le 15/10/2020

Détenir une arme de première catégorie dans son logement de fonction peut justifier l’exclusion définitive du service d’un fonctionnaire

CE, 9 septembre 2020, Monsieur A, n° 422493

Si depuis la célèbre décision Dahan du Conseil d’Etat, le contrôle des juges du fond du caractère proportionné des sanctions disciplinaires infligées aux agents publics est plus étroit, il n’est pourtant pas exempt d’une certaine marge d’appréciation, que la décision commentée illustre.

Un agent disposant d’un agrément d’agent communal en charge de la surveillance des parcs et jardins délivré par le procureur de la République, et d’un logement de fonction au sein du parc dont il assurait la surveillance, a été condamné en 2013 à une peine d’un an d’emprisonnement assortie d’un sursis total pour des faits de détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie, révélés en 2011.

Ces faits n’avaient toutefois pas été portés immédiatement à la connaissance de la Commune, qui les ne les a découverts qu’en sollicitant, en 2014, un extrait du bulletin n°2 de l’agent, alors que celui-ci était placé en détention provisoire, du chef de destruction volontaire, par pyromanie, du parc dont il assurait justement la garde.

Le Tribunal administratif de Marseille avait initialement fait droit au recours en excès de pouvoir de l’agent contre la sanction de la révocation, au motif de son caractère disproportionné.

La Cour, saisie en appel par la Commune, avait finalement annulé le jugement du Tribunal, en considérant que les faits reprochés à l’agent étaient incompatibles avec l’exercice de ses fonctions de gardien de parc, dès lors que pour exercer ces dites fonctions, l’agent bénéficiait d’un agrément d’agent communal délivré par le procureur de la République, et qu’il était particulièrement chargé d’assurer la surveillance et le maintien de la sécurité d’un parc ouvert au public.

L’agent s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, et soutenait que la Cour était tenue de rechercher, pour déterminer le caractère proportionné de la sanction, si les faits reprochés avaient nuit à l’image de la Commune, et si la manière de servir de l’agent pouvait conduire à atténuer le niveau de sanction infligée.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour, qui ne s’était pas estimée tenue de procéder à ces examens.

En revanche, l’agent soutenait également que l’appréciation des faits conduite par la Cour avait conduit au maintien d’une sanction hors de proportion avec la faute commise. Le doute était permis sur ce point, et les conclusions du rapporteur public Raphaël Chambon sous cet arrêt sont éclairantes : « Disons-le clairement, si nous avions été à la place des juges du fond, nous aurions jugé que la sanction prononcée était disproportionnée ».

En effet, la procédure disciplinaire ayant abouti à sa révocation ne s’était fondée que sur les faits de détention d’arme, seuls faits sur lesquels le juge pénal s’était prononcé. Ainsi, le rapporteur public n’a pas manqué de relever que l’on sentait « bien que les accusations d’incendie volontaire flottaient en arrière-plan de cette procédure disciplinaire », et que les seuls faits de détention d’une arme de première catégorie, non chargée, avec des munitions inutilisables avec cette arme, auraient pu justifier une sanction du troisième groupe.

Seulement, le juge de cassation ne peut remettre en cause l’appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises que dans le cas où la solution que les juges du fond ont retenue quant au choix, par l’administration, de la sanction serait hors de proportion avec les fautes commises (CE, 27 février 2015, La Poste, n°376598).

Et en l’espèce, la détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie par un agent dans son logement de fonction au sein du parc dont il était chargé d’assurer la surveillance était d’une gravité suffisante pour faire échec à la censure du juge de cassation, dont le degré de contrôle n’a pas permis de censurer une appréciation que le rapporteur public avait pourtant qualifié, en creux, d’erronée.