Simplification : publication d’une circulaire pour l’accélération de projets territoriaux

Par une circulaire du 28 octobre 2024 adressée aux autorités déconcentrées de l’Etat (préfets de région et de département principalement), le Premier ministre a appelé à l’accélération de la mise en œuvre de certains projets locaux, dans le cadre de « contrats de simplification ».

Considérant en effet que certains projets portés par des acteurs économiques ou des collectivités territoriales seraient ralentis voire empêchés par une complexité de la règlementation, le Premier ministre demande que, dans chaque département, entre 3 et 5 projets structurants pour le territoire et dont la réalisation est ralentie ou empêchée par la règlementation soient identifiés. Cette identification devra être réalisée pour le 20 novembre 2024 en lien avec les élus locaux notamment et au regard de l’intérêt des projets pour le territoire, en prenant en compte le stade de l’instruction des projets, la nature des obstacles règlementaires ainsi que la solidité de leur financement.

Cette liste sera transmise aux services du Premier ministre, qui les instruira en lien avec les ministères concernés dans un délai maximal de deux mois. Cette instruction aura pour objet d’identifier des solutions aux ralentissements ou blocages : il pourra notamment s’agir de mettre en œuvre le pouvoir de dérogation du préfet (qui est assoupli par rapport à ce qui ressortait de la circulaire du 6 août 2020, l’information préalable du préfet de région et la saisine de l’administration centrale étant supprimées) ou de procéder à des modifications législatives ou règlementaires.

Il est enfin demandé que soient ensuite mises en œuvre les mesures préconisées et qu’un suivi des projets soit assuré.

Déchets : majoration de la taxe générale sur les activités polluantes pour les activités de stockage de déchets non-dangereux

Des modifications relatives à la TGAP avaient été introduites par l’article 104 de la loi de finances pour 2024, lequel prévoyait notamment que :

  • Une majoration serait due pour la fraction des déchets non-dangereux réceptionnés en installation de stockage à compter de l’atteinte de l’objectif annuel de réduction de 50 % des mises en décharge par rapport à 2010 applicable à compter de 2025. Cette majoration doit être fixée par arrêté ministériel entre 5 et 10 euros par tonne de déchet excédentaire ;
  • Certains tarifs réduits de TGAP seraient supprimés.

L’arrêté du 23 octobre 2024 a mis en œuvre ces dispositions légales en :

  • Fixant à 5 euros par tonne la majoration de TGAP applicable en cas de dépassement des objectifs de réduction de stockage des déchets non-dangereux ;
  • Abrogeant les textes règlementaires sur les tarifs réduits de TGAP supprimés par la loi.

Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2025.

Protection des captages d’eau : précisions sur la procédure de définition du périmètre de protection rapprochée

La protection des points de captage d’eau potable est assurée notamment par la définition de périmètres de protection autour du point de prélèvement, conformément à l’article L. 1321-2 du Code de la santé publique : les périmètres de protection immédiate (qui doit être acquise en pleine propriété), rapprochée (où certaines activités et travaux peuvent être interdits ou règlementés) et éloignée (où ces activités et travaux peuvent également être règlementés).

Le Conseil d’Etat a eu à connaitre d’une affaire où les propriétaires de parcelles incluses dans le périmètre de protection rapprochée d’un captage, et qui se voyaient donc imposer des mesures propres à prévenir des risques de pollution, contestaient l’instauration de ce périmètre. En effet, l’article L. 1321-2 du Code de la santé publique prévoit que seul un périmètre de protection immédiate peut être instauré si les conditions hydrologiques et hydrogéologiques permettent d’assurer efficacement la préservation de la qualité de l’eau par des mesures de protection limitées.

Le Conseil d’Etat précise d’abord que la décision par laquelle l’autorité administrative définit un périmètre de protection rapprochée autour du point de captage n’est pas une décision soumise à obligation de motivation au sens de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

Il s’est également, et surtout, prononcé sur la nécessité ou non de définir un périmètre de protection rapprochée, et relève que dans cette affaire, le captage n’était pas exposé à un risque de pollution majeur, mais que les eaux souterraines présentaient néanmoins une certaine vulnérabilité à une pollution issue de la surface et que des cas de pollution aux pesticides avaient pu être identifiés par le passé. L’instauration d’un périmètre de protection rapprochée était donc régulière et ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété des requérants.

Pollution de l’air : reconnaissance en appel du lien de causalité

CAA Paris, 9 octobre 2024, n° 23PA03742

Dans deux arrêts du 9 octobre 2024, la Cour administrative d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur deux jugements du Tribunal administratif de Paris qui avaient reconnu non seulement l’existence d’une faute de l’Etat pour non-respect des normes de qualité de l’air, mais surtout et de manière plus novatrice un lien de causalité entre cette faute et les préjudices subis par des victimes (cf. notre article sur le sujet).

Le Tribunal administratif avait ainsi condamné l’Etat à réparer les préjudices tirés des souffrances endurées et des troubles dans les conditions d’existence.

L’Etat a fait appel de ces jugements.

Dans ses décisions, la Cour administrative d’appel reconnait également l’existence d’un lien de causalité entre la faute de l’Etat pour non-respect des normes de qualité de l’air, en indiquant que « l’exposition de la jeune A… à des pics de pollution observés en région parisienne doit ainsi être regardée comme étant en lien de causalité directe, non pas avec l’ensemble des maladies respiratoires contractées par l’enfant, mais avec l’aggravation de ces pathologies ».

De la même manière qu’en première instance, la Cour condamne donc l’Etat à indemniser les victimes au titre des préjudices tirés des souffrances endurées et des troubles dans les conditions d’existence, mais écarte les demandes de réparation liées au préjudice d’agrément, au préjudice d’angoisse face à l’inaction de l’Etat, aux préjudices patrimoniaux et au préjudice d’anxiété face à une contamination.

Protection de la biodiversité : l’interdiction d’installer des clôtures en milieu naturel est conforme à la Constitution

Par une décision en date du 18 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité aux normes constitutionnelles de plusieurs dispositions du Code de l’environnement introduites par la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

L’article L. 372-1 du Code de l’environnement instaure en effet une obligation de mise en conformité de certaines clôtures situées dans des espaces naturels afin de permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Les clôtures concernées doivent ainsi respecter certaines caractéristiques afin de permettre ce passage. Et l’article L. 424-3-1 du même code fixe les conditions dans lesquelles un propriétaire procède à l’effacement des clôtures tandis que ses articles L. 171-1 et L. 428-21 reconnaissent à certains agents un droit de visite pour la réalisation de contrôles administratifs.

Plusieurs requérants ont entendu contester la conformité de ces dispositions aux normes constitutionnelles se rattachant au droit de propriété, au principe d’égalité, à la liberté d’entreprendre ou encore à la garantie des droits. Le Conseil constitutionnel a néanmoins écarté l’ensemble de cet argumentaire. Ainsi :

  • Les requérants invoquaient des atteintes à l’article 17 de la DDHC relatif à l’interdiction de la privation de propriété, dans la mesure où le texte impose la mise en conformité des clôtures sans indemnisation, et à l’article 2 de la DDHC consacrant le droit de propriété, dès lors que le texte, selon eux non justifié par un motif d’intérêt général, remettrait en cause le droit de se clore par son champ d’application trop large. Mais le Conseil constitutionnel expose que :
  • Le texte impose une mise en conformité pour l’implantation, la réfection ou la rénovation de clôtures et constitue donc seulement une limitation du droit de propriété et non une privation ;
  • Il poursuit notamment l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. En outre, des exceptions sont prévues et les zones dans lesquelles cette obligation s’applique sont précisément définies.

Dès lors, il n’existe pas de déséquilibre manifeste entre le droit de propriété et, notamment, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement

  • Il serait selon les requérant porté atteinte à l’article 16 de la DDHC relatif à la garantie des droits, ainsi qu’aux principes de sûreté et de sécurité juridique, l’obligation de mise en conformité des clôtures s’appliquant également à celles édifiées jusqu’à 30 ans avant l’adoption de la loi. Le Conseil Constitutionnel écarte cet argument en rappelant que cette mesure poursuit un objectif de valeur constitutionnelle et qu’elle est encadrée puisque les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures, que les clôture de plus de trente ans ne sont pas concernées et que les clôtures peuvent être maintenues mais doivent seulement répondre à de nouvelles caractéristiques ;
  • Les requérants invoquaient également le principe d’égalité devant la loi car les textes instaureraient une différence de traitement injustifiée entre propriétaires, mais le Conseil constitutionnel relève que les propriétaires fonciers ne sont pas placés dans la même situation selon que leurs clôtures ont été ou non édifiées au moins trente ans avant la date de publication de la loi du 2 février 2023
  • Le Conseil constitutionnel rejette également, en raison de la définition du champ d’application du texte et des objectifs qu’il poursuit, les arguments liés à la liberté d’entreprendre invoquée par les requérants ;
  • Les dispositions de l’article L. 424-3-1 n’ont pas pour effet de faire peser sur les propriétaires des dépenses incombant à l’Etat, et ne créent donc aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
  • Les dispositions des articles L. 171-1 et L. 428-21 ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni le principe de l’inviolabilité du domicile eu égard à la nature des lieux auxquels les agents peuvent accéder.

Véhicules impactant l’environnement : la place des associations de protection de l’environnement dans les affaires de tromperies commerciales

Cass. Crim., 1er octobre 2024, n° 23-81.329

Cass. Crim., 1er octobre 2024, n° 23-81.330

Par trois arrêts du 1er octobre 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser les contours de la recevabilité des constitutions de partie civile des associations de protection de l’environnement dans les affaires de tromperies aggravées portant sur la commercialisation de véhicules.

Le fondement juridique de l’action des associations de protection de l’environnement réside dans les dispositions de l’article L. 142-2 du Code de l’environnement qui permet aux associations agréées et à celles régulièrement déclarées depuis au moins cinq années, l’exercice des droits reconnus à la partie civile pour les « faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ainsi qu’aux textes pris pour leur application. ».

Sur le fondement de cet article, une association ayant pour objet la protection de l’environnement s’est constituée partie civile dans le cadre de trois procédures d’information judiciaire ouvertes du chef de tromperie aggravée reprochée à une société ayant commercialisé des véhicules équipés de moteurs dépassant les seuils réglementaires d’émissions d’oxyde d’azote.

La société mise en examen a soulevé l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’association – toutefois admise par le magistrat instructeur, dont l’ordonnance a été confirmée par la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, considérant que les faits commis sur des véhicules les rendaient dangereux pour la santé et avaient entraîné des conséquences avérées sur l’environnement.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a toutefois cassé l’arrêt de la Chambre de l’instruction aux termes d’une interprétation stricte des dispositions susvisées de l’article L. 142-2 du Code de l’environnement.

Plus précisément, la Cour de cassation considère que les associations de protection de l’environnement ne sont recevables à se constituer partie civile qu’à l’égard des infractions définies limitativement par le texte – qui vise la lutte contre les pratiques et publicités comportant des indications environnementales –, et non de manière générale, pour toutes les infractions ayant des conséquences sur le plan environnemental – en l’espèce des faits de tromperies aggravées.

Ces arrêts interrogent une nouvelle fois la portée et les contours de l’article L. 142-2 du Code de l’environnement et réaffirment la distinction entre la légalité et la légitimité des actions portées par ces associations.

Evolution de la puissance de raccordement : avis favorable de la Commission de Régulation d’Energie sur le projet d’arrêté visé par l’article L. 342-24 du Code de l’énergie

Le renforcement des réseaux d’électricité, rendu nécessaire pour accueillir de nouvelles installations et œuvrer dans le sens de la transition énergétique, induit naturellement de revoir les capacités des réseaux publics d’électricité afin de traiter plus efficacement les demandes de raccordement.

En ce sens, l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2022 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité, commentée dans une de nos précédentes lettre d’actualité, et prise en application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, loi APER), a créé un dispositif afin de permettre au gestionnaire de réseau de modifier la puissance de raccordement des utilisateurs à des fins de dimensionnement optimal du réseau.

On rappellera en effet que le nouvel article L. 342-24 du Code de l’énergie dispose :

« Les conventions ou protocoles de raccordement mentionnés aux articles L. 342-22 et L. 342-23 conclus postérieurement au 10 novembre 2023 ou en cours d’exécution à cette date précisent, dans des conditions déterminées par la Commission de régulation de l’énergie, les modalités selon lesquelles la puissance de raccordement peut être modifiée par le gestionnaire de réseau, lorsque la puissance maximale soutirée par l’utilisateur concerné est inférieure à la puissance de raccordement en soutirage prévue par cette convention ou ce protocole, à des fins de dimensionnement optimal du réseau.

La Commission de régulation de l’énergie détermine les modalités d’évolution de la puissance de raccordement et les éventuelles indemnités auxquelles un client peut prétendre, en cas de modification de sa puissance de raccordement. »

Un projet d’arrêté du ministre chargé de l’Energie devait préciser les catégories d’installations soumises à ces dispositions, en fonction de leurs caractéristiques.

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) s’est ainsi penchée sur le projet d’arrêté relatif aux catégories d’installations soumises aux dispositions de l’article L. 342-24 du Code de l’énergie qui détermine une liste d’installations éligibles à des conditions de raccordement spécifiques pour soutenir certaines filières de production.

Il est ainsi proposé de soumettre aux dispositions de l’article susvisées toutes les installations raccordées aux réseaux publics d’électricité, sauf :

  • Les installations raccordées au réseau public basse tension ;
  • Les installations nucléaires de base (pour leur besoin de soutirage).

Par une délibération publiée le 10 octobre 2024, le Régulateur a émis un avis favorable en recommandant néanmoins d’exclure également de ce dispositif, à titre de sécurité juridique, les ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité pour leur raccordement à un autre réseau d’électricité.

Afin de rendre cette souplesse compatible avec l’augmentation des usages électriques, la CRE ajoute qu’elle « veillera à ce que les modalités de modification de la puissance de raccordement qu’elle définira ne contraignent pas excessivement le développement de l’électrification des usages, notamment le développement des infrastructures de recharge de véhicules électriques ».

Projet de Loi pour la simplification de la vie économique : quelques propositions en matière d’énergie

Le Projet de Loi pour la simplification de la vie économique a été déposé devant le Sénat le 24 avril 2024 par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et numérique.

Ce texte a pour objet d’alléger la vie des entreprises par une série de simplifications administratives dans de nombreux domaines tels que la commande publique, les télécommunications ou encore l’énergie.

Le texte, tel qu’adopté par le Sénat en première lecture, prévoit plusieurs dispositions en matière de droit de l’énergie qui méritent d’être soulignées.

D’abord, le projet de loi propose d’introduire une modification relative au pouvoir de sanction du Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (ci-après, CoRDIS) de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE).

Il est ainsi proposé de modifier l’article L. 134-25 du Code de l’énergie afin de supprimer la mention des personnes pouvant saisir le CoRDIS d’une demande de sanction contre les manquements des :

  • « gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité, des gestionnaires de réseaux fermés de distribution d’électricité, des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel ou des exploitants des installations de stockage de gaz naturel ou des installations de gaz naturel liquéfié ou des exploitants de réseaux de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone ou des utilisateurs de ces réseaux, ouvrages et installations, y compris les fournisseurs d’électricité ou de gaz naturel, dans les conditions fixées aux articles suivants. » (Alinéa 1 de l’article) ;
  • « du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité ou d’un gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel ou de la part des autres sociétés de l’entreprise verticalement intégrée, telle que définie à l’article L. 111-10, à laquelle appartient ce gestionnaire de réseau » portant sur les « règles d’indépendance mentionnées aux sections 1 et 2 du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, à l’obligation annuelle d’actualisation du schéma décennal de développement du réseau mentionné à l’article L. 321-6 ou du plan décennal de développement du réseau mentionné à l’article L. 431-6 ou au refus de réaliser un investissement prévu dans ce schéma ou dans ce plan. » (Alinéa 2 de l’article) ;

Ou contre les manquements «  aux règles définies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, aux dispositions relatives aux codes de réseau et aux lignes directrices mentionnés aux articles 59,60 et 61 du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité, ainsi qu’aux textes pris pour leur application, ou tout autre manquement de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l’énergie, y compris du mécanisme d’obligation de capacité mentionné à l’article L. 335-2 du présent code, qu’il constate de la part de toute personne concernée, dans les conditions fixées aux articles L. 134-26 à L. 134-34, sans qu’il y ait lieu de la mettre préalablement en demeure ».

On comprend donc que, si cette modification est adoptée, toute personne pourra saisir le CoRDIS afin que de telles sanctions soient prononcées.

Toutefois, on soulignera que l’article L. 134-25 du Code de l’énergie actuellement en vigueur prévoit déjà que « toute autre personne concernée » peut saisir le CoRDIS contre les manquements mentionnés aux alinéas 1 et 3 de cet article.

En sus, le Projet de Loi propose d’ajouter à cet article la possibilité pour le CoRDIS de sanctionner un acteur de marché qui « pour répondre à une demande formulée pour l’application des mécanismes d’équilibrage mentionnés aux articles L. 321‑10 à L. 321‑17‑2, propose, sans justification, une offre à un prix excessif au regard des prix offerts par cet acteur sur les marchés de l’électricité ».

Une modification similaire devrait être faite à l’article L. 133-7 du Code de l’énergie, relatif au fonctionnement de la CRE et, précisément, du CoRDIS.

D’autres modifications portant sur le pouvoir de sanction du CoRDIS sont également envisagées et devraient aboutir à la modification des articles L. 134-25-1, L. 134-28 à L. 134-30, et L. 134-33 du Code de l’énergie.

Ensuite, l’article 21 bis du Projet de loi propose de compléter le chapitre VI du titre IV du livre IV du Code de l’énergie par l’ajout d’une Section 14 visant la création d’un fonds de garantie pour le développement de projets de biogaz.

Pourrait ainsi être créé un article L. 446-60 du Code de l’énergie prévoyant que les exploitants d’installation de production de biogaz qui bénéficient d’un contrat d’obligation d’achat ou d’un certificat de production de biogaz peuvent adhérer à un fonds de garantie afin de compenser une partie des pertes financières qui résulteraient de l’annulation par le juge administratif d’une autorisation environnementale.

L’article entend ensuite définir ce que recouvrent les pertes financières prises en compte.

En contrepartie, les adhérents au fonds de garantie devraient être redevables d’une contribution financière proportionnelle à la puissance installée du projet considéré.

L’article renvoie à un décret en Conseil d’Etat la définition des conditions, des taux, des plafonds et des délais d’octroi de l’indemnisation ainsi que des modalités de fixation du montant de la contribution financière et des modalités de gestion du fonds.

Enfin, le Projet de Loi entend modifier l’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie afin d’étendre les projets réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de l’article c du 4° de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, aux projets « d’installations de production d’hydrogène renouvelable et bas carbone au sens de l’article L. 811-1 ou de stockage d’hydrogène ».

Pour rappel, cette qualification permet à certains projets de déroger aux interdictions d’implantation sur certaines zones géographiques protégées « dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ».

Le Projet de Loi est actuellement en première lecture à l’Assemblée nationale.

Les statuts du futur réseau européen des opérateurs de réseaux d’hydrogène (Ennoh) soumis à consultation

L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a organisé une consultation publique sur les projets de documents statutaires du Réseau européen des opérateurs de réseau pour l’hydrogène (« European Network of Network Operators for Hydrogen » (ENNOH) en anglais).

Pour rappel, l’ENNOH est une entité européenne indépendante regroupant les gestionnaires de réseau de transport d’hydrogène (GRT), distincte des deux autres structures existantes – l’Entsog pour le gaz et l’Entsoe pour l’électricité – visant à promouvoir le développement d’infrastructures dédiées à l’hydrogène, la coordination transfrontalière et la construction d’un réseau d’interconnexions. Grâce à ce réseau, les gestionnaires « coopèrent au niveau de l’Union pour promouvoir le développement et le bon fonctionnement du marché intérieur de l’hydrogène et des échanges transfrontaliers et pour assurer une gestion optimale, une exploitation coordonnée et une évolution technique solide du réseau européen de transport d’hydrogène »[1].

L’ACER a ainsi invité les parties prenantes du secteur de l’hydrogène (notamment les représentants industriels, les Etats membres, les régulateurs énergétiques, les clients, les organisations environnementales, les ONG, les entités scientifiques et techniques, les organisations de la sociétés civiles, les think tanks) à apporter leur contribution pour affiner les missions, la gouvernance et les règles de fonctionnement du futur réseau européen des gestionnaires de réseaux hydrogène.

Cette consultation, qui s’est déroulée du 23 septembre au 21 octobre 2024, vise à établir la structure légale et opérationnelle du futur réseau européen des gestionnaires de réseaux hydrogène. Les documents soumis à consultation contenaient à la fois le projet de statuts, les règles de fonctionnement, les règles s’appliquant à la consultation des parties prenantes, ainsi que la liste des 36 membres fondateurs (dont Teréga et GRTgaz pour la France).

Cette consultation représente une étape importante dans la création d’un réseau d’hydrogène coordonné à l’échelle européenne, qui jouera un rôle essentiel dans les objectifs plus globaux de décarbonation de l’Union européenne.

En effet, ce réseau est conçu pour faciliter la coopération transfrontalière entre les opérateurs de réseau d’hydrogène en Europe, dans le cadre du paquet législatif « Hydrogène et gaz décarbonés », dit 4e paquet gaz, adopté par le Parlement européen et le Conseil, respectivement, les 11 avril et 21 mai 2024. Ce réseau pourra permettre un cadre régulé favorisant l’interopérabilité entre les différents systèmes nationaux ainsi qu’une utilisation efficace et équitable des ressources.

Après cette première phase de consultation, l’Acer doit faire connaître son avis sur ces documents à la Commission avant le 30 décembre 2024. La Commission devra alors émettre un avis dans un délai de trois mois en tenant compte de l’avis de l’ACER. Et ce n’est que dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis favorable de la Commission que les gestionnaires de réseau de transport d’hydrogène pourront adopter et publier les statuts, la liste des membres et le règlement intérieur de l’ENNOH.

L’ENNOH sera amené à coopérer étroitement avec ses pendants pour le gaz (Entsog) et l’électricité (Entsoe) pour recenser les synergies et favoriser l’intégration du système pour tous les vecteurs énergétiques afin de faciliter l’efficacité globale du système énergétique.

En effet, conformément à l’article 60 du règlement 2024/1789 précité, l’ENNOH, en tant que réseau européen des gestionnaires de réseau pour l’hydrogène (REGRH) devra établir, publier tous les deux ans et mettre régulièrement à jour un plan décennal non contraignant de développement du réseau dans l’ensemble de l’Union pour l’hydrogène, axé sur les besoins des marchés de l’hydrogène en développement. Or, il devra ainsi participer à l’élaboration de l’analyse coûts-avantages à l’échelle du système énergétique, y compris le modèle interconnecté de marché et de réseau de l’énergie, comprenant les infrastructures de transport d’électricité, de gaz naturel et d’hydrogène, ainsi que le stockage, le GNL et les électrolyseurs, de même qu’à l’établissement des scénarios pour les plans décennaux de développement du réseau et du rapport sur le recensement des lacunes en matière d’infrastructures. À cette fin, il devrait coopérer étroitement avec les réseaux européens des gestionnaires de réseau de transport pour l’électricité et pour le gaz afin de faciliter l’intégration des systèmes énergétiques.

De plus, l’ENNOH devra élaborer des codes de réseau conjointement avec l’Entsog en ce qui concerne les questions transsectorielles.

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[1] Article 57 du règlement 2024/1789 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène.

Publications des recommandations de la Commission de Régulation de l’Energie portant sur le cadre de régulation des infrastructures d’hydrogène et de dioxyde de carbone

Saisie à l’automne 2023, la CRE a publié le 10 septembre 2024 un rapport portant d’une part, sur les infrastructures de transport, de distribution et de stockage d’hydrogène et d’autre part, sur les réseaux, les terminaux d’exportation et les stockages de carbone (Carbon Capture Utilisation and Storage, CCUS).

Ce rapport a vocation à identifier les enjeux techniques, économiques et juridiques pour proposer un ensemble de recommandations visant à structurer la régulation de ces deux filières émergentes et à encourager les investissements nécessaires pour atteindre la neutralité carbone.

Concernant la régulation des infrastructures d’hydrogène, ce document s’appuie sur les perspectives de déploiement prévues par la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France et s’inscrit dans le contexte du paquet « Hydrogène et gaz décarbonés », dit 4e paquet gaz, adopté par le Parlement européen et le Conseil, respectivement les 11 avril et 21 mai 2024, qui détaille des règles très semblables à celles appliquées au secteur gazier.

A ce titre, le développement de la filière hydrogène nécessite des infrastructures coûteuses et complexes et pourrait alors reposer, selon la CRE, sur des infrastructures capitalistiques et techniques proches de celles des réseaux gaziers qui permettent de réutiliser certains actifs existants.

Le rapport souligne que, malgré leur caractère émergent, les infrastructures hydrogène doivent s’inscrire dans un cadre régulatoire clair afin de créer un environnement stable et sécurisé pour les investisseurs.

A court terme, le développement des infrastructures d’hydrogène décarboné devrait être concentré autour de hubs industriels régionaux (Fos-sur-Mer, Dunkerque, Havre-Estuaire de la Seine et Vallée de la chimie) et à leur connexion aux infrastructures de stockage, de sorte que l’hydrogène sera principalement utilisé par les industriels (sidérurgie, chimie, raffinage) dont le profil de consommation est constant et recherchant une source d’approvisionnement proche.

Ce modèle de production au plus proche des consommateurs est soutenu par la CRE en raison du mix électrique français décarboné qui permet de produire à proximité de l’hydrogène bas-carbone, directement à partir du réseau, ainsi que par le fonctionnement modulaire des électrolyseurs qui ne permet pas de réaliser des économies d’échelles significatives, de sorte qu’il y a peu d’intérêt à concentrer la production sur de très grands sites plus éloignés.

Ainsi, l’écosystème hydrogène devrait se développer à court terme dans des hubs localisés, où les sites d’électrolyse pourront tirer parti d’une électricité bas-carbone pour alimenter les clients industriels à proximité. Cette alimentation nécessitera le développement de réseaux de transport locaux qui connecteront producteurs et consommateurs.

A long terme, dans le cadre du développement d’un réseau européen de transport d’hydrogène, le développement progressif d’infrastructures de transport nationales et européennes d’hydrogène entre les hubs pourra être approfondi.

Ainsi, le rapport examine les chaînes de valeur de l’hydrogène gris (fossile) et de l’hydrogène électrolytique (hydrogène renouvelable ou bas-carbone). La chaîne de valeur de l’hydrogène peut être décomposée en trois parties : l’amont (production et acheminement des matières premières), la production, et l’aval (transport/stockage et usage final). Aujourd’hui, l’hydrogène fossile représente encore la majorité de la consommation française, raison pour laquelle le développement de l’hydrogène décarboné est une priorité pour remplacer l’hydrogène issu d’hydrocarbures.

Par la suite, le rapport recommande :

  • d’accorder, pour les réseaux géographiquement limités – n’ayant pas d’interconnexion avec des pays limitrophes, avec un stockage ou un terminal d’importation –, au cas par cas des dérogations aux obligations de séparation verticale – autrement dit des activités de production, de transport, de stockage et de fourniture – en tenant compte de l’impact sur la concurrence et le développement de la filière ;
  • dans la mesure où des gestionnaires de réseau de gaz naturel vont développer des réseaux d’hydrogène, de mettre en œuvre une séparation horizontale en veillant à l’absence de subvention croisée entre les systèmes électriques, gaziers et hydrogène, et en promouvant un modèle de filialisation des activités avec la mise en place d’une comptabilité dissociée et de règles de gouvernance robustes ;
  • d’utiliser la compétence de la CRE pour fixer les tarifs d’utilisation des infrastructures d’hydrogène afin de donner de la visibilité sur le coût des infrastructures et de faciliter l’engagement des consommateurs industriels. Pour rappel, le paquet gaz impose, au plus tard au 1er janvier 2033, une obligation d’accès régulé des tiers aux réseaux d’hydrogène, sauf dérogations ;
  • de différencier les tarifs d’utilisation des infrastructures d’hydrogène par hub régional, et de proposer des tarifs fixes ou à évolution plafonnée pour les premiers entrants au sein de ces hubs, tout en prévoyant un tarif pour le réseau national (connexions avec les stockages, entre les hubs, avec les pays voisins…) ;
  • de confier au CoRDiS le pouvoir de règlement des différends entre les gestionnaires d’infrastructures d’hydrogène et leurs utilisateurs et le pouvoir de sanctionner les manquements des gestionnaires ;
  • de cibler le soutien public en priorité sur les utilisateurs et non sur l’infrastructure des hubs régionaux afin de s’appuyer sur l’expression des besoins des acteurs locaux pour assurer son dimensionnement optimal ;
  • de privilégier le dispositif de l’avance remboursable à la subvention s’agissant du soutien public alloué aux gestionnaires d’infrastructures nationales mutualisées (transport/stockage) ;
  • de prévoir la mise à disposition des gestionnaires de réseaux des outils physiques et contractuels au regard de leur responsabilité en matière d’équilibrage des réseaux et de sécurité d’approvisionnement, notamment par :
  • un mécanisme réglementaire permettant aux gestionnaires de réseau de modifier la production des électrolyseurs qui leur sont connectés à des fins d’équilibrage (la flexibilité de certains consommateurs industriels étant plus faible) ;
  • à moyen terme, lorsqu’un réseau sera connecté à un stockage, l’accès des gestionnaires de réseaux audit stockage pour bénéficier de sa flexibilité.

La CRE indique également que les stockages d’hydrogène en cavité saline pourraient être utilisés pour la sécurité d’approvisionnement – permettant aux gestionnaires de réseau de disposer d’une marge pour compenser l’impact d’une défaillance d’un producteur en soutirant l’hydrogène faisant défaut ou d’un consommateur en injectant l’hydrogène en excès – ou pour la flexibilité – les stockages permettant aux électrolyseurs de produire quand le prix de l’électricité est bas ou de s’effacer lors des pointes de consommation électrique.

En outre, la CRE met en avant la nécessité de nouvelles dispositions législatives pour élargir le champ de ses missions et y inclure la régulation des infrastructure hydrogène, ainsi que lui permettre de recueillir toutes les informations nécessaires auprès de ces gestionnaires d’infrastructures.

Les fournisseurs d’énergies s’engagent auprès des consommateurs pour la transparence et la lisibilité de leurs offres

Recommandation du Médiateur National de l’énergie n° D2024-09535 publiée le 24 octobre 2024 

Ainsi que nous le commentions dans notre lettre d’actualité juridique de septembre 2024, la CRE a récemment publié un ensemble de treize mesures visant à renforcer la protection des consommateurs durant la phase préalable à la conclusion du contrat de fourniture, son exécution et à son terme.

Elles ont vocation à s’appliquer aux consommateurs particulièrement exposés aux conséquences de la crise énergétique dans l’attente de l’entrée en vigueur du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique portant des dispositions visant à les protéger.

La CRE précisait alors dans la délibération exposant ces mesures que serait publiée sur son site la liste des fournisseurs qui se seront engagés à les respecter, celle de ceux qui ne se seront pas engagés ainsi que le nom des fournisseurs engagés qui ne les respecteraient pas.

Une incitation qui semble d’ores et déjà porter ses fruits puisque, selon le communiqué de presse de la CRE du 8 octobre 2024, la quasi-totalité des fournisseurs d’énergie se sont engagés à respecter les 13 bonnes pratiques.

Ce dispositif sera peut-être l’occasion de réduire le nombre de saisines du Médiateur National de l’Energie de la part de consommateurs informés de façon peu transparente sur les tarifs d’énergies qui leurs sont appliqués.

Médiateur National de l’Energie qui a encore très récemment eu l’occasion de rappeler à ses obligations un fournisseur de gaz n’ayant pas informé un usager des prix de fourniture qui lui serait appliqués dans son nouveau logement (voir en ce sens sa recommandation du 24 octobre 2024).

La Commission de Régulation de l’Energie tire les conséquences du réajustement tardif du TURPE 6 sur les tarifs réglementés de vente d’électricité

En vertu de l’article R. 337-22 du Code de l’énergie, toute évolution des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) doit donner lieu à une modification des TRVE[1] en vigueur afin de prendre en compte cette évolution.

Or, l’ajustement des TURPE 6 HTB (pour le réseau public de transport) et TURPE 6 HTA-BT (pour les réseaux publics de distribution) qui devait initialement entrer en vigueur au 1er août 2024 a pris plus de temps que prévu.

Ainsi que nous le commentions dans notre précédente lettre d’actualité juridique, le ministre de l’Economie s’est en effet opposé à l’évolution des TURPE 6 telle qu’elle a été prévue par la CRE par ses deux délibérations du 26 juin dernier (accessibles ici et ). Selon lui, l’ajustement envisagé par la CRE conduirait à une hausse du prix payé par de très nombreux consommateurs, qu’ils soient clients en Tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) ou en offre de marché.

Mais la Commission a refusé de revoir sa copie.

Tel que l’indique le bandeau rouge ajouté sur l’entête de ces deux délibérations du 26 juin, la CRE a décidé de maintenir les évolutions des TURPE 6 qu’elles portaient et de les faire entrer en vigueur au 1er novembre 2024.

Un report qui entraîne donc un resserrement de calendrier entre l’entrée en vigueur du réajustement des TURPE 6 et de l’évolution consécutive des TRVE (fixée au 1er février 2025) et donc pour les consommateurs, des mouvements de factures rapprochés en sens contraires.

Afin d’éviter cette situation, la CRE estime que la hausse des TURPE 6 ne devrait être prise en compte dans les TRVE qu’au 1er février 2025.

Elle a ainsi mené une consultation publique du 10 septembre au 1er octobre 2024 sur le report au 1er février 2025 de cette prise en compte du mouvement du TURPE 6, ainsi que sur les modalités de rattrapage de ce report.

Par sa délibération du 16 octobre 2024, la CRE dresse un bilan des retours des acteurs consultés sur ces points.

A ce titre, la CRE note la demande d’une majorité de fournisseurs de réaliser le rattrapage du report en cause sur 6 mois afin d’en réduire les effets négatifs sur leur trésorerie.

Elle indique qu’elle rendra sa décision définitive sur ces modalités de rattrapage à l’occasion de sa délibération proposant le mouvement des TRVE au 1er février 2025.

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[1] Les TRVE sont applicables aux seuls consommateurs visés à l’article L. 337-7 du Code de l’énergie

Le préfet de département est-il compétent pour abroger un certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat ?

Par une décision en date du 15 octobre 2024, le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a suspendu la décision du Préfet de l’Aveyron d’abroger le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat dont bénéficiait la société hydro-électrique de la vallée de Salles la Source.

Pour rappel, le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat (CODOA) était un document devant être détenu par un producteur d’électricité d’origine renouvelable pour bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat. Supprimé par le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016, le CODOA subsiste pour les installations qui bénéficiaient déjà d’un contrat d’obligation d’achat à la date d’entrée en vigueur du décret précité.

Au cas présent, face aux difficultés financières rencontrées par la société hydro-électrique de la vallée de Salles la Source, le Préfet du département de l’Aveyron a abrogé le CODOA du 17 décembre 2012 n° 2012-hy 0105 dont elle bénéficiait. La société a alors introduit un référé suspension pour obtenir la suspension de cette décision d’abrogation.

Aux termes de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »

Le requérant doit ainsi démontrer de manière cumulative :

  • Une urgence, caractérisée par une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts ;
  • Un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Au cas présent, le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a considéré que ces deux conditions étaient remplies.

En premier lieu, le tribunal a jugé que l’urgence était caractérisée dans la mesure où la décision du Préfet de l’Aveyron avait conduit la société EDF, cocontractant de la société requérante et acheteur de l’intégralité de la production de l’usine hydroélectrique, à réclamer à ladite société une somme de 478.267,25 euros en application du contrat d’obligation d’achat conclu.

Le tribunal a relevé que cette somme représentait 21 années de bénéfice annuel moyen de la société requérante et que dans ces conditions, « la décision (attaquée) porte à la situation économique de la société une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une urgence. »

En second lieu, concernant le doute sérieux sur la légalité de la décision, le tribunal a relevé que le Préfet de l’Aveyron n’était pas compétent pour prononcer l’annulation du CODOA détenu par la société requérante.

En effet, la décision accordant le CODOA a été prise sur le fondement du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat, codifié aux articles R. 314-1 et suivants du Code de l’énergie et dont les dispositions relatives aux CODOA sont aujourd’hui abrogées.

Or, aux termes de ce décret, le CODOA était attribué par le préfet de région. Le préfet de région était donc seul compétent pour apprécier le respect des conditions de maintien du CODOA et le cas échéant décider de son abrogation.

Partant, le tribunal a jugé qu’« en l’état de l’instruction, le moyen soulevé tiré de ce que seul le préfet de région était habilité à prononcer la mise en demeure puis la sanction, tel qu’il a été ci-dessus visé et analysé, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. ».

Le tribunal suspend donc la décision d’abrogation contestée, permettant la poursuite du contrat d’obligation d’achat qui lie EDF à l’exploitant de l’usine hydroélectrique.

La Commission de Régulation de l’Energie poursuit ses consultations sur le TURPE 7 (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricités)

Ainsi que nous l’indiquions dans une précédente brève (à retrouver ici), la Commission de régulation de l’Energie (ci-après, CRE) mène actuellement des consultations pour la détermination du Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricités pour la période de 2025 à 2028 (ci-après, TURPE 7).

Une nouvelle consultation a été publiée le 17 octobre 2024 et se poursuit jusqu’au 22 novembre 2024 afin de consulter les acteurs sur d’ultimes questions avant la publication du TURPE 7 (TURPE 7 HTA BT et TURPE 7 HTB) en janvier 2025.

Pour rappel, le TURPE est le tarif payé par les utilisateurs des réseaux publics d’électricité dont le produit est attribué aux gestionnaires de ces réseaux afin de couvrir l’ensemble des coûts qu’ils supportent[1].

Les gestionnaires des réseaux de transport (société RTE) et de distribution (société Enedis) d’électricité ont respectivement demandé des hausses de 12,2 % et de 18,9 % du TURPE.

La nouvelle consultation de la CRE porte sur les points suivants :

  • Augmentation du TURPE de l’ordre de 10 % en 2025, jugée suffisante à la CRE pour donner les moyens aux gestionnaires de réseaux d’assurer leurs missions dans de bonnes conditions ;
  • Modernisation du régime d’heures pleines / heures creuses pour inciter à décaler les habitudes de consommation vers les périodes où l’énergie est abondante et moins coûteuse ;
  • Mise en place d’une facturation des coûts spécifiques générés par les utilisateurs qui ne sont pas équipés des compteurs Linky ;
  • Poursuite de la régulation incitative des gestionnaires de réseaux ;
  • Etude de l’opportunité d’anticiper le mouvement des termes tarifaires dès février 2025.

Il est attendu un retour sur cette consultation pour le 22 novembre 2024.

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[1] Article L. 341-2 du Code de l’énergie

Approbation par le Sénat de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie

La proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie déposée au Sénat le 26 avril 2024 a été adoptée par les sénateurs le 16 octobre 2024 dernier et transmise à l’Assemblée nationale le 17 octobre suivant.

Parmi les mesures figurant dans le texte voté par le Sénat figurent notamment celles tendant à simplifier les normes applicables aux projets d’unités de production d’énergie renouvelable. On mentionnera à cet égard la fixation d’une durée maximale d’instruction de la demande d’autorisation environnementale nécessaire pour l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable à douze mois dans les zones d’accélération des énergies renouvelables et à vingt-quatre mois en dehors ; avec possibilité dans les deux cas de prolonger de six mois la durée d’instruction dans des « circonstances extraordinaires dûment justifiées » (art. 22 quater modifiant l’article 181-9 du Code de l’environnement).

La proposition de loi propose par ailleurs de préciser au sein du Code Général des Collectivités Territoriales qu’« Une commune et son groupement peuvent participer conjointement au capital d’une même société anonyme ou d’une même société par actions simplifiée. » portant des projets de production d’énergie renouvelable, en écho aux problématiques d’interprétation générées par les prises de position notamment de la Direction Générale des Collectivités Locales et plusieurs préfectures (art. 17).

Le texte voté par le Sénat propose d’ajouter parmi les missions de l’Etat devant permettre l’atteinte des objectifs de la politique énergétique inscrits dans le Code de l’énergie (art. 1er) :

  • En électricité le fait de « Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire, l’existence de prix stables et abordables de l’électricité reflétant les coûts complets du système de production électrique, le maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité, la détention par l’État de la totalité des parts du capital de l’entreprise dénommée “Électricité de France”, conformément à l’article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d’électricité conformément à l’article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d’électricité, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42, la sécurité d’approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d’exportations dans ce secteur »
  • En gaz, le fait de « Garantir le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de Régulation de l’Energie, la détention par l’État d’une partie du capital de l’entreprise dénommée “Engie”, conformément à l’article L. 111-68 du présent code, la propriété publique du réseau de distribution de gaz conformément à l’article L. 432-4, la sécurité d’approvisionnement en gaz ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ».

Un certain nombre de dispositions sont en outre consacrées à l’énergie nucléaire et tendant à maintenir sa place dans le mix énergétique, à plus de 60 % à l’horizon 2030 et plus de 50 % à l’horizon 2050. Dans le même temps, le texte propose la suppression au sein du Code de l’énergie de l’objectif tendant à porter la part d’énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute d’électricité en 2030, pour viser désormais uniquement une part de 58 % au moins d’énergie décarbonée (et non pas renouvelable).

Le texte prévoit également une expérimentation pour une durée de trois ans consistant à placer les ouvrages hydroélectriques concédés par l’Etat dans le cadre de concessions expirées et prorogées sous le régime dit des « délais glissants » (art. L. 521-16 du Code de l’énergie), sous le régime de l’autorisation lequel est en principe réservé aux ouvrages dont la puissance est inférieure à 4,5 MW (art. 21). Un décret devra préciser les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation.

La proposition de loi modifie également un certain nombre de dispositions du Code de l’énergie, dans le but d’étendre les missions de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), en matière d’hydrogène (art. 23).

Le texte comporte en outre un certain nombre de mesures tendant à renforcer la protection des consommateurs, notamment en proposant de faire peser sur les fournisseurs des obligations renforcées destinées à éviter le risque de défaillance et en renforçant les pouvoirs de contrôle de la CRE à l’égard des fournisseurs (art. 24).

Enfin, on signalera encore parmi les dispositions ajoutées par le Sénat par rapport au texte initial l’article 25 D sollicitant la remise par le Gouvernement au Parlement dans les six mois qui suivraient la promulgation du texte d’un rapport relatif aux parcs d’éoliennes en mer décrivant notamment l’évolution de leur capacité de production, leurs coûts de raccordement aux réseaux publics d’électricité, leurs coûts et incidents de maintenance, leurs coûts globaux et le prix complet de l’électricité produite, leurs conséquences sur la faune et la flore marines ainsi que sur les activités de pêche ainsi que leur durabilité technique.

Projet de loi de Finances 2025 : mesures intéressant le secteur énergétique

L’examen du projet de loi de Finances 2025, déposé par le Gouvernement le 10 octobre 2025 est en cours à l’Assemblée nationale.

Un certain nombre de dispositions intéressant le secteur énergétique y figurent et ont d‘ores et déjà suscité des débats. On mentionnera ci-après certaines d’entre elles.

Il en est ainsi de la modification par le texte initial du régime du chèque énergie, dispositif bénéficiant aux ménages les plus modestes et leur permettant de régler au moyen dudit chèque, une partie de leurs consommations énergétiques. Le texte gouvernemental prévoit ainsi de modifier les conditions d’éligibilité au dispositif mais également de mettre fin à l’automatisation de l’envoi du chèque énergie, une demande sur une plateforme lui étant substituée dans le texte (art. 60).

L’article 4 du projet de loi de finances organise en outre les dispositions qui prendront la suite du dispositif de l’Accès Régulé au Nucléaire Historique qui s’achèvera le 31 décembre 2025 et prévoit notamment la création d’un dispositif de reversement aux consommateurs des revenus issus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques à compter du 1er janvier 2026. Le dispositif proposé initialement repose sur l’articulation entre deux outils : un prélèvement des revenus du parc électronucléaire d’EDF par la voie fiscale et un mécanisme de réduction de prix de l’électricité uniforme pour l’ensemble des consommateurs finals, particuliers et professionnels, sous réserve des modulations déterminées en fonction du prix, de l’heure, des quantités ou des profils de consommation qui seront acceptées par la Commission européenne.

On signalera encore la réforme du financement du compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (FACE) prévue par l’article 36 du projet de loi. Le FACE serait désormais intégré dans l’accise sur l’électricité. Cette mesure a d’ores et déjà été contestée par de nombreux Syndicats d’énergie et par la FNCCR en tant qu’elle risque de remettre en cause le fonctionnement actuel et d’accroitre les disparités entre territoires.

L’examen du texte se poursuit à l’Assemblée nationale jusqu’au 18 novembre 2024.

Redevances de gares : légalité de l’extension de la définition des usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs aux usagers des services d’intérêt régional de voyageurs

Par un arrêt en date du 10 octobre 2024, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de l’arrêté du 15 juin 2023 modifiant la notion d’usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs dans le cadre de la tarification des redevances de gares.

Pour rappel, conformément au décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux installations de service du réseau ferroviaire, les entreprises ferroviaires sont titulaires d’un droit d’accès aux infrastructures ferroviaires et notamment aux gares de voyageurs.

En contrepartie, les exploitants ferroviaires versent une redevance aux gestionnaires d’infrastructures dont les modalités de calcul sont organisées par le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire.

Son article 13-1 classe les gares de voyageurs en trois catégories : les gares d’intérêt national, les gares d’intérêt régional et les gares d’intérêt local.

Le classement d’une gare dans l’une de ces catégories dépend de son seuil de fréquentation par des « usagers nationaux et internationaux de voyageurs », ces seuils étant précisés par un arrêté du ministre chargé des Transports en date du 9 juillet 2012.

Conformément à ces dispositions, les usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs correspondent aux usagers des services ferroviaires autres que ceux mentionnés à l’article L. 2121-3 du Code des transports (c’est-à-dire les usagers des services ferroviaires organisés par l’Etat et les services librement organisés, à l’exception des services ferroviaires organisés par les régions et Ile-de-France Mobilités), qui effectuent un trajet dont l’origine et la destination sont situées dans deux régions distinctes.

Or, la crise sanitaire ayant fait chuter la fréquentation des gares entre 2020 et 2021, une telle définition, assise sur le niveau de fréquentation des gares, aurait eu pour effet d’entrainer le basculement de plusieurs « gares de voyageurs d’intérêt national » dans la catégorie de « gares de voyageurs d’intérêt régional » entrainant, pour cette dernière catégorie, une « hausse des tarifs »[1].

Pour cette raison, l’arrêté du 15 juin 2023 modifie l’arrêté du 9 juillet 2012 pour inclure les services ferroviaires organisés par les régions dans la définition des usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs, « lorsque le point d’origine et la destination du trajet sont situés dans le ressort territorial de régions distinctes et distants de plus de cent kilomètres ».

Or, comme l’explique le rapporteur public dans ses conclusions, les autorités organisatrices financent indirectement ces redevances dans le cadre des contrats d’exploitation attribués aux exploitants ferroviaires[2].

Un recours en annulation a donc été exercé contre cet arrêté, ce qui a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de se saisir de la question de sa légalité.

En substance, la nouvelle définition était notamment contestée au regard du fait que les articles L. 2121-1, L. 2121-3 et L. 1241-1 du Code des transports emploient les notions de « services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national » et de « services de transport ferroviaire d’intérêt régional » sans faire référence à « la distance séparant le point d’origine et la destination du trajet ».

Selon le Conseil d’Etat la définition d’usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs n’est utilisée que dans le but de classer les gares de voyageurs pour la détermination des redevances dues au gestionnaire de gares de voyageurs en fonction de leur fréquentation. Partant la définition des usagers utilisée par l’arrêté du 15 juin 2023 n’a pas le même objet que la distinction opérée entre les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national et régional résultant des dispositions du Code des transports.

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[1] Autorité de Régulation des Transports, Avis n° 2023-026 du 1er juin 2023 relatif au projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 9 juillet 2012 portant application de l’article 13-1 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferré national  

[2] Conclusions du rapporteur public Clément Malverti sous la décision du Conseil d’Etat en date du 10 octobre 2024 n° 490856

La délicate conciliation de l’ouverture à la concurrence ferroviaire et de la desserte du territoire

L’audition du 22 octobre 2024 de M. François Durovray, ministre délégué chargé des Transports, par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, a été l’occasion pour le ministre et les membres de la commission d’échanger sur la délicate conciliation entre l’ouverture à la concurrence ferroviaire et l’aménagement et la desserte du territoire.

La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a notamment eu pour objet de consacrer l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en vue de contribuer « à la recherche d’une meilleure efficacité du système ferroviaire dans son ensemble, en diversifiant l’offre et en introduisant de nouveaux acteurs »[1].

Les modalités de cette ouverture à la concurrence ont été au cœur des débats puisque cette dernière ne peut réussir que si certaines conditions sont réunies. En effet, il est absolument indispensable de s’assurer que l’opérateur historique ne bénéficie pas d’un avantage concurrentiel et que les barrières à l’entrée ne demeurent pas trop importantes. À défaut, l’arrivée de nouveaux opérateurs s’en trouverait compromise et la libéralisation bien qu’autorisée en droit ne serait pas effective de fait.

À cet effet, la législation antérieure a initié la séparation organique ou fonctionnelle entre le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et l’exploitant ferroviaire historique au sein d’un groupe public unifié. Et, le régulateur national, l’Autorité de régulation des transports, a émis divers avis et recommandations à l’endroit de SNCF Réseau pour garantir un égal accès des opérateurs et plusieurs de ces avis ont été commentés dans nos précédentes lettres d’actualités juridiques.

Toutefois, si ces conditions de l’ouverture à la concurrence ont été largement discutées, ses effets n’ont pas été pleinement appréhendés alors même qu’ils constituent un enjeu de taille notamment en matière d’aménagement et de desserte du territoire. Ainsi, il appartient au législateur de rechercher de potentielles solutions pour pallier le risque de voir une désertification de certaines parties du territoire.

 

La concentration des opérateurs économiques sur les lignes rentables et la fin de la péréquation

L’ouverture à la concurrence se faisant en « open access », c’est-à-dire selon la libre volonté des opérateurs, ces derniers ont concentré leur entrée sur les lignes ferroviaires présentant une forte demande et donc une importante rentabilité. C’est d’ailleurs ce que reflète le récent rapport rendu par la Commission européenne commenté par Julie Oger dans le cadre de la LAJEEM d’octobre 2024. Dans le cadre de ce rapport, la Commission a constaté une diminution du prix des billets, une amélioration de la qualité du service et in fine, une augmentation de la demande mais l’ensemble de ces effets bénéfiques s’est réalisé sur les grandes lignes ferroviaires telles que Lyon-Paris. Et la Commission a abouti aux mêmes conclusions dans d’autres pays membres ; à titre d’exemple, c’est sur la ligne Madrid / Barcelone que les opérateurs ont développé leur offre. Autrement dit, ce phénomène trouve simplement son explication dans les logiques concurrentielles.

Or, si l’on constate un effet bénéfique sur ces principales lignes, la question se pose de savoir comment les lignes non rentables vont pouvoir continuer à être exploitées.

En effet, SNCF Voyageurs poursuit à date la desserte de l’ensemble du territoire français y compris les lignes déficitaires qui représentent à elles seules environ 50 % du territoire national. Jusqu’à l’ouverture à la concurrence, SNCF Voyageurs procédait à une péréquation entre les lignes rentables et non rentables et finançait ainsi les secondes grâce aux marges bénéficiaires dégagées par l’exploitation des premières. Toutefois, l’ouverture à la concurrence signe la fin de son monopole et des difficultés sont donc à présager dans la mise en œuvre de cette péréquation. La tentation pourrait être grande pour SNCF Voyageurs de stopper, ou à tout le moins réduire, l’exploitation des lignes non rentables. Cette tentation pourrait être d’autant plus forte que l’exploitation de ces lignes peut impacter celle des lignes rentables. En effet, la desserte de gares supplémentaires est susceptible d’allonger les délais et d’inciter les usagers à se tourner vers les offres d’opérateurs commerciaux se limitant à desservir les principales gares.

Pour autant, cet enjeu de desserte du territoire n’a été que très peu abordé durant les débats parlementaires sur la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire en dépit de son importance. Or, des solutions doivent nécessairement être recherchées car si Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF et président directeur général de la SNCF, estime que cette problématique n’est pas « urgentissime »[2], des complications risquent de survenir d’ici cinq ans en raison de l’entrée toujours plus importante de nouveaux concurrents et le déclin de la péréquation qui en découlera pour SNCF Voyageurs.

 

Une recherche de solutions indispensable pour assurer une desserte de l’ensemble du territoire

En l’état, plusieurs solutions sont envisagées pour pouvoir garantir une desserte de l’ensemble du territoire et éviter un abandon des lignes les moins fréquentées et les moins rentables dans le cadre d’une logique purement concurrentielle.

Une solution pourrait consister en la modulation des péages ferroviaires en fonction de la fréquentation des lignes. En d’autres termes, plus les lignes seraient fréquentées et rentables, plus les péages seraient élevés. Et, à l’inverse, les lignes non rentables se verraient appliquer un péage notablement moins élevé pour améliorer leur attractivité auprès des opérateurs ferroviaires. Toutefois, une telle solution n’est pas exempte de difficultés. En effet, la modulation tarifaire existe déjà et il pourrait être difficile d’augmenter les tarifs des lignes rentables sans prendre le risque de créer des barrières à l’entrée. Par ailleurs, la mise en place d’une modulation tarifaire trop fine en fonction des lignes pourrait emporter une trop grande complexité et là encore décourager les nouveaux entrants.

Une alternative pourrait être la mise en œuvre d’un conventionnement consistant à soumettre l’exploitation des lignes les plus rentables à un engagement des opérateurs ferroviaires de desservir certaines lignes moins rentables. Les détracteurs de cette proposition dénoncent le risque d’une restriction du libre jeu concurrentiel et les difficultés juridiques qui peuvent émerger de ce conventionnement.

Une autre solution consisterait tout simplement à assurer la desserte des lignes non rentables dans le cadre de délégations de service public mais cela impliquerait un financement au moins partiel par les finances publiques. Or, eu égard à la grande difficulté dans laquelle les personnes publiques sont confrontées en matière de finances publiques, cette solution peut s’avérer très délicate à mettre en œuvre.

Ainsi, aucune solution n’apparaît parfaitement adaptée et il conviendra peut-être de combiner ces dernières pour arriver à un juste équilibre. Il apparaît toutefois indispensable que des réflexions soient initiées car il existe un réel enjeu de desserte et de développement du territoire. Faillir à adresser cette problématique risque d’aboutir à une désertification de certaines parties du territoire qui se trouvent déjà isolées.

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[1] M. Jean-Baptiste DJEBBARI, Rapport n° 851 fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

[2] Cité par C. Selosse, Ferroviaire : l’aménagement du territoire au défi de la concurrence, Contexte, 14 octobre 2024.

Incompatibilité des mandats de député et de conseiller de la métropole de Lyon

Pour rappel, l’article L.O. 141 du Code électoral prévoit que le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats suivants « conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal d’une commune soumise au mode de scrutin prévu au chapitre III du titre IV du présent livre [dispositions spéciales applicables aux communes de 1.000 habitants et plus] ».

De sorte qu’un député ne peut exercer ses fonctions en cumulant, par ailleurs, deux mandats électifs locaux énumérés par ces dispositions.

Toutefois, ces dispositions ne visent pas les conseillers de la métropole de Lyon, de telle façon qu’une interprétation littérale des textes laissait à penser qu’un député qui est investi, par ailleurs, d’un mandat électif local pouvait cumuler aussi ses fonctions avec un mandat de conseiller de la métropole de Lyon.

Le Conseil constitutionnel, saisi par un requérant qui reprochait à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les conseillers de la métropole de Lyon, qui ne sont pas soumis à la règle d’incompatibilité parlementaire qu’elles prévoient, et les conseillers départementaux, auxquels cette règle s’applique, alors qu’ils exercent des attributions similaires, à juger que :

« 8. Le premier alinéa de l’article L.O. 141 du Code électoral prévoit que le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats locaux qu’il énumère, parmi lesquels figure, aux termes des dispositions contestées, celui de conseiller départemental. Cette incompatibilité parlementaire ne s’applique pas au mandat de conseiller de la métropole de Lyon.

    1. Or, il résulte des articles L. 3611-1, L. 3611-3 et L. 3641-2 du Code général des collectivités territoriales que, sauf disposition spéciale contraire, la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, s’administre dans les conditions fixées par la législation en vigueur relative au département et exerce de plein droit sur son territoire les compétences que les lois attribuent au département. Ainsi, le mandat de conseiller de la métropole de Lyon comporte notamment les mêmes attributions que celui de conseiller départemental.
    1. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprétées comme autorisant le cumul du mandat de député avec l’exercice simultané du mandat de conseiller de la métropole de Lyon et de l’un des autres mandats locaux énumérés au premier alinéa de l’article L.O. 141 du Code électoral».

Par une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a, ainsi, posé un principe de non-cumul du mandat de député avec l’exercice simultané du mandat de conseiller de la métropole de Lyon et de l’un des autres mandats locaux énumérés à l’article L.O. 141 du Code électoral

Il a, par ailleurs, précisé que cette réserve avait vocation à s’appliquer à compter de la date de la publication de la décision et a invité les députés qui se trouvaient dans une telle situation d’incompatibilité à cette date de la faire cesser en démissionnant d’un des mandats qu’ils détenaient au plus tard le trentième jour suivant cette date.

Sous cette réserve, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées de l’article L.O. 141 du Code électoral conformes à la Constitution.

Finances / fiscalité : les règles dérogatoires de contribution au Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) de la Métropole du Grand Paris déclarées contraires à la Constitution

Par une décision du 25 avril 2024, le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la commune de Saint-Cloud portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du b de l’article L. 5219-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), a déclaré contraires à la Constitution ces dispositions, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Pour rappel, les établissements publics territoriaux (EPT) sont des Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre membres de la Métropole du Grand paris (MGP) dont le financement est qualifié par la Cour des comptes de complexe, inefficient et peu lisible (Cour des comptes, l’organisation territoriale de la métropole du grand paris bilan et perspectives, rapport public thématique, janvier 2023).

Les mécanismes financiers spécifiques qui ont été mis en place par les textes sont les suivants : les communes membres d’un EPT doivent donc contribuer au Fonds de compensation des charges territoriales (FCCT), ce qui a vocation à permettre à l’EPT d’assurer son fonctionnement (article L. 5219-5 XI A du CGCT).

Puis, un partage de la fiscalité économique avait été mis en place selon deux périodes distinctes :

  • Du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020, les EPT ont perçu la cotisation foncière des entreprises (CFE), l’une des composantes de la fiscalité économique des entreprises ;
  • À compter du 1er janvier 2024, la totalité de la contribution économique territoriale est perçue par la MGP ce qui implique que leurs ressources proviennent essentiellement des versements réalisés par ses communes membres via le FCCT.

Indépendamment de ce FCCT, qui est un outil propre aux EPT, il existe par ailleurs un mécanisme national de péréquation pour le bloc communal qui a été mis en place par la loi de finances pour 2012 du 29 décembre 2011 : le Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), dont les règles de fonctionnement sont codifiées aux articles L. 2336-1 et suivants du CGCT.

Il s’agit d’un dispositif national de péréquation horizontale entre les communes et leurs groupements auquel les EPT et leurs communes membres participent, l’article L. 5219-8 du CGCT déclinant les règles du FPIC applicables au sein des EPT.

Dans le cadre de ce mécanisme, un prélèvement est calculé pour chaque ensemble intercommunal et est réparti entre l’EPT et ses communes membres selon des modalités fixées par les textes (article L. 2336-5 du CGCT) et un régime dérogatoire qui a été mis en place pour la MGP, les EPT et leurs communes membres et qui est décrit par le Conseil constitutionnel comme suit :

« Les règles particulières de contribution au FPIC applicables sur le territoire de la métropole du Grand Paris sont prévues par l’article L. 5219-8 du CGCT.

* Une première dérogation concerne l’ensemble intercommunal désigné comme contributeur au FPIC.

Le législateur a exclu que la métropole du Grand Paris, bien qu’elle soit un EPCI à fiscalité propre à statut particulier, puisse faire partie des contributeurs au FPIC. Il a désigné, à la place, les EPT comme ensembles intercommunaux contribuant au FPIC.

 * Une seconde dérogation au régime de droit commun concerne les règles de répartition du prélèvement entre les EPT et les communes :

– Par dérogation aux règles normales de répartition du prélèvement opéré au titre du FPIC au sein de l’ensemble intercommunal contributeur, le prélèvement supporté par un EPT est « égal à la somme des prélèvements supportés en 2015 par les groupements à fiscalité propre qui lui préexistaient » (a de l’article L. 5219-8 du CGCT) ;

 – Par ailleurs, le b du même article L. 5219-8 du CGCT (les dispositions objet de la décision commentée) instaure une règle dérogatoire qui fige la clé de répartition du montant restant dû par les communes membres d’un EPT de la métropole du Grand Paris.

 Ces dispositions prévoient en effet que le montant de la contribution au FPIC restant à répartir entre les communes membres de l’EPT l’est « en fonction des prélèvements de chaque commune calculés en 2015 en application du premier alinéa du II de l’article L. 2336-3 et, pour les communes n’appartenant pas à un groupement à fiscalité propre en 2015, en fonction des prélèvements calculés en 2015 en application du I du même article ».

 Le législateur a ainsi fait le choix d’une répartition dérogatoire de la contribution au FPIC au sein des ensembles intercommunaux de la métropole du Grand Paris consistant :

 – d’une part, à « geler » le prélèvement dû par chaque EPT, en valeur absolue, au niveau de ce qu’étaient les prélèvements supportés par les EPCI qui lui préexistaient en 2015 ;

– et, d’autre part, à répartir le reste du prélèvement dû par les communes membres de l’EPT en fonction d’une clé, elle aussi figée et déterminée à partir des prélèvements calculés pour ces communes en 2015 en application des dispositions de droit commun » (Commentaire Décision n° 2024-1085 QPC du 25 avril 2024 Commune de Saint-Cloud)

Et c’est précisément la répartition dérogatoire de la contribution au FPIC entre les EPT qui a été contesté par la commune de Saint-Cloud devant le Conseil constitutionnel par le truchement d’une QPC.

Le Conseil constitutionnel a sanctionné cette disposition estimant que la pérennisation d’une règle dérogatoire pour les prélèvements des communes membres d’un EPT qui tient compte de manière pérenne des plafonnements appliqués en 2015 au profit de certaines d’entre-elles caractérisait une atteinte à l’égalité devant les charges publiques. En effet, cette règle laisse subsister une différence de traitement entre les communes sans prendre en compte l’évolution de leurs capacités contributives.

Du point de vue très pratique, le Conseil constitutionnel a reporté la date d’abrogation des dispositions contestées au 1er janvier 2025 et a enjoint les juridictions saisies de recours dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2025.