Les élections municipales et communautaires qui se tiendront les 15 et 22 mars 2026 doivent attirer l’attention non seulement des élus et agents locaux mais, également, des dirigeants et responsables au sein de leurs entreprises publiques locales (Epl), soit les SEM, les SPL ou encore les SEMOP.
Durant cette phase charnière de la vie publique locale qu’est la période électorale, il est utile de revenir pour les Epl sur les conditions et limites de la communication institutionnelle, sur les contrats et les décisions qu’il est possible de prendre et sur le renouvellement de leurs organes.
1. Elections municipales et communication des Epl : quelles limites ? quelles précautions ?
a. La communication institutionnelle et ses limites
Deux limites à la communication institutionnelle en période préélectorale sont applicables à compter du 1er septembre 2025 (six mois avant les élections) :
- Les dons prohibés (article L. 52-8 du Code électoral) ;
- L’interdiction des campagnes de promotion publicitaire (article L. 52-1 du Code électoral).
Et ces limites sont applicables aux Epl au sein desquels des élus locaux assurent des mandats de représentation.
Pour ce qui concerne les dons prohibés, il est ainsi interdit aux personnes morales de consentir des dons aux candidats.
Et s’agissant de l’interdiction des campagnes de promotion publicitaire, sont visés toutes les collectivités mais aussi leurs satellites (Epl, associations notamment).
b. Le don prohibé
Pour rappel, la Commission nationale des comptes de financement et des financements politiques (CNCCFP) définit le don comme :
« Un financement consenti par un tiers à titre gracieux et sans contrepartie, quelle que soit sa forme, espèces, chèques, avantages en nature, ces derniers pouvant se matérialiser par des actions de communication institutionnelle ».
Il a été jugé que constitue un don prohibé, l’utilisation par un candidat des visuels réalisés par la collectivité et des sociétés privées pour mettre en valeur un projet de création d’un monorail à propulsion solaire en ce qu’il lui a permis de présenter aux électeurs, à moindre coût, un projet ambitieux dans le cadre de sa campagne (TA Paris, 5 janvier 2024, n° 2112287).
Constitue également un don prohibé une remise particulièrement importante accordée à un candidat par une entreprise, d’autant que ni le candidat ni l’entreprise ne justifie qu’elle était tirée d’une pratique commerciale habituelle (TA Paris, 13 juin 2024, n° 2316118).
c. L’interdiction des campagnes de promotion publicitaire
Il n’existe pas plus de définition légale ou jurisprudentielle s’agissant des campagnes de promotion publicitaire.
Il convient donc de recourir à un faisceau d’indices pour analyser la communication et les évènements au regard de :
- L’antériorité des démarches : caractère habituel et traditionnel de l’initiative ;
- L’identité de la personne : pas de modification de forme, de contenu, de volume ;
- La neutralité : propos objectifs, chiffrés dénués de personnalisation et de valorisation.
Ne constitue donc une campagne de promotion publicitaire, ni les visites de terrain, qui étaient habituellement réalisées, ni la visite du chantier de construction d’un lycée, réalisé au début des travaux, ni la conférence de presse annonçant le déploiement d’un réseau wifi gratuit, dont la date s’explique par la reprise des travaux (CE, 17 juin 2016, n° 395481).
2. Les nouveaux contrats, les contrats à renégocier, les décisions qu’on peut prendre
a. Un principe applicable aux Epl
Pour mémoire, l’article 1524-5 du CGCT, 13ème alinéa prévoit que :
« En cas de fin légale du mandat de l’assemblée, le mandat de ses représentants au conseil d’administration ou au conseil de surveillance est prorogé jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par la nouvelle assemblée, leurs pouvoirs se limitant à la gestion des affaires courantes. »
Cette notion est issue d’une jurisprudence ancienne applicable à l’administration et cette notion d’affaires courantes s’applique donc non seulement aux Epl mais aussi, en amont, aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales actionnaires de l’Epl.
Et cette limite s’applique à partir du début des élections – soit le 15 mars 2026.
b. La notion d’affaires courantes
Les pouvoirs des représentants des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales au sein des organes délibérants des Epl sont, ainsi, limités à la gestion des affaires courantes. Or, la notion « d’affaires courantes » n’est pas légalement définie.
Mais il y a des affaires courantes proprement dites et des affaires urgentes. Pour la jurisprudence, la mesure prise doit relever du « fonctionnement courant » de l’organisme sinon être « indispensable à la continuité du service ».
Par exemple, en matière de marché, est illégal un marché signé par un directeur général quand bien même la procédure de passation a été engagée avant les élections municipales, sauf si cette signature permet d’assurer la continuité du service public.
En conclusion, excède cette notion toute décision qui, sauf cas d’urgence la rendant indispensable pour assurer la continuité du service, préjudicierait aux prérogatives des nouveaux élus (appréciation in concreto par le juge).
Pour les SEM ou les SPL, cette notion renvoie essentiellement à des actes de gestion, de nature administrative ou financière (tels que la rémunération des salariés, le paiement de factures …) permettant d’assurer le fonctionnement de l’Epl. C’est une affaire d’espèce et le juge appréciera au cas par cas.
A titre d’illustration, l’attribution de contrats, et notamment de marchés publics, comme la renégociation de contrats en cours avec la passation d’avenants, sauf urgence est hors affaires courantes (CE, 28 janvier 2013, Syndicat Mixte Flandre Morinie).
c. Préconisations
La prudence est de mise et il faut s’interroger au cas par cas sur la justification d’une prise de décision ou la passation ou encore la renégociation d’un contrat qui doit apparaitre indispensable.
Il y a donc tout intérêt à bien anticiper les calendriers d’approbation de décisions importantes ou de contrats, notamment si des négociations sont à prévoir.
En cas d’intervention d’une CAO ou d’un jury ou dans le cadre d’une procédure restreinte (phase candidature et phase offre), il est utile de finaliser une phase avant les élections et de lancer la ou les autres après.
Il a toutefois jugé qu’une régularisation était possible post-élections, notamment du fait de l’intervention d’une CAO durant la période des élections, destinée à confirmer le choix ou réitérer une autorisation (CE, 28 janvier 2013, précité).
3. Le renouvellement des organes : comment l’organiser ?
a. Avant les élections municipales
Il conviendra d’anticiper la prise de délibérations du conseil d’administration avant les élections pour « enjamber » sereinement la période de gestion des affaires courantes.
Il faudra à ce titre vérifier la composition du conseil d’administration en fonction de la répartition du capital et des mentions des statuts – pour rappel, l’article L. 1524-5 du CGCT énonce que : « Les statuts fixent le nombre de sièges dont ils disposent (…) » – et la réglementation applicable – par exemple, les représentants des locataires entrent dans l’effectif maximum selon un rapport récent de l’ANCOLS).
Il sera également nécessaire d’identifier les collectivités et groupements de collectivités qui devront :
- désigner leurs nouveaux représentants au conseil d’administration ou au conseil de surveillance ou encore à l’assemblée spéciale de l’Epl ;
- désigner celui ou ceux parmi ces derniers autorisés à être Président, cumulant ou non la direction générale ;
- désigner leur représentant à l’assemblée générale de l’Epl.
Une communication devra aussi être organisée en amont avec les collectivités concernées sur les points suivants :
- nombre de représentants à désigner ;
- vigilance sur les incompatibilités ou conflits d’intérêts potentiels ;
- limite d’âge devant être respectée à la date de nomination (pour le représentant de la collectivité siégeant au conseil d’administration et pour celui qui deviendrait Président, des limites d’âge pouvant être différentes) ;
- recherche de la mixité au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, (article L. 225-17, alinéa 2 Code de commerce) ;
- rémunération des représentants des collectivités.
On en profitera utilement pour leur adresser une fiche de synthèse présentant l’Epl et ses caractéristiques (activité, situation financière, composition du capital, composition du conseil d’administration ou du conseil de surveillance et Directoire, fréquence des réunions, règlement intérieur du conseil d’administration), destinée à être remise aux potentiels nouveaux représentants, accompagnée d’un dossier : statuts, règlement intérieur, règlement de l’assemblée spéciale, dernier rapport de gestion, dernier rapport des représentants de la collectivité au conseil d’administration, pacte d’actionnaires, projet d’entreprise et plan d’affaires. Et permettre ainsi aux candidats potentiels de mesurer l’investissement à fournir dans leurs futures fonctions.
A titre de recommandation pratique, il conviendra en outre de demander à ce que les élus soient bien titulaires d’un passeport ou d’une pièce d’identité en cours de validité pour les formalités au greffe.
Il conviendra aussi d’adresser aux collectivités concernées un certain nombre d’informations et d’éléments pour leur permettre de délibérer :
- anticiper la date des délibérations de désignation des représentants de la collectivité dans les organismes extérieurs ;
- adresser un modèle de rapport et de délibération ;
- proposer de relire le projet de rapport et de délibération ;
- rappeler que les élus concernés ne doivent pas prendre part au vote de la collectivité les désignant ou à celui autorisant leur rémunération (article L. 1524-5 CGCT).
Enfin, il devra être demandé au Président du conseil d’administration de l’Epl sortant de convoquer le conseil d’administration d’installation post-élections.
b. Après les élections municipales
Une fois les élections passées, il s’agira de mettre en place le conseil d’administration d’installation des nouveaux représentants des collectivités.
Le jour du conseil d’administration, les pièces nécessaires aux formalités à réaliser auprès du Greffe du Tribunal de commerce seront réunies et déposées sans tarder.
La formation des nouveaux administrateurs devra être organisée par la société par l’article L. 1524-5-2 du CGCT.