Précisions sur l’articulation entre avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et décision de l’autorité hiérarchique

La consultation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en cas de projet de reconversion professionnelle d’un agent public est une procédure complexe et encore récente, et le Conseil d’Etat a été, dans ces dernières années, régulièrement amené à préciser la procédure et le cadre d’analyse qui contraint cette procédure.

L’affaire concernait, en l’occurrence, un agent qui avait saisi son employeur d’un projet de création d’entreprise, pour lequel il sollicitait le bénéfice d’un temps partiel, au titre des dispositions de l’article L. 123-8 du Code général de la fonction publique. L’agent avait d’abord sollicité un premier avis du référent déontologue, qui s’était prononcé favorablement au projet. L’agent, fort de cet avis, a alors saisi son employeur, qui a sollicité un nouvel avis du référent déontologue, conformément à la procédure applicable lorsque l’agent ne relève pas du contrôle direct de la HATVP. Le référent, a toutefois, cette fois, changé son avis en émettant cette fois un doute sérieux sur la compatibilité du projet avec les fonctions exercées par l’agent.

Au vu de cet avis, la collectivité a donc saisi la HATVP, qui a confirmé la seconde analyse du référent en jugeant le projet déontologiquement incompatible. La collectivité a donc notifié à l’agent son refus d’autoriser le projet professionnel de l’agent.

Ce dernier a alors saisi son employeur d’un projet remanié, espérant qu’il pourrait être autorisé sous cette nouvelle forme, en vain : considérant que le projet posait les mêmes problèmes fondamentaux que le premier, la collectivité, sans nouvelle saisine de la HATVP, a refusé de nouveau son autorisation.

Cette procédure complexe, dont le Conseil d’Etat a donc été saisi, lui a permis de préciser plusieurs points qui restaient encore indéterminées :

En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que l’avis du référent déontologue ne lie pas l’administration et a simplement vocation à l’éclairer : l’administration n’était donc pas tenue de suivre l’avis initial, favorable, du référent déontologique

En deuxième lieu, en revanche, l’avis de la HATVP liait la décision de la collectivité, qui intervient à ce titre en compétence liée, avec toutes ses conséquences juridiques : aucun vice de procédure ou de forme ne peut donc être invoqué à son encontre[1]. Les critiques du requérant sur les modalités de saisine et le sens variant de l’avis du référent déontologue ne pouvaient donc utilement être soulevées :

« Les éventuelles irrégularités ou erreurs dont serait entaché l’avis du référent déontologue sont sans incidence sur la légalité de l’avis rendu par la HATVP et de la décision par laquelle l’autorité hiérarchique se borne à tirer les conséquences d’un avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves rendu par la Haute Autorité ».

Enfin, en troisième lieu, la possibilité dont dispose l’administration de solliciter de la HATVP une nouvelle délibération (L. 124-17 du CGFP), n’est qu’une faculté, et l’agent n’a aucun droit à obtenir une telle démarche de la part de son employeur. En l’occurrence, dans la mesure où le nouveau projet soumis par l’agent était essentiellement identique au premier, du moins du point de vue déontologique, l’administration n’était pas tenue de saisir de nouveau la HATVP, et pouvait légalement rejeter directement la seconde demande de l’agent.

Le Conseil d’Etat confirme ainsi que le seul contentieux qui peut utilement être engagé en la matière, doit être exercé à l’encontre de l’avis de la HATVP lui-même lorsqu’elle est saisie, puisqu’il est celui qui fait grief à l’agent.

Si des zones d’ombres persistent encore dans cette procédure, qui demeure complexe et peu courante, on ne pourra que se satisfaire de ces précisions du Conseil d’Etat, en attendant les suivantes.

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[1] CE, 3 février 1999, Montaignac, n° 149722

Une crise d’angoisse survenue pendant le service peut-elle être considérée comme un accident de service ?

Pour mémoire, est présumé imputable au service tout accident survenu, qu’elle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal.

Le juge administratif a défini l’accident comme un événement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l’origine de lésions ou d’affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.

Cette définition peut être s’appliquer à une crise d’angoisse pendant le service, lorsque l’agent fixe son origine dans la convocation à une entretien par l’administration ?

Le juge administratif examine alors si cet incident peut être regardé comme un événement soudain et violent et plus précisément si le comportement de l’administration excède l’exercice normal de l’autorité hiérarchique (CE, 27 septembre 2021, n°440983).

En l’espèce, l’agent avait ressenti une crise d’angoisse alors qu’il était convoqué le même jour pour un entretien relatif au traitement de sa demande de cumul d’activité.

Or cette convocation, dont l’organisation n’excédait nullement l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, auquel l’intéressé n’a finalement pas assisté, n’a eu pour origine aucun évènement soudain et violent.

La Cour a ainsi considéré qu’elle n’était, par conséquent, pas de nature à revêtir le caractère d’un accident de service.

Le juge administratif apprécie ainsi de plus en plus strictement les conditions de l’accident, bien que survenu pendant le service, et plus précisément de son éventuel caractère violent et soudain.

Un document sur la manière de servir de l’agent dont l’identité de l’auteur est inconnue peut figurer au dossier individuel

Dans une récente décision la Cour administrative d’appel de Paris a eu l’occasion de préciser les règles en matière de composition du dossier individuel des agents publics, étant rappelé que ces derniers sont recevables à contester par le biais d’un recours pour excès de pouvoir une décision par laquelle une administration à refuser de retirer de leur dossier une ou plusieurs pièces dont ils estiment qu’elles ne peuvent légalement y figurer[1].

Bien qu’il n’existe aucune liste réglementaire fixant de manière précise et limitative la composition du dossier individuel, la législation (article L. 137-1 du CGFP[2]) en a tout de même définit les contours en prévoyant qu’il doit comporter « toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. ».

Sur le fondement de ces dispositions la Cour administrative d’appel de Paris, reprenant une jurisprudence constante[3] a rappelé que le dossier individuel du fonctionnaire « ne peut légalement contenir que des documents nécessaires à la gestion administrative de la carrière de l’intéressé ».

Au cas d’espèce elle a considéré que contrairement à ce qu’alléguait la requérante, les circonstances que le document litigieux « ne soit ni daté, ni signé de son auteur et ne mentionne pas le destinataire ne sont pas de nature à établir qu’il ne pouvait légalement figurer dans le dossier de l’agent ou qu’il serait un acte inexistant ». Précisons qu’en l’espèce le document comportait tout de même un signe distinctif, à savoir l’entête d’un des services de l’administration concernée.

Par ailleurs, après avoir analysé la teneur du document, les juges ont estimé d’une part, qu’il s’agissait d’un document portant sur la manière de servir, de sorte qu’il avait trait à la gestion de la carrière de l’agente, et d’autre part qu’il ne comportait aucun propos diffamatoire ni ne faisait référence à des faits matériellement inexacts. Enfin, la Cour administrative d’appel a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des garanties prévues à l’article 6 de la CEDH (droit au procès équitable) en le qualifiant d’inopérant.

Par suite, l’agente n’était pas fondée à réclamer le retrait dudit document de son dossier.

Aussi, un document dont l’auteur et la date ne sont pas identifiés peut, sous réserve qu’il soit pertinent pour apprécier la manière de servir de l’agent ou ayant trait à la gestion de la carrière de l’agent, figurer au dossier individuel d’un agent.

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[1] Par ex : CE, 28 novembre 1980, M. Demarcy, n° 20742 ; CE, 25 juin 2003, n° 251833.

[2] En l’espèce était applicable un texte propre à la Nouvelle Calédonie mais qui reprend strictement la teneur de l’article L. 137-1 du CGFP. Larrêté du 21 décembre 2012 relatif à la composition du dossier individuel des agents publics géré sur support électronique a également fixé une nomenclature.

[3] Par exemples CAA Marseille, 29/11/2016, n° 15MA02121, CAA DOUAI, 29/05/2019, n° 16DA01607.

 

Le guide de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est sorti !

Le guide actualisé du candidat et du mandataire, particulièrement attendu en cette rentrée 2025 à six mois des élections municipales, a été mis en ligne par la CNCCFP le 8 septembre dernier.

Il a pris un coup de jeune sur la forme ! L’édition 2019 était austère : 85 pages d’un document Word en police Arial. Cette année, le rapport est coloré, espacé et lisible, avec des sommaires au début de chacune des six grandes parties et des récapitulatifs (par ex. p. 34–35 sur la frontière entre exercice normal des fonctions de l’élu et campagne électorale).

Le guide 2025 innove également par sa lisibilité. Certains sujets autrefois dispersés sont désormais regroupés dans un même paragraphe, comme l’exception des dépenses de la campagne officielle (tracts, professions de foi, etc.), réunies en un seul développement à la page 55.

Il expose toujours les principaux éléments fondamentaux à connaître pour assurer la validité d’un compte de campagne, et s’organise cette fois-ci en six grandes parties : règles générales, compte de campagne, recettes, dépenses, décisions de la commission, et enfin responsabilité du candidat, du mandataire et du tiers (cette dernière partie étant désormais entièrement dédiée aux questions de responsabilité).

À noter, parmi les éléments nouveaux :

  • Ingérences étrangères – vigilance renforcée. En préambule, la Commission alerte sur les risques accrus d’« ingérence étrangère ». Rappel ferme de l’article L. 52-8 du Code électoral : interdiction de recevoir des contributions ou aides matérielles d’un État ou d’une personne morale étrangère, des prêts d’un État ou d’une personne morale étrangère (sauf établissements de crédit/financement de l’UE/EEE), des dons d’une personne physique non française ou ne résidant pas en France. Ces interdictions, assorties de sanctions pénales (art. L. 113-1), imposent de justifier l’origine des fonds et de refuser tout concours lié, même indirectement, à des intérêts étrangers.
  • Nouveau régime spécifique à Paris, Lyon et Marseille – deux élections, deux comptes. À la suite de la loi du 11 août 2025 réformant le mode d’élection dans ces trois villes, il y a désormais une élection à l’échelle de l’arrondissement/secteur et une élection à l’échelle de la commune. Conséquence : un compte de campagne par élection et par candidat tête de liste, avec déclaration d’un mandataire et ouverture d’un compte bancaire distinct pour chaque scrutin. En cas de dépenses communes, un état des dépenses mutualisées doit être joint à chaque compte.
  • Affichage mobile et permanences : règles durcies. L’affichage électoral est interdit hors emplacements officiels/affichage libre dans les six mois précédant le scrutin. Il est notamment illégal de floquer un véhicule aux couleurs d’un candidat. Sur la devanture d’une permanence électorale, seuls peuvent figurer le nom du candidat, le nom du parti, la nature et la date du scrutin. Aucun slogan, logo ou portrait n’est autorisé. Le guide intègre en annexe D un exposé des principales jurisprudences ayant précisé ces interdictions.

Autres précisions utiles :

  • interdiction absolue de toute publicité électorale sur les réseaux sociaux, sous toutes ses formes (sponsorisation de pages, stories, vidéos, influenceurs, etc.) : Il est à ce titre interdit de recourir à un abonnement Premium sur X (X blue) ;
  • encadrement des accessoires vestimentaires de campagne (écharpes, tee-shirts, casquettes…) qui constituent une dépense électorale s’ils portent une référence à l’élection ;
  • précision sur le cas du candidat auto-entrepreneur, dont les prestations doivent être inscrites comme concours en nature et ne peuvent être remboursées.

En définitive, la lecture – et la relecture attentive – de ce guide est indispensable pour tous les candidats et mandataires, dans l’attente du mémento aux candidats, lui aussi particulièrement attendu.

Sur les conditions d’indemnisation de la perte de la plus-value en cas de rétrocession en nature impossible

Dans un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions d’indemnisation d’un propriétaire au titre de la rétrocession de son bien (lorsque cette dernière est impossible en nature).

Prévue à l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation, la rétrocession permet à l’ancien propriétaire exproprié de procéder au rachat de son bien lorsque « les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination ».

De jurisprudence constante, il était considéré que le rachat du bien intervenait au regard de sa qualification à la date à laquelle le droit de rétrocession a été reconnu, au prix estimé à la date de la décision de première instance statuant sur le prix de l’immeuble rétrocédé (Cass. 3e civ., 26 févr. 1997, n° 95-17.530).

Ainsi, la rétrocession d’un bien ne s’analyse pas en une annulation de l’expropriation, mais bien en nouvelle vente opérée entre l’expropriant (actuel propriétaire) et l’exproprié (ancien propriétaire), sans effet sur l’indemnité versée dans le cadre de l’expropriation.

Dans l’hypothèse d’une rétrocession impossible du bien en nature, le droit de rétrocession se traduit par l’octroi de dommages et intérêts.

Il convenait alors de déterminer la période prise en compte pour le calcul de la période préjudicielle pour laquelle l’ancien propriétaire peut obtenir l’indemnisation de la perte de la plus-value du bien dont la rétrocession est impossible :

« 7. Il découle de ces règles, s’agissant de la perte de plus-value du bien dont la rétrocession est devenue impossible, que :

    • la rétrocession n’étant qu’une faculté, sans incidence sur la régularité de l’expropriation, le point de départ de la période préjudicielle est, non pas la date à laquelle le bien a été exproprié, mais celle de l’assignation aux fins de rétrocession, qui constitue la mise en demeure de l’autorité expropriante de restituer son bien à l’exproprié (3e Civ., 17 juillet 1997, pourvoi n° 95-17.530, publié) ;
    • la rétrocession, lorsqu’elle est possible, supposant le rachat par l’exproprié de son bien à sa valeur résultant de sa qualification à la date à laquelle le droit de rétrocession a été définitivement reconnu, cette date constitue, lorsque la rétrocession est impossible, le terme de la période préjudicielle ».

Ainsi, la période indemnisée ne s’ouvre pas à compter ni de l’expropriation, ni de la naissance du droit de rétrocession mais bien à compter de l’assignation du propriétaire car, comme le rappelle la Cour, la rétrocession est une simple faculté ouverte au propriétaire sans incidence sur l’expropriation (qui ne saurait donc donner lieu à indemnisation qu’une fois que le propriétaire a pris la décision d’exercer son droit).

Par son arrêt du 10 juillet 2025, lorsque le droit de rétrocession ne peut être exercé en nature, l’ancien propriétaire exproprié peut obtenir une indemnisation de la perte de plus-value sur la période allant de l’assignation aux fins de rétrocession (début) à la date de reconnaissance définitive de ce droit (fin).

Les évolutions récentes du droit d’accès aux données

A travers sa compilation des jurisprudences applicables en la matière, la CNIL a rappelé l’étendue du droit d’accès aux données à caractère personnel.

La CJUE a considéré que l’article 12, paragraphe 5 et l’article 15, paragraphes 1 et 3 du RGPD, ne donnent pas au responsable du traitement la possibilité d’exiger les motifs de la demande d’accès présentée par la personne concernée. L’obligation de fournir, à titre gratuit, une première copie de ces données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement, s’impose au responsable du traitement, qu’importe le motif de la demande (CJUE, 26 octobre 2023, C-307/22).

Il est rappelé dans ce même arrêt que l’article 15 du RGPD consacre un droit d’accès à une copie de ses données. Il n’existe pas un droit d’accès à un document, mais aux données à caractère personnel qu’il contient et qui doivent être complètes. Ce droit implique cependant qu’il soit remis à la personne concernée une copie fidèle et intelligible de l’ensemble de ces documents entiers, si la fourniture de données, pouvant prendre la forme d’une copie d’extraits de documents, voire de telles copies est indispensable pour l’exercice effectif des droits conférés par le RGPD. Il conviendra tout de même, surtout dans ce dernier cas, de vérifier que la communication des données ne porte pas atteinte aux droits et libertés d’autrui (CJUE, 4 mai 2023, Osterreichische Datenschutzbehorde et CRIF, C-487/21), entendu comme les personnes autres que le demandeur, et notamment les destinataires des données (CE, 24 février 2022, n° 447495).

En vertu de l’article 15 paragraphe 1 toujours, il existe non seulement un droit d’accès aux données à caractère personnel mais également un droit à se voir communiquer les informations en lien avec ces opérations, telles qu’elles sont mentionnées par cette disposition. C’est-à-dire que le responsable de traitement informe la personne concernée des destinataires auxquels ont été communiquées ses données (CJUE, 22 juin 2023, C-579/21 Pankki). En outre, les articles 13 et 14 du RGPD fixent une obligation pour le responsable de traitement de fournir à la personne concernée les informations relatives aux catégories de destinataires ou aux destinataires concrets des données à caractère personnel (CJUE, 12 janvier 2023, C-154/21).

Le droit d’accès trouve aussi certaines restrictions, illustrées et précisées par diverses jurisprudences.

Il résulte des articles 84 et 86 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 que le droit d’accès aux données personnelles s’éteint au décès de la personne concernée et que, par exception, les héritiers de la personne concernée peuvent exercer, après son décès, le droit d’accès à ses données dans la mesure nécessaire à l’organisation et au règlement de la succession du défunt, en l’absence de directives relatives à la communication des données à caractère personnel de la personne décédée, ou de mention contraire dans de telles directives (CE, 18 novembre 2021, n° 448729).

Des restrictions au droit d’accès peuvent être prononcées lorsque, en particulier, les demandes sont présentées de manière non précise compte tenu de la quantité de données personnelles traitées par un fichier. En invitant le requérant à préciser sa demande, restée infructueuse, la CNIL n’a commis ni erreur de droit, ni erreur d’appréciation (CE, 5 décembre 2024, n° 488201).

Contrats administratifs : l’évolution d’une politique publique répond à un motif d’intérêt général justifiant la résiliation unilatérale

CAA Versailles, 8 juillet 2025, n° 22VE02706

Dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État Commune de LIMOGES (CE, 19 janvier 2011, n° 323924), la Cour administrative d’appel de Versailles a rendu deux arrêts confirmant que le choix d’une personne publique de faire évolution une politique publique constitue un motif d’intérêt général justifiant la résiliation unilatérale d’un contrat de la commande publique.

Dans un arrêt du 12 juin 2025, la Cour affirme que la volonté de la communes de Trappes « de reprendre en régie l’exploitation du café-culture l’Etoile d’Or afin de développer un projet culturel global et cohérent à l’échelle de son territoire » constitue un motif d’intérêt général de nature à justifier la résiliation d’un contrat de concession, et ce « sans qu’il y ait lieu pour la Cour de faire porter son contrôle sur l’opportunité de la décision prise par le conseil municipal de Trappes de reprendre en régie l’exploitation du café litigieux ».

Dans un arrêt du 8 juillet 2025, la Cour a considéré que l’office public de l’habitat (OPH) Levallois Habitat n’avait pas commis de faute en résiliant pour motif d’intérêt général un marché public de conception-réalisation dès lors qu’il résultait « de l’instruction que cette résiliation est justifiée par la volonté de la commune de Levallois de ne pas accentuer la densification de la ville et alors que ce projet de surélévation d’immeubles était contesté par des riverains, de sorte que la volonté d’abandonner ce projet de construction pour des motifs de politique publique doit être regardée comme répondant à un motif d’intérêt général ».

Ce faisant, la Cour confirme la possibilité pour les personnes publiques de fonder la résiliation unilatérale d’un contrat administratif pour un motif d’intérêt général tiré de la volonté de la personne publique de faire évoluer une politique publique.

Gens du voyage : une aire d’accueil sur laquelle le séjour s’est sédentarisé ne permet pas de regarder comme remplies les obligations du schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAV) et, par conséquent, de permettre au maire d’interdire le stationnement en dehors de cette aire

Les EPCI, compétents en matière d’accueil des gens du voyage[1], sont tenus de créer, d’aménager, d’entretenir et d’assurer la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) a prévu l’implantation sur leur territoire[2].

Les communes membres d’un EPCI compétent remplissent, quant à elles, leurs obligations en accueillant sur leur territoire les aires et terrains susvisés[3].

Dans ce cadre, le maire d’une commune membre peut faire usage de ses pouvoirs de police afin d’interdire, par arrêté, le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage en dehors des aires et terrains implantés sur le territoire communal[4].

En cas de stationnement effectué en violation d’un tel arrêté, le maire peut alors demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, étant précisé que cette mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques[5].

L’exercice de ce pouvoir de police du maire est toutefois subordonné au respect, par son EPCI, d’au moins l’une des six conditions définies à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, parmi lesquelles figure, notamment, l’obligation de satisfaire aux obligations en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil[6].

C’est de ce pouvoir de police dont avait fait usage le Maire de la Commune de Morangis (Essonne) pour interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors de l’aire d’accueil implantée sur son territoire. Constatant la méconnaissance de cet arrêté, le maire avait saisi la préfète afin que celle-ci mette en demeure les occupants de quitter les lieux.

Saisi d’un recours en annulation de la mise en demeure par les occupants, le Tribunal administratif de Versailles avait rejeté leur demande[7]. En effet, alors que les requérants soutenaient que l’aire d’accueil de Morangis était indûment occupée par des familles sédentarisées et, qu’ainsi, la Commune ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de disposer d’une aire d’accueil, le tribunal a relevé, d’une part, que seules quelques familles disposaient d’une dérogation spécifique pour occuper de façon permanente cette aire dans l’attente de relogement et, d’autre part, et en tout état de cause, que les requérants n’établissaient pas avoir présenté une demande d’installation sur cette aire et qui aurait été rejetée.

La Cour administrative d’appel de Versailles a toutefois censuré ce raisonnement.

En effet, celle-ci a relevé que l’aire d’accueil de la commune de Morangis, d’une capacité de vingt-six places, avait été mise à disposition de huit ménages, dans l’attente de leur relogement, pour une période de deux ans qui avait été prolongée jusqu’au 15 octobre 2024. Cette aire était donc dédiée, depuis plus de trois ans, à des familles sédentarisées.

La Cour a alors estimé que, compte tenu de la durée de cette occupation, l’aire ne pouvait plus être regardée comme ouverte à l’accueil des gens du voyage itinérants – la durée maximale du séjour sur ces aires étant fixée, en principe, à trois mois consécutifs[8] –, de sorte que la commune de Morangis ne pouvait être regardée comme dotée d’une aire permanente d’accueil conforme aux prescriptions du SDAGV autorisant son maire à interdire le stationnement en dehors de cette aire.

Aucune des autres conditions énumérées à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 – qui aurait permis de fonder l’interdiction de stationnement – n’étant par ailleurs réunie, la Cour a jugé que l’arrêté municipal prévoyant cette interdiction ne pouvait servir de base légale à la mise en demeure litigieuse de la préfète et l’a annulée.

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[1] Depuis la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, (dite « MAPTAM ») pour les communautés urbaines et les métropoles et depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « NOTRe ») pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes.

[2] Article 1er de la loi du 5 juillet 2000.

[3] Article 2, I, B de la loi du 5 juillet 2000.

[4] Article 9 de la loi du 5 juillet 2000.

[5] Article 9, II de la loi du 5 juillet 2000.

[6] Article 9, I 1° de la loi du 5 juillet 2000.

[7] TA Versailles, 4 octobre 2024, n° 2408461.

[8] Article 8 du décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d’accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage et pris pour l’application de l’article 149 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté.

Droit d’accès aux courriels professionnels : la Cour de cassation et la CNIL imposent une communication intégrale des données personnelles au salarié

Par un arrêt du 18 juin 2025 (n° 23-19.022, publié au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation apporte une précision majeure concernant le droit pour un salarié d’accéder, sur le fondement de l’article 15 du RGPD, à l’ensemble des courriels qu’il a émis ou reçus dans le cadre de son activité professionnelle.

La Cour énonce que ces messages, incluant leur contenu comme leurs métadonnées (horodatage, destinataires, objets), constituent des données à caractère personnel au sens de l’article 4 du RGPD, dès lors qu’ils se rapportent à une personne physique identifiée ou identifiable.

En conséquence, par ce cas d’espèce, la Haute juridiction considère que l’employeur est tenu de communiquer les courriels professionnels au salarié qui en fait la demande, sauf à démontrer que cette communication porterait atteinte aux droits et libertés d’autrui. En l’espèce, l’abstention injustifiée de l’employeur a été qualifiée de faute, ouvrant droit à indemnisation.

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la doctrine de la CNIL, qui rappelle que le droit d’accès s’applique pleinement aux données personnelles traitées dans un contexte professionnel. Selon la fiche actualisée de l’autorité le 31 janvier 2025, la communication d’une copie intégrale des courriels est fréquemment la solution la plus aisée pour satisfaire à la demande, notamment lorsque le salarié est expéditeur ou destinataire.

Toutefois, d’autres modalités, comme la transmission d’un tableau récapitulatif structuré, peuvent être admises à condition qu’elles permettent une lecture fidèle et intelligible des données concernées. En revanche, le refus de communication au seul motif que les données sont contenues dans des messages professionnels ou que leur tri représenterait une charge de travail importante n’apparait pas être admis.

Toute restriction d’accès doit être justifiée par une atteinte caractérisée au secret des affaires, à la vie privée ou au secret des correspondances, et précédée, dans la mesure du possible, d’une anonymisation ou d’une pseudonymisation.

Cette convergence entre la jurisprudence de la Cour de cassation et la position officielle de la CNIL impose aux employeurs de se doter de procédures claires, loyales et documentées pour répondre aux demandes de droit d’accès. Il est également important de souligner que ces éléments doivent rester en cohérence avec le registre de traitement des données établi au sein de la structure de l’entreprise qui précise la durée de conservation de telles données.

Les courriels professionnels, loin d’être de simples supports de communication, doivent désormais être traités comme des objets pleinement soumis au RGPD. À défaut, les entreprises s’exposeraient à un risque accru de contentieux ou de sanctions administratives.

Pseudonymisation : quand la donnée change de nature selon celui qui la détient

Par un arrêt du 4 septembre 2025 (C-413/23 P, CEPD/CRU), la Cour de justice de l’Union européenne livre une décision appelée à marquer durablement le droit de la protection des données. Elle clarifie la qualification juridique des données pseudonymisées et l’étendue des obligations d’information des responsables de traitement au titre du règlement (UE) 2018/1725, en cohérence avec le RGPD.

Le contexte

L’affaire trouve son origine dans la résolution de Banco Popular Español par le Conseil de résolution unique (CRU). Les actionnaires et créanciers de la banque, invités à formuler des commentaires sur l’opération de résolution et sur l’éventuelle indemnisation, voyaient leurs données collectées par le CRU au moyen d’un formulaire en ligne. Pour l’analyse de ces commentaires, une partie a été transmise au cabinet Deloitte, désigné « tiers évaluateur », après pseudonymisation. Les plaignants reprochaient au CRU de ne pas les avoir informés de ce transfert.

Saisi, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a considéré que les données transmises restaient des données à caractère personnel et que Deloitte devait être mentionné comme destinataire. Le Tribunal de l’UE a annulé cette décision, estimant que la qualification devait s’apprécier du point de vue de Deloitte, qui n’avait pas la possibilité de ré-identifier. Le CEPD a formé pourvoi.

La solution de la Cour

La Cour annule l’arrêt du tribunal et pose plusieurs principes structurants :

  1. Une dissociation est possible. Pour le responsable qui collecte et pseudonymise les données (ici le CRU), celles-ci restent des données personnelles car il conserve la clé d’identification. Pour le destinataire (ici Deloitte), dépourvu de moyens raisonnables de ré-identifier, elles peuvent perdre leur caractère personnel. Autrement dit, la qualification peut varier selon l’acteur.
  2. L’obligation d’information pèse sur le responsable initial. Même si le destinataire ne peut pas ré-identifier, le responsable doit informer la personne concernée du transfert envisagé, conformément à l’article 15, §1, d) du règlement 2018/1725 (équivalent des articles 13 et 14 RGPD). Cette information doit être donnée au moment de la collecte, afin de permettre un consentement éclairé.
  3. Le destinataire non-ré-identifiant n’a pas d’obligation d’information. Lorsqu’un tiers reçoit des données pseudonymisées sans avoir de moyens raisonnablement mobilisables pour « repersonnaliser » celles-ci, il n’est pas tenu d’informer les personnes concernées, faute d’être en mesure de les identifier.

La portée de l’arrêt

L’apport est double. D’une part, la CJUE confirme que la pseudonymisation n’équivaut pas à une anonymisation : la donnée reste personnelle pour celui qui détient la clé ou peut la reconstituer. Mais elle admet que, dans certains cas, la donnée peut ne plus être « personnelle » pour un destinataire tiers. D’autre part, elle souligne que l’obligation d’information doit être envisagée exclusivement du point de vue du responsable collecteur et non du destinataire : ce qui compte est la relation initiale entre la personne concernée et le responsable qui collecte.

Au-delà du cas d’espèce, la décision intéresse directement toutes les situations de réutilisation de données pseudonymisées (statistiques, recherche, analyses de marché). Elle invite les responsables à :

  • qualifier distinctement les rôles et capacités de ré-identification de chaque acteur ;
  • maintenir une information complète et loyale des personnes dès la collecte, même en cas de transfert vers un tiers techniquement incapable de ré-identifier ;
  • sécuriser contractuellement et techniquement l’impossibilité de ré-identification côté destinataires.

En filigrane, la CJUE insiste sur le rôle structurant de l’information des personnes : condition de validité du consentement, elle constitue un levier central de confiance. L’arrêt ouvre cependant une brèche conceptuelle en reconnaissant que le caractère « personnel » d’une donnée peut dépendre de la position de l’acteur qui la détient — un pas supplémentaire vers une approche pragmatique et contextuelle de la notion de données à caractère personnel.

Registre des violations : l’Autorité de Protection des Données Personnelles (APDP) publie un modèle clé en main

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi n° 1.565 du 3 décembre 2024 relative à la protection des données personnelles, l’Autorité de Protection des Données Personnelles (APDP) franchit une nouvelle étape dans son rôle d’accompagnement des responsables de traitement. Elle propose désormais un modèle de registre des violations de données personnelles, conçu comme un outil opérationnel permettant de consigner et de suivre, de manière structurée, tout incident de sécurité affectant les données traitées par un organisme.

Ce registre, disponible sous la forme d’un fichier Excel téléchargeable depuis le site de l’APDP, répond à une double finalité : d’une part, aider les responsables de traitement à satisfaire à leurs obligations documentaires prévues par l’article 32 de la Loi n° 1.565 ; d’autre part, renforcer la culture de conformité et la traçabilité des démarches entreprises en cas de violation. L’outil permet ainsi de répertorier de manière détaillée les faits constatés (nature de la violation, date, circonstances), les effets identifiés (atteintes potentielles aux droits des personnes, impacts opérationnels), ainsi que les mesures prises pour y remédier.

Au-delà du suivi interne, le modèle intègre également un mécanisme automatisé d’aide à la décision. Lorsqu’un utilisateur sélectionne un degré de risque, le fichier indique immédiatement si la situation nécessite une notification officielle à l’APDP. Cette fonctionnalité, fondée sur la logique du « risque pour les droits et libertés », facilite l’évaluation de la gravité d’un incident et permet d’éviter les incertitudes souvent rencontrées par les responsables de traitement.

Si ce modèle s’adresse prioritairement aux directeurs et responsables monégasques, il constitue également une source d’inspiration pour les organismes établis en France. Bien qu’il ne soit pas publié par la CNIL, son usage pourrait avantageusement être transposé par les responsables de traitement français, soucieux de disposer d’outils concrets et facilement exploitables pour documenter les violations de données. L’existence d’un registre opérationnel, conçu dans un pays voisin partageant la même langue et des exigences proches, illustre ainsi l’intérêt de comparer les pratiques et d’adopter, lorsque cela est possible, les modèles développés hors de nos frontières.

Le droit de se taire ne s’applique pas aux contrôles diligentés par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés)

Par une décision en date du 5 juin 2025 (nos 499596, 499597), le Conseil d’État a tranché une question sensible soulevée dans le cadre de sanctions infligées par la formation restreinte de la CNIL. Les sociétés Cosmospace et Télémaque soutenaient que les articles 19 et 22 de la loi Informatique et Libertés méconnaissaient le droit de ne pas s’incriminer soi-même, en ce qu’ils ne prévoient pas d’information préalable sur le droit de se taire lors des enquêtes et procédures de sanction menées par l’Autorité.

Le Conseil d’État a jugé que les pouvoirs d’enquête prévus par l’article 19 de la loi du 6 janvier 1978 doivent être distingués de la procédure de sanction proprement dite. Ces pouvoirs, qui permettent aux agents de la CNIL d’accéder aux locaux professionnels, de se faire remettre tout document utile, quel qu’en soit le support, et de recueillir des renseignements ou justifications auprès des responsables de traitement et de leurs représentants, interviennent en amont. Leur finalité est de vérifier la conformité des traitements de données aux exigences légales et réglementaires, sans que la personne contrôlée soit, à ce stade, mise en cause dans une procédure répressive.

Dans cette perspective, le Conseil d’État rappelle que les actes d’enquête administrative ne visent pas à obtenir l’aveu d’une personne poursuivie mais à collecter des éléments objectifs nécessaires à l’exercice des missions de contrôle de la CNIL. Ils se distinguent donc de l’instruction pénale, dans laquelle le droit de ne pas s’incriminer soi-même trouve son terrain naturel d’application. L’autorité administrative se borne à demander des explications factuelles, à vérifier l’existence et la conformité de documents, ou encore à comprendre le fonctionnement des dispositifs mis en place par l’organisme audité.

La juridiction souligne ainsi que la garantie constitutionnelle du droit au silence ne saurait être invoquée pour faire obstacle à ces investigations préliminaires, qui relèvent d’une logique de régulation et de prévention plutôt que de sanction. L’obligation de coopérer avec les agents de la CNIL, notamment en communiquant les informations et justificatifs sollicités, découle directement des missions confiées à l’Autorité par la loi et par le RGPD. Reconnaître un droit de se taire à ce stade reviendrait, selon le Conseil d’État, à vider de leur substance les prérogatives de contrôle conférées à la CNIL et, par extension, à compromettre l’effectivité de la protection des données personnelles.

En conséquence, la haute juridiction écarte toute atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis s’agissant de l’article 19 : les contrôles menés par la CNIL ne nécessitent pas l’information préalable des organismes vérifiés sur un éventuel droit de garder le silence.

En revanche, s’agissant de l’article 22, qui encadre la procédure devant la formation restreinte, le Conseil d’État estime que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) mérite d’être posée. Il renvoie donc au Conseil constitutionnel l’examen de la conformité de ces dispositions, afin de déterminer si les personnes morales poursuivies devant une autorité administrative indépendante investie d’un pouvoir de sanction doivent être informées de leur droit de garder le silence, et selon quelles modalités.

Cette décision illustre la spécificité des contrôles opérés par la CNIL, qui reposent largement sur la coopération des organismes vérifiés. Elle rappelle également que le droit au silence, reconnu en matière pénale, n’est pas automatiquement transposable aux procédures administratives. Le Conseil constitutionnel devra désormais préciser les garanties minimales applicables dans le cadre des sanctions prononcées par la CNIL, et plus largement par les autorités administratives indépendantes dotées d’un pouvoir répressif.

Associations subventionnées : illégalité du conditionnement de la subvention au respect du principe de laïcité et à l’interdiction du prosélytisme

La Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’annulation partielle d’une délibération d’un conseil municipal subordonnant l’attribution de subventions à des associations à la signature par celles-ci d’un contrat d’engagement républicain, dont elle approuvait les termes, en ce que ce contrat imposait aux associations d’adopter « en tous points un fonctionnement laïc » et de s’abstenir « de tout prosélytisme ».

Pour ce faire, la Cour s’est fondée sur la liberté d’association, ainsi que sur la liberté religieuse de ces associations, dont elle a rappelé la portée en précisant que celle-ci implique la liberté de manifester sa religion, y compris le droit d’essayer de convaincre son prochain, sans toutefois protéger « le prosélytisme de mauvais aloi ».

Elle a ainsi considéré que l’atteinte portée, en l’espèce, à ces libertés – constitutionnellement et conventionnellement protégées – était excessive. Si la Commune soutenait que sa délibération se bornait à encadrer l’octroi de subventions, et n’affectait ainsi pas la liberté d’organisation et de fonctionnement des associations, ni leur liberté de religion, l’arrêt rappelle que l’octroi de subventions est parfois nécessaire au fonctionnement de ces associations. Il constitue, au demeurant, une ressource habituelle des associations, de sorte que cette délibération les impactait nécessairement.

La Cour a également rappelé la jurisprudence constante relative au subventionnement des associations qui, sans être cultuelles, ont des activités cultuelles, à savoir qu’un tel subventionnement, bien qu’encadré[1], est possible.

Elle a, enfin, tranché la question de savoir si les associations subventionnées doivent être regardées comme usagères d’un service public, en répondant par la négative. Ainsi, celles-ci ne peuvent se voir interdire tout acte de prosélytisme, comme cela est le cas pour les usagers des services publics (voir en ce sens la charte de la laïcité dans les services publics).

Pour être complet, il convient de relever que, d’une part, la délibération contestée avait été adoptée le 8 avril 2021, soit avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a créé le contrat d’engagement républicain, codifié à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA).

Plus précisément, la loi prévoit désormais que « toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :

1° A respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;

2° A ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;

3° A s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ».

Le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l’application de ces dispositions approuve le modèle de contrat d’engagement républicain ainsi prévu par la loi.

Celui-ci prévoit, en matière de laïcité, que l’association s’engage « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » et, s’agissant du prosélytisme, qu’elle « s’abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression » (engagements n° 1 et 2).

Ces stipulations n’ont ainsi pas la même portée que celles qui ont été censurées par la Cour administrative d’appel de Lyon puisqu’elles rappellent que c’est la République qui a un caractère laïc (ce qui ne remet pas en cause la liberté de religion, au contraire) et que c’est le prosélytisme abusif qui est proscrit.

Au surplus, le CER ainsi prévu par la loi et fixé par décret ne peut être modifié par les collectivités territoriales.

En ce sens, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour incompétence, la délibération par laquelle un conseil régional avait adapté le contenu du premier engagement du texte, « notamment en ajoutant, au sein de l’engagement n°1, une obligation non prévue par ce décret, relative à l’interdiction, par le bénéficiaire de la subvention, du « port de tenues vestimentaires traduisant une quelconque forme de prosélytisme religieux dans un espace public, à l’exception des représentants des cultes″ » (TA Lyon, 24 juillet 2024, Ligue des droits de l’homme, n° 2203793).

D’autre part, la délibération attaquée dans l’arrêt présentement analysé a été, pour le reste, validée.

Ainsi, d’autres conditions fixées à l’octroi d’une subvention ont échappé à la censure du Tribunal administratif de Dijon, saisi en première instance, parmi lesquelles figurent les obligations de « ne pas revendiquer sa propre soustraction aux lois de la République pour un quelconque motif », ce qui prend sans doute pour cible les mouvements de désobéissance civile[2], de « ne pas causer de trouble à l’ordre public » ou encore de respecter « l’emblème national, l’hymne national et la devise de la République ».

______

[1] Les collectivités territoriales peuvent accorder des subventions « uniquement en vue de la réalisation d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association » (par exemple : CE, 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône, n°308817).

[2] v. en ce sens : P. David, Administration / Citoyens – À propos d’un pastiche du contrat d’engagement républicain, La Semaine Juridique Administration et collectivités territoriales n° 35 du 1er septembre 2025

Les indemnités des élus ne sont pas rétroactives

La Cour administrative d’appel de Lyon a récemment rappelé que les délibérations fixant les indemnités des élus ne peuvent avoir d’effet rétroactif.

Ainsi, ces délibérations ne peuvent prendre effet à une date antérieure à celle de leur entrée en vigueur, laquelle est, on le rappelle, conditionnée par leur publication et leur transmission au contrôle de légalité (articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du CGCT ; CE, 30 septembre 1988, Commune de Nemours c/ Mme Marquis, n° 85099).

Il s’agit de l’application d’une solution ancienne, en vertu de laquelle les actes administratifs de caractère réglementaire ne peuvent, sauf si la loi en dispose autrement, disposer que pour l’avenir (CE, 25 juin 1948, Société du journal « L’Aurore », Lebon p. 289).

Et le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de se prononcer précisément sur la non-rétroactivité des indemnités de fonctions (CE, 28 juillet 1995, Communauté urbaine de Lyon, n° 142146).

La Cour administrative d’appel de Lyon a précisé que, ne sauraient tenir lieu de dérogation prévue par la loi, les articles L. 2123-20-1 et L. 2123-22 combinés du CGCT qui, s’ils ménagent à l’assemblée délibérante nouvellement élue un délai de trois mois pour fixer le barème des indemnités de fonctions et n’imposent pas au maire de ne déléguer ses attributions que postérieurement à la délibération fixant les indemnités, n’instaurent pas non plus de mécanisme de rétroactivité du barème.

Pour être complet, dans son commentaire sur cet arrêt (AJDA 2025.1481), Mme Psilakis, première conseillère à la CAA de Lyon évoque l’éventualité d’un assouplissement de la règle ainsi présentée.

Plus précisément, d’une part, elle relève qu’il existe une insécurité juridique pour les collectivités locales qui, pour des raisons pratiques, ne pourraient se prononcer rapidement après l’installation du nouveau conseil municipal sur le régime indemnitaire des élus communaux et qui adopteraient de ce fait une délibération à caractère rétroactif.

En l’espèce, on rappellera le contexte tout à fait particulier de la crise sanitaire, dans lequel les conseillers municipaux ont été installés en 2020. Ainsi, les délibérations en cause avaient été votées en septembre 2020, alors que les adjoints avaient été élus en juillet, et les délégations octroyées par le maire dans le courant du même mois de juillet.

D’autre part, elle indique qu’outre l’exception législative mentionnée dans la décision susmentionnée Société du journal « L’Aurore », un acte administratif peut, selon le commentaire de cette décision aux GAJA (Grands arrêts de la jurisprudence administrative) comporter un effet rétroactif dans trois séries de cas : la régularisation de mesures antérieures pour tirer les conséquences d’une annulation pour excès de pouvoir, l’édiction d’actes venant s’ajouter à des mesures antérieures dont ils conditionnent l’application et, enfin, le règlement de situations qui ne peuvent être réglées autrement.

Sur ce dernier point, exemple est pris de la décision en date du 7 février 1979, Association des professeurs agrégés des disciplines artistiques (n° 08003), s’agissant de la rétroactivité nécessaire d’un décret pour déterminer les droits à rémunération de professeurs nommés antérieurement.

La magistrate précise que, en l’espèce, la fixation du régime indemnitaire des élus pourrait « éventuellement » relever de la dernière des exceptions ainsi envisagées.

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Lyon n’ayant pas été saisie de cette question, celle-ci n’a pu être tranchée.

Il convient toutefois de relever que l’exception envisagée est des plus floues, qu’elle a pu être mentionnée ici dans le contexte très particulier de la crise sanitaire, mais qu’elle serait difficilement retenue en l’absence de circonstances exceptionnelles.

De sorte que la sécurisation juridique des délibérations concernées, qui peuvent impacter directement les élus, supposerait de faire une application stricte du principe de non-rétroactivité.

L’enquête de disparition inquiétante

Il n’existe aucune statistique fiable en matière de recensement des disparitions de personnes, même si le chiffre global oscille entre 50.000 et 70.000 disparitions par an, dont près de 40.000 mineurs, selon certaines sources.

Si dans la plupart des cas, la personne disparue est retrouvée saine et sauve, il arrive que pour un certain nombre d’entre elles, cette disparition soit qualifiée d’inquiétante.

Dans tous les cas de figure, mais plus encore lorsque cette disparition est de nature inquiétante, dès qu’un service de police ou de gendarmerie a la connaissance d’un signalement de disparition, celle-ci doit d’être traitée avec le plus grand professionnalisme et la plus grande rigueur.

Malheureusement, il arrive encore trop souvent que la famille d’une personne disparue se trouve désemparée face à une telle situation, sans réussir à obtenir l’aide qu’elle est en droit d’attendre des pouvoirs publics, parce qu’elle est confrontée :

  • soit à un manque d’écoute attentive de la part du personnel d’accueil du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, invoquant encore trop souvent un délai d’attente de 24 à 48 heures, pour une prise en compte de la demande, alors que ce délai n’a aucune existence légale ;
  • soit à un défaut de reconnaissance immédiat du caractère inquiétant de la disparition, qui conduit le policier ou le gendarme à ne pas adopter les bons réflexes pour optimiser les chances de découvrir la personne disparue vivante et en bonne santé.

Or, et surtout dans le cas d’une disparition inquiétante, il est primordial et même vital, que les bonnes décisions soient prises au moment même où le signalement est porté à la connaissance des services de police ou de gendarmerie.

Par ailleurs, tout signalement de disparition de mineur ou de majeur protégé est systématiquement et obligatoirement considéré comme une disparition inquiétante (Article 74-1 alinéa 3 du Code de procédure pénale).

 

I. Conditions d’ouverture d’une enquête pour disparition inquiétante

Il est utile de savoir qu’il existe deux types d’enquête en matière de disparition inquiétante.

I.1) – L’enquête judiciaire prévue par l’article 74-1 du Code de procédure pénale.

L’article 74-1 du Code de procédure pénale, prévoit que la décision d’ouvrir une enquête judiciaire pour disparition inquiétante soit prise ;

  • dès qu’elle concerne une disparition qui vient d’intervenir ou d’être constatée ;
  • et qui présente un caractère inquiétant dès lors qu’elle concerne :
    • un mineur ;
    • un majeur eu égard aux circonstances, à son âge, à son état de santé ou encore à sa situation personnelle (placement sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice).

Il convient de préciser que la procédure pour disparition inquiétante ne s’applique pas quand, au moment du signalement, l’enquêteur dispose d’éléments permettant de soupçonner un enlèvement.

Dans ce cas précis, les faits étant constitutifs d’un crime, les dispositions de l’article 74-1 du Code de procédure pénale ne s’appliquent pas.

I.2) – L’enquête administrative prévue par la Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, art.26.

L’article 26 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, prévoit qu’une enquête peut être ouverte sous la forme administrative dès lors :

  • qu’aucun élément ne laisse présumer que la disparition résulte d’un crime ou d’un délit ;
  • qu’elle ne vient pas d’intervenir ou d’être constatée ;
  • mais qu’elle reste néanmoins inquiétante pour les proches.

Dans ce cas précis, l’enquêteur n’agit pas sur directives du procureur de la République et ce type d’enquête n’a vocation qu’à retrouver la personne sans en rechercher une cause infractionnelle (il s’agit avant tout de recherches opérationnelles, sur le terrain).

Dans les faits, cette procédure est très peu mise en œuvre et dans tous les cas, si l’enquêteur venait à découvrir des indices laissant présumer la commission d’une infraction ou si les dispositions de l’article 74-1 du CPP se devaient d’être appliquées, le procureur de la République doit en être immédiatement informé, mettant fin aux recherches administratives pour déclencher l’ouverture d’une enquête judiciaire.

 

II. Déroulement de l’enquête pour disparition inquiétante

II.1) – Le recueil du signalement

Point de départ de l’enquête, le service de police ou de gendarmerie saisi par les proches d’un signalement de disparition inquiétante, devra s’attacher à :

a) – recueillir un maximum d’informations concernant :

  • l’identité de la personne disparue ainsi que toutes informations utiles la concernant ;
  • sa description physique et vestimentaire (photographie la plus récente possible);
  • sa situation sanitaire, médicale et sociale ;
  • sa famille, ses relations amicales et professionnelles ;
  • sa situation financière ;
  • ses moyens de locomotions.

b) – sécuriser tout élément permettant d’identifier la personne disparue à partir :

  • de son profil génétique (brosse à dents, à cheveux, etc.) ;
  • de son schéma dentaire (autrement appelé odontogramme).

II.2) – Les actes de procédure

Dès le signalement pour disparition inquiétante et l’ouverture d’une enquête judiciaire, sauf avis contraire du procureur de la République, la personne disparue doit faire l’objet d’une inscription au FPR (Fichier des Personnes Recherchées), y compris dans le cadre d’une enquête administrative.

Lorsqu’une enquête judiciaire de disparition inquiétante est ouverte par le procureur de la République, il peut être procédé aux actes prévus par les articles 56 à 62 du CPP.

Ainsi, l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) peut, dans les mêmes conditions que dans le cadre d’une enquête de flagrance :

  • procéder à des perquisitions et à des saisies – (art. 56 à 59 du CPP) ;
  • requérir toutes personnes qualifiées (notamment en matière de téléphonie, de vidéo surveillance ou bancaire) – (art. 60 à 60-2 du CPP) ;
  • interdire à toute personne de s’éloigner du lieu de l’infraction jusqu’à la clôture des opérations – (art. 61, al. 1 du CPP) ;
  • convoquer et procéder à l’audition de toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur cette disparition ou sur les objets et documents saisis – (art. 61, al. 2 à 5 du CPP) ;
  • et, si les nécessités de l’enquête l’exigence, l’OPJ peut retenir sous contrainte, toute personne jugée suspecte ou récalcitrante, le temps strictement nécessaire à son audition, sans toutefois excéder quatre heures – (art.62 du CPP).
Aucune mesure de garde à vue ne peut être prise à l’encontre d’une personne dans le cadre de l’article 74-1 du Code de procédure pénale.

II.3) – La durée de la procédure

Au cours de cette enquête, qui ne peut durer que 8 jours maximum à compter des instructions du procureur de la République, si des éléments laissant présumer que la disparition résulte d’un crime ou d’un délit venaient à apparaitre, le cadre judiciaire de droit commun doit s’appliquer immédiatement.

Dans tous les cas, au-delà ce délai de 8 jours, les recherches doivent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire ou par l’ouverture, sur réquisition, d’une information judiciaire pour recherche des causes d’une disparition, spécifiquement prévue à l’article 80-4 du Code de procédure pénale.

II.4) – Cas particulier de la diffusion INTERPOL

S’il existe une éventualité que la personne disparue, qu’elle soit majeure ou mineure, se rende ou soit conduite à l’étranger, une notice jaune INTERPOL pourra être émise en vue de la localiser dans l’un des pays partenaires du réseau INTERPOL.

https://www.interpol.int/fr/Notre-action/Notices/Notices-jaunes

 

La demande d’émission d’une notice jaune est faite par l’intermédiaire du Bureau Central National (BCN), directement par le service de police ou de gendarmerie saisi de la disparition.

La notice est ensuite publiée dans la base de données INTERPOL ce qui permettra de mettre en alerte les autorités de police de tous les pays membres du réseau INTERPOL.

 

III. Issue de la procédure

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter à l’issue de l’enquête ouverte pour disparition inquiétante.

III.1) – La personne disparue est retrouvée vivante et en bonne santé

En absence de cause infractionnelle, le procureur de la République classe définitivement l’affaire.

Si la personne retrouvée est majeure et qu’elle ne souhaite pas communiquer son adresse au requérant elle est libre de le faire – dans ce cas précis le requérant aura simplement connaissance du fait que la personne a été retrouvée saine et sauve.

 

III.2) – La personne disparue est retrouvée décédée ou blessée

  • La mort ou les blessures sont d’origine criminelle:

Le procureur de la République peut décider de l’ouverture d’une enquête préliminaire ou en flagrance si les conditions sont réunies, voire requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

  • La mort ou les blessures ne sont pas d’originelle criminelle :

Le procureur de la République classe alors l’affaire sans suite.

  • Les causes de la mort ou des graves blessures sont inconnues ou suspectes:

Le procureur de la République peut ordonner l’ouverture d’une enquête de découverte de cadavre ou de découverte de personne grièvement blessée ou bien requérir l’ouverture d’une information judiciaire pour recherche des causes de la mort, dans les conditions prévues à l’article 74 du Code de procédure pénale.

III.3) – La personne disparue n’a pas été retrouvée

Le procureur de la République peut requérir l’ouverture d’une information judiciaire pour rechercher les causes de la disparition comme prévu aux articles 74-1 et 80-4 du Code de procédure pénale.

Il est également envisageable d’ouvrir une enquête préliminaire ou une instruction sur une qualification d’enlèvement et séquestrations voire meurtre si certains éléments de l’enquête orientent vers une piste criminelle.

III.4) – Les recours possibles

Selon la suite donnée par les autorités judiciaires, des recours sont toutefois possibles.

En effet, la victime peut d’initiative déposer plainte soit directement au Commissariat ou à la Gendarmerie sur la qualification d’une infraction (meurtre, enlèvement, séquestration etc…) ou si elle souhaite directement saisir un juge d’instruction à l’aide d’une plainte avec constitution de partie civile.

Il convient de souligner qu’un avocat peut accompagner la victime aux services de police ou de gendarmerie afin de garantir que sa plainte soit prise puis enquêtée.De la même manière, un avocat peut rédiger la plainte avec constitution de partie civile pour saisir efficacement un juge d’instruction.

Retrouvez ici notre focus du mois de janvier 2025 sur les recours possibles pour les familles de personnes disparues.

 

IV. La prescription

En cas de recherches infructueuses, il est important de préciser que la disparition ne se prescrit pas ; aussi, même si l’enquête ou l’instruction est clôturée, la survenance de faits nouveaux pourra toujours justifier la reprise de nouvelles investigations.

 

V. Conclusion

Les familles sont trop souvent démunies face à la disparition d’un proche.

Il existe pourtant des moyens juridiques pour que des recherches effectives soient déclenchées et rapidement.

C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à prendre conseil auprès d’un avocat dès le début de la procédure.

L’accompagnement des familles par leur conseil au moment du signalement de la disparition, oblige bien souvent les autorités judiciaires et policières à prendre en compte sérieusement leur parole et à mettre en œuvre tous les moyens opérationnels et procéduraux pour retrouver leur proche.

 

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Soutien public à la production photovoltaïque : diminution du plafond de puissance de l’arrêté tarifaire S21 et création en substitution d’un appel d’offres dédié

Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments ou ombrières de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc »

Projet de décret modifiant l’article D. 314-15 du Code de l’énergie relatif aux seuils applicables pour bénéficier de l’obligation d’achat pour la production d’électricité à partir d’énergies

Face à l’augmentation du nombre de dossiers déposés pour bénéficier d’un contrat de soutien dans le cadre de l’arrêté tarifaire dit S21[1], le gouvernement a fait le choix de substituer au guichet ouvert prévu par cet arrêté, une procédure d’appel d’offres. La modification portée par le gouvernement ne concerne que le segment de puissance de 100 kWc à 500 kWc, les installations d’une puissance inférieure à 100 kWc étant toujours éligibles à l’arrêté tarifaire S21.

Pour rappel, le soutien public aux installations de production d’électricité d’origine renouvelable est notamment mis en œuvre par la conclusion de contrats de soutien entre les producteurs et des acteurs obligés : les contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération.

Le producteur peut bénéficier d’un contrat de soutien par deux moyens :

Une demande à un acteur obligé (EDF Obligation d’achat ou une entreprise locale de distribution) lorsqu’il satisfait les conditions d’éligibilité prévues par l’arrêté tarifaire applicable à la technologie utilisée par son installation. On parle alors de la procédure du « guichet ouvert » dans la mesure où le producteur a le droit d’en bénéficier dès lors qu’il remplit les conditions prévues par l’arrêté ;

La participation à une procédure de mise en concurrence organisée par la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE). Seuls les projets sélectionnés à l’issu de cette procédure bénéficieront d’un contrat de soutien.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des documents ici commentés, les exploitants des installations de production d’énergie solaire implantées sur bâtiments ou ombrières de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kW pouvaient bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat par la procédure du guichet ouvert.

Les conditions d’éligibilité à la procédure de guichet ouvert sont prévues par l’arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie et situées en métropole continentale, dit arrêté tarifaire S21.

Or, ainsi que le relève la CRE, les objectifs de développement de projets photovoltaïques répondant aux conditions fixées par l’arrêté tarifaire S21 ont largement été dépassés. En effet, la CRE a constaté 12,6 GWc de demandes de raccordement par rapport à un objectif cumulé de 2,9 GWc.

Dans ces conditions, et afin de limiter le soutien public aux projets photovoltaïques d’une puissance comprise entre 100 kWc et 500 kWc, le gouvernement a fait le choix de substituer à la procédure de guichet ouvert une procédure d’appel d’offres.

Les procédures de mise en concurrence, et notamment la procédure d’appel d’offres, sont régies par les articles L. 311-10 et suivants du Code de l’énergie. La participation à un appel d’offres organisé par la CRE permet de bénéficier, si le projet du candidat est retenu, d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération.

Ainsi la CRE a été saisie d’un projet de cahier des charges relatif à une procédure d’appels d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments ou ombrières de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc », dit « Appel d’offres simplifié Petit PV Bâtiment » ou « AOS ».

Comme le souligne la CRE : « cette procédure d’appel d’offres se substitue au soutien prévu au sein de l’arrêté tarifaire « AT S21 Bâtiment » pour les installations de puissance crête comprise entre 100 et 500 kWc. ». La CRE émet un avis favorable dans la mesure où la substitution permettra : « notamment dans un contexte de dépassement important des objectifs fixés dans le cadre de l’AT S21 Bâtiment, un meilleur pilotage du développement de ce segment de puissance. » (Délibération du 29 juillet 2025 précitée).

Le contenu de l’appel d’offres AOS est largement similaire à ceux existants en matière de photovoltaïque. Comme ces derniers, la sélection du candidat lui permettra de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération, et non plus d’un contrat d’obligation d’achat comme le permet l’arrêté tarifaire S21.

Concomitamment à la publication du cahier des charges de l’appel d’offres AOS, le gouvernement a mis en consultation un projet de décret modifiant l’article D. 314-15 du Code de l’énergie relatif aux seuils applicables pour bénéficier de l’obligation d’achat.

Aux termes de ce projet de décret, son objectif est de modifier « les valeurs de plafond d’éligibilité à l’obligation d’achat pour (…) abaisser le plafond d’éligibilité des installations solaires photovoltaïques sur le territoire métropolitain continental de 500 à 100 kW ».

Ainsi, l’article D. 314-15 du Code de l’énergie, relatif aux catégories de technologies éligibles à l’obligation d’achat disposerait « En application de l’article L. 314-1, les producteurs qui en font la demande bénéficient de l’obligation d’achat d’électricité pour les installations de production d’électricité suivantes : (…) 3° Les installations utilisant l’énergie solaire photovoltaïque implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts lorsqu’elles sont implantées sur le territoire métropolitain continental et 500 kilowatts lorsqu’elles sont implantées sur les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ; »[2].

Le projet de décret prévoit une entrée en vigueur le 22 septembre 2025, en cohérence avec le calendrier de la première période de l’appel d’offre AOS présenté ci-dessus.

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[1] Arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie et situées en métropole continentale

[2] La précision du dernier membre de phrase permettrait de maintenir la voie du guichet ouvert pour les installations photovoltaïques situées dans les zones non interconnectées.

Publication du septième rapport annuel du Haut conseil pour le climat : aspects énergétiques

Crée par la loi énergie et climat de 8 novembre 2019[1], le Haut conseil pour le climat a pour mission d’évaluer, de manière indépendante, l’action publique en matière de climat et sa cohérence avec les engagements internationaux et européens de la France, ainsi que de formuler des recommandations au Gouvernement et au Parlement. Son rapport 2025, qui couvre l’année 2024 et intègre les évolutions observées au printemps 2025, s’appuie sur des données scientifiques rigoureuses et sur une comparaison européenne et internationale.

Dans son septième rapport annuel, le Haut conseil pour le climat souligne que le pilotage de l’action climatique s’affaiblit, alors même que l’impact du changement climatique s’aggravent. L’organisme indépendant appelle donc à la mise en œuvre d’un pilotage renforcé et plus cohérent de la politique énergétique.

Parmi les constats dressés par le Haut Conseil, le rapport souligne d’abord que le réchauffement climatique et ses effets s’intensifient, démontrant ainsi des besoins croissants d’adaptation. En outre, si la France a respecté son second budget carbone (2019-2023), la trajectoire de décarbonation connait depuis 2024 un affaiblissement qui demeure incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.

En effet, dans son rapport, le Haut conseil souligne qu’alors que la diminution de l’empreinte carbone suppose une sortie progressive des énergies fossiles, la planification demeure incomplète, en particulier pour le gaz, dont les perspectives de substitution restent encore insuffisamment définies. L’organisme relève également des reculs inquiétants observés en 2025 concernant des dispositifs existants, parmi lesquels figurent notamment la suppression des rénovations d’ampleur dans MaPrimeRénov’, ainsi que la remise en cause de mesures favorables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (Zone Artificialisation Nette Emissions, trajectoire Zéro Artificialisation nette). Enfin le rapport souligne, d’une part, que la fiscalité énergétique demeure en décalage avec les objectifs climatique et, d’autre part, que le cadre juridique de l’énergie et du climat se révèle éclaté, du fait de la superposition de plans et d’instruments, ce qui entraine un manque de lisibilité.

Face à ces constats, le Haut conseil pour le climat formule plusieurs recommandations. Parmi celles-ci, il appelle d’abord à établir une stratégie détaillée de sortie du gaz fossile, en lien avec la Programmation Pluriannuelle de l’énergie soumise à consultation, en distinguant les usages et en fixant un calendrier précis. Il recommande également d’aligner plus étroitement la fiscalité énergétique sur les objectifs de décarbonation, afin de renforcer les incitations économiques à la transition. Le Haut conseil insiste aussi sur la nécessité d’établir une stratégie intégrée de flexibilité énergétique, en intégrant les énergies renouvelables thermique, tout en accélérant l’extension des réseaux de chaleur et de froid.

Il préconise par ailleurs de simplifier le droit de l’énergie et du climat en rationalisant la multitude de plans existants, afin de permettre une meilleure lisibilité et une mise en œuvre plus efficace des politiques.

Enfin, il souligne l’importance d’associer davantage les collectivités territoriales et les acteurs locaux à la gouvernance énergétique, en renforçant la territorialisation des politiques publiques nationales.

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[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

Fraudes aux CEE (Certificats d’économie d’énergie) : Renforcement des mesures de prévention et de sanction par la loi n° 2025-594 du 30 juin 2025

Par la promulgation de la loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques, publiée le 1er juillet dernier au Journal officiel, le législateur renforce sensiblement le dispositif de prévention et de répression permettant de lutter contre les comportements frauduleux au dispositif de certificats d’économies d’énergie (« CEE »). L’objectif est de sécuriser ce dispositif central de la politique énergétique, qui finance des travaux d’amélioration de la performance énergétique, en introduisant de nouvelles règles de conformité et des sanctions plus dissuasives.

 

En premier lieu, en matière de prévention, plusieurs mesures sont introduites par le législateur.

Tout d’abord, l’article 26 de la loi du 30 juin 2025 encadre plus strictement le recours à la sous-traitance et prévoit qu’à compter du 1er janvier 2026, les travaux éligibles au dispositif CEE ne pourront faire l’objet que de deux rangs de sous-traitance au maximum.

La loi introduit également un nouvel article L. 221-9-1 du Code de l’énergie qui prévoit que la demande de CEE vaut désormais déclaration du demandeur quant à la régularité des opérations, créant ainsi une responsabilité accrue pour les acteurs.

L’article 28 de la loi du 30 juin 2025 modifie par ailleurs l’article L. 221-10 du Code de l’énergie afin de soumettre l’ouverture d’un compte Emmy au registre national des CEE par une personne non éligible, à l’accord préalable du ministre chargé de l’Energie. Pour les titulaires déjà inscrits, la conservation du compte pourra également être conditionnée à cet accord.

En outre, un nouvel article L. 222-1-1 du Code de l’énergie permet désormais au ministre de mettre en demeure un demandeur de transmettre, dans un délai d’un mois, les documents justificatifs relatifs à chaque opération avant la délivrance des certificats. Cette mise en demeure suspend le délai d’instruction.

Enfin, certaines opérations d’économies d’énergie définies par arrêté devront désormais être vérifiées par la réalisation de photographies horodatées et géolocalisées ou par des vidéos à distance. Ces preuves devront être conservées six ans et mises à la disposition des agents du Pôle national des certificats d’économie d’énergie (« PNCEE »).

 

En second lieu, la loi du 30 juin 2025 renforce le régime répressif applicable en cas de comportement frauduleux en matière de CEE.

Le législateur introduit, à l’article L. 222-2, 6° du Code de l’énergie, une sanction spécifique visant les acquéreurs de CEE sur le marché secondaire qui n’auraient pas mis en place, ou de manière incomplète, les dispositifs de prévention de la fraude exigés par l’article L. 221-8 du Code de l’énergie. A titre de rappel, l’article L. 221-8 oblige les acquéreurs de certificats d’économies d’énergie à mettre en place des dispositifs d’identification, d’évaluation et de gestion des risques destinés à prévenir et détecter une éventuelle obtention frauduleuse par le cédant des certificats. Cette sanction pécuniaire sera proportionnée à la gravité du manquement et ne pourra excéder le double de la pénalité prévue à l’article L. 221-4, ni 10 % du chiffre d’affaires hors taxes, ou 12 % en cas de récidive).

Le plafond général de la sanction pécuniaire prévue à l’article L. 222-2 est également relevé : il passe de 4 % à 10 % du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos (de 6 % à 12 % en cas de récidive).

Enfin, et dans une logique de transparence accrue, le législateur impose désormais que les décisions de sanction mentionnent non seulement la nature de l’opération et l’identité de la personne sanctionnée, mais aussi celle de ses mandataires, des entreprises ayant concouru aux travaux ou audits énergétiques, ainsi que, le cas échéant, de l’organisme ayant réalisé le contrôle préalable.

 

Ces nouvelles dispositions, applicables à compter du 2 juillet 2025 témoignent donc d’une volonté de renforcer la crédibilité et l’efficacité du dispositif des CEE.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal : première étape vers un droit pénal environnemental international ?

Face aux trois grandes crises planétaires que représentent le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité, le Conseil de l’Europe a adopté le 14 mai dernier une nouvelle Convention contraignante qui a pour objectif de promouvoir et de renforcer la protection de l’environnement par le droit pénal.

Fort du constat d’une criminalité environnementale transfrontalière combinée à l’accélération des phénomènes de dégradation naturelles — tels que le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles ou la destruction des habitats —, le Conseil de l’Europe a fait émerger des normes internationales pénales communes fondées sur la coopération.

En réponse à ce constat, la Convention établit une vingtaine d’infractions pénales réparties autour de six thématiques majeures : la pollution, la gestion des déchets, les installations, les navires, les ressources naturelles et la biodiversité. La Convention prévoit également que les infractions doivent être érigées en infraction « particulièrement grave » lorsqu’elles sont commises intentionnellement et entraînent des dommages irréversibles, durables ou étendus à un écosystème important ou à un habitat protégé ; ce qui constitue une avancée majeure vers la reconnaissance du crime d’écocide.

Afin d’atteindre les objectifs de protection de l’environnement, la Convention impose aux Parties d’adopter et de mettre en place des politiques efficaces, globales et coordonnées qui comprennent les mesures législatives appropriées – sans toutefois les définir précisément.

Aux termes de cette convention, les Etats membres s’engagent à mettre en place des instruments juridiques pertinents, afin de prévenir, poursuivre et réprimer des actes tels que la pollution industrielle massive, le trafic d’espèces protégées ou la destruction illégale d’écosystèmes etc., protéger les témoins et lanceurs d’alerte, mener des enquêtes et faire exécuter les décisions pénales rendues par les autorités judiciaires.

Si cette convention érige la protection de l’environnement au cœur des préoccupations, les règles qu’elles fixent – dépourvues de caractère contraignant – constituent davantage des lignes directrices pour les Etats-membres, à charge pour eux de prendre les mesures adaptées à une lutte efficace contre la criminalité environnementale.

Limitation des prix négatifs : avis de la Commission de régulation de l’énergie sur un projet d’arrêté prévoyant la possibilité d’arrêter la production

La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) s’est prononcée le 16 juillet 2025 sur le projet d’arrêté soumis par le Gouvernement dans le cadre de l’élaboration du dispositif destiné à limiter la survenance des épisodes de prix négatifs de l’électricité.

Pour mémoire en effet, l’article 175 de la loi de finances pour 2025 a notamment introduit la possibilité de demander l’arrêt ou la diminution de la production de centrales de production d’électricité renouvelable d’une puissance installée de plus de 10 MW sous contrat de soutien public afin de limiter la survenance des épisodes de prix négatifs de l’électricité qui contribuent à déstabiliser le système électrique.

La CRE avait en effet recommandé dans une analyse consacrée au phénomène des prix négatifs publiée en fin d’année 2024, les évolutions introduites dans la loi de finances pour 2025.

L’article 175 de la loi de finances pour 2025 renvoyait à un arrêté pris après avis de la CRE pour préciser ses modalités de mise en œuvre. Par ailleurs, le même article 175 prévoyait une entrée en vigueur différée de ses dispositions, devant intervenir entre le 1er avril 2025 et le 31 décembre 2025.

Le projet d’arrêté sur lequel se prononce la CRE porte justement notamment sur les modalités de mise en œuvre opérationnelles de la participation des installations soutenues aux services système et au mécanisme d’ajustement, ainsi que sur la mise en œuvre de plusieurs dispositions relatives au versement de la prime pour prix négatifs prévue dans les contrats de complément de rémunération.

Ce projet d’arrêté porte ainsi précisément sur les modalités de mise en œuvre des dispositions de la loi de finances pour 2025 prévoyant :

  • pour les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat, la possibilité de participer aux services nécessaires au fonctionnement des réseaux et aux services de flexibilité prévus aux articles L. 321-11 et L. 322-9 du Code de l’énergie ainsi qu’au mécanisme d’ajustement prévu à l’article L. 321-10 du même code ;
  • pour les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou d’un contrat de complément de rémunération, la prise en compte d’une production théorique de l’installation si elle n’avait pas participé à ces mécanismes (« énergie corrigée ») pour le versement du soutien ;
  • pour les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération, un versement de la prime en cas de prix spot négatifs, même en cas de production de l’installation, si au moins une des deux conditions suivantes est respectée :
    • le prix spot est supérieur à un seuil fixé par l’arrêté objet du présent avis ;
    • le prix d’au moins une des enchères du couplage infra-journalier unique est positif ;
  • pour les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération, une tolérance d’injection pour apprécier la non-production de l’installation pour le versement de cette prime de prix négatif.

La CRE émet globalement un avis favorable au motif que les dispositions « permettront aux installations EnR bénéficiant d’un contrat de soutien de participer à la flexibilité du système électrique, et de faciliter le travail d’équilibrage de RTE, notamment en augmentant les offres sur les mécanismes d’équilibrage et en évitant les arrêts et reprises trop soudains et simultanés d’un nombre conséquent d’installations. ».

Le régulateur formule néanmoins un certain nombre de recommandations pour parfaire le dispositif dont il préconise une entrée en vigueur très rapide.