Energie
le 07/12/2023
Thomas ROUVEYRAN
Yann-Gaël NICOLAS

Marchés globaux de performance énergétique à paiement différé : Fin Infra publie la méthodologie de réalisation de l’étude préalable

Décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023 relatif aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé

Le décret n° 2023-913 relatif aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé, publié le 3 octobre dernier en application des dispositions de la loi n° 2023-222 en date du 30 mars 2023, a précisé les modalités selon lesquelles les avis de la Mission d’appui au financement des infrastructures (ci-après « Fin Infra ») et du Ministre chargé du budget seront rendus respectivement sur l’étude préalable qui a objet de démontrer l’intérêt du recours à un marché global de performance énergétique à paiement différé (ci-après « MGPEPD »), et sur l’étude de soutenabilité budgétaire qui apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits.

S’il ressort aujourd’hui une volonté manifeste de Fin Infra[1] de favoriser le déploiement des opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics à l’occasion des avis que ce service aura à rendre sur les études préalables qui lui seront soumises, notre analyse du décret révèle une complexité non négligeable pour les collectivités territoriales et leurs groupements, et tout particulièrement dans l’élaboration des dossiers constitutifs de l’étude préalable et de l’étude de soutenabilité budgétaire.

A ce titre, les éléments méthodologiques de Fin Infra étaient particulièrement attendus pour mieux évaluer, dans la pratique, le niveau de précision de l’étude préalable qui est soumise à son avis, et pour évaluer globalement la lourdeur de la procédure à mettre en œuvre pour passer des MGPEPD.

Selon la méthodologie publiée par Fin Infra, les éléments que doit comprendre l’étude préalable du MGPEPD qui lui sera soumise pour avis, sont les suivants :

  1. Une présentation générale du projet à propos de laquelle il convient d’apprécier que, selon Fin Infra, les éléments qu’elle est censée inclure sont seulement utiles à l’acheteur sans constituer des données nécessaires afin qu’elle prononce un avis favorable[2].

Cette présentation devra inclure :

  • les caractéristiques du projet, son équilibre économique et ses enjeux.

Si les caractéristiques du projet qui doivent être développées au titre de l’étude préalable comportent en partie des éléments financiers, ces derniers ne semblent pas devoir être précisément détaillés. Il s’agit seulement d’indiquer la répartition des coûts prévisionnels du projet par grande typologie de coûts d’investissement et les paramètres de l’équilibre économique prévisionnel de l’opération (coût d’investissement, aides/subventions, projets de valorisation, économies d’énergie attendues).

Outre ces éléments, les caractéristiques du projet devront également rappeler son contexte (niveau de maturité, objectifs poursuivis, inscription dans un plan pluriannuel d’investissement ou dans une stratégie immobilière) ainsi que les modalités de mutualisation envisagées.

  • les compétences de l’acheteur, son statut et ses capacités financières.

A ces éléments visés par le décret du 3 octobre 2023, la méthodologie de Fin Infra a ajouté la présentation des capacités techniques de l’acheteur, notamment ses moyens techniques et humains – qui pourraient être mobilisés sur d’autres projets en cours –, son expérience à conduire le projet – au regard de projets comparables qu’il aurait conduit – et le recours à des compétences externes (techniques, financières, juridiques).

Ceci semble de nouveau confirmer que l’avis de Fin Infra portera essentiellement sur les éléments qualitatifs du projet – en l’espèce, la capacité du maître d’ouvrage à mettre en œuvre un MGPEPD – et non financiers.

  • un état de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre de référence retenus pour apprécier la performance énergétique du projet.

Cette situation de référence sera appréciée bâtiment par bâtiment et inclura également une présentation de l’état initial (caractéristiques du bâti et notamment son isolation thermique, la liste des équipements de chauffages, la présence ou non de systèmes de gestion technique du bâtiment ou centralisée, la situation du ou des bâtiment(s) au regard des obligations relatives au décret tertiaire – à savoir la réduction du niveau de consommation d’énergie par paliers, la communication des données de consommation d’énergie sur la plateforme OPERAT).

  1. Une description des options de montages contractuels de la commande publique qui sont écartées, et des options qui sont envisagées pour mettre en œuvre le projet.

A ce titre, Fin Infra indique qu’il s’agira pour l’acheteur de présenter de façon synthétique les options de montage contractuel envisageables pour mettre en œuvre le projet et de vérifier juridiquement s’il peut y recourir, en précisant le cas échéant les motifs qui le conduisent à exclure tel ou tel montage.

  1. Une appréciation portant sur l’ensemble des avantages et inconvénients du marché par rapport aux options de montages contractuels écartées.

A ce titre, Fin Infra précise que les marchés de partenariat n’auront pas à être inclus dans cette analyse dans la mesure où ils autorisent également le paiement différé. Ceci est issu de la rédaction du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023 qui a indiqué que cette analyse comparative des avantages et inconvénients du MGPEPD devait être réalisée au regard des options qui n’autorisent pas le paiement différé, ce qu’autorise à titre dérogatoire le marché de partenariat.

Ceci étant relevé, l’analyse doit comparer les avantages et les inconvénients des différents montages sur la base d’une durée correspondant à la durée d’amortissement des investissements, au regard :

  • des objectifs de performance retenus par l’acheteur, étant précisé que le directeur de Fin Infra a pu indiquer que les objectifs que se fixe l’acheteur ne seront pas appréciés par son service[3].

En premier lieu, il conviendra de comparer les montages contractuels au regard des estimations du gain attendu – notamment de l’objectif attendu par rapport à la situation de référence – en matière de consommation énergétique exprimée en énergie finale et du gain attendu en matière d’émission de gaz à effet de serre.

En deuxième lieu, devront être comparés le calendrier comprenant la phase de consultation et la phase de conception et de réalisation des travaux, ainsi que la durée sur laquelle porte l’engagement d’exploitation et de performance énergétique.

En dernier lieu, l’acheteur devra comparer les différents mécanismes :

    • d’incitation créés par le calendrier de paiement des prestations ;
    • de garantie de paiement des pénalités (garanties ou mécanismes de compensation des pénalités sur les rémunérations) ;
    • et des sanctions pour chaque phase du projet (construction, exploitation).
  • du périmètre des missions susceptibles d’être confiées au titulaire.

A ce titre, Fin Infra précise qu’il s’agira notamment de comparer les missions restant à la charge de l’acheteur notamment au titre des missions d’exploitation-maintenance, ce qui sera notamment le cas, à la différence des MGPEPD, des marchés de travaux non accompagnés d’un marché d’exploitation-maintenance, ou des marchés de conception-réalisation.

  • des principaux risques du projet et de leur répartition entre l’acheteur et le titulaire.

A ce titre, Fin Infra identifie quatre risques que l’acheteur sera libre de modifier et de compléter, à savoir :

  • le risque lié à l’état du bâti initial, à la complétude et à l’exactitude des études préalables, ainsi qu’à la connaissance du patrimoine ;
  • les risques « construction » liés au choix des matériaux, aux approvisionnements en phase travaux, aux causes d’interruption de chantier, aux modifications demandées par l’acheteur, ainsi que les risques de défaillance du titulaire et liés à la maîtrise d’ouvrage ;
  • les risques « exploitation technique » liés aux usages du bâtiment, à la performance des installations techniques dans le temps, à la disponibilité de l’ouvrage et à la défaillance du titulaire ;
  • le risque financier lié à l’évolution des taux de financement et à l’évolution des indices de prix.

Pour chaque catégorie identifiée, l’acheteur devra ainsi apprécier le niveau du risque en fonction de leurs effets sur les coûts et les délais et de leur probabilité d’occurrence.

Enfin, l’acheteur portera une appréciation sur la pertinence du transfert de risque opéré en fonction du niveau du risque et de ses capacités.

  • de la structure de financement ainsi que de son incidence sur le coût du projet.

Fin Infra indique à cet égard que l’acheteur devra présenter pour chaque mode de réalisation et à titre prévisionnel :

  • les conditions de financement, en distinguant le coût de la dette et, le cas échéant, le coût des fonds propres, y compris du financement public ;
  • le coût moyen pondéré du capital (en %) ;
  • le coût du capital (dette et fonds propres en euros sur la durée du marché.
  • le cas échéant, des effets de la mutualisation du projet avec d’autres acheteurs, au titre de laquelle il peut être relevé de manière satisfaisante que le directeur de Fin Infra a confirmé que les projets mutualisés seront favorisés[4].

A ce titre, Fin Infra précise que l’analyse devra détailler les impacts de la mutualisation, notamment en matière d’économies d’échelle, et indiquer si ces derniers sont de nature à favoriser la réalisation du projet dans son ensemble ou s’ils génèrent des risques ou des contraintes supplémentaires.

Enfin, Fin Infra apporte d’autres précisions qui étaient attendues dans sa méthodologie, en particulier que :

  • le MGPEPD peut porter sur des prestations qui ont pour objet de réduire la consommation énergétique d’un ou plusieurs bâtiments, quelle que soit la nature de ces dernières, de sorte qu’il peut porter sur des travaux d’isolation, de remplacement d’équipements techniques (chauffages, traitement d’air, ventilation…), sur la mise en place d’outils de pilotage et de contrôle de la consommation, ou encore de sur l’installation d’unités de production d’électricité ou de chaleur renouvelable en autoconsommation ;
  • si l’objet principal des MGPEPD doit bien porter sur la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs bâtiments ainsi que sur les travaux qui lui sont indissociablement liés, cela n’exclut pas d’autres travaux dans le périmètre de ces contrats pour autant que ces derniers ne remettent pas en cause cet objet principal (réaménagement des espaces, végétalisation, amélioration du confort des usagers…).

En définitive, si Fin Infra entend apprécier de manière conciliante les projets qui seront soumis à son avis, il ressort de ce qui précède que l’élaboration de l’étude préalable représentera une certaine complexité pour les collectivités territoriales et leurs groupements disposant de peu de moyens internes, et restreindra l’intérêt de recourir à des MGPEPD à des opérations atteignant une taille critique, notamment via les mécanismes de mutualisation.

 

[1] Commande publique : « Un outil plus simple, plus souple que le marché de partenariat », Jean Bensaïd – Le Moniteur – 27 novembre 2023.

[2] « Néanmoins, ces éléments ne contribuent pas directement à la comparaison entre les montages et peuvent donc être adaptés en fonction des données dont dispose l’acheteur » (Commande publique : « Un outil plus simple, plus souple que le marché de partenariat », Jean Bensaïd – Le Moniteur – 27 novembre 2023).

[3] Commande publique : « Un outil plus simple, plus souple que le marché de partenariat », Jean Bensaïd précité.

[4] « On va favoriser les opérations qui concernent plusieurs personnes publiques, plusieurs sites, plusieurs écoles par exemple, en même temps » (Commande publique : « Un outil plus simple, plus souple que le marché de partenariat », Jean Bensaïd – Le Moniteur – 27 novembre 2023).