Projets immobiliers publics privés
le 23/03/2023
Mathilde BLOCKMathilde BLOCK

Le 1er octobre 2019, le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « Décret Tertiaire » pris en application de la Loi ELAN du 23 novembre 2018 est entré en vigueur

Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire

Qu’est-ce que le Décret Tertiaire ?

Le Décret Tertiaire précise les nouvelles obligations pesant sur les bâtiments accueillant des activités du secteur tertiaire, résultant de l’article L. 174-1 du Code de la construction et de l’habitation créé par la Loi ELAN.

Révisé à plusieurs reprises par une série d’arrêtés et un décret modificatif, le Décret Tertiaire est actuellement codifié aux articles R. 174-22 à R. 174-32 du Code de la construction et de l’habitation.

Cet ensemble de texte a pour vocation l’amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments concernés, au moyen d’actions permettant la réduction de la consommation d’énergie.

Le Décret Tertiaire complète l’arsenal environnemental adopté en réaction au constat selon lequel les consommations énergétiques du secteur immobilier sont élevées. En effet, le parc immobilier français représente environ 40 à 45 % des consommations énergétiques nationales, et génère un quart des émissions de CO2 annuelles.

Qui est concerné ?

Le Décret Tertiaire s’applique aux bâtiments, parties ou ensembles de bâtiments d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m² accueillant l’exercice d’activités tertiaires.

En effet, L’article R. 174-22 II 3 du CCH dispose que :

« Sont assujettis aux obligations mentionnées à l’article L. 174-1 les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de […] tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 ».

La notion d’« ensemble de bâtiments » concerne tant les bâtiments entièrement dédiés aux activités tertiaires que ceux ayant partiellement cet usage, le 3° de l’article R. 174-22 du Code de la construction et de l’habitation faisant référence à des bâtiments qui « hébergent » des activités tertiaires, sans emploi de l’adverbe « exclusivement ».

Ainsi, peuvent être additionnées des surfaces tertiaires de bâtiments ayant partiellement cet usage, dès lors que ces surfaces sont présentes sur une même unité foncière ou sur un même site et qu’elles sont supérieures ou égales à 1.000 m².

Par ailleurs, la Loi n° 2021-1104 en date du 22 août 2021 dite « Loi Climat et Résilience » a étendu le champ d’application du Décret Tertiaire aux bâtiments neufs et existants.

Le propriétaire comme l’occupant sont assujettis aux obligations introduites par le Décret Tertiaire, ce qui impacte nécessairement leurs relations (cf. infra).

Quelles sont les obligations mises en place ?

Le Décret Tertiaire impose trois obligations :

  • Celle de réduction du niveau de consommation d’énergie par paliers ;
  • Celle de communication des données de consommation d’énergie sur la plateforme OPERAT ;
  • Celle d’évaluer le respect de l’obligation par les parties au contrat de bail.

Pour favoriser la réduction de la consommation d’énergie, il convient de choisir une année d’exploitation de référence comprise entre 2010 et 2019.

Il est recommandé de choisir l’année au cours de laquelle les dépenses énergétiques ont été les plus fortes, pour atteindre une réduction de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 (article L. 174-1 du Code de la construction et de l’habitation).

Ces objectifs peuvent être modulés en fonction :

  1. a) De contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ;
  2. b) D’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ;
  3. c) De coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.

Pour favoriser le suivi de la consommation d’énergie, une plateforme dite « OPERAT » a été créée, sur laquelle les assujettis doivent déclarer leurs données de consommation (au plus tard le 31 décembre 2022 pour les années 2020, 2021 et pour l’année de référence, et au plus tard le 30 septembre 2023 pour l’année 2022).

En cas de non-respect de cette obligation, le préfet peut mettre en demeure les assujettis de procéder à la déclaration des données dans un délai de trois mois, sous peine de faire l’objet d’une publication sur un site internet de l’Etat répertoriant les mise en demeures infructueuses.

Cette sanction moderne sous la forme « Name and shame » devrait encourager la prise de conscience environnementale des assujettis.

L’évaluation du respect de l’obligation par les parties au contrat de bail peut enfin être réalisée au moyen d’audits environnementaux en cours d’exploitation.

Quels sont les impacts sur les relations entre propriétaire et exploitant ?

Le Décret Tertiaire a un impact évident sur les relations entre le propriétaire et l’exploitant.

D’une part, le Décret procède à une responsabilité partagée entre le bailleur et le preneur, qui ont tout intérêt à répartir leurs actions œuvrant à la réduction des consommations d’énergie.

Concrètement, la réduction des consommations d’énergie passe par une exploitation « verte », plus écologique et respectueuse de l’environnement, mais également l’installation d’équipements performants et la rénovation énergétique du bâtiment.

Si l’exploitation « verte » incombe naturellement au preneur qui doit adapter ses comportements, la répartition de l’installation des équipements et de la rénovation du bâtiment peut s’avérer plus délicate.

En pratique, les baux commerciaux conclus après l’entrée en vigueur de la Loi Pinel permettent de mettre à la charge du preneur le coût de tous travaux, y compris ceux de rénovation, de mise en conformité et d’amélioration des performances énergétiques du bâtiment, à condition qu’il ne s’agisse pas de grosses réparations relevant de l’article 606 du Code civil, conformément à l’article R. 145-35 du Code de commerce.

La rénovation énergétique du bâtiment peut donc entraîner un contentieux non-négligeable entre le bailleur et le preneur si les obligations des parties ne sont pas précisément définies dans le contrat de bail.

D’autre part, les travaux de performance énergétique vont nécessairement impacter la valeur locative des bâtiments, ce qui intéressera les négociations entre les parties à l’occasion du terme ou du renouvellement du bail.

Il en résulte que les impacts du Décret Tertiaire se font d’ores et déjà ressentir dans les relations entre propriétaire et exploitant des bâtiments concernés.