le 15/10/2020

Action en garantie du maître d’ouvrage reconnu responsable de dommages de travaux publics contre les constructeurs de l’ouvrage après le prononcé de la réception : les clauses relatives aux souscriptions d’assurance semblent pouvoir suffire

CAA Versailles, 8 octobre 2020, n° 16VE02428

Dans un récent arrêt du 8 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles vient apporter une précision utile sur la rédaction des clauses contractuelles permettant de maintenir la responsabilité contractuelle des constructeurs après la réception au titre des dommages aux tiers non apparents ou connus à la date de la réception.

Dans cette affaire, un piéton avait été renversé par un camion de livraison d’enrobé sur le chantier des travaux de voirie entrepris sous maîtrise d’ouvrage d’un établissement public territorial.

Saisie de l’appel du titulaire du marché de travaux contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil ayant prononcé sa condamnation solidaire avec le maître d’ouvrage à indemniser l’assureur du véhicule des sommes versées à la victime, la cour avait notamment à se prononcer sur le sort des appels en garantie réciproquement formés par les cocontractants.

L’on précisera d’emblée que la cour a sans difficulté admis le principe même de leur responsabilité, dont le fondement résulte d’une jurisprudence désormais constante aux termes de laquelle « la responsabilité d’une collectivité publique, maître d’ouvrage de travaux publics, est susceptible d’être engagée, même en l’absence de faute, à l’égard de la victime de dommages causés par ces travaux, lorsqu’elle a vis-à-vis d’eux la qualité de tiers, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ce dernière est alors en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l’entrepreneur, soit au maître de l’ouvrage, soit à l’un et à l’autre solidairement. Il appartient, toutefois, au demandeur tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’il allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre les travaux publics et lesdits préjudices. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel ».

L’on sait néanmoins que le constructeur est fondé à demander à être totalement garanti par le maître d’ouvrage des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages causés aux tiers lorsque la réception des travaux a été prononcée sans réserve.

Le juge administratif a toutefois introduit des exceptions limitatives à ce principe. Ainsi la réception n’est-elle pas un obstacle à la condamnation définitive du constructeur à supporter les dommages causés au tiers, et consécutivement à l’appel en garanti formé par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur : lorsque le dommage trouve son origine dans un désordre affectant l’ouvrage et de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale ; lorsque la réception n’a été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; lorsqu’enfin une clause contractuelle expresse prévoit le maintien de la responsabilité du constructeur après la réception au titre des dommages aux tiers du fait de la réalisation des travaux publics.

Rappelant cette solution jurisprudentielle désormais bien établie, la Cour écarte le moyen soulevé par le constructeur tendant à se voir relevé par le maître d’ouvrage de toutes condamnations prononcées à son encontre, outre le rejet de l’appel en garantie formé par ce dernier à son encontre, en relevant que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait expressément que le titulaire du marché devait justifier d’une attestation d’assurance en responsabilité civile couvrant l’intégralité des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber à la suite de dommages causés aux tiers du fait ou à l’occasion de la réalisation des travaux, mais encore les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il est susceptible d’encourir vis-à-vis des tiers et du maître d’ouvrage, à la suite de tous dommages survenant après travaux.

La Cour considère ainsi que les clauses contractuelles doivent être regardées comme ayant maintenu la responsabilité du titulaire du marché de travaux, après le prononcé de la réception sans réserve au titre des dommages causés aux tiers, et ce quand bien même les dommages n’auraient été ni connus ni apparents à la date de la réception.

L’interprétation des stipulations contractuelles proposée par la Cour apparaît ce faisant particulièrement favorable aux maîtres d’ouvrages, la clause d’assurance ne faisant notamment pas expressément référence à la réception. Les dommages aux tiers n’apparaissent en effet couverts qu’en tant seulement qu’ils sont survenus au cours de la réalisation des travaux ou « après travaux ».

On ne saurait toutefois que trop conseiller aux maîtres d’ouvrage de prévoir l’insertion, dans leurs contrats, de clauses prévoyant expressément le maintien après réception de la responsabilité du titulaire au titre des dommages causés tiers qui n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception.