Lancement de l’appel à projets : Territoires d’innovation

Les documents relatifs à l’appel à projets « Territoires d’innovation » viennent de paraître le 23 novembre dernier.

Opéré par la Caisse des dépôts via la Banque des territoires pour le compte de l’Etat, cet AAP est doté, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), d’une enveloppe de 450 M€ – dont 150 M€ de subventions et jusqu’à 300 M€ en fonds propres.

Son objectif est de sélectionner et d’accompagner jusqu’à 20 projets, portés sur les territoires par des consortium d’acteurs publics et privés, afin de répondre, dans un souci de développement économique, aux enjeux des transitions énergétique et écologique, numérique, démographique et sociale. Seront ainsi sélectionnés des « Territoires d’innovation » proposant de mettre en œuvre des démonstrateurs à grande échelle et d’expérimenter, en conditions réelles, des solutions et services innovants susceptibles d’être reproduits.

Il est ouvert jusqu’au 26 avril 2019.

Eau : décision relative à la portée du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

Le Conseil d’État a précisé, dans un arrêté mentionné aux Tables Lebon, sa position concernant la compatibilité des autorisations délivrées en application de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement (autorisation des installations, ouvrages et activités soumise à la nomenclature « loi sur l’eau ») avec les orientations et objectifs d’un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), prévu à l’article L. 212-1 du Code de l’environnement. Plus particulièrement, le projet de Center Parks de Roybon était soumis à l’examen Conseil d’Etat par un pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon qui confirmait l’annulation, par le Tribunal administratif de Grenoble, de l’autorisation accordée par le préfet de l’Isère à la société Roybon cottages (TA Grenoble, 16 juillet 2015, req. n° 1406678).

Dans sa décision, le Conseil d’État considère qu’il résulte de l’article L. 212-1 susmentionné que, dans la mesure où « les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs, ces derniers pouvant être, en partie, exprimés sous forme quantitative », les autorisations sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs.

Pour apprécier cette compatibilité, la Haute Juridiction précise « qu’il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard chaque disposition ou objectif particulier ».

En l’espèce, la Cour administrative d’appel s’étant selon le Conseil d’Etat « bornée » à confronter le projet litigieux à une seule disposition du Schéma, elle n’avait pas « confronté l’autorisation litigieuse à l’ensemble des orientations et objectifs fixés par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée et a, ainsi, omis de procéder à l’analyse globale exigée par le contrôle de compatibilité défini au point précédent », commettant ainsi une erreur de droit.

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêté précité, et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Lyon.

Cession de sol pollué : précisions relatives aux responsabilités du vendeur

La société Faiveley transports Amiens (société Faiveley), venant aux droits de la société SAB Wabco a vendu en 1992 et 1993 à la société civile immobilière GDLMA (la SCI GDLMA) des terrains qui faisaient partie d’un site industriel sur lequel s’est exercée, de 1898 à 1999, une activité de fabrication de systèmes de freinage automobile et ferroviaire, incluant des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Ayant découvert une pollution du terrain en 2010, la SCI GDLMA a assigné la société Faiveley, au titre d’un manquement de cette dernière à l’obligation d’information de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement selon lequel, lorsqu’une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur.

Si la Cour de cassation en admet le principe, elle rappelle aussitôt que, pour faire application de cet article, encore faut-il qu’une installation classée ait été implantée, en tout ou partie, sur le terrain vendu. Elle indique, en effet, que « cette obligation porte non seulement sur la vente des parties du site sièges des activités relevant du régime de l’autorisation, mais également sur la vente de tout terrain issu de la division de ce site ». 

A défaut, comme c’était le cas en l’espèce, aucun manquement de la sorte ne peut être admis. Le Juge indique alors « qu’ayant relevé qu’aucune des installations classées implantées sur le site industriel de Sevran-Livry-Gargan n’avait été exploitée sur les parcelles cédées à la SCI GDLMA et retenu qu’il n’était pas établi qu’une installation de nature, par sa proximité ou sa connexité, à en modifier les dangers ou inconvénients, au sens de l’article R. 512-32 du même code, y eût été exploitée, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le vendeur n’avait pas manqué à son obligation d’information ».

Par ailleurs, le Cour constate, à l’occasion d’un moyen visant à engager la responsabilité délictuelle de la Société Faiveley pour manquement à son obligation de remise en état, qu’il apparaissait, d’une part, que les installations classées exploitées mises en cause par la SCI GDLMA étaient implantées uniquement sur d’autres parcelles que celles appartenant à la Société et, d’autre part, que si une pollution du sol avait bien été constatée en 2010 dans des rapports réalisés par une société indépendante, ceux-ci ne permettaient pas d’établir avec certitude la preuve que cette pollution avait existé antérieurement à la vente ni qu’elle pouvait être rattachée à l’activité des installations susmentionnées.

La demande est donc rejetée.

Parution du décret relatif au mécanisme d’obligation de capacité dans le secteur de l’électricité

Pour assurer la sécurité d’approvisionnement du système électrique français, la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (« NOME »), par la suite codifiée aux articles L. 335-1 et suivants du Code de l’énergie, a introduit en droit interne le mécanisme de capacité, lequel consiste à valoriser et rémunérer des unités de production d’électricité afin de garantir durablement la sécurité d’approvisionnement en électricité des consommateurs.

Le décret n° 2018-997 relatif au mécanisme d’obligation de capacité dans le secteur de l’électricité publié le 15 novembre 2018 vient compléter le cadre juridique applicable au regard, en particulier, des positions de la Commission européenne en la matière.

On rappellera en effet de manière synthétique que la Direction Générale de la Concurrence de la Commission européenne avait lancé, le 29 avril 2015, une enquête sectorielle en matière d’aides d’État sur les mécanismes de capacité mis en œuvre dans les différents Etats membres dans le but de vérifier leur compatibilité avec les règles européennes.

Au cours de l’année 2016 et à la suite de nombreux échanges avec la Commission européenne, le gouvernement français s’était engagé à amender le mécanisme en retenant trois propositions consistant à :

  • instaurer une série de mesures visant à prévenir toute manipulation de marché ;
  • permettre la participation des capacités étrangères au mécanisme de capacité français à horizon 2019 ;
  • créer un dispositif spécifique pour les nouvelles capacités leur permettant de bénéficier de revenus sur 7 ans, augmentant ainsi la visibilité pour les nouveaux investissements et facilitant l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché à horizon 2019.

Sur la base de ces engagements, par une décision du 8 novembre 2016 (Commission Européenne, 8 novembre2016, voir notre commentaire) , la Commission européenne avait conclu à la qualification d’aide d’Etat du mécanisme mis en œuvre par la France mais à sa compatibilité avec le droit de l’Union Européenne : « le marché de capacité mis à exécution par la République française constitue une aide d’État (…) compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107 paragraphe 3, alinéa c du TFUE ». Elle avait autorisé ce régime d’aides pour une durée de dix ans maximum.

Le décret du 15 novembre 2018 a pour objet de mettre en œuvre les deux derniers engagements mentionnés ci-avant.

Les dispositions de l’article R. 335-1 du Code de l’énergie sont donc modifiées pour intégrer les capacités situées sur le territoire d’un autre Etat membre. Et des dispositions relatives aux « Contributions transfrontalières à la sécurité d’approvisionnement en France » sont également introduites au sein du Code de l’énergie aux articles R. 335-9 à R. 335-23.

Par ailleurs, de nombreuses précisions sont apportées sur les règles financières et techniques qui s’appliquent en la matière (art. 4 à 52 du décret) et en particulier en matière d’émissions et de cessions des garanties de capacité.

La notion de contractualisation pluriannuelle (R. 335-71 et suivants du Code de l’énergie) est enfin introduite. Le mécanisme adopté repose, pour chaque année de livraison, sur un appel d’offres pour les nouvelles capacités de production et d’effacement organisé quatre ans en amont de l’année de livraison considérée. Le but est de sélectionner de nouvelles capacités si elles sont économiquement utiles à la collectivité.

Les capacités retenues dans ce cadre bénéficient alors d’un revenu en capacité fixé pour sept ans. Ce dispositif permet de répondre à la critique formulée par la Commission européenne dans sa décision du 8 novembre 2016, laquelle exprimait ses doutes quant au fait « que le mécanisme, tel qu’il est actuellement conçu, soit en mesure d’attirer de nouveaux investissements » en raison de la visibilité insuffisante qu’il offre pour le développement de nouvelles capacités de production.

 

Colonnes montantes électriques : ce que prévoit la loi ELAN

Médiateur National de l’Energie, recommandation N° D2018-08950 du 22 octobre 2018

Après un examen par le Conseil constitutionnel ayant abouti à la censure de certaines dispositions (Décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018), la loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN) a finalement été promulguée le 23 novembre dernier (JO n° 0272 du 24 novembre 2018).

Conformément à ce que le projet de texte issu des travaux de la Commission Mixte Paritaire prévoyait (voir notre brève dans la Lettre d’actualités juridiques du mois d’octobre. 2018), le texte clarifie, en son article 176, le régime applicable aux colonnes montantes en créant au sein du Code de l’énergie les articles L. 346-1 à L. 346-5.

Il résulte de ces dispositions les principes suivants :

  • les colonnes montantes mises en service à compter de la publication de la loi (intervenue le 24 novembre 2018) appartiennent au réseau public de distribution d’électricité. Cela implique donc qu’elles appartiennent aux Autorités Organisatrices de la Distribution d’Electricité (AODE) et sont gérées et entretenues par les concessionnaires de la distribution publique d’électricité.
  • concernant les colonnes montantes électriques mises en service avant la publication de la loi, le principe posé est également celui de leur appartenance au réseau public de distribution et ce, à l’expiration d’un délai de deux ans commençant à courir à compter de la promulgation de la loi, donc à partir du 24 novembre 2020. Cette incorporation intervient sans condition de remise en état préalable et sans aucun flux financier.

Néanmoins, dans le délai de deux ans courant à compter de la promulgation de la loi ELAN, et donc jusqu’au 23 novembre 2020, les propriétaires ou copropriétaires d’immeubles ont la possibilité.

  • soit de notifier au gestionnaire du réseau leur acceptation du transfert définitif au réseau public de distribution d’électricité desdits ouvrages. Dans ce cas, les colonnes montantes électriques sont incorporées de manière anticipée dans le réseau (sans attendre le 24 novembre 2020), et ce, toujours sans condition, tenant notamment à leur état d’entretien.
  • soit de se manifester pour revendiquer la propriété de ces ouvrages, et faire ainsi échec à leur incorporation dans le réseau public de distribution d’électricité.

On relèvera à cet égard que dans une recommandation du 22 octobre 2018 (Recommandation n° D2018-08950), le Médiateur National de l’Energie a anticipé sur la promulgation de la loi ELAN en préconisant à une copropriété de faire usage de ce mécanisme d’acceptation du transfert définitif des colonnes montantes. Le Médiateur était en effet saisi par un copropriétaire qui avait sollicité auprès du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité l’installation d’un compteur supplémentaire et auquel ledit gestionnaire avait répondu que la colonne montante électrique devait être rénovée préalablement à toute installation d’un compteur supplémentaire, et que la colonne ne faisait pas partie du réseau public de distribution d’électricité. Dans sa recommandation, le Médiateur National de l’Energie, sans même traiter le fond du problème qui lui était soumis, recommande au copropriétaire « d’informer les copropriétés concernées par un litige sur une colonne montante à rénover du vote définitif de la loi ELAN et du fait qu’il leur sera possible dès promulgation de la loi (vraisemblablement fin novembre 2018) de transférer la colonne montante de leur immeuble, à titre gratuit et sans contrepartie au bénéfice d’Y ».

Les propriétaires et copropriétaires d’immeubles sont donc incités à faire usage du mécanisme d’acceptation du transfert définitif prévu par la loi ELAN.

Enfin, l’article 176 II de la loi ELAN, non codifié au sein du Code de l’énergie, apporte une précision intéressant, non pas les propriétaires ou copropriétaires d’immeubles mais plutôt les AODE puisqu’il prévoit que les entreprises concessionnaires de la distribution publique d’électricité n’ont pas l’obligation de constituer des provisions pour renouvellement des colonnes montantes électriques, et ce, y compris en cas de stipulation contractuelle contraire.

Il reste que le stock des provisions pour renouvellement afférentes devra pouvoir être identifié et justifié auprès des AODE.

 

 

Véhicules électriques et réseau : les recommandations de la CRE

Par un rapport publié le 26 novembre 2018, la CRE a formulé différentes recommandations avec, pour objectif, de mettre les réseaux électriques au service des véhicules électriques, afin d’atteindre les objectifs ambitieux de développement fixés par les pouvoirs publics.

Ainsi au travers de ce rapport, la CRE encourage les acteurs à accélérer les expérimentations relatives à l’insertion des véhicules électriques dans les réseaux électriques et souhaite faciliter ces projets.

Elle formule ainsi plusieurs recommandations visant à faciliter et anticiper les opérations de raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE).

Pour cela la CRE :

  • demande avant tout aux gestionnaires de réseaux d’être exemplaires en matière de raccordement d’IRVE, en faisant preuve de pédagogie auprès des acteurs (copropriétés notamment) et en veillant à faciliter la mise en œuvre de tous les schémas de raccordement identifiés sans discrimination, chaque schéma répondant à un type de besoin ;
  • encourage la mise en œuvre d’expérimentations et d’actions permettant de réduire les coûts des opérations de raccordement d’IRVE pour le demandeur, sans pour autant reporter ces coûts sur la collectivité ;
  • demande à Enedis de tester dès 2019 d’autres solutions de raccordement innovantes (ORI, raccordement collectif, etc.) ;
  • recommande au législateur de créer un cadre favorable au développement des IRVE, quel que soit leur emplacement : une simplification du droit à la prise ainsi que la mise en place de mesures sécurisant l’installation de bornes de forte puissance sur les grands axes constituent aujourd’hui des priorités.

Enfin la CRE souhaite clarifier le cadre juridique dans lequel s’inscrit l’acte de recharge. Elle recommande de retenir la qualification de prestation de services.

Enfin, la CRE souhaite inciter les différents acteurs à adopter des comportements adaptés permettant aux réseaux d’absorber facilement l’appel de puissance due à la recharge des véhicules électriques, limitant ainsi les investissements inutilement coûteux pour la collectivité. Ainsi, au moment du raccordement, les gestionnaires d’infrastructures de recharge devront choisir, en concertation avec les gestionnaires de réseaux, « la localisation et la puissance de l’IRVE les plus pertinentes en fonction des besoins du porteur de projet et des caractéristiques du réseau ».

Ces recommandations de la CRE ont vocation à s’enrichir, au fur et à mesure du développement de la mobilité électrique, de l’observation des comportements et du retour d’expérience des expérimentations, qui doivent être nombreuses, l’innovation devant absolument être favorisée pour un développement réussi de la mobilité électrique.

Les données, levier de la transition énergétique : bilan de la CRE sur l’avancement des travaux menés avec les gestionnaires des réseaux de distribution d’énergie

Par une délibération du 11 octobre 2018, publiée le 8 novembre suivant, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) fait son premier bilan des avancées intervenues sur les données mises à disposition par les gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) d’énergie, à destination des AODE, et des autres acteurs qui souhaitent développer de nouveaux usages.

Cette délibération fait suite à la publication, en juin 2017, du rapport du comité d’études de la CRE consacré aux données de l’énergie, à la suite duquel les opérateurs régulés d’électricité et de gaz naturel ont engagé ou poursuivi de nombreux chantiers de traitement et de mise à disposition de leurs données.

Dans cette délibération, la CRE salut des avancées notables sur le sujet, mais malgré tout inégales, en relevant que de nombreux acteurs souhaitent toujours une plus large mise à disposition des données afin d’accélérer la transition énergétique. Ces données concernent non seulement les données de consommation (recueillies par exemple par le biais des nouveaux compteurs communicants) mais également des données d’infrastructures et d’exploitation dont les GRD disposent.

La CRE dresse ainsi un premier bilan des initiatives lancées par les opérateurs régulés de l’énergie sur le sujet des données (partie 2), fait le point sur les offres et services proposés par les acteurs des marché et les freins identifiés à leur développement (partie 3) et enfin la CRE énoncent les orientations qui mériteraient d’être prises afin de faire des données un levier d’efficacité du système énergétique et de réussite de la transition énergétique (partie 4).

Plus largement, la CRE indique qu’elle souhaite également profiter de ce premier bilan pour faire part à l’ensemble des acteurs d’orientations, qui s’articulent autour de deux champs de réflexions : d’une part, la gestion des données de l’énergie et leur régulation et, d’autre part, l’environnement propice au développement de services autour de la donnée énergétique.

Dans le cadre de la présente brève d’actualité, on présentera quelques points importants de cette délibération assortie dans ses conclusions de 8 recommandations à destination des opérateurs régulés de l’énergie.

1. En premier lieu, la CRE met en lumière dans sa délibération les attentes des parties prenantes dont les AODE en matière de données d’exploitation du réseau :

Elle relève ainsi qu’Enedis et RTE ont déjà publié sur leurs plates-formes open data respectives des données suivantes : tracé des lignes aériennes en HTB, HTA, BT et souterraines, le cas échéant ; pylônes sur le réseau public de transport ; données relatives aux divers postes de transformation ; fréquences et durées moyennes de coupure, indicateurs de qualité d’alimentation.

Pour autant, force est de constater que de nombreuses informations sont encore attendues par les AODE, qui souhaitent, pour plusieurs d’entre elles, profiter du renouvellement de leur concession pour discuter avec leur concessionnaire Enedis (avec EDF) de la remise de ces données. Mais le sujet demeure encore délicat et la CRE en a conscience.

Elle souligne ainsi, dans la délibération commentée, que les AODE souhaiteraient connaître la localisation des zones de contraintes sur le réseau, notamment pour expérimenter des services de flexibilité locaux en association avec des producteurs et des consommateurs dont aucun projet n’a pour l’heure été mis en œuvre.

Afin de favoriser l’émergence de projets de flexibilité, la CRE demande en conséquence aux gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité de publier une carte des contraintes dans la perspective de la mise en place, d’ici la fin 2019, d’une cartographie d’opportunité de flexibilité.

Il ressort de la délibération que la société Enedis se serait engagé à réaliser, à une maille subrégionale pilote, un prototype de carte présentant des zones du réseau donnant lieu à des investissements sur des postes sources et des postes HTA, disponible dans le courant du second semestre de 2018.

2. En deuxième lieu, la CRE rappelle que les GRD doivent mettre à disposition des données utiles à de nouveaux usages.

Sur ce point, la CRE fait état de ce que les acteurs auditionnés proposent que les gestionnaires de réseaux facilitent la mise en place des opérations d’autoconsommation collective en rendant accessibles des informations indispensables à la constitution des « personnes morales », groupement de consommateurs et de producteurs situés en aval d’un même poste de distribution publique (transformateur HTA/BT), entre lesquels cette opération est établie.

Ces acteurs souhaitent en effet disposer d’une cartographie des postes de distribution publique à laquelle est associée la liste des points de livraison afférents susceptibles de participer à une même opération d’autoconsommation collective (par catégorie d’utilisateur ou tranche de puissance), éventuellement assortis de leurs coordonnées postales ou de leur géolocalisation, dans le respect de la protection des données afférente (en particulier de certaines données à caractère personnel). Ils souhaiteraient également une simplification de la transmission des clés de répartition des volumes autoproduits entre les participants à l’opération d’autoconsommation collective.

Les acteurs de la mobilité électrique ont également fait part à la CRE de leur souhait d’obtenir une diffusion plus importante des données techniques de réseaux (capacités disponibles, etc.) par leurs gestionnaires.

En conséquence, la CRE demande aux gestionnaires de réseaux de lui transmettre sous six mois une étude de faisabilité technique et juridique d’une mise à disposition des informations utiles au développement des nouveaux usages tels que l’autoconsommation, le stockage d’électricité par batteries, le développement des infrastructures de recharge de véhicules électriques, le raccordement d’installations d’injection de biométhane ou celui des stations GNV (publication de cartographies, de données techniques du réseau), ainsi que celles nécessaires à la conduite des projets afférents (simplification de la transmission des clés de répartition pour l’autoconsommation collective, émission de signaux-prix, etc.).

3. En troisième lieu, la CRE évoque à nouveau les préoccupations des AODE en matière de remise des données, afin de disposer des capacités d’intégration des installations de production d’électricité renouvelable sur les réseaux (congestions, besoins de renforcement, etc.).

La CRE relève que les outils comme Caparéseau ne sont pas toujours connus, et il est aujourd’hui plus simple de contacter son interlocuteur chez le gestionnaire de réseaux que d’utiliser certaines plates-formes. En gaz naturel, selon plusieurs syndicats, les données des quantités de gaz livrées aux PITD11 et à différents points de mesure du réseau ne sont souvent pas communiquées, alors qu’elles pourraient contribuer à mieux cibler et définir les projets de méthanisation, et à mieux analyser les complémentarités entre réseaux d’énergie.

De plus, la CRE relève que les AODE souhaitent disposer des données leur permettant d’établir des plans pluriannuels d’investissements avec les gestionnaires de réseaux de distribution, en plus des bilans effectués tous les ans : éléments physiques portant sur les ouvrages en concession (puissances injectées et soutirées aux différents nœuds des réseaux électriques, mise en évidence des nœuds de réseau sous contrainte en injection et en soutirage), indicateurs techniques de qualité sur le réseau. En outre, elles voudraient bénéficier, comme leurs concessionnaires, des avancées techniques que le déploiement des systèmes de comptage évolué pourra offrir : fiabilisation des bases de données et gains en précision sur certains indicateurs aujourd’hui fondés sur des modélisations. 

La CRE fait également état d’une préoccupation ancienne des collectivités territoriales, qui en tant que maîtres d’ouvrages de certains travaux, considèrent que les devis présentant les coûts de raccordement des installations devraient faire l’objet de davantage de transparence, en particulier concernant l’opération de raccordement de référence (ORR) en électricité, qui conditionne les coûts et les délais.

Enfin, elle relève également que certaines demandes de communication de données (patrimoniales, comptables) se heurtent à un refus systématique des gestionnaires de réseaux publics de distribution. Par exemple, afin d’avoir une valorisation plus précise de leur patrimoine, les collectivités territoriales souhaitent disposer d’un bilan annuel de l’origine du financement (entre gestionnaires de réseaux et collectivités) de chaque catégorie d’ouvrage électrique, ce qui leur est souvent refusé par le gestionnaire de réseaux. D’autres aspects de valorisation, notamment concernant le patrimoine immatériel (systèmes d’information, etc.), sont également considérés comme devant faire l’objet de davantage de transparence de la part des gestionnaires.

Les réponses apportées par la CRE sont toutefois décevantes puisqu’elles n’indiquent pas les actions qui pourraient/devraient être mises en œuvre pour favoriser cette transmission aux AODE des données en pratique et lever les obstacles opposés par les GRD :

« Si la CRE considère légitimes les demandes des représentants des AODE auditionnées visant la meilleure transparence des gestionnaires de réseaux afin qu’elles remplissent correctement leurs missions, la CRE sera néanmoins attentive à ce que cette transparence des informations données ne conduise pas à une confusion des missions et que les AODE n’empiètent pas sur le rôle des gestionnaires de réseaux dans l’exploitation des réseaux. En tout état de cause, des arrêtés sont prévus en application des dispositions des articles D. 2224-45 et D. 2224-51 du code général des collectivités territoriales, afin de détailler les informations devant être communiquées aux autorités concédantes concernant l’inventaire détaillé et localisé des ouvrages, d’une part, et le compte rendu annuel de concession, d’autre part ».

4. Enfin, on évoquera le bilan de la mise en œuvre du dispositif de l’article 179 de la Loi de transition écologique pour la croissance verte.

La CRE relève notamment que plusieurs collectivités territoriales (pas seulement les AODE) voudraient bénéficier de données à des mailles géographiques et des pas de temps plus fins que ce qui est prévu par le cadre réglementaire (par exemple : puissances souscrites individuelles sur une rue), et ce, sans obtenir le consentement de chaque consommateur concerné. Elles estiment que, pour celles qui sont AODE, les agents assermentés dont elles disposent devraient pouvoir accéder à ces informations commercialement sensibles ou à caractère personnel.

Mais la CRE considère que le recueil par une collectivité territoriale du consentement de l’utilisateur à l’accès à ses données individuelles est un prérequis systématique, comme c’est le cas pour les fournisseurs d’énergie ou de services, conformément aux dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’énergie.

La CRE fait cependant état dans sa délibération des évolutions techniques proposées par les gestionnaires de réseaux de distribution relatives à la définition des catégories et des regroupements de données, et ce afin que les collectivités territoriales disposent de données plus fines et plus exploitables que celles actuellement transmises dans le cadre de l’OpenData.

En définitive, on recommandera aux collectivités de consulter cette délibération riche d’enseignements sur les évolutions qui pourraient intervenir dans les mois ou années à venir sur la question essentielle de la transparence des données.

Report au 1er mars 2019 de la publication des arrêtés sur le repérage de l’amiante

Depuis le 15 novembre dernier, le site du Ministère du Travail indique que l’entrée en vigueur des arrêtés d’application relatifs au repérage de l’amiante ne pourra intervenir « avant le 1er mars 2019 ».

Pour rappel, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a introduit l’article L. 4412-2 du Code du travail qui prévoit une obligation préalable de recherche de la présence amiante avant toute opération de travaux à la charge du donneur d’ordre, du maître d’ouvrage ou du propriétaire.

Les modalités d’application de l’article L. 4412-2 du Code du travail ont été fixées par le décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations dont les dispositions ont été codifiées aux articles R. 4412-97 et suivants du Code du travail.

Et, l’article R. 4412-97-II du Code du travail prévoit que les conditions spécifiques dans lesquelles le repérage devra être effectué sont déterminées selon six domaines d’activités[1] et fixées par voie d’arrêtés du ministre chargé du travail.

Or, l’article 2 du décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 précité prévoit que ses dispositions entrent en vigueur pour chacun des six domaines d’activités susmentionnés « au plus tard le 1er octobre 2018 ».

Si la publication des arrêtés était annoncée dans un premier temps pour le second trimestre 2018, le report au troisième trimestre de l’année 2019 bloque donc l’entrée en vigueur de l’ensemble du dispositif pour quatre mois au maximum.

Ce dispositif sur le repérage de l’amiante constitue pourtant une mesure forte en faveur de l’élimination de cette substance dangereuse.

 

[1] A savoir : les immeubles bâtis, autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport, matériels roulants ferroviaires et autres matériels roulants de transports, les navires, bateaux et autres engins flottants, les aéronefs, et les installations, structures ou équipements concourant à la réalisation ou la mise en œuvre d’une activité.

Le point sur le Paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » avec l’entrée en vigueur prochaine de deux nouvelles directives et un règlement

Communiqué de presse du 4 décembre 2018, « Commission welcomes Council adoption of new rules on Renewable Energy, Energy Efficiency and Governance »

Par deux communiqués de presse du 13 novembre 2018 et du 4 décembre 2018, la Commission européenne a annoncé que le Parlement européen et le Conseil européen avaient adopté trois textes du « paquet » intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens ».

Pour rappel, le Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », présenté par la Commission européenne le 30 novembre 2016, est composé de huit propositions législatives.

Ces propositions législatives concernent la performance énergétique des bâtiments, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la gouvernance de l’Union de l’énergie, le secteur de l’électricité (trois propositions), et l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER).

S’agissant du secteur de l’électricité, les propositions législatives visent une proposition de règlement sur le marché intérieur de l’électricité, une proposition de directive concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, ainsi qu’une proposition de règlement sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité.

Leur procédure d’adoption a fait l’objet, comme le prévoit le droit de l’Union européenne, de délais d’adoption raccourcis par des « négociations interinstitutionnelles » entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen.

Après l’entrée en vigueur, le 19 juin dernier, de la directive n° 2018/844 du 30 mai 2018 sur la performance énergétique des bâtiments, ce sont désormais les directives sur les énergies renouvelables et sur l’efficacité énergétique, ainsi qu’un règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie, qui ont été définitivement adoptés.

Ces textes entreront en vigueur trois jours après leur publication au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) que la Commission européenne estime au plus tard à la fin du mois de décembre 2018.

Parmi les mesures importantes vont entrer en vigueur, plusieurs objectifs contraignants seront à atteindre par les Etats membres d’ici 2030 : 32% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et 32,5% de gains d’efficacité énergétique (avec des clauses de réexamen en 2023). Il est également prévu que les Etats membres élaborent des plans nationaux en matière d’énergie et de climat pour la période 2021-2030. La directive sur les énergies renouvelables instaure également un cadre juridique européen sur l’autoconsommation d’électricité (cf. notre Focus du 8 novembre 2018).

Quant aux textes à adopter, seule la proposition de règlement sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité a obtenu un accord interinstitutionnel. Cette dernière devra faire l’objet d’une adoption par le Parlement européen et le Conseil européen avant sa publication au JOUE.

La 1ère convention relative au service de flexibilité local approuvée par la CRE

Par une délibération du 21 novembre dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (« CRE ») a approuvé, pour la première fois, une convention pour la mise œuvre d’un service de flexibilité local proposé par une communauté de communes en application de l’article 199 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte.

Pour rappel, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 a prévu, pour une période expérimentale de quatre ans à compter de sa promulgation, que les autorités organisatrices et concédantes de la distribution d’électricité, en association avec des producteurs et des consommateurs et, le cas échéant, d’autres collectivités publique, puissent proposer à leurs concessionnaires, en leur qualité de gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, la réalisation d’un service de flexibilité local sur des portions de ce réseau.

Aux termes de l’article 199 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, un service de flexibilité local a pour objet « d’optimiser localement la gestion des flux d’électricité entre un ensemble de producteurs et un ensemble de consommateurs raccordés au réseau public de distribution d’électricité ».

L’article 199 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 prévoit également que les conditions financières et techniques du service sont fixées dans une convention conclue entre l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité, le gestionnaire du réseau et le ou les utilisateur(s) concerné(s). Elle est soumise à l’approbation de la CRE.

Cette convention fixe notamment la rémunération du ou des utilisateur(s) concerné(s), ou à défaut de l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité, par le gestionnaire du réseau. Le montant de la rémunération doit être fixé « à hauteur des coûts évités » d’investissement ou de gestion du réseau par le gestionnaire. Cette rémunération est, par ailleurs, intégrée aux charges couvertes par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE).

Les modalités d’application de l’article 199 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ont été fixées par le décret n° 2016-704 du 30 mai 2016 relatif aux expérimentations de services de flexibilité locaux sur des portions du réseau public de distribution d’électricité.

On relèvera que, selon la délibération commentée de la CRE, « ce cadre, à vocation expérimentale, ne constitue pas un modèle définitif pour l’utilisation des flexibilités par les GRD. Il doit permettre de tester un mode contractuel possible et d’identifier un certain nombre d’enjeux et de freins auxquels devra répondre le modèle cible ».

En l’espèce, la CRE a été saisie, pour la première fois, d’une convention signée entre Enedis, une communauté de communes et un industriel pour la mise en œuvre d’un service de flexibilité local pour une durée d’un an et portant sur un effacement allant jusqu’à 3MW de consommation pendant 3 heures consécutives par jour.

Après avoir recueilli les observations du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, la société Réseau Transport d’Electricité (RTE), l’analyse de la convention par la CRE a porté sur la valeur de la flexibilité pour le réseau, sans qu’un avis particulier soit formulé sur le choix opéré par Enedis, et sur l’impact du service sur le réseau de transport.

Enfin, la CRE a formulé trois recommandations d’ordre plus général :

  • tout d’abord, la rémunération du service ne profite qu’au porteur du projet, alors qu’elle devrait être partagée, selon la CRE, entre le porteur de projet et le gestionnaire du réseau ;
  • la CRE recommande ensuite des mesures techniques afin de faire correspondre l’activation des services de flexibilité locaux aux mécanismes nationaux de gestion du réseau de transport ;
  • elle rappelle la nécessité d’établir une cartographie des risques de contraintes sur le réseau et un processus d’appel aux flexibilités, en invitant l’ensemble des acteurs, dont les collectivités territoriales, à participer à un appel à contributions à venir d’ici à la fin de l’année 2018.

En conclusion, la CRE approuve la convention (déjà signée) et annonce qu’elle établira, en concertation avec Enedis et RTE, un rapport d’analyse du retour d’expérience qui résultera de la mise en œuvre de cette convention d’ici au 18 mai 2019.

Projet de loi portant suppression de sur-transposition de directives européennes en droit français : les évolutions à attendre en droit de l’environnement

Le Gouvernement a soumis au Sénat le 3 octobre dernier, un projet de loi visant à supprimer, dans la législation française, certaines dispositions qui, en transposant les directives communautaires, les ont rendues plus contraignantes. Il s’agit ici de réduire la production normative et de simplifier la vie administrative en supprimant les dispositions « qui ne correspondent à aucune priorité nationale identifiées et qui pèsent, de façon injustifiée, sur la compétitivité et l’attractivité de la France en Europe ».

Le texte concerne de multiples domaines : le droit des sociétés, le domaine financier, les transports ferroviaires, les communications électroniques, la culture et, domaine plus particulièrement examiné ici, le droit de l’environnement.

Il a d’abord été soumis au Conseil d’Etat qui a rendu un avis le 27 septembre 2018. On notera sur ce point que les propositions du Gouvernement visant à exempter d’évaluation environnementale les modifications mineures des plans et programmes qui n’ont pas d’incidence notable sur l’environnement en renvoyant à une liste qui devait être établie par décret ont été supprimées après que la Haute juridiction a considéré que les règles communautaires avaient fait l’objet d’une transposition fidèle en prévoyant déjà les hypothèses de recours à la procédure au cas par cas (article L. 122-4 Code de l’environnement).

Saisi en application de la procédure accélérée, le Sénat s’est prononcé sur une première version du texte, le 7 novembre dernier, en modifiant certaines propositions initiales du projet de loi notamment en ce qui concerne le droit de l’environnement.

Les mesures environnementales qui auraient vocation à évoluer avec le projet de loi concernent, d’une part, le droit des déchets (I) et, d’autre part, les mesures relatives aux espèces protégées ainsi que le domaine de l’eau (II).

I. Les évolutions en matière de déchets

A titre liminaire, on notera que le projet de loi soumis à l’avis du Conseil d’Etat prévoyait de modifier la définition du terme « réemploi », donnée à l’article L. 541-1-1 Code de l’environnement en élargissant cette notion à une technique de traitement.

Il ressort de l’avis du Conseil d’Etat que cette modification était notamment motivée par le fait que la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, utilise la notion de « réemploi » à la fois en matière de prévention et de traitement des déchets alors que la législation française distingue d’une part, la notion de « réemploi » en la cantonnant à une technique de prévention des déchets et, d’autre part, la « préparation en vue de la réutilisation », en la cantonnant à une technique de traitement des déchets. La Haute juridiction, qui y voyait un risque de confusion justement évitée lors de la transposition de la directive par la loi Grenelle 2, a alors émis un avis défavorable à cette disposition.

Ceci précisé, on notera que la première mesure du projet de loi relative à la modification du droit des déchets concerne la liste, énoncée à l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement, qui exclut l’application du régime des déchets dans certains cas (sols pollués, effluents gazeux émis dans l’atmosphère, paille et autre matériau non dangereux issues de l’agriculture ou de la sylviculture et qui sont utilisées dans le cadre de l’exploitation agricole ou sylvicole, les matières radioactives soumises à un régime particulier…).

Le projet de loi propose d’intégrer à cette liste, et donc de soustraire au régime du droit des déchets :

  • d’une part les sous-produits animaux et les produits dérivés à l’exception de ceux qui sont destinés à l’incinération, à la mise en décharge ou à l’utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage et les carcasses d’animaux morts autrement que par abattage, y compris les animaux mis à mort pour l’éradication d’une épizootie, et qui ont été éliminées conformément au règlement (CE) n° 1069/2009 ;
  • d’autre part, les explosifs déclassés placés sous la responsabilité du ministère de la défense qui n’ont pas fait l’objet d’opérations de démilitarisation dans des conditions prévues par décret.

On notera, s’agissant des sous-produits animaux et des produits dérivés que leur intégration dans la liste de l’article L. 541-4-1 Code de l’environnement a déjà été opérée, par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, à peu près dans les mêmes termes que l’article 14 du projet de loi : la loi du a inclus par ailleurs expressément les sous-produits dérivés transformés, contrairement au texte examiné ici, mais ne concerne toutefois pas les carcasses d’animaux morts, comme le prévoit le projet de loi. 

La seconde mesure relative au droit des déchets porte sur la procédure de sortie du statut de déchet. Dans le droit en vigueur, un déchet cesse d’être considéré comme tel après avoir été traité dans une installation classée pour l’environnement soumise à autorisation ou à déclaration ou dans une installation classée au titre de la nomenclature IOTA soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation.

Or, d’après les auteurs du projet de loi, l’obligation de traitement dans une ICPE ou une IOTA n’est pas prévue par la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, de sorte qu’elle n’a plus à figurer dans la législation française. Le projet de loi initial, qui n’avait pas fait l’objet d’observation particulière de la part du Conseil d’Etat, proposait dès lors de supprimer purement et simplement les dispositions rendant ces traitements obligatoires. Le texte adopté par le Sénat le 7 novembre dernier revient en partie sur cette proposition en prévoyant simplement une dérogation à ce principe « pour certaines catégories de déchets non dangereux ».

II. Les évolutions en matière d’espèces protégées et de gestion de l’eau

S’agissant, d’une part, des modifications portant sur les espèces protégées, le projet de loi prévoit de modifier les règles de dérogation au principe posé à l’article L. 424-2 Code de l’environnement, d’interdiction de chasser en dehors des périodes d’ouverture de chasse.

L’article 16 du projet de loi propose dès lors l’insertion de nouvelles dispositions visant, en premier lieu à inscrire expressément dans la loi la condition selon laquelle les dérogations sont admises lorsqu’il « n’existe pas d’autre solution satisfaisante et à la condition du maintien dans un bon état de conservation des populations migratrices concernées ».

En second lieu, le projet de loi prévoit les hypothèses de dérogations, le Sénat ayant, sur ce point, complété le texte. Il est alors prévu d’autoriser les dérogations dans les cas suivants:

  • pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ;
  • pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ;
  • dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
  • dans l’intérêt de la sécurité aérienne ;
  • pour la protection de la flore et de la faune ;
  • pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions. 

S’agissant, d’autre part, des dispositions relatives au droit de l’eau, elles ont pour objet de reporter les délais pour que soit atteint le bon état chimique des masses d’eau. Aujourd’hui ce délai est fixé au 22 décembre 2015 avec possibilité pour le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de fixer des échéances plus lointaines, en les motivant, « sans que les reports ainsi opérés puissent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ».

La proposition de loi propose de supprimer cet encadrement des reports en prévoyant que la possibilité de fixer des échéances plus lointaines soit conditionnée au fait que « l‘état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage » et que « les reports ainsi opérés ne peuvent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sauf dans les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai ». 

Une dernière mesure doit encore être mentionnée, qui concerne la définition de la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), prévue à l’article L. 219-1 Code de l’environnement. Le projet de loi propose d’exclure de cette stratégie l’espace aérien surjacent.

Le texte, dans sa version ici examiné a été transmis  pour examen à l’Assemblée Nationale le 8 novembre dernier.

Par Clémence Du Rostu

Parution d’un projet d’ordonnance relatif à l’ouverture à la concurrence ferroviaire

Conformément à ce qui avait été prévu par la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, un projet d’ordonnance est récemment paru afin d’assurer la transposition de la directive européenne du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (dans sa rédaction issue de la directive n° 2016/2370 du 14 décembre 2016, concernant l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire).

Ce projet d’ordonnance, qui doit être soumis au Conseil d’Etat, à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et au Comité national d’évaluation des normes, traite notamment des gestionnaires d’infrastructures, des transferts de matériel roulant et confie de nouvelles compétences au régulateur.

S’agissant des gestionnaires d’infrastructures, il est prévu que leurs comptes doivent être équilibrés en dépenses et en recettes (celles-ci étant notamment constituées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, des excédents dégagés par d’autres activités commerciales et de fonds publics, y compris des avances) en considérant une « période de cinq années consécutives dans des conditions normales d’activités ». Par ailleurs, il est prévu une étanchéité financière entre le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires, puisque les recettes d’activités du gestionnaire (y compris les fonds publics) ne doivent financer que ses propres activités ferroviaires, et qu’il ne peut consentir ou recevoir de prêts d’entreprises ferroviaires.

En outre, l’accent est mis sur l’indépendance des gestionnaires d’infrastructure au plan de la gouvernance : les dirigeants doivent agir de manière non discriminatoire et impartiale, de sorte qu’ils ne soient exposés à aucune situation de conflit d’intérêts. A cet égard, le projet d’ordonnance prévoit l’interdiction de cumul de fonctions dirigeantes au sein d’un gestionnaire d’infrastructure et d’une entreprise ferroviaire.

S’agissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, le projet d’ordonnance définit le cadre juridique particulier de passation des marchés publics et des concessions en la matière, et, par ailleurs, règle les questions de transfert du matériel roulant des ateliers de maintenance.

Il est prévu que SNCF Mobilités doit transmettre à l’autorité organisatrice « tous les éléments nécessaires à l’exploitation du matériel roulant transféré » permettant de garantir le niveau de sécurité requis. Parmi ces éléments, figurent l’ensemble des plans et documents de conception et de construction du matériel roulant et les carnets d’entretien. La cession à l’autorité organisatrice a lieu sans contrepartie financière.

Le transfert du matériel roulant s’accompagne du transfert d’un stock de pièces détachées et s’agissant des ateliers de maintenance, seuls sont transférés à l’autorité organisatrice, à sa demande et moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable nette de toutes subventions, ceux majoritairement utilisés pour l’exécution de services conventionnés. Le transfert des terrains d’assiette de ces ateliers se fait à la valeur vénale nette de toutes subventions.

Par ailleurs, l’ARAFER se trouvera en charge de contrôler les accords de coopération qui pourront être conclus entre SNCF Réseau et une entreprise ferroviaire, de régler les différends afférents à la communication d’informations aux opérateurs participant à une procédure de passation d’un service conventionné, ou, encore relatifs au nombre de salariés transférés au nouvel opérateur ayant remporté la procédure.

A noter que des ordonnances devront être prochainement prises sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national ainsi que sur la transformation du groupe public ferroviaire national SNCF.

Le projet de loi d’orientation des mobilités très prochainement présenté en Conseil des ministres

Le projet de loi d’orientation des mobilités ou « LOM » sera très prochainement présenté en Conseil des ministres, probablement le 28 novembre prochain.

Rappelons qu’une première mouture de l’avant-projet de loi a été transmise au Conseil d’Etat à la fin du mois d’août, puis qu’une saisine rectificative a eu lieu au début du mois d’octobre permettant de régler les derniers arbitrages en cours à la rentrée de septembre.

Cette seconde mouture du texte est notamment complétée d’un titre relatif à la programmation et au financement des investissements dans les transports pour la période 2019-2027 (et non plus 2018-2037, tel qu’envisagé au printemps).

Quatre priorités sont définies : le renforcement des offres de déplacement du quotidien, l’accélération de la transition énergétique et lutte contre la pollution, la contribution à l’objectif de cohésion des territoires métropolitains et ultramarins et l’amélioration de l’efficacité du transport de marchandises et accélération du report modal.

Par ailleurs, cinq programmes d’investissement sont identifiés comme prioritaires : l’entretien des réseaux, la désaturation des nœuds ferroviaires, le désenclavement routier, le développement des mobilités propres et partagées ainsi que le soutien au transport de marchandises. Les projets seront mis en œuvre sous l’égide du Conseil d’orientation des infrastructures.

Au total, les investissements de l’Etat dans les systèmes de transports augmenteraient de 40% sur la période 2019-2023 par rapport à la période 2014-2018. Concrètement, l’Agence de financement des infrastructures de transports de France aura besoin de ressources additionnelles pérennes à hauteur de de 500 millions d’euros par an à compter de 2020. Pour financer ces projets d’infrastructure, il a été envisagé la mise en place d’une vignette ou une réduction des remboursements sur la TICPE gazole pour les poids lourds, voire un mix de ces deux mesures. Aucune ne figure dans le nouveau projet de texte

En effet, à la suite de réunions entre la Ministre des Transports, les fédérations de transporteurs ont exprimé leur refus de continuer à participer à une concertation visant à accroître la taxation des entreprises de transport.

D’autres évolutions du texte sont par ailleurs à noter :

  • le versement mobilité ne pourrait être institué par la Commune ou l’EPCI compétent que s’il organise au moins un service de transport régulier de personnes ou de transport scolaire. Autrement dit, une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) qui n’organiserait, par exemple, que des services de mobilité partagée, ne pourrait pas lever le versement transport ;
  • la planification de la mobilité inclut la planification de la mobilité scolaire et rurale;
  • la régulation des services de mobilité en free floating : ils pourront être soumis, par délibération de l’AOM, à des prescriptions particulières, notamment en matière de réduction des gaz à effet de serre, de conditions d’accès à certains lieux et de stationnement et de retrait des épaves, sous peine d’application d’une sanction pécuniaire, dont le montant sera proportionné au manquement et à la situation de l’intéressé et au maximum de 300.000 €. A cet égard, notons que la Ville de Paris a d’ores et déjà défini, dans certains arrondissements de la capitale, des zones de stationnement dédiées au free floating et a indiqué se réserver le droit de verbaliser les usagers des trottinettes électriques circulant sur les trottoirs ;
  • Le « péage urbain» : dénommé « tarif de congestion », il pourra être institué dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants par l’AOM à l’occasion du franchissement des limites d’un périmètre géographique déterminé. Les tarifs maximum pouvant être institués par l’AOM sont prévus par la loi (2.50 € pour les véhicules légers, le doublement des tarifs étant possible dans les unités urbaines de plus de 500 000 habitants). Des exemptions sont prévues pour les véhicules d’intérêt général, assurant un service public de transport et les véhicules du Ministère de la défense.

Nouveaux apports à la jurisprudence Département du Tarn-et-Garonne

Par cette nouvelle décision, le Conseil d’Etat complète, pour mieux l’affiner, sa jurisprudence du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n° 358994).

Cette fois-ci, le litige portait sur l’attribution du marché public de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), devenue la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), relatif aux kits de dépistage et d’analyses des tests du cancer colorectal destinés à la population cible d’un programme.

Ce marché, d’un montant de 147 millions d’euros, a été attribué à un groupement momentané d’entreprises (GME) composé de deux sociétés néerlandaises, à la suite du rejet des offres de deux autres groupements candidats considérées comme irrégulières.

Par des actions sur le fondement de la jurisprudence Département Tarn-et-Garonne, les groupements évincés ont sollicité du Tribunal administratif de Paris de résilier ou d’annuler le marché, ce que le Tribunal a rejeté par deux jugements du 30 septembre 2016.

En appel, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé le marché avec effet au 1er août 2018 (cinq mois avant son terme) par un arrêt du 24 avril 2018 contre lequel la CNAM et le groupement attributaire se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat.

La décision rendue par le Conseil d’Etat présente plusieurs apports.

  • Une erreur sur les conditions de prise en compte de la TVA ne constitue pas un vice du consentement

En l’espèce, le groupement attributaire n’avait pas présenté les prix unitaires des kits de dépistage en y incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) alors que, conformément à l’article 283 du Code général des impôts, il revient à la CNAM de verser le montant de la TVA sur ces produits.

Cette présentation du prix a également conduit la CNAM à sous-estimer le coût effectif du marché et à dépasser les crédits budgétaires alloués au marché.

Pour autant, ces circonstances, de même que l’absence d’offres concurrentes susceptibles de constituer des points de comparaison, n’ont pas vicié le consentement de la CNAM. Ainsi que l’expose le rapporteur public, M. Gilles Pélissier, dans ses conclusions sous la décision commentée, l’erreur sur le régime fiscal des prix résulte du fait de la CNAM elle-même, et rien ne démontre que l’attributaire ait procédé à des manœuvres dolosives en vue d’induire la CNAM en erreur sur le régime fiscal à appliquer.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a jugé qu’aucun vice du consentement soulevé par les requérantes ne pouvait être retenu par la Cour.

  • La notion d’atteinte excessive à l’intérêt général de l’annulation d’un marché doit être appréciée au regard du contexte

Dans la décision commentée, la Cour administrative d’appel de Paris avait estimé que l’annulation du marché ne portait pas une telle atteinte excessive dès lors que d’autres tests de dépistage existants seraient aisément accessibles et, d’autre part, que la campagne de prévention arrivait à son terme sans avoir obtenu les résultats escomptés.

Toutefois, le Conseil d’Etat a jugé que ces éléments n’étaient pas vérifiés par les pièces du dossier « compte tenu de l’enjeu majeur de santé publique que représente le dépistage du cancer colorectal, qui est l’un des cancers les plus meurtriers en France, [et] à l’objet du marché litigieux, qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de santé publique, et aux conséquences de l’interruption du service sur l’efficacité du programme de dépistage ».

Le Conseil d’Etat a considéré, dans ce contexte, que l’annulation du marché portait une atteinte excessive à l’intérêt général et a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel.

  • Le candidat évincé pour irrégularité de son offre est recevable à agir mais il doit soulever des moyens en rapport direct avec son éviction.

Tout d’abord, les référés précontractuels introduits par les groupements évincés n’étaient pas de nature à rendre irrecevables leurs actions successives sur le fondement de la jurisprudence Département Tarn-et-Garonne. Le rejet de leurs demandes en référé a été motivé par le fait que l’irrégularité de leurs offres faisait obstacle à ce qu’ils soient regardés comme lésés par les manquements invoqués.

Concernant l’action en contestation de validité du contrat, le caractère irrégulier de l’offre du candidat évincé n’est pas de nature à influencer son intérêt à agir. En revanche, s’agissant des moyens à invoquer, un tel candidat ne peut contester la régularité de l’offre retenue, mais seulement les motifs de rejet de leurs offres. En l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que le rejet des offres des deux groupements évincés était fondé au cas précis.

  • Le contenu d’un contrat n’est illicite que si son objet est contraire à la loi.

Principal apport de la décision commentée, le Conseil d’Etat a considéré que « le contenu d’un contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat a écarté les arguments soulevés par les groupements évincés sur le caractère prétendument illicite du contrat, portant sur le fait que les prix de l’attributaire ne comportaient pas la TVA, que le prix du marché dépassait les crédits alloués au marché et que le contrat méconnaissait des dispositions réglementaires.

En conséquence, le Conseil d’Etat confirme, dans la décision commentée, la régularité et le bien-fondé du jugement de première instance du Tribunal administratif de Paris.

Premières sanctions RGPD en Europe

Le 19 octobre 2018, la Comissão Nacional de Proteção de Dados (l’équivalent de la CNIL portugaise) a condamné l’hôpital de Barreiro à 400.000 euros d’amende pour violation des principes et obligations issus du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Il s’agit de la toute première condamnation en matière de RGPD en Europe.

Un contrôle de l’hôpital avait eu lieu en juin 2018 où, selon la revue CIO[1], les agents de la Comissão ont pu constater que plusieurs personnels administratifs, en l’occurrence des vacataires, avaient accès à des comptes réservés aux médecins de l’hôpital. A titre d’illustration, les contrôleurs ont constaté que l’hôpital employait 296 médecins alors qu’il existait 985 comptes informatiques dédiés aux médecins. Les comptes des médecins temporaires restaient donc actifs en permanence. A la suite de cet écueil, les agents de la Comissão ont créé un compte fictif identique à ceux des nouveaux arrivants et ont constaté qu’ils avaient accès à un grand nombre de fichiers nominatifs des patients de l’hôpital. Il n’y avait donc pas une politique d’habilitation et de hiérarchisation dans l’accès aux données.

La sanction prononcée a été répartie comme suit[2] :

  • violation des principes d’intégrité et de confidentialité des données : 150.000 euros ;
  • violation du principe de limitation d’accès aux données : 150.000 euros ;
  • incapacité pour le responsable du traitement des données à garantir l’intégrité des données : 100.000 euros.

Cette décision était très attendue et peut surprendre du fait du montant de la sanction qui a été prononcée. La somme de 400.000 euros peut paraitre très élevée pour ce genre l’organisme public.

Ensuite, on peut légitiment se demander quelle va être la réaction de Commission nationale de l’informatique et des libertés face à cette situation. Bien que celle-ci n’ait jamais prononcé de sanction au fondement du RGPD, les sanctions prononcées par celle-ci peuvent aujourd’hui paraitre bien faibles comparées à celles de la Comissão.

Enfin, on peut légitimement espérer que les futures réunions du Comité européen de la protection des données (l’autorité européenne chargée de la protection des données dont le rôle principal est de contribuer à l’application du Règlement général sur la protection des données) permettront d’apporter des précisions quant aux sanctions encourues entre les différents manquements au RGPD.

L’hôpital de Barreiro a saisi la justice pour contester cette sanction[3].

[1] https://www.cio-online.com/actualites/lire-premiere-amende-rgpd-pour-un-hopital-portugais-10762.html

[2] http://exameinformatica.sapo.pt/noticias/mercados/2018-10-19-CNPD-Hospital-do-Barreiro-multado-em-400-mil-euros-por-permitir-acessos-indevidos-a-processos-clinicos

[3] https://www.publico.pt/2018/10/22/sociedade/noticia/hospital-barreiro-contesta-judicialmente-coima-400-mil-euros-comissao-dados-1848479

La CNIL adopte ses lignes directrices en matière d’analyse d’impact

Délibération n° 2018-326 du 11 octobre 2018 portant adoption de lignes directrices sur les analyses d’impact relatives à la protection des données (AIPD) prévues par le règlement général sur la protection des données (RGPD)

Le 6 novembre 2018, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a publié deux nouvelles délibérations en matière d’analyse d’impact.

La première est relative aux obligations issues de l’article 35.4 du règlement général sur la protection des données (ci-après « RGPD »). Ce considérant imposait à la CNIL de publier une liste des types d’opérations de traitement pour lesquelles une analyse d’impact relative à la protection des données était systématiquement requise.

Ces traitements sont les suivants :

  • traitements de données de santé mis en œuvre par les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux pour la prise en charge des personnes ;
  • traitements portant sur des données génétiques de personnes dites « vulnérables » (patients, employés, enfants, etc.) ;
  • traitements établissant des profils de personnes physiques à des fins de gestion des ressources humaines ;
  • traitements ayant pour finalité de surveiller de manière constante l’activité des employés concernés ;
  • traitements ayant pour finalité la gestion des alertes et des signalements en matière sociale et sanitaire ;
  • traitements ayant pour finalité la gestion des alertes et des signalements en matière professionnelle ;
  • traitements des données de santé nécessaires à la constitution d’un entrepôt de données ou d’un registre ;
  • traitements impliquant le profilage des personnes pouvant aboutir à leur exclusion du bénéfice d’un contrat ou à la suspension voire à la rupture de celui-ci ;
  • traitements mutualisés de manquements contractuels constatés, susceptibles d’aboutir à une décision d’exclusion ou de suspension du bénéfice d’un contrat ;
  • traitements de profilage faisant appel à des données provenant de sources externes ;
  • traitements de données biométriques aux fins de reconnaissance des personnes parmi lesquelles figurent des personnes dites « vulnérables » (élèves, personnes âgées, patients, demandeurs d’asile, etc.) ;
  • instruction des demandes et gestion des logements sociaux ;
  • traitements ayant pour finalité l’accompagnement social ou médico-social des personnes ;
  • traitements de données de localisation à large échelle.

Si votre traitement est présent dans la liste ci-dessus, celui-ci nécessitera la mise en œuvre d’une analyse d’impact quel que soit le degré de risque que celui-ci fait courir aux personnes physiques dont les données sont collectées. On peut notamment relever que l’instruction des demandes et la gestion des logements sociaux fait partie des traitements soumis à étude d’impact sur la vie privée, ce qui va avoir de lourdes répercutions sur l’ensemble des bailleurs sociaux. Cependant, et pour rappel, la CNIL a établi une dispense d’obligation de réaliser une analyse d’impact pour les traitements existants et régulièrement mis en œuvre, et ce pour une période de 3 ans.

Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a validé cette liste, tout comme celles de 22 autres autorités nationales, afin que s’applique uniformément le droit des données à caractère personnel au sein de l’Union européenne.

A côté de cela, il importe au responsable de traitement de rester attentif lorsque son traitement ne fait pas partie des quatorze mentionnés. En effet, comme la CNIL l’indique elle-même, cette liste n’est pas exhaustive : un traitement qui n’y figure pas peut toujours faire l’objet d’une analyse d’impact. C’est le cas des traitements susceptibles d’engendrer un risque élevé pour « les droits et libertés des personnes physiques » au regard des neuf critères issus des lignes directrices du G29.

La deuxième est relative aux lignes directrices sur les analyses d’impact relatives à la protection des données (AIPD) prévues par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Les lignes directrices publiées par la CNIL sont la synthèse entre les différentes dispositions prévues au sein du RGPD et les prises de positions de la CNIL en matière d’analyse d’impact (les personnes impliquées dans la réalisation d’une AIPD par exemple). Ces lignes directrices ont vocation à être un outil facilitant la recherche d’informations pour le responsable de traitement et son délégué à la protection des données.

En conclusion de tout ce qui précède, en matière d’analyse d’impact, il ne reste à la CNIL que de publier la liste des traitements pour lesquels il est assuré qu’aucune analyse d’impact n’est nécessaire et ce en application de l’article 35.5 du RGPD.

L’utilisation des caméras toujours plus contrôlées par la CNIL ?

Délibération n°2018-345 du 18 octobre 2018 Délibération du bureau de la Commission nationale de l’informatique et des libertés no 2018-345 du 18 octobre 2018 décidant de rendre publique la mise en demeure no MED 2018-041 du 8 octobre 2018 prise à l’encontre de l’association « 42 »

Depuis plusieurs mois, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») semble concentrer ses efforts en matière de lutte contre l’utilisation des caméras de manière toujours plus attentatoire à la vie privée. Le 2 juillet 2018, l’Institut des techniques informatiques et commerciales (ci-après « ITIC ») avait reçu une mise en demeure publique après un contrôle des agents de la CNIL. En effet, cet établissement d’enseignement filmait en permanence une partie de son personnel, des lieux de vie, des espaces de travail ainsi que les étudiants et les professeurs.

La CNIL avait rappelé la durée maximale de sauvegarde de ces données (un mois) et que toute surveillance constante des personnels, professeurs ou étudiants était rigoureusement interdite.

Le 19 septembre 2018, elle a ensuite appelé à la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo. Dans cet appel, elle demandait aux pouvoirs publics de repenser la législation sur l’usage des caméras afin d’allier les impératifs de sécurisation, notamment des espaces publics, et la préservation des droits et libertés de chacun.

Le 8 octobre 2018, la CNIL a de nouveau mis en demeure un établissement d’enseignement pour des faits similaires à ceux de l’ITIC : la célèbre école 42 de Xavier Niel. La CNIL a rappelé à l’association (l’association 42 a créé l’école 42) que la captation d’images mise en œuvre dans les locaux de l’école était disproportionnée. En effet, comme avec l’ITIC, l’école 42 utilisait des caméras de surveillance afin de filmer en permanence les employés et professeurs alors même que certains espaces dédiés aux étudiants étaient aussi filmés. La CNIL a eu aussi l’occasion de rappeler que seuls les personnels de l’établissement habilités devaient avoir l’accès aux images, et non pas tous les étudiants au travers de leur intranet.

Ainsi, la CNIL a rappelé par deux fois les établissements d’enseignement supérieur à leurs obligations par des mises en demeures publiques. Avant une prochaine sanction ?

Quand l’employeur manque à son obligation de sécurité en cas d’altercation entre salariés !

Par un arrêt du 17 octobre 2018 (n°17-17.985), la Cour de cassation confirme la nouvelle orientation jurisprudentielle en matière d’obligation de sécurité de l’employeur selon laquelle l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Cette position est conforme à l’arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24.444) aux termes duquel la Haute Cour a considéré que « ne méconnaissait pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifiait avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».

Dans l’esprit de ces décisions, les juges ne peuvent plus condamner automatiquement l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité sans rechercher si celui-ci a effectivement pris toutes les mesures de nature à éviter et faire cesser le risque professionnel.

Il ressort par ailleurs de cet arrêt du 17 octobre 2018, le constat d’un contrôle effectif du juge sur l’appréciation des mesures mises en œuvre par l’employeur, la chambre sociale précisant que : « bien qu’ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l’un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d’un nouvel incident, la société n’avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l’altercation et des réunions périodiques de travail concernant l’ensemble des salariés, qu’elle n’avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d’appel a caractérisé un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et a légalement justifié sa décision ». 

Il est toutefois permis de s’interroger sur ce qu’aurait dû in fine faire l’employeur ?

Apparition du permis d’expérimenter

Prise sur le fondement de l’article 49 de la loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » (Essoc), l’ordonnance du 30 octobre 2018 pose le régime juridique du « permis d’expérimenter ».

Cette nouvelle autorisation doit entrer en vigueur au plus tard le 1er février 2019.

Encore appelé « permis d’innover », « permis de faire », ou « permis de déroger », le permis d’expérimenter doit permettre de stimuler l’innovation pour réduire les coûts de construction.

Son objectif est de permettre aux maîtres d’ouvrage de déroger à certaines règles de construction sous réserve d’apporter la preuve qu’ils parviendront, par les moyens qu’ils mettront en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il a été dérogé. En outre, ces moyens doivent présenter un caractère innovant d’un point de vue technique ou architectural (article 1er).

Le permis d’expérimenter, issu de l’ordonnance du 30 octobre 2018, remplace donc le « permis de faire », instauré à titre expérimental par la loi n° 2016-925 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016.

Il s’en distingue en ce qu’il dispose d’un champ d’application plus large. Le permis d’expérimenter n’est pas limité qu’aux domaines de sécurité et d’incendie. Il est étendu à d’autres secteurs comme par exemple ceux relatifs à la sécurité et la protection contre l’incendie, à l’aération, à l’accessibilité du cadre bâti, à la performance énergétique et environnementale (article 3).

Notons également que ce nouveau permis d’expérimenter peut être obtenu par tout maître d’ouvrage, qu’il soit public ou privé, pour toute opération de construction de bâtiments ou pour la réalisation de travaux, qui par leur nature ou leur ampleur sont équivalents à une telle opération (article 2). Les projets concernées par ce permis d’expérimenter sont ceux qui nécessitent une autorisation d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou déclaration préalable) ou une autorisation spécifique aux établissements recevant du public ou aux monuments historiques.

S’agissant de la procédure, le texte précise que le maître d’ouvrage doit soumettre son projet à un organisme impartial, lequel sera désigné ultérieurement par décret. Ce dernier pourra délivrer une attestation du caractère équivalent des résultats obtenus par les moyens que les maîtres d’ouvrage entendent mettre en œuvre, ainsi que leur caractère innovant. Cette attestation sera intégrée au dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.

Soulignons qu’un décret en Conseil d’Etat doit fixer les conditions d’application de l’ordonnance, notamment sur les résultats équivalents à atteindre lorsqu’il est dérogé à une règle de construction.

Par ailleurs, la loi ESSOC prévoir une seconde ordonnance, qui devrait paraître pour début 2020, et dont l’objet consistera en une généralisation du droit à déroger à toutes les normes de construction.

Le demi-traitement versé au fonctionnaire territorial dans l’attente de la décision du comité médical est définitivement acquis

Par un arrêt Mme A. c/ Commune de Perreux-sur-Marne (req. n° 412684) en date du 9 novembre 2018, le Conseil d’État a jugé que le demi-traitement versé à un agent ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire dans l’attente de l’avis du comité médical est définitivement acquis par l’agent, nonobstant les effets rétroactifs de la décision prise in fine.

En l’espèce, Mme A, fonctionnaire territoriale placée en congé de maladie ordinaire a sollicité l’octroi d’un congé de longue maladie. Toutefois, le comité médical a émis un avis défavorable à sa demande. Elle a contesté cet avis devant le comité médical supérieur mais ayant épuisé ses droits à congé statutaire, elle a été placée en disponibilité d’office pour raison de santé avec maintien de son demi-traitement. Le comité médical supérieur a finalement confirmé l’avis défavorable du comité départemental et elle a donc été placée en disponibilité d’office.

A l’issue de ces différents avis et du placement en disponibilité d’office intervenu sur leur fondement, la commune du Perreux-sur-Marne a émis un titre de recettes exécutoire d’un montant de 6.807,20 euros correspondant au montant des demi-traitements versés à Mme B. depuis la date d’effet de sa mise en disponibilité d’office.

L’intéressée a alors demandé au Tribunal administratif de Melun l’annulation de ce titre. Le jugement ayant fait droit à sa demande a ensuite été confirmé par la Cour administrative d’appel de Paris.

Saisi à son tour, et s’appuyant sur l’article 17 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l’organisation des comités médicaux, aux conditions d’aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux  le Conseil d’Etat a jugé « que la circonstance que la décision prononçant la reprise d’activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l’admission à la retraite rétroagisse à la date de fin des congés de maladie n’a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par les dispositions [de l’article 17 du décret du 30 juillet 1987] ; que, par suite, en jugeant que le demi-traitement versé au titre de ces dispositions ne présentait pas un caractère provisoire et restait acquis à l’agent alors même que celui-ci avait, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n’ouvrant pas par elle-même droit au versement d’un demi-traitement, la cour administrative d’appel de Paris a fait une exacte application de ces dispositions ».

Dans ces conditions, si un fonctionnaire a droit, à titre conservatoire, au maintien de son  demi-traitement dans l’attente de l’avis d’une instance médicale, l’administration ne peut in fine récupérer les demi-traitement quand bien même la décision rétroactive prise à l’issue de ces avis n’ouvre droit à aucune rémunération.