Fonction publique
le 31/08/2021
Lorène CARRÈRE
Benoît ROSEIRO
Vincent CADOUX

Pass sanitaire : les nouvelles règles s’imposant aux salariés et agents publics

Depuis le 30 août 2021 et au moins jusqu’au 15 novembre 2021, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire impose la présentation du pass sanitaire à 1,8 million de professionnels « travaillant dans les établissements où il est demandé aux usagers », a précisé le ministère du Travail.

Cette obligation sera étendue pour les salariés de moins de 18 ans à compter du 30 septembre 2021.

La liste de établissements concernés n’a cessé d’être modifiée depuis les différentes annonces sur le projet de loi sur le pass sanitaire et sa promulgation à travers la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire avec un dernier rebondissement lié à la publication le 27 août du décret du 26 août 2021 n° 2021-1118, excluant le secteur de la protection de l’enfance de cette obligation de présentation du pass sanitaire.

A cette liste des établissements concernés (1), il convient d’analyser les conséquences pour les salariés dans la mise en œuvre de ces nouvelles règles de présentation du pass sanitaire voire de l’obligation vaccinale (2) et les sanctions pour les employeurs et les salariés ne respectant pas ces mesures (3).

 

1) Les établissements concernés par l’obligation de présentation du pass sanitaire pour leur personnel

L’exigence d’un pass sanitaire s’applique aux salariés des établissements qui exigeaient un tel pass sanitaire aux participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers pour accéder aux établissements, lieux, services et évènements suivants :

  • les activités de loisirs : salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de concert et de spectacle, cinémas et salles d’exposition temporaire ; festivals ; évènements sportifs (manifestations sportives amateur en plein air), établissements sportifs clos et couverts ; établissements de plein air ; conservatoires et autres lieux d’enseignement artistique quand ils accueillent des spectateurs, à l’exception des professionnels et personnes engagées dans des formations professionnalisantes, bibliothèques (sauf universitaires et spécialisées), manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur ; salles de jeux, escape-games, casinos ; parcs zoologiques, d’attractions et cirques, fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ; chapiteaux, tentes et structures ;  navires et bateaux de croisière avec restauration ou hébergement ; évènement culturel, sportif, ludique ou festif organisé dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ;

 

  • les services et établissements de santé sociaux et médico-sociaux, à l’exclusion du secteur de la protection de l’enfance. Cette exclusion était sujette à débat car les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne présentaient pas une telle exception mais la position contraire de la Direction Générale de la cohésion sociale (DGCS) dans son instruction du 13 août 2021 n’a pas manqué de semer le trouble. Ce point vient d’être régler à 3 jours de son entrée en vigueur à travers le décret du 26 août 2021 n° 2021-1118 publié le 27 août excluant expressément ce secteur de la protection de l’enfance de l’obligation du pass sanitaire.

 

  • les activités de restauration commerciale ou de débit de boisson, à l’exception de la vente à emporter de plats préparés. La restauration collective d’entreprise, ainsi que la restauration professionnelle routière et ferroviaire, le service d’étage des restaurants et bars d’hôtels sont des services accessibles sans qu’il soit nécessaire de présenter un pass sanitaire.
    Le dernier Q/R du Ministère du travail précise pour les restaurant que
    « Dès l’instant où l’espace de cuisine n’est pas ouvert au public et que le personnel de cuisine n’intervient jamais aux heures d’ouverture dans les espaces ouverts au public, il n’est pas soumis au pass sanitaire. En revanche, dès l’instant où ces conditions ne sont pas réunies (cuisine ouverte, personnel de cuisine servant les plats en salle ou participant au service), le personnel de cuisine devra disposer d’un pass sanitaire valide comme tout salarié du restaurant intervenant auprès du public » ;

 

  • les foires et salons professionnels ainsi que, lorsqu’ils rassemblent plus de 50 personnes, les séminaires professionnels organisés en dehors de l’entreprise (où s’exerce l’activité habituelle);

 

  • les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sauf en cas d’urgence ne permettant pas l’obtention d’un pass. Cela concerne les transports publics aériens, les transports ferroviaires à réservation obligatoire et les services collectifs réguliers de transports routiers ;

 

  • les grands établissements et centres commerciaux dont la surface commerciale utile cumulée est supérieure ou égale à 20 000 m² sur décision de restriction prise par le préfet de département lorsque les caractéristiques de ces établissements et la gravité des risques de contamination le justifient. Les restrictions doivent toutefois garantir l’accès aux biens et services de première nécessité.

 

A ce titre, une série de jugements rendus par différents Tribunaux administratifs se sont prononcés sur les arrêtés des Préfets concernant la mise en place du pass sanitaire au sein des centres commerciaux. Cet abondant contentieux de ces derniers jours a abouti à des résultats partagés. Ainsi le Tribunal administratif de Versailles a suspendu les arrêtés du Préfet des Yvelines puis celui de l’Essonne au motif que des aménagements n’étaient pas prévus pour accéder aux commerces qui vendent des biens de premières nécessité » (TA de Versailles 24 et 28 août 2021 n° 2107184 et n° 2107186). Cependant, une autre série de décisions a validé les restrictions liées à l’exigence du pass sanitaire pris par les Préfets du Rhône et de la Seine Saint Denis au regard de « la situation sanitaire et de l’intérêt de la santé publique conte la propagation de l’épidémie de covid -19 » (TA Lyon du 28 août 2021 n° 2106797 et n° 2106798 ; TA Montreuil 27 août 2021 n° 2111642 et TA Montreuil n° 211748 du 30 août 2021).

 

Le ministère du Travail précise que l’obligation de présentation du pass sanitaire ne s’applique pas seulement aux salariés mais à tous ceux qui interviennent sur le site, à savoir les « bénévoles, prestataires, intérimaires et sous-traitants », sauf lorsque leur activité se déroule « dans des espaces non accessibles au public » ou « en dehors des horaires d’ouverture au public. » (Q/R du 9 août 2021 p.7).

 

2) Les obligations des salariés travaillant et ou intervenant dans les établissements concernés

Les salariés travaillant dans les établissements précités et étant dans un espace en contact avec le public ont l’obligation de présenter un pass sanitaire ou une obligation vaccinale pour les personnels des établissements de soins, médico-sociaux et sociaux listés à l’article 12 de la loi précitée du 5 août 2021.

  • Concernant l’obligation de présentation du pass sanitaire

Le pass sanitaire correspond à trois situations distinctes :

  1. Un schéma vaccinal complet obtenu à l’issue d’une délai nécessaire après l’injection finale, soit :
    • 7 jours après la 2e injection pour les vaccins à double injection (Pfizer, Moderna, AstraZeneca) ;
    • 28 jours après l’injection pour les vaccins avec une seule injection (Johnson & Johnson) ;
    • 7 jours après l’injection pour les vaccins chez les personnes ayant eu un antécédent de Covid (1 seule injection).

 

  1. La preuve d’un test négatif de moins de 72h.

Les tests valides sont les test RT-PCR, antigéniques et désormais les autotests sous la supervision de professionnels,

Les délais en vigueur pour la validité des tests de 72h au moment de l’entrée sur le site de l’événement.

 

  1. Le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

Les tests positifs RT-PCR ou antigénique de plus de 11 jours et moins de 6 mois (pris en compte à date) permettent d’indiquer un risque limité de réinfection à la Covid-19.

La validité du pass sanitaire implique le respect d’une procédure qui génère une preuve dès la saisie du résultat par le personnel de santé dans le Système d’Informations de DEPistage (SI-DEP). Ce résultat et le code QR afférent peuvent être imprimés ou mis à disposition du patient via un mail et un SMS pour aller la récupérer sur le portail SI-DEP ou bien en l’important sur TousAntiCovid.

Ce dispositif ne peut en l’état de la législation être suppléé par un autre mécanisme.  Ces derniers jours des attestations « sur l’honneur de résultat négatif d’autotest » sont apparues et ils ne peuvent être acceptées par l’employeur. Une telle attestation n’est aucunement reconnue par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret afférent n° 2021-1059 du 7 août 2021 qui précise que l’autotest doit être réalisé sur la supervision d’un professionnel de santé et aboutir à la saisie sur SI-DEP.

 

  • Concernant l’obligation vaccinale

Depuis le 9 août 2021, les personnels des établissements de soins, médico-sociaux et sociaux listés à l’article 12 de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire du 5 août 2021 et précisé par décret du 26 août 2021 n° 2021-1118 publié le 27 août 2021, devront obligatoirement être vaccinés, sauf contre-indication médicale.

Cette obligation connait des aménagements jusqu’au 15 octobre prochain détaillé dans le Q/R du Ministère du travail , à savoir :

    • Du 9 août au 14 septembre 2021 inclus, les personnels concernés devront présenter un pass sanitaire conformément aux dispositions de droit commun précités.

 

    • Entre le 15 septembre et le 15 octobre inclus, une période transitoire est prévue par la loi. Lorsque le salarié a justifié d’une première dose de vaccin, il pourra continuer à exercer son activité à condition de présenter le résultat négatif d’un test virologique.

 

    • À compter du 16 octobre 2021 , les personnes concernées devront justifier, auprès de leur employeur, avoir un schéma vaccinal complet ou ne pas y être soumises en raison de contre-indication médicale ou d’un rétablissement après une contamination par le COVID-19.

Le Ministère du travail a précisé que les salariés intervenant pour des tâches ponctuelles dans ces établissements échappent à l’obligation vaccinale (QR p. 9). Ces derniers devront respecter l’ensemble des gestes barrières (QR p. 10). Une tâche ponctuelle est définie comme celle qui n’est pas liée à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les travailleurs effectuant ces tâches n’exercent pas leur activité en lien avec le public. Cela peut concerner une simple réparation ou encore une livraison sur le site. En revanche, ne sont pas des tâches ponctuelles les services de nettoyage.

Les dispositions relatives à l’obligation vaccinale s’imposant aux employeurs et aux salariés selon les dispositions légales, le Ministère du travail précise qu’il n’y a pas d’obligation à les intégrer au règlement intérieur (QR p. 11).

 

  • La régularisation de la situation du personnel

En l’absence de pass sanitaire, les salariés, stagiaires et les agents publics : « bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19.autorisation d’absence pour se faire vacciner sur (son) temps de travail avec maintien de (sa) rémunération ». (Art. 17 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire).

Le Q/R du Ministère du travail précise que si aucune durée maximale n’est fixée, celle-ci dépendant du temps nécessaire pour le salarié pour se rendre sur le lieu de vaccination où il a pu obtenir un rendez-vous. La durée d’absence devra toutefois être raisonnable au regard du temps de déplacement nécessaire, soit depuis le domicile du salarié, soit depuis son lieu de travail.

Ce dispositif d’absence rémunérée est réservé à la seule vaccination. Il n’y a aucune autorisation d’absence et encore moins un temps d’absence rémunérée pour les tests.

 

3) Les modalités de contrôle du pass sanitaire par l’employeur

Le Ministère du travail précise que c’est « l’employeur » qui « doit procéder à la vérification du respect » de l’obligation par le salarié. En cas de non-contrôle du pass sanitaire, l’entreprise risque en premier lieu une mise en demeure. En l’absence de régularisation sous 24 heures, l’employeur encoure un risque d’une fermeture administrative jusqu’à sept jours, puis une condamnation pouvant atteindre 9 000 euros d’amende en cas de récidive.

Par ailleurs c’est l’employeur qui est chargé de contrôler ses employés. Il lui revient « d’habiliter nommément les personnes autorisées à contrôler les justificatifs pour leur compte. Ils doivent également tenir un registre détaillant les personnes ainsi habilitées et la date de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes » conformément au Q/R ministère du Travail.

 Dans chaque entreprise, « un référent » doit être désigné afin de faire respecter l’ensemble du protocole sanitaire. Dans les petites entreprises, c’est le dirigeant qui pourra s’en charger.

 

  • Une procédure dérogatoire d’information/consultation du CSE

Conscient que ces obligations de contrôle du pass sanitaire et de vaccination affectent l’organisation des entreprises et organismes, le Législateur a expressément prévu une procédure d’ information et consultation spécifique des représentants du personnel du comité social et économique (CSE) dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Eu égard au bref délai laissé à l’employeur, celui-ci devant procéder à ces contrôles dès le 10 août dernier pour les usagers et clients de son établissement, les modalités de consultation ont été aménagées pour que l’employeur puisse agir sans tarder et consulter le CSE après la mise en place de ces mesures de contrôle.

Dans le cadre du Q/R du Ministère du Travail sur le pass sanitaire publié le 9 août et mis à jour le 18 août 2021, il est indiqué que si les mesures de contrôle ayant été normalement mises en place le 10 août avec une information « sans délai », la consultation devrait être formalisée d’ici le 10 septembre 2021.

 

  • La nature de l’information consultation du CSE concernant le contrôle du pass sanitaire

L’information et consultation du CSE sur le contrôle du pass sanitaire a pour objectif principal de préciser :

    • La détermination des salariés dans l’établissement soumis à l’obligation de disposer d’un « pass sanitaire » ou d’une vaccination complète pour le secteur médico-social  (Q/R p.5 à 8);

 

    • La détermination des salariés qui assureront le contrôle des pièces justificatives (Q/R p.12).

 

Le protocole sanitaire en entreprise insiste sur le fait que « les employeurs doivent porter une attention particulière aux salariés chargés de vérifier la validité du passe sanitaire en adaptant en tant que de besoin l’évaluation des risques aux difficultés spécifiques liées à cette activité et en apportant à ces salariés l’accompagnement adapté pour faire face aux difficultés éventuelles. Ces mesures sont prises dans le cadre habituel fixé par l’article L. 4121-3 du Code du travail »

Il s’agit donc de prendre en compte les difficultés que peuvent rencontrer ces salariés dans l’exercice de ce contrôle. L’actualité a fait état de plusieurs faits divers sur les réticences, voire l’agressivité à l’encontre du personnel astreint à cette obligation de contrôle.

 

    • Les modalités des contrôles du public, des usagers et du personnel (Q/R p12 à 14).

 

Il convient de préciser les outils mis à disposition pour assurer ces contrôles, tel l’usage de smartphone pour la lecture des QR Code (téléphone professionnel / personnel).

 

Pour le contrôle du personnel, l’employeur ne pouvant pas conserver le QR Code, un dispositif de conservation du résultat de l’opération de vérification doit être mis en place.

 

Il convient de noter que la Direction générale du travail a précisé que les inspecteurs du travail ne sont pas compétents pour contrôler la façon dont les employeurs et responsables des sites appliquent les obligations liés à la présentation du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale qui relèvent de la politique de santé publique  (Note interne de la DGT du 11 août 2021).

Ils restent toutefois compétents pour s’assurer que la procédure d’information et la consultation du CSE a bien eu lieu, que les principes généraux de prévention devant figurer dans le protocole sanitaire en entreprise et des règles de prévention des risques biologiques sont bien respectées.

Par ailleurs, les inspecteurs du travail ne sont pas soumis à la présentation du pass sanitaire ou à l’obligation vaccinale pour assurer leur contrôle quand bien même ils interviendraient dans les établissement astreint à une telle obligation.

 

 

4) La gestion des salariés refusant de s’astreindre à l’obligation du vaccinal ou de présentation du pass sanitaire

Si des salariés concernés par la présentation d’un pass sanitaire refusent de le faire, le législateur a prévu plusieurs mesures dont l’articulation et l’issue d’un potentiel licenciement demeurent incertaines.

 

  • Suspension du contrat de travail immédiate à défaut de prise de congés par le salarié

L’article 1er de la loi du 5 août 2021 précise que le salarié soumis à l’obligation du pass sanitaire « ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés , ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail ».

Il apparait donc que face à un salarié ne présentant pas de pass sanitaire, l’employeur doit échanger avec lui sur la possibilité immédiate de prise de jours de congés ou à défaut le contrat de travail est immédiatement suspendu. Cette prise de congés ne peut être imposée par l’une des parties.

Le Ministère du travail a précisé que la suspension du contrat de travail ne vaut que pour les lieux pour l’accès desquels ces justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux (QR p. 20).

Pour les salariés en CDD, la suspension du contrat ne reporte pas l’échéance du contrat, conformément à l’article L. 1243-6 du Code du travail (QR p. 21).

Un telle suspension du contrat de travail reste toutefois sans effet sur le mandat du représentant du personnel. Ce dernier continuera d’exercer ses mandats. Pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations sanitaires, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment en facilitant les échanges à distance (QR p. 21).

Cette suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption de la rémunération. Cette situation prend fin dès que le salarié produit les justificatifs nécessaires à l’exercice de ces fonctions.

Le salarié, qui voit sa rémunération suspendue au regard du défaut de son obligation vaccinale, doit bénéficier du maintien des garanties de protection sociale complémentaire (Loi du 5 août 2021 article 14, II, alinéa 2). Un tel maintien soulève de nombreuses questions sur la charge du financement répartie entre l’employeur et le salarié avec le recouvrement de cette cotisation salariale sur un bulletin de paie potentiellement négatif en l’absence de salaire versé. Cela revient à demander à l’employeur d’assurer l’avance de cette contribution due par son salarié. 

 

  • L’organisation d’un entretien au-delà d’une suspension de trois jours

L’article 1er de la loi du 5 août 2021 précise que si la suspension se « prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation ».

Les dispositions légales ou précisions ministérielles ne font état d’aucune disposition particulière s’agissant des modalités de convocation du salarié à cet entretien.  Le Q/R se limite à faire état d’un conseil de sécuriser la procédure pour éviter toute contestation de forme en convoquant le salarié. Dès lors,  en pratique la notification d’une convocation écrite par courrier recommandé passé le troisième jour implique dans les faits un entretien ne pouvant avoir lieu avant le sixième jour au regard des délais postaux.

 

  • L’hypothèse d’une nouvelle affectation du salarié et avenant au contrat de travail

L’employeur doit envisager la possibilité d’une affectation à des tâches qui ne nécessitent pas la présentation du pass, donc pas de contact avec le public.

Si une telle modification de l’affectation s’avère possible,  il convient de voir si elle modifie le contrat de travail (baisse de la rémunération, , changement de classification). Le cas échéant, elle devra être consolidé par un avenant signée par le salarié. Si cette affectation ne porte que sur un changement des conditions de travail, il est simplement conseillé de notifier par écrit les modifications de l’affectation du salarié pour information (QR p. 22).

Cette affectation sur un autre poste du salarié refusant de présenter un passe sanitaire ou de satisfaire à l’obligation vaccinale est présentée comme une simple faculté pour l’employeur. Cependant, cette faculté s’apparente à une obligation puisque le Ministère du travail précise que « tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte » (QR p. 23).

 

  • Le Placement en télétravail

Le QR du Ministère du travail indique que si l’employeur ne peut pas en principe imposer le télétravail, dans ce cadre d’urgence sanitaire « comme actuellement et jusqu’au 15 novembre, l’employeur peut imposer à son salarié de télétravailler un certain nombre de jours par semaine si ses activités sont éligibles à ce mode de travail » (QR p. 23).

La solution du télétravail parait peu opportune puisque les obligations liées à la présentation du pass sanitaire concernent principalement les fonctions ayant un contact avec le public soit les postes les moins propices à une organisation à distance.

Il convient également de noter que pour le personnel de santé soumis à l’obligation vaccinale, le FAQ du Ministère des solidarités et de la santé en date du 18 août 2021 indique qu’il « n’y a pas de distinction pour les personnes en télétravail, donc l’obligation vaccinale leur est applicable ».

Il y a ici une contradiction avec l’obligation vaccinale qui ne concerne légalement que les personnes « exerçant leur activité dans les établissements ». Face à cette incertitude, l’employeur pourrait se limiter à privilégier la suspension du contrat.

En pratique, si le télétravail peut limiter la désorganisation de son service, il semble opportun de favoriser cet aménagement en privilégiant la position développée par le Ministère du travail.

 

  • L’incertitude d’un licenciement sanctionnant l’absence de pass sanitaire

Le Questions-réponse du 9 août prévoit que, après échec de ces différentes procédure de régularisation, « à l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer ».

Il n’est pas expressément fait état de la possibilité d’un licenciement car le sujet est discuté et a fait l’objet d’importants débats lors des discussions parlementaires.

La Ministre du travail, soutenue par une partie de la doctrine, affirme que cette possibilité d’un licenciement existe. Ses opposants rappellent que le Parlement a expressément rejeté dans le projet de loi, la création d’un motif de licenciement sui generis et de surcroît le Conseil constitutionnel s’est fondé sur cette suppression pour censurer la disposition de la loi prévoyant la rupture anticipée des CDD et des contrats de mission.

Dès lors, s’il doit être renvoyé au droit commun du licenciement, il convient de prendre en compte les possibilité de licenciement en caractérisant le trouble occasionné au sein de l’entreprise et non pas uniquement du service occupé par le salarié (Cass. Soc., 26 juin 2018, n° 15-28.868).

Cette désorganisation est à rapprocher au situation où un employeur licencie un chauffeur qui ne dispose plus de son permis de conduire ou d’un salarié qui est incarcéré à la suite d’une condamnation pénale.

En pratique, l’employeur devra démontrer la désorganisation de son entreprise pendant cette absence présentée comme temporaire jusqu’au 15 novembre 2021. Cette situation implique de pouvoir démontrer qu’il n’a pas pu recourir à un contrat durée déterminée pour assurer le remplacement de son employé, que la réorganisation de son service, la nouvelle affectation du salarié ou encore la mise en place du télétravail n’ont pas été possibles ou concluantes.

Le renvoi au droit commun du licenciement n’offre pas de sérieuses garanties en cas de contentieux face à cette situation inédite d’une suspension temporaire du contrat de travail.

 

 

Pour la fonction publique, le flou persiste dans la mise en œuvre des dispositifs sanitaires

 

Le dispositif d’obligation vaccinale et de pass sanitaire s’impose pour l’essentiel selon les mêmes règles que celles applicables aux salariés, décrites ci-dessus : l’obligation vaccinale s’impose aux professionnels désignés par les textes, sans considération du statut de salarié ou d’agent public. La présentation d’un pass sanitaire valide s’impose en revanche au titre de l’établissement dans lequel les agents publics exercent leurs fonctions, qu’il soit de nature publique ou privée.

 

Le dispositif de suspension, à défaut pour l’agent d’avoir satisfait à ses obligations vaccinales ou sanitaires, est rédigé à l’identique de celui des salariés et s’impose donc selon les mêmes modalités : la suspension sans rémunération est impérativement adoptée par l’administration employeur lorsque l’agent ne justifie pas satisfaire à ses obligations sanitaires ou vaccinales. La possibilité d’un changement d’affectation temporaire doit également être examinée par l’administration pour les agents ne justifiant pas d’un pass sanitaire après trois jours de suspension (Article 1er, C.-2 de la loi du 31 mai 2021). Ceux concernés par l’obligation vaccinale restent en revanche suspendus et sans rémunération jusqu’à ce qu’ils s’y soient conformés (cf. Article 14, III de la loi du 5 août 2021).

 

Deux incertitudes importantes pèsent en revanche déjà sur les employeurs publics en particulier et peuvent être relevées :

 

  • D’une part, le régime de suspension créé par les textes précités étant un régime spécifique, qui n’est pas rattaché, notamment, à celui de la suspension disciplinaire prévu à l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, on ignore de quelle façon la suspension « sanitaire » s’articulera avec les droits à congés de maladie. L’agent en congé de maladie au moment de l’entrée en vigueur de l’obligation sanitaire peut-il, et doit-il, faire l’objet d’une suspension ? Surtout, l’agent suspendu produisant un arrêt de travail doit-il être placé en congé de maladie et sa rémunération rétablie ? Aucune réponse n’a pour l’heure été communiquée par les instructions et circulaires publiées.
  • D’autre part, alors que, comme mentionné plus haut, un processus clair a été défini pour les employeurs quant à leur obligation de consultation des institutions représentatives du personnel privés (consultation un mois après la mise en place des dispositifs), les textes demeurent silencieux sur ce point pour les employeurs publics, et les instructions et circulaires publiées n’en font pas davantage : la circulaire du 10 août 2021 émise par la DGAFP se borne ainsi à indiquer que : « l’attention des employeurs publics concernés est également appelée sur la nécessité d’entretenir un dialogue social régulier avec les organisations syndicales représentatives ». De même, le « questions / réponses à l’attention des employeurs et des agents publics », mis à jour sur ce point le 10 août 2021, en réponse à la question « La mise en place du contrôle du pass sanitaire nécessite-t-elle de consulter les organisations syndicales représentatives ? » donne une réponse similaire et malheureusement avare de précisions sur les obligations des employeurs. Ils « sont invités à entretenir un dialogue social régulier avec les organisations syndicales représentatives siégeant dans l’organisme consultatif compétent sur la mise en place opérationnelle de ce nouveau dispositif et dans le respect de leurs compétences en matière de consultation ».

 

Alors qu’à la lecture des textes, une consultation du comité technique comme du CHSCT devrait a priori s’imposer aux employeurs publics, rien ne leur permet de savoir comment satisfaire à cette obligation compte tenu du calendrier serré imposé par les textes pour la mise en place du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale. Faut il considérer cette formalité impossible et l’administration dispensée totalement de la respecter, ou rechercher une consultation la plus rapide possible, y compris postérieurement à la mise en place des dispositifs de contrôle sanitaire ? Quelles conséquences d’une éventuelle carence sur ce point sur les mesures qui seront prise à l’encontre des agents publics défaillants ?

 

Le flou important qui pèse sur les obligations des employeurs publics dans cette nouvelle phase des mesures sanitaire appliquées aux ressources humaines depuis le début de la crise se maintient donc. Déjà pendant le mois d’août, alors que les textes et plusieurs acteurs du secteur établissaient que l’obligation vaccinale s’imposait aux personnels des crèches, la DGCL a publié, deux jours après l’entrée en vigueur de l’obligation, une mise à jour de sa circulaire, excluant ces personnels de l’obligation vaccinale. L’interprétation reste à ce jour douteuse et qui devra attendre la confirmation des juridictions, naturellement non liées par une publication dont la valeur juridique reste très incertaine malgré l’importance qui lui a été accordée depuis le début de la crise.

 

L’administration-employeur continue donc de naviguer à vue dans le brouillard des dispositifs sanitaires.

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Article écrit par Benoit Roseiro, avocat directeur. 

Focus sur la fonction publique rédigé par Lorène Carrère, avocate associée  &  Vincent Cadoux, avocat à la cour.