Droit pénal et de la presse
le 07/02/2023
Matthieu HÉNON
Michaël GOUPIL
Badreddine HAMZA

Loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression

Loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression (1)

Dans un contexte de hausse constante des infractions commises à l’encontre des élus de la République, et dans le prolongement de la mise en œuvre d’une politique pénale prioritaire concernant ce type de faits[1], une importante Loi n°2023-23 du 24 janvier 2023 vient de paraitre au journal officiel : elle vise à conforter l’action des Parquets en renforçant et en étendant la possibilité offerte aux associations d’élus d’agir devant les Juridictions pénales comme parties civiles, au titre d’agressions commises sur des élus.

Concrètement, cette loi vient modifier l’article 2-19 du Code de procédure pénale qui prévoyait déjà, mais un cadre restreint, la possibilité pour certaines associations d’élus. Dans sa nouvelle version, le texte dispose désormais que :

« En cas d’infractions prévues aux livres II ou III du code pénal, au chapitre III du titre III du livre IV du même code ou par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse commises à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public en raison de ses fonctions ou de son mandat, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, si l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée, et avec l’accord de cette dernière ou, si celle-ci est décédée, de ses ayants droit :

1° Pour les élus municipaux, l’Association des maires de France, toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association départementale qui lui est affiliée ;

2° Pour les élus départementaux, l’Assemblée des départements de France ainsi que toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

3° Pour les élus régionaux, territoriaux et de l’Assemblée de Corse, Régions de France ainsi que toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

4° Au titre d’un de ses membres, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée.

Il en est de même lorsque ces infractions sont commises sur le conjoint ou le concubin de l’élu, sur le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, sur les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile, en raison des fonctions exercées par l’élu ou de son mandat.

Toute fondation reconnue d’utilité publique peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que les associations mentionnées au présent article ».

Longtemps limité à quelques associations et aux seuls élus municipaux victimes d’« injures, outrages, diffamations, menaces ou coups et blessures, à raison de leurs fonctions », le champ d’application du nouvel article 2-19 du Code de procédure pénale se trouve ainsi considérablement étendu :

  • Quant aux infractions concernées, qui couvre désormais l’ensemble des crimes et délits contre les personnes (livre II du Code pénal), les crimes et délits contre les biens (livre III du Code pénal), les atteintes à l’administration publique commises par les particuliers (Livre IV, Titre III, ch. III du même Code), ainsi que les infractions de presse issues de la loi du 29 juillet 1881, lorsqu’elles auront été commises à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public en raison des fonctions ou du mandat ;
  • Quant aux entités recevables à agir, pour s’étendre au-delà des associations d’élus municipaux qui ne sont plus seuls concernés par ce dispositif :
    • Si la victime est un élu municipal : l’Association des Maires de France, les associations nationales reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, ainsi que les associations départementales d’élus qui y sont affiliées
    • Si la victime est un élu départemental : l’Assemblée des départements de France, les associations nationales reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, ainsi que les associations départementales d’élus qui y sont affiliées
    • Si la victime est un élu régional : l’association Régions de France, les associations nationales reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, ainsi que les associations départementales d’élus qui y sont affiliées

Par ailleurs, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou une collectivité territoriale sera recevable à se constituer partie civile, lorsque que « l’un de [ses] membres » sera victime de l’une des infractions précédemment énumérées.

Ces entités pourront désormais exercer l’action civile au titre des infractions précitées dont un élu ou l’un de ses « membres » serait personnellement victime, mais également son conjoint, son concubin, son partenaire de PACS, ses ascendants ou descendants en ligne directe ou toute autre personne vivant habituellement à son domicile.

Principale limite posée, cette action ne pourra être opérée que par voie d’intervention, le texte la subordonnant à l’existence de poursuites préalablement mises en œuvre par le Parquet ou l’élu concerné.

En tout état de cause, l’action ne pourra être reçue qu’après avoir obtenu l’accord de l’élu lésé (ce qui était déjà le cas en 2016) ou du « membre » lésé, ou de leurs ayants droits s’il est décédé).

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[1] Voir notamment la circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, http://www.presse.justice.gouv.fr/art_pix/2020.07.09%20-%20Circulaire%20PP%20Elus.pdf