La Cour de cassation se prononce sur le contenu de la notion de diffamation sur internet en cas d’insertion d’un lien hypertexte dans une publication

Par un arrêt rendu le 1er septembre 2020, la Cour de cassation a précisé les contours de la responsabilité pénale en cas de mise en ligne d’un lien hypertexte redirigeant vers un écrit diffamatoire.

En l’espèce, le 20 février 2017, une association avait mis en ligne un communiqué informant de l’exclusion de l’un de ses membres à la suite d’une accusation de viol.

Peu après, le syndicat dont cette personne était adhérente publiait sur son site internet un texte critiquant les procédures internes de l’association, en se référant à ce communiqué.

Le 9 mars suivant, une élue locale mettait en ligne sur son compte Facebook, un lien hypertexte renvoyant à la publication d’un site internet tiers sur laquelle figurait une reproduction intégrale des communiqués de l’association et du syndicat.

Le 27 mai, la personne visée par la publication portait plainte à l’encontre de l’élue et se constituait partie civile du chef de diffamation publique à raison du seul texte émanant de l’association, mais en ce qu’il avait été reproduit ultérieurement sur divers sites, dont celui de l’élue.

Le Tribunal correctionnel, comme la Cour d’appel, avaient déclaré l’élue coupable des faits reprochés, considérant que l’insertion d’un lien hypertexte dans une nouvelle publication caractérisait le délit de diffamation sur internet.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts.

  • Sur la question de la prescription de l’action publique, la Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence en la matière, précise qu’: « un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ».

    S’il avait déjà été jugée que l’insertion sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement à cet écrit, caractérisait une reproduction (Cass. Crim., 2 novembre 2016, n° 15-87.163), la Cour apporte ici une précision concernant le point de départ du délai de prescription, qui, rappelons-le, est de trois mois pour les infractions générales en droit de la presse.

  • Sur la caractérisation du délit de diffamation publique par la mise en ligne d’un lien hypertexte renvoyant à un écrit, lui-même diffamatoire.

A cet égard, la Cour indique que cette publication ne relève pas nécessairement du délit de diffamation publique sur internet.

Au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et 593 du Code de procédure pénale, la Cour censure l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas justifié leur décision, en omettant d’examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé, que constituaient les modalités et le contexte dans lesquels le lien hypertexte avait été inséré, et notamment le sens du texte auquel renvoyait le lien.

Par cet arrêt, qui constitue une application de sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation rappelle la nécessité pour les juges du fond d’analyser le contexte et les modalités de la publication pour déterminer si les éléments constitutifs du délit de diffamation publique sont réunis.

L’explication de ce raisonnement tient au principe selon lequel : « relayer un message n’est pas nécessairement diffamer autrui ».

Insalubrité et recouvrement des frais engagés après un changement de propriétaire

Cette décision intéressante revient sur les hypothèses de recouvrement par la Commune du coût de travaux réalisés d’office en raison de propriétaires défaillants, et plus précisément lorsque des changements de propriétaires sont survenus au cours du processus.

A l’encontre de quel propriétaire, celui défaillant à exécuter les mesures prescrites par un arrêté, ici préfectoral, dans le délai impartis, ou celui propriétaire au moment du recouvrement effectif, la Commune peut-elle choisir d’émettre ses titres exécutoires ?

C’est à cette question que le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse en matière d’insalubrité, police spéciale du Préfet et non du Maire mais où la Commune peut être amenée à agir au nom de l’Etat.

En l’espèce, un Maire a mis en demeure des copropriétaires de réaliser sous un mois des travaux afin de mettre fin à l’état d’insalubrité constaté sur leur immeuble. Face à l’inertie de ces derniers, la Commune a été contrainte de les réaliser à leur frais et place.

Postérieurement à la réalisation des travaux mais avant que ne soit émis à son encontre un titre exécutoire aux fins de recouvrement des sommes engagées par la Commune, la société requérante en première instance avait cédé son bien, et n’était donc plus propriétaire. 

Le Conseil d’Etat, en se fondant notamment sur les dispositions de l’article L. 1331-29 du Code de la santé publique, retient que la Commune « est en droit de rendre débitrice de la créance qu’elle déteint la personne qui a la qualité de propriétaire ou de copropriétaire de l’immeuble à la date d’expiration du délai imparti par la mise en demeure d’exécuter les travaux ».

En d’autres termes, une Commune peut légitimement choisir de recouvrir ses créances à l’encontre du propriétaire devenu défaillant et auquel elle a dû se substituer, quand bien même il ne soit plus propriétaire au moment de l’émission du titre exécutoire correspondant. 

Par suite, « dès lors, en se fondant, pour annuler le titre exécutoire émis par la ville de Paris à l’encontre de la société Coste Royale, sur la seule circonstance que la société n’était plus copropriétaire de l’immeuble à la date à laquelle elle statuait sur son appel, la cour a commis une erreur de droit », l’arrêt est annulé et l’affaire renvoyée.

Cette solution semble transposable aux situations de péril où les articles L. 511-2-V, L. 511-3 et L. 511-4 actuellement en vigueur du Code de la construction et de l’habitation posent des principes similaires à ceux du Code de la santé publique en disposant que les frais « de toute nature » avancés par la commune, lorsque celle-ci s’est substituée aux propriétaires défaillants, peuvent être légitimement recouvrés « comme en matière de contribution directe », c’est-à-dire par l’émission de titres exécutoires.

Les frais de dépollution d’un site industriel : une nouvelle composante de l’indemnité d’éviction ?

Un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société pour y exploiter une station-service de distribution de produits pétroliers et de vente d’accessoires automobiles. Au terme du bail, il délivre au preneur un congé avec refus de renouvellement avec offre du paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L. 145-18 du Code de commerce (considérant un projet de démolition et reconstruction).

De manière assez classique, un désaccord intervient entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction; le bailleur soutenant notamment qu’il n’avait pas à prendre en charge les frais de dépollution du site. Un expert judiciaire a donc été désigné avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Aux termes du dépôt de son rapport, l’Expert a ainsi conclu :

  • que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce ;

  • que les frais de dépollution du site devraient être déduits du montant de l’indemnité d’éviction (indemnité principale et accessoires).

En première instance, le Tribunal avait ladite estimé que la société preneuse, en sa qualité de dernier exploitante du site, devait se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale (ICPE), notamment en faisant réaliser les diagnostics prévus par la loi et en faisant le cas échéant dépolluer les lieux pris à bail à ses frais.

En effet, en application de l’article L. 110-1, II-3° du Code de l’Environnement, ainsi que da la jurisprudence constante en la matière, le preneur devrait – en sa qualité de dernier exploitant du site – se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale, et partant prendre en charge la dépollution des lieux.

La société preneuse a interjeté appel de ce même jugement.

Contre toute attente, la cour d’appel de Paris rompt avec ce principe au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce, rappelant ainsi que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail.

Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour a considéré que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs, étaient directement liés à l’éviction commercial de la société et partant, à l’arrêt définitif de l’exploitation. Ils devaient donc être indemnisés au titre des indemnités accessoires.

Un contrat passé à titre onéreux par une commune avec un opérateur de téléphonie mobile et d’internet en vue de répondre à ses besoins en matière de télécommunications est un contrat administratif en vertu de la loi

C’est en effet ce qu’a considéré le Conseil d’Etat dans sa récente décision en date du 25 septembre 2020.

Pour rappel, les faits sont les suivants : la commune de Belvezet (Gard) a souscrit auprès de la société Orange un abonnement pour la fourniture de services de téléphonie et d’internet.

Mais, à la suite d’un accident de la route le 19 juin 2019, le poteau supportant la ligne de téléphone desservant la commune a été arraché, provoquant ainsi l’interruption du service pour une partie des habitants de la commune.

Après six jours d’interruption du service et en avoir informé le prestataire, la Commune forme un référé « mesure utiles » devant le Tribunal administratif de Nîmes[1], lequel enjoint la société la société Orange de prendre toute mesure nécessaire pour rétablir les télécommunications sur la commune de Belvezet sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

C’est alors que ladite société forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat en soulevant un moyen tiré de l’incompétence du juge administratif pour connaître de ce litige.

Ce moyen sera écarté par la Haute juridiction.

Alors que selon la société Orange, par application de la jurisprudence dite « Bac d’Eloka [2]», c’est à la juridiction judiciaire qu’il revient de trancher ce litige, dès lors qu’il oppose le gestionnaire d’un service public industriel et commercial (SPIC) et son usager, ce raisonnement n’est pas applicable selon le Rapporteur public[3], suivi par le Conseil d’Etat :

  • d’une part, le service en cause, à savoir la fourniture d’un service de télécommnications à une commune, n’est pas un service public en tant que tel et, par la même, pas un SPIC ;

  • d’autre part, la commune de Belvezet ne peut être assimilée à n’importe quel usager abonné d’Orange, particulier ou professionnel et le lien contractuel qui l’unit à la société Orange ne peut donc revêtir la même qualification.

 

En réalité, ainsi que le souligne le Rapporteur public dans ses conclusions, le contrat en cause répond en tous points à la définition du marché public de service telle qu’elle est posée par le Code de la commande publique « l’abonnement souscrit est un contrat conclu par un acheteur soumis au code de la commande publique (la commune) avec un opérateur économique (la société Orange) pour répondre à ses besoins (en matière de téléphonie et d’internet) en contrepartie d’un prix ».

Dans ce cadre, le conseil d’Etat considère que le contrat liant la Commune et la société Orange est un contrat administratif par détermination de la loi.

Par suite, l’action contentieuse dirigée contre ce contrat relève bien de la juridiction administrative et c’est donc à bon droit que le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes a estimé que tel était le cas.

[1] Article L. 521-3 du Code de justice administrative

[2] Arrêt TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt « Bac d’Eloka »

[3] Les conclusions de Mme Sophie Roussel, Rapporteur public dans cette affaire, sont disponibles ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2020-09-25/432727?download_pdf

Du nouveau pour l’option à la TVA de locaux à nus à usage professionnel

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

 

 

Les locations de locaux nus à usage professionnel sont en principe exonérés de TVA mais peuvent être soumises à la taxe sur option (art. 260 2° du CGI).

Cette option doit être formulée par écrit auprès du service des impôts territorialement compétent, formalisant l’intention de son auteur de soumettre à la TVA son activité de location (BOI-TVA-CHAMP-50-10) elle ne peut être implicite et ne peut ne peut notamment résulter de la soumission volontaire des opérations à la TVA et de l’acquittement de cette taxe (CE 6 avril 1987, n° 59523, 7e et 8e s.-s.)

Lorsque le preneur n’est pas assujetti, l’option à la TVA doit par ailleurs être mentionnée dans le contrat de bail, la clause concernée devant traduire l’accord exprès du preneur sur le paiement de la TVA cette mention étant une condition de validité de l’option en application des dispositions de l’article 206,2° du CGI.

L’option peut être formulée dès la concrétisation du projet et prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle a été formulée. L’option s’applique pour l’immeuble concerné aussi longtemps qu’elle n’a pas été dénoncée ou jusqu’à ce que les locaux changent de destination. (Art. 194 ann. II au CGI), le changement de locataire, n’entrainant pas de fait la caducité de l’option.

L’article 193 de l’annexe II du CGI exige en outre que l’option prévue par l’article 260 du CGI en vue d’acquitter la TVA soit distinctement exercée par immeuble ou par ensemble immobilier.

Selon la doctrine administrative publiée (BOI-TVA-CHAMP-50-10) il en résulte que l’option prévue à l’article 260, 2° du CGI couvre la totalité des locaux, non exclus du champ d’application de la taxe, situés dans cet ensemble. Par ensemble immobilier, il faut entendre non seulement un groupe de bâtiments ayant fait l’objet d’un même plan de masse, d’un permis de construire unique, ou d’un même programme de construction, réalisé sur un terrain appartenant à une même personne, mais également deux ou plusieurs immeubles construits sur un même terrain et destinés à l’exercice d’une seule et même activité par le preneur.

Dans un arrêt en date du 09 septembre 2020 (CE, 3ème et 8ème s-s. réunies, n° 439143) le Conseil d’État vient de juger qu’une telle interprétation purement littérale de l’article 193 de l’annexe II au CGI ne peut être retenue, contredisant ainsi l’analyse de la doctrine administrative.

La Haute assemblée a ainsi expressément précisé que si ces dispositions impliquent qu’un contribuable peut opter pour soumettre l’ensemble des locaux situés dans un même immeuble ou dans un même ensemble d’immeubles à la TVA, il n’y est nullement obligé : il peut, au contraire, tout à fait opter pour la soumission à la taxe de seulement certains locaux éligibles exploités dans un même immeuble ou ensemble immobilier.

Afin de permettre une application différenciée des règles de TVA à des locations portant sur des locaux situés dans un même ensemble immobilier, il conviendra d’être particulièrement attentif, lors de la formulation de l’option à la désignation des locaux et baux concernés qui devront être identifiés précisément et de façon non équivoque.

Marchés publics : relèvement de certains seuils de publicité et de mise en concurrence

Depuis le 1er janvier 2020, le seuil en deçà duquel les acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) peuvent conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence est fixé à 40.000 € HT (cf. article R. 2122-8 du CCP).

Par décret n° 2020-893 en date du 22 juillet 2020, le pouvoir réglementaire a relevé ce seuil, d’une part, pour les marchés de travaux et, d’autre part, pour les marchés de fournitures de denrées alimentaires.

S’agissant des marchés de travaux, le seuil est relevé à 70.000 € HT. Ce relèvement vaut également pour les lots portant sur des travaux dont le montant est inférieur à 70.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. Cette mesure s’applique pour les marchés de travaux conclus d’ici au 10 juillet 2021 inclus.

S’agissant des marchés de fournitures de denrées alimentaires, le seuil de publicité et de mise en concurrence est relevé à 100.000 € HT, sous réserve que deux conditions soient réunies : d’une part, les denrées alimentaires faisant l’objet du marché doivent avoir été produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 11 juillet 2020 et, d’autre part, elles doivent être livrées avant le 10 décembre 2020. Il est également précisé que ces dispositions sont applicables aux lots dont le montant est inférieur à 80.000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Tout en procédant à ces relèvements de seuils, le décret rappelle aux acheteurs qu’ils doivent veiller à « choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin », reproduisant les termes figurant déjà à l’article R. 2122-8 du CCP.

Il faut noter que l’article 3 du décret définissant le champ d’application de ces mesures souffre d’une double ambiguïté de rédaction :

  • d’une part, il ne mentionne, parmi les marchés concernés par ces mesures, que ceux de « l’Etat et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises », ce qui semble exclure les marchés passés par les autres acheteurs soumis au CCP, notamment les collectivités territoriales et leurs établissements publics ;

  • d’autre part, il dispose qu’ « il entre en vigueur dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises le lendemain de sa publication», ce qui semble exclure les autres collectivités d’outre-mer ainsi que la métropole.

Par la suite, la Direction des affaires juridiques des ministères économique et financier (DAJ) a, dans une publication du 28 août 2020, précisé que « ce relèvement temporaire des seuils concerne bien évidemment tous les acheteurs, qu’ils soient situés en métropole ou dans les collectivités d’outre-mer qui sont soumises au principe d’ « identité législative », et pour lesquels il n’était pas nécessaire de préciser le champ d’application territorial des mesures ». 

Toutefois, on peut regretter que ces précisions apportées par la DAJ – qui n’ont pas de valeur réglementaire en elles-mêmes – soient en contradiction avec la lettre du décret…

On peut également regretter que ce décret n’intègre pas ces mesures directement dans le CCP.

Habitat indigne, une clarification tant attendue

L’article 198 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’ménagement et du numérique, dite loi ELAN,  autorisait le gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne à compter du 1er janvier 2021. Trois objectifs étaient énoncés par cet article :

  • harmoniser et simplifier les procédures administratives ;

  • répondre plus rapidement à l’urgence en précisant les pouvoirs du maire ;

  • favoriser l’organisation au niveau intercommunal des outils et moyens de lutte contre l’habitat indigne.

 

L’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations[1] semble répondre à ces objectifs dès lors qu’elle réunit au sein d’une même police clarifiée, celle de la sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis (I).

A ce jour, et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance le 1er janvier 2021, plus d’une dizaine de procédures existent, disséminées dans le Code la santé publique et dans celui de de la construction et l’habitation, rendant complexe l’indentification du texte applicable ce qui peut entrainer une fragilité juridique des décisions prises sur le fondement de ces textes. Ainsi, l’objectif de protection de la sécurité publique pouvait se trouver entravé du fait de cette complexité et de la longueur de certaines procédures souvent incompatible avec l’impératif d’urgence qui s’impose généralement.

Par ailleurs, l’objectif de voir gérer ses problématiques sensibles à l’échelon intercommunal devrait effectivement être atteint dès lors qu’il sera désormais plus difficile pour les présidents d’EPCI de refuser de se voir transmettre cette compétence (II).

 

 

I – Création d’une police spéciale de la sécurité et de la salubrité

 

A –  Objet de la nouvelle police spéciale

L’ordonnance vient uniformiser les procédures éparses sous un chapitre unique du code de la construction et de l’habitation intitulé « Livre V LUTTE CONTRE L’HABITAT INDIGNE ».

Le nouvel article L. 511-2 du Code de construction et de l’habitation (CCH) énonce les situations dans lesquelles la nouvelle police unique a vocation à s’appliquer à savoir :

  1. Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ;
  2. Le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, lorsqu’il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation ou d’utilisation ;
  3. L’entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ;
  4. L’insalubrité, telle qu’elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du Code de la santé publique.

 

Le nouvel article 511-4 du CCH prévoit expressément que le maire ou le président de l’EPCI demeurent compétents dans les trois premiers cas à savoir les situations de risques liés à la sécurité, le préfet restant compétent en matière d’insalubrité pour les risques d’atteinte à la santé. L’ordonnance du 16 septembre 2020 maintient donc la répartition des pouvoirs entre les maires et les préfets.

S’agissant des pouvoirs dont dispose le maire, il y a lieu de noter dès à présent que la distinction existant auparavant selon que la cause du péril est inhérente ou extérieure au bâtiment n’a plus d’impact quant à la procédure à mettre en œuvre.

La difficulté qui existait quand les deux causes se cumulaient conduisait à devoir rechercher, avant toute décision, laquelle des deux causes était prépondérante pour déterminer le régime applicable, n’a désormais pu lieu d’être.

Le fameux arrêt « Commune de Badinières » énonçant ce principe a donc vécu (CE n° 259205).[2]

 

B – Simplification et uniformisation des procédures de mise en œuvre de la police spéciale

Les différentes procédures existantes à ce jour brillent par leur complexité et leurs modalités de mise en œuvre selon la nature du risque, sa gravité, son origine et l’autorité compétente.

Désormais, l’ordonnance du 16 septembre 2020 uniformise l’ensemble des procédures.

  1. Sur l’encadrement du droit de visite

L‘article L. 511-7 du CCH vient préciser pour la première fois les modalités des visites par les représentants des maires ou des préfets dans les lieux susceptibles des présenter des situations à l’article L. 511-2 du CCH.

Il est désormais prévu que « Lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu’entre 6 heures et 21 heures ». En cas de difficulté ou de refus d’accès l’intervention du juge des libertés ou de la détention est désormais prévue afin de permettre l’accès.

Cette intervention spécifique d’un magistrat dédié a le mérite d’envisager une procédure plus rapide que la saisine du juge des référés, cette procédure étant soumise à des délais relativement long au regard du contexte lequel nécessite des décisions rapides.

 

  1. Sur la possibilité de saisir la juridiction administrative

Si auparavant la saisine de la judication administrative aux fins d’obtenir la désignation d’un expert était un préalable obligatoire à la prise d’un arrêté de péril imminent (article L. 511-3 du CCH actuel), la saisine de la juridiction est désormais une simple possibilité, et ce quelle que soit la gravité du risque.

En effet, l’article L.511-9 dispose que « préalablement à l’adoption de l’arrêté de mise en sécurité, l’autorité compétente peut demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert afin qu’il examine les bâtiments, dresse constat de leur état y compris celui des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin au danger. L’expert se prononce dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation ».

Bien que les juridictions administratives aient contesté le bien-fondé de cette disposition qui, bien qu’il ne s’agisse pour l’autorité compétente qu’une simple possibilité, risque d’augmenter le nombre de saisines. En effet, l’intervention d’un homme de l’art devrait bien évidemment permettre à l’autorité compétente de s’appuyer sur ses conclusions afin de justifier techniquement le contenu d’un arrêté de mise en sécurité.

 

  1. Sur le déroulement de la procédure

La prise d’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité suivent désormais le même schéma à savoir :

  • une procédure contradictoire préalable avec la personne tenue d’exécuter les mesures qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale (nouvel article L. 511-10 du CCH) ;
  • prescription des mesures devant être réalisées dans un délai imparti et nécessitées par les circonstances qui peuvent consister en :
    • la réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation y compris, le cas échéant, pour préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus (L. 511-11-1°) ;
    • la démolition de tout ou partie de l’immeuble ou de l’installation (L. 511-11-2°) ;
    • la cessation de la mise à disposition du local ou de l’installation à des fins d’habitation L. 511-11-3°) ;
    • l’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif L. 511-11-4°) que s’il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insalubrité ou à l’insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.

 

L’ordonnance du 16 septembre 2020 prévoit la possibilité pour l’autorité compétente qui constaterait que les injonctions n’ont pas été réalisées dans le délai imparti de prononcer une astreinte inférieure à 1.000 € par jour de retard tout en restant proportionnelle à l’ampleur des travaux réalisés (nouvel article L. 511-15 du CCH). En cas d’astreinte le produit revient au maire lorsque celui-ci est compétent ou à l’Agence Nationale de l’Habitat (l’ANAH) lorsque le préfet est compétent (nouvel article L. 511-15 CCH).

Par ailleurs, et c’est aussi l’un des éléments essentiels de cette ordonnance, lorsque les prescriptions n’ont pas été réalisées dans le délais imparti, l’autorité compétente peut désormais par simple décision motivée faire procéder d’office à leur exécution et ce aux frais du propriétaire.

Cette procédure d’exécution d’office se fera donc désormais sans passer par une mise en demeure préalable, ce qui permet d’accélérer la procédure de substitution laquelle se justifie par l’urgence. Ce point est évidemment important car précédemment l’article L. 511-2-V, imposait que cette mise en demeure de respecter les prescriptions des arrêtés ne pouvait être inférieure à un mois, prolongeant d’autant la situation de danger.

 

  1. Sur la procédure d’urgence

L’ordonnance commentée vient prendre en compte une situation qui est actuellement particulièrement délicate à mener pour un maire ou un président d’EPCI lorsqu’un bien présente un risque d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes particulièrement grave qui nécessite une intervention extrêmement rapide.

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance les pouvoirs de police spéciale ne permettaient nullement d’intervenir rapidement malgré une urgence absolue.

La seule solution consistait pour l’autorité compétente à se fonder sur les pouvoirs de police générale des article L. 2212 et suivants du Code général des collectivités territoriales, le conseil d’état ayant admis « qu’en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent», le maire pouvait faire usage de ses pouvoirs de police générale, quelle que soit la cause du péril (CE 27 juin 2005, Ville d’Orléans, req. n° 262199)[3].

La conséquence de la mise en œuvre de ce pouvoir de police étant que la décision étant prise sur le fondement de la police générale les frais nécessaires à la suppression du péril particulièrement grave et imminent étaient supportés par la commune laquelle doit également assurer le relogement des occupant à ses propres frais sans possibilités de recouvrement.

Désormais, l’article L. 511-19 du CCH permet au maire ou au président de l’EPCI d’ordonner par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’il fixe étant précisé que l’autorisation du juge est cependant nécessaire pour procéder à la démolition du bien si aucune autre mesure ne permet d’écarter le danger.

La décision de démolir étant susceptible de porter atteinte au droit de propriété, l’autorité compétente devra saisir le juge judiciaire selon la « procédure accéléré au fond » prévue à l’article 481-1 du Code de procédure civile[4] et qui permet d’obtenir une décision ayant autorité de la chose jugée dans des délais relativement rapides.

 

 

II – Sur les transferts de compétence

 

A – Sur les transferts de compétence des maires aux EPCI

La nouvelle ordonnance précise systématiquement que l’autorité compétente en matière mise en sécurité relève ou de la compétence du maire ou du président de l’EPCI.

Actuellement, si un seul des maires composant l’intercommunalité s’est opposé au transfert de cette compétence le président d’un EPCI doit faire le choix de refuser cette compétence sur la totalité du territoire de l’intercommunalité ou bien ne l’exercer que sur les territoires des communes dont les maires ont transféré cette compétence.

Ce principe est désormais abandonné et la possibilité pour le président de l’EPCI de refuser d’exercer cette compétence est désormais limitée.

En effet, l’article 15 de l’ordonnance du 16 septembre 2020 dispose que « le président de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut pas renoncer à ce que les pouvoirs de police des maires des communes membres lui soient transférés, sauf si au moins la moitié des maires de ces communes se sont opposés au transfert de plein droit, ou si les maires s’opposant à ce transfert représentent au moins la moitié de la population de l’établissement ».

Ainsi, le transfert est-il être privilégié, sachant en outre, que l’absence de transfert de compétence est susceptible d’évoluer dès lors que les maires qui se sont opposés à ce transfert auront désormais la possibilité de revenir sur leur décision en cours de mandat, ce qui est susceptible de modifier les critères évoqués. Dans cette hypothèse, le transfert prendra effet dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du maire au président de l’EPCI.

 

B – Sur le transfert de compétence des préfets aux EPCI

L’article 16 facilite quant à lui les conditions de délégation des pouvoirs des préfets aux présidents d’EPCI lorsque celui-ci a signé avec l’Etat une convention mentionnée à l’article L. 301-5-1 du CCH. Actuellement, ces délégations ne sont possibles qu’aux conditions suivantes :

  • l’EPCI est délégataire des aides à la pierre, à savoir les aides financières destinées à la production (construction et acquisition), la réhabilitation et la démolition des logements locatifs sociaux ainsi que la création de place d’hébergement ; et à l’amélioration de l’habitat privé relevant des aides de l’ANAH ;

  • l’EPCI doit disposer d’un service dédié à la lutte contre l’habitat indigne ;

  • l’EPCI bénéficie de l’ensemble des transferts des pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne de tous les maires des communes membre de l’EPCI.

Cette dernière condition a été assouplie et désormais il suffit qu’un seul maire ait transféré ses pouvoirs, pour que la délégation puisse être faite, sachant que cette disposition s’applique également aux présidents d’établissement publics territoriaux et à la métropole du Grand Paris.

 

***

 

Cette ordonnance, qui entrera en vigueur pour les arrêtés pris après le 1er janvier 2021 devrait faciliter les moyens d’action des maires et président d’EPCI et tendre vers une accélération des procédures. Elle doit être complétée d’ici la fin de l’année 2020 par un décret d’application lequel devra être suffisamment précis concernant notamment les modalités du respect du principe du contradictoire ainsi que sur les délais donnant injonction de faire les travaux. Par ailleurs, si cette ordonnance uniformise les deux polices de l’insalubrité et de la mise en sécurité et en crée une nouvelle unique, les grands principes de la lutte contre l’habitat indigne sont maintenus, ce qui permet d’envisager une jurisprudence relativement stable.

En revanche, il y aura lieu pour les autorités compétentes de rester vigilantes quant à la mise en œuvre de cette nouvelle police et à la rédaction des futurs arrêtés.

Par Cyril Croix

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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042334702

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008215178/

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008235002/

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000039661612/2020-01-01/

 

Rénovation énergétique et plan de relance 2020 : un enjeu majeur

La rénovation énergétique des bâtiments publics et privés constitue un enjeu majeur du plan de relance de septembre 2020 avec une volonté affirmée de soutenir le secteur de la construction tout en contribuant à économiser l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre

Avec 100 milliards d’euros d’investissements mobilisés, le plan « France Relance » présenté par le gouvernement le 3 septembre 2020 engage la phase de relance économique décidée par le gouvernement afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire de la COVID-19. Les dépenses, engagées sur deux ans (2020-2022), seront inscrites dans les futures lois de finances rectificative pour 2020, de finances pour 2021 et de financement de la sécurité sociale pour 2021 – le plan de relance européen venant quant à lui apporter 40 milliards d’euros. 

Un axe essentiel du plan est en outre celui du dynamisme territorial : une contractualisation renforcée sera engagée entre l’Etat et ses services déconcentrés et les collectivités et, en premier lieu, les régions. Il conviendra au-delà de voir le rôle qui sera réellement dévolu aux collectivités dans la mise en œuvre du plan. 

Le temps est donc à la planification avec la volonté de financer les domaines les plus porteurs :  accélérer la conversion écologique et renforcer la compétitivité et la cohésion sociale.  

La transition écologique est à cet égard qualifiée d’objectif stratégique par le gouvernement. Et si 30 milliards d’euros lui sont directement affectés, chaque axe du plan de relance doit, pour le gouvernement, y apporter une contribution. 

Parmi le nombre important de mesures en faveur de la transition écologique on relèvera celles relatives à la biodiversité, à l’économie circulaire, à la transition agricole, aux mobilités et aux technologies vertes.  

Mais un véritable changement d’échelle est ambitionné sur la question de la rénovation énergétique, avec un budget de 6,7 milliards d’euros dédié à la rénovation des bâtiments publics, privés et des logements, dont 4 milliards pour la rénovation des bâtiments publics de l’Etat et des collectivités, 2 milliards pour les logements privés, 500 millions pour le parc social et 200 millions pour le parc tertiaire des TPE/PME.  

Ces financements sont à mettre en lien avec la récente annonce du ministère de l’écologie sur un « coup de pouce » aux certificats d’économie d’énergie (CEE) en vue d’opérations de rénovation globale et performante de logements. Mais aussi avec le « plan Climat » de 40 milliards d’euros de la Caisse des dépôts et consignations que cette dernière annonçait mobiliser en fonds propres et prêts à la rénovation. 

Pour le gouvernement, le secteur du bâtiment est donc au cœur de ses priorités avec pour enjeux le soutien au secteur de la construction et du bâtiment, la contribution aux économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

 

 

Tour d’horizon des trois principales mesures en matière de rénovation énergétique

 

1 – Rénovation des bâtiments publics

Cette mesure planifie un investissement, qualifié de massif, dans la rénovation énergétique des bâtiments publics, avec pour objectifs une diminution de la facture énergétique, un gain de confort pour les usagers et agents ainsi qu’une réduction de l’empreinte énergétique et environnementale des bâtiments.   

4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics sont ainsi annoncés, dont 300 millions d’euros seront délégués aux régions pour la rénovation des lycées notamment. Une partie de l’enveloppe sera par ailleurs dédiée aux projets de rénovation thermique des bâtiments appartenant aux collectivités, au travers de dotations de soutien de l’Etat gérées au niveau local par les préfets. 

De manière générale, il s’agira de financer 3 types d’opération de rénovation : (i) des actions dites à « gain rapide » présentant un retour sur investissement important (contrôle, pilotage et régulation des systèmes de chauffage, modernisation des systèmes d’éclairage, etc.) ; (ii) des travaux de rénovation énergétique relevant du gros entretien ou du renouvellement des systèmes (isolation du bâti, changement des équipements, etc.) ; et, enfin, (iii) des opérations immobilières de réhabilitation lourde incluant d’autres volets que la rénovation énergétique (mise aux normes de sécurité et d’accessibilité, confort, etc.). 

Il est prévu que les premiers chantiers de rénovation commencent, pour les moins importants et ceux déjà prêts à être engagés, début 2021, et que l’ensemble des marchés publics soient notifiés avant le 31 décembre de la même année. Les délais sont donc très courts pour engager les opérations. 

A noter que, à « l’exception des bâtiments publics de collectivités, les projets financés seront sélectionnés par le biais d’appels à projets ». Deux appels à projets (pilotés par la Direction de l’immobilier de l’Etat, DIE) concernant les bâtiments propriétés de l’Etat et de ses établissements publics, dont l’un est spécifique aux bâtiments affectés aux missions d’enseignement supérieur, de recherche et aux œuvres universitaires et scolaires, ont ainsi d’ores et déjà été publiés le 7 septembre dernier pour des candidatures attendues ce 9 octobre au plus tard. L’appel à projets relatif aux bâtiments des collectivités fera quant à lui l’objet d’un « dispositif spécifique », non encore détaillé à ce jour. 

Pour consulter la fiche détaillée : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-batiments-publics.pdf 

  

 

2 – Rénovation énergétique et réhabilitation lourde de logements sociaux 

L’objectif de cette mesure est d’accompagner la restructuration lourde de logements sociaux et leur rénovation énergétique,  « avec l’ambition de faire émerger des solutions « industrielles » françaises très performantes », ceci afin de répondre à plusieurs enjeux liés à la transition énergétique mais également spécifiques aux logements sociaux, dont l’« adaptation des logements au vieillissement et la création d’ascenseurs », l’« adaptation aux besoins des populations et des territoires », l’« attractivité du parc locatif social en zones détendues et la lutte contre la vacance », « la diminution du prix de revient de la rénovation des logements ».  

Concrètement, le plan prévoit plusieurs types d’actions : 

  • la rénovation thermique globale avec une ambition renforcée visant à atteindre les standards les plus élevés ; 
  • le déploiement de solutions industrielles – notamment celles développées dans le cadre du programme EnergieSprong – pour la rénovation énergétique afin que les bâtiments parviennent à une consommation nette d’énergie nulle, voire positive ; 
  • la restructuration lourde de logements sociaux existants vétustes et inadaptés, pour créer une offre plus adaptée aux besoins et permettre des travaux de rénovation énergétique. 

  

A cette fin, une enveloppe de 500 millions d’euros de subventions octroyées aux organismes HLM, aux collectivités ou aux maîtres d’ouvrage d’insertion pour les années 2021 et 2022 est envisagée, dont 40 millions d’euros seraient réservés à un appel à projets visant à massifier les solutions industrielles pour un objectif de 10 000 logements rénovés. À ce stade, le nombre de logements pouvant être aidés sur le volet « restructuration-réhabilitation lourde » est estimé à environ 40 000. Le mouvement HLM a d’ailleurs accueilli ces mesures avec satisfaction. 

Il est prévu que cette mesure puisse bénéficier à des opérations dès le printemps 2021. La gestion de l’enveloppe sera déconcentrée au niveau régional et départemental et la répartition des subventions entre chacune des régions effectuée à la suite d’une enquête de remontée des besoins auprès des services de l’Etat dans les territoires (DREAL et DDT). L’instruction des dossiers sera ensuite effectuée par les DDT ou les collectivités délégataires des aides à la pierre, le cas échéant. Le lancement d’un appel à projets afin de massifier les solutions industrielles au niveau national et de sélectionner les opérations à soutenir en 2021 puis en 2022 est également proposé. 

Pour consulter la fiche détaillée :    https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-rehabilitation-logements-sociaux.pdf

  

 

3 – Rénovation énergétique des logements privés 

En ce qui concerne les logements privés, le plan prévoit de mobiliser 2 milliards d’euros, afin d’« amplifier et accroître l’efficacité des aides à la rénovation énergétique des bâtiments privés », répartis sur 2021 et 2022, avec des mesures mises en œuvre dès le 1er janvier 2021, en vue d’atteindre l’objectif de rénovation du parc au niveau BBC en 2050 et l’éradication des passoires thermiques à l’horizon 2030. 

Outre le rehaussement annoncé du budget du dispositif MaPrimeRénov’ (qui a succédé au crédit d’impôt pour la transition énergétique, CITE) de 2 milliards d’euros sur 2021-2022, le plan de relance prévoit d’autres mesures, dont les modalités devraient être précisées « prochainement » :  

  • renforcement du soutien à la rénovation globale ; 
  • renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les propriétaires bailleurs ; 
  • renforcement du soutien à la rénovation énergétique des logements pour les copropriétés ; 
  • renforcement du volet « logement », financé par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), des plans d’action gouvernementaux de soutien aux copropriétés dégradées (PIC) et à la réhabilitation-restructuration de l’habitat en centre-ville ; 
  • mobilisation et communication autour des métiers de la rénovation. 

Pour consulter la fiche détaillée :     https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/Renovation-energetique-batiments-prives.pdf

Par Thomas Rouveyran et Christophe Farineau

Evolution de la règlementation Seveso

Le 24 septembre 2020, soit un an après l’incendie s’étant produit au sein de l’usine de Lubrizol, classée SEVESO, le gouvernement a adopté deux décrets et cinq arrêtés relatifs à la règlementation des installations classées avec la volonté de tirer les conséquences de cet accident.  

  

 

Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu’elles peuvent être à l’origine d’accidents majeurs 

Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu’elles peuvent être à l’origine d’accidents majeurs 

  

Ce décret a été adopté en vue de préciser l’application de la directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012, dite Seveso III et clarifie ainsi certains éléments et obligations en découlant, telle que l’obligation d’échange d’informations et de coopération entre exploitants voisins, les informations accessibles au public ou encore les objectifs et le contenu des plans d’opération interne (POI). Plusieurs éléments peuvent être mis en avant.  

On peut notamment relever que l’information du préfet est renforcée. Il devra notamment être informé du transfert d’une autorisation environnementale préalablement à sa réalisation et pourra s’y opposer. Le préfet pourra également solliciter de l’exploitant d’une installation faisant une déclaration d’antériorité qu’il lui communique « la production d’une étude montrant que les dangers ou inconvénients […] sont prévenus de manière appropriée », sous certaines conditions (article 4). Lors du recensement, réalisé par l’exploitant de l’installation susceptible de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, de ces substances, le préfet devra être informé des résultats de ce recensement et pourra les communiquer à toute personne en faisant la demande, sous certaines conditions (article 5).  

Le décret définit le moment auquel le préfet doit mettre à disposition du public les informations relatives aux accidents majeurs susceptibles de se produire et aux moyens mis en œuvre pour en assurer la prévention et la réduction des conséquences. Notamment, les informations devront être mises à disposition du public avant la mise en service de l’installation ou la mise en œuvre de certaines modifications ; elles devront être disponibles en permanence (article 5).   

Les exploitants doivent coopérer entre eux. Les exploitants des installations susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses situés à proximités les uns des autres doivent échanger des informations et coopérer « pour permettre la prise en compte de la nature et de l’étendue du danger global d’accident majeur » et assurer l’information du public et des sites voisins (article 5).  

Ce décret rend en outre obligatoire le réexamen, au moins tous les cinq ans, de l’étude de danger. Elle pourra être communiquée sur demande à toute personne, sous certaines conditions (article 5). 

Les objectifs du plan d’opération interne, qui définit les mesures d’organisation, les méthodes d’intervention et les moyens nécessaires que l’exploitant doit mettre en œuvre contre les effets des accidents majeurs, sont précisés. Il s’agit désormais de « contribuer à fournir à l’autorité compétente les informations nécessaires à l’établissement des plans d’urgence et à la détermination des mesures et des obligations incombant à l’exploitant […] » et d’« assurer, en ce qui concerne l’exploitant, la remise en état et le nettoyage de l’environnement après un accident majeur ». Ce plan doit être réalisé ou mis à jour, notamment, dans un délai raisonnable avant la mise en service d’un établissement ou à la suite d’un accident majeur (article 5).  

En outre, ce décret instaure des modifications du régime des installations relevant de certaines rubriques de la série 4000 de la nomenclature ICPE « afin de clarifier leur applicabilité dans des cas particuliers » (notice). 

  

 

Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement 

Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement 

  

Ce décret modifie les rubriques 1510, 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 de la nomenclature des ICPE, étendant le régime de l’enregistrement au sein de celles-ci. Les installations visées par ces rubriques sont des installations de stockage (par exemple de pneumatiques, de polymères, de bois ou matériaux combustibles analogues, etc.). Il est précisé que les modifications apportées ont pour objectif de permettre une appréhension globale des entrepôts et d’éviter les doubles classements.  

La nomenclature relative à l’évaluation environnementale des projets est également modifiée. Une distinction est opérée, au sein de la rubrique 39 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, entre les projets soumis à évaluation environnementale systématique en raison des surfaces construites, selon si l’implantation a lieu dans un espace artificialisé ou non. Seuls les projets de plus de 40 000 m² d’emprise au sol dans un espace non artificialisé demeurent soumis à évaluation systématique. Les projets sortant de l’évaluation systématique seront soumis à l’évaluation au cas par cas.  

Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2021. 

 

 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier, du livre V du code de l’environnement 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier, du livre V du code de l’environnement 

  

Ce texte transpose la directive Seveso 3 et s’applique aux établissements dans lesquels des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu’ils peuvent être à l’origine d’accidents majeurs.  

Cet arrêté prévoit la mise en place de mesures relatives aux comportements à adopter en cas d’incidents. A ce titre, on peut notamment relever qu’une formation devra être dispensée aux différents opérateurs et intervenants dans l’établissement sur la conduite à suivre en cas d’accident ou incident. En outre, le contenu du POI est précisé à l’annexe V de l’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées ; le POI devra contenir, par exemple, « les moyens et méthodes prévus, en ce qui concerne l’exploitant, pour la remise en état et le nettoyage de l’environnement après un accident majeur ». Cette obligation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023 pour les établissements seuil bas (article 2).  

Cet arrêté renforce également l’information du public, son annexe IV énumérant les catégories d’informations mises en permanence à la disposition du public par voie électronique (article 3). Cette liste prévoit notamment l’information du public sur la conduite à tenir en cas d’accident majeur.   

Enfin, l’arrêté prévoit que le préfet devra être informé des produits de décomposition susceptibles d’être émis en cas d’incendie, et ce dans le cadre de l’élaboration, de la révision ou de la mise à jour de l’étude de danger. A compter du 1er janvier 2023, l’étude de danger devra ainsi mentionner les produits susceptibles d’être émis lors d’un incendie important (articles 6 et 7).  

  

Autres arrêtés adoptés le 24 septembre 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510, y compris lorsqu’ils relèvent également de l’une ou plusieurs des rubriques 1530, 1532, 2662 ou 2663 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, ainsi que les arrêtés de prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à enregistrement sous les rubriques nos 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 

Arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables, exploités au sein d’une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés exploités au sein d’une installation classée soumise à autorisation au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement 

Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation 

  

Enfin, quatre autres arrêtés ont été adoptés le même jour et trouvent à s’appliquer à certaines installations classées.  

  • L’arrêté NOR : TREP2009123A modifie les prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant de la rubrique 1510 de la nomenclature ICPE. De nouvelles prescriptions sont ainsi imposées, relatives par exemple à l’état des matières stockées, aux moyens de lutte incendie, aux installations électriques, etc. Les modalités de contrôle de ces installations sont également précisées et renforcées ; par exemple, si aucun point de contrôle n’était auparavant prévu pour la surveillance, l’arrêté du 24 septembre 2020 prescrit une vérification de la présence d’un contrôle des accès. Des dispositifs transitoires sont prévus pour les installations qui, en application du décret n° 2020-1169, sont nouvellement soumises à déclaration, enregistrement ou autorisation. 

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021860A vise quant à lui à renforcer les prescriptions applicables au stockage de liquides inflammables et de liquides combustibles en récipients mobiles, que ce stockage soit en extérieur ou couvert. Il est par exemple indiqué dans cet arrêté que les récipients mobiles doivent être implantés sur un site clôturé et que des mesures visant à empêcher les personnes non autorisées à accéder aux installations doivent être adoptées (article II.2), des dispositifs de détection automatique d’incendie avec transmission, en tout temps, de l’alarme à l’exploitant sont mis en place dans certains locaux (article III.4), etc.  

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021861A vise les ICPE stockant des liquides inflammables, notamment celles soumises « à autorisation au titre de l’une ou plusieurs des rubriques 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l’une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement dites « rubriques liquides inflammables » (article 1er). Les stockages soumis à l’arrêté précédemment présenté ne se voient pas appliquer ces prescriptions. L’arrêté impose par exemple à l’exploitant d’étudier les modalités prévisionnelles permettant d’assurer la continuité d’approvisionnement en eau si l’incendie venait à durer dans le temps (au-delà de trois heures). Les modalités d’application dans le temps des prescriptions de l’arrêté sont également détaillées.  

  

  • L’arrêté NOR : TREP2021862A porte sur l’état des matières stockées. Il est notamment indiqué que les exploitants de l’ensemble des installations soumises à autorisation devront tenir à jour un état des matières stockées et devra rendre ces documents à disposition du préfet, des services d’incendie et de secours, de l’inspection des installations classées et des autorités sanitaires (article 1er). Des dispositions spécifiques s’appliquent aux installations susceptible de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses et à celles soumises à autorisation sur le fondement des rubriques 1436, 2718, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748 ; par exemple, pour ces installations, l’exploitant doit mettre à jour l’état des matières stockées au moins toutes les semaines qui doit être accessible à tout moment.  

 
 

Application du principe de précaution et appréciation de l’urgence dans le contentieux de la chasse

CE, 22 septembre 2020, Association one voice , n° 443778, 443779, 443781, 443782, 443784, 443788 

CE, 22 septembre 2020, Fédération nationale des chasseurs et Fédération régionale des chasseurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 443851 

 

Au cours du mois de septembre 2020, le Conseil d’Etat a adopté trois ordonnances se rapportant à la protection de l’avifaune et à la chasse. Ces décisions apportent des précisions sur l’appréciation de la condition de l’urgence, nécessaire pour obtenir la suspension d’une décision sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, dans le contentieux de la chasse (a). En outre, dans une ordonnance du 11 septembre, le juge a appliqué le principe de précaution à ce contentieux (b).  

 

 

1 – Appréciation de la condition d’urgence 

Par une ordonnance du 22 septembre 2020, Association one voice, n° 443778, 443779, 443781, 443782, 443784, 443788, le Conseil d’Etat a rejeté pour défaut d’urgence les demandes de la requérante, laquelle sollicitait la suspension de six autorisations de chasse de différentes espèces d’oiseaux sauvages (l’alouette des champs dans les départements du Lot-et-Garonne, Landes, Gironde et Pyrénées Atlantiques, ainsi que les vanneaux, pluviers dorés, grives et merles noirs dans les Ardennes). 

Pour établir que la condition d’urgence n’est pas remplie en l’espèce, le juge considère que « l’importance des populations d’oiseaux concernés en France au regard du nombre de prélèvements autorisés, le caractère sélectif des méthodes de capture en cause et les précautions imposées aux chasseurs », éléments mis en avant par le ministère de la transition écologique et solidaire, font obstacle à la reconnaissance de l’existence de cette condition. Ces éléments pourront donc être pris en compte pour apprécier l’urgence qu’il y aurait à suspendre une autorisation de chasse.  

Dans une autre ordonnance du même jour, le Conseil d’Etat indique que l’imminence de l’ouverture la campagne de chasse 2020-2021 et les conséquences financières qu’entraine l’interdiction de la chasse à la glu pour les chasseurs ne constituent pas des éléments de nature à établir l’urgence nécessaire au prononcé de la suspension, « eu égard à l’intérêt général qui s’attache au respect du droit de l’Union européenne et à la conservation des oiseaux sauvages concernés ». Par cette ordonnance Fédération nationale des chasseurs et Fédération régionale des chasseurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le juge administratif rejette ainsi la demande de suspension de la décision refusant d’autoriser, pour la campagne 2020-2021, l’emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles destinés à servir d’appelants dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse.  

L’existence de l’urgence est néanmoins reconnue dans une troisième ordonnance, en date du 11 septembre. A l’occasion de cette affaire relative à la chasse de la tourterelle des bois, le Conseil d’Etat considère en effet que « eu égard à l’objet de l’arrêté dont la suspension est demandée, qui détermine les conditions dans lesquelles la tourterelle des bois peut être chassée […], au nombre maximal de prélèvements qu’il retient pour la chasse de cette espèce et qui n’est pas encore atteint, ainsi qu’à l’état de conservation de celle-ci, la condition d’urgence est remplie ». Le Conseil d’Etat juge ainsi qu’il y a urgence en raison de l’état de conservation de l’espèce et de la circonstance que l’ensemble des prélèvements autorisés n’aient pas été réalisés. L’arrêté contesté autorisait en effet le prélèvement, en France métropolitaine du 29 août 2020 au 20 février 2021, d’un maximum de 17 460 spécimens de tourterelles des bois. Or le quota maximal de 17 460 spécimens n’avait pas encore été atteint. Le juge semble ainsi considérer que, la suspension pouvant intervenir en temps utile pour la conservation de l’espèce, la condition d’urgence est remplie. 

  

2 – Mise en œuvre du principe de précaution pour suspendre l’autorisation de chasse de la tourterelle des bois 

Par l’ordonnance du 11 septembre 2020, Ligue pour la protection des oiseaux et Association one voice, n° 443482 et 443567, le Conseil d’Etat s’est comme évoqué ci-avant prononcé sur la conformité de l’autorisation de la chasse de la tourterelle des bois avec la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.  

Dans cette affaire, les associations requérantes sollicitaient la suspension de l’exécution de l’arrêté ministériel autorisant la chasse de la tourterelle des bois présenté ci-dessus, au motif notamment que cet arrêté méconnaissait l’article 2 de la directive 2009/147/CE. En effet, aux termes de cet article, « Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles ». 

Dans le cadre de l’examen de cette question, plusieurs éléments relatifs à la conservation de l’espèce sont pris en compte par le juge. Le Conseil d’Etat relève que la population de la tourterelle des bois, espèce notamment classée comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a diminué en Europe de près de 80% entre 1980 et 2015. En outre, le Comité d’experts sur la gestion adaptative[1] a rendu un avis préconisant à titre principal de ne pas autoriser les prélèvements de spécimens de tourterelle des bois. La France a également fait l’objet d’une mise en demeure le 25 juin 2019 de la Commission européenne, qui avait souligné qu’aucune mesure de conservation spécifique à cette espèce n’avait été adoptée. Le Conseil d’Etat reproche également à l’Etat sa méthode de calcul du nombre de spécimens pouvant être prélevés, et en particulier d’avoir seulement appliqué « une règle de trois fondée sur une approximation de la baisse tendancielle de la population européenne sur les décennies passées », sans se fonder sur d’autres éléments permettant d’apprécier l’état de conservation de l’espèce de manière plus complète. 

Le juge se fonde alors sur l’ensemble de ces éléments et sur le principe de précaution pour considérer qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de l’acte attaqué, dès lors qu’il « méconnaît l’objectif d’amélioration de l’état de conservation de l’espèce, résultant des articles 2 et 7 de la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009 ». Toutefois, si le Conseil d’Etat indique se fonder sur le principe de précaution, il n’apporte pas plus de précision sur son  appréciation de ce principe.

 
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[1] Aux termes de l’article L. 425-16 du Code de l’environnement « La gestion adaptative des espèces consiste à ajuster régulièrement les prélèvements de ces espèces en fonction de l’état de conservation de leur population et de leur habitat, en s’appuyant sur les connaissances scientifiques relatives à ces populations. […] » 

 

Taxes locales sur la consommation d’électricité : une réforme à venir

L’année 2021 devrait être marquée par la mise en œuvre du plan de relance, qui a pour objectif le retour de la croissance économique et l’atténuation des conséquences économiques et sociales de la crise.

A cette fin notamment, le 28 septembre dernier, le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance et le Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, ont présenté le projet de loi de finances pour 2021. 

Parmi les mesures présentées, l’article 13 du projet de loi propose de simplifier la taxation de l’électricité en réformant les différentes taxes dues par les fournisseurs d’électricité au titre de la consommation finale d’électricité. 

Conformément à l’article L. 2333-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), cette taxe est aujourd’hui instituée, au profit des communes ou, selon le cas, au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des départements qui leur sont substitués au titre de leur compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité visée à l’article L. 2224-31 du CGCT. 

Selon l’exposé des motifs, la gestion de ces taxes est aujourd’hui partagée entre l’administration des douanes et des droits indirects, les services communaux, les services départementaux, les préfectures et les comptables assignataires de ces collectivités. 

L’article 13 prévoit de simplifier la taxation de l’électricité et de regrouper la gestion de ces taxes dans un guichet unique à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP).  

Une réforme en trois étapes est prévue : 

  • au 1er janvier 2021, il sera procédé à un premier alignement des dispositifs juridiques, notamment des tarifs, de la taxe intérieure (TICFE) et des taxes communales (TCCFE) et départementales (TDCFE) ; 

  • au 1er janvier 2022, la gestion de la TICFE et des TDCFE sera transférée à la DGFiP et il sera procédé à un deuxième alignement pour les TCCFE ;

  • au 1er janvier 2023, la gestion des TCCFE sera transférée à la DGFiP. 

Le projet prévoit toujours que les communes ou, selon le cas, des établissements publics de coopération intercommunale ou des départements qui leur sont substitués au titre de leur compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité mentionnée à l’article L. 2224-31, conserveront le produit lié à la part communale de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. 

La discussion de la première partie du projet de loi aura lieu du lundi 12 au lundi 19 octobre et se conclura par un vote solennel le mardi 20 octobre après la séance des questions au Gouvernement. 

La discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 débutera le lundi 26 octobre et se conclura par un vote solennel sur l’ensemble du texte le mardi 17 novembre, après les questions au Gouvernement. 

L’adoption définitive du projet de loi de finances devra intervenir au plus tard le vendredi 18 décembre. 

Aides d’Etat : une centrale nucléaire peut bénéficier d’une aide d’Etat dans l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est récemment prononcée sur une question importante, celle de savoir si la construction d’une centrale nucléaire peut faire l’objet d’une aide d’État approuvée par la Commission européenne au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c) du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). 

A l’origine de ce contentieux, la République d’Autriche, résolument opposée au nucléaire, avait mis en cause la validité de la décision 2015/658 de la Commission du 8 octobre 2014 relatif au soutien financier du Royaume‑Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord à la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point C, située sur la côte sud-ouest de l’Angleterre.  

L’affaire avait ainsi fait l’objet d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Autriche c/ Commission (T‑356/15), contesté devant la CJUE. 

Par son arrêt commenté, la CJUE a rejeté le recours en annulation introduit par la République d’Autriche. 

Parmi les moyens soulevés, la République d’Autriche faisait notamment valoir que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constituait pas un objectif légitime dans l’intérêt de l’Union susceptible d’être poursuivi par des aides d’État.  Sur ce point, la République d’Autriche faisait valoir que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que l’aide était compatible avec le marché intérieur au motif qu’elle servait un intérêt public plutôt que de rechercher si elle servait l’« intérêt commun ».  

Au total, cinq moyens avaient été présentés qui sont rappelés dans les conclusions de l’avocat général

La Cour a, tout d’abord, rappelé que, pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), une aide d’État doit remplir deux conditions, la première étant qu’elle doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, la seconde étant qu’elle ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.  

Cette disposition n’exige pas, en revanche, que l’aide envisagée poursuive un objectif d’intérêt commun. Dès lors, la Cour a rejeté comme non fondés les différents arguments de l’Autriche tirés du fait que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constituerait pas un objectif d’intérêt commun.  

La Cour a, en outre, confirmé que, en l’absence de règles spécifiques dans le traité Euratom, les règles du TFUE en matière d’aides d’État ont vocation à s’appliquer dans le secteur de l’énergie nucléaire. Et, contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal de l’Union européenne, le traité Euratom ne s’oppose pas non plus à l’application dans ce secteur des règles du droit de l’Union en matière d’environnement, de sorte qu’une aide d’État en faveur d’une activité économique appartenant au secteur de l’énergie nucléaire, dont l’examen révèlerait qu’elle viole des règles environnementales, ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur. 

L’arrêt confirme le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans exclure que ce choix puisse porter sur l’énergie nucléaire : 

« Ainsi, le choix de l’énergie nucléaire appartenant, selon ces dispositions du traité FUE, aux États membres, il apparaît que les objectifs et les principes du droit de l’Union en matière d’environnement et les objectifs poursuivis par le traité Euratom, (…) ne sont pas en contradiction, de telle sorte que, contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité ne peuvent être considérés comme s’opposant, en toutes circonstances, à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées ». 

Il s’en suit que le Royaume-Uni était en droit de déterminer la promotion de l’énergie nucléaire et, plus spécifiquement, l’incitation à la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, comme un objectif d’intérêt public au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. 

Arrêté du 8 septembre 2020 relatif au taux 2020 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Le compte d’affectation spécial (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », dit « FACÉ », créé par l’article 7 de la loi rectificative du 28 décembre 2011[1], retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité (ci-après AODE) pour le financement des travaux d’électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. 

Le financement du CAS-FACÉ repose sur des contributions dues par les gestionnaires de réseaux de distribution, c’est-à-dire Enedis et les entreprises locales de distribution (ELD). Cette contribution est assise sur le nombre de kilowattheures distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l’année précédant celle du versement des contributions. 

Afin de permettre une péréquation entre les territoires urbains et ruraux au profit de ces derniers, le taux de contribution est différent selon que les communes sont urbaines ou rurales.  

A cette fin, est annuellement fixé le taux de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, assise sur le nombre de kilowattheures distribués à partir des ouvrages en basse tension qu’ils ont exploités l’année précédente.  

C’est ainsi que pour l’année 2020, l’arrêté du 8 septembre 2020 publié au Journal Officiel du 17 septembre 2020, vient fixer ce taux comme suit :  

  •  0,1880438 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants ; 
  • 0,0376088 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants. 

[1] Loi n° 2011-1978 de finance rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 

Publication de deux délibérations de la CRE en matière de biométhane

Le 10 septembre 2020, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié sur son site deux délibérations en matière de biométhane, à savoir :  

  • Une délibération portant avis sur les projets de décret et d’arrêté modifiant les dispositifs de soutien à la filière biométhane ;  
  • Une délibération portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz 

  

  

  

Délibération de la CRE du 10 septembre 2020 portant avis sur les projets de décret et d’arrêté modifiant les dispositifs de soutien à la filière biométhane 

Délibération de la CRE du 10 septembre 2020 portant avis sur les projets de décret et d’arrêté modifiant les dispositifs de soutien à la filière biométhane 

En application des articles L. 446-4 et D. 446-12 du Code de l’énergie, la CRE a été saisie le 27 août 2020 puis le 2 septembre 2020 par Madame la ministre de la transition écologique d’un projet de décret modifiant le code de l’énergie et d’un projet d’arrêté abrogeant l’arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel.  

Le projet de décret prévoit, à titre principal :  

  • de renforcer les conditions préalables à la signature d’un contrat d’achat ;
     
  • de plafonner les modifications de la capacité maximale de production à 30 % du niveau inscrit dans le contrat initial et de limiter la fréquence de ces modifications tous les 24 mois.  

Le projet d’arrêté[1] vient quant à lui modifier la structure du tarif d’achat et le tarif d’achat lui-même en prévoyant :  

  • une réduction du tarif d’achat pour les installations bénéficiant d’une aide à l’investissement de l’ADEME ;
     
  • une trajectoire de réduction du tarif d’achat à hauteur de 2% par an et un mécanisme de réduction dynamique du tarif d’achat en fonction des signatures de contrats d’obligation d’achat ;
     
  • un mécanisme de révision du tarif d’achat par la CRE

La CRE estime dans la délibération ici commentée que cette révision du mécanisme de soutien au biométhane est nécessaire dans le contexte actuel. En effet, la programmation pluriannuelle de l’énergie a acté le principe d’attribuer à la filière de biométhane de nouvelles autorisations d’engagement et la rapidité de développement de cette filière vient confirmer que les conditions de soutien actuelles ne reflètent plus les coûts réels de la filière.  

En s’appuyant principalement sur les données du bilan technique et économique des installations de production de biométhane qu’elle a réalisé en 2018[2], la CRE rend un avis globalement favorable aux principes retenus pour les évolutions proposées par les projets d’arrêté et de décret susvisés. 

La CRE indique toutefois qu’un nouvel exercice de transmission d’informations et d’analyse serait nécessaire pour vérifier l’adéquation du projet d’arrêté à l’évolution des conditions économiques de la filière. 

 

Délibération de la CRE du 10 septembre 2020 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz 

Délibération de la CRE du 10 septembre 2020 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz 

Pour rappel, les modalités d’injection du biogaz produit par méthanisation sur les réseaux de distribution et de transport du gaz naturel instituée par la loi du 30 octobre 2018[3] sont précisées par le décret du 28 juin 2019[4], désormais codifié aux articles D. 453-20 à D. 453-25 du Code de l’énergie.  

A ce titre, l’article D. 453-21 du Code de l’énergie prévoit que pour procéder à une telle injection, « les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel élaborent, après consultation des autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel concernées, un zonage de raccordement des installations de production de biogaz à un réseau de gaz naturel, qu’ils soumettent à la validation de la Commission de régulation de l’énergie ».  

Ce zonage, qui doit donc être soumis à consultation des acteurs locaux puis à validation de la CRE, définit, pour chaque zone du territoire métropolitain continental située à proximité d’un réseau de gaz naturel, le réseau le plus pertinent d’un point de vue technico économique pour le raccordement d’une installation de production de biogaz.  

C’est dans ce cadre que les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, après avoir élaboré une carte de zonage indicative en avril[5], ont soumis à la validation de la CRE, le 31 août 2020, 71 zonages de raccordement. 

Plus précisément, pour chaque zonage, les opérateurs ont communiqué, d’une part, les réponses obtenues de la part des acteurs locaux dans le cadre de l’exercice de consultation et, d’autre part, l’ensemble de leurs caractéristiques, reproduites en annexe de la délibération commentée.  

Ainsi, aux termes de cette délibération, la CRE :  

  • valide 54 zonages, dont la liste figure également en annexe de la délibération ;  
  • ne valide pas les 17 autres zonages au motif que les éléments communiqués par les opérateurs nécessitent d’être complétés pour démontrer la solution pertinente pour procéder au raccordement, compléments que la CRE demande de communiquer dans les meilleurs délais. 

Dès lors, les 54 zonages validés par la CRE feront l’objet d’une publicité adéquate sur leurs sites internet et sont désormais prescriptifs, tout raccordement d’un site d’injonction de biométhane devant être conforme à ceux-ci. 

[1] A noter que l’éligibilité à l’arrêté tarifaire est restreinte aux installations dont la capacité maximale de production est inférieure à 300 Nm3/h, représentant une production de l’ordre de 25 GWh/an ; les installations de taille supérieure seront quant à elles soutenues par appel d’offres.  

[2] Disponible sur ce lien : https://www.cre.fr/Documents/Publications/Rapports-thematiques/bilan-technique-et-economique-des-installations-de-production-de-biomethane    

[3] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous  

[4] Décret n°2019-665 du 28 juin 2019 relatif au renforcements des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel nécessaires pour permettre l’injection du biogaz produit, complété par l’arrêté du 28 juin 2019 définissant les modalités d’application de la section 6 du chapitre III du titre III du titre V du lire IV du code de l’énergie 

[5] Cette carte de zonage avait été présenté dans notre LAJEE du mois d’avril disponible icihttp://www.seban-associes.avocat.fr/publication-dune-carte-de-zonage-indicative-par-grdf-et-grtgaz-sur-leurs-sites-pour-linjection-du-biomethane-dans-les-reseaux-de-distribution-de-gaz-naturel%e2%80%af/?idlajee=100987  

Déchets : Expérimentation d’un dispositif de médiation au sein des filières REP

L’article 73 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire prévoyait l’expérimentation d’un dispositif de médiation au sein de certaines filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) « visant à améliorer les relations et résoudre les différends éventuels au sein des filières concernées notamment entre les éco-organismes, les opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, les structures de réemploi et de réutilisation ainsi que les collectivités territoriales ». 

Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation ont été fixées par le décret n° 2020-1133 du 15 septembre 2020 relatif à l’expérimentation d’un dispositif de médiation en cas de différend au sein des filières de responsabilité élargie des producteurs, publié au Journal officiel du 16 septembre 2020. 

Ce dispositif rend possible la saisine du médiateur des entreprises en cas de différend opposant un éco-organisme (ou producteur ayant mis en place un système individuel de collecte et traitement agréé) et différents acteurs du secteur des déchets énumérés de manière non limitative par le décret, dont les collectivités territoriales (article 1er). Si la rédaction de l’article 73 de la loi du 10 février 2020 laissait entendre que seules certaines filières de REP seraient concernées par cette expérimentation, le décret les vise dans leur ensemble.  

Le médiateur des entreprises a été institué par un décret du 14 janvier 2016 et « assure les fonctions précédemment exercées par le médiateur des relations interentreprises et par le médiateur des marchés publics » (article unique).  Son intervention est gratuite et se voit appliquer le principe de confidentialité. 

Concernant la procédure de médiation, le décret précise qu’elle sera soumise aux dispositions du Code de procédure civile relatives à la médiation conventionnelle, et à l’article 2238 du Code civil, ou le cas échéant à celles du Code de justice administrative relatives à la médiation (article 2). Si le médiateur est saisi d’une demande de médiation n’étant pas manifestement infondée ou inappropriée, il lui appartiendra d’en informer l’autre partie par tout moyen et de solliciter sa participation à la médiation (article 4). La saisine doit s’accompagner d’un engagement de confidentialité (article 3).  

Le médiateur des entreprises pourra exercer plusieurs prérogatives dans le cadre de sa mission : il pourra ainsi consulter le comité des parties prenantes de l’éco-organisme ou la commission inter-filières et solliciter un avis avec l’accord des parties, dans le respect du principe de confidentialité (article 5). Il peut également participer en qualité d’observateur aux réunions de ces instances, mais il ne pourra assister qu’aux réunions du comité des parties prenantes qui sont utiles à la réalisation de sa mission et sur invitation de celui-ci (article 6).  

Le médiateur doit présenter un bilan annuel de son activité à la commission inter-filières (article 6). Il doit également lui présenter un projet de rapport d’évaluation, qui sera ensuite adressé au « ministre chargé de l’environnement, au ministre chargé de l’économie et au Parlement au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation du dispositif de médiation » (article 7).  

Les associations de défense de l’environnement ne peuvent pas se constituer partie civile en cas de mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique

Cass. Crim., 8 septembre 2020, n° 19-85.004, F-P+B+I  

 

Par deux arrêts du 8 septembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation retient que les associations de défense de l’environnement ne sont pas recevables à se constituer partie civile pour mise en danger d’autrui, faute de pouvoir exciper d’un préjudice personnel.  

 

Dans la première espèce (19-84.995), deux associations s’étaient constituées partie civile pour mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique, dont l’une seulement avait déposé une plainte au préalable.  

En premier lieu, la Cour de cassation retient qu’une plainte ne peut bénéficier qu’à la personne qui l’a déposée personnellement et que ne peut se constituer partie civile que cette dernière ; l’association n’ayant pas déposé la plainte personnellement ne pouvait dès lors se constituer partie civile.  

En second lieu, la Cour retient que, pour être recevable à se constituer partie civile pour mise en danger d’autrui, une personne doit pouvoir exciper d’une exposition au risque d’atteinte à l’intégrité physique. Or, par essence, une association ne peut exciper d’un tel préjudice personnel. Elle ne peut dès lors se constituer partie civile.  

 

Dans la seconde espèce (19-85.004), une association avait déposé une plainte simple du chef de mise en danger d’autrui visant les carences des pouvoirs publics dans les actions susceptibles d’être menées pour lutter contre l’exposition de la population aux polluants atmosphériques. 

Dans cette espèce, la Cour retient que, si l’article L. 142-2 du Code de l’environnement permet aux associations agréées pour la défense de l’environnement de se constituer partie civile, ce texte est néanmoins d’interprétation stricte et ne s’applique qu’à la condition que l’infraction dénoncée relève de la liste limitative des infractions aux dispositions législatives relatives à la protection de l’environnement ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions ou les nuisances énumérées par cet article. Or le délit de mise en danger d’autrui s’attache à la protection des êtres humains et non pas à celle du cadre de vie, de la nature et de l’environnement, à savoir les domaines pour lesquels l’association en question a été agréée. Dès lors, elle ne peut pas se constituer partie civile.  

En outre, l’article 2 du Code de procédure pénale dispose que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par cette infraction. Comme précédemment, la Cour retient que, par essence, une association, personne morale, ne peut exciper d’une exposition à un risque d’atteinte à l’intégrité physique et donc d’un préjudice personnel causé par la pollution atmosphérique. Pour cette raison également, l’association ne pouvait se constituer partie civile.  

Lutte contre la pollution atmosphérique : détermination des critères obligeant les communes et EPCI à créer des zones à faible émission mobilité

Le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 a été adopté en application des dispositions de l’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui vise à lutter contre la pollution atmosphérique.  

Cet article prévoit la possibilité pour le maire ou le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-fp) disposant du pouvoir de police de la circulation, de créer des zones à faibles émissions mobilité dans les agglomérations et dans les zones pour lesquelles un plan de protection de l’atmosphère est adopté ou doit l’être, sur tout ou partie du territoire de la commune ou de l’EPCI. Ces zones à faibles émissions mobilité sont délimitées par un arrêté qui fixe les mesures de restriction de circulation applicables et détermine les catégories de véhicules concernés. 

Cette possibilité est même érigée en obligation, en application de ce même article, avec une mise en œuvre avant le 31 décembre 2020 lorsque les normes de qualité de l’air (mentionnées à l’article L. 221-1 du Code de l’environnement (C. env.)) ne sont pas respectées de manière régulière sur le territoire de la commune ou de l’EPCI.  

Il s’agira en outre, à compter du 1er janvier 2021, d’une obligation de création de dans un délai de 2 ans pour les communes et EPCI lorsque ces normes ne sont pas respectées de manière régulière et que les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements.  

Pour juger du respect de ces normes, l’article renvoie à l’établissement de critères définis par voie réglementaire. Le décret du 16 septembre 2020 établit ainsi les critères définissant les collectivités territoriales soumises à l’obligation d’instaurer une zone à faibles émissions mobilité, par l’intégration au CGCT des nouveaux articles D. 2213-1-0-2 et D. 2213-1-0-3.  

L’article D. 2213-1-0-2 établit que sont soumis à cette obligation les communes ou EPCI-fp dont le territoire est inclus en tout ou partie dans une zone administrative de surveillance de la qualité de l’air dans laquelle l’une des valeurs limites définies à l’article R. 221-1 du C. env., relatives au dioxyde d’azote (40 µg/ m³ en moyenne civile annuelle) ou aux particules PM10 (50 µg/ m³ en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de trente-cinq fois par année civile ou 40 µg/ m³ en moyenne annuelle civile) ou PM2,5 (25 µg/ m³ en moyenne annuelle civile), n’est pas respectée au moins 3 années sur les 5 dernières, sauf à démontrer que ces valeurs limites sont respectées pour au moins 95% de la population de la commune ou de l’EPCI concerné (cette dernière précision ne s’applique pas aux métropoles et à leurs communes). Par ailleurs, les communes ou EPCI démontrant que les actions menées sur leur territoire permettent d’atteindre les valeurs limites susmentionnées pour l’ensemble de la population dans des délais plus courts que ceux procédant de la mise en place d’une zone à faibles émissions mobilité, ne sont pas considérés comme dépassant de manière régulière les normes de qualité de l’air (sauf Métropoles et leurs communes) et ne sont donc pas soumises à cette obligation.  

L’article D. 2213-1-0-3, quant à lui, détermine les situations dans lesquelles les transports terrestres doivent être considérés comme étant à l’origine d’une part prépondérante des dépassements de valeurs limites, à savoir lorsque lesdits transports sont la première source des émissions polluantes ou lorsque les lieux concernés par le dépassement sont situés majoritairement à proximité des voies de circulation routière.  

Projet de décision de la CRE relative aux prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD de gaz

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a adopté un projet de décision portant sur les prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel (ci-après, GRD).  

Pour rappel, en complément de la mission d’acheminement du gaz naturel, les GRD exercent également des prestations annexes réalisées à titre exclusif à la demande principalement des fournisseurs et des consommateurs finals et rassemblées, pour chaque GRD, dans un catalogue de prestations.  

Le coût des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD de gaz naturel est : 

  • soit entièrement couvert par le tarif d’utilisation des réseaux (dit ATRD) ; la prestation n’est alors pas facturée au demandeur ; 
  • soit couvert en tout ou partie par le tarif de la prestation facturé par le GRD. La part du coût non couverte par le tarif de la prestation est couverte par l’ATRD. 

C’est la CRE qui est compétente pour fixer les tarifs de ces prestations (art. L. 452-2 et L. 452-3 du Code de l’énergie).  

Par ailleurs, les GRD de gaz naturel peuvent, dans le respect des principes du droit de la concurrence, proposer des prestations relevant du domaine concurrentiel, dont ils fixent librement le prix. 

En l’espèce, la délibération de la CRE du 3 septembre 2020 (dans la foulée de la consultation publique réalisée au printemps 2020) conduit aux évolutions suivantes, apportées aux prestations annexes actuellement en cours : 

  • Adaptation du contenu des prestations relatives à la pression disponible « standard » et « non standard » et de la prestation « Etude technique » ; 

  • Introduction de nouvelles prestations « Frais de dédit pour reprogrammation tardive », « Frais de dédit pour annulation très tardive » et « Frais de dédit pour reprogrammation très tardive », en tant que prestations optionnelles du tronc commun ; 

  • modification des prestations relatives à l’injection du biométhane dans les réseaux, notamment en : 
    • adaptant la description de la prestation « Réalisation de raccordement d’un producteur de biométhane » ; 
    • modifiant la prestation « Analyse de la qualité du biométhane » ; 
    • précisant une nouvelle plage de pression d’injection dans la prestation « Service d’injection de biométhane » ; 
  • pérennisation de la prestation expérimentale « Modification en masse du champ fournisseur Commentaire Point De Livraison et d’Acheminement (PDLA) » ; 
  • suppression de la prestation « Contrôle compteur avec compteur étalon » spécifique à Régaz-Bordeaux ; 

  • transfert des prestations relatives à la mise en service en gaz au sein des prestations du tronc commun pour lesquelles il n’existe pas d’équivalent en électricité, afin d’aligner les tarifs de l’ensemble des GRD bi-énergie sur ceux des GRD de gaz naturel mono-énergie. 

La délibération sera transmise pour avis au Conseil supérieur de l’énergie.  

Les modifications issues de ce projet de décision entreront en vigueur le 1er janvier 2021. 

Dommages causés aux parties communes à la suite de la rénovation d’une colonne montante électrique : présomption de responsabilité du GRD en l’absence d’état des lieux contradictoire préalable aux travaux

Dans une recommandation du 9 septembre, le Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) a eu l’occasion de préciser sa doctrine en matière de prise en charge des travaux de génie civil rendus nécessaires par la rénovation de la colonne montante électrique équipant un immeuble.  

Dans de précédentes recommandations, le MNE avait déjà posé le principe selon lequel ces travaux ne sont pas à la charge des propriétaires ou copropriétaires mais incombent bien au gestionnaire du réseau de distribution (GRD) (voir notamment le focus de notre lettre d’actualité énergie et environnement de février 2018). 

En l’espèce, le Médiateur était saisi par une copropriété qui estimait que le GRD qui avait réalisé des travaux de rénovation de la colonne montante n’avait pas achevé les travaux, des finitions restant à réaliser, et avait provoqué des dommages dans les parties communes de l’immeuble. Parmi les éléments reprochés par la copropriété à Enedis, figuraient notamment : des tâches dans la cour de l’immeuble, des bris de tomettes ou encore des finitions inachevées dégradant l’aspect esthétique des parties communes. 

Le GRD, d’une part, contestait être à l’origine des dommages constatés, et d’autre part, soutenait pour certains travaux que des raisons techniques expliquaient leur caractère inachevé. 

Le MNE estime cependant que, faute pour le GRD d’avoir réalisé un état des lieux contradictoire préalablement aux travaux, il lui incombe de prendre en charge les réparations sollicitées. 

Le MNE sollicite en outre du GRD qu’il produise les éléments de preuve des raisons techniques qu’il invoque pour refuser de réaliser certains travaux de finition. 

Le MNE recommande ainsi de manière générale au GRD d’établir un constat contradictoire de l’état des lieux, avant et après travaux, et, en l’absence de constat, de prendre en charge la réparation des détériorations dont il n’est pas mesure de démontrer qu’elles ne seraient pas de son fait. 

Ce faisant, le MNE considère que l’absence d’établissement d’un constat contradictoire préalable aux travaux génère une présomption de responsabilité du GRD dans les dégradations affectant les parties communes de l’immeuble. 

Projet de loi ASAP : le gouvernement veut simplifier le droit de la commande publique par amendements

 

Lors de l’examen du projet de loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (dit projet de loi « ASAP »), l’Assemblée Nationale vient de confirmer en première lecture l’absence de mise en concurrence pour un nombre croissant de marchés à conclure avec un avocat. Par ailleurs, elle vient d’adopter trois amendements gouvernementaux dont certains agitent le landernau de la commande publique. 

 

 

Pas de mise en concurrence pour les prestations d’avocat lorsqu’elles sont en lien avec une procédure juridictionnelle

Cette disposition avait déjà été adoptée par le Sénat mais elle constitue une avancée considérable dans la relation de confiance entre la personne publique et son avocat. En effet, pourront désormais être confiées à un avocat sans publicité ni mise en concurrence les prestations suivantes : 

  • Les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits ;

  • ​Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure.

Des ajouts fort opportuns pour répondre à la relation privilégiée, intuitu personae, qui est entretenue entre un acheteur public et son avocat en précontentieux et contentieux, et dont l’élargissement aux prestations de conseil pourraient être réinterrogées.

 

 

Faire de l’intérêt général un motif pour attribuer un marché sans mise en concurrence préalable (article 44 quater) 

Présentée ainsi, cette réforme paraît presque révolutionnaire. Elle ne l’est pas tant que ça en réalité. 

En effet, cet article vient seulement compléter l’article L. 2122-31 du Code de la commande publique de la façon suivante : 

« L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’Etat lorsque en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou à l’intérêt général ».

Il faudra donc démontrer, non seulement qu’il est d’intérêt général de ne pas procéder à une publicité et une mise en concurrence, mais encore que des circonstances particulières – telles que l’existence d’une procédure infructueuse, une urgence particulière ou l’objet du marché – le justifient.

L’intérêt général s’entend de ce qui dépasse l’intérêt particulier de la collectivité acheteur public. On peut penser à l’intérêt des usagers d’un service public ou des contribuables concernés, à l’intérêt (peut-être) de la conduite d’une politique nationale au-delà d’une politique non locale (la relance économique par exemple).

Par ailleurs, cette possibilité sera encadrée par les dispositions règlementaires. Or, les articles R. 2122-1 et suivants du Code de la commande publique viennent réduire considérablement le champ d’application de l’article L. 2122-31 du Code de la commande publique même si ceux-ci devraient être complétés sur cette question d’intérêt général. 

C’est donc essentiellement à la lecture de ce décret que nous saurons si l’intention est bien de « détricoter » ou seulement d’ouvrir un peu le champ des possibles en matière de conclusion de marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalable. Mais ce qui est certain, c’est que cette possibilité est désormais entre les mains du pouvoir exécutif. 

 

 

Faciliter l’accès des marchés aux entreprises en redressement judiciaire (article 44 quater) 

Cet amendement vient corriger une lacune du Code de la commande publique. En effet, jusque-là, à la seule lecture des textes, une société en redressement judiciaire qui bénéficiait d’un plan de redressement mais qui n’avait pas été habilitée à poursuivre ses activités pendant la durée du marché pouvait se voir exclure d’une procédure. 

Désormais, il suffira que cette entreprise démontre qu’elle est en situation de redressement judiciaire pour pouvoir participer aux procédures de publicité et de mise en concurrence préalables. 

Notons toutefois que si cette lacune textuelle était indéniable, elle avait été corrigée par la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considérait qu’une société devait être admise à une procédure dès lors qu’elle bénéficiait d’un plan de redressement qui ne limitait pas dans le temps la durée de l’activité de l’entreprise (CE, 19 janvier 2019, Société Dauphin Telecom, n° 421844). 

 

 

Favoriser l’accès aux petites et moyennes entreprises (article 44 quater)

Si cette disposition est définitivement validée, elle permettra aux acheteurs publics de prendre en compte la part accordée aux petites et moyennes entreprises dans les marchés globaux comme critère de sélection.

 

 

Faire entrer dans le champ de la commande publique les mécanismes mis en œuvre par l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19(article 44 quiquies)

L’objet de cette nouvelle disposition est de faire entrer dans le droit de la commande publique l’essentiel des mécanismes mis en œuvre dérogatoire au moment de la survenance de la crise du Coronavirus (modification des règles de mise en concurrence en cours de procédure, avenant de prolongation, exonération de responsabilité). Les dispositions portant sur l’indemnisation des cocontractants qui figuraient dans l’ordonnance n’ont pour leur part pas été reprises mais leur application résulte aussi de la jurisprudence administrative en la matière. 

Ces dispositions ne trouveront à s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles (notamment, une guerre, une épidémie ou une pandémie, une catastrophe naturelle ou une crise économique majeure). Et elles ne pourront être appliquées que si un décret vient en préciser les conditions d’application. A ce stade, notons que si les cas sont, pour l’essentiel, très réduits, l’hypothèse d’une « crise économique majeure » comporte une part de subjectivité.  

 

 

Faire entrer les avenants aux marchés publics conclus avant 2016 dans l’ère nouvelle des modifications des contrats

Il s’agit d’appliquer les nouvelles règles portant sur la modification des contrats (clauses de révision claires et inconditionnelles, modifications non substantielles,…) à l’ensemble des contrats de la commande publique conclus avant 2016. Ces règles s’appliquent déjà aux contrats conclus depuis 2016 au titre, soit des ordonnances et décrets « marchés » et « concession », soit au Code de la commande publique. Elles s’appliquaient également déjà aux concessions conclues avant 2016. Ce champ d’application s’élargit donc aux marchés publics conclus avant 2016. Cela en simplifiera la mise en œuvre.

 

En conclusion, le processus législatif en marche devra être surveillé. Car, comme souvent, les décrets d’application seront décisifs pour appréhender le champ de ces modifications. Mais l’intention de la simplification et du pragmatisme est déjà bien là.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Marion Terraux