Energie
le 08/02/2024

Raccordement au réseau de distribution d’électricité : réponse étonnante du Ministre sur les modifications à venir du Code de l’urbanisme

Réponse ministérielle n° 07282 : JO Sénat, 4 janvier 2024, p. 31, Gillé H.

Une question au Gouvernement a permis au Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, de tenter d’apporter des précisions sur les modifications à venir du Code de l’urbanisme pour le mettre en cohérence avec les modifications du Code de l’énergie relative aux raccordements aux réseaux d’électricité. Les modifications du Code de l’énergie relatives au raccordement aux réseaux d’électricité ont été apportées par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (article 29) et par l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité. A titre liminaire, il convient d’opérer une distinction entre raccordement au réseau de distribution, extension du réseau de distribution et branchement au réseau. Ces opérations sont définies comme suit par le Code de l’énergie :

  • Le raccordement comprend « selon le cas, de manière combinée ou séparée, la création d’ouvrages d’extension, la création d’ouvrages de branchement en basse tension ou le renforcement des réseaux existants» (article L. 342-1 du Code de l’énergie) ;
  • L’extension est « constituée des ouvrages, nouvellement créés ou créés en remplacement d’ouvrages existants dans le domaine de tension de raccordement et nouvellement créés dans le domaine de tension supérieur qui, à leur création, concourent à l’alimentation des installations du demandeur ou à l’évacuation de l’électricité produite par celles-ci» (article D. 342-2 du Code de l’énergie) ;
  • Le branchement est « constitué des ouvrages basse tension situés à l’amont des bornes de sortie du disjoncteur ou, à défaut, de tout appareil de coupure équipant le point de raccordement d’un utilisateur au réseau public et à l’aval du point du réseau basse tension électriquement le plus proche permettant techniquement de desservir d’autres utilisateurs, matérialisé par un accessoire de dérivation» (article D. 342-1 du Code de l’énergie).

Dès lors, le raccordement est composé, en général, de l’extension du réseau et du branchement du demandeur au réseau.

Pour rappel, les modalités de répartition du coût d’extension du réseau public de distribution d’électricité sont partagées entre le Code de l’urbanisme et le Code de l’énergie. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi APER précitée, ces dispositions organisaient la répartition du coût de l’extension, comme suit :

  • Le demandeur du raccordement était débiteur du coût de l’extension pour la partie située sur le terrain d’assiette de l’opération (article L. 332-15 du Code de l’urbanisme) ;
  • La collectivité ayant accordé l’autorisation d’urbanisme était débitrice du coût de l’extension située en dehors du terrain d’assiette de l’opération (article L. 342-11 ancien du Code de l’énergie).

Par ailleurs, par exception aux dispositions précitées, aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, lorsque le raccordement emprunte en toute ou partie des voies ou emprises publiques, qu’il est destiné à desservir uniquement l’installation du demandeur et qu’il n’excède pas cent mètres, il peut être à la charge du demandeur. Dans un tel cas, le demandeur, qui doit donner son accord, sera alors débiteur du raccordement dans son ensemble, c’est-à-dire du branchement et de l’extension du réseau.

A contrario, lorsque le raccordement excède cent mètres et qu’il ne respecte pas les critères mentionnés au paragraphe précédent, il sera à la charge de la collectivité, dans les limites rappelées ci-dessus. Le Ministre était interrogé sur l’obligation faite à certaines petites communes de prendre en charge les coûts de raccordement de plus de cent mètres. Sa réponse est toutefois incomplète.

En premier lieu, le Ministre rappelle les modifications apportées par la loi d’accélération des énergies renouvelables relatives à l’extension des réseaux de distribution d’électricité, quand la question qui lui était posée portait sur le raccordement dans son ensemble. L’article 29 de la loi APER a supprimé le deuxième alinéa du 1° de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie, dans sa version alors applicable. Cet alinéa mettait à la charge de la collectivité ayant accordé l’autorisation d’urbanisme à l’origine de la demande de raccordement la part de l’extension du réseau de distribution située en dehors du terrain d’assiette de l’opération. L’ordonnance du 23 août 2023 relative au raccordement a modifié le Code de l’énergie pour prévoir que le demandeur du raccordement est le débiteur du coût de l’extension. Malgré une lacune temporelle observée dans notre lettre d’actualité juridique de septembre 2023 (consultable ici), les dispositions du Code de l’énergie sont désormais cohérentes entre elles, mais restent en contradiction avec celles du Code de l’urbanisme.

En second lieu, ainsi que le relève le Ministre, l’article 26 de la loi APER donnait habilitation au Gouvernement pour modifier les dispositions relatives au raccordement prévues par le Code de l’énergie. Elle ne lui donnait pas de pouvoir de modifier le Code de l’urbanisme. Ainsi, les dispositions du Code de l’énergie sont toujours en contradiction avec celles prévues par l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, d’une part avec son troisième alinéa relatif à l’extension du réseau et d’autre part, avec son quatrième alinéa, relatif au raccordement. Toutefois, en dépit de la contradiction, il conviendra de faire application de la loi nouvelle, soit des nouvelles dispositions du Code de l’énergie.

En troisième lieu, le Ministre indique que la modification du Code de l’urbanisme est en cours d’élaboration. Il est étonnant que le Ministre n’ait pas cité le projet de loi de ratification de l’ordonnance raccordement qui prévoit en son article 2 la mise en cohérence du Code de l’urbanisme, et dont il convient de faire mention. Ce projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité et modifiant le code de l’urbanisme, prévoit notamment de modifier l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme, source de contradiction avec le code de l’énergie, en :

  • Supprimant le troisième alinéa limitant la prise en charge de l’extension par le demandeur à la partie de l’extension située sur le terrain d’assiette de l’opération ;
  • Supprimant au quatrième alinéa les références au réseau d’électricité.

Si ce projet de loi est voté en l’état, les demandes du député à l’origine de la question objet du présent commentaire seront résolues : les communes n’auront définitivement plus à verser de contribution pour les raccordements des tiers au réseau public de distribution d’électricité. Le nouvel article L. 342-21 du Code de l’énergie, aux termes duquel « le demandeur est le débiteur du raccordement », pourra s’appliquer sans contradiction. Espérons que ce projet de loi sera mis incessamment à l’ordre du jour de l’une des chambres du Parlement pour mettre fin à ces incohérences, qui pour rappel n’auront pas nécessairement un impact sur l’application des nouvelles dispositions du Code de l’énergie du fait de la primauté de la loi nouvelle sur la loi ancienne.

En quatrième lieu, dans l’attente de cette modification des dispositions du Code de l’urbanisme relatives au raccordement aux réseaux d’électricité, le ministre encourage les autorités compétentes à ne plus prendre en compte le critère des cent mètres ci-avant énoncé. La réponse du ministre dispose :

« En attendant une modification législative du Code de l’urbanisme dont l’élaboration est en cours, le critère des 100 mètres prévu à l’alinéa 4 de l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme n’est plus à prendre en compte, dans le cadre de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme, pour déterminer la personne qui doit assurer le financement de l’extension du réseau électrique en dehors du terrain d’assiette du projet ».

Ainsi, le Ministre incite à faire application d’une loi qui n’a pas été votée par le Parlement : proposition pragmatique mais illégale.

En cinquième et dernier lieu, le Ministre indique que « s’agissant de la situation de la commune de Montussan, le devis étant antérieur à la date du 10 septembre, la commune aurait en effet dû s’acquitter de l’opération en cas de délivrance du permis ». Or, c’est l’autorisation d’urbanisme et non le devis de raccordement qui détermine les débiteurs du raccordement (délibération de la Commission de régulation de l’énergie n° 2023-300 du 22 septembre 2023 ; article 3 du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité et modifiant le code de l’urbanisme). Il reste à espérer que la nouvelle composition du Gouvernement et l’exercice des compétences relatives à l’énergie par Bercy remettent la lumière à tous les étages.