Economie sociale et solidaire
le 14/04/2023
Audrey LEFEVRE
Sara BEN ABDELADHIM
Donya BURGUET

Financements des associations

Règl. (UE) 2021/1057 du 24 juin 2021 instituant le Fonds social européen plus (FSE+) et abrogeant le règlement (UE) n° 1296/2013

1. Financements publics

Nous n’avions pas fait mention, dans notre précédente LAJ consacrée à l’ESS, de ce dispositif de financement européen. Nous rattrapons cet oubli, ce dispositif représentant une réelle opportunité pour les l’ensemble des structures de l’ESS.

Les entreprises de l’ESS étant fondées sur le principe de la recherche d’une utilité sociale et d’une solidarité, celles-ci se trouvent tout à fait alignées avec les priorités de la programmation 2021-2027 du Fonds social européen plus (FSE+), qui intègre en un seul instrument l’ancien Fonds social européen, l’Initiative pour l’emploi des jeunes, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Programme de l’UE pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI).

Ainsi, le programme national FSE+ piloté par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) soutenu par les régions et l’Etat constituera un appui essentiel aux structures de l’ESS tant au niveau régional que national (grâce à la complémentarité de l’action des régions et de l’Etat).

De plus, et bien entendu, le FSE+ a vocation à soutenir les porteurs de projets sur l’ensemble des thématiques intéressant l’ESS (inclusion professionnelle et sociale, insertion des jeunes, renforcement des compétences, aide matérielle, etc.).

2. Mécénat et secret des affaires

Publication du Baromètre du mécénat d’entreprise en France, Admical, 2022

CADA, avis n° 20216119, 16 déc. 2021

TA Paris, 22 avr. 2022, n° 2019033/6-1

Depuis 2010, les chiffres du mécénat d’entreprise ne cessent de monter, passant de 984 millions € en 2010 à 2 298 millions €. Parallèlement, le nombre d’entreprises a été multiplié par 3,8 depuis 2010.

On comprend de ces chiffres, publiés par l’Admical, que la stratégie de mécénat des entreprises entre désormais de plus en plus dans la stratégie globale de développement des entreprises.

Pour autant, tant la CADA que le juge administratif ont estimé récemment que les conventions de mécénat ne sont pas qualifiables de secret des affaires et constituent en conséquence des documents administratifs communicables au sens des articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

En effet, les documents détenus par les personnes soumises à l’obligation de communication des documents administratifs ont la possibilité de refuser cette communication s’agissant des documents revêtant des informations révélant des secrets d’affaires.

En l’espèce, dans l’affaire portée devant le Tribunal administratif de Paris, la fondation de coopération scientifique Paris Sciences et Lettres avait été confrontée à cette question face à une demande de communication d’une convention de mécénat conclue avec la société Foncia Groupe. Estimant que la convention comme relevant du secret des affaires, elle l’avait communiquée en occultant les informations relatives au montant total du don de Foncia Groupe et à sa répartition annuelle entre 2019 et 2023.

Les juges ont censuré cette décision, considérant que de telles informations ne pouvaient relever du régime du secret des affaires, en raison de l’absence de toute valeur commerciale, condition de qualification du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce.

La CADA n’avait pas dit autre chose, en 2021, lorsqu’elle a relevé que « si les opérations de mécénat peuvent constituer, pour le mécène, un élément de communication et contribuer à sa stratégie de notoriété, elles consistent en premier lieu à faire un don, en numéraire ou en nature, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. Régies par une ʺintention libéraleʺ, elles ne revêtent donc pas le caractère d’une opération commerciale et ne peuvent être regardées comme participant d’une telle stratégie. La commission note également que le montant des dons opérés ne relève pas du secret des informations économiques et financières, lequel couvre les renseignements relatifs à la situation économique d’une société, à sa santé financière et à l’état de son crédit, ce qui inclut l’ensemble des informations de nature à révéler le niveau d’activité ».

Ces deux décisions sont ainsi l’occasion pour la CADA et le juge administratif de rappeler que le mécénat est et doit rester un soutien apporté à une œuvre ou un organisme d’intérêt général, sans contrepartie, ce qui l’exclut de facto de la stratégie commerciale des entreprises.

3. Levée de fonds citoyenne

Afin d’illustrer ce moyen de financement, nous évoquerons ici l’initiative lancée par le réseau de coopératives Les Licoornes.

Ce réseau rassemble 9 SCIC qui se sont rassemblées en 2021 afin de renforcer la coopération entre ces acteurs majeurs de l’Economie Sociale et Solidaire pour la transition vers un modèle économique alternatif. Cette alliance a pris la forme d’une association nommée « Les Licoornes », en opposition aux « licornes », ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars et symboles d’un capitalisme à la forte croissance économique.

Les Licoornes se proposent ainsi en tant qu’alternative avec l’objectif commun de construire un nouveau modèle économique, en proposant des solutions soutenables, durables, démocratiques et ouvertes. Les 9 SCIC membres des Licoornes sont :

  • La Nef, une banque pour financer exclusivement des projets ayant une utilité sociale, écologique et/ou culturelle ;
  • Enercoop, un fournisseur d’électricité verte, locale et citoyenne avec une logique de circuit-court ;
  • Mobicoop, une plateforme de covoiturage pour une mobilité partagée, plus solidaire et écologique ;
  • Label Emmaus, un site d’e-commerce exclusivement alimenté par les acteurs du Mouvement Emmaüs et ses partenaires de l’économie sociale et solidaire ;
  • Railcoop, un opérateur ferroviaire de passagers et de marchandises ;
  • Telecoop, un opérateur télécom engagé dans la transition écologique et solidaire ;
  • Coopcircuits, une plateforme pour vendre et acheter en circuit court des produits locaux, artisanaux, direct producteur, biologiques, éthiques ;
  • Commown, un fournisseur d’appareils électroniques éco-conçus, et de services pour lutter contre l’obsolescence programmée ;
  • Citiz, un réseau d’autopartage de véhicules.

Ce rapprochement a notamment vocation à donner de la visibilité à ces 9 SCIC, et à populariser le principe de la coopérative.

En juin 2022, les Licoornes ont lancé une levée de fonds citoyenne en proposant de souscrire à des parts sociales pour devenir sociétaire de leurs coopérative, ces parts sociales étant non cotées en bourse. Contrairement au modèle traditionnel de l’actionnariat, la coopérative permet à chaque personne de d’obtenir une voix dans la prise de décision en assemblée générale selon le principe « une personne, une voix ». Au total, plus de 460.000 euros ont été collectés, ventilés entre les neuf SCIC[7].

En se développant grâce à ces nouveaux sociétaires, les Licoornes incarnent la possibilité d’une autre économie entend proposer un modèle de société écologique, solidaire et démocratique.

Alors que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)[8] ont vu, de manière spectaculaire, leur nombre doubler ces 5 dernières années, nul doute que cette initiative pourra inspirer d’autres acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire à développer des projets similaires qui permettent aux citoyens de contribuer directement à la transition vers un modèle économique plus vertueux.

 

[7]Source :https://fr.lita.co/fr/partenaires/licoornes?utm_source=licoornes&utm_medium=entrepreneurship&utm_campaign=20220404_licoornes_entrepreneurship_fundraising-2022-q2

[8] Ces organisations hybrides ont pour but d’organiser la coopération entre des acteurs privés et publics aux registres d’action souvent différents (salariés, clients, fournisseurs, collectivités, entreprises privées, associations…), autour d’un projet c