le 03/12/2020

Protection des espèces : le projet du Charles de Gaulle (CDG) Express ne répond pas à des raisons impératives d’intérêt public majeur

TA Montreuil, 9 novembre 2020, Commune de Mitry-Mory, n° 1906180

Par une décision du 9 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil s’est prononcé sur le projet de liaison ferroviaire directe Charles de Gaulle (CDG) Express, devant relier la Gare de l’Est de Paris à l’aéroport Paris Charles de Gaulle, notamment sur les raisons impératives d’intérêt public majeur fondant l’octroi d’une dérogation à la protection des espèces protégées pour ce projet.

Le trajet du projet de CDG Express traversant la commune de Mitry-Mory, celle-ci a sollicité l’annulation de l’arrêté inter-préfectoral portant autorisation environnementale unique du CDG Express, en date du 11 février 2019. Cet arrêté portait notamment, au titre de l’article L. 411-2 4° du Code de l’environnement, dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux sites, aux espèces protégées ou à leur habitat.

Pour rappel, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit en effet de porter atteinte aux sites d’intérêt géologique, aux espèces animales ou végétales protégées ainsi qu’à leur habitat. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées selon des conditions cumulatives strictement définies à l’article L. 411-2 4° du Code de l’environnement. Il est ainsi nécessaire :

  • qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ;
  • que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • que la dérogation vise la protection d’un intérêt, l’octroi d’une dérogation étant notamment prévu dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

Dans sa décision commentée du 9 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a examiné si le CDG Express répondait à une raison impérative d’intérêt public majeur. Il est intéressant de relever que le juge s’appuie notamment sur le contexte économique et sanitaire actuel, lequel a entrainé une forte diminution de la fréquentation des aéroports, pour considérer que le CDG Express n’est pas justifié par une telle raison. Le juge énonce à cet égard que, « en l’absence de tout élément permettant, à la date du présent jugement, de regarder cette situation comme purement transitoire et conjoncturelle, il ne résulte pas de l’instruction qu’une reprise de la croissance du trafic aérien puisse être anticipée à la date prévisible de mise en service de l’infrastructure litigieuse ».

Le Tribunal administratif de Montreuil considère également qu’il n’est pas établi que la mise en place de la ligne du CDG Express apporterait une contribution significative au maintien de l’attractivité de Paris et de sa région, ni participerait à la réduction de la saturation du RER B, desservant actuellement l’aéroport Paris Charles de Gaulle, ou du trafic routier. Il est néanmoins indiqué qu’ « il ne peut être sérieusement contesté que le transfert modal de la route vers le rail constitue un intérêt public majeur ».

Le juge en conclut que le projet du CDG Express ne peut donc, au regard du changement de circonstances de faits lié à la crise sanitaire actuelle, être regardé comme « constituant une infrastructure indispensable, répondant, par conséquent, à des raisons impératives d’intérêt public majeur ».

Par conséquent, le juge prononce l’annulation partielle de l’autorisation environnementale, en tant qu’elle vaut dérogation à la protection des espèces protégées. Ainsi, l’arrêté préfectoral, en ce qu’il autorise les travaux menés au titre de la police de l’eau et vaut absence d’opposition à des travaux susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, n’est ni annulé ni suspendu dans le cadre de cette décision.