le 15/10/2020

La protection fonctionnelle n’a pas besoin d’être demandée par l’agent

CE, 8 juillet 2020, n° 427002

Décidemment, les affaires relatives à la protection fonctionnelle se suivent mais ne se ressemblent pas.

Après sa décision du 29 juin 2020, commentée dans la LAJ de juillet dernier, et aux termes de laquelle l’autorité compétente pour octroyer la protection fonctionnelle ne saurait être le supérieur hiérarchique mis en cause, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, sans manquer à son obligation d’impartialité, le Conseil d’Etat vient cette fois ci apporter deux précisions sur la demande de protection fonctionnelle.

Les faits sont relativement simples : Monsieur F. a assigné Monsieur V., ancien Maire de la commune de Messimy-sur-Saône, devant le Tribunal de grande instance en vue de le voir condamné pour des faits d’entrave discriminatoire. La protection fonctionnelle a été accordée par le conseil municipal à l’ancien élu, et c’est cette délibération qui fait l’objet de la contestation de Monsieur F.

Certes, l’espèce est relative à la protection fonctionnelle accordée à un élu et non à un agent, mais l’un des apports de cette décision est justement d’unifier les deux régimes : « Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions », le Conseil d’Etat ayant traditionnellement qualifié les élus « d’agents publics » s’agissant de la protection fonctionnelle.

Et les deux textes – le code général des collectivités et la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 – comportent des articles rédigés strictement de la même manière, qui permettent d’étendre aux agents publics les principes dégagés en leur application.

A l’occasion de cette affaire, le Conseil d’Etat a apporté deux nouveaux éléments à la théorie : d’une part, la protection de l’employeur public à savoir le remboursement des frais d’avocat et de la condamnation est due y compris dans le cadre d’une instance civile et non uniquement pénale, ce qui est assez logique dès lors que la protection fonctionnelle est accordée dans le cadre d’instances devant la juridiction administratives notamment dans le cas du harcèlement moral.

D’autre part, et cette solution intéressera d’autant plus les décideurs publics, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas besoin de demande formelle de l’agent de bénéficier de la protection fonctionnelle.

Il a en effet considéré, en renvoyant en cela à l’argumentation développée par le Tribunal administratif de Lyon en première instance, en premier lieu qu’aucune disposition n’imposait une demande écrite formalisée et en second lieu que l’octroi de la protection fonctionnelle était « de droit ».

Or, le texte sur lequel le Tribunal s’était appuyé, à savoir l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales : « […] La commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions » est exactement le même que celui de l’article 11 IV de la loi du 13 janvier 1983 : « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

Naturellement, il sera toujours plus prudent de solliciter de l’agent une demande écrite visant à s’assurer de sa volonté de bénéficier d’une telle protection, mais quoi qu’il en soit, l’absence d’une demande formalisée ne pourra pas être invoquée comme viciant la décision d’octroi de la protection fonctionnelle.