Le Tribunal judiciaire de Lille a rendu le 1er septembre 2024 un jugement condamnant une communauté urbaine, une Commune, un office de tourisme et une agence de développement économique, en contrefaçon de droits d’auteur.
En l’espèce, un artiste a réalisé en 2014 une œuvre appelée « Réfléchir », en recouvrant d’éclats de miroirs l’un des blockhaus historiques situé sur des plages du débarquement.
Reprochant aux différentes collectivités, office de tourisme et agence de développement économique, d’avoir exploité commercialement son œuvre en la reproduisant sur des supports de communication entre 2015 et 2020, l’artiste les a mis en demeure, le 11 août 2020, de payer une somme indemnitaire de 300.000 euros, avant de saisir le juge des référés.
Ce dernier estimant n’y avoir lieu à référé, a renvoyé les parties à se pourvoir au fond. L’artiste a ensuite assigné les défendeurs devant le Tribunal judiciaire de Lille aux fins de condamnation en réparation du préjudice du fait de l’exploitation illicite de l’image de son œuvre.
1. Sur le fond, le Tribunal judiciaire a tout d’abord reconnu l’originalité de l’œuvre considérée comme empreinte de la personnalité de son auteur, et ainsi sa protection au titre du droit d’auteur.
Le Tribunal a rappelé que la protection du droit d’auteur dépend du seul caractère original de l’œuvre, et non de son caractère licite, tout en rappelant également que la jurisprudence reste attentive aux circonstances entourant la création notamment lorsque l’artiste ne dispose pas des autorisations nécessaires pour réaliser son œuvre. Sur ce point, le Tribunal a relevé que le maire de la Commune sur laquelle est située l’œuvre « Réfléchir » ne s’était pas opposé au principe de son installation, émettant de simples réserves en matière de sécurisation du site et de régularisation d’une déclaration de travaux.
2. Pour se défendre, les collectivités, l’office de tourisme et l’agence de développement économique, se sont prévalues de deux exceptions à l’autorisation de l’auteur requise pour toute exploitation de son œuvre :
- L’exception d’exploitation de l’œuvre dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur (article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle) ;
- L’exception jurisprudentielle d’exploitation d’une œuvre lorsqu’elle est accessoire au sujet principal traité.
Le Tribunal a rejeté la première exception car les représentations de l’œuvre sur les supports de communication des défendeurs ne s’inscrivent pas dans un but d’information immédiate mais dans une démarche de promotion du territoire.
Il a rejeté la seconde exception soulevée par les défendeurs, au motif que l’œuvre représentée sur les supports de communication litigieux n’apparaissait pas comme accessoire, étant au contraire mise en avant.
3. Les différents éléments pris en considération en matière d’évaluation du préjudice dans le cadre d’une contrefaçon de droit d’auteur, rappelés par l’article L. 331-3 du Code de la propriété intellectuelle, sont les suivants :
- Les répercussions économiques sur l’auteur (pertes et manques à gagner) ;
- Le préjudice moral de l’auteur ; Et
- Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte.
En l’espèce, le Tribunal judiciaire de Lille, soulignant les heures de travail passées par l’artiste à la création de son œuvre et le succès de cette dernière, a ainsi condamné les défendeurs à payer chacun une somme distincte, située entre 3.000 et 10.000 euros.
Ce jugement rappelle que ce n’est pas parce qu’une œuvre se situe sur le territoire d’une collectivité que celle-ci peut librement éditer des cartes postales la représentant. Pour ce faire, si l’œuvre est originale et n’est pas tombée dans le domaine public, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de son auteur ou de ses ayants droit. Comme tant d’autres, ce jugement ne permet en revanche pas d’appréhender de manière suffisamment précise les méthodes de calcul de préjudice en la matière.