Urbanisme, aménagement et foncier
le 23/05/2024
Pierre LAFFITTE
Florianne HERPIN

Droit pour l’aménageur de se voir proposer par la collectivité une convention de projet urbain partenarial dans une zone de PUP prédéfinie

CE, 8 avril 2024, n° 472443

Rappel des faits et de la procédure :

Dans cette affaire, une commune a délibéré pour délimiter un périmètre à l’intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs, les constructeurs se livrant à des opérations d’aménagement ou de construction participent, par le biais de conventions de projet urbain partenarial (PUP), à la prise en charge des équipements publics nécessaires à l’aménagement et à la construction d’un secteur de la commune, que ces équipements soient à réaliser ou déjà réalisés, dès lors qu’ils répondent aux besoins des futurs habitants ou usagers de ces opérations. Par cette même délibération, le conseil municipal a précisé la liste de ces équipements, à savoir des créations et réhabilitations de voiries bénéficiant à l’ensemble de la zone, mais également les modalités du partage de leurs coûts au prorata de la superficie foncière aménagée.

Cela étant posé, un promoteur immobilier a sollicité de la commune la transmission d’un projet de convention de PUP pour ses parcelles situées dans le périmètre défini par la délibération précitée. En l’absence de toute réponse sur cette demande par la commune, une décision implicite de rejet est née. En parallèle, le promoteur a déposé auprès de cette même commune une demande de permis d’aménager.

Seulement, la commune a adressé au pétitionnaire un courrier lui demandant de compléter sa demande faute de contenir un extrait de la convention de PUP signé avec la commune. Le promoteur a alors saisi le juge des référés d’une demande de suspension de la décision implicite de rejet et de la demande de production de la pièce manquante.

En première instance, le juge des référés a rejeté les demandes du pétitionnaire, lequel a exercé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Décision du Conseil d’Etat :

Dans la décision ici commentée, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le I. de l’article L. 332-11-3 du Code de l’urbanisme selon lequel il est possible de conclure entre une collectivité et un aménageur une convention de PUP prévoyant la prise en charge financière en tout ou partie des équipements autres que les équipements propres, si le foncier est compris dans un périmètre déterminé par la collectivité.

Selon le rapporteur public, « ce dispositif repose donc sur une logique « gagnant-gagnant« . Il permet ainsi à l’opérateur privé de faire avancer plus rapidement son projet en préfinançant des équipements publics nécessaires à son opération de façon proportionné à l’usage qui en sera retiré par les usagers et futurs habitants, et sans attendre que la collectivité y procède de son côté. Quant à celle-ci, elle perçoit, sous forme numéraire ou d’apport foncier, un préfinancement de cet équipement, qui sera parfois supérieur aux ressources issues de la seule taxe d’aménagement », conclusions de Monsieur Thomas JANICOT sous cet arrêt.

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle que cet article a été complété par un II. par la loi Alur de 2014, afin de disposer que, lorsque des équipements publics faisant l’objet d’une première convention de PUP desservent des terrains autres que ceux mentionnés dans le projet de ladite convention, la collectivité compétente en matière de plan local d’urbanisme peut fixer par délibération les modalités de partage des coûts des équipements et délimiter un périmètre à l’intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui s’y livrent à des opérations d’aménagement ou de construction, participent, dans le cadre de conventions, à la prise en charge de ces mêmes équipements publics, qu’ils soient encore à réaliser ou déjà réalisés, dès lors qu’ils répondent aux besoins des futurs habitants ou usagers de leurs opérations. Il s’agit ici de la « zone de PUP », également appelée « périmètre de PUP ». Comme le relève justement le Rapporteur public, cette possibilité « cherche ainsi à éviter la naissance de contentieux entre les différents aménageurs intervenant sur une même zone. »

On distingue donc deux outils :

  • La convention de PUP, parfois appelée « PUP initial »: laquelle peut en principe toujours être librement négociée et conclue entre la collectivité et l’opérateur privé ;
  • La zone de PUP, impliquant de conclure des conventions ultérieures: dans l’hypothèse où les équipements publics, objets de la « convention initiale » desservent des terrains destinés à accueillir une future opération d’aménagement et répondent aux besoins de leurs futurs habitants ou usagers, la collectivité pourra en effet délimiter une « zone de PUP » et chaque opérateur privé qui souhaiterait à l’avenir y réaliser une opération devra participer au financement des équipements publics mentionnés dans le PUP initial, en signant leur propre convention de PUP avec la collectivité.

La signature de telles conventions en application d’une zone de PUP sort donc de la logique partenariale à l’origine de l’instauration de l’outil PUP. Ces conventions ultérieures sont nécessairement beaucoup moins libres car les modalités de répartition du financement des équipements publics entre les opérateurs auront été préalablement définies par la délibération de la collectivité fixant la zone de PUP. Surtout, et ainsi que le relève le Conseil d’Etat, cette obligation pour l’opérateur privé, n’en ait pas moins une pour la collectivité elle-même qui ne peut donc, par principe, refuser de conclure une telle convention prise en application de la zone de PUP qu’elle a elle-même instauré.

Comme le souligne le Rapporteur public dans cette affaire : « nous convenons qu’il est inhabituel d’imposer à une personne publique de contracter avec une personne privée, configuration que l’on trouve rarement dans votre jurisprudence. Mais nous pensons que cette limitation de sa liberté́ contractuelle découle non seulement de la loi mais surtout de sa propre décision de fixer une zone de PUP. En adoptant la délibération la délimitant, la collectivité́ accepte donc sciemment de se lier les mains pour l’avenir et de proposer une convention à tout opérateur qui la demanderait lorsque les conditions légales pour le faire sont remplies ».

Relevons cependant, ainsi que le défendait la commune dans cette affaire, que l’opérateur sollicitant la conclusion de cette convention de PUP doit mettre la collectivité – par les pièces qu’il fournit – en mesure de connaître la nature et les caractéristiques du projet de manière à pouvoir appliquer la clef de répartition définie dans la zone de PUP.

Sans ces éléments, la Commune ne pourra donc pas se voir opposer l’obligation de signer cette convention de PUP dès lors qu’elle ne sera pas en mesure de s’assurer que le projet répond aux besoins des futurs habitants ou usagers du projet d’aménagement ou de construction qu’il porte. A défaut, cela reviendrait à imposer à la collectivité de signer une convention de PUP sans s’assurer du respect du principe de lien direct et du principe de proportionnalité régissant le financement des équipements publics.

Au cas présent, et au regard de la clef de répartition prévue dans le cadre de la délibération de la zone de PUP, le Conseil d’Etat a jugé que le requérant était « en droit […] de se voir proposer par la commune ou l’établissement public un projet de convention de projet urbain partenarial appliquant à l’opération en cause les modalités de répartition des coûts de ceux des équipements publics répondant aux besoins des futurs habitants ou usagers de cette opération que cette autorité a elle-même décidé de fixer. ».

Ainsi, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés de première instance en tant qu’elle a rejeté la demande de suspension par le pétitionnaire de l’exécution de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de transmission d’un projet de convention de PUP. Pour autant, statuant au fond, le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas d’urgence à suspendre l’exécution de ladite décision sollicitée par le promoteur. La demande de ce dernier présentée devant le juge des référés de première instance est donc rejetée.