter pour chacun des décrets de revalorisation du RSA l’arrêté en question – demande qui a fait l’objet d’un refus implicite, les trois départements ont déféré ce refus au Tribunal administratif de Paris.

Le 30 juin dernier, ce dernier a considéré que ces revalorisations successives ont effectivement entraîné une modification « des règles relatives à l’exercice des compétences transférées » au sens des dispositions de l’article L. 1614-2 du CGCT, à l’origine de dépenses nouvelles pour les départements. Il en a déduit qu’en conséquence il incombait aux ministres chargés de l’intérieur et du budget d’édicter un arrêté conjoint, après avis de la commission consultative d’évaluation des charges du Comité des finances locales, constatant le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges induits par ces décrets, conformément aux dispositions de l’article L. 1614-3 du CGCT.

C’est ainsi que le juge administratif a annulé les décisions des ministres ayant rejeté les demandes des trois départements requérants tendant à ce que soient édictés les arrêtés de compensation.

Il est enfin à noter que ces revalorisations exceptionnelles décidées par le Gouvernement sont à différencier des revalorisations annuelles du montant forfaitaire du RSA (prises en application de l’article L. 262-3 du Code de l’action sociale et des familles) qui correspondent à l’inflation prévisionnelle et ne représentent pas une modification des règles transférées à une collectivité territoriale. Ainsi, la juridiction a considéré que l’annulation des décisions contestées en tant qu’elles refusent d’édicter les arrêtés prévus par l’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales ne devrait pas s’étendre aux deux décrets ayant prévu cette revalorisation annuelle (Décrets n° 2012-1488 du 28 décembre 2012 et n° 2013-1263 du 27 décembre 2013).

Les conséquences de ce jugement sont loin d’être négligeables puisque l’estimation faite par la Caisse nationale d’allocations familiales du montant total pour l’ensemble des départements des revalorisations du RSA s’élève à plus de 4 milliards d’euros. Ainsi, ce serait une facture de ce montant que l’Etat devrait payer à l’ensemble des départements afin de compenser les hausses successives qu’il a décidées.

Les ministères compétents ont ainsi six mois à compter de la date à laquelle le jugement leur a été notifié pour publier les arrêtés correspondant aux cinq décrets de revalorisation. Cependant, au vu de l’importance de ce montant, il est plus que probable que l’Etat ait décidé de faire appel de cette décision.

Cette décision doit être mise en parallèle avec le projet de loi « 3D » (déconcentration, différenciation et décentralisation) aussi appelé « nouvel acte de la décentralisation », qui doit être présenté à l’automne, dans lequel il est notamment question de tester, dans certains départements volontaires, une recentralisation du RSA. L’on peut penser que ce jugement servira d’argument aux partisans de la recentralisation de cette aide sociale.

[1] Décret n°2013-793 du 30 août 2013, décret n°2014-1127 du 3 octobre 2014, décret n°2015-1231 du 6 octobre 2015, décret n°2016-1276 du 29 septembre 2016 et décret n°2017-739 du 4 mai 2017

 

Précisions sur les conditions de mise en œuvre de la procédure avec négociation

Par un arrêt en date du 7 octobre 2020, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur peut valablement recourir à la procédure concurrentielle avec négociation prévue par les articles 42 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 25 du décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, laquelle correspond désormais à la procédure avec négociation prévue par les articles L. 2124-3, R. 2124-3 et R. 2124-4 du Code de la commande publique (CCP).

S’agissant du contexte, rappelons que l’office public de l’habitat de la métropole de Lyon (Lyon Métropole Habitat) avait engagé la passation d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux, composé de quatre lots, selon la procédure concurrentielle avec négociation. Or, saisi dans le cadre d’un référé précontractuel engagé par un groupement d’entreprises dont l’offre avait été rejetée pour le lot n° 3 « Diagnostics avant relocation et avant-vente », le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a annulé la procédure de passation de ce lot au motif que Lyon Métropole Habitat avait irrégulièrement eu recours à la procédure concurrentielle.

Saisi d’un pourvoi de Lyon Métropole Habitat, le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur la régularité du recours à cette procédure.

Certes, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon puisque ce dernier avait annulé la procédure au prix d’une dénaturation des pièces du dossier en retenant que la procédure concurrentielle avec négociation avait été mise en œuvre par Lyon Métropole Habitat sur le fondement des dispositions du 2° du II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016 alors qu’elle avait été engagée sur le fondement des dispositions du 1° du II du même article.

De ce fait et en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société AED amiante et environnement.

C’est à ce stade que la décision présente un intérêt puisque le Conseil d’Etat est venu précisé les conditions de mise en œuvre d’une procédure avec négociation et plus précisément la marge de manœuvre dont dispose les acheteurs.

En effet, le Conseil d’Etat a tout d’abord jugé que « la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes » et que, « en conséquence, l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ont fait de cette procédure l’une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a précisé dans ce même considérant que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd’hui codifié à l’article R. 2124-3 du code de la commande publique ».

De plus, cette décision apporte un éclaircissement utile sur la mise en œuvre de la procédure avec négociation également au stade de l’application de la règle précitée au cas d’espèce.

Il en est ainsi car le Conseil d’Etat a annulé la procédure avec négociation en considérant que si Lyon Métropole Habitat avait fait valoir que la réalisation de diagnostics immobiliers avant relocation ou avant vente portait « sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu’en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes », il demeurait toutefois que ces prestations « portaient sur les diagnostics exigés par différentes réglementations, devant être faits conformément aux normes applicables auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières, et qu’il s’agissait donc de prestations connues et normalisées » et qu’il ne résultait pas de l’instruction « que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu’au prix d’une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles ».

En résumé, il ressort de cette décision que si la réforme du droit de la commande publique a apporté de la souplesse dans la possibilité pour les acheteurs de recourir à une procédure de passation comportant une négociation, les acheteurs ne peuvent toutefois recourir à la procédure avec négociation que dans les cas limitativement énumérés désormais par l’article R. 2124-3 du CCP. Il en ressort également qu’une procédure avec négociation ne peut pas être mise en œuvre pour des prestations standardisées – autrement dit des prestations « sur étagère » ou « sur catalogue » –, sauf à ce que ces prestations ne puissent être réalisées qu’au prix d’une adaptation des solutions immédiatement disponibles ce qui n’est pas le cas de prestations répondant à des normes réglementaires.

Associations syndicales libres : précisions sur les modalités de convocation aux assemblées générales

Les ASL sont des associations qui dépendent uniquement de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et régies par la loi du 21 juin 1865. Comme toute association, ses statuts prévoient la tenue d’assemblées générales. La Cour de cassation a ainsi précisé les modalités de cette convocation.

En l’espèce, des époux ont contesté la validité de l’assemblée générale de l’association syndicale libre dont ils sont membres aux motifs que la convocation leur a été déposée dans leur boite aux lettres et non en mains propres.

Les juges d’appel ont fait droit aux demandes de l’ASL aux motifs que la convocation avait effectivement été déposée dans leur boîte aux lettres après que l’épouse ait refusé sa remise en mains propres. Ainsi, ayant refusé une convocation qui leur était pourtant remise conformément à ce que prévoient les statuts, les époux ne pouvaient donc pas soulever une irrégularité de forme affectant la tenue de l’assemblée générale litigieuse.

Or, la Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel en considérant que l’article 15 des statuts de l’ASL prévoyait que les convocations aux assemblées générales devaient être adressées soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par lettre simple remise contre émargement. Ainsi, la Haute Cour estime que la convocation n’a pas été remise aux époux conformément aux statuts de l’ASL.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait une interprétation stricte des statuts de l’ASL bien que le défaut de cette obligation de remise en mains propres découle du refus de l’épouse.

Associations syndicales libres : précisions relatives à la publication des modifications statutaires

Par un arrêt du 24 septembre 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la publication d’un extrait des statuts d’une association syndicale libre (ci-après « ASL ») n’est nécessaire qu’autant que leur modification porte sur la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association.

Une ASL a assigné une usufruitière d’un lot situé dans son périmètre, en paiement d’un arriéré de cotisations.

Dans un arrêt du 4 juillet 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté l’ASL de ses demandes. En effet, pour déclarer la demande de l’ASL irrecevable, l’arrêt retient qu’il n’est pas contesté que la publication des modifications statutaires a été faite au Journal Officiel mais que l’ASL ne justifie pas avoir publié un extrait de statuts : ainsi, selon les juges d’appel, l’ASL n’avait pas recouvrer sa capacité d’agir en justice.

L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’ordonnance de 2004 sur les ASL et de son décret d’application du 3 mai 2006. En effet, la Haute Cour considère que seules les modifications portant sur le nom, l’objet et le siège de l’ASL doivent faire l’objet d’une publication par extrait.

En effet, lorsque les ASL mettent leurs statuts en conformité avec les dispositions qui leur sont applicables, elles doivent respecter les formalités que ces nouvelles dispositions imposent. L’objet de la publication en cas de modification des statuts doit être déterminé en considération de l’obligation de publication initiale.

Ainsi, la publication d’un extrait des statuts contenant la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association étant exigée lors de la constitution d’une ASL, la publication d’un extrait des statuts n’est donc nécessaire qu’autant que la modification des statuts porte sur l’un de ces éléments.

Favorable à l’ASL, cette décision allège donc le champ de son obligation de publication puisque celle-ci porte uniquement sur les modifications relatives aux éléments précédemment évoqués.

 

Concession : l’acheteur doit donner aux candidats frappés d’exclusion en raison d’une condamnation pénale la possibilité de prouver leur fiabilité

Aux termes de l’article L. 3123-1 du Code de la commande publique (CCP), doivent être exclues de plein droit de la procédure de passation des contrats de concession les personnes physiques qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour des infractions pénales en lien avec le trafic de stupéfiants, l’escroquerie, l’abus de confiance, le blanchiment d’argent, le terrorisme, la concussion, la corruption et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, l’entrave à l’exercice de la justice, le faux, la participation à une association de malfaiteurs, des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, ainsi que la traite des êtres humains. Cette exclusion s’applique également aux personnes morales dont le représentant ou l’un des membres de son organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance a fait l’objet d’une telle condamnation et ce tant que la ou les personnes condamnées exercent leurs fonctions. Cette exclusion s’applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation.

Les candidats doivent donc, lorsqu’ils postulent à l’attribution d’un contrat de concession, produire à l’appui de leur candidature une déclaration sur l’honneur attestant notamment qu’ils ne font pas l’objet de l’exclusion prévue à l’article L. 3123-1 précité, faute de quoi leur candidature doit être rejetée comme irrecevable (cf. article R. 3123-16 à R. 3121-21 du CCP, auparavant article 19 et 23 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016).

Saisi par la Société VERT MARINE d’un recours tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté sa demande d’abrogation des dispositions réglementaires précitées, le Conseil d’Etat a dans un premier temps, sursis à statuer et saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles afin de l’interroger sur l’interprétation de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

Par un arrêt C-472/19 du 11 juin 2020, la CJUE a répondu que la directive s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas à un opérateur économique condamné de manière définitive pour l’une des infractions susmentionnées la possibilité d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité. En outre, la CJUE précise que la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale confie aux autorités judiciaires l’examen du caractère approprié des mesures correctrices prises par un opérateur économique, à condition que le régime national mis en place à cet effet soit compatible avec les délais imposés par la procédure de passation des contrats de concession. Dans la même logique, la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale permette aux autorités judiciaires de relever une personne d’une interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de contrats de concession à la suite d’une condamnation pénale et d’effacer une telle interdiction ou d’exclure toute mention de la condamnation dans le casier judiciaire, à condition que de telles procédures judiciaires permettent à l’opérateur économique souhaitant participer à une procédure de passation de contrats de concession, de lever, en temps utile, l’interdiction le frappant, au regard du seul caractère approprié des mesures correctrices invoquées par cet opérateur et évaluées par l’autorité judiciaire compétente.

Par sa décision du 12 octobre 2020, le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la CJUE que, pour ne pas méconnaître les objectifs de la directive du 26 février 2014, le droit français doit prévoir la possibilité pour un opérateur économique, lorsqu’il est condamné par un jugement définitif prononcé par une juridiction judiciaire pour une des infractions pénales énumérées à l’article L. 3123-1 du CCP, d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité, étant précisé néanmoins que la faculté de faire preuve de sa fiabilité ne saurait être ouverte lorsque l’opérateur a été expressément exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession, pendant la période fixée par ce jugement.

Or, il constate qu’en l’état actuel, le droit national ne respecte pas ces exigences. Il en conclut que la Société requérante est fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé d’abroger les dispositions des articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016, aujourd’hui repris aux articles R. 3123-16 à R. 3123-21 du CCP.

Le législateur et le pouvoir réglementaire vont donc devoir modifier prochainement le CCP afin de tirer les conséquences de cette décision et mettre le droit national en conformité avec les exigences découlant du droit de l’Union européenne.

Dans l’attente de ces modifications, les acheteurs devront faire application du principe dégagé par le Conseil d’Etat, qui est formulé en ces termes : « l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession prévue à l’article L. 3123-1 du CCP n’est pas applicable à la personne qui, après avoir été mise à même de présenter ses observations, établit dans un délai raisonnable et par tout moyen auprès de l’autorité concédante, qu’elle a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements correspondant aux infractions mentionnées au même article pour lesquelles elle a été définitivement condamnée et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement ».

Procédure et justification d’une décision de résiliation d’une concession valant délégation de service public

Par un arrêt du 21 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte des éclairages intéressants sur la procédure et les motifs justifiant une décision de résiliation d’un contrat de concession valant délégation de service public.

En l’occurrence, le litige opposait la commune de La Seyne-sur-Mer à la société immobilière et financière de l’armement (SIFA), à qui la commune avait attribué en 2012 un contrat de concession et de délégation de service public concernant la conception, le financement, l’exploitation, l’entretien et la maintenance du nouveau port de plaisance de La Seyne-sur-Mer. A la suite de diverses fautes, la commune avait mis en demeure le délégataire mettre fin aux manquements qui lui étaient reprochés dans un délai de 8 jours puis, faute pour le délégataire de se conformer à la mise en demeure, avait prononcé la résiliation pour faute du contrat par une délibération du 28 juillet 2015.

L’arrêt de la Cour traite, d’une part, de la régularité de la décision de résiliation.

A cet égard, il est intéressant de noter, en premier lieu, que la Cour s’appuie directement sur les dispositions de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration pour contrôler la régularité de la délibération de résiliation. Pour rappel, cet article dispose que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent », notamment les décisions infligeant une sanction (point 2° dudit article). Selon la Cour, le fait que la délibération prononçant la résiliation vise les stipulations du contrat fondant la décision et comporte « un exposé précis des griefs du concédant » constitue une motivation suffisante.

En second lieu, la Cour écarte un argument procédural du délégataire qui pouvait poser question : le contrat prévoyait une procédure de conciliation préalable obligatoire en cas de litige entre les parties et le délégataire soutenait que le délégant aurait dû mettre en œuvre cette procédure avant de résilier le contrat. La Cour considère au contraire que la résiliation pour faute n’est en elle-même un litige entre les parties et que la seule obligation du délégant était de mettre en demeure le délégataire, comme le prévoyait un autre article du contrat.

En troisième lieu, s’agissant précisément de cette mise en demeure, la Cour considère, après avoir vérifié le caractère précis de l’identification des manquements, qu’un délai de huit jours pour une telle mise en demeure est suffisant dès lors que lesdits manquements avaient fait l’objet ,plusieurs mises en demeure antérieures et de « nombreux autres courriers… depuis le début de l’exécution du contrat ». Cette appréciation de la Cour est intéressante car elle permet à un délégant qui a pris soin de matérialiser de longue date les manquements du délégataire d’éviter d’attendre à nouveau pendant un long délai de mise en demeure avant de pouvoir résilier un contrat public.

L’arrêt de la Cour traite, d’autre part, du bien-fondé de la décision de résiliation.

Trois éléments méritent d’être soulignés :

  • Lorsqu’une clause d’un contrat fixe pour point de départ d’un délai d’exécution d’une obligation contractuelle l’expiration des délais de recours contre ledit contrat :

    • Le fait qu’un tiers exerce un recours ne suffit pas à suspendre le délai d’exécution de cette obligation dès lors que la clause n’instaure une condition suspensive de cette exécution ;
    • Le fait que l’absence de clause suspensive soit contraire aux usages du secteur est un argument inopérant ;

  • L’absence de versement par le délégataire des pénalités de retard peut constituer, dès lors qu’elles n’ont pas encore été contestées par celui-ci, un faute susceptible d’être prise en compte dans la décision de résiliation ;

  • L’existence d’un recours d’un tiers contre le contrat, alors même qu’on imagine qu’il peut bloquer l’obtention par le délégataire des financements nécessaires à la réalisation des ouvrages dont la maîtrise d’ouvrage lui est déléguée, ne constitue pas une cause exonérant le délégataire de ses obligations contractuelles, faute de clause en ce sens.

En conséquence, la Cour a rejeté toutes les demandes du délégataire déchu.

Action en garantie du maître d’ouvrage reconnu responsable de dommages de travaux publics contre les constructeurs de l’ouvrage après le prononcé de la réception : les clauses relatives aux souscriptions d’assurance semblent pouvoir suffire

Dans un récent arrêt du 8 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles vient apporter une précision utile sur la rédaction des clauses contractuelles permettant de maintenir la responsabilité contractuelle des constructeurs après la réception au titre des dommages aux tiers non apparents ou connus à la date de la réception.

Dans cette affaire, un piéton avait été renversé par un camion de livraison d’enrobé sur le chantier des travaux de voirie entrepris sous maîtrise d’ouvrage d’un établissement public territorial.

Saisie de l’appel du titulaire du marché de travaux contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil ayant prononcé sa condamnation solidaire avec le maître d’ouvrage à indemniser l’assureur du véhicule des sommes versées à la victime, la cour avait notamment à se prononcer sur le sort des appels en garantie réciproquement formés par les cocontractants.

L’on précisera d’emblée que la cour a sans difficulté admis le principe même de leur responsabilité, dont le fondement résulte d’une jurisprudence désormais constante aux termes de laquelle « la responsabilité d’une collectivité publique, maître d’ouvrage de travaux publics, est susceptible d’être engagée, même en l’absence de faute, à l’égard de la victime de dommages causés par ces travaux, lorsqu’elle a vis-à-vis d’eux la qualité de tiers, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ce dernière est alors en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l’entrepreneur, soit au maître de l’ouvrage, soit à l’un et à l’autre solidairement. Il appartient, toutefois, au demandeur tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’il allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre les travaux publics et lesdits préjudices. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel ».

L’on sait néanmoins que le constructeur est fondé à demander à être totalement garanti par le maître d’ouvrage des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages causés aux tiers lorsque la réception des travaux a été prononcée sans réserve.

Le juge administratif a toutefois introduit des exceptions limitatives à ce principe. Ainsi la réception n’est-elle pas un obstacle à la condamnation définitive du constructeur à supporter les dommages causés au tiers, et consécutivement à l’appel en garanti formé par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur : lorsque le dommage trouve son origine dans un désordre affectant l’ouvrage et de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale ; lorsque la réception n’a été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; lorsqu’enfin une clause contractuelle expresse prévoit le maintien de la responsabilité du constructeur après la réception au titre des dommages aux tiers du fait de la réalisation des travaux publics.

Rappelant cette solution jurisprudentielle désormais bien établie, la Cour écarte le moyen soulevé par le constructeur tendant à se voir relevé par le maître d’ouvrage de toutes condamnations prononcées à son encontre, outre le rejet de l’appel en garantie formé par ce dernier à son encontre, en relevant que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait expressément que le titulaire du marché devait justifier d’une attestation d’assurance en responsabilité civile couvrant l’intégralité des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber à la suite de dommages causés aux tiers du fait ou à l’occasion de la réalisation des travaux, mais encore les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il est susceptible d’encourir vis-à-vis des tiers et du maître d’ouvrage, à la suite de tous dommages survenant après travaux.

La Cour considère ainsi que les clauses contractuelles doivent être regardées comme ayant maintenu la responsabilité du titulaire du marché de travaux, après le prononcé de la réception sans réserve au titre des dommages causés aux tiers, et ce quand bien même les dommages n’auraient été ni connus ni apparents à la date de la réception.

L’interprétation des stipulations contractuelles proposée par la Cour apparaît ce faisant particulièrement favorable aux maîtres d’ouvrages, la clause d’assurance ne faisant notamment pas expressément référence à la réception. Les dommages aux tiers n’apparaissent en effet couverts qu’en tant seulement qu’ils sont survenus au cours de la réalisation des travaux ou « après travaux ».

On ne saurait toutefois que trop conseiller aux maîtres d’ouvrage de prévoir l’insertion, dans leurs contrats, de clauses prévoyant expressément le maintien après réception de la responsabilité du titulaire au titre des dommages causés tiers qui n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception.

La Cour de cassation se prononce sur le contenu de la notion de diffamation sur internet en cas d’insertion d’un lien hypertexte dans une publication

Par un arrêt rendu le 1er septembre 2020, la Cour de cassation a précisé les contours de la responsabilité pénale en cas de mise en ligne d’un lien hypertexte redirigeant vers un écrit diffamatoire.

En l’espèce, le 20 février 2017, une association avait mis en ligne un communiqué informant de l’exclusion de l’un de ses membres à la suite d’une accusation de viol.

Peu après, le syndicat dont cette personne était adhérente publiait sur son site internet un texte critiquant les procédures internes de l’association, en se référant à ce communiqué.

Le 9 mars suivant, une élue locale mettait en ligne sur son compte Facebook, un lien hypertexte renvoyant à la publication d’un site internet tiers sur laquelle figurait une reproduction intégrale des communiqués de l’association et du syndicat.

Le 27 mai, la personne visée par la publication portait plainte à l’encontre de l’élue et se constituait partie civile du chef de diffamation publique à raison du seul texte émanant de l’association, mais en ce qu’il avait été reproduit ultérieurement sur divers sites, dont celui de l’élue.

Le Tribunal correctionnel, comme la Cour d’appel, avaient déclaré l’élue coupable des faits reprochés, considérant que l’insertion d’un lien hypertexte dans une nouvelle publication caractérisait le délit de diffamation sur internet.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts.

  • Sur la question de la prescription de l’action publique, la Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence en la matière, précise qu’: « un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ».

    S’il avait déjà été jugée que l’insertion sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement à cet écrit, caractérisait une reproduction (Cass. Crim., 2 novembre 2016, n° 15-87.163), la Cour apporte ici une précision concernant le point de départ du délai de prescription, qui, rappelons-le, est de trois mois pour les infractions générales en droit de la presse.

  • Sur la caractérisation du délit de diffamation publique par la mise en ligne d’un lien hypertexte renvoyant à un écrit, lui-même diffamatoire.

A cet égard, la Cour indique que cette publication ne relève pas nécessairement du délit de diffamation publique sur internet.

Au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et 593 du Code de procédure pénale, la Cour censure l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas justifié leur décision, en omettant d’examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé, que constituaient les modalités et le contexte dans lesquels le lien hypertexte avait été inséré, et notamment le sens du texte auquel renvoyait le lien.

Par cet arrêt, qui constitue une application de sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation rappelle la nécessité pour les juges du fond d’analyser le contexte et les modalités de la publication pour déterminer si les éléments constitutifs du délit de diffamation publique sont réunis.

L’explication de ce raisonnement tient au principe selon lequel : « relayer un message n’est pas nécessairement diffamer autrui ».

Insalubrité et recouvrement des frais engagés après un changement de propriétaire

Cette décision intéressante revient sur les hypothèses de recouvrement par la Commune du coût de travaux réalisés d’office en raison de propriétaires défaillants, et plus précisément lorsque des changements de propriétaires sont survenus au cours du processus.

A l’encontre de quel propriétaire, celui défaillant à exécuter les mesures prescrites par un arrêté, ici préfectoral, dans le délai impartis, ou celui propriétaire au moment du recouvrement effectif, la Commune peut-elle choisir d’émettre ses titres exécutoires ?

C’est à cette question que le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse en matière d’insalubrité, police spéciale du Préfet et non du Maire mais où la Commune peut être amenée à agir au nom de l’Etat.

En l’espèce, un Maire a mis en demeure des copropriétaires de réaliser sous un mois des travaux afin de mettre fin à l’état d’insalubrité constaté sur leur immeuble. Face à l’inertie de ces derniers, la Commune a été contrainte de les réaliser à leur frais et place.

Postérieurement à la réalisation des travaux mais avant que ne soit émis à son encontre un titre exécutoire aux fins de recouvrement des sommes engagées par la Commune, la société requérante en première instance avait cédé son bien, et n’était donc plus propriétaire. 

Le Conseil d’Etat, en se fondant notamment sur les dispositions de l’article L. 1331-29 du Code de la santé publique, retient que la Commune « est en droit de rendre débitrice de la créance qu’elle déteint la personne qui a la qualité de propriétaire ou de copropriétaire de l’immeuble à la date d’expiration du délai imparti par la mise en demeure d’exécuter les travaux ».

En d’autres termes, une Commune peut légitimement choisir de recouvrir ses créances à l’encontre du propriétaire devenu défaillant et auquel elle a dû se substituer, quand bien même il ne soit plus propriétaire au moment de l’émission du titre exécutoire correspondant. 

Par suite, « dès lors, en se fondant, pour annuler le titre exécutoire émis par la ville de Paris à l’encontre de la société Coste Royale, sur la seule circonstance que la société n’était plus copropriétaire de l’immeuble à la date à laquelle elle statuait sur son appel, la cour a commis une erreur de droit », l’arrêt est annulé et l’affaire renvoyée.

Cette solution semble transposable aux situations de péril où les articles L. 511-2-V, L. 511-3 et L. 511-4 actuellement en vigueur du Code de la construction et de l’habitation posent des principes similaires à ceux du Code de la santé publique en disposant que les frais « de toute nature » avancés par la commune, lorsque celle-ci s’est substituée aux propriétaires défaillants, peuvent être légitimement recouvrés « comme en matière de contribution directe », c’est-à-dire par l’émission de titres exécutoires.

Les frais de dépollution d’un site industriel : une nouvelle composante de l’indemnité d’éviction ?

Un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société pour y exploiter une station-service de distribution de produits pétroliers et de vente d’accessoires automobiles. Au terme du bail, il délivre au preneur un congé avec refus de renouvellement avec offre du paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L. 145-18 du Code de commerce (considérant un projet de démolition et reconstruction).

De manière assez classique, un désaccord intervient entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction; le bailleur soutenant notamment qu’il n’avait pas à prendre en charge les frais de dépollution du site. Un expert judiciaire a donc été désigné avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Aux termes du dépôt de son rapport, l’Expert a ainsi conclu :

  • que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce ;

  • que les frais de dépollution du site devraient être déduits du montant de l’indemnité d’éviction (indemnité principale et accessoires).

En première instance, le Tribunal avait ladite estimé que la société preneuse, en sa qualité de dernier exploitante du site, devait se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale (ICPE), notamment en faisant réaliser les diagnostics prévus par la loi et en faisant le cas échéant dépolluer les lieux pris à bail à ses frais.

En effet, en application de l’article L. 110-1, II-3° du Code de l’Environnement, ainsi que da la jurisprudence constante en la matière, le preneur devrait – en sa qualité de dernier exploitant du site – se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale, et partant prendre en charge la dépollution des lieux.

La société preneuse a interjeté appel de ce même jugement.

Contre toute attente, la cour d’appel de Paris rompt avec ce principe au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce, rappelant ainsi que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail.

Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour a considéré que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs, étaient directement liés à l’éviction commercial de la société et partant, à l’arrêt définitif de l’exploitation. Ils devaient donc être indemnisés au titre des indemnités accessoires.

Un contrat passé à titre onéreux par une commune avec un opérateur de téléphonie mobile et d’internet en vue de répondre à ses besoins en matière de télécommunications est un contrat administratif en vertu de la loi

C’est en effet ce qu’a considéré le Conseil d’Etat dans sa récente décision en date du 25 septembre 2020.

Pour rappel, les faits sont les suivants : la commune de Belvezet (Gard) a souscrit auprès de la société Orange un abonnement pour la fourniture de services de téléphonie et d’internet.

Mais, à la suite d’un accident de la route le 19 juin 2019, le poteau supportant la ligne de téléphone desservant la commune a été arraché, provoquant ainsi l’interruption du service pour une partie des habitants de la commune.

Après six jours d’interruption du service et en avoir informé le prestataire, la Commune forme un référé « mesure utiles » devant le Tribunal administratif de Nîmes[1], lequel enjoint la société la société Orange de prendre toute mesure nécessaire pour rétablir les télécommunications sur la commune de Belvezet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

C’est alors que ladite société forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat en soulevant un moyen tiré de l’incompétence du juge administratif pour connaître de ce litige.

Ce moyen sera écarté par la Haute juridiction.

Alors que selon la société Orange, par application de la jurisprudence dite « Bac d’Eloka [2]», c’est à la juridiction judiciaire qu’il revient de trancher ce litige, dès lors qu’il oppose le gestionnaire d’un service public industriel et commercial (SPIC) et son usager, ce raisonnement n’est pas applicable selon le Rapporteur public[3], suivi par le Conseil d’Etat :

  • d’une part, le service en cause, à savoir la fourniture d’un service de télécommnications à une commune, n’est pas un service public en tant que tel et, par la même, pas un SPIC ;

  • d’autre part, la commune de Belvezet ne peut être assimilée à n’importe quel usager abonné d’Orange, particulier ou professionnel et le lien contractuel qui l’unit à la société Orange ne peut donc revêtir la même qualification.

 

En réalité, ainsi que le souligne le Rapporteur public dans ses conclusions, le contrat en cause répond en tous points à la définition du marché public de service telle qu’elle est posée par le Code de la commande publique « l’abonnement souscrit est un contrat conclu par un acheteur soumis au code de la commande publique (la commune) avec un opérateur économique (la société Orange) pour répondre à ses besoins (en matière de téléphonie et d’internet) en contrepartie d’un prix ».

Dans ce cadre, le conseil d’Etat considère que le contrat liant la Commune et la société Orange est un contrat administratif par détermination de la loi.

Par suite, l’action contentieuse dirigée contre ce contrat relève bien de la juridiction administrative et c’est donc à bon droit que le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes a estimé que tel était le cas.

[1] Article L. 521-3 du Code de justice administrative

[2] Arrêt TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt « Bac d’Eloka »

[3] Les conclusions de Mme Sophie Roussel, Rapporteur public dans cette affaire, sont disponibles ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2020-09-25/432727?download_pdf

Du nouveau pour l’option à la TVA de locaux à nus à usage professionnel

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

 

 

Les locations de locaux nus à usage professionnel sont en principe exonérés de TVA mais peuvent être soumises à la taxe sur option (art. 260 2° du CGI).

Cette option doit être formulée par écrit auprès du service des impôts territorialement compétent, formalisant l’intention de son auteur de soumettre à la TVA son activité de location (BOI-TVA-CHAMP-50-10) elle ne peut être implicite et ne peut ne peut notamment résulter de la soumission volontaire des opérations à la TVA et de l’acquittement de cette taxe (CE 6 avril 1987, n° 59523, 7e et 8e s.-s.)

Lorsque le preneur n’est pas assujetti, l’option à la TVA doit par ailleurs être mentionnée dans le contrat de bail, la clause concernée devant traduire l’accord exprès du preneur sur le paiement de la TVA cette mention étant une condition de validité de l’option en application des dispositions de l’article 206,2° du CGI.

L’option peut être formulée dès la concrétisation du projet et prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle a été formulée. L’option s’applique pour l’immeuble concerné aussi longtemps qu’elle n’a pas été dénoncée ou jusqu’à ce que les locaux changent de destination. (Art. 194 ann. II au CGI), le changement de locataire, n’entrainant pas de fait la caducité de l’option.

L’article 193 de l’annexe II du CGI exige en outre que l’option prévue par l’article 260 du CGI en vue d’acquitter la TVA soit distinctement exercée par immeuble ou par ensemble immobilier.

Selon la doctrine administrative publiée (BOI-TVA-CHAMP-50-10) il en résulte que l’option prévue à l’article 260, 2° du CGI couvre la totalité des locaux, non exclus du champ d’application de la taxe, situés dans cet ensemble. Par ensemble immobilier, il faut entendre non seulement un groupe de bâtiments ayant fait l’objet d’un même plan de masse, d’un permis de construire unique, ou d’un même programme de construction, réalisé sur un terrain appartenant à une même personne, mais également deux ou plusieurs immeubles construits sur un même terrain et destinés à l’exercice d’une seule et même activité par le preneur.

Dans un arrêt en date du 09 septembre 2020 (CE, 3ème et 8ème s-s. réunies, n° 439143) le Conseil d’État vient de juger qu’une telle interprétation purement littérale de l’article 193 de l’annexe II au CGI ne peut être retenue, contredisant ainsi l’analyse de la doctrine administrative.

La Haute assemblée a ainsi expressément précisé que si ces dispositions impliquent qu’un contribuable peut opter pour soumettre l’ensemble des locaux situés dans un même immeuble ou dans un même ensemble d’immeubles à la TVA, il n’y est nullement obligé : il peut, au contraire, tout à fait opter pour la soumission à la taxe de seulement certains locaux éligibles exploités dans un même immeuble ou ensemble immobilier.

Afin de permettre une application différenciée des règles de TVA à des locations portant sur des locaux situés dans un même ensemble immobilier, il conviendra d’être particulièrement attentif, lors de la formulation de l’option à la désignation des locaux et baux concernés qui devront être identifiés précisément et de façon non équivoque.

Marchés publics : relèvement de certains seuils de publicité et de mise en concurrence

Depuis le 1er janvier 2020, le seuil en deçà duquel les acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) peuvent conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence est fixé à 40.000 € HT (cf. article R. 2122-8 du CCP).

Par décret n° 2020-893 en date du 22 juillet 2020, le pouvoir réglementaire a relevé ce seuil, d’une part, pour les marchés de travaux et, d’autre part, pour les marchés de fournitures de denrées alimentaires.

S’agissant des marchés de travaux, le seuil est relevé à 70.000 € HT. Ce relèvement vaut également pour les lots portant sur des travaux dont le montant est inférieur à 70.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. Cette mesure s’applique pour les marchés de travaux conclus d’ici au 10 juillet 2021 inclus.

S’agissant des marchés de fournitures de denrées alimentaires, le seuil de publicité et de mise en concurrence est relevé à 100.000 € HT, sous réserve que deux conditions soient réunies : d’une part, les denrées alimentaires faisant l’objet du marché doivent avoir été produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 11 juillet 2020 et, d’autre part, elles doivent être livrées avant le 10 décembre 2020. Il est également précisé que ces dispositions sont applicables aux lots dont le montant est inférieur à 80.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Tout en procédant à ces relèvements de seuils, le décret rappelle aux acheteurs qu’ils doivent veiller à « choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin », reproduisant les termes figurant déjà à l’article R. 2122-8 du CCP.

Il faut noter que l’article 3 du décret définissant le champ d’application de ces mesures souffre d’une double ambiguïté de rédaction :

  • d’une part, il ne mentionne, parmi les marchés concernés par ces mesures, que ceux de « l’Etat et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises », ce qui semble exclure les marchés passés par les autres acheteurs soumis au CCP, notamment les collectivités territoriales et leurs établissements publics ;

  • d’autre part, il dispose qu’ « il entre en vigueur dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises le lendemain de sa publication», ce qui semble exclure les autres collectivités d’outre-mer ainsi que la métropole.

Par la suite, la Direction des affaires juridiques des ministères économique et financier (DAJ) a, dans une publication du 28 août 2020, précisé que « ce relèvement temporaire des seuils concerne bien évidemment tous les acheteurs, qu’ils soient situés en métropole ou dans les collectivités d’outre-mer qui sont soumises au principe d’ « identité législative », et pour lesquels il n’était pas nécessaire de préciser le champ d’application territorial des mesures ». 

Toutefois, on peut regretter que ces précisions apportées par la DAJ – qui n’ont pas de valeur réglementaire en elles-mêmes – soient en contradiction avec la lettre du décret…

On peut également regretter que ce décret n’intègre pas ces mesures directement dans le CCP.