Environnement, eau et déchet
le 04/07/2023
Clémence DU ROSTU
Julie CAZOU

Pollution de l’air : le lien de causalité reconnu pour la première fois

TA Paris, 2ème, 16 juin 2023, n° 2019924

TA Paris, 2ème, 16 juin 2023, n° 2019925

Si l’existence d’une faute de l’Etat susceptible d’engager sa responsabilité avait déjà été reconnue par les juridictions pour non-respect des normes de qualité de l’air, aucun préjudice invoqué par les victimes n’avait jusqu’alors été indemnisé faute pour le juge de reconnaitre l’existence du lien de causalité requis.

Mais deux jugements du Tribunal administratif de Paris en date du 16 juin 2023 ont pour la première fois reconnu l’existence de ce lien, marquant un tournant dans la jurisprudence rendue en la matière.

Dans ces espèces, deux familles demandaient que la responsabilité de l’Etat soit engagée pour les préjudices subis par eux et par leurs enfants, ces derniers souffrant de maladies respiratoires, du fait du non-respect de la règlementation sur la qualité de l’air en Ile-de-France. Deux jugements avant dire-droit du 7 février 2022 avaient déjà reconnu, classiquement, l’existence d’une faute de l’Etat en ce que les mesures adoptées n’ont pas permis que les périodes de dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère de la région Île-de-France soient les plus courtes possibles, et avaient ordonné une expertise afin d’apprécier les conséquences des dépassements des seuils de concentration des émissions polluantes sur l’état de santé de certains des enfants.

S’agissant de l’appréciation du lien de causalité, le juge a indiqué qu’« Il appartient à la juridiction saisie d’un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d’une exposition à des pics de pollution résultant de la faute de l’Etat, de rechercher, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, s’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe. Dans l’hypothèse inverse, elle doit procéder à l’examen des circonstances de l’espèce et ne retenir l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition aux pics de pollution subie par l’intéressée et les symptômes qu’elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus dans un délai normal pour ce type d’affection, et, par ailleurs, s’il ne ressort pas du dossier que ces symptômes peuvent être regardés comme résultant d’une autre cause que l’exposition aux pics de pollution ».

Dans les espèces concernées, et au regard des rapports d’expertises produits qui établissaient un lien entre l’augmentation des concentrations des polluants particulaires et l’augmentation de certaines pathologies ainsi qu’un lien entre la survenue d’épisodes de pollution à dépassement de seuil et les symptômes des enfants, le juge reconnait l’existence d’un lien de causalité avec certains des préjudices invoqués.

Au titre de la réparation des souffrances endurées, l’Etat est condamné à indemniser les familles à hauteur de 2.000 euros, et de 1.000 euros pour l’une des familles au titre des troubles dans les conditions d’existence. Le juge rejette toutefois les demandes de réparation des préjudices d’agrément, du préjudice moral d’angoisse face à l’inaction de l’Etat, du préjudice moral d’anxiété face à une contamination ainsi que les préjudices patrimoniaux et les autres préjudices extrapatrimoniaux des parents (faute d’être établis ou de présenter un lien suffisant avec la faute de l’Etat).