Le recours « Tarn et Garonne » impossible en cas de déclaration sans suite

Par un jugement en date du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif d’Amiens a confirmé qu’en l’absence de contrat, le candidat évincé ne pouvait régulièrement saisir … le Juge du contrat.

Une telle décision pouvait paraître évidente, mais le Tribunal a rappelé que la déclaration sans suite de la procédure interrompant le processus de formalisation du contrat (lequel contrat étant alors inexistant), cela interdit la contestation devant le Juge du contrat de la régularité des actes détachables, ce compris la régularité de la décision de déclaration sans suite.

Reste donc la possibilité qui était offerte de contester par la voie du recours en excès de pouvoir la décision de déclaration sans suite, confirmée par la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie, dans la dernière mise à jour de sa fiche technique sur les recours contentieux lies à la passation des contrats de la commande publique.

En revanche, le Tribunal examine la régularité de cette même décision à l’aune des conclusions indemnitaires présentées par le candidat se prétendant évincé irrégulièrement. De telles conclusions conduisent incontestablement le juge à apprécier le bien-fondé de la déclaration sans suite afin de déterminer si une faute a été commise par l’acheteur et si celle-ci ouvre droit à réparation. Et en l’espèce, le Tribunal considère qu’il ne ressort pas de l’instruction que cette décision ait été motivée par un autre motif que l’intérêt général.

Attention à l’avantage en nature que constitue le paiement des amendes de la circulation au lieu et place du salarié

Par arrêt en date du 9 mars 2017 (n° 15-27.538), la Cour de cassation est venue affirmer que la prise en charge par l’employeur des amendes routières des salariés est soumise à cotisations.

Elle estime au visa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale que sont considérées comme rémunérations soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et que dès lors, la prise en charge par l’employeur des amendes réprimant une contravention au Code de la route constitue un avantage soumis à cotisations.

Il conviendra donc d’être particulièrement attentif en cas de prise en charge des contraventions directe à déclarer cet avantage.

La faute lourde nécessite l’intention de nuire et peut entraîner la responsabilité pécuniaire du salarié

Par une série d’arrêts du 25 janvier 2017 (n° 14-26.071, 15-21.352,  15-27.365 et 15-21.064), la Cour de cassation rappelle que la faute lourde nécessite l’intention de nuire et que ce n’est que dans le cas d’une telle faute que le salarié peut être redevable de dommages et intérêts.

L’employeur est invité à clairement établir l’intention de nuire du salarié fautif c’est à dire la volonté de porter préjudice à l’employeur.

Cumul d’activité et de départ vers le privé pour les agents publics : le décret d’application de la loi déontologie publié

La loi dite « déontologie » du 20 avril 2016 (n° 2016-483) avait procédé à la modification des règles relatives au cumul d’activité et au départ vers le privé des agents publics (auparavant régis par l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dorénavant transférées dans le nouvel article 25 septies de cette même loi).

Ce nouvel article devait faire l’objet d’une modification intégrale du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat qui régissait jusque là les aspects réglementaires de ces questions.

Le Gouvernement a finalement opté pour l’abrogation pure et simple de cet ancien décret et la rédaction d’un tout nouveau décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017, qui est entré en vigueur le 1er février dernier.

Abrogeant également l’ancien décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie, le texte reprend en grande partie les éléments développés dans l’ancienne réglementation sur le cumul d’activité, la cessation d’activités et la commission de déontologie.

Mais il durcit le régime de saisine préalable de la commission de déontologie avant le départ de l’agent public vers le secteur privé, notamment en matière de délais, et il renforce les pouvoirs de contrôle de la commission.

Le décret détermine ensuite les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à l’interdiction qui est faite aux agents publics d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative et il dresse la liste des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire.

Il opère par ailleurs une distinction entre la création ou la reprise d’entreprise d’une part, et la poursuite d’activités au sein d’une entreprise d’autre part, précise l’obligation de déclaration des dirigeants de société et d’associations recrutés par l’administration et modifie les conditions de cumul des agents à temps non complet ou exerçant des fonctions à temps incomplet.

Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique

En introduisant de nouvelles dispositions dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, cette ordonnance rapproche certains points du droit applicable aux fonctionnaires du droit du travail, et ceci s’agissant de la formation et de la définition des accidents et maladies professionnels.

D’une part, le texte crée, à l’instar du dispositif existant pour les salariés du droit privé, un compte personnel d’activité (ci-après « CPA ») au bénéfice des fonctionnaires et des agents contractuels de droit public ayant pour objet d’informer leur titulaire de ses droits à formation et de faciliter son évolution professionnelle. Substitué au droit individuel à la formation, il se compose de deux comptes distincts : un compte personnel de formation (CPF) et un compte d’engagement citoyen (CEC).

D’autre part, l’ordonnance modifie les règles de prise en charge des incapacités temporaires reconnues imputables au service avec la création d’un nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, une extension aux fonctionnaires du régime de présomption légale d’imputabilité au service des accidents survenus dans le temps et sur le lieu du service ainsi que des maladies professionnelles qui figurent dans les tableaux des articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Enfin, l’accident de trajet est désormais défini légalement comme l’accident qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit le service et la résidence ou le lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service.

La plupart des dispositions de cette ordonnance sont d’application immédiate mais des décrets doivent intervenir concernant les modalités d’application du compte personnel d’activité.

 

Marques et Nom des collectivités : Laguiole retrouve son nom ?

Par un arrêt en date du 4 octobre 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel dans le bras de fer opposant la commune de Laguiole à la société Lunettes Folomi.

La Cour suprême a recours à la qualification de tromperie sur le fondement des pratiques commerciales et à celle de fraude pour aboutir à l’annulation des marques en cause.

Il est ainsi reproché aux Juges du fond de n’avoir pas suffisamment recherché si l’utilisation pour désigner des produits, du nom d’une commune de 1.300 habitants connue par près de la moitié de la population française, n’était pas susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen et de constituer une pratique commerciale trompeuse , au vu des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation et n’avoir pas « recherché si le dépôt de multiples marques comprenant ce nom pour des produits sans lien avec ce terroir ne relevait pas d’une stratégie commerciale visant à priver la commune et ses administrés de l’usage de ce nom nécessaire à leur activité économique et constitutive d’une fraude », sur le fondement des articles L. 711-1 et L. 712-1 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel de Paris, cour de renvoi, devra trancher cette affaire.

Rappelons que cette décision s’inscrit dans le contexte de la protection des indications géographiques industrielles et artisanales créées par la loi n° 2014-344 relative à la consommation du 17 mars 2014 qui a également instauré une procédure d’alerte au profit des collectivités territoriales et des établissements publics auprès de l’Institut de la Propriété Industrielle (INPI).

Le souci est de conférer à ces derniers la maîtrise de leur nom à l’égard de toute accaparation commerciale.

Appréciation par le Conseil d’état de l’utilité d’une mesure d’expertise

L’expertise judiciaire est, dans de nombreux domaines, le préalable à une action contentieuse devant le Juge du fond. En effet, l’expert judiciaire éclaire le Juge saisi sur des éléments d’ordre technique lui permettant ainsi de définir notamment les responsabilités.

La demande d’expertise est fondée, sur les dispositions de l’article R. 531-1 du Code de justice administrative lequel dispose que « le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction ».

Si le principe est que l’expertise judiciaire ne peut avoir pour objet de palier la carence du demandeur dans l’établissement de preuve, il est toutefois très rare que le Juge des référés refuse de faire droit à une demande de désignation d’expert.

Toutefois, le Conseil d’Etat vient de rappeler qu’il ne peut systématiquement être fait droit à ce type de demande. En effet, si le Juge des référés saisi n’est pas compétent pour apprécier le fond du dossier, il n’en demeure pas moins qu’il conserve le pouvoir d’apprécier l’utilité d’une expertise.

La Haute juridiction administrative a en effet jugé que l’utilité d’une telle demande doit être appréciée « d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens et, d’autre part, bien que ce Juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ; qu’à ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d’expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l’appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription ; que, de même, il ne peut faire droit à une demande d’expertise permettant d’évaluer un préjudice, en vue d’engager la responsabilité d’une personne publique, en l’absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne ».

Ainsi, le Juge des référés qui est « juge de l’évidence » peut rejeter une demande d’expertise en raison de son inutilité s’il estime qu’une demande ultérieure au fond n’a aucune chance de prospérer.

Nul besoin de violation délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité pour caractériser le délit de détournement de fonds par négligence

L’article 432-16 du Code pénal, réprimant le délit de détournement de fonds, dispose que « lorsque la destruction, le détournement ou la soustraction par un tiers des biens visés à l’article 432-15 [acte ou titre, fonds publics ou privés, effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet remis en raison des fonctions ou de la mission de l’auteur] résulte de la négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’un comptable public ou d’un dépositaire public, celle-ci est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».

Au cas d’espèce, l’ancien Président d’une Communauté de communes et d’un Syndicat Intercommunal avait été poursuivi et condamné par le Juge pénal pour avoir, pendant près de 8 années, signé, « sans procéder aux vérifications élémentaires qui auraient révélé des anomalies patentes, des ordres de paiement étayés de 47 fausses factures confectionnées à l’adresse du syndicat par la Secrétaire générale de ladite communauté, qu’elle lui a présentées et qui ordonnaient le versement des montants qui y figuraient sur le compte bancaire personnel de son époux », pour un montant estimé de 799.756,17 euros.

En d’autres termes, il était reproché à l’ancien élu de s’être abstenu de lire les documents présentés à sa signature par la Secrétaire générale, en laquelle il avait une confiance aveugle, et d’avoir validé, sans en contrôler le contenu, des factures mensongères censées avoir été établies par une société n’ayant aucun rapport d’affaires avec le syndicat qu’il présidait. Dès lors, le prévenu avait nécessairement manqué aux devoirs de sa charge et commis une faute de négligence au sens de l’article précité.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie du pourvoi de l’ancien élu qui soutenait que « l’hypothèse de la faute caractérisée ne concernant par le cas d’espèce, les Juges du fond auraient dû constater une violation, de façon manifestement délibérée, d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », a estimé que l’article 432-16, fondement de la condamnation, n’exige pas, pour que le délit soit caractérisé, une telle violation.

 

Conditions de conclusion d’une concession de services, à titre provisoire, sans procédure de publicité et de mise en concurrence

Dans une décision en date du 14 février 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur était en droit de conclure une concession de services, à titre provisoire, sans procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence et revient également partiellement sur sa jurisprudence antérieure en la matière.

Le Grand Port Maritime de Bordeaux (ci-après le « GPMB ») avait conclu, le 19 décembre 2014, une convention de terminal avec la société Europorte pour lui confier l’exploitation d’un terminal. A la suite à de nombreuses difficultés rencontrées par la société Euorporte et à l’échec de la médiation organisée par le Ministre chargé des transports, la convention n’avait pas pu recevoir d’exécution. Le GPMB a donc décidé de conclure, le 21 septembre 2016, une « convention de mise en régie de la convention d’exploitation du terminal du Verdon (ci-après la « Convention de mise en régie ») avec la société de manutention portuaire d’Aquitaine (ci-après la « SMPA »), sous-traitante de la société Europorte. La convention précitée ayant été conclue de gré à gré, la société Sea Invest Bordeaux avait saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux d’un référé contractuel à l’encontre de cette dernière. A la suite de l’annulation de la convention par une ordonnance du 4 novembre 2016, la SMPA et le GPMB se sont pourvus en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat commence par relever que la convention de terminal conclue le 19 décembre 2014 entre le GPMB et la société Europorte était qualifiable de concession de services au sens et pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Il poursuit son raisonnement en jugeant que la Convention de mise en régie conclue le 21 septembre 2016 ayant pour objet de confier à la SMPA l’intégralité des droits et obligations issus de la convention de terminal était également qualifiable de concession de services. Le Conseil d’Etat conclut que la Convention de mise en régie était donc au nombre des contrats relevant de la compétence du Juge des référés contractuels.

En réponse au moyen soulevé par la société Sea Invest Bordeaux selon lequel le GPMB n’avait pas procédé aux mesures de publicité et de mise en concurrence pour conclure la Convention de mise en régie, le Conseil d’Etat juge dans un considérant de principe qu’en « cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de services sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le GPMB a été placé dans une situation urgente résultant de la défaillance de son cocontractant et de l’échec de la médiation. Il constate également que le GPMB justifiait d’un motif d’intérêt général pour conclure la Convention de mise en régie dès lors que l’absence d’exploitation du terminal portait atteinte à la continuité du service public de l’exploitation du port. Enfin, le Conseil d’Etat souligne que la convention était conclue pour une durée limitée de dix-huit (18) mois. Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil d’Etat décide donc que le GPMB n’était pas tenu de procéder à des mesures de publicité pour la passation de la Convention de mise en régie.

Il annule donc l’ordonnance du 4 novembre 2016 du Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux et rejette les conclusions de la société Sea Invest Bordeaux.

Par cette décision, le Conseil d’Etat opère un revirement partiel de sa jurisprudence du 4 avril 2016 (CE, 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, n° 396191) en supprimant la condition tenant au caractère soudain de l’impossibilité de continuer à faire assurer le service public pour attribuer une concession de services en franchise de publicité et de mise en concurrence. Les conditions pour déroger aux principes fondamentaux du droit de la commande publique demeurent strictes et encadrées mais le Conseil d’Etat opère, par cette décision, un assouplissement salutaire pour les acheteurs, l’impossibilité de faire assurer un service n’étant pas nécessairement soudaine comme en l’espèce.

Conditions d’octroi de compensations financières dans le cadre d’une concession de service public

TUE, 1 mars 2017, France c. Commission, aff. T-366/13

Dans un jugement en date du 1er mars 2017, le Tribunal de l’Union Européenne (ci-après le « Tribunal ») rappelle les conditions pour qu’une compensation de service public puisse échapper à la qualification d’aides d’État et confirme une décision de la Commission Européenne condamnant la France à récupérer une aide de deux cent vingt (220) millions d’euros accordé à la société nationale Corse-Méditerranée (ci-après la « SNCM »).

La collectivité territoriale de Corse (ci-après la « CTC ») avait conclu une délégation de service public avec la SNCM pour assurer un service de transport entre la Corse et la France continentale afin de garantir la continuité territoriale. Le cahier des charges de la délégation prévoyait deux grands services, un service de transport dit « de base » consistant à fournir des transports tout au long de l’année et un service dit « complémentaire » consistant à fournir des services de transport durant les périodes de pointe de trafic. Par une décision en date du 2 mai 2013, la Commission Européenne avait qualifié d’aides d’Etat les compensations financières versées à la SNCM par la CTC au titre des services de transport maritime fournis entre Marseille et la Corse pour les années 2007 à 2013 dans le cadre du service complémentaire. La France avait décidé d’attaquer cette décision et le litige a fait l’objet du présent jugement.

Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une compensation de service public puisse échapper à la qualification d’aides d’État, quatre critères doivent être cumulativement satisfaits (CJUE, 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, aff. C-280/00). Elle insiste notamment respectivement sur le premier et quatrième critère de la jurisprudence précitée à savoir que l’entreprise bénéficiaire doit (i) être effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies et, (ii) être choisie dans le cadre d’une procédure permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité.

Le Tribunal rappelle que, pour qu’une entreprise de cabotage maritime puisse être chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général et, partant, d’obligations de service public, il faut, d’une part, que le service en cause réponde à un besoin réel de service public, démontré par l’insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence, et, d’autre part, que le périmètre de ce service soit nécessaire et proportionné à ce besoin. Or, en l’espèce, le Tribunal juge que la Commission était parvenue à établir que « le service complémentaire ne répondait clairement pas à un besoin réel de service public, [et qu’] il n’était même pas indispensable à la réalisation de l’objectif théorique de continuité territoriale qui lui avait été assigné par les autorités françaises » (1). Il résultait donc de ce premier constat que les compensations financières attribuées dans le cadre du service complémentaire constituaient des aides d’Etat illégalement attribuées.

En outre, le Tribunal a également jugé que le quatrième critère exigé par la jurisprudence Altmark n’était rempli pour aucun des services. Le Tribunal a jugé « qu’il ressort d’un faisceau d’indices convergents que la procédure d’appel d’offres suivie en l’espèce n’a manifestement pas entraîné une concurrence réelle et ouverte suffisante, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services de transport maritime en cause au moindre coût pour la collectivité » (2). Le Tribunal approuvait donc le raisonnement de la Commission Européenne au terme duquel elle avait estimé que le « quatrième des critères Altmark n’était pas rempli s’agissant du service de base et du service complémentaire » (3).

Les compensations financières octroyées à la SNCM ne répondant pas aux critères de la jurisprudence Altmark, le Tribunal a approuvé la décision de la Commission Européenne les qualifiant d’aides d’Etat illégales et condamnant la France à récupérer l’aide de deux cent vingt (220) millions d’euros accordée à la SNCM au titre de certains services de transport maritime assurés entre Marseille et la Corse.

(1) TUE, 1 mars 2017, France c. Commission, aff. T-366/13, §124
(2) Ibid., §180
(3) Ibid., §196.

Précisions sur le sursis à statuer sur les demandes d’autorisations d’urbanisme dans le cadre de l’élaboration ou de la révision d’un PLU

Promulguée le 27 janvier 2017, la loi n° 2017-86 relative à l’égalité et à la citoyenneté contient plusieurs des dispositions intéressants le droit de l’urbanisme.

Une d’entre elles vise à restreindre les possibilités de surseoir à statuer prévues à l’article L.153-11 du Code de l’urbanisme (ancien article L.123-6 du Code de l’urbanisme).

Cette article dispose que l’autorité compétente peut sursoir à statuer sur les demandes de permis de construire à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme.

Toutefois, pour faire usage cette faculté, deux conditions doivent être réunies.

Il est nécessaire que le projet de PLU soit suffisamment avancé, d’une part, et que la Commune puisse justifier que la demande de permis de construire soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme, d’autre part.

S’agissant de l’avancement du projet de PLU, le Conseil d’Etat a, dans une décision de 2006, considéré que l’autorité compétente en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme pouvait se fonder sur les orientations du PADD pour opposer un sursis à statuer lorsque le projet de construction est susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU s’agissant de la mise en œuvre du PADD (CE, 1er décembre 2006, n° 296543, Sté GLFBI).  

Dans le même sens, le Juge administratif a considéré que pour fonder une décision de sursis à statuer, les orientations du PADD devaient traduire un état suffisamment avancé du futur PLU pour apprécier « si la construction projetée est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution de ce plan » (CAA Marseille, 9 octobre 2009, Préfet de l’Hérault, Commune de Claret, n° 07MA02764).

Désormais, la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté précise que le sursis à statuer ne pourra être mise en œuvre « dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du PADD » (nouvel article L. 153-11 du Code de l’urbanisme).

En conditionnant le recours du sursis à statuer à la réalisation du débat sur orientations générales d’aménagement et d’urbanisme, le législateur souhaite limiter le recours à ce dispositif afin d’éviter le blocage des projets de construction.

Quelques précisions sur la régularisation du permis en cours d’instance pour une construction achevée

Depuis l’introduction de l’article L. 600-5-1 dans le Code de l’urbanisme en 2013, le Juge administratif peut surseoir à statuer sur une demande de permis de construire lorsqu’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif.

Les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ont permis de régulariser, par la délivrance d’un permis de construire modificatif, un permis affecté par un vice tenant, par exemple, à l’insuffisance du dossier de demande (CAA Bordeaux, 1re ch., 16 octobre 2014, n° 12BX02522).

Par cette décision en date du 22 février 2017, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le mécanisme de régularisation des permis en cours d’instance.

En l’espèce, c’est également le moyen tiré de l’insuffisance du dossier de demande de permis de construire qui a conduit la Cour administrative de Bordeaux à faire usage de cette faculté de régularisation afin de purger le permis de construire en offrant un délai de trois mois à la société pétitionnaire pour que cette dernière obtienne un permis de construire modificatif.

Toutefois, les requérants ont contesté la légalité de cette régularisation en faisant valoir que  l’achèvement de la construction, faisant l’objet du permis initialement attaqué, empêchait sa régularisation.

Or, la Haute Juridiction précise que la faculté pour le Juge administratif de surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation de l’autorisation de construire n’est pas conditionnée au caractère inachevé du projet de construction, objet du permis initial.

En cela, le Conseil d’Etat apporte une précision importante sur le mécanisme de régularisation de l’autorisation issu de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

L’applicabilité de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme en Nouvelle-Calédonie

Par un avis en date du 22 février 2017, le Conseil d’Etat a tranché la question de savoir si les dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme étaient applicables ou non au territoire de la Nouvelle-Calédonie.

S’il existait une difficulté sérieuse à faire application de la règle suivant laquelle les recours dirigés contre les autorisations d’occupation ou d’utilisation du sol doivent être notifiés à leur auteur et à leur bénéficiaire, c’est parce que la Haute Juridiction avait préalablement  considéré que le Code de l’urbanisme n’était pas applicable dans ce territoire (CE, 27 avril 2011, n° 312093 et 312166, SARL Altitude).

Cela signifiait que les dispositions impliquant la notification des requêtes, conformément aux règles applicables en matière de droit de l’urbanisme, n’avaient pas vocation à s’imposer en Nouvelle-Calédonie.

Par son avis contentieux du 22 février 2017, le Conseil d’Etat revient sur cette solution.

D’abord, après avoir rappelé que la règle prévue par ces dispositions « […] a le caractère d’une règle de procédure contentieuse », la Haute Juridiction considère que l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme devait être regardé comme applicable en Nouvelle-Calédonie dès le 1er janvier 2001, c’est-à-dire dès la date de l’entrée en vigueur du décret n° 2000-389 du 4 mai 2000 qui a institué cet article.

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle que la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, a inséré, dans la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, un article 6-2.

Ce dernier précise que « […] sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / (…) 6° A la procédure administrative contentieuse ».

La Haute Juridiction souligne que les règles de procédure contentieuse administratives alors en vigueur, ou introduites après cette date, doivent s’appliquer de plein droit en Nouvelle-Calédonie.

Ce faisant, le Conseil d’Etat revient donc sur sa décision du 27 avril 2011 tout en précisant que la loi organique du 3 août 2009, relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, n’avait pas modifié l’état du droit applicable en Nouvelle-Calédonie sur cette question.

Précisions sur les règles applicables à la délivrance et au régime contentieux des permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale

Par un avis – attendu – en date du 23 décembre 2016, le Conseil d’Etat a précisé les règles applicables à la délivrance et au régime contentieux des permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale.

Il convient de rappeler que l’article L. 425-4 du Code de l’urbanisme issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises prévoit que le permis de construire tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale « dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale d’aménagement commercial » (dispositions entrées en vigueur le 15 février 2015 – décret  n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial).

Interrogé, dans le cadre d’une demande d’avis, par la Cour administrative d’appel de Nancy sur ce nouveau régime (CAA Nancy, 17 mars 2016, n° 15NC02351), le Conseil d’Etat a apporté les précisions suivantes :

  1. Tout d’abord, dans l’hypothèse d’un recours contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), l’autorité compétente doit attendre l’avis de la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) avant de délivrer le permis de construire ; l’avis de la CNAC se substituant à celui de la CDAC.

Le Conseil d’Etat rappelle, d’ailleurs, que le délai d’instruction de la demande est prorogé de cinq mois en cas de recours devant la CNAC (article R. 423-36-1 du Code de l’urbanisme).

Cela étant, la délivrance du permis de construire avant que la CNAC ne rende son avis  n’entacherait pas le permis de construire « d’illégalité de ce seul fait ». Le Conseil d’Etat précise en effet que « l’insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d’un avis négatif de la Commission nationale, que celle-ci soit saisie d’un recours ou qu’elle s’autosaisisse, conduit toutefois à recommander à l’administration d’éviter de délivrer le permis avant l’expiration de ces délais ».

  1. Plusieurs précisions sont ensuite apportées quant au régime contentieux applicable.

Ainsi, que le permis de construire soit contesté dans son volet « autorisation d’urbanisme » ou « autorisation d’exploitation commerciale », le délai de recours court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du permis (article R. 600-2 du Code de l’urbanisme).

Sur ce point, il convient toutefois de réserver l’hypothèse évoquée ci-dessus dans laquelle le permis de construire aurait été délivré avant un avis négatif de la CNAC. Dans ce cas, le Conseil d’Etat précise que « dans tous les cas où la Commission nationale d’aménagement commercial, régulièrement saisie, est amenée à rendre son avis après la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, la publication de cet avis dans les conditions fixées à l’article R. 752-39 du Code de commerce ouvre, à l’égard des requérants mentionnés au I de l’article L. 752-17 du Code de commerce [personnes ayant intérêt à agir contre le volet autorisation d’exploitation commerciale du permis de construire], y compris si le délai déclenché dans les conditions prévues par l’article R. 600-2 du Code de l’urbanisme est expiré, un délai de recours de deux mois contre le permis ».

Autrement dit, un nouveau délai de recours contre le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale court à compter de la publication de l’avis défavorable de la CNAC.

Par ailleurs, tout recours contre le permis de construire – en tant qu’il vaut autorisation de construire ou d’exploitation commerciale – est soumis à l’obligation de notification prévue par les dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

  1. Enfin, le Conseil d’Etat précise les conséquences à tirer d’une annulation du permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

Sur ce point, il convient de rappeler que les professionnels mentionnés au I de l’article L. 752-17 du Code de commerce ne peuvent régulièrement saisir le Juge administratif de conclusions tendant à l’annulation d’un permis valant autorisation d’exploitation commerciale qu’en tant que ce permis tient lieu d’une telle autorisation.

Lorsque le Juge administratif entend faire droit à de telles conclusions, l’annulation ne pourra porter que sur le volet exploitation commerciale de l’autorisation. L’avis précise néanmoins que « le permis de construire ne pouvant être légalement délivré que si le pétitionnaire dispose d’une autorisation d’urbanisme commercial, son annulation en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’urbanisme commercial fait obstacle à la réalisation du projet ».

Tirant les conséquences de cette annulation partielle, le Conseil d’Etat prévoit que, pour mettre le projet en conformité avec la chose jugée par la décision, « un nouveau permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale peut, à la demande du pétitionnaire, être délivré au seul vu d’un nouvel avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, de la commission nationale ».

Il est également rappelé que les dispositions de l’article L. 600-5-1 permettant au Juge administratif de sursoir à statuer afin de permettre de régulariser l’acte attaqué sont applicables aux permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale.

 

Délai de validité des autorisations d’urbanisme lorsque le commencement de travaux est subordonné à une procédure prévue par une autre législation – article R. 424-20 du Code de l’urbanisme

Par une décision en date du 10 février 2017, le Conseil d’Etat précise les hypothèses visées par les dispositions de l’article R. 424-20 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles « lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation, le délai de trois ans [de validité du permis de construire, d’aménager ou de démolir] court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation ».

Dans cette affaire, la SARL Immoconseil avait obtenu un permis d’aménager sur la commune de Saint-Gilles pour la réalisation d’un lotissement.

Avant d’engager les travaux autorisés par le permis d’aménager, la société requérante a sollicité une autorisation au titre de la « loi sur l’eau » afin de procéder aux raccordements aux réseaux publics d’eaux usées et d’eau potable, sous l’emprise des voies communales (article L. 214-3 du Code de l’environnement).

Le maire de la commune a considéré que le délai de péremption du permis d’aménager courrait à compter de la notification du permis d’aménager sans prendre en compte la demande d’autorisation au titre de la « loi sur l’eau ».

C’est le raisonnement censuré par le Conseil d’Etat qui considère que, malgré l’absence de lien dans le Code de l’urbanisme entre ces deux procédures, l’autorisation environnementale doit être prise en compte au titre de l’article R. 424-20 du Code de l’urbanisme :

« 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, s’agissant de travaux soumis aux prescriptions du Code de l’environnement relatives à la protection des eaux et dont la réalisation est, à ce titre, subordonnée à une autorisation, le délai de péremption du permis de construire prévu par l’article R 424-20 du Code de l’urbanisme court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autorisation environnementale.

  1. Il résulte de ce qui précède qu’en jugeant « qu’il ne [ressortait] pas des pièces du dossier qu’(…) aucun des travaux autorisés par l’autorisation de lotir ne pouvait être débuté indépendamment de l’obtention de l’autorisation au titre de la loi sur l’eau », que « le commencement des travaux autorisés par l’autorisation de lotir n’[était] pas subordonné à l’autorisation au titre de la loi sur l’eau » et que « la SARL Immoconseil ne [pouvait] utilement invoquer les dispositions de l’article R. 424-20 du Code de l’urbanisme », la Cour a commis une erreur de droit. Il suit de là, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que son arrêt doit être annulé ».

Création d’un nouvel outil d’aménagement ou le retour de l’Etat aménageur : la SPLA-IN

La loi n° 2017-257 du 28 février 2017 sur le statut de Paris et l’aménagement métropolitain a été publiée le 1er mars dernier.

Elle créé, après de longs débats et malgré une absence d’accord entre les deux chambres du Parlement, un nouvel outil d’aménagement : la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN).

Il n’est pas inutile de souligner que la création de ces Sociétés publiques locales d’aménagement dédiées à la conception et la réalisation d’opérations d’aménagement a été évoquée initialement dans un Rapport rendu par Monsieur Thierry Lajoie, Président directeur général de l’AFTRP devenue Grand Paris Aménagement (GPA), à la Ministre du logement le 7 septembre 2015.

Ce type nouveau d’entité a ainsi été créé en vue de permettre une coopération de l’Etat et des Collectivités pour la réalisation d’opérations d’aménagement.

Ce nouvel outil sera régi par l’article L. 327-3 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel il est prévu que :

« L’État ou l’un de ses établissements publics mentionnés aux sections 2 et 3 du chapitre Ier du présent titre peut créer, avec au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, une société publique locale d’aménagement d’intérêt national dont ils détiennent la totalité du capital.

« La création d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national, l’acquisition ou la cession des participations dans une telle société par les établissements publics mentionnés aux mêmes sections 2 et 3 interviennent dans les conditions prévues aux articles L. 321-16 ou L. 321-30.

« Une des collectivités territoriales ou un des groupements de collectivités territoriales participant à une société publique locale d’aménagement d’intérêt national détient au moins 35 % du capital et des droits de vote de la société.

« Cette société est compétente pour organiser, réaliser ou contrôler toute opération ou action d’aménagement au sens du présent code relevant de la compétence de l’État ou de l’un de ses établissements publics mentionnés au premier alinéa du présent article ou de la compétence d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales actionnaire.

« L’article L. 1541-3 du Code général des collectivités territoriales s’applique aux collectivités territoriales ou au groupement de collectivités compétent actionnaires de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national ».

Ce faisant, c’est bien l’Etat qui devra être moteur dans la création de ce nouveau type de SPLA, bien qu’une minorité de blocage de 35% soit prévue pour les collectivités territoriales ou groupement de collectivités territoriales qui participeront à cette Société.

Ce nouvel outil remet ainsi l’Etat en première ligne en matière de réalisation d’opérations d’aménagement.

 

Opération d’aménagement d’ensemble et délivrance des autorisations de construire

L’urbanisation des zones à urbaniser dites zones AU peut être réalisée par différents moyens, selon les équipements existant d’ores et déjà dans la zone.

L’article R. 123-6 du Code de l’urbanisme (désormais codifié à l’article R. 151-20), dans sa rédaction en vigueur avant la recodification du Code par l’Ordonnance du 23 septembre 2015, prévoyait ainsi que :

« Lorsque les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone, les orientations d’aménagement et le règlement définissent les conditions d’aménagement et d’équipement de la zone.

Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et le règlement ».

En d’autres termes, lorsque la zone AU est dotée d’équipements d’une capacité suffisante, les constructions peuvent y être autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone tels que prévus par les Orientations d’aménagement et le Règlement.

L’utilisation des orientations d’aménagement dans ce type de zone est généralement recommandée car elles permettent d’encadrer l’aménagement de ces secteurs.

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 30 janvier dernier permet de préciser les conditions dans lesquelles les autorisations de construire peuvent être délivrées au sein d’une telle opération d’ensemble.

Précisément, dans cette affaire, la commune de Montpellier avait inséré dans le règlement de son PLU concernant la zone AU, des dispositions spécifiques subordonnant la délivrance des permis de construire dans cette zone à la réalisation préalable et au fur et à mesure des équipements internes, y compris dans le cas d’une opération d’ensemble.

Saisie de cette question, la Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré qu’en posant cette règle, les auteurs du règlement du PLU avaient ajouté aux dispositions de l’article R. 123-6 du Code de l’urbanisme une condition supplémentaire.

Le Conseil d’Etat censure cet arrêt en considérant que la Cour a commis une erreur de droit. Il considère ainsi que les dispositions de cet article « ne font pas obstacle à ce que les auteurs d’un plan local d’urbanisme puissent, lorsqu’ils définissent les conditions d’aménagement et d’équipement d’une opération d’aménagement d’ensemble, prévoir que la délivrance des autorisations de construction au sein de la zone sera subordonnée à la réalisation préalable et au fur et à mesure des équipements internes ».

En d’autres termes, les auteurs du PLU peuvent prévoir des conditions strictes d’aménagement d’une opération d’aménagement d’ensemble, et prévoir un calendrier précis de cet aménagement en subordonnant la délivrance des autorisations de construire à la réalisation préalable, et au fur et à mesure, des équipements internes à la zone, permettant ainsi un aménagement plus raisonné.

 


 

Fixation du seuil de recours obligatoire à un architecte en lotissement

Le décret  n° 2017-252 du 27 février 2017 relatif à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental d’un lotissement a été publié le 28 février au Journal officiel.

Pris pour l’application de l’article L. 441-4 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant de l’article 81 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, ce décret ajoute un article R. 441-4-2 au Code de l’urbanisme.

Précisément, désormais, le recours à un architecte sera obligatoire dès que la surface de terrain à aménager dépassera 2.500m².

Ces dispositions sont applicables à toute demande de permis d’aménager déposé à compter du 1er mai 2017.

Les terroristes ont-ils droit à l’inhumation ?

Dans toutes les cultures, le respect de la personne humaine s’est étendu au-delà de la mort corporelle, aux soins prodigués aux corps des défunts, à l’inhumation, à l’importance attachée aux rituels de sépulture.

La question du droit à l’inhumation et aux rituels de sépulture n’en a pas moins été posée à de nombreuses reprises dans l’histoire humaine. Elle vient de l’être, à nouveau, dans le cas des terroristes morts à la suite de divers attentats qu’ils ont commis récemment.

Plusieurs maires ont eu l’occasion de faire connaître leur refus d’accueillir dans le cimetière de leurs communes, les restes de personnes auteurs de tragédies ayant fait de multiples victimes.

Disons d’emblée qu’un refus de la part de ces édiles est parfaitement illégal s’il est fondé sur la volonté de ne pas faire bénéficier de l’accès au cimetière municipal des personnes s’étant rendues coupables de tueries effroyables.

L’article L. 2223-3 du Code général des collectivités territoriales  relatif au droit à l’inhumation prévoit, en effet, que « la sépulture dans un cimetière d’une commune est due :

  • aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
  • aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
  • aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
  • aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci ».

Autrement dit, la sépulture est due à tous et aussi bien aux terroristes, et ce, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu’ils répondent aux conditions ci-dessus.

Cependant, les maires ne sont pas démunis de tous moyens dans une telle situation, comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans un arrêt récent : « les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L ; 2213-8 et L. 2213-9 du Code général des collectivités territoriales lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité » (CE 16 décembre 2016, n° 403738).

Les pouvoirs de police que détient le maire lui permettent, comme la précisé le Conseil d’Etat, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public, en fonction des risques de troubles pouvant en découler et même  de refuser l’autorisation d’inhumer si aucun autre moyen de prévenir ces risques n’existe.

En pratique, les maires cherchent à aménager les conditions d’inhumation. Pour préserver le calme, ils  peuvent interdire tout rassemblement à l’occasion de l’inhumation, faire réaliser l’inhumation en pleine nuit, sans qu’aucun proche ne soit présent ; la tombe peut être, par ailleurs, anonyme.