Une cession immobilière n’est pas un marché public de travaux : nouvelle confirmation jurisprudentielle

Par un jugement rendu le 22 octobre 2024, le Tribunal administratif de Limoges est revenu sur les frontières entre les contrats de cession d’un bien immobilier public, d’une part, et les contrats administratifs dont, notamment, les contrats de la commande publique, d’autre part, ainsi que sur les obligations de mise en concurrence applicables le cas échéant.

Dans cette affaire, un département avait eu recours – comme il advient régulièrement – à une procédure d’appel à projets pour valoriser une dépendance dont il était propriétaire. Les candidats devaient formuler leurs offres, étant entendu que le lauréat se verrait céder le terrain objet de l’opération, afin qu’il y réalise son projet. Deux sociétés arrivées en deuxième position après classement des offres ont contesté les conditions d’organisation de cet appel à projets, et sollicité l’annulation de la délibération par laquelle le Département avait autorisé sa présidente à signer une promesse synallagmatique de vente avec la société lauréate de l’appel à projets.

Le tribunal commence par rappeler qu’un contrat « qui porte sur une vente de biens appartenant à une personne publique ne peut être regardé comme un marché public de travaux ». Il est vrai que les contrats de vente de biens immobiliers ne sont pas en principe des contrats de la commande publique – et donc pas, notamment, des marchés de travaux – mais sous une réserve fondamentale toutefois : ces contrats de vente peuvent être requalifiés en contrats de la commande publique (marché public ou plus sûrement concession) si leur contenu ou si le contexte de l’opération trahit la circonstance qu’ils ont en réalité pour objet, non pas une simple cession d’un bien immobilier, mais bien surtout la satisfaction d’un besoin du pouvoir adjudicateur. Ce n’était toutefois pas le cas dans cette affaire, ce que le tribunal administratif a rappelé sans toutefois entrer plus spécifiquement dans le détail de cette question, et ce malgré la présence, au sein du contrat, de prescriptions fixées par la collectivité : destination de la dépendance, aménagements paysagers, nature de certaines emprises… Ce jugement confirme donc toutefois incidemment que la seule existence de prescriptions émises par la personne publique n’est pas de nature à emporter une requalification en contrat de la commande publique, notamment lorsque ces prescriptions demeurent modestes ou trop générales, et/ou qu’elles n’entravent pas trop la liberté qu’a l’acquéreur de développer son propre projet.

Le tribunal administratif a par ailleurs écarté toute autre requalification en contrat administratif, faute pour ce contrat d’avoir pour objet l’exécution d’un service public, et faute de comporter des clauses qui impliqueraient qu’il relève d’un régime exorbitant du droit commun.

Le tribunal administratif rappelle ensuite que « aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à une personne morale de droit public autre que l’État de faire précéder la vente d’une dépendance de son domaine privé d’une mise en concurrence préalable ». Il reprend, ce faisant, un principe déjà dégagé par le Conseil d’État[1] et appliqué par les juridictions du fond[2], et qui n’est que la conséquence de la distinction fondamentale entre les contrats de vente immobilière et les contrats de la commande publique. Mais il rappelle que la personne publique qui se soumet volontairement à une procédure de mise en concurrence, comme ici, doit alors respecter l’égalité de traitement entre les candidats. Le Conseil d’État considère en effet que « lorsqu’une telle personne publique fait le choix, sans y être contrainte, de céder un bien de son domaine privé par la voie d’un appel à projets comportant une mise en concurrence, elle est tenue de respecter le principe d’égalité de traitement entre les candidats au rachat de ce bien »[3]. En revanche, « il ne saurait cependant en découler qu’elle devrait respecter les règles relatives à la commande publique, qui ne sont pas applicables à la cession d’un bien »[4].

Logique et fondée en droit, la solution retenue ici par le tribunal administratif a le mérite de réaffirmer clairement les frontières respectives du droit de la commande publique et du droit des propriétés publiques, frontière qui n’est toutefois pas totalement étanche.

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[1] CE, 16 avril 2019, Sociétés Procedim et Sinfimmo, req. n° 420876.

[2] V. notamment CAA Lyon, 16 novembre 2017, req. n° 16LY03824 ; CAA Nancy, 23 juillet 2020, Commune de Schiltigheim, req. n° 18NC02029,18NC02050 ; CAA Marseille, 15 février 2021, req. n° 19MA01799 ; CAA Nancy, 21 octobre 2021, req. n° 20NC00365 ; CAA Versailles, 28 octobre 2021, req. n° 20VE02240.

[3] CE, 16 avril 2019, Sociétés Procedim et Sinfimmo, req. n° 420876.

[4] Id.

Les cessions avec charges requalifiables en contrat de la commande publique : marchés ou concessions ?

L’objet du sujet est maintenant bien connu : la cession avec charges désigne un outil de valorisation des propriétés publiques qui est, à l’évidence, chaque jour un peu plus sollicité en pratique, notamment dans les zones urbaines où les fonciers et autres droits à construire se font rares. Le dispositif présente un intérêt évident parce qu’il permet à un propriétaire public de faire « d’une pierre deux coups ». En procédant à la vente d’un terrain ou d’un ensemble bâti dont il n’a plus l’usage, et en imposant à l’acquéreur, promoteur ou autre investisseur, de réaliser un programme immobilier préalablement fixé, la personne publique va non seulement recevoir immédiatement le fruit de la vente (une somme d’argent) qu’elle pourra investir, mais elle va également – et peut-être surtout – être assurée que la propriété dont elle se défait ainsi va tout de même accueillir un projet utile à la Cité.

Ces cessions peuvent prendre des formes diverses. Qu’on pense par exemple au contrat par la voie duquel une commune cède une parcelle à un opérateur, à charge pour lui de réaliser un ensemble immobilier qui devra toutefois être nécessairement affecté, pout tout ou partie, à du logement (social). Il faut penser sinon à l’opération par laquelle une région cède un hôtel particulier qu’elle ne souhaite plus occuper parce que trop peu fonctionnel, mais que le nouveau propriétaire s’engage à réaménager en espace culturel de qualité. La portée de la charge peut être plus nette encore. Qu’on imagine autrement – et en plus grand – le montage par lequel une ville vend un terrain à un promoteur immobilier, avec une obligation pour lui de réaliser une série d’équipements : certains seront exploités dans son intérêt propre ou cédés à des tiers (un cinéma, des bureaux, un hôtel, des logements, un centre commercial…) mais pourront tout de même indirectement servir l’intérêt général parce qu’ils dynamiseront la vie d’un quartier et son développement économique ; tandis que d’autres (des espaces verts, une salle des fêtes, une crèche, un parc public de stationnement…) seront immédiatement remis à la commune, par la voie d’une « simple » dation en paiement ou d’une vente (en l’état futur d’achèvement), puis directement affectés à une mission d’intérêt général ou à un service public.

L’enjeu du sujet peut surprendre. Dans une très large mesure, les cessions avec charges sont tout bonnement étrangères au droit de la commande publique. Et elles ne sont pas autrement soumises à des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables, puisque, à l’exception de l’État, les personnes publiques peuvent librement céder leurs biens immobiliers, sans procéder à des mesures de mise en concurrence préalables[1]. Il est vrai qu’aujourd’hui, en pratique, les collectivités territoriales ou autres établissements publics se soumettent le plus souvent volontairement à une procédure de mise en concurrence, via des appels à projets ou autres appels à manifestation d’intérêt. Et on sait que le propriétaire public est alors tenu de respecter les prescriptions qu’il s’est lui-même fixées, et ce dans le respect des principes d’égalité de traitement entre les candidats et de transparence[2]. Mais cette mise en concurrence n’est donc pas une obligation : elle répond simplement à la volonté de mieux valoriser son bien, en suscitant des appétits concurrents pour obtenir le plus et le mieux possible. On sait toutefois que cette liberté de principe n’est pas sans limite non plus : dans l’absolu, certaines cessions avec charges peuvent déjà être analysées comme une commande publique et/ou risquent sinon à l’avenir de l’être, au fur et à mesure que l’attractivité du champ de la commande publique gagne du terrain.

C’est ici que se place l’enjeu du sujet : si la cession avec charges peut être parfois – et sera sans doute à l’avenir plus facilement – analysée comme un contrat de la commande publique, il reste à savoir si elle l’est alors au titre d’un marché ou d’une concession. Pour beaucoup, la cession avec charges est nécessairement un marché de travaux (I), mais cette façon de voir mérite toutefois d’être sérieusement discutée, parce que, malgré les apparences, la concession est peut-être bien, fondamentalement plus fidèle à ce que recouvre réellement un contrat de cette nature (II).

 

1 – Un marché de travaux ?

I.1. – Il est aujourd’hui entendu qu’une cession immobilière avec obligation pour l’acquéreur de réaliser des équipements préalablement déterminés peut être requalifiée en marché de travaux, alors même que les équipements concernés ne sont pas ensuite remis à la personne publique. On sait en effet que la Cour de justice de l’Union européenne considère que la notion de marché de travaux au sens de la directive « impose que les travaux faisant l’objet du marché soient exécutés dans l’intérêt économique direct du pouvoir adjudicateur, sans que, toutefois, il soit nécessaire que la prestation prenne la forme de l’acquisition d’un objet matériel ou physique »[3].

La vente d’une propriété publique pourrait donc être un marché de travaux si elle répond à un intérêt économique direct pour le propriétaire, c’est-à-dire si elle répond à une utilité publique certaine. La notion a évidemment suscité bien des commentaires, tant sa portée demeure large et peut paraître trop attractive[4]. Pour cette raison, il faut tenir pour acquis que, pour faire une commande de travaux, l’intérêt économique direct ne suffit pas : il doit clairement (autrement) se traduire par la circonstance que l’acheteur public a (en conséquence) exercé une « influence déterminante sur la conception et la nature »[5] des équipements que l’acquéreur s’est engagé à construire.

Même sous cette acceptation plus fermée, le concept d’intérêt économique direct a toutefois trouvé un écho pour le moins des plus mitigés devant les juridictions nationales françaises : le plus souvent, le juge judiciaire[6] comme le juge administratif[7] refusent d’identifier un quelconque intérêt économique de nature à le conduire à qualifier une cession avec charges en marché de travaux. Tout récemment encore, par un jugement du 22 octobre 2024, le Tribunal administratif de Limoges a rappelé qu’un contrat « qui porte sur une vente de biens appartenant à une personne publique ne peut être regardé comme un marché public de travaux ». Bref, à quelques exceptions près[8], une requalification en marché de travaux d’une cession avec charges a systématiquement été écartée. On peut s’en étonner, tant il est parfois difficile de ne pas conclure que l’ensemble immobilier que tel ou tel promoteur a construit a été façonné en considération du « cahier des charges » que la collectivité territoriale avait préalablement attaché à la vente.

Il est clair qu’il faut exclure du droit de la commande publique les montages immobiliers dont l’objet principal demeure une simple opération immobilière, à l’occasion de laquelle la personne publique n’a pas autrement souhaité satisfaire un besoin, sinon que de solliciter de façon optimale le potentiel économique de son domaine. L’opération immobilière échappera au droit de la commande publique, si l’opération a essentiellement pour objet la réalisation d’un programme purement « privé », dont la personne publique n’a absolument pas pris l’initiative et/ou pour la réalisation duquel elle n’apporte, en tout état de cause, aucune réelle contrepartie financière[9] ; ou bien encore si les obligations de travaux qu’elle renferme demeurent modestes et les orientations que la personne publique a fixées par trop générales[10]. Mais le sujet restera ouvert lorsque la cession avec charges est un outil que le propriétaire public sollicite opportunément pour faire réaliser des équipements qu’il juge nécessaires, non pas pour son usage propre, mais pour servir un objectif politique qu’il s’est fixé, et sur la conception desquels il entend en conséquence exercer une influence déterminante[11]. Dans ce cas, la cession domaniale renferme peut-être bien une commande.

L’enjeu est toutefois ailleurs : c’est sur le terrain du « prix » que la qualification en marché est surtout des plus discutables.

 

I.2. La qualification en marché suppose en effet que la commande de travaux soit assortie d’une contrepartie onéreuse : il faut que l’acquéreur soit d’une façon ou d’une autre « rémunéré » au titre de la commande. Il est vrai que le critère onéreux est entendu largement lorsqu’il est appliqué aux marchés publics de travaux : il couvre la « contre prestation offerte à l’entrepreneur en raison de la réalisation des travaux visés par le pouvoir adjudicateur »[12], laquelle peut prendre la forme d’un prix ou d’un abandon de recettes[13]. Pour cette raison, certains n’hésitent pas conclure qu’une contrepartie onéreuse existe lorsque la vente d’un bien public avec charges est consentie à un prix inférieur au prix du marché. Il faudrait comprendre que la différence qui existe entre le prix de vente de la dépendance publique et le « vrai prix du marché » du bien cédé traduit un abandon de recettes qui vient rémunérer les charges qui pèsent sur l’acquéreur.

Cette façon de voir suscite toutefois la réserve, parce que la portée de ce rabais sur le prix de vente renvoie toujours à une somme d’argent qui est quelque peu « dérisoire » par rapport au coût global des travaux qui seront effectivement réalisés par l’acquéreur/promoteur. C’est en réalité surtout au titre de la commercialisation des ouvrages ou autre équipements construits que le promoteur va se rémunérer, et ce en supportant nécessairement un risque économique.

Pour cette raison, une qualification en marché de travaux est discutable. Et, parce qu’il existe pourtant bien parfois une commande publique dans certaines cessions avec charges, c’est alors plus probablement vers la concession qu’il faut se tourner.

2. – Une concession ?

Une concession se définit comme un « contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix »[14].

Si une qualification en concession de travaux doit nécessairement être exclue (II.1), il n’est en revanche pas absurde d’envisager, à tout le moins dans certaines situations, une qualification en concession de service (II.2)

II.1. – La cession avec charges apparaît facialement incompatible avec toute idée de concession de travaux, puisque le principe même d’une concession de travaux implique que l’autorité concédante soit propriétaire de l’ouvrage dont l’exploitation est concédée. On voit mal, en effet, comment une personne publique pourrait concéder le droit de réaliser des travaux sur un foncier dont elle ne sera plus propriétaire au moment desdits travaux, puisque, précisément, elle l’aura – par définition – préalablement cédé. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de le dire[15]. C’est du reste ce que considère une grande partie de la doctrine.[16]

C’est donc plutôt vers la concession de services qu’il convient de se tourner.

II.2. – Il peut paraître surprenant de voir dans une vente domaniale une concession. Mais l’exercice n’est pas absurde. Il s’agit bien parfois en effet de confier à un opérateur une mission globale qui satisfait un besoin d’une personne publique et qui renferme une série de « prestations », dont l’essentiel tient du service : le contrat par la voie duquel une collectivité territoriale, un aménageur public ou autre établissement public confie à un promoteur la charge de lui acheter telle ou telle dépendance, et donc de procéder à un « portage foncier », puis de la viabiliser, de concevoir et construire des ouvrages préalablement déterminés (logements, bureaux…) et enfin de les commercialiser est bien un contrat qui confie à un opérateur une mission globale de service qui satisfait un besoin de la collectivité, et ce à ses risques et périls.

En droit français, la concession d’aménagement en est l’illustration parfaite[17].

Les concessions d’aménagement au sens du Code de l’urbanisme, dans lesquelles le concessionnaire assume un risque économique, sont en effet fondamentalement une forme de concession de service d’un type particulier[18]. Et un tribunal administratif a d’ailleurs récemment jugé, à propos d’une opération relativement modeste, mais qui comprenait néanmoins des équipements publics qui faisaient retour à la collectivité, que le contrat de cession d’une parcelle communale à un opérateur devait être regardé comme une concession d’aménagement.[19] Cette décision est sans doute discutable au regard de l’espèce considérée, mais elle illustre en revanche le sujet : si un contrat de vente domaniale renferme manifestement une commande, on comprend qu’elle doive intégrer le champ de la commande publique, mais alors peut-être pas celui des marchés de travaux, puisque l’essentiel est ailleurs. Du point de vue du propriétaire public, en effet, la cession avec charges n’a pas tant pour objet principal la construction d’un ouvrage qui devrait être « payé », mais bien plus d’obtenir d’un opérateur qu’il mette sur le marché des équipements utiles à la vie de la Cité et/ou qu’il façonne le tissu urbain ou redynamise tel ou tel quartier. En droit français, on pense alors immédiatement à la concession d’aménagement, d’autant que les juridictions administratives retiennent aujourd’hui une acception très large de cette notion, et acceptent de qualifier d’opérations d’aménagement des opérations pourtant parfois très modestes.[20] [21]

Mais la réflexion peut être plus ouverte et plus « européenne » : lorsque la cession d’un bien public n’est plus une fin en soi, mais uniquement le support nécessaire pour obtenir d’un opérateur qu’il prenne en charge, à ses risques et périls, une opération immobilière qui satisfait précisément les besoins de la Cité, la cession avec charges pourrait être analysée comme une concession de service, d’aménagement ou pas.

Ces quelques lignes doivent être lues au conditionnel parce qu’assurément exposées au doute et en appétit de clarifications à venir. Et elles sont largement prospectives parce qu’aujourd’hui, il faut le rappeler de nouveau, les juridictions françaises tiennent manifestement et solidement les cessions avec charges à l’écart du droit de la commande publique. Mais si, à l’avenir, l’attractivité du droit de la commande publique devait emporter plus facilement les opérations immobilières publiques d’envergure, c’est sans doute plus sûrement, non pas dans le champ des marchés, mais dans celui de la concession qu’il faudrait les placer.

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[1] CE, 16 avril 2019, Sociétés Procedim et Sinfimmo, req. n° 420876. Pour un exemple plus récent : TA Versailles, 26 janvier 2024, req. n° 2109860.

[2] CE, 15 octobre 1982, Société d’affichage Giraudy, req. n° 21609.

[3] CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, C‑451/08.

[4] Conclusions P. Mengozzi, CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller, C‑451/08, pts 50 à 54.

[5] Article L. 1111-2 du code de la commande publique.

[6] V. par exemple : Cour de cassation, 3e Civ., 26 octobre 2023, RG n° 22-19.444.

[7] V. par exemple : CAA Marseille, 17 mai 2021, req. n° 19MA03527 ; CAA Nancy, 15 avril 2021, req. n° 19NC02073.

[8] TA Toulon, 16 novembre 2018, SA Proletazur, req. n° 1501281.

[9] CAA Nancy, 11 octobre 2007, Association Aubette Demain, req. n° 06NCX00733.

[10] CAA, Bordeaux, 18 juillet 2016, Société Lory, req. n° 15BX00192 ; CAA, Lyon, 4 juillet 2013, Société Apsys, req. n° 12LY01556.

[11] Fatôme E., Terneyre Ph., « À propos des règles de passation des contrats publics à objet à la fois immobilier et de travaux », Actualité Juridique du Droit Administratif, 2009, p. 1868

[12]  CJCE 18 janvier 2007, Jean Auroux/Commune de Roanne, C-220/05.

[13] CJCE, 12 juillet 2001, Ordre des architectes de la province de Milan, C-399/98.

[14] Article L. 1121-1 du code de la commande publique.

[15] V. en ce sens : CE, 4 mars 2023, Sté SOCRI Gestion, req. n° 437232 ; Conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil sous CE, 4 mars 2021, Sté SOCRI Gestion, req. n° 437232. ; S. Nicinski, « Concession, concession d’aménagement ou marché public ? », Revue Contrats publics, MoniteurJuris, n° 27, Janvier 2022.

[16] Conclusions sur la décision de la CAA de Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes, req. n° 07MA03620, publiées à l’AJDA le 21 juin 2010, p. 1200 ; J-F. Lafaix et R. Leonetti, «  À la recherche du droit d’exploitation dans les contrats immobiliers », AJDA 2021, p. 1986 ; L. Richer, « L’appel à projets Fluctuat nec mergitur », AJDA 2019, p. 1433.

[17] Article R. 300-4 du code de l’urbanisme.

[18] J-F. Lafaix et R. Leonetti, « À la recherche du droit d’exploitation dans les contrats immobiliers », AJDA 2021, p. 1986.

[19] TA Cergy-Pontoise, 9 février 2023, req. n° 2003860.

[20] CE, 19 décembre 2019, req. n° 420227.

[21] CAA Paris, 24 mars 2022, req. n° 21PA03913.

Produire de l’hydrogène renouvelable ou bas carbone : un choix stratégique pour les acheteurs publics et les professionnels du secteur

Les carburants liquides et gazeux renouvelables ou à faible teneur en carbone destinés au secteur des transports, dont l’hydrogène, pourraient jouer un rôle important pour augmenter la décarbonation des secteurs dépendant des carburants liquides et gazeux à long terme, tels que les transports maritime et aérien.

A ce titre, conformément à l’article 27 de la directive 2023/2413 du 18 octobre 2023 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, l’acte délégué 2023/1184 du 10 février 2023 a défini les conditions dans lesquelles l’hydrogène, les carburants à base d’hydrogène ou d’autres vecteurs énergétiques peuvent être considérés comme des carburants renouvelables d’origine non biologique (I).

Restait toutefois à définir les conditions dans lesquelles l’hydrogène peut être considéré comme bas carbone.

En effet, conformément à l’article 9 de la directive (UE) 2024/1788 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène, afin de veiller à ce que les réductions des émissions de gaz à effet de serre (ci-après « GES ») résultant de l’utilisation de carburants bas carbone soient de 70 % au minimum, la Commission doit adopter des actes délégués afin de préciser la méthode suivie pour évaluer les réductions des émissions de GES réalisées grâce aux carburants à faible teneur en carbone, dont l’hydrogène.

Le 27 septembre 2024, la Commission européenne a publié et soumis à la consultation publique un projet d’acte délégué précisant cette méthode d’évaluation applicable à l’hydrogène bas carbone (II).

Or, cette méthode d’évaluation est très attendue par les Etats membres et les professionnels du secteur afin de déterminer la nature de l’hydrogène – renouvelable ou bas carbone – à privilégier dans leurs investissements, mais également au regard de l’avantage compétitif qu’elle pourrait induire pour certains Etats membres, et en particulier la France.

 

1. L’acte délégué définissant l’hydrogène renouvelable

Pour rappel, l’acte délégué 2023/1184 du 10 février 2023 (dit « RFNBO ») a défini les conditions dans lesquelles l’hydrogène, les carburants à base d’hydrogène ou d’autres vecteurs énergétiques, peuvent être considérés comme des carburants renouvelables d’origine non biologique.

Etant précisé que les carburants liquides et gazeux, d’origine non biologique, dont l’hydrogène, produits à partir d’électricité ne sont considérés comme renouvelables que lorsque l’électricité est elle-même renouvelable.

A ce titre, l’article 3 de l’acte réglementé énumère les critères nécessaires pour comptabiliser comme entièrement renouvelable l’électricité obtenue à partir d’une connexion directe à une installation produisant de l’électricité renouvelable. Ainsi, le producteur d’hydrogène doit apporter la preuve des éléments suivants :

  • les installations produisant de l’électricité renouvelable doivent être reliées par une ligne directe à la station de production d’hydrogène, ou la production d’électricité renouvelable et d’hydrogène doit avoir lieu au sein de la même installation ;
  • les installations produisant de l’électricité renouvelable doivent avoir été mises en service au plus tôt 36 mois avant l’installation produisant de l’hydrogène et, au plus tard, 36 mois après la mise en service de l’installation initiale ;
  • l’installation produisant de l’électricité ne doit pas être raccordée au réseau ou, si elle l’est, un système intelligent de mesure mesurant tous les flux d’électricité en provenance du réseau doit démontrer qu’aucune électricité n’a été prélevée sur le réseau pour produire de l’hydrogène.

De même, si le producteur de carburant utilise également de l’électricité provenant du réseau, il peut la comptabiliser comme entièrement renouvelable s’il respecte les règles qui suivent.

Deux cas de figure peuvent se présenter.

D’une part, l’article 4 de l’acte délégué énumère des cas permettant de comptabiliser comme entièrement renouvelable l’électricité prélevée sur le réseau – autrement dit qui permettent de répondre au critère consistant à réduire de 70 % les émissions GES établi à l’article 25, paragraphe 2, de la directive (UE) 2018/20015.

En premier lieu, l’électricité prélevée sur le réseau peut être considérée comme entièrement renouvelable si – mais pas uniquement – l’installation de production d’hydrogène se trouve dans une zone de dépôt des offres où, au cours de l’année civile précédente, la part moyenne d’électricité produite à partir de sources renouvelables a dépassé 90 % – ce qui semble aujourd’hui illusoire.

En second lieu, il en va pareillement si l’installation de production d’hydrogène se situe dans une zone de dépôt des offres où l’intensité des émissions imputables à l’électricité produite est inférieure à 18 gCO2eq/MJ et si les critères suivants sont satisfaits :

  • un ou plusieurs accords d’achat d’électricité renouvelable (« power purchase agreements », PPA, en anglais) ont été conclus, directement ou par l’intermédiaire de tiers, avec des opérateurs économiques produisant de l’électricité renouvelable dans une ou plusieurs installations, pour une quantité au moins équivalente à celle déclarée comme entièrement renouvelable, cette l’électricité déclarée devant être effectivement produite par ces installations ;
  • les conditions relatives à la corrélation temporelle et géographique décrites ci-après sont remplies.

A ce titre, il a pu être considéré que cette clause a favorisé le mix énergétique de la France dont l’intensité des émissions imputables à l’électricité produite est inférieure à 18 gCO2eq/MJ. En effet, la règle d’additionnalité décrite ci-après ne leur est pas applicable.

D’autre part, si les conditions énoncées ci-avant ne sont pas remplies, l’électricité prélevée sur le réseau peut être comptabilisée comme entièrement renouvelable à condition de satisfaire aux exigences :

  • d’additionnalité qui impose au producteur – à compter du 1er janvier 2038 pour les installations produisant de l’hydrogène mises en service avant le 1er janvier 2028 :
    • de produire dans sa propre installation une quantité d’électricité renouvelable au moins équivalente à la quantité d’électricité déclarée comme entièrement renouvelable ;
    • ou à conclure, directement ou par le biais d’intermédiaires, un ou plusieurs PPA avec des opérateurs économiques produisant de l’électricité renouvelable pour une quantité au moins équivalente à la quantité d’électricité déclarée comme entièrement renouvelable, pour autant que les critères suivants soient remplis :
      • Les installations produisant de l’électricité renouvelable ont été mises en service au plus tôt 36 mois avant l’installation produisant l’hydrogène ;
      • Les installations produisant de l’électricité renouvelable n’ont pas bénéficié d’une aide sous forme de soutien au fonctionnement ou à l’investissement, sous réserve de quelques exclusions énumérées par l’acte délégué.
  • de corrélation temporelle qui, jusqu’au 31 décembre 2029, est réputée respectée si l’hydrogène est produit au cours du même mois civil (puis au cours de la même période d’une heure après le 1er janvier 2030) que l’électricité renouvelable produite :
    • dans le cadre de l’accord d’achat d’électricité renouvelable (PPA) ;
    • ou à partir d’électricité renouvelable provenant d’un nouvel actif de stockage situé derrière le même point de raccordement au réseau que l’électrolyseur ou l’installation produisant de l’électricité renouvelable, et chargé au cours du mois civil pendant lequel l’électricité relevant du PPA a été produite[1].
  • de corrélation géographique qui est réputée remplie si, en dehors des cas d’une zone de dépôt des offres en mer ou interconnectée, l’installation produisant de l’électricité renouvelable dans le cadre du PPA est située, ou était située au moment de sa mise en service, dans la même zone de dépôt des offres que l’électrolyseur.

Il résulte que ces critères particulièrement contraignants « augmenteraient le coût de production de l’hydrogène d’environ 2,40 euros/kg »[2], et pourraient opérer, selon certains Etats membres, une inégalité de traitement dès lors que le principe d’additionnalité ne s’applique pas aux mix énergétiques affichant un niveau d’émission de CO inférieur à 18 gCO2eq/MJ.

Alors que la France avait ainsi obtenu un début de reconnaissance de la spécificité de son mix bas carbone à travers cette définition de l’hydrogène renouvelable, elle projetait ensuite l’obtention d’une égalité de traitement entre l’hydrogène renouvelable et bas carbone (à travers le périmètre des enchères européennes de la banque de l’hydrogène aujourd’hui réservé à l’hydrogène renouvelable, l’encadrement des aides d’Etat, etc.).

Tel n’est toutefois pas le cas au regard du projet d’acte délégué soumis à la consultation publique.

 

2. Le projet d’acte délégué définissant l’hydrogène bas carbone

Si le projet d’acte délégué précisant la méthode d’évaluation des réductions d’émissions de GES réalisées grâce aux carburants à faible teneur en carbone était très attendu des acteurs de la filière afin de garantir une sécurité juridique aux investissements, il divisait par la même occasion les États membres, les cabinets des commissaires européens et les acteurs du secteur.

L’annexe du projet d’acte délégué retient trois méthodes alternatives suivantes à appliquer au cours de chaque année civile pour attribuer, sur l’ensemble du cycle de vie (fourniture d’intrants, transformation, transport et distribution, utilisation finale), des valeurs d’émissions de GES à l’électricité qui ne peut être considérée comme entièrement renouvelable[3] et qui est utilisée pour produire des carburants à faible teneur en carbone.

 

  • Une méthode de calcul de l’hydrogène bas carbone basée sur l’intensité carbone du mix électrique

La première méthode repose sur les valeurs d’émissions de GES attribuées sur la base de l’intensité des émissions de GES de l’électricité. Etant précisé que cette méthode considère comme « bas-carbone » tout hydrogène produit à partir d’un réseau électrique dont l’intensité carbone ne dépasse pas 18 g CO2 eq/MJ (soit 64,8 g CO2 eq/kWh).

A ce titre, l’intensité des émissions de GES de l’électricité est déterminée par référence à des valeurs datant de 2022.

Pour la France, et comme le relève le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, l’intensité carbone de l’électricité française retenue par la Commission – en vertu des données et statistiques de l’AIE (l’Agence Internationale de l’Energie) – apparaît particulièrement élevée (23,8 g CO2 eq/MJ) par rapport à la réalité, le bilan électrique de RTE retenant une intensité carbone de 8,9 g CO2 eq/MJ en 2023. Ceci serait en partie due à la prise en compte par la Commission de valeurs de l’année 2022, lors de laquelle une partie du parc nucléaire était indisponible, et des territoires d’outre-mer, ce qui ne correspondrait pas à une approche par zone de marché. Or, cette approche semble devoir prévaloir pour le calcul de l’intensité carbone de la France métropolitaine, dès lors que ces territoires d’outre-mer ne sont pas interconnectés avec elle de sorte qu’une production d’hydrogène en métropole ne peut pas y entraîner une augmentation de GES.

Néanmoins, il ressort de l’annexe à l’acte délégué que les États membres pourront également recourir aux données d’Eurostat et, lorsque l’intensité des émissions de GES est établie au niveau des zones d’offre, aux données des statistiques nationales officielles, des gestionnaires de réseaux de transport, dont RTE. Ainsi, s’agissant de la France ou la Suède, il serait possible de qualifier de « bas carbone » l’hydrogène produit grâce à l’électricité du réseau de leur zone de dépôt des offres.

Au contraire, inconvénient majeur pour la France, le texte proposé par la Commission ne reconnaît pas comme « bas-carbone » l’hydrogène produit grâce à de l’énergie exclusivement nucléaire, dans le cadre de la conclusion d’un accord d’achat d’électricité (power purchase agreements, PPA, en anglais).

En effet, l’article 3 du projet d’acte prévoit seulement, au plus tard le 1er juillet 2028, une obligation d’évaluer l’impact de l’introduction « d’un approvisionnement à faible teneur en carbone à partir de centrales nucléaires sur la base de critères appropriés et l’introduction d’une option permettant de prendre en compte l’intensité des émissions de gaz à effet de serre de l’électricité sur la base de moyennes horaires ».

Ce report de la prise en compte des PPA nucléaires est d’autant plus critiqué par les acteurs du secteur de l’hydrogène bas carbone – en particulier français (par exemple, France hydrogène, UFE, EDF) – que l’acte délégué 2023/1184 du 10 février 2023 définissant l’hydrogène vert prend en compte, à l’inverse, les PPA dans la définition de l’hydrogène renouvelable. Ils soutiennent que cette exclusion des PPA nucléaires jusqu’en 2028 est de nature à remettre les décisions d’investissements et à créer une inégalité de traitement entre ces deux technologies en rupture avec le principe de neutralité technologique. Ils prônent ainsi la mise en œuvre de critères similaires à l’hydrogène renouvelable (corrélation temporelle au pas horaire et corrélation géographique au niveau de la zone d’appel d’offres).

Ceci est d’autant plus problématique que la méthode proposée par la Commission, excluant les PPA nucléaires, permet de qualifier de « bas carbone » l’hydrogène produit grâce à l’électricité du réseau français, cette méthode ne prend pas en compte le besoin des filières dérivées (par exemple, la sidérurgie ou les e-fuels) qui recourent à l’hydrogène bas carbone dans le cadre d’un autre procédé industriel. En effet, dès lors que les émissions liées à la production d’hydrogène s’additionneront à celles des phases industrielles, la prise en compte d’un hydrogène ayant une valeur d’émission carbone dix fois inférieure à la moyenne du réseau (à hauteur de 2 g CO2 eq/kWh) – grâce à un approvisionnement direct des centrales nucléaires  – apporterait un avantage compétitif majeur par rapport à un approvisionnement en hydrogène renouvelable qui repose sur la conclusion de PPA encore rares, particulièrement onéreux et soumis à l’intermittence.

Bien au contraire, certains Etats membres s’opposent à la prise en compte des « PPA nucléaire » et regrettent que les émissions prises en compte pour la production d’hydrogène soient en réalité une moyenne de celles du réseau d’un pays. Dans sa note de position informelle sur le projet d’acte délégué, l’Allemagne propose notamment de « considérer les émissions moyennes horaires » de l’électricité utilisée dans la production d’hydrogène.

De plus, l’Allemagne, tout comme les ONG et professionnels de l’hydrogène vert, contestent l’écart entre les règles encadrant l’hydrogène renouvelable et celles relatives à l’hydrogène bas carbone, bien moins contraignants, et craignent que cette définition de l’hydrogène bas carbone rende plus facile l’installation de projets d’hydrogène bas carbone, notamment d’origine fossile, réduisant considérablement l’ambition de la décarbonisation.

 

  • Les deux autres méthodes d’évaluation

La deuxième méthode, consiste pour les producteurs d’hydrogène à faire coïncider leur production avec les périodes où les renouvelables ou le nucléaire fixent le prix de l’électricité.

Plus précisément, cette méthode prend en compte les valeurs d’émissions de GES qui sont attribuées en fonction du nombre d’heures de pleine charge pendant lesquelles l’installation produisant des combustibles à faible teneur en carbone fonctionne. Lorsque le nombre d’heures de pleine charge est égal ou inférieur au nombre d’heures pendant lesquelles le prix marginal de l’électricité a été fixé par les installations produisant de l’électricité renouvelable ou les centrales nucléaires au cours de l’année civile précédente pour laquelle des données fiables sont disponibles, l’électricité du réseau utilisée dans le processus de production de carburants à faible teneur en carbone se voit attribuer une valeur d’émission de GES de 0 g CO2eq/MJ.

A l’inverse, lorsque ce nombre d’heures de pleine charge est dépassé, l’électricité du réseau utilisée dans le processus de production de carburants à faible teneur en carbone se voit attribuer une valeur d’émission de GES de 183 g CO2eq/MJ.

Cette méthode assure que la production d’hydrogène a lieu pendant les heures où l’apport d’énergie renouvelable est élevé.

Toutefois, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives a relevé que cette valeur par défaut est significativement inférieure aux émissions de centrales à charbon et comparable aux émissions de turbines à gaz.

La troisième méthode consiste à prendre en compte la valeur des émissions de GES de l’unité marginale de production d’électricité au moment de la production des carburants à faible teneur en carbone dans la zone de l’offre peut être utilisée si cette information a été rendue publique par le gestionnaire du réseau de transport national. Autrement dit, cette méthode se fonde sur l’intensité exacte en carbone du réseau électrique régional, à condition que les opérateurs de réseau offrent un niveau d’information suffisant.

Cependant, selon les professionnels du secteur, cette solution – comme la deuxième – n’est pas crédible dans la mesure où les gestionnaires de réseaux de transport ne sont pas en capacité d’informer le producteur à chaque instant sur le type de centrale marginale appelée.

 

  • Le rôle de la Direction générale de la concurrence

Outre l’identification de la méthode d’évaluation des réductions d’émissions de GES la plus appropriée, les professionnels du secteur et les Etats membres ont vivement critiqué le fait que la direction générale de la concurrence (DG Competition) sera habilitée à exiger « des garanties supplémentaires » pour s’assurer que les aides d’Etats en faveur des carburants à faible teneur en carbone (comme l’hydrogène bas carbone) soient compatibles avec le marché intérieur et ne faussent donc pas indûment la concurrence.

En effet, il en ressort que, lorsque la DG Competition évaluera un projet bas carbone, elle pourra définir des critères additionnels, ce qui est de nature à réduire la sécurité juridique des investissements aujourd’hui envisagés et à limiter ainsi leur nombre.

 

  • La production d’hydrogène bleu/turquoise

Bien que non listée explicitement, la production d’hydrogène fossile produit à partir d’une technologie de captage, stockage et utilisation du CO2 est également visée par l’acte délégué dans le respect d’une émission maximum de 3,38 kg d’équivalent CO2 par kg d’hydrogène produit sur l’ensemble du cycle de vie.

A ce titre, les techniques de production d’hydrogène par vaporeformage de méthane associées aux technologies de captage, stockage et utilisation du CO2, par gazéification ou par pyrolyse sont ainsi prises en compte.

La méthodologie reconnaît ainsi le captage et le stockage des émissions comme une réduction des émissions lorsque celles-ci sont stockées de manière permanente dans un site de stockage géologique, y compris lorsque des émissions ayant lieu dans des pays tiers sont stockées en dehors de l’Union, pour autant que la législation nationale applicable garantisse la détection et la réparation des fuites conformément aux dispositions légales applicables dans l’UE, et que les fuites soient prises en compte afin qu’elles ne soient pas créditées en tant que réductions.

Toutefois, la méthodologie proposée a fait l’objet de vives critiques des ONG – ou de l’Allemagne – en retenant qu’en l’absence d’une méthodologie européenne permettant pour l’instant de comptabiliser les émissions de méthane, conformément à l’article 12 du règlement (UE) n° 2024/1787, l’intensité de méthane est calculée en appliquant une valeur par défaut. Il en va pareillement des fuites d’hydrogène.

En effet, l’utilisation de valeurs standard risque d’entraîner des émissions réelles beaucoup plus élevées que ces dernières, et une qualification à tort de l’hydrogène de « faible teneur en carbone ». D’autant que les émissions en amont du gaz naturel varient fortement entre les pays producteurs respectifs, et peuvent également varier fortement entre les producteurs d’un même pays (comme aux États-Unis). En outre, la valeur standard ne prendrait pas en compte l’augmentation des importations de gaz naturel liquéfié à forte intensité de carbone, dont les valeurs sont dominées par les émissions de CO2 liées à l’énergie pour la liquéfaction, la purification et le transport.

En somme, cela pourrait désavantager les producteurs, notamment d’hydrogène vert dont les critères apparaissent très contraignants, dont les émissions de GES sont très faibles sur leurs sites de production, au profit de projets d’hydrogène bas carbone, notamment d’origine fossile.

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A la suite de la consultation publique qui s’est clôturée le 25 octobre dernier, la Commission européenne prépare la version finale de l’acte délégué pour la définition de l’hydrogène bas carbone qui ne sera probablement pas envoyée pour examen (d’une durée de deux mois, renouvelable) au Conseil et aux eurodéputés avant début 2025 – en particulier si les nouveaux cabinets de la nouvelle Commission demandent des modifications à son égard.

Ce projet pourrait être rejeté par une majorité qualifiée d’États membres de l’Union européenne ou par une simple majorité du Parlement européen. Toutefois, le report de sa publication définitive, s’il est compréhensible au regard des enjeux stratégiques qu’emporte la définition de l’hydrogène bas carbone pour les Etats membres, à travers l’avantage compétitif qu’elle pourrait leur procurer, ne serait pas sans conséquence sur la décision des professionnels du secteur d’engager de nombreux projets, dans l’attente d’une meilleure sécurisation juridique et économique de leurs investissements.

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[1] Il en va de même dans le cas où l’électrolyseur utilise de l’électricité à des moments où les prix de l’électricité sont si bas (inférieurs à 20 euros par MWh ou à 0,36 fois le prix d’un quota d’émission d’une tonne d’équivalent CO2) que la production d’électricité d’origine fossile n’est pas économiquement viable et que, par conséquent, la demande supplémentaire d’électricité entraîne une augmentation de la production d’électricité renouvelable et non une augmentation de la production d’électricité d’origine fossile.

[2] Lettre du ministre fédéral de l’Économie et de la Protection du climat en date du 16 septembre 2024 proposant ainsi à la Commission que l’additionnalité ne s’applique qu’aux centrales construites après 2035 – au lieu de 2028 – et de reculer d’un an l’entrée en vigueur de l’obligation de justifier chaque heure que l’électrolyseur produisant l’hydrogène est alimenté par des ENR.

[3] Etant rappelé que l’électricité qui peut être entièrement considérée comme renouvelable conformément à l’article 27, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la directive (UE) 2018/2001 se voit attribuer des émissions de GES nulles.

Eau : adoption du décret relatif au schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)

Après une consultation du public réalisée du 28 mars au 24 avril 2024, le décret relatif au schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) a été adopté le 2 décembre. L’objectif affiché de ce décret est de prévoir davantage d’agilité dans les procédures d’élaboration et de révision des schémas ainsi que dans le fonctionnement des commissions locales de l’eau (CLE). Les modifications apportées au Code de l’urbanisme ont quant à elles pour effet de garantir l’opérationnalité des schémas, notamment en améliorant leur intégration dans les outils d’aménagement des territoires.

Parmi les nouvelles dispositions issues de ce décret, on note la possibilité pour le préfet de département ou le préfet responsable de la procédure d’élaboration du SAGE de procéder à des adaptations du périmètre initialement proposé ou de modifier le périmètre existant du schéma lors de sa révision. Ces évolutions doivent toutefois être apportées avant que le projet de schéma ne soit soumis à la consultation du public.

Quelques dispositions concernent également l’organisation des commissions locales de l’eau : modalité de nomination des membres de la CLE, possibilité de renouveler leur mandat, adoption des délibérations par visioconférence ou par l’échange d’écrits à distance ou encore remplacement des membres de CLE dont l’absence répétée est constatée.

Le décret précise par ailleurs les procédures d’élaboration, de révision et de modification du schéma.

Concernant l’élaboration du SAGE, les avis du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional ainsi et du comité de gestion des poissons migrateurs sont désormais requis en plus de ceux déjà existants (conseils régionaux, des conseils départementaux, des chambres consulaires, des communes, de leurs groupements compétents, notamment en gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, et, s’ils existent, des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau et de l’établissement public territorial de bassin ainsi que du comité de bassin intéressés).

S’agissant de la modification, elle est désormais expressément prévue à l’article R. 212-44 du Code de l’environnement. L’article prévoit que cette modification peut intervenir à tout moment et, lorsqu’il s’agit d’assurer sa compatibilité avec le SDAGE, dans les trois ans qui suivent l’adoption de ce dernier. La modification peut être menée par la CLE ou par le préfet. Elle suppose l’avis du comité de bassin ainsi que la consultation du public par voie électronique.

La révision est quant à elle prévue à l’article R. 212-44-1 du Code de l’environnement. Elle peut intervenir à tout moment et en tout état de cause lorsque l’arrêté délimitant le périmètre du SAGE ou du SDAGE fixe un délai. La procédure peut être engagée par la CLE ou par le préfet. La CLE doit par ailleurs se prononcer tous les six ans à compter de l’adoption du SAGE ou de sa dernière révision. Elle doit en outre réaliser tous les douze ans un état de lieux et, sur cette base, décider ou non de procéder à une révision du schéma.

L’article R. 212-44-2 du Code de l’environnement précise quant à lui les cas où la révision doit être totale ou partielle :

  • révision partielle lorsque les changements envisagés ont pour effet d’entrainer des conséquences pour les tiers sans remettre en cause l’économie générale du schéma ;
  • révision totale lorsque les changements envisagés ont pour effet de remettre en cause l’économie générale du schéma.

Le contenu du SAGE est également précisé afin de donner plus de portée au plan d’aménagement et de gestion durable. En effet, ce dernier doit, d’une part, présenter les objectifs permettant de satisfaire aux trajectoires de prélèvement sur la ressource en eau et les moyens de les atteindre et, d’autre part, intégrer un nouveau document identifiant lesdits objectifs ainsi que les dispositions du règlement susceptibles d’avoir une incidence sur les orientations des SCOT (article R. 212-46 du Code de l’environnement).

La portée du SAGE est également renforcée dès lors que :

  • ce schéma est au nombre des informations qui doivent être portées à la connaissance, par le préfet, de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte qui a décidé d’élaborer ou de réviser un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale (article R. 132-1 du Code de l’urbanisme).
  • les règlements des plans locaux d’urbanisme doivent par ailleurs intégrer, dans les zones U, AU, A et N, les secteurs des zones humides, sur lesquels existent des interdictions d’asséchement, d’imperméabilisation, de mise en eau ou de remblai, lorsqu’ils font l’objet, dans le schéma d’aménagement et de gestion des eaux, d’une cartographie à une échelle permettant leur localisation précise (article R. 121-47 du Code de l’environnement et R. 151-31 du Code de l’urbanisme).
  • est par ailleurs annexé au PLU le document prévu à l’article R. 212-46 point 6° identifiant les objectifs du SAGE, précité (article R. 151-53 du Code de l’urbanisme).

Ce décret doit entrer en vigueur dès le lendemain de sa publication bien que des dispositions transitoires soient prévues pour les schémas en cours d’élaboration, de modification ou de révision. L’autorité compétente peut toutefois décider de respecter l’ensemble de ces nouvelles dispositions à condition que le schéma n’ait pas été soumis au public. De même certaines des nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme n’ont pas vocation à s’appliquer aux PLU dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant l’adoption du décret sauf décision contraire de l’autorité compétente dès lors qu’elle n’a pas arrêté le projet.

Publication des premières décisions de l’Autorité de régulation des transports (ART) applicables au développement des services numériques multimodaux

Pour la première fois, l’ART se prononce sur les modalités dans lesquelles un fournisseur de service numérique multimodal peut distribuer numériquement aux usagers les titres de transports afférents à des services de mobilité.

En l’espèce, la société Myzee Technology souhaitait, en application de l’article L. 1115-11 du Code des transports, délivrer des titres de transports dématérialisés afférents à plusieurs services de transport en commun, par l’intermédiaire de son application « Witick ».

Cette délivrance implique, en pratique, que la société dispose d’un accès aux services numériques de vente de leurs gestionnaires. Cet accès est organisé par les dispositions de l’article L. 1115-11 du Code des transports qui organisent un droit de délivrance des fournisseurs de services numériques multimodaux et une obligation des gestionnaires des services de mobilité de mettre à leur disposition « une interface permettant l’accès de l’usager à leur service numérique de vente ».

Pour ce faire, ces dispositions précisent qu’un contrat doit être conclu entre le fournisseur du service numérique multimodal et les gestionnaires des services de mobilité dont il assure la vente, afin d’y prévoir les modalités techniques et financières de vente des produits tarifaires.

C’est dans ce cadre que la société a sollicité l’autorisation de plusieurs gestionnaires aux fins de pouvoir procéder à la revente de titres de transports en commun en tant que fournisseur de service numérique multimodal.

Face aux refus de ces derniers, la société a saisi l’Autorité de Régulation des Transports (ART), afin que cette dernière enjoigne aux gestionnaires de services numériques de reconnaitre sa qualité de service numérique multimodal et que des contrats de fournisseur de service numérique multimodal lui soit délivré.

Par cinq de ses décisions concernant le périmètre d’Orléans, Tours, Toulon, Bordeaux et du Pays Basque Adour, l’ART va faire droit aux demandes de la société Myzee Technology et ainsi :

  • Reconnait que la société Myzee Technology répond aux conditions de qualification d’un fournisseur de service numérique multimodal, car son application permet la vente de services de mobilité aux usagers ;
  • Enjoint aux gestionnaires de services numériques d’élaborer et de publier les conditions contractuelles générales et particulières applicables à toute personne privée ou publique fournissant un service numérique multimodal.

Selon l’ART, les solutions dégagées par ces décisions ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des gestionnaires de services numériques de vente de titres de transport en commun dans des situations comparables, et devraient ainsi permettre de faciliter le développement des services numériques multimodaux.

Chaque semaine jusqu’à Noël, des duos d’avocats du Cabinet vous proposent leur vision croisée de sujets d’actualité juridique

Tous les jeudis jusqu’à Noël des duos d’avocats du Cabinet vous proposent leur vision croisée de sujets d’actualité juridique via le #SEBANxSEBAN.

Retour sur les 4 premiers sujets traités au mois de novembre :
1) Le gestionnaire public qui ne déclare pas les accidents de service engage sa responsabilité personnelle !
Rédigé par Lorène Carrère avocate associée en fonction publique et Marlène JOUBIER, avocate associée en droit pénal, droit pénal de l’environnement et droit pénal du travail.

2) La protection fonctionnelle pour les élus et pour les agents publics n’est pas la même !
Rédigé par Lorène Carrère, avocate associée en fonction publique et Alexandra Aderno, avocate associée en vie des acteurs publics.

3) Vous accompagner dans la réforme de l’offre des services d’aide à domicile (SAD) : un travail d’équipe !
Rédigé par Marjorie Abbal, avocate associée en fonction publique et Esther Doulain, avocate à la Cour en Avocate à la Cour droit de l’action sanitaire et sociale, des ESSMS, des associations et de l’ESS.

4) Que faire des agents en cas de dissolution d’un syndicat ?
Rédigé par Lorène Carrère, avocate associée en fonction publique et Margaux Davrainville, avocate directrice en intercommunalité et finances publiques.

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A venir sur le mois de décembre, les expertises croisées de Lorène Carrère, Benoit ROSEIRO, Marion Terraux et Samuel Couvreur : abonnez-vous à leurs profils LinkedIn !

L’ensemble de ces posts seront ensuite republiés directement sur notre page fin décembre !

Rendez-vous cette semaine pour le prochain post sur les profils de Lorène Carrère et Benoit ROSEIRO !

 

Découvrez ici les articles de novembre :

Lire les analyses croisées

Royaume-Uni : Adoption de la réforme visant à nationaliser les services ferroviaires de transport de voyageurs

Entrée en vigueur du « Passenger Railway Services (Public Ownership) Act 2024 » visant à transférer les services ferroviaires de transport de voyageurs exploités sous « franchise » au secteur public.

Pour rappel, le service de transport ferroviaire de voyageurs au Royaume Uni a été ouvert à la concurrence par le Railway Act de 1993. Depuis le système ferroviaire est organisé de la manière suivante[1] :

  • En ce qui concerne d’abord la gestion des infrastructures Une entreprise privée contrôlée par l’Etat, Network Rail (auparavant Railtrack) est propriétaire et en charge de la gestion des voies ferroviaires sur lesquelles circulent les opérateurs. Le contrôle de l’Etat s’opère dans le cadre de licences d’exploitation délivrée par l’Office of Rail and Road, par lesquelles ce dernier impose à Network Rail des obligations en termes de maintenance ou de développement du réseau dont le non-respect est susceptible de conduire au prononcé d’amendes.
  • En ce qui concerne l’exploitation du service de transport ferroviaire. Celle-ci est assurée par des opérateurs privés circulant sur les lignes. L’accès des exploitants aux lignes nécessite l’attribution de contrats d’accès aux voies délivrés par le gestionnaire Network Rail. Une fois l’accès délivré, l’exploitation des lignes nécessite l’obtention de contrats de franchises attribués par le Departement for Transport (ou plus rarement en « open access»). Ici encore, l’Etat exerce un contrôle car, l’Office of Rail and Road est chargé de contrôler les contrats d’accès aux voies et de délivrer aux exploitants des licences d’accès aux infrastructures dont le maintien est conditionné au respect d’obligations environnementales ou sociales.

Depuis plusieurs années, le système ferroviaire de voyageurs britannique fait l’objet de critiques tenant principalement à la baisse de qualité du service et à l’augmentation du coût des billets.

Or, en l’état, l’Etat ne dispose pas de moyens lui permettant de remédier de façon durable aux dysfonctionnements des services ferroviaires. Car, au titre de ses pouvoirs de contrôle, l’Office of Rail and Road ne peut que, temporairement, suspendre les licences délivrées aux exploitants.

En vue de permettre une amélioration durable de la qualité du service et de réduire le prix des billets, un projet de loi « Passenger Railway Services (Public Ownership) Bill 2024-25 » a été présenté par le Gouvernement à la Chambre des Communes le 18 juillet 2024 en vue de transférer les services ferroviaires de transport de voyageurs exploités sous « franchise » au secteur public.

Entrée en vigueur le 28 novembre 2024, la réforme prévoit, en substance :

  • Un transfert progressif des services une fois les contrats arrivés à leur terme, avec une possibilité de transfert anticipé en cas de dégradation du service ;
  • Ce transfert s’opèrera sans coût pour l’Etat et les bénéfices allant actuellement aux actionnaires seront réinvestis ;
  • L’actuel gestionnaire du réseau Network Rail sera remplacé par une nouvelle entreprise publique Great British Railways qui sera chargée d’uniformiser la qualité du service et le prix des billets.

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[1] A. Antoine, et M. Lahouazi, Privatisation vs nationalisation : faut-il choisir son camp ?, AJDA, 2018, p. 1758.

Nouvelles précisions pour la réalisation des services express régionaux métropolitains (« SERM »)

Le décret n° 2024-1048 du 20 novembre 2024 (« le décret »), publié au Journal officiel du 22 novembre 2024 et pris en application des articles 7 et 16 de la loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023[1], marque une étape importante dans l’organisation et la réalisation des Services Express Régionaux Métropolitains (« SERM »). En effet, le décret apporte plusieurs précisions :

Définition du contenu attendu de la Convention prévue à l’article L. 2111-13 du Code des transports

Le décret précise le contenu attendu de la convention entre SNCF Réseau (ou SNCF Gares et Connexions) et la Société des Grands Projets si cette dernière a la maîtrise d’ouvrage sur le réseau ferré national. Elle devra, notamment :

  • Fixer le programme fonctionnel, performance, d’exploitabilité et de maintenabilité des ouvrages construits sous la maîtrise d’ouvrage de la SGP ;
  • Identifier les interfaces entre les ouvrages construits sous la responsabilité de la SGP[2] et les infrastructures du réseau ferré national et installations de service en exploitation gérées par SNCF Réseau[3][4];
  • Définir les périmètres d’intervention de chacune des parties, notamment aux jonctions existantes entre le réseau ferré national et les nouveaux ouvrages[5];
  • Définir les spécifications techniques pour la réalisation des ouvrages destinés à être incorporés au réseau ferré national[6] et les spécifications techniques pour la réalisation des gares de voyageurs et des pôles d’échange multimodaux[7][8].

Instauration d’une validation obligatoire des études techniques

Le décret impose une validation obligatoire des étapes préliminaires et les avant-projets par SNCF Réseau ou sa filiale des études techniques du projet, sous forme d’avis conforme. En cas d’absence de réponse dans les délais impartis, les études sont réputées conformes[9]​​.

Précisions sur les conditions de remise de l’infrastructure

Le décret précise également les conditions de remise de l’infrastructure à SNCF Réseau ou SNCF Gares et Connexions[10] et notamment que cette remise intervient après l’autorisation de mise en service délivrée par l’Etablissement public de sécurité ferroviaire (« EPSF ») ou encore après que « SNCF Réseau ou sa filiale s’est assurée que les ouvrages respectent le programme fonctionnel, de performance, d’exploitabilité et de maintenabilité des ouvrages ainsi que les avis qu’elle a émis auxquels la Société des grands projets ou sa filiale était tenue de se conformer » [11].

Instauration d’un seuil financier

Enfin, le décret fixe un seuil de 500 millions d’euros à partir duquel les travaux de création ou de prolongement d’une infrastructure nécessaire à un SERM[12], correspondant au coût estimé pour 20 km de nouvelles lignes ferroviaires[13], sont soumis à une déclaration d’utilité publique par décret en Conseil d’État.

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[1] Loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains

[2] ou de sa filiale (article R.2111-4 du Code des transports)

[3] Ibid.

[4] Art. R. 2111-4 du Code des transports

[5] Ibid.

[6] Définies par SNCF Réseau

[7] Définies par la filiale de SNCF Réseau

[8] Art. R. 2111-5 du Code des transports

[9] Art. R. 2111-7 du Code des transports

[10] Art. R. 2111-8 du Code des transports

[11] Ibid.

[12] Art. R.121-2 7° du Code de l’expropriation

[13] Notice du décret n°2024-1048 du 20 novembre 2024

Tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) : La Commission de régulation de l’énergie (CRE) et l’Autorité de la Concurrence ne voient pas leur avenir du même œil

Rapport de l’Autorité de la Concurrence relatif aux tarifs réglementés de vente

L’article L. 337-9 du Code de l’énergie prévoit une évaluation ministérielle et quinquennale des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) sur la base d’un rapport transmis par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) et de l’Autorité de la concurrence portant sur :

« 1° La contribution de ces tarifs aux objectifs d’intérêt économique général, notamment de stabilité des prix, de sécurité de l’approvisionnement et de cohésion sociale et territoriale ;

2° L’impact de ces tarifs sur le marché de détail ;

3° Les catégories de consommateurs pour lesquels une réglementation des prix est nécessaire. »

En juin 2021, la CRE avait ainsi rendu son premier rapport dans lequel elle concluait que « les TRVE tels que mis en œuvre en 2021 étaient compatibles avec le bon fonctionnement du marché de détail français de l’électricité au bénéfice des consommateurs. »

Pour l’échéance 2025, la CRE a publié son rapport le 19 novembre 2024, dont il ressort synthétiquement les 2 points suivants :

  • La CRE estime que le dispositif des TRVE n’est pas remplaçable à court terme :

Selon la CRE, les TRVE sont un vecteur de flexibilité contribuant à la sécurité de l’approvisionnement mais avant tout une protection contre la volatilité des prix de l’énergie auxquels les consommateurs français restent attachés et à maintenir dans ce contexte de disparition de l’ARENH.

Elle souligne également la pertinence de leur méthode de construction, régulièrement améliorée, compatible avec le bon fonctionnement du marché de détail de l’énergie, réplicable par les fournisseurs alternatifs.

Ainsi elle recommande leur maintien durant les cinq prochaines années.

  • Elle émet toutefois trois recommandations afin de renforcer la concurrence au bénéfice des consommateurs :
  1. Compléter les pouvoirs d’enquête et de sanction de la CRE en matière de protection des consommateurs afin de renforcer leur confiance envers les fournisseurs d’électricité ;
  2. Interdire le retour aux TRVE des clients souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA qui ont quitté les TRVE depuis moins d’un an, et ce pour limiter les allers-retours de court terme entre les TRVE et les offres de marché ;
  3. Distinguer clairement les processus de souscription en lignes TRVE/ offres de marchés afin d’éviter toute confusion pour les consommateurs et ainsi « limiter un possible effet d’aubaine au profit des offres de marché des fournisseurs historiques proposant des TRVE ».

Cette position n’est pas partagée par l’Autorité de la Concurrence qui recommande pour sa part dans son rapport du même jour de préparer la disparition des tarifs réglementés de vente et leur remplacement par d’autres dispositifs.

En effet, selon cette dernière les TRVE revêtent une dimension réglementaire et politique constituant de façon structurelle un obstacle à la libre concurrence ainsi qu’aux bénéfices qui en découlent pour l’économie.

Sur la base de ce constat, l’Autorité de la Concurrence suggère que succèdent aux TRVE d’autres mesures de protection des consommateurs ne relevant pas d’interventions de crise tels que le développement du comparateur de prix développé par le MNE et un mécanisme régulatoire post-ARENH. Ces mesures pourraient s’inscrire dans le prolongement des lignes directrices récemment publiées par la CRE pour la protection des consommateurs (commentées ici).

Qu’en est-il de la mise en cohérence du Code de l’urbanisme avec les dispositions du Code de l’énergie en matière de raccordement au réseau de distribution d’électricité ?

Un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes a été déposée le 31 octobre dernier à l’Assemblée nationale.

Parmi les mesures portées en matière énergétique, il y figure l’attendue mise en cohérence des dispositions du Code de l’urbanisme avec la suppression de la contribution des collectivités territoriales pour les travaux d’extension situés hors du terrain d’une opération de raccordement prévues par l’article 29 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite loi « APER »)  et par l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité.

Ainsi que nous le soulignions dans une de nos précédentes lettres d’actualité, les nouvelles dispositions du Code de l’énergie mettant à la charge du demandeur du raccordement l’ensemble de la contribution correspondant aux extensions du réseau (qu’elles soient situées sur ou en dehors du terrain d’assiette de l’opération) demeurent en effet à ce jour contradictoires avec l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme.

Cette contradiction devait être levée par l’effet de l’article 2 du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 23 août 2023 susvisée dont le texte définitif n’a pour l’heure pas été promulgué. Celui-ci prévoit en effet la suppression du troisième alinéa de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme limitant la prise en charge de l’extension par le demandeur à la partie de l’extension située sur le terrain d’assiette de l’opération ainsi que de plusieurs références au réseau d’électricité au sein de l’article.

C’est également l’objet du projet de loi ici commenté qui, à travers des amendements sensiblement identiques de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, supprime les références à la contribution de la collectivité chargée de l’urbanisme au financement du raccordement. Il semblerait donc que cette clarification soit finalement portée par le projet de loi du 31 octobre 2024.

Parmi ses autres nombreuses dispositions en matière de droit de l’énergie, on citera encore deux dispositifs portés en son article 20 visant à protéger les consommateurs de gaz et d’électricité par la surveillance du marché de gros :

  • un système de coopération entre le Médiateur National de l’Energie (MNE) et les autres médiateurs de la consommation afin de renforcer les mécanismes de règlement extra-judiciaire des litiges entre les consommateurs et les entreprises du secteur de l’énergie ;
  • une obligation pour la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) d’informer le ministre en charge de l’Economie de toute pratique restrictive dont elle aurait connaissance dans le secteur de l’électricité ou le gaz naturel, notamment en matière de clause d’exclusivité.

Nous ne manquerons pas d’analyser les mesures effectivement retenues une fois le texte définitif promulgué.

Obligation de solarisation des parkings : publication du décret d’application de l’article 40 de la loi APER

Le décret n° 2024-1023 du 13 novembre 2024 portant application de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 dite loi APER a été publié au Journal officiel du 15 novembre 2024.

Reprenant principalement les dispositions du projet de décret (que nous avions commenté), le décret fixe les modalités d’application de l’article 40 de la loi APER qui prévoit, pour les parcs de stationnement de plus de 1 500 m², une obligation d’installation d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables.

Le décret fixe les modalités de calcul de la superficie à prendre en compte pour déterminer la soumission du parc de stationnement à l’obligation de solarisation et précise les cas d’exonération de l’obligation.

En premier lieu, si l’article 40 de la loi APER prévoit que les parcs de stationnement d’une superficie supérieure à 1 500 m² doivent être équipés, sur au moins la moitié de cette superficie, d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables, il ne prévoit pas les modalités de calcul de la superficie à prendre en compte.

L’article 1er du décret ici commenté apporte de nombreuses précisions sur ce point.

L’article 1er indique d’abord quels parcs de stationnement il faut prendre en compte. Ainsi, seuls seront soumis à l’obligation issue de l’article 40 de la loi APER les parcs de stationnement « qui ne sont pas intégrés à un bâtiment ».

La notion de bâtiment doit être entendue au sens de l’article L. 111-1 du Code de la construction et de l’habitation qui définit la notion de bâtiment comme suit : « un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain ».

Ensuite, le décret précise les surfaces qui doivent, ou non, être prises en compte.

D’une part, doivent être pris en compte :

« 1° Les emplacements destinés au stationnement des véhicules et de leurs remorques, situés en dehors de la voie publique, au sein d’un périmètre compris entre la ou les entrées et la ou les sorties du parc ;

2° Les voies et les cheminements de circulation, les aménagements et les zones de péage permettant l’accès à ces emplacements, au sein du même périmètre. »

D’autre part, ne doivent pas être pris en compte :

« 1° Les espaces verts, les espaces de repos, les zones de stockage, les espaces logistiques, de manutention, de chargement et de déchargement ;

2° Des parties où stationnent des véhicules transportant des marchandises dangereuses, précisées par l’arrêté mentionné au dernier alinéa du présent III ;

3° Les parties situées à moins de dix mètres d’une installation classée pour la protection de l’environnement relevant de rubriques de la nomenclature annexée à l’article R. 511-9 du Code de l’environnement, énumérées par le même arrêté ;

4° Des surfaces, précisées par le même arrêté, nécessaires à la mise en œuvre des prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement. »

En second lieu, le II. de l’article 40 de la loi APER prévoit de nombreuses dérogations à l’obligation de solarisation. Le décret ici commenté apporte des précisions sur ces différentes dérogations :

  • Installation de procédés de production d’énergie renouvelable permettant une production équivalente (article 2 du décret). Les dispositifs qui permettront de bénéficier de la dérogation seront précisés par une liste établie par arrêté conjoint des ministres chargés de l’Energie, et de l’Urbanisme ;
  • Contraintes techniques (article 4 du décret) ;
  • Contraintes architecturales, patrimoniales et environnementales ou relatives aux sites et aux paysages (article 5 du décret) ;
  • Atteintes à la rentabilité de l’installation (article 6 du décret) ;
  • Motifs économiques (articles 7 et 8 du décret) ;
  • Présence d’arbres à canopée large (article 9 du décret).

La procédure pour pouvoir bénéficier des dérogations est prévue par les articles 11 et 12 du décret. Le gestionnaire du parc devra ainsi justifier qu’il peut bénéficier d’une des dérogations en produisant une attestation. Cette attestation devra être accompagnée d’un résumé non technique, d’une étude technico-économique si le gestionnaire entend se prévaloir de l’une des dérogations pour motif économique, ainsi que de tout élément qu’il estime nécessaire de produire.

Enfin, les articles 13 et 14 du décret procèdent à des adaptations réglementaires du Code de l’urbanisme en conséquence.

Condamnation de l’Etat pour non-renouvellement des concessions hydrauliques de la vallée d’Ossau

CAA de PARIS, 13 novembre 2024, Communauté de communes de la Vallée d’Ossau, n° 23PA05242

Par deux arrêts du 13 novembre 2024, la Cour administrative d’appel de Paris a fait droit aux demandes indemnitaires du Département des Pyrénées-Atlantiques et de la Communauté de communes de la Vallée d’Ossau fondées sur l’absence de versement d’une partie de la redevance des concessions hydrauliques de la vallée d’Ossau du fait du non-renouvellement fautif de l’Etat de ces concessions.

La Cour a ainsi reconnu une faute de l’Etat du fait du non-renouvellement des concessions, causant aux requérants un préjudice fondé sur la perte de chance de recevoir une partie de la redevance des concessions.

Seban Avocats a accompagné les collectivités requérantes dès l’origine de ces affaires en 2017.

Au terme de ces arrêts, en premier lieu, la cour a reconnu une faute de l’Etat dans le non-renouvellement des concession hydrauliques de la vallée d’Ossau. Selon l’article 13 de la loi du 16 octobres 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, aujourd’hui codifié à l’article L. 521-16 du Code de l’énergie, à l’expiration de la concession, cette dernière doit être renouvelée, ou bien une nouvelle concession doit être instituée.

Au cas présent, bien qu’ayant initié une procédure de renouvellement des concessions en cause, l’Etat n’a pas mené cette procédure à son terme et a fait perdurer les concessions sous le régime des délais glissants.

Ecartant un à un les éléments de l’Etat pour justifier cette carence, la Cour administrative d’appel de Paris, au même titre que le Tribunal administratif de Paris, a reconnu la faute de l’Etat en jugeant que « la carence prolongée de l’Etat à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi (…) constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ».

En second lieu, les demandes indemnitaires avaient été rejetées par les juges de première instance et d’appel au motif que le caractère certain du préjudice faisait défaut.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 521-23 du Code de l’énergie, devenu article L. 523-2 du Code de l’énergie, pour toute nouvelle concession, y compris lors d’un renouvellement, le concessionnaire est tenu de verser à l’Etat une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Une partie de cette redevance doit être reversée aux collectivités locales sur le territoire desquelles se situent les installations concédées. Un tiers de cette redevance revient aux départements et un douzième aux groupements de communes.

Toute la question reposait sur le fait de savoir si l’absence de renouvellement des concessions avait causé un préjudice certain aux requérants. Ecartant les demandes des requérants présentées à titre principal, c’est sur le fondement de la perte de chance, soulevée à titre subsidiaire, que la cour a accueilli la demande des requérants.

De manière inédite, la Cour administrative d’appel de Paris a répondu à cette question par l’affirmative en jugeant que les requérants avaient été privés d’une chance sérieuse de percevoir une partie de la redevance qui leur aurait été versée si l’Etat avait procédé au renouvellement des concessions.

Cette décision, isolée tant ce contentieux a fait des déçus, ne fera malheureusement pas jurisprudence dans la mesure où la redevance est désormais versée obligatoirement, quand bien même la concession ne serait pas renouvelée, depuis la modification introduite par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Le financement par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité (TURPE) des coûts d’installation d’une infrastructure collective de recharge de véhicules électriques dans les parkings d’immeubles collectifs résidentiels ne constitue pas une aide d’Etat illégale

L’association française des opérateurs de recharge pour véhicules électriques avait demandé l’annulation pour excès de pouvoir de deux arrêtés du 2 juin 2023, l’un relatif à l’encadrement de la contribution pour le déploiement d’infrastructures collectives de recharge dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation, et l’autre relatif au taux d’équipement à long terme par point de charge pour le déploiement d’infrastructures collectives de recharge du réseau public de distribution.

Elle demandait en outre au Conseil d’Etat d’enjoindre à l’Etat de récupérer l’aide dont les gestionnaires du réseau public de distribution d’électricité auraient illégalement bénéficié et de prendre toutes mesures nécessaires au rétablissement d’une égale concurrence entre les opérateurs sur le marché de l’installation de bornes de recharge dans les parkings d’immeubles collectifs d’habitation.

On rappellera tout d’abord que les deux arrêtés contestés, commentés dans l’une de nos précédentes lettres d’actualités, sont venus préciser les conditions financières de réalisation des infrastructures de recharge de véhicules électriques dans les immeubles collectifs d’habitation.

La réalisation de l’infrastructure peut être confiée au gestionnaire du réseau public de distribution (art. L. 352-12 du Code de l’énergie) ou à un opérateur d’infrastructure de recharge (art. L. 325-13 de ce même code) à la demande du propriétaire ou copropriétaire d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation.

Les propriétaires et copropriétaires recourant au mécanisme prévu par l’article L. 352-12 du Code de l’énergie n’ont pas à avancer les coûts de l’infrastructure collective, à condition que celle-ci remplisse les critères relatifs à sa puissance totale et au nombre d’emplacements inclus dans son périmètre de déserte prévus par l’article D. 353-12-1 du Code de l’énergie.

Le coût de réalisation de l’infrastructure collective par le gestionnaire du réseau de distribution est intégralement couvert par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité (ci-après, TURPE). Cette prestation se distingue de la demande de création d’un ouvrage de branchement alimenté par cette infrastructure collective formulée par chaque utilisateur, qui doit verser à ce titre une contribution au gestionnaire du réseau. Le montant de cette contribution est encadré par l’article D. 353-12-2 du Code de l’énergie.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, les arrêtés contestés sont venus fixer le taux d’équipement à long terme et la puissance de référence par point de recharge permettant d’apprécier le respect des critères de puissance totale et de nombre de places et les montants minimums et maximums de la contribution versée par les utilisateurs.

L’association requérante considérait que le mécanisme de préfinancement de l’infrastructure collective de recharge installée par le gestionnaire du réseau, via le TURPE, constituait une aide d’Etat, au sens de l’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (ci-après, TFUE), aide illégale car non notifiée à la Commission européenne.

Elle estimait en effet que le gestionnaire du réseau de distribution était en concurrence avec des opérateurs d’infrastructure de recharge, auxquels, pour rappel, les propriétaires et copropriétaire peuvent recourir pour l’installation de l’infrastructure dans les conditions de l’article L. 353-13 du Code de l’énergie. Dans ces conditions, la prise en charge des coûts afférents par le TURPE donnait au gestionnaire du réseau « l’assurance d’être remboursé des sommes qu’il a exposées », alors que selon l’association « un opérateur privé supporte le risque que le nombre d’utilisateurs souhaitant se raccorder à l’infrastructure de recharge, et donc le montant des recettes d’exploitation qu’il en tire, s’avère moindre qu’anticipé » et doit financer à ses frais l’installation avant de percevoir les versements des utilisateurs.

Le Conseil d’Etat n’a pas suivi cette argumentation.

D’abord, il a rappelé que ce financement est prévu par les dispositions du Code de l’énergie susvisées et non par les arrêtés attaqués. Dès lors, le moyen selon lequel ces arrêtés institueraient une aide d’Etat devait être écarté.

Ensuite, le Conseil d’Etat a rappelé qu’au titre de l’article L. 322-8 4° du Code de l’énergie, qui précise que le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité doit assurer une mission de raccordement et d’accès aux réseaux, celui-ci est notamment tenu, en application de l’article L. 353-12 de ce même code, de « procéder à la réalisation de toute infrastructure collective de recharge remplissant les conditions réglementaires, qui constitue un ouvrage public, quelle que soit la rentabilité du projet ».

Puis, que la compensation qui lui est accordée à ce titre, via le TURPE, est calculée conformément aux règles de droit commun prévues par l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, c’est-à-dire de manière transparente et non discriminatoire afin de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires des réseaux dans la mesure où ceux-ci correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace.

Il rappelle notamment que les paramètres de calcul du TURPE, définis par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) permettent au gestionnaire du réseau d’obtenir une « marge raisonnable » dans la mesure où il exploite le réseau à ses risques et périls. Et il relève que les contributions des utilisateurs reçues par le gestionnaire au titre de l’infrastructure collective viennent, en tant que produit, en déduction des charges.

En conclusion, se fondant sur les critères dégagés par la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt « Altmark »[1], le Conseil d’Etat considère notamment que les charges de capital supportées par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, dont les coûts de réalisation de ces infrastructures, sont calculées de façon objective, transparente et non discriminatoire.

Dans ces conditions, la compensation par le TURPE ne lui confère pas un avantage économique susceptible de le favoriser.

Enfin, le Conseil d’Etat précise que cette compensation « n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts résultant de l’exécution de l’obligation de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable » et que le niveau de la compensation ne s’écarte pas des coûts que supporterait une entreprise moyenne, gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises.

Cet arrêt apporte un éclairage intéressant sur le régime des aides d’Etat et, au-delà, met en lumière la limite de la mission de service public du gestionnaire de réseau de distribution d’électricité.

 

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[1] CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH, n°C-280/00 : fixant les critères pour qu’une subvention représentant la contrepartie de prestations effectuées par des entreprises dans le cadre de l’exécution d’obligations de services publics échappent à la qualification d’aide d’Etat.

Déchets : contrôle des émissions de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) des installations d’incinération de déchets

Par un arrêté du 31 octobre 2024, publié au Journal officiel du 10 novembre 2024, des obligations de mesure des substances per- ou polyfluoroalkylées (également appelés PFAS) ont été imposées aux exploitants de certaines installations d’incinération de déchets.

Il est ainsi imposé de réaliser une campagne de prélèvements et d’analyses des substances identifiées par l’arrêté, qui concernent donc 49 PFAS, le fluorure d’hydrogène ainsi que de certains paramètres associés (pression, teneur en oxygène, etc.). Les mesures des PFAS doivent être réalisées par des laboratoires ou organismes de prélèvement accrédités.

Ces obligations concernent les exploitants d’installations soumises à autorisation et relevant des rubriques suivantes de la nomenclature ICPE : 2770[1], 2771[2], 2971[3] et 3520[4].

Les exploitants sont tenus de réaliser ces prélèvements dans les délais définis par l’annexe II de l’arrêté, s’échelonnant du 31 octobre 2025 au 30 avril 2028, et selon les modalités qu’il définit. L’exploitant est ensuite tenu de transmettre les « résultats commentés de la campagne de prélèvements et d’analyses ainsi qu’une copie du rapport d’essais complet à l’inspection des installations classées » (article 6).

Toutefois, contrairement au projet d’arrêté qui avait été soumis à la consultation du public du 8 au 28 juillet 2024, l’arrêté ne définit pas de limites de quantification qui devraient être respectées pour chaque substance.

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[1] Installation de traitement thermique de déchets dangereux, à l’exclusion des installations visées aux rubriques 2792 et 2793 et des installations de combustion consommant comme déchets uniquement des déchets répondant à la définition de biomasse au sens de la rubrique 2910

[2] Installation de traitement thermique de déchets non dangereux, à l’exclusion des installations visées à la rubrique 2971 et des installations consommant comme déchets uniquement des déchets répondant à la définition de biomasse au sens de la rubrique 2910

[3] Installation de production d’énergie, telle que la production de chaleur, d’électricité ou de gaz, à partir de déchets non dangereux préparés sous forme de combustibles solides de récupération dans une installation prévue à cet effet, associés ou non à un autre combustible

[4] Elimination ou valorisation de déchets dans des installations d’incinération des déchets ou des installations de coïncinération des déchets

Autorisation environnementale : la demande peut être rejetée dès la phase d’examen

Le Conseil d’Etat, au sein d’une décision en date du 6 novembre 2024, s’est prononcé sur la possibilité pour l’administration de rejeter une demande d’autorisation dès la phase d’examen et sur la procédure à suivre.

Dans cette affaire, une société avait déposé un dossier de demande d’autorisation environnementale pour la construction et l’exploitation d’un parc éolien, cette demande ayant été rejetée dès la phase d’examen du dossier par les services de l’Etat et sans qu’aucune procédure contradictoire n’ait été mise en œuvre.

Le juge relève alors que :

  • D’une part, l’article R. 181-34 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour l’autorité instruisant les demandes d’autorisation environnementale de rejeter ces demandes s’il en ressort que l’autorisation ne pourra en tout état de cause être délivrée dès lors que, même à l’issue de cette procédure, la protection des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du Code de l’environnement notamment ne pourra être assurée ;
  • En outre, aucun texte n’impose qu’une procédure contradictoire soit mise en œuvre à ce stade de la procédure. Les services de l’Etat ne sont ainsi pas tenus de recueillir les observations du pétitionnaire.

En l’espèce, le juge relève que le projet d’implantation d’éolienne serait visible depuis un certain nombre de monuments historiques et du site historique d’Alésia alors que, notamment, « les panoramas et perspectives qu’offre ce site, indispensables à la compréhension des évènements historiques dont il a été le cadre, apparaissent comme des éléments inhérents à sa valeur patrimoniale, archéologique et historique ». Le juge valide ainsi le raisonnement de la Cour administrative d’appel qui avait considéré que le projet présentait pour la conservation du site d’Alésia et de ses paysages environnants des inconvénients justifiant un rejet de la demande d’autorisation dès la phase d’examen.

Dérogations espèces protégées : actualités sur l’articulation avec l’autorisation environnementale et le contrôle du juge

CE, 6 novembre 2024, n° 471372

CE, 18 novembre 2024, n° 487701

Plusieurs décisions ont été rendues par le Conseil d’Etat sur les dérogations espèces protégées au cours du mois de novembre 2024.

1°) Au sein d’une première affaire Société Gourvillette Energies du 6 novembre 2024, le Conseil d’Etat a précisé l’articulation entre dérogations espèces protégées et autorisation environnementale.

Le juge indique tout d’abord qu’une autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour, notamment, la protection de la nature et de l’environnement qui sont des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du Code de l’environnement. Ainsi, le juge peut annuler une autorisation environnementale si elle porte atteinte à ces intérêts et donc, notamment, à la conservation d’espèces protégées. Et si aucune prescription complémentaire n’est susceptible de garantir la protection de cet intérêt, le juge n’est alors pas tenu de surseoir à statuer sur le fondement de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement en ordonnant qu’une dérogation espèces protégées soit sollicitée et obtenue. Dit autrement, lorsque les atteintes portées par un projet aux espèces protégées sont tellement importantes qu’aucune prescription ne pourrait y remédier, alors le juge doit annuler l’autorisation environnementale sans permettre au pétitionnaire de solliciter une dérogation espèces protégées.

Dans les faits en cause, le Conseil d’Etat considère qu’au regard des incidences du projet, qui a pour effet de réduire le territoire de reproduction de l’outarde canepetière, aucune prescription supplémentaire ne permettrait d’assurer la protection de l’intérêt protégé par l’article L. 511-1 du Code de l’environnement lié à la protection des espèces.

2°) Une seconde décision en date du 6 novembre 2024, n° 471372, a permis au Conseil d’Etat de se prononcer sur l’étendue du contrôle qu’exerce le juge de cassation sur la notion de « risque suffisamment caractérisé » pour les espèces protégées, qui est le critère permettant de déterminer si une dérogation espèces protégées est nécessaire ou non pour la réalisation d’un projet.

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel avait considéré qu’il n’existait pas de risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées.

Au sein de ses conclusions, le rapporteur public s’interrogeait en effet sur la pertinence pour le Conseil d’Etat d’exercer un contrôle sur cette notion en cassation, ou si la question de l’existence d’un risque suffisamment caractérisé devait relever uniquement des juges du fond.

Le juge, suivant à cet égard les conclusions de son rapporteur public, tranche en faveur du contrôle de la qualification juridique des faits. Dans cette espèce, il estime alors que les mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire ne sont pas suffisantes pour permettre de considérer qu’il n’existerait pas de risque suffisamment caractérisé et censure ainsi le raisonnement de la Cour administrative d’appel. En effet, les mesures de bridage proposées ne permettaient de couvrir qu’environ 80 % des spécimens d’espèces protégées identifiées.

3°) Par une décision en date du 18 novembre 2024, le Conseil d’Etat s’est ensuite prononcé sur la situation où la Cour administrative d’appel avait estimé qu’une dérogation espèces protégées était nécessaire pour plusieurs espèces, alors qu’elle ne l’était en réalité que pour certaines d’entre elles. La Cour avait en effet considéré qu’une dérogation espèces protégées aurait dû être sollicitée pour six espèces d’oiseaux et douze espèces de chiroptères or, le Conseil d’Etat énonce qu’elle n’était pas nécessaire pour le vanneau huppé et le pluvier doré, qui ne sont pas des espèces protégées, ni pour les chiroptères au regard des mesures supplémentaires de bridage ordonnées par la Cour. Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat considère qu’il est alors nécessaire d’annuler la dérogation espèces protégées dans son ensemble.

Ainsi :

– D’une part, le juge indique que les mesures d’évitement et de réduction devant être prises en compte pour estimer qu’il existe un risque suffisamment caractérisé incluent celles définies par le juge, et non uniquement celles définies par le pétitionnaire ;

– D’autre part, son raisonnement implique que la dérogation espèces protégées n’est pas une décision sécable. Dit autrement, il n’existe pas une dérogation par espèce protégée mais une dérogation globale concernant toutes les espèces concernées par un projet.

Cet arrêt se prononce également sur la recevabilité de la tierce opposition formée par des riverains du projet alors que la décision contestée avait été rendue à l’issue d’une procédure où était intervenue une association ayant notamment pour objet la défense des conditions de vie des habitants. Le Conseil d’Etat expose néanmoins que les requérants ne pouvaient être regardés comme ayant été valablement représentés par cette association et que leur tierce opposition était donc recevable.

Compensation : les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation sont lancés

Décret n° 2024-1053 du 21 novembre 2024 relatif à l’agrément des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

Arrêté du 21 novembre 2024 définissant les conditions d’agrément d’un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation, prévu à l’article L. 163-1-A du Code de l’environnement, ainsi que la composition du dossier de demande d’agrément

 

La loi industrie verte[1] a revu la règlementation applicable aux sites naturels de compensation qui avaient été introduits par la loi « biodiversité »[2] de 2016 pour les transformer en « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR).

Aux termes de l’article L. 163-1 A du Code de l’environnement, ces SNCRR sont des sites préalablement agréés par l’autorité administrative compétente et incluant les sites naturels de compensation agréés avant la loi industrie verte, sur lesquels des opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité peuvent être mises en place par des personnes publiques ou privées. Les gains écologiques de ces opérations sont identifiés par des unités de compensation, de restauration ou de renaturation qui peuvent être vendues à toute autre personne publique ou privée, l’Etat devant mettre en place une plateforme en ligne de référencement de ces unités.

Deux décrets et un arrêté publiés au Journal officiel du 23 novembre 2024 précisent les modalités d’agrément de ces sites :

  • Le décret n° 2024-1052 précise que cet agrément devra être délivré par le préfet de région après avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel ou le cas échéant du Conseil national de protection de la nature ;
  • Le décret n° 2024-1053 fixe les modalités de délivrance de l’agrément. Il est ainsi notamment indiqué que cet agrément doit attester de la pertinence des opérations entreprises sur le SNCRR, qui doivent contribuer à l’amélioration de l’état écologique du territoire dans lequel le site s’insère. Ces opérations doivent également être mises en place par des personnes disposant des capacités techniques et financières requises et disposant des droits nécessaires sur le site. Le contenu et les modalités de délivrance de l’agrément, ainsi que de sa modification ou de son transfert sont également précisés, tout comme le régime des unités de compensation et l’articulation avec les réductions d’émissions au titre du label bas-carbone ;
  • Enfin, l’arrêté du 21 novembre 2024 détermine la composition du dossier de demande d’agrément et, à cet égard, les critères de pertinence écologique d’un SNCRR.

Le décret n° 2024-1052 reprend également, au niveau règlementaire, les éléments de la loi industrie verte relatifs à l’exigence de réaliser la compensation à « proximité fonctionnelle » du site endommagé (article R. 163-1 A du Code de l’environnement).

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[1] Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

[2] Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Refonte de la directive européenne relative à la qualité de l’air ambiant

La nouvelle directive (UE) 2024/2881 du 23 octobre 2024 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe vient d’être publiée, le 20 novembre 2024.

Assurant la refonte des directives 2004/107/CE du 15 décembre 2004 et 2008/50/CE du 21 mai 2008, ce texte s’inscrit dans le cadre du Pacte vert européen et vise à « améliorer encore la qualité de l’air et à aligner plus étroitement les normes de l’Union en la matière sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) » (dir. (UE) 2024/2881 préc., §2).

L’importance des enjeux liés à la qualité de l’air a ainsi pu faire naître des contentieux contre les États membres concernant leur méconnaissance des objectifs visés par la directive 2008/50/CE, comme avec l’affaire des Amis de la Terre devant le Conseil d’État (CE, 12 juillet 2017, Les Amis de la Terre, n° 394254 et le contentieux de l’exécution qui s’en est suivi jusqu’au dernier arrêt en date sur l’exécution de cette décision (CE, 24 novembre 2023, n° 428409)) ou la constatation de manquement de la France à ses obligations en la matière (CJUE, 24 octobre 2019, aff. C-636/18 Commission c/ France, voir notre brève).

Dans le cadre de la nouvelle directive, la mise à jour des lignes directrices sur la qualité de l’air par l’OMS en 2021 conduit à une actualisation des indicateurs de la qualité de l’air européens (valeurs limites, valeurs cibles et obligations de réduction de l’exposition moyenne), sans pour autant se conformer strictement aux valeurs définies au sein des nouvelles lignes directrices de l’OMS.

Par ailleurs, pour « tenir compte des dernières données scientifiques » une clause de réexamen quinquennal, démarrant est introduite à l’article 3 de la directive.

Parmi les différentes nouveautés introduites par cette directive, l’une des plus notables tient à l’accès à la justice et à la réparation des particuliers.

Avant l’adoption de cette nouvelle directive, la CJUE estimait que le droit antérieur lié à la qualité de l’air « [n’avait] pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un État membre » (CJUE, 22 décembre 2022, aff. C-61/21, ministre de la Transition écologique et Premier ministre). Désormais, sur le plan de la réparation des particuliers ayant vu leur état de santé affecté par une mauvaise qualité de l’air, la directive du 23 octobre 2024 précise que « Les États membres veillent à ce que les règles et procédures nationales relatives aux demandes d’indemnisation soient élaborées et appliquées de manière à ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à une indemnisation pour des dommages » (art. 28, §2 de la directive). Concernant les délais de prescription, si les États-membres peuvent établir de tels délais, ils « […] ne commencent pas à courir avant que la violation ait cessé et que la personne demandant l’indemnisation sache ou soit raisonnablement en mesure de savoir qu’elle a subi des dommages » (art. 28, §3 de la directive).

Par ailleurs, concernant l’accès à la justice, la directive cherche à assurer, aux « membres du public concerné », le droit à un recours effectif relatif à « […] la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, actes ou omissions des États membres » concernant « l’emplacement et le nombre de points de prélèvement » des polluants de l’air visés par la directive , « les plans relatifs à la qualité de l’air et les feuilles de route sur la qualité de l’air » (par exemple les plans de protection de l’atmosphère (PPA)) et « des plans d’action à court terme » définis par l’article 20 de la directive (article 27 §1 de la directive). Si le texte laisse les États membres apprécier l’intérêt à agir des particuliers pour ces recours, elle présume de l’intérêt à agir pour « toute organisation non gouvernementale œuvrant pour la protection de la santé humaine ou de l’environnement et respectant les obligations de la législation nationale » (ibid).

L’essentiel des dispositions de la directive entreront en vigueur au plus tard le 11 décembre 2026 (art. 30 de la directive).

Des précisions sur la perte du droit d’eau fondé en titre par l’état de ruine des ouvrages hydrauliques

Dans un arrêt du 18 octobre 2024, le Conseil d’État est amené à affiner sa jurisprudence concernant le régime de l’abrogation des droits d’eau fondés en titre, motivée par la ruine des éléments essentiels de l’ouvrage hydraulique.

Un contentieux s’est lié à propos d’une décision préfectorale d’abrogation d’un droit d’usage de l’eau pour un moulin situé au droit de l’Indre. En effet, les services préfectoraux constatant que « les éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau ne subsistaient plus qu’à l’état de vestiges », une décision d’abrogation du droit d’eau en titre a été prise par le Préfet de l’Indre le 8 mars 2019.

Un recours en annulation a été formé par le propriétaire du moulin et accueilli par le Tribunal administratif de Limoges, dont le jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Les juges du fond ont notamment estimé que de modestes travaux permettraient de rendre de nouveau utilisable la force de l’eau.

Par l’arrêt ici commenté, le Conseil d’État revient sur le raisonnement des juges du fond en confirmant la légalité de la décision préfectorale contestée, et saisit cette opportunité pour préciser sa jurisprudence relative au régime de l’abrogation des droits d’eau fondés en titre.

Pour fonder son raisonnement, le juge administratif vise la jurisprudence de principe Laprade Énergie (

Le Conseil d’État rappelle la définition de la ruine de l’ouvrage, déjà précisée antérieurement (CE, 24 avril 2019, ministre de la Transition Ecologique, n° 420764) selon laquelle « L’état de ruine, qui conduit en revanche à la perte du droit, est établi lorsque les éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau ont disparu ou qu’il n’en reste que de simples vestiges, de sorte que cette force motrice ne peut plus être utilisée sans leur reconstruction complète. ».

Pour le Conseil d’État, le fait « qu’il n’existe plus aucune trace du seuil de prise d’eau de l’ouvrage sur l’Indre, seuls subsistant les départs empierrés latéraux au droit de chacune des deux rives, et que le bief d’amenée, même s’il demeure tracé depuis la rivière jusqu’au moulin, est partiellement comblé et totalement végétalisé » le conduit à constater que « les éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau ne subsistaient plus qu’à l’état de vestiges ».

Partant, il accueille le pourvoi en cassation du ministre.

Cet arrêt contribue à enrichir la jurisprudence administrative relative à la perte du droit d’eau fondé en titre, comme en l’espèce par la ruine de l’ouvrage ou, par son changement d’affectation (CE, 17 septembre 2024, n° 497441 (voir notre brève)).

Légalité d’arrêtés autorisant la capture temporaire d’alouettes des champs à des fins de recherche

TA Pau, 13 novembre 2024, n° 2402721 et n° 2402723

TA Pau, 13 novembre 2024, n° 2402720 et n° 2402724

TA Pau, 13 novembre 2024, n° 2402722 et n° 2402729

Par une série de trois ordonnances de référé en date du 13 novembre 2024, le Tribunal administratif de Pau s’est prononcé sur la demande de suspension d’arrêtés préfectoraux, autorisant la fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques « à procéder à la capture temporaire à des fins scientifiques d’alouettes des champs au moyen de pantes et de matoles ».

Deux associations, One Voice et la Ligue de protection des oiseaux, exprimaient un doute sérieux quant à la légalité de ces arrêtés, car ils méconnaîtraient la directive « Oiseaux » (2009/147/CE du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages), en ce que sa finalité ne répond pas à la notion de « recherche ».

Celle-ci, visée à l’article 9, 1), b) de la directive précitée, permet de déroger à l’interdiction de destruction des espèces protégées d’oiseaux sauvages – en l’espèce, l’alouette des champs – « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », « pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions ».

D’abord, le juge des référés constate que l’alouette des champs est une espèce protégée au sens de l’arrêté du 7 juillet 2006, qu’elle fait l’objet d’une « préoccupation mineure » au niveau européen et figure sur la liste rouge des espèces « quasi-menacées » au niveau français, selon l’UICN. Aussi, les arrêtés litigieux étaient susceptibles de fortement perturber et déranger les alouettes des champs ainsi que d’autres espèces non-ciblées par les dispositifs de capture.

Toutefois, il rejette les trois référés à défaut de voir la condition d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du Code de la justice administrative remplie, au regard des prescriptions prévues par les arrêtés : les spécimens capturés doivent être immédiatement relâchés, la mise en place et l’utilisation des dispositifs de capture réalisés uniquement par des personnes formées et les captures réalisées uniquement de jour.

Les résultats de la première expérimentation menée à la même époque en 2023, ainsi que ceux tirés d’un bilan provisoire pour l’expérimentation de l’année 2024 ont contribué à forger son jugement. En effet, les techniques employées ont essentiellement conduit à la capture d’alouettes des champs sauf en ce qui concerne l’usage de matoles où d’autres espèces d’oiseaux (sept en 2023, cinq en 2024) ont été capturées sans que l’intégrité physique de ces espèces n’ait été atteinte. Si ces informations ont été transmises par la fédération des chasseurs, et qu’elles n’ont pas pu être vérifiées par les associations requérantes qui y voyaient un risque de conflit d’intérêt, le juge précise que « ces seules circonstances ne permettent pas d’écarter des débats le document en cause dès lors que l’association requérante n’apporte aucun commencement de preuve sur le caractère irréaliste de ces données ».