Biogaz : publication d’un rapport de la Cour des comptes sur le soutien au développement du Biogaz

Alors que la France s’est fixé l’objectif de ne plus recourir au gaz naturel fossile en 2050, le développement du biogaz constitue un levier majeur pour permettre la neutralité carbone ainsi que pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a publié le 6 mars dernier, un rapport public permettant d’évaluer la politique de soutien au biogaz, dont on commentera ci-après certains aspects.

Pour rappel, le biogaz est un mélange gazeux, composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone, produit grâce à la méthanisation, c’est-à-dire à la fermentation de matière et de déchets organiques. Le biogaz peut être utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur par « cogénération », ou il peut être injecté dans les réseaux de gaz sous forme de « biométhane » après épuration.

A titre liminaire, dans son rapport, la Cour des comptes souligne que d’importants fonds publics ont permis le développement de cette énergie renouvelable. Cette politique volontariste concerne essentiellement, la production de biométhane injecté sur le réseau de gaz, qui représente notamment 2,5 % du gaz consommé en France, et qui a augmenté de 25 % entre 2022 et 2023.

La Cour des comptes relève ensuite les bienfaits de cette énergie renouvelable, particulièrement pour la transition écologique, la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique, et la gestion des déchets.

Le rapport de la Cour a toutefois pour principale finalité d’analyser les objectifs des politiques publiques mises en œuvre par l’État et d’évaluer leurs conséquences sur les finances publiques. Or, à ce titre, la Cour des comptes se montre relativement critique.

 

En premier lieu, la Cour des comptes relève que les objectifs de développement relatifs au biogaz pour l’avenir sont insuffisamment étayés, notamment au regard des incertitudes sur la place future du gaz dans le mix énergétique et, de la disponibilité de la biomasse agricole dans le futur.

A cet égard, la Cour estime que les objectifs de production tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel. En effet, cette baisse de consommation aura nécessairement des effets sur la gestion des réseaux de gaz, et sur la gestion des pics de consommation énergétique.

Ainsi, selon la Cour, il existe un risque que des tensions sur les approvisionnements émergent, du fait du manque de disponibilité de la biomasse à l’avenir, ce qui pourrait conduire à une augmentation du coût final de production de biogaz.

Par conséquent, la Cour préconise aux autorités compétentes d’actualiser les estimations de la disponibilité des gisements de biomasse, et souligne la nécessité de mettre en place une planification quant à sa mobilisation, en élaborant notamment des scénarios sur le mix énergétique jusqu’en 2050. En outre, la Cour recommande une coopération renforcée entre les gestionnaires du réseau de gaz et d’électricité, pour mieux définir les objectifs de production.

 

En deuxième lieu, la Cour des comptes souligne que le développement de la méthanisation a été financé par l’Etat, au travers de divers dispositifs de soutien public, tels que les tarifs d’achat garantis, des subventions d’investissements, des exonérations d’impôt ciblées sur la méthanisation dite « agricole », ou encore par la prise en charge des coûts de renforcement des réseaux par les consommateurs.

Toutefois, la Cour estime que la multiplicité des mécanismes de soutien rend difficile « l’appréciation de la rentabilité effective des installations » et le « juste calibrage des aides apportées à une filière naissante ». La Cour ajoute également que « les pouvoirs publics ne se sont […] pas suffisamment donné les moyens d’obtenir les informations permettant d’apprécier la rentabilité des installations ».

A cet égard, la Cour recommande un réajustement de ces aides afin qu’elles soient mieux ciblées et plus efficaces, c’est-à-dire adaptées aux exploitations visées, afin de favoriser le développement de la filière.

Par ailleurs, en ce qui concerne les certificats de production de gaz (CPB) récemment crées mais non encore mis en œuvre, la Cour estime que ce nouveau dispositif de soutien est susceptible de faire reposer le coût supplémentaire de production sur les consommateurs de gaz, et non sur le budget de l’Etat. Ce dispositif, similaire aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE) impose aux fournisseurs de gaz naturel de prouver chaque année à l’État qu’ils détiennent une certaine quantité de certificats, sous peine de pénalité financière. Ils acquièrent ces certificats soit en assurant la production directe de biométhane, soit en les achetant.

La Cour des comptes préconise la réalisation d’une « évaluation robuste de l’évolution des capacités de production de biométhane susceptibles de recourir à ce dispositif, tenant compte de la répercussion des coûts sur les consommateurs. ».

 

En troisième lieu, la Cour souligne qu’au-delà de la production d’énergie renouvelable, la production de biogaz contribue à la politique publique de transition agroécologique et à la politique de traitement des déchets. En effet, la Cour des comptes note que « en privilégiant le développement de nombreuses installations agricoles, les dispositifs de soutien à la méthanisation ont visé à renforcer la résilience des exploitations agricoles ».

Toutefois, la Cour relève que l’ampleur de ces contributions est mal mesurée et appréciée.

Ainsi, la Cour des comptes préconise aux autorités compétentes d’évaluer avec plus de précision l’effet de la méthanisation sur les pratiques agricoles, sur la base d’une liste d’indicateurs clefs.

 

En définitive, la Cour des comptes relève que le soutien au biogaz en France repose sur un équilibre entre les objectifs des politiques publiques, mais des divergences entre ces objectifs nécessitent une hiérarchisation et une clarification des modes de soutien.

Ainsi, la Cour des comptes souligne, que dans ce contexte d’augmentation de la production de biogaz, il est crucial de maintenir un équilibre entre les enjeux énergétiques, climatiques, agricoles et environnementaux, tout en évaluant les bénéfices réels du soutien apporté.

Proposition d’extension du périmètre des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé aux projets d’autoconsommation et prolongation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2030

La Commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique a adopté le 26 mars dernier un amendement permettant, d’une part, l’extension du périmètre des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD) aux opérations d’autoconsommation et, d’autre part, la prolongation du dispositif pour une durée de 5 ans, à compter de la promulgation de la loi sur la promulgation de la vie économique, soit jusqu’au 31 décembre 2030.

Pour rappel, la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics, et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, a permis, pour une durée initiale de cinq ans, aux acheteurs publics de recourir à des solutions de financements privés et de déroger à l’interdiction du paiement différé, en concluant des contrats de performance énergétique sous la forme de MGPEPD.

Toutefois, l’article 1er de cette loi prévoit que les acheteurs publics ne peuvent recourir à ce type de marché que pour la mise en œuvre de travaux de rénovation énergétique sur un ou plusieurs bâtiments publics.

Ainsi, à s’en tenir à la lettre de ces dispositions, le champ d’application des MGPEPD est limité, en l’état actuel, aux contrats de performance énergétique, et aux opérations de rénovation énergétique, dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques d’un bâtiments[1].

Or, et tel que cela ressort de l’exposé des motifs de l’amendement, cette limitation du périmètre des MGPEPD est dommageable, du point de vue des objectifs de la transition écologique visant à lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

L’adoption de cet amendement au sein du projet de simplification de la vie économique permettrait donc de remédier aux écueils de la version actuelle de l’article 1er de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, en étendant le périmètre des MGPEPD aux opérations d’autoconsommation.

A cet égard, on relèvera que si la modification proposée du texte de la loi du 30 mars 2023 consiste à autoriser le recours à cet outil contractuel pour toute « opération d’autoconsommation définie aux articles L. 315-1 à L. 315-8 du Code de l’énergie », ce qui inclut tant les opérations d’autoconsommation individuelle (art. L. 315-1 du Code de l’énergie) que les opérations d’autoconsommation collective (art. L. 315-2 du même code), l’exposé sommaire des motifs de l’amendement semble viser uniquement les opérations d’autoconsommation individuelle. Cette dichotomie mériterait d’être clarifiée par le législateur.

L’amendement vise, par ailleurs, à proroger pour cinq ans, soit jusqu’au 31 décembre 2030, le dispositif des MGPEPD visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

Enfin, il propose de reprendre des dispositions des articles L. 2213-6 et L. 2213-7 du Code de la commande publique prévues pour les marchés de partenariat, autorisant des organismes publics, tels que la Caisse des Dépôts et Consignations à prendre une participation majoritaire au capital de la société de projet titulaire du MGPEPD.

La modification de la loi du 30 mars 2023 par cet amendement n° CS1377 s’il figurait dans le texte qui sera adopté par le Parlement serait donc particulièrement favorable au développement de projets d’autoconsommation portés par les acteurs publics.

____

[1] Proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, rapport n° 321 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, 9 mars 2023, p. 6

La Commission de Régulation de l’Energie publie sa décision définitive sur les nouveaux tarifs des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE 7)

CRE, Délibération du 13 mars 2025 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE 7 HTB)

Les décisions finales de la CRE sur les Tarifs d’utilisation des Réseaux Publics d’Electricité applicables à compter du 1er aout 2025 et pour les quatre prochaines années (dits « TURPE 7 HTB » les réseaux publics de transport d’électricité et « TURPE 7 HTA/BT » pour les réseaux publics de distribution) ont été publiées le 13 mars 2025.

Elles sont le fruit d’un long processus d’élaboration de la part de la CRE, initié par deux phases de consultations des acteurs du marché de l’électricité (article L. 341-3 du Code de l’énergie) en 2023 (commentée ici) et 2024, d’ateliers thématiques et de tables rondes.

Sur cette base, la CRE a élaboré des projets de décisions publiés le 6 février dernier et commentées ici. Ainsi que le prévoit l’article R. 134-1 du Code de l’énergie, ceux-ci ont été soumis au Conseil supérieur de l’énergie qui a rendu un avis le 6 mars dernier.

C’est ainsi que la CRE a rendu ses décisions définitives sur le TURPE 7, sur lesquelles on formulera les observations suivantes :

 

1/ Concernant le niveau du TURPE, on rappellera qu’avait été décidée – par deux délibérations du 15 janvier dernier (commentées ici) – une évolution exceptionnelle du TURPE 6 à compter du 15 février 2025[1] afin de permettre d’assurer leur stabilité pour l’entrée en vigueur du TURPE 7 le 1er août 2025.

S’agissant du TURPE HTA BT, ce ne sera finalement pas le cas. Le transfert du FACé des charges du TURPE au budget de l’Etat prévu par loi de finances pour 2025 induira en effet une baisse du TURPE de 1,92 % au 1er août 2025. La CRE opère donc une modification sur ce point par rapport à son projet de décision en raison de ce dispositif, entré en vigueur peu après.

Pour ce qui est du TURPE HTB, la CRE confirme que cette hausse exceptionnelle prévue en début d’année sera suffisante pour couvrir l’ensemble des charges prévisionnelles sur le réseau de transport.

 

2/ Concernant la structure des termes tarifaires du TURPE, la CRE :

  • Reconduit pour le TURPE 7 la structure tarifaire prévue pour le TURPE 6 avec seulement des ajustements de méthode mineurs ;
  • Confirme la généralisation progressive des heures creuses l’après-midi en été à partir de l’automne 2025 prévue dans ses projets de décision ;
  • Introduit une composante tarifaire optionnelle transitoire pour les sites d’injection-soutirage.

 

3/ Ces décisions font par ailleurs évoluer les mécanismes de régulations incitatives de RTE et d’Enedis. Est notamment confirmé le dispositif, déjà prévu dans le projet de décision en date du 6 février, de renforcement des incitations à la réduction des délais de raccordement par la société Enedis.

 

On observera par ailleurs que le Ministre dispose d’un délai de deux mois pour demander à la CRE de prendre de nouvelles délibérations s’il estime que celles-ci ne tiennent pas compte des orientations de politique énergétique. C’est ce qu’il avait fait pour la délibération portant l’évolution exceptionnelle du TURPE 6 HTA BT ci-avant commentée (voir notre commentaire ici), mais la CRE avait alors décidé de maintenir sa délibération en l’état.

____

[1] +7,70 % concernant le TURPE HTA BT et + 9,61 % pour le TURPE HTB

Clôture par l’Autorité de régulation des transports de la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau

Par une décision n° 2025-014 en date du 13 février 2025, publiée le 5 mars 2025, l’Autorité de régulation des transports (ci-après, l’ « Autorité ») a clôturé la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau à ses obligations résultant de la décision de l’Autorité n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

Pour rappel de la procédure, Le 28 juillet 2022, l’Autorité a adopté la décision n° 2022-059 portant règlement des différends opposant Captrain France, T3M, Europorte France et Régiorail à SNCF Réseau concernant les procédures en lien avec l’allocation des sillons, l’encadrement et l’utilisation des capacités d’infrastructure réservées pour les travaux et les principes et procédures d’indemnisation.

Aux termes de cette décision, l’Autorité avait notamment enjoint à SNCF Réseau de :

« [m]ettre en place, à compter de l’horaire de service 2024, un mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées, qui aura été préalablement soumis pour approbation à l’Autorité ».

L’Autorité enjoignait par la même décision à SNCF Réseau de « soumettre une proposition de mécanisme à l’Autorité dans le délai d’un an à compter de la notification de la présente décision ».

Or, SNCF Réseau ne s’était pas exécutée puisque le document de référence du réseau relatif à l’horaire de service 2024, publié le 8 décembre 2023, ne comprenait pas un tel mécanisme. L’Autorité avait donc, par une décision n° 2024-014 en date du 8 février 2024, ouvert une procédure de recherche et de constatation de manquements à l’encontre de SNCF Réseau.

Dans le cadre de cette procédure, l’Autorité a constaté que le mécanisme pénalisant la non-utilisation des capacités-travaux non restituées introduit par SNCF Réseau dans les documents de référence du réseau relatifs à l’horaire de service 2024 et à l’horaire de service 2025, publiés respectivement en septembre et en décembre 2024, était conforme à l’injonction prononcée à son encontre dans la décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

En effet, après l’examen des clauses introduites par SNCF Réseau dans les documents de référence du réseau relatifs à l’horaire de service 2024 et à l’horaire de service 2025, l’Autorité a relevé que le périmètre d’application du mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées et les modalités retenues pour définir les pénalités apparaissaient de nature à assurer le caractère incitatif du mécanisme et sa conformité à l’injonction qu’elle avait prononcée dans sa décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

En outre, bien que les documents de référence du réseau précités prévoient des cas d’exonération aux pénalités en cas de non-utilisation de capacités-travaux non restituées, l’Autorité a conclu après analyse de ces derniers d’exonération qu’ils ne remettaient pas en cause l’efficacité du mécanisme.

Par conséquent, au regard de ces éléments, l’Autorité a considéré que SNCF Réseau s’était conformée à son obligation, résultant de la décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022 susvisée, de mettre en place un mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées. L’Autorité en a donc conclu qu’il n’y avait pas lieu de mettre en demeure SNCF Réseau et elle a clôturé la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau à ses obligations résultant de la décision de l’Autorité n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

Trois associations demandent l’annulation du contrat de concession portant gestion et exploitation de l’aéroport de Beauvais

Le syndicat mixte gestionnaire de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT) a lancé une procédure d’attribution d’un contrat de concession à la fin de l’année 2022 en vue de la désignation du futur exploitant de la plateforme aéroportuaire, hub de la compagnie Ryanair.

En avril 2024, le syndicat mixte a retenu l’offre de la société Bellova (composée des sociétés Egis, Bouygues Construction, Aéroports de la côte d’Azur, Serena Industrial Partners et TIIC) pour la gestion et l’exploitation de l’aéroport de Beauvais, et ce pour une durée de 30 ans à compter du 1er octobre 2024.

Ce nouveau contrat de concession est ambitieux puisqu’il prévoit une hausse du trafic aérien de + de 85 % dès 2030, avec 7,2 millions de passagers attendus et plus de 141 % en fin de concession. Pour ce faire, des travaux de rénovation d’agrandissement des terminaux de l’aéroport ont été prévus.

Dans ce contexte, trois associations de défense des riverains et de l’environnement (les associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis et ADERA) ont un introduit un recours en annulation du contrat de concession auprès du Tribunal administratif d’Amiens. Les associations dénoncent la hausse du trafic projetée et la contradiction avec les objectifs climatiques nationaux. Par ailleurs, les associations relèvent l’exposition importante des riverains aux nuisances sonores et risques sanitaires associés (perturbation du sommeil et troubles auditifs notamment).

 

Raccordement au réseau électrique : parution de deux décrets d’application de la loi APER

Décret n° 2025-203 du 28 février 2025 modifiant le décret n° 2023-1417 du 29 décembre 2023 portant application de l’article 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et fixant les conditions et limites de certaines demandes de raccordement au réseau électrique

 

Deux décrets, objets de la présente brève, ont modifié les conditions d’application des articles 27 et 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, loi APER).

Le premier décret commenté, en date du 7 mars 2025, prévoit une prorogation de deux ans du délai pendant lequel un projet de raccordement peut bénéficier des dérogations introduites par l’article 27 de la loi APER.

Pour mémoire l’article 27 de la loi APER a introduit plusieurs dérogations pouvant bénéficier aux projets de raccordement d’installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, et d’opérations de modifications d’installations industrielles.

Pour rappel, les dérogations prévues par cet article sont les suivantes :

  • Possibilité de recourir à une concertation préalable selon des modalités précisées par le II de l’article 27 de la loi APER en lieu et place des procédures de participation du public prévues par le Code de l’environnement.
  • Dispense de l’obligation de produire une étude d’impact dans le cadre de la procédure d’évaluation environnementale telle que définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du Code de l’environnement pour les projets d’ouvrage ayant pour objet le raccordement des installations précédemment définies.
  • Dispense de l’obligation d’obtention de l’approbation de l’autorité administrative prévue au 1° de l’article L. 323-11 du Code de l’environnement pour construire des lignes aériennes soumise à autorisation environnementale dès lors qu’une autorisation environnementale ou une déclaration d’utilité publique a déjà été obtenue.
  • En cas de nécessité technique impérative, possibilité de construire des postes électriques dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques en application de l’article L. 121-23 du Code de l’urbanisme.

 

L’application de ces dérogations était toutefois conditionnée à ce que ces projets aient fait l’objet d’une demande de mise en œuvre d’une ou de plusieurs des dérogations auprès de l’autorité compétente dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2023-175 le 10 mars 2023.

Le décret prévoit que ce délai est prorogé de deux ans.

Le second décret ici commenté, en date du 28 février 2025, proroge également de deux années supplémentaires la période durant laquelle l’ordre de priorité des raccordements au réseau électrique prévu par l’article 28 de la loi APER peut être modifié. Pour mémoire l’article 28 de la loi APER prévoit que lorsque, dans une zone géographique donnée, l’ensemble des demandes de raccordement au réseau de transport ou de distribution de projets d’installations de production et d’opérations de modifications d’installations industrielles, engendre, pour au moins un de ces projets, un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité d’accueil prévisionnelle du réseau public de transport de l’électricité dans ce délai, l’autorité administrative compétente de l’État peut, sur proposition du gestionnaire de réseau de transport, fixer, pour le raccordement au réseau de ces installations ou de ces opérations, un ordre de classement des demandes établi selon des conditions et des critères transparents et objectifs. Le décret du 28 février 2025 proroge donc la durée pendant laquelle ce dispositif peut être mis en œuvre.

Le décret modifie également des dispositions du décret n° 2023-1417 relatives aux modalités de prise en compte de l’ordre de classement des demandes fixées par le préfet dans les propositions de raccordement effectuées par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité pris pour l’application de l’article 28 de la loi APER susmentionné.

Il y ajoute notamment un article 11 prévoyant que le gestionnaire de réseau compétent doit notifier au demandeur, dans un délai de trois mois suivant la notification de la décision du préfet de région fixant l’ordre de classement des demandes, une proposition de raccordement ou des modifications apportées à la proposition de raccordement.

Avis favorable de la Commission de Régulation de l’Energie sur le projet d’arrêté relatif aux critères techniques et économiques des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR)

Par une délibération en date du 6 mars 2025, la Commission de Régulation de l’Énergie (ci-après, CRE) a rendu un avis favorable sur le projet d’arrêté relatif aux critères techniques et économiques des schémas régionaux de raccordement au réseau d’énergie renouvelable (ci-après S3RENR).

Les S3REnR ont été institués par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite « Grenelle II ») afin de faciliter et d’organiser le développement des énergies renouvelables en mutualisant une partie des coûts de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’électricité entre producteurs d’une même région. Pour ce faire, les S3RENR définissent les ouvrages à créer ou à renforcer sur le réseau pour atteindre les objectifs de capacité fixés par le préfet de région en matière d’énergies renouvelables ; évaluent le coût prévisionnel de ces ouvrages de réseaux à créer ou renforcer ; permettent la mutualisation d’une partie des coûts des ouvrages à créer, via le paiement d’une quote-part par les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable au moment de leur raccordement au réseau.

Dans ce cadre, l’article 29 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite « APER ») prévoyait qu’un décret devait spécifier les critères sur la base desquels la capacité du S3RENR à assurer la pertinence technique et économique des investissements réalisés par les gestionnaires de réseaux devait être évaluée.

Or si le décret n° 2024-789 du 10 juillet 2024 portant modification de la partie réglementaire du Code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables avait apporté des précisions relatives aux S3RENR, il avait en revanche renvoyé la définition de ces critères à un futur arrêté, pris après avis de la CRE, se contentant quant à lui de préciser que ce dernier devrait prévoir un coût unitaire maximum en euros par MW pour les ouvrages à créer pouvant être inscrits au S3RENR (voir notre commentaire au sujet de ce décret).

La délibération de la CRE qui est l’objet de la présente brève se prononce sur le projet d’arrêté soumis par le Gouvernement.

Les critères techniques et économiques prévus par le projet d’arrêté afin de garantir la pertinence des investissements qui seront inscrits dans le S3RENR sont les suivants :

  • La pertinence du point de vue électrique des ouvrages à créer cités à l’article D. 321-14 du Code de l’énergie. Le projet d’arrêté prévoit, à ce sujet, que la méthode d’identification des ouvrages est précisée dans la documentation technique de référence (DTR) du gestionnaire du réseau public de transport ;
  • La limitation du coût unitaire des ouvrages à créer pouvant être inscrits au schéma à un seuil de 500.000 euros par mégawatt de capacité réservée.
  • L’arrêté prévoit également que ce seuil devra être actualisé annuellement selon l’index TP 12a6 « Réseaux d’énergie et de communication hors fibre optique ».

La CRE rend un avis favorable sur l’ensemble de ces mesures sans émettre de réserves.

Elle note notamment au sujet du seuil de 500.000 euros qu’en l’appliquant sur les ouvrages à créer dans les S3REnR révisés, il permet « de valider la grande majorité des ouvrages tout en excluant quelques projets trop couteux pour la collectivité pour un bénéfice limité ».

La CRE note toutefois l’absence d’un critère encadrant les « ouvrages à renforcer » inscrits dans un S3REnR et réitère donc sa recommandation de prévoir un critère technico-économique applicable à ces ouvrages, ce qui n’est pas le cas en l’état du cadre juridique.

Vers une réduction à 5 % de la part minimale de financement par le maître d’ouvrage des projets des communes rurales en matière de rénovation énergétique

Le 11 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales.

On rappellera que le texte initialement déposé au Sénat prévoyait une suppression pure et simple de la participation minimale, mais que dans sa version adoptée en première lecture cette suppression avait été remplacée par un abaissement à 5 % au lieu des 20 % actuellement applicables (art. L. 1111-10 III du Code général des collectivités territoriales)

Le Sénat est donc désormais saisi de ce texte qui prévoit dans sa version approuvée par l’Assemblée nationale de baisser à 5 % la participation minimale du maître d’ouvrage pour « les projets d’investissement en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies ou de voirie communale ainsi que pour ceux concernant les ponts et les ouvrages d’art, réalisés par les communes ».

Ainsi, si ce dispositif était définitivement adopté, les communes rurales pourraient bénéficier d’aides plus importantes dans le cadre notamment de leurs projets de rénovation énergétique.

 

Le référé pénal environnemental : l’outil de l’urgence

Le référé pénal environnemental, codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, est un outil juridique d’urgence qui permet, en cas de non-respect de certaines prescriptions environnementales, au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile en référé – y compris une suspension ou une interdiction des opérations menées – pour mettre un terme ou limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution.

Le référé pénal environnemental a été introduit par la « Loi sur l’eau » du 3 janvier 1992[1].

Lors de son entrée en vigueur, il permettait aux collectivités territoriales, à leurs groupements, ainsi qu’aux syndicats mixtes, d’entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, afin notamment de lutter contre la pollution, ou encore de protéger et conserver les eaux superficielles et souterraines.

Codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement par l’ordonnance du 21 septembre 2000[2], et modifié encore récemment par loi du 22 aout 2021[3], le référé pénal environnemental est un outil juridique d’urgence aux termes duquel :

« En cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 181-12, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 ou des mesures édictées en application de l’article L. 171-7 du présent code ou de l’article L. 111-13 du Code minier, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agréée de protection de l’environnement, ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale ».

La constitutionnalité de ce texte, dans sa rédaction résultant de la loi Climat et résilience du 22 août 2021[4], a été récemment confirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 15 novembre 2024[5].

*

Outil de prévention et non de répression, le référé environnemental nécessite, pour être mis en œuvre, la démonstration de la violation d’une prescription environnementale (2) au juge des libertés et de la détention (JLD) ou au juge d’instruction par une personne ayant qualité pour agir (1). Le juge compétent auditionnera alors la personne concernée (3) avant de rendre sa décision (4).

1. Une initiative réservée au Parquet de la République

Seuls le juge des libertés et de la détention (en enquête) et le juge d’instruction (en information judiciaire) peuvent mettre en œuvre le référé pénal environnemental à l’encontre de la personne suspectée d’avoir méconnu une prescription environnementale.

Le juge compétent doit être saisi par requête du Procureur de la République faite :

  • D’office ;
  • À la demande de l’autorité administrative ;
  • À la demande de la victime ;
  • À la demande d’une association agréée de protection de l’environnement.

Ainsi, la victime, l’association agréée pour la protection de l’environnement, ou encore l’autorité administrative, ne peuvent pas saisir directement le juge compétent pour faire cesser les effets d’une pollution – mais seulement par le truchement du Procureur.

 

2. Le champ d’application du référé

Le référé pénal environnemental ne peut être mis en œuvre que dans des cas limitativement énumérés par la loi.

Introduit par la loi de 1992 et codifié en 2000, le référé pénal environnemental était réservé à la méconnaissance des règles applicables en matière d’eau. Il ne pouvait initialement être introduit que pour des situations relatives :

  • A la méconnaissance des règles générales liées à la préservation de la qualité et à la répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer (articles L. 211-2, L. 211-3 du Code de l’environnement).

 

  • Au non-respect des règles relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques et entraînant par exemple des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines (articles L. 214-1 à L. 214-6 du Code de l’environnement).

 

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a modifié l’article L. 216-13 du Code de l’environnement en élargissant son champ d’application, permettant au juge de prendre toutes les mesures nécessaires pour d’autres situations relatives :

  • À la méconnaissance d’enregistrement, d’agrément, d’homologation, de certification ou de déclaration requis par le Code de l’environnement (article L. 171-7 du Code de l’environnement).
  • Au non-respect de l’interdiction des recherches et exploitations des hydrocarbures par fracturation hydraulique (article L. 111-13 du Code minier).
  • Au non-respect des autorisations environnementales (article L. 181-12 du Code de l’environnement).

 

Demeure ainsi exclu du champ d’application du référé toute autre atteinte à l’environnement qui n’entrerait pas dans les prescriptions susvisées.

Le champ d’application du référé est considéré comme étant encore trop restreint et mériterait d’être élargi à l’ensemble des atteintes à l’environnement. Une proposition de loi a été déposée en ce sens en 2023 pour intégrer, au champ d’application de l’article L. 216‑13 du Code de l’environnement, l’ensemble des dispositions prévues dans le Code de l’environnement, le Code forestier, ainsi que certains articles du Code rural et de la pêche maritime, du Code minier et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt[6].

 

3. L’audition obligatoire de la personne mise en cause et facultative de la victime

Selon l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, le JLD ou le juge d’instruction doit, avant de prendre sa décision, auditionner ou convoquer à comparaître dans les 48 heures la personne mise en cause dans la procédure. L’autorité administrative, la victime, ou l’association agréée de protection de l’environnement peuvent également être auditionnées si elles en ont fait la demande.

C’est d’ailleurs sur ce point que le Conseil constitutionnel a récemment eu à connaître de la constitutionnalité de cette procédure de référé ; dans une décision en date du 15 novembre 2024, il a confirmé l’inapplicabilité de la notification du droit de se taire à la personne concernée par le référé[7].

Néanmoins, le Conseil constitutionnel[8], et ensuite la chambre criminelle de la Cour de cassation[9], ont pu ajouter que la notification du droit de se taire est obligatoire lorsque, entendue par le JLD, la personne est suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est auditionnée. En effet, puisque les déclarations de la personne concernée sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement, le droit de se taire doit lui être notifié.

 

4. La décision

La procédure du référé environnemental n’est pas conditionnée à la caractérisation d’une faute de la personne concernée, qui serait de nature à engager sa responsabilité pénale[10], mais seulement à la constatation d’une atteinte à l’environnement qui nécessite une action en urgence pour en limiter les effets dommageables sur le milieu naturel.

La décision rendue prend la forme d’une ordonnance – immédiatement exécutoire par provision – aux termes de laquelle plusieurs mesures, y compris la suspension ou l’interdiction d’opérations, peuvent être ordonnées pour une durée d’un an au plus, étant précisé que la décision peut être assortie d’une astreinte fixée par jour de retard.

Concernant l’exécution de la mesure conservatoire, la jurisprudence a très récemment déclaré irrecevable la requête en liquidation d’astreinte déposée par une association de protection de l’environnement ayant signalé les faits dès lors qu’aucun texte ne confère à celle-ci la qualité de partie à la procédure de référé environnemental[11]. La Cour de cassation a rappelé, à l’occasion de cette décision – commentée dans notre précédente LAJEEM -, que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler la difficulté d’exécution des mesures conservatoires.

S’agissant de la contestation de ces mesures par le mis en cause ou le procureur de la République, les dispositions textuelles prévoient la possibilité d’un appel de cette ordonnance, dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision. Cette faculté n’est pas ouverte à la victime et aux associations agréées[12].

*

Ainsi, l’intérêt principal d’une telle procédure réside dans la possibilité de mettre un terme ou de limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire. Le prononcé de ces mesures conservatoires n’est pas subordonné à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale.

____

[1] Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau – art. 31

[2] Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l’environnement

[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 – art. 284

[4] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[5] Décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024

[6] Proposition de loi visant à adapter la procédure des référés aux enjeux environnementaux, n° 1973, déposée le mardi 5 décembre 2023.

[7] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre

[8] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre

[9] Crim. 28 janvier 2025, n° 24-81.410

[10] Crim. 28 janvier 2020, 19-80.091

[11] Crim. 14 janvier 2025, n° 23-85.490

[12] TJ Lyon, JLD, 16 nov. 2023, n° 22 152000076

La décision du Conseil constitutionnel sur les conséquences de l’exécution provisoire de la peine complémentaire d’inéligibilité pour les élus municipaux

Ce 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire prévue par l’article 131-26-2 du Code pénal.

En substance, aux termes de cette décision, le Conseil constitutionnel affirme l’exigence, pour le préfet, de prendre une décision de démission d’office de l’élu municipal condamné à une telle peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire.

Par ailleurs, il souligne la situation différente dans laquelle se trouve les conseillers municipaux et les membres du Parlement – non concernés par cette exigence – indiquant que ces derniers participent à l’exercice de la souveraineté nationale, votent la loi et contrôlent l’action du Gouvernement[1].

Cette décision était particulièrement attendue, dans la perspective notamment du jugement qui sera rendu ce jour dans l’affaire dite des assistants parlementaires du Front national, pour laquelle le Ministère public a notamment requis à l’encontre de Madame Marine LE PEN une peine d’inéligibilité de 5 ans assortie de l’exécution provisoire

 

I. Par application de l’article 131-26 du Code pénal, la juridiction pénale peut prononcer, en tant que peine complémentaire, l’interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille d’une personne tel que son droit d’éligibilité.

S’agissant des condamnations délictuelles, cette interdiction ne peut, en principe, pas excéder une durée de cinq ans ; à moins qu’elle soit prononcée à l’encontre d’une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits[2].

En 2017, la loi pour la confiance dans la vie politique[3] a créé l’article 131-26-2 du Code pénal, qui rend le prononcé de cette peine complémentaire d’inéligibilité obligatoire à l’encontre de toute personne reconnue coupable de certaines infractions telles que, notamment, les infractions de probité et les infractions électorales.

Juridiquement, cette peine doit être considérée comme obligatoire mais pas automatique : le juge répressif peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas la prononcer en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 471 du Code de procédure pénale, le juge répressif peut prononcer l’exécution provisoire – soit l’exécution immédiate malgré l’existence d’un appel – des peines prononcées telle que la peine obligatoire d’inéligibilité, sans qu’une motivation supplémentaire ne soit nécessaire[4].

 

II. Il résulte des dispositions de l’article L. 230 du Code électoral, en jeu dans cette décision du Conseil constitutionnel, que les personnes privées de leur droit électoral ne peuvent pas être conseillers municipaux.

Or, tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’inéligibilité prévus par les articles L. 230, L. 231 et L. 232 est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet [5].

Aussi, les conséquences d’une peine d’inéligibilité – assortie d’une exécution provisoire le cas échéant – portent tout à la fois sur les scrutins à venir et sur les mandats en cours avec, toutefois, une notable différence entre mandats locaux et nationaux :

  • S’agissant du mandat parlementaire, le Conseil constitutionnel rejette les requêtes tendant à la constatation de la déchéance de plein droit des parlementaires par suite d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire, en soulignant que celle-ci ne peut être constatée « en l’absence de condamnation définitive».
    Concrètement donc, et s’agissant des mandats nationaux, la peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire est « sans effet sur le mandat parlementaire en cours »[6].

 

  • S’agissant de l’élu local en revanche, le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises qu’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire impose au représentant de l’Etat de prendre une décision de démission d’office des mandats en cours[7]:

« Par voie de conséquence, la privation du droit d’éligibilité en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire lie le représentant de l’Etat et lui impose, en vertu des dispositions précitées des articles L. 236 et L. 273-4 du code électoral, de prendre une décision de démission d’office des mandats de conseiller municipal et conseiller communautaire qui seraient détenus par l’intéressé. »

Ces deux orientations jurisprudentielles coexistaient jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel ne s’étant pas prononcé sur ce qui pourrait apparaître comme une rupture d’égalité.

 

III. C’est dans ces conditions que le Conseil constitutionnel a été saisi le 03 janvier dernier d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité des dispositions des articles L. 230 et 236 du Code électoral aux droits et libertés garantis par la Constitution.

  • Ces dispositions tendant à la démission immédiate du conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, alors même qu’une décision définitive n’est pas encore pas intervenue, étaient contestée en premier lieu, comme portant une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité[8].A cet égard, le Conseil constitutionnel relève d’abord que ces dispositions garantissent l’effectivité de la décision du juge, l’efficacité de la peine et la prévention de la récidive, l’objectif étant de renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants[9].Il ajoute que le juge répressif peut moduler la durée de cette peine d’inéligibilité et décider de ne pas la prononcer et en déduit alors qu’aucune atteinte disproportionnée est portée au droit d’éligibilité.
  • En second lieu, il était reproché à ces dispositions de méconnaitre le droit à un recours juridictionnel effectif.Le Conseil constitutionnel écarte également cet argument au motif qu’un conseiller municipal peut former une réclamation devant le Tribunal administratif et un recours devant le Conseil d‘Etat contre l’arrêté prononçant sa démission d’office, qui aura par ailleurs un effet suspensif sur l’arrêté en question.
  • Enfin, il était également relevé que ces dispositions instituaient une différence de traitement injustifiée entre les élus locaux et les élus nationaux.Sur ce point, le Conseil constitutionnel considère que la différence de traitement contestée est justifiée compte-tenu de la situation particulière des membres du Parlement et des prérogatives qu’ils tiennent de la Constitution.

 

Ce faisant, le Conseil constitutionnel entérine cette dichotomie de portée de la peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, selon qu’elle concerne un mandat local ou national.

Ce qu’il ne dit pas en revanche, c’est si cette peine peut avoir un effet immédiat sur l’éligibilité à un futur nouveau mandat national, voire présidentiel.

Toutefois, naturellement, l’affirmation du caractère singulier des membres du Parlement lié aux prérogatives qu’ils tiennent de la Constitution laisse à penser que ce raisonnement pourrait éventuellement être étendu à d’autres scrutins tout autant singuliers[10].

 

_____

 

[1] Décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[2] Article 131-26-1 du Code pénal

[3] Loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique

[4] Cass. Crim., 19 avril 2023, n°22-83.355

[5] Article L. 236 du Code électoral

[6] CC, DC, 16 juin 2022, n°2022-27 pour un membre de l’Assemblée nationale ; CC, DC, 23 novembre 2021, n°2021-26 pour un membre du Sénat

[7] CE, 20 juin 2012, n° 356865 ; CE, 14 avril 2022, n° 456540

[8] Communiqué de presse du 28 mars 2025 sur la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[9] Décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[10] Titre II de la Constitution du 4 octobre 1958

Sexisme au travail : Rappel à l’ordre des employeurs face au « harcèlement d’ambiance »

Le harcèlement au travail reste un sujet de préoccupation pour l’ensemble des secteurs professionnels et les employeurs ont une responsabilité fondamentale dans sa prévention et sa gestion. Un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 26 novembre 2024, rappelle l’importance de cette vigilance en reconnaissant que même une ambiance de travail sexiste, sans visée directe, peut constituer un harcèlement discriminatoire

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle a contesté son licenciement en se basant sur des faits de harcèlement discriminatoire qu’elle a subis dans son entreprise. Elle précise que ses collègues masculins tenaient des propos dégradants à son égard, la qualifiant avec son binôme féminin l’« équipe Tampax ».

Elle dénonce également l’existence d’un harcèlement d’ambiance, car sans être directement visée, elle avait été confrontée à « une ambiance de travail sexiste » du fait d’un groupe de collègue qui échangeaient, à la vue de tous, des photos de femmes à caractère sexuel dans l’open-space où elle travaillait.

Malgré plusieurs alertes faites à son employeur, à la médecine du travail, ces comportements n’ont pas été sérieusement pris en compte notamment se limitant à une enquête sommaire diligentée par l’employeur et sanctionnée par les Magistrats.

Le cœur de l’affaire réside dans une question cruciale : peut-on considérer un harcèlement sexiste comme discriminatoire s’il découle d’une ambiance générale sur le lieu de travail, sans que la personne soit directement ciblée ? En d’autres termes, est-ce que ce type de harcèlement peut être pris en compte même s’il n’atteint pas directement la salariée en question ?

La Cour d’appel s’est positionnée en faveur de la salariée, estimant que ce genre de harcèlement dit d’ambiance, bien qu’indirect, constitue bien un harcèlement discriminatoire. De fait, la Cour est claire lorsqu’elle précise que le « harcèlement discriminatoire résulte donc d’un agissement lié à un motif prohibé par la loi qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de dégrader l’environnement de travail ».

En outre, l’enquête interne menée par l’employeur a été considérée comme insuffisante. La Cour a critiqué le manque de rigueur de l’enquête interne, qui ne permettait pas d’écarter la possibilité de harcèlement discriminatoire.

Elle a souligné que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires après l’enquête, notamment en n’adressant aucun rappel à l’ordre aux salariés concernés. De plus, l’entreprise n’avait pas respecté ses obligations en matière de désignation de référent harcèlement et de saisine de la médecine du travail.

Il apparait ainsi que l’absence de désignation du référent « harcèlement » constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En résumé, la Cour d’appel renforce les obligations des employeurs à gérer les comportements sexistes de manière proactive : ils doivent désigner un référent harcèlement, mener des enquêtes sérieuses et prendre des mesures concrètes pour garantir un environnement de travail respectueux et sans discrimination.

Précisions sur l’étendue de la confidentialité en matière de médiation

L’ordonnance du 25 février dernier du Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris est venue apporter une clarification importante sur le périmètre de la confidentialité qui s’applique en matière de médiation.

Le litige opposait ici deux sociétés autour de la contrefaçon de brevets et de la violation de secrets d’affaires. L’une reprochait à l’autre la contrefaçon de deux brevets français, tandis que la seconde a répliqué en alléguant l’utilisation illégale de ses secrets d’affaires pour développer un produit concurrent. Pour démontrer l’utilisation d’informations confidentielles, cette dernière a versé au débat le courriel du médiateur saisi en cours de procédure. La partie adverse estimait cette pièce irrecevable car couverte par la confidentialité.

Pour rappel, l’article 131-14 du Code de la procédure civile dispose que « les constatations du médiateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d’une autre instance ». Outre, cet article, les parties au litige avaient, en l’espèce, signé un accord de confidentialité pour la médiation, leur interdisant de divulguer toute information émanant d’une partie, du médiateur ou de tout autre intervenant dans le cadre de la médiation.

Malgré cette disposition légale et l’accord de confidentialité, le juge a estimé que le courriel du médiateur, dont le contenu se limitait à confirmer la tenue d’une réunion à une date précise ne constituait ni un recueil d’informations, ni une constatation du médiateur, ni une information couverte par l’accord de confidentialité.

En conséquence, le juge de la mise en état a conclu que la pièce concernée n’encourait pas le grief d’atteinte à la confidentialité de la médiation et était donc recevable.

Cette décision constitue une interprétation restrictive de la portée de la confidentialité en matière de médiation, en distinguant les informations substantielles échangées lors de la médiation des éléments purement factuels et administratifs.

Simplification des procédures pour les associations et fondations : publication du décret n° 2024-720 du 5 juillet 2024 et de l’arrêté du 8 novembre 2024

Le décret n° 2024-720, publié le 5 juillet 2024, introduit des diverses mesures sur la dématérialisation et la simplification des procédures administratives pour les associations et les fondations. Ces évolutions visent à moderniser les interactions entre ces organismes et l’administration, tout en renforçant la transparence et l’efficacité.

Dématérialisation des procédures

L’un des principaux objectifs de ce décret est de faciliter les démarches administratives en généralisant l’utilisation des téléservices. Désormais, les associations et fondations peuvent accomplir de nombreuses formalités en ligne, telles que les déclarations de création, de modification ou de dissolution (pour toutes les associations). Cette dématérialisation s’étend également, pour les associations reconnues d’utilité publique (ARUP), aux demandes de reconnaissance d’utilité publique et à la transmission de documents essentiels comme les comptes annuels et les rapports d’activité.

La dématérialisation permettra naturellement de réduire les délais liés aux procédures papier.

Simplification des obligations pour les associations

En parallèle de la dématérialisation, le décret apporte des clarifications et des simplifications importantes pour les associations. Par exemple, les informations à fournir concernant les changements d’administration sont désormais mieux définies.

Ainsi, la notion de « personnes chargées de l’administration » est définie comme « toute personne exerçant des fonctions d’administrateur, des fonctions de surveillance ou des fonctions de direction ». Les informations à fournir sont précisées, incluant la qualité au titre de laquelle elles exercent leurs missions.

Un registre national des associations est créé pour centraliser les données.

La procédure de reconnaissance d’utilité publique est également allégée, avec la suppression de certaines obligations de transmission et une simplification du changement de siège social.

Renforcement des obligations des ARUP et FRUP

Ces simplifications s’accompagnent, pour les ARUP et les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP), d’un renforcement des exigences en matière d’informations financières et d’activité.

Ces dernières devront notamment adopter un règlement intérieur dont le contenu a été précisé par arrêté un ministériel du 8 novembre dernier en application du décret du 5 juillet 2024, afin de garantir une meilleure organisation. Ces actes règlementaires sont ainsi venus pérenniser la pratique déjà bien en place et connue des statuts-types que les acteurs du secteur tenaient déjà plus ou moins pour obligatoires.

Modifications pour les fondations

Les fondations, y compris les fondations d’entreprise, bénéficient également de ces mesures de simplification et de dématérialisation. Un nouveau chapitre est dédié aux fondations reconnues d’utilité publique, alignant leurs obligations sur celles des associations RUP. Ces changements visent à harmoniser les pratiques et à garantir une meilleure transparence dans la gestion des fondations.

En somme, l’objectif de dématérialisation des procédures constitue un progrès non négligeable en termes d’efficacité et d’accessibilité des procédures administratives pour les associations et les fondations. Toutefois, la multiplication des informations à fournir et l’introduction de nouvelles rubriques obligatoires dans les documents statutaires des ARUP et des FRUP pourraient paradoxalement alourdir certaines obligations, soulevant la question de la réelle simplification administrative.

En définitive, ces deux actes traduisent une volonté des pouvoirs publics d’encadrer plus étroitement le fonctionnement des associations et fondations reconnues d’utilité publique et soulève des questions quant au respect de l’autonomie de ces organisations et à la potentielle bureaucratisation qui pourrait en résulter.

Précision des modalités du don de congés éligible au mécénat

Loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative (1)

Le Décret n° 2025-161 du 20 février 2025 relatif aux modalités de mise en œuvre du don de jours de repos aux organismes mentionnés aux a et b du 1 de l’article 200 du Code général des impôts est venu préciser les modalités selon lesquelles les salariés peuvent faire don de leurs jours de repos à des organismes d’intérêt général, tels que des fondations ou des associations reconnues d’utilité publique.

Pour rappel, ce décret a été pris dans le cadre de la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative qui a marqué la création d’un article L. 3142-131 du Code du travail autorisant les salariés à faire don de leurs jours de congé à des organismes d’intérêt général choisis d’un commun accord avec leur employeur. Nous vous en parlions en mai dernier dans notre Focus dédié aux dix ans de la Loi ESS (LAJ #156).

Les salariés pourront désormais renoncer à une partie de leurs jours de congés (un maximum de trois jours ouvrables par an). La valeur monétaire du don versé à l’organisme sera égale à la rémunération que le salarié aurait perçue (nouvel article D. 3142-82 du Code du travail).

Cette possibilité, ouverte aux salariés, constitue une avancée significative pour encourager l’engagement bénévole et la solidarité facilitant aux salariés le soutien de causes philanthropiques, éducatives ou scientifiques.

Expérimentation des tribunaux des activités économiques

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice a prévu deux expérimentations à compter du 1er janvier 2025 :

  • La mise en place de Tribunaux des Activités Economiques (TAE) ;
  • La mise en place d’une « contribution pour la justice économique ».

I – La mise en place de Tribunaux des Activités Economiques

Cette expérimentation, qui doit durer 4 ans (jusqu’au 1er janvier 2029), se fera dans douze tribunaux :

  • Tribunal des Activités Economiques de Paris
  • Tribunal des Activités Economiques de Marseille
  • Tribunal des Activités Economiques de Lyon
  • Tribunal des Activités Economiques de Nanterre
  • Tribunal des Activités Economiques d’Auxerre
  • Tribunal des Activités Economiques de Limoges
  • Tribunal des Activités Economiques d’Avignon
  • Tribunal des Activités Economiques du Mans
  • Tribunal des Activités Economiques de Saint-Brieuc
  • Tribunal des Activités Economiques du Havre
  • Tribunal des Activités Economiques de Nancy
  • Tribunal des Activités Economiques de Versailles

Les TAE connaitront de toutes les procédures amiables et collectives, notamment pour certaines professions qui relevaient jusqu’à présent du Tribunal judiciaire : c’est le cas pour les exploitants agricoles, les personnes morales non commerçantes telles que les associations, les SCI, et les professions libérales, à l’exception des avocats, notaires, huissiers, administrateurs et mandataires judiciaires).

L’objectif de la réforme est d’avoir une juridiction unique à la compétence élargie en matière de droit des entreprises en difficultés.

Un comité de pilotage va suivre cette expérimentation, au regard notamment des délais de traitement des procédures et du taux de réformation des décisions par les Cours d’appel.

II – La mise en place de la contribution pour la justice économique

La loi d’orientation et de programmation de la justice n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 prévoit également l’expérimentation de la « contribution pour la justice économique ».

Le décret d’application de cette mesure est paru le 30 décembre 2024 (décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l’expérimentation de la contribution pour la justice économique).

La contribution pour la justice économique est une taxe qui sera due par la partie demanderesse qui saisira le Tribunal : le texte évoque une « instance introduite » devant un Tribunal des activités économiques.

Certains justiciables ne seront pas redevables de cette taxe en raison de leur nature : l’Etat, les collectivités et leurs groupements et les personnes physiques ou morales de droit privé employant moins de 250 salariés.

Les critères d’assujettissement à la contribution pour la justice économique sont les suivants :

  • Elle est due si le demandeur est une personne morale employant plus de 250 salariés, et que son chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros ;
  • Elle n’est due que si le total des prétentions fondant la demande en justice est supérieur à un montant de 50.000 euros ;
  • Les textes précisent que ne constitue pas une demande initiale la demande tendant à l’exercice d’une voie de recours, comme l’opposition.
  • Enfin, la contribution ne sera pas due si la demande porte sur l’ouverture d’une procédure amiable ou collective.

Le montant de la contribution pour la justice économique est calculé en fonction des capacités contributives de la partie demanderesse, et ainsi établi pour les personnes morales, selon l’article 3 du décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 :

La loi prévoit enfin que la contribution est remboursée dans deux hypothèses : le recours à un mode amiable de règlement des différends, et le désistement.

Au moment de la saisine du Tribunal, c’est le greffe qui appréciera la situation du demandeur pour déterminer s’il doit payer ou non la contribution pour la justice économique.

Précisions jurisprudentielles sur la distribution des réserves et du report à nouveau

Une actualité jurisprudentielle récente (Tribunal commercial de Paris, 16e ch., 23 septembre 2022, n° J2021000542 ; CA Paris, 30 janvier 2025, n° 22/17478 ; Cass. Com., 12 février. 2025, n° 23-11.410, FS-B[1]) vient préciser les conditions et modalités selon lesquelles les actionnaires d’une société par actions telle qu’une société anonyme ou une société par actions simplifiée peuvent décider la distribution de ses réserves ou de sommes inscrites à son report à nouveau.

L’occasion pour nous de faire le point sur les principes juridiques régissant les réserves des sociétés commerciales mais aussi d’aborder certaines spécificités des sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré[2].

 

I – Les réserves et leur distribution

A / Les réserves

Les sommes portées en réserves correspondent aux bénéfices comptables constatés par une société que chaque assemblée générale ordinaire annuelle (AGOA) décide de conserver soit en application d’une disposition légale, soit en application d’une disposition de ses statuts, soit par décision de l’assemblée générale. La mise en réserves permet à la société de renforcer ses fonds propres pour financer ses investissements à venir.

On distingue ainsi :

  • La réserve légale ;
  • Les autres réserves prévues par la loi ou les règlements ;
  • Les réserves statutaires, dont la constitution est prévue dans les statuts ;
  • Les réserves indisponibles, qui ne peuvent être en conséquence distribuées ou utilisées à d’autres fins que celles décidées par l’assemblée générale les ayant constituées ;
  • Les réserves libres, constituées volontairement par l’assemblée générale.

On notera que les primes d’émission et de fusion constatées lors d’opérations d’augmentation de capital ou de fusion ont également le caractère de réserves et suivent le même régime juridique.

Ces sommes sont donc, sur décision de l’assemblée générale ou de la collectivité des associés, affectées aux capitaux propres de la société dans des comptes dédiés à cet effet.

Rappelons, pour les non-initiés à la comptabilité d’engagement, que l’affectation de tout ou partie du bénéfice d’une société en réserves constitue une simple écriture comptable et qu’elle n’entraine pas l’obligation corrélative pour la société de réserver les fonds en numéraire correspondants sur un compte bancaire spécifique.

Les réserves, comme le capital social, ont comme contrepartie les biens et droits figurant à son actif, parmi lesquels figurent notamment, mais pas uniquement, la trésorerie disponible de la société.

Une fois celles-ci dotées, les réserves peuvent connaitre au cours de leur vie sociale plusieurs destins :

D’abord, lorsqu’un exercice sera déficitaire, les pertes constatées pourront être imputées sur ces réserves qui s’en trouveront alors diminuées. Ainsi, les pertes peuvent être imputées sur les réserves, y compris la réserve légale, dont l’obligation de reconstitution renaitra à l’occasion de futurs résultats bénéficiaires.

L’assemblée générale de la société peut également choisir d’incorporer des réserves au capital social, et ce, pour autant qu’aucune disposition légale, réglementaire ou statutaire ne s’y oppose.

Tel est le cas des sociétés d’habitations à loyer modéré pour lesquelles l’article L. 422-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) interdit toute incorporation de réserves, sauf dérogation accordée par le ministre chargé du logement.

L’augmentation de capital par incorporation de réserves, qui pourra être réalisée soit par voie de relèvement de la valeur nominale de chaque action soit par attribution d’actions nouvelles aux actionnaires, relève de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire qui statue toutefois aux conditions de quorum et de majorité des assemblées générales ordinaires, ainsi que le prévoit l’article L. 225-130 du Code de commerce.

Mais les réserves peuvent être, là encore sauf interdiction légale ou statutaire, distribuées aux associés de la société. C’est sur les conditions et notamment la temporalité de cette distribution qu’une controverse jurisprudentielle vient de naitre.

 

B/ La distribution des réserves

Les réserves peuvent présenter un caractère distribuable, à l’exception toutefois de la réserve légale et des réserves rendues indisponibles par la loi ou les statuts.

A la lecture des articles L. 232-11 et 12 du Code de commerce, aucune disposition légale ne semblait expressément autoriser ou interdire une distribution de réserves intervenant en dehors de l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes annuels.

De manière relativement constante, jusqu’à présent, la doctrine et la jurisprudence considéraient que cette faculté de distribution des réserves permettait à toute assemblée générale d’y procéder et il n’était pas inhabituel de procéder à de telles distributions en dehors des assemblées générales ordinaires annuelles, en convoquant une assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement.

Cependant, certaines incertitudes ont été introduites par la jurisprudence au cours des trois dernières années :

  • Dans un jugement du 23 septembre 2022, le Tribunal de commerce de Paris a jugé qu’aucune distribution de réserves ne pouvait être décidée en dehors de l’assemblée générale d’approbation des comptes annuels.

En l’espèce, les faits portaient sur une distribution décidée par une assemblée générale ordinaire convoquée avant l’approbation des comptes, s’élevant à un montant de 94,5 millions d’euros, dont 63 millions d’euros imputés sur les réserves et 31,5 millions d’euros sur le report à nouveau créditeur.

Au regard de la règle du troisième alinéa de l’article L. 232-11 du Code de commerce selon laquelle aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires dans l’hypothèse où les capitaux propres sont ou deviendraient inférieurs au montant du capital augmenté des réserves, le Tribunal de commerce a reconnu que les prévisions effectuées étaient conformes aux montants approuvés deux mois plus tard par l’assemblée générale d’approbation des comptes annuels, de sorte que cette distribution ne venait pas impacter « la solidité financière de la société ».

Toutefois, le dividende de 94,5 millions d’euros ayant été décidé par une assemblée générale ordinaire réunie avant celle d’approbation des comptes annuels, cette distribution avait été décidée plus de neuf mois après l’approbation des comptes du dernier exercice clos, et cela en l’absence de tout bilan certifié (comme l’impose le 2ème alinéa de l’article L. 232-12 du Code de commerce qui traite des conditions dans lesquelles peut être versé un acompte sur dividendes). La distribution ainsi réalisée a été considérée comme un moyen de contourner les dispositions légales relatives au délai de mise en paiement des dividendes dans les neuf mois de la clôture de l’exercice[3].

Le Tribunal de commerce a qualifié cette distribution de dividendes fictifs, considérant qu’il ne pouvait « sérieusement être soutenu que l’alinéa 2 de l’article L. 232-11 du Code de commerce permettrait, en l’absence de dispositions contraires, un autre mode de distribution, que celui, alternatif, qui résulte de l’article L. 232-12 et que les sociétés auraient, dans le silence des textes, la possibilité de procéder librement à des distributions de sommes prélevées sur leurs réserves. »

  • Trois ans plus tard, ce jugement est infirmé par la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 30 janvier 2025, qui affirme que toute assemblée générale peut librement décider de distribuer des réserves dès l’instant que les comptes annuels de la société ont été préalablement approuvés par l’assemblée générale ordinaire annuelle tenue antérieurement à la distribution.

Dans son analyse, la Cour d’appel revient sur le délai de neuf mois de mise en paiement des dividendes, considérant que les réserves distribuées ne découlent pas du dernier exercice non approuvé, mais des exercices qui le précèdent, dont les comptes ont été régulièrement approuvés. La règle des neufs mois ne s’applique pas aux distributions de réserves[4].

La Cour d’appel rejoint le courant doctrinal majoritaire en concluant « qu’en l’absence de disposition légale ou réglementaire contraire, rien n’interdit de décider une distribution exceptionnelle de dividendes prélevés sur les comptes de report à nouveau et réserves libres en dehors de l’assemblée générale ordinaire annuelle ».

Cette décision n’ayant toutefois pas pour l’instant fait l’objet d’un pourvoi en cassation, il conviendra donc de rester vigilant sur ce point.

 

II – Le report à nouveau et sa distribution

A/ Le compte de report à nouveau, un compte d’attente

Le compte de report à nouveau est un compte d’attente auquel l’assemblée générale peut affecter :

  • Tout ou partie des pertes qu’elle ne pourrait pas ou ne voudrait pas imputer sur les réserves de la société, le compte de report à nouveau pouvant donc présenter un solde déficitaire ;
  • Le bénéfice comptable subsistant après dotation des réserves obligatoires et facultatives et après prélèvement des sommes destinées à être distribuées à titre de dividende.

C’est un compte dans lequel sont donc laissées ces sommes en instance d’affectation, sur décision de l’assemblée générale et dont le solde devra être utilisé lors du prochain calcul du bénéfice distribuable, conformément aux dispositions de l’article L. 232-11 du Code de commerce

S’agissant plus particulièrement des sociétés d’habitations à loyer modéré, on rappellera que la clause-type 5 des statuts-types des sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré impose que le surplus constaté après affectations obligatoires aux réserves et prélèvement du dividende plafonné soit affecté à une « réserve spéciale destinée à assurer le développement de l’activité de la société et à parer aux éventualités ». De sorte que l’assemblée générale d’une société anonyme d’habitations à loyer modéré ne peut affecter le bénéfice restant après imputation aux réserves légales et distributions qu’à un compte de réserves.

 

B/ La distribution des sommes portées en report à nouveau ne peut être décidée que par une assemblée générale ordinaire annuelle

L’analyse juridique d’une distribution de réserves est à distinguer de celle des sommes portées en report à nouveau, notamment en raison de leur nature comptable. En effet, si les réserves présentent un caractère durable, le report à nouveau dépend directement du résultat bénéficiaire ou déficitaire du dernier exercice clos.

  • Ainsi, pour autoriser une assemblée générale ordinaire autre que celle d’approbation des comptes à procéder à une distribution des sommes portées en report à nouveau, la Cour d’appel de Paris avait retenu dans sa décision précitée du 30 janvier 2025 que ce report à nouveau s’analysait comme « une composante du bénéfice distribuable ».

En admettant que le report à nouveau bénéficiaire s’apparente à une réserve, la Cour d’appel autorisait sa distribution « en dehors de l’assemblée générale ordinaire annuelle », faute de disposition l’interdisant.

  • Toutefois, la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 février 2025, a rendu une solution parfaitement contraire en retenant que la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau ne peut pas être décidée par une autre assemblée générale que celle appelée à statuer sur les comptes du dernier exercice clos.

La Cour de cassation considère en effet « qu’il résulte de la combinaison de ces textes [N.B. : les articles L. 232-11 et L. 232-12 du Code de commerce], lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d’un exercice « est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution ». Il s’ensuit qu’encourt la nullité la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent. »

En conclusion, on retiendra que la distribution de dividendes prélevé à partir du report à nouveau n’est possible qu’à l’occasion des assemblées générales ordinaires d’approbation des comptes.

______

[1] https://www.courdecassation.fr/decision/67ac552f91acc6fabdb2cf1b

[2] On précisera utilement que les sociétés coopératives connaissent une interdiction de principe de distribution de leurs réserves à leurs actionnaires.

[3] C.com., art. L. 232-13

[4] H. Le Nabasque, Les sociétés recouvrent le droit de distribuer leurs réserves à tout moment, mais pas leur report à nouveau, Bull. Joly Sociétés, Mars 2025

Le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale : une pratique licite ?

Le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale, bien qu’il s’agisse d’une pratique existante, n’est pas prévu expressément par le Code de commerce. Cette absence de disposition claire a récemment conduit l’Autorité des Marchés Financiers[1] à solliciter le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) afin de se prononcer sur la licéité d’une telle pratique.

En effet, les dispositions du Code de commerce ne tranchent pas expressément la question de la licéité du retrait, mais uniquement celle de l’ajout d’une résolution. L’article L. 225-105 alinéa 3 du Code de commerce précise que « l’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour. »

Au regard du principe de fixité de l’ordre du jour, la Cour de cassation a ainsi pu déclarer la nullité de résolutions irrégulières en raison de la modification des termes exacts mentionnés dans l’ordre du jour.[2] En revanche, elle n’a jamais eu à se prononcer spécifiquement sur l’hypothèse d’un retrait de projet de résolution.

Par ailleurs, la doctrine déduit de cette disposition l’existence d’un principe de « fixité »[3] ou d’ « intangibilité »[4] de l’ordre du jour.[5] Néanmoins, l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) a récemment souligné que « le conseil d’administration auteur de la convocation, conserve la maîtrise de l’ordre du jour qu’il a fixé » et reconnaissait ainsi au conseil la faculté de retirer un projet de résolution avant ou pendant l’assemblée générale.[6]

Dès lors, le groupe de travail du HCJP, saisi de cette question, n’est pas parvenu à trouver un consensus concernant la licéité du retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour. Certains membres ont estimé qu’au regard du principe de fixité de l’ordre du jour, le retrait devrait être considéré comme illicite, tandis que d’autres ont soutenu que, faute de prohibition explicite dans le Code de commerce, le retrait ne saurait être qualifié d’illicite par principe.

En l’absence de position formelle de la Cour de cassation, le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour comporte un risque juridique pour l’émetteur (tel qu’un contentieux pour atteinte au droit de vote de certains actionnaires, nullité de la délibération, nullité de l’assemblée en cas de résolutions interdépendantes). Dans cette attente, le HCJP s’est accordé sur les bonnes pratiques à adopter, à l’occasion de tout retrait de résolution :

  1. L’amendement de retrait : La solution la plus respectueuse consiste à organiser un vote sur l’amendement de retrait du projet de résolution, en permettant aux actionnaires de se prononcer sur ce retrait lors de l’assemblée générale.
  2. La communication préalable : En cas de retrait décidé unilatéralement par le conseil d’administration, il est recommandé que l’émetteur informe les actionnaires du retrait et des raisons qui le motivent, et ce, dans les plus brefs délais avant l’assemblée générale.

_____

[1] AMF, Rapport sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, 2023, p. 57

[2] Exemple : Cass. com. 14 février 2018, n° 15-16.525

[3] Magnier Véronique, Droit des sociétés, Dalloz, collection « Cours », 10e édition, 2022, p. 315, n° 504

[4] Mortier Renaud et Guégan Elsa, « Ordre du jour et notion de résolution nouvelle », JCPE, 2018, n° 21, 1257

[5] Rapport sur le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale, du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, 6 décembre 2024

[6] ANSA, position n° 24-001, p. 2.

Qualification de terrain à bâtir exclue en cas de réseaux insuffisamment dimensionnés à l’échelle d’une opération d’aménagement d’ensemble

Par un arrêt du 13 février 2025 (pourvoi n° 22-21.592), la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce, pour la qualification d’un terrain, que la dimension des réseaux s’apprécie au regard de l’ensemble d’une opération d’aménagement.

Et pour cause, en vertu de l’article L. 322-3 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrain situés dans un secteur désigné comme constructible et effectivement desservis par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, si c’est exigé, un réseau d’assainissement à condition que les divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et en dimensions adaptées à la capacité de ces terrains, étant entendu que la dimension de ces réseaux s’apprécie au regard de l’ensemble de la zone lorsque doit faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble.

Par application de ce principe, la Cour pose que constitue une opération d’aménagement d’ensemble une zone dans laquelle figure un schéma d’aménagement portant sur la réalisation d’un projet d’ensemble devant servir de base à un projet opérationnel de la commune et portant sur la réalisation d’un quartier d’habitat de quarante logements environ dont six logements sociaux.

Ce schéma d’aménagement constituant une orientation d’aménagement et de programmation (O.A.P.) au sens de l’article R. 151-8 du Code de l’urbanisme, il y a lieu d’en déduire que la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’ensemble de la zone pour vérifier si une parcelle constitue ou non un terrain à bâtir.

Au cas présent, la Cour de cassation relève que le terrain exproprié ne pouvait être qualifié de terrain à bâtir car la dimension des réseaux, qui s’apprécie au regard de l’ensemble de l’O.A.P., était insuffisante.

Parcelle partiellement expropriée : prise en compte de la parcelle dans son ensemble pour la qualification à retenir au titre de l’indemnisation

Par un arrêt du 6 mars 2025 (pourvoi n° 23-22.427), la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la qualification des terrains expropriés et leur éventuelle situation privilégiée en cas d’expropriation partielle.

Aux visas des articles L. 322-2 et L. 321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la Cour énonce qu’en cas d’expropriation partielle, la qualification, à la date de référence, des terrains expropriés et leur éventuelle situation privilégiée s’apprécient, à cette même date, au regard de l’entière parcelle dont l’emprise a été détachée, et non en fonction de la seule emprise, qui résulte de l’expropriation.

En l’espèce, l’emprise partielle expropriée était à usage de parking et de voirie mais se trouvait rattachée à une parcelle qui était vouée à l’habitat en raison de son classement en zone AU1.

Par application du principe énoncé ci-avant, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel qui a retenu la configuration de la parcelle dans son ensemble et non celle de la seule emprise partielle pour constater que les termes de comparaison à retenir devaient correspondre à ceux d’une parcelle vouée à l’habitat.

Par cette position, la Cour de cassation refuse de faire peser sur l’exproprié les conséquences d’une emprise partielle décidée par l’autorité expropriante. Cette solution répond au principe de fixation d’une juste indemnité posé par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Quelle protection pour le podcast ?

Après une première étude de l’Observatoire des podcasts publiée en février 2024, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) a présenté son rapport en décembre 2024 qui vise plus spécifiquement l’encadrement du podcast par les règles nationales et européennes en matière de droit de la propriété littéraire et artistique.

Outre un nouvel état des lieux du secteur, il en ressort que le droit en vigueur garantit déjà une protection juridique au podcast, qui peut se diviser en deux catégories :

  • Le podcast entendu comme contenu c’est-à-dire l’enregistrement sonore, protégeable par le droit d’auteur (au sens de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle) mais aussi au titre du droit voisin des artistes-interprètes du podcast (article L. 212-1 du même Code) ;
  • Le podcast comme contenant, c’est-à-dire l’objet du podcast en tant que tel, protégeable, selon les cas, par le droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle (au sens de l’article L. 216-1 du Code de la propriété intellectuelle), des producteurs de phonogrammes (article L. 213-1 du même Code) ou encore des éditeurs de presse (article L. 218-1 du même Code).

Le CSPLA en conclut qu’il n’y a pas, pour l’instant, de nécessité de créer une nouvelle catégorie juridique pour protéger juridiquement le podcast tout en précisant qu’une intervention législative serait souhaitable pour adapter certaines dispositions du Code de la propriété intellectuelle.

Sur le fondement du droit d’auteur, le CSPLA relève notamment que la rémunération qui en découle est encore déséquilibrée et doit être mieux encadrée contractuellement entre les différents acteurs du secteur. Cet ajustement comprendrait une intervention plus importante des organismes de gestion collective mais aussi une réévaluation de la rétribution accordée par les plateformes en ligne.