Acte préparatoire et différend portant sur l’accès aux réseaux

Par cette décision, le CorDIS a précisé que les avis rendus par le gestionnaire du réseau public de distribution Enedis dans le cadre de l’instruction d’autorisation d’urbanisme sont des actes préparatoires qui ne peuvent être contestés devant lui dès lors qu’ils ne matérialisent pas un différend portant sur l’accès aux réseaux.

Par conséquent le CoRDIS n’est pas compétent pour apprécier le bien-fondé d’un avis rendu par Enedis dans ce cadre :

« […] 2. L’article R.* 423-50 du code de l’urbanisme, relatif à l’instruction des demandes de permis et des déclarations préalables, dispose que : « L’autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ».

  1. En l’espèce, M. C. conteste le bien-fondé de l’avis rendu par la société ENEDIS le 1er février 2017 dans le cadre de l’examen de sa demande de permis de construire déposée le 23 décembre 2016 auprès de la commune de L. Il résulte de l’instruction que cet avis a été rendu en application des dispositions précitées de l’article R.* 423-50 du code de l’urbanisme afin d’éclairer l’autorité administrative sur les travaux qui s’avéreraient nécessaires pour procéder au raccordement de la construction projetée au réseau public de distribution d’électricité.

     

  2. L’avis en litige, qui a été adressé par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité à l’autorité administrative dans le seul cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme, dont le refus fait par ailleurs l’objet d’une contestation devant la juridiction administrative, est un acte préparatoire. Il est constant qu’il n’y a pas eu de demande de raccordement présentée par M. C. et, par conséquent, pas de refus d’accès au réseau de la société ENEDIS. Par suite, en l’état du dossier, la demande qu’il a présentée devant le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas relative à un différend portant sur l’accès aux réseaux ou à leur utilisation au sens des dispositions précitées de l’article L. 134-19 du code de l’énergie.

     

  3. Il résulte de ce qui précède que la demande de règlement de différend présentée par M. C. ne ressortit pas à la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l’énergie ».

Le retrait d’une décision de délivrance du certificat d’économies d’énergie obtenue frauduleusement n’est pas une sanction administrative

La société Total Réunion était soumise, en sa qualité de fournisseur d’énergie, à des obligations d’économies d’énergie, au titre de la troisième période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017. Elle s’est notamment acquittée de cette obligation en achetant, le 5 décembre 2016, à la société BHC, filiale à 100% du groupe Total, une fraction d’un certificat d’économies d’énergie que cette société avait elle-même acheté auprès du premier détenteur auquel il avait été délivré.

Par un courrier du 28 mai 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a informé la société Total Réunion que la décision de délivrance de ce certificat avait été obtenue de manière frauduleuse et qu’il envisageait par conséquent, en application de l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, le retrait de cette décision ainsi que le « retrait », sur son compte dans le registre national des certificats d’économies d’énergie, du volume de certificats correspondant. Par un courrier du 28 juin 2018, le ministre a notifié cette décision de retrait à la société Total Réunion.

A la suite du rejet de son recours gracieux contre la décision litigieuse, la société Total Réunion a introduit un recours pour excès de pouvoir contre cette décision devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par une ordonnance n° 1813376 du 28 février 2019, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d’État la requête de la société Total Réunion, en application de l’article R. 351-2 du Code de justice administrative, au motif que la décision litigieuse était qualifiable de sanction administrative dont la contestation relevait, en vertu de l’article R. 222-12 du Code de l’énergie, de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État.

Le Conseil d’État conteste cette interprétation en jugeant qu’en prenant la décision litigeuse qui prononce « le retrait de la décision délivrant les certificats d’économies d’énergie litigieux au premier détenteur ainsi que le  » retrait « , sur le compte de la société requérante, des certificats correspondants, le ministre n’a pas infligé une sanction en faisant application des dispositions des articles L. 222-1 et suivants du code de l’énergie, permettant de sanctionner les manquements aux dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du même code, mais a entendu retirer une décision obtenue par fraude et tirer les conséquences de ce retrait, en se fondant sur les dispositions de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration ».

Le Conseil d’État poursuit son raisonnement et conclut que la décision attaquée n’est pas au nombre des décisions de sanction qui, en vertu de l’article R. 222-12 du Code de l’énergie, peuvent être contestées devant le Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort et que le recours pour excès de pouvoir contre cette décision relève de la compétence « des tribunaux administratifs, juges de droit commun du contentieux administratif en vertu de l’article L. 211-1 du code de justice administrative ».

Vente immobilière et état des risques

Immobilier : L’état des risques et pollutions doit être mis à jour lors de la signature de l’acte authentique de vente. A défaut, le vendeur encourt la résolution de la vente.

En matière de vente immobilière, l’acquéreur doit être correctement informé, par le vendeur, de l’état du bien qu’il acquiert grâce, notamment, aux différents documents composant le dossier de diagnostic technique (DDT).

Il s’agit là d’une obligation légale (articles L. 271-4 et L. 271-5 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH »)).

La Cour de cassation devait se prononcer, le 19 septembre 2019, à l’occasion d’un pourvoi formé par les vendeurs d’un terrain, sur la question relative à la validité de l’état des risques naturels et technologiques (état des risques et pollutions) que le vendeur doit fournir à l’acquéreur conformément à l’article L. 125-5 du Code de l’environnement.

En l’espèce, entre la signature du compromis de vente en 2008 et la réitération par acte notarié en 2009, la parcelle vendue a été inscrite dans une zone à risque d’inondation (zone rouge) couverte par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), portant interdiction de toute extension ou nouveaux projets d’hôtellerie.

L’acquéreur a alors assigné les vendeurs en résolution de la vente et restitution du prix de vente au motif que, au moment de la signature de l’acte authentique de vente, les vendeurs n’ont pas délivré une information précise sur les risques auxquels le terrain acquis était exposé.

Les juges du fond ont fait droit à la demande des acquéreurs.

Les vendeurs forment alors un pourvoi en cassation aux motifs, que la promesse synallagmatique de vente vaut vente et que c’est à la signature de la promesse et non à celle de la réitération par acte authentique que la vente est parfaite, et par conséquent c’est donc à cette date que le DDT doit être fourni et que l’obligation de fournir un état des risques est appréciée.

Plus encore, ils arguent qu’ils ne pouvaient, en tout état de cause, avoir eu connaissance du classement du terrain en zone à risques puisque l’arrêté préfectoral du 25 novembre 2008 ayant approuvé le plan de prévention des risques d’inondation ne figurait pas parmi les informations mises à disposition sur le site internet de la préfecture.

La Cour de cassation approuve la solution de la Cour d’appel aux motifs que, afin d’assurer une bonne information de l’acquéreur, les différents états, repérages et diagnostics qui forment le DDT doivent être valides aussi bien au moment de la signature de l’avant-contrat qu’au moment de la réitération de la vente par acte authentique.

Cette règle est précisée par l’article L. 271-5 du CCH qui dispose, en son alinéa 2, que « si l’un de ces documents (tous les diagnostics, hors état des risques) produits lors de la signature de la promesse de vente n’est plus en cours de validité à la date de la signature de l’acte authentique de vente, il est remplacé par un nouveau document pour être annexé à l’acte authentique de vente ».

Par conséquent, en aucun cas, un vendeur ne peut se contenter de l’état des risques et pollutions qu’il a annexé lors de la signature du compromis de vente, quand bien même la vente serait parfaite à cette date.

Les travaux de renforcement des colonnes montantes électriques incombent au GRD

Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi « ELAN »), la question de la propriété des colonnes montantes d’électricité a été clarifiée par le législateur (voir notre lettre d’actualités juridiques énergie et environnement de décembre 2018). Toutefois, en dépit de cette clarification attendue, de nouveaux questionnements et de nouveaux différends émergent.

En l’espèce, le Médiateur National de l’Energie (MNE) était saisi par un copropriétaire ayant sollicité une augmentation de la puissance du point de livraison correspondant à son appartement de 6 à 9 kVA. Cette demande a été rejetée par le Gestionnaire du Réseau de Distribution d’électricité (GRD) au motif que la colonne montante électrique équipant l’immeuble ne pouvait pas supporter, en l’état, une puissance de 9 kVA, ce dernier refusant en outre de prendre en charge les travaux de renforcement de ladite colonne électrique.

Dans la recommandation ici commentée, le MNE donne raison au copropriétaire et estime que le renforcement de la colonne montante, rendu nécessaire par la demande d’augmentation de puissance, doit être intégralement pris en charge par le GRD.

Pour ce faire, le MNE écarte d’abord l’argument invoqué par le GRD selon lequel la loi ELAN ne l’obligerait à assurer, à ses frais, que les travaux de réparation rendus nécessaires pour des raisons de sécurité, ce qui n’inclurait pas, selon le GRD, les travaux de rénovation de la colonne montante.

Ainsi que le MNE le rappelle, la disposition de la loi ELAN relative aux colonnes montantes électriques « n’a eu d’autre but que de faire en sorte que toutes les colonnes montantes, y compris les colonnes montantes existantes, puissent être intégrées dans le réseau public sans se prononcer sur les conséquences qui en résultent ».

Partant, les dispositions du Code de l’énergie issues de la loi ELAN ne peuvent être utilement invoquées par le GRD pour justifier son refus de prendre en charge certains travaux.

Surtout, ainsi que le MNE poursuit, les conséquences de la loi ELAN sont en revanche claires : puisqu’elles posent le principe selon lesquelles les colonnes montantes électriques font partie intégrante du réseau public de distribution d’électricité, alors les obligations pesant sur le GRD à l’égard de ces ouvrages sont identiques à celles qui s’imposent à lui concernant le reste du réseau public. Evoquant l’article L. 322-8 du Code de l’énergie, le MNE rappelle ainsi que « Cet article lui impose de mettre en œuvre les politiques d’investissement mais également de développement dudit réseau, de les exploiter et d’en assurer l’entretien et la maintenance et ce, comme l’ajoute l’article L.322-12 du même code, afin « d’assurer une desserte en électricité d’une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique » ».

Après avoir rappelé l’obligation de prise en charge « matérielle » des travaux de renforcement de la colonne montante par le GRD, le MNE souligne également que les coûts afférents doivent également être intégralement supportés par le GRD dès lors qu’ils sont intégrés en totalité dans le TURPE (Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité) perçus par le GRD auprès des usagers. Si le MNE réserve le cas dans lequel la création d’un nouvel ouvrage serait requise et pourrait donner lieu à une facturation du demandeur, le Médiateur est très clair pour affirmer que les travaux de renforcement sont, en toute hypothèse, à la charge du GRD.

Le MNE recommande ainsi au GRD « chaque fois qu’une demande d’augmentation de puissance nécessite un renforcement de la colonne montante, de prendre immédiatement et intégralement en charge ce renforcement dont le coût est couvert par le TURPE ».

Cette recommandation a été transmise par le MNE à la Commission de Régulation de l’Energie, au titre de sa mission de fixation des méthodologies utilisées pour l’établissement des tarifs d’utilisation des réseaux.

 

Annulation d’une DUP en raison du parti pris sur le projet exprimé par le commissaire-enquêteur dans un article de presse

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt, le 8 juillet 2019, par lequel elle a annulé l’arrêté préfectoral prononçant la déclaration d’utilité publique portant sur le projet de prolongement d’une route départementale.

Deux motifs d’annulation ont été retenus, le premier étant classiquement le défaut d’utilité publique du projet en raison d’un bilan coût-avantage jugé défavorable.

Le second motif retiendra davantage l’attention en ce qu’il est beaucoup plus rare : il s’agit du vice de procédure résultant de ce que le commissaire-enquêteur a exprimé un parti pris, en l’occurrence favorable au projet, dans un article de presse, alors même que l’enquête publique venait de démarrer :

« Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s’est exprimé dans le journal Nice Matin le 21 septembre 2013, lendemain de l’ouverture de l’enquête publique. S’il a rappelé qu’il était neutre et indépendant, que son rôle consistait à apporter des réponses, accueillir le public et donner un avis au préfet, il a également répondu, à la question de savoir si le projet lui paraissait à l’heure actuelle viable, que  » juridiquement, je ne vois pas d’anomalies à l’utilité publique du prolongement. Je ne peux évidemment pas encore dire quel avis je vais rendre mais, à moins, de découvrir une énormité, je pense que le projet ira à terme. L’intérêt public est toujours supérieur à l’intérêt privé en France « . Compte-tenu de la nature, de la publicité et du stade de la procédure à laquelle ils sont intervenus, ces propos, qui s’analysent comme un parti pris initial favorable au projet puisque le commissaire-enquêteur suggère clairement que son avis sera favorable sauf  » énormité « , ont entaché la procédure d’un vice, qui a privé le public d’une garantie, et ce même si les conclusions que le commissaire-enquêteur a rendues sont complètes et motivées. Pour ce motif, l’arrêté préfectoral contesté doit être annulé ».

 

Cet arrêt viendra rappeler aux commissaires-enquêteurs qu’ils sont tenus strictement par un devoir de discrétion, dont la méconnaissance peut être (très) lourde de conséquences.

Performance énergétique des bâtiments tertiaires publics et privés : le décret est entré en vigueur le 1er octobre 2019

Par un décret en date du 23 juillet 2019 (décret n° 2019-771 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, ci-après « le décret »), le pouvoir réglementaire a précisé les modalités de mise en œuvre de l’obligation d’actions en matière de réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire prévue par l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH »).

Cet article du CCH avait été introduit par la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, puis complété par l’article 17 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 (TECV), et en dernier lieu modifié par l’article 175 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) à la suite de l’annulation du premier décret tertiaire du 9 mai 2017 par le Conseil d’Etat sur le fondement de la violation du principe de sécurité juridique (CE, 18 juin 2018, n° 411583). Dans sa version post loi ELAN, il rend obligatoires les actions de réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire existants afin de parvenir à une réduction de la consommation d’énergie finale pour le parc concerné d’au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, par rapport à 2010.

La publication du décret en Conseil d’Etat, devant notamment préciser les catégories de bâtiments concernés par cette obligation, et plus largement les conditions de mise en œuvre des objectifs fixés, était donc attendue. Après une importante concertation et l’avis de la section des travaux publics du Conseil d’Etat, c’est désormais chose faite.

Les dispositions du « nouveau » décret tertiaire sont codifiées aux articles R. 131-38 à R. 131-44 du CCH (nouvelle section 8 du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la partie réglementaire du CCH intitulée « Obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire »).

 

Champ d’application de l’obligation : seuil de 1000 m2 de surface de plancher

En substance, sont assujettis aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire publics ou privés (activités marchandes ou non marchandes) les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de : 

  • tout bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m2 (en prenant en compte, le cas échéant, les surfaces de plancher consacrées à des activités non tertiaires accessoires aux activités tertiaires) ;
  • toutes parties d’un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 (bâtiment à usage mixte) ;
  • tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2. 

 

En revanche, le texte exclut de son champ d’application les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire ainsi que les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte ou dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire. Les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de ces bâtiments ne sont donc pas soumis aux obligations du décret.          

 

Détermination des objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale : un arrêté en cours d’élaboration

Pour mémoire, l’article L. 111-10-3-I du CCH prévoit précisément que tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants :

  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 » ;
  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie ».

 

Sur ces deux points, l’évaluation ne sera possible qu’après la parution d’un arrêté, qui fait actuellement l’objet d’une large concertation menée par la DHUP et la DGEC au travers notamment du Plan bâtiment durable. En effet, selon le décret, la consommation énergétique de référence correspond à la consommation d’énergie finale du bâtiment, de la partie de bâtiment ou de l’ensemble de bâtiments à usage tertiaire, constatée pour une année pleine d’exploitation et ajustée en fonction des variations climatiques selon une méthode qui sera définie par un arrêté. Et, de la même manière sur le second objectif alternatif, le niveau de consommation d’énergie finale d’un bâtiment, d’une partie de bâtiment ou d’un ensemble de bâtiments, fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de la même catégorie sera déterminé par arrêté pour chaque échéance de 2030, 2040 et 2050 sur la base d’indicateurs d’intensité d’usage de référence spécifiques pour chaque catégorie d’activité ajustés en fonction des conditions climatiques de référence (article R. 131-39-I du CCH).

Aussi, ce même article du CCH énonce que ces objectifs peuvent être modulés en fonction : de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ; d’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ; de coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.

Par suite, des règles spécifiques sont prévues aux articles R. 131-39-1 (changement de l’activité exercée) et R. 131-40 du CCH (modulation des objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale) introduits par le décret. Mais, ici aussi, le mécanisme ne sera opérationnel qu’après la parution de l’arrêté qui précisera : premièrement, les conditions de la modulation des objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale en cas de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou d’un changement du volume de l’activité exercée dans les bâtiments ; deuxièmement, et selon la nature des actions envisagées, les durées de retour sur investissement au-delà desquelles les coûts de ces actions, déduction faite des aides financières perçues, sont disproportionnés ; troisièmement, le contenu du dossier technique à fournir par le propriétaire ou le preneur qui devra présenter les justifications de ces modulations (sauf si elles portent sur le volume de l’activité exercée) ainsi que les modalités de son établissement.

S’agissant des actions destinées à atteindre ces objectifs, on relèvera que le décret dresse opportunément une liste non exhaustive de ce sur quoi elles peuvent porter : la performance énergétique des bâtiments ; l’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements ; les modalités d’exploitation des équipements ; l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie et le comportement des occupants (article R. 131-39-II du CCH).       

Il est par ailleurs précisé que le changement de type d’énergie utilisée ne devra entraîner aucune dégradation du niveau des émissions de gaz à effet de serre (article R. 131-39-2 du CCH).

 

Obligations déclaratives et suivi de la réduction de la consommation d’énergie finale : mise en place d’une plateforme numérique (« OPERAT »)

Conformément à l’article L. 111-10-3-III-4° du CCH, le décret indique ensuite les modalités de mise en place d’une plateforme informatique destinée au recueil et au suivi des consommations d’énergie (articles R. 131-41 à R. 131-43 du CCH).

Cette plateforme, nommée « OPERAT » (Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire) sera gérée par l’ADEME et devrait commencer à fonctionner au début de l’année 2020.

Ainsi notamment, pour chaque bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale, les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail devront y déclarer :            

  • la ou les activités tertiaires qui y sont exercées ; 
  • la surface des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments soumis à l’obligation ; 
  • les consommations annuelles d’énergie par type d’énergie, des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments ; 
  • le cas échéant, l’année de référence mentionnée à l’article R. 131-39-1° et les consommations de référence associées, par type d’énergie, avec les justificatifs correspondants ; 
  • le cas échéant, le renseignement des indicateurs d’intensité d’usage relatifs aux activités hébergées, permettant de déterminer l’objectif de consommation d’énergie finale en application de l’article R. 131-39-2° et, éventuellement, de le moduler en application de l’article R. 131-40-II ; 
  • le cas échéant, les modulations prévues à l’article R. 131-40 ;
  • le cas échéant, la comptabilisation des consommations d’énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. 

Les données relatives à l’année précédente devront être transmises à partir de 2021, au plus tard le 30 septembre de chaque année.

La plateforme sera capable de générer automatiquement, pour chaque bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments :     

  • la modulation qui porte sur le volume de l’activité, sur la base des indicateurs d’intensité d’usage spécifiques à l’activité concernée ; 
  • les consommations annuelles d’énergie finale ajustées en fonction des variations climatiques, par type d’énergie ; 
  • une information sur les émissions de gaz à effet de serre correspondant aux consommations énergétiques annuelles, selon les différents types d’énergie ; 
  • l’attestation numérique annuelle mentionnée à l’article R. 131-43 et servant de base pour la publication ou l’affichage des consommations d’énergie finale et des objectifs de consommation mentionnés à l’article L. 111-10-3-III-6° du CCH.


Au plus tard les 31 décembre 2031, 2041 et 2051, le gestionnaire de la plateforme numérique vérifiera, pour l’ensemble des assujettis, que les objectifs fixés ont été atteints.

Il convient toutefois de relever que, pour la vérification du respect de ces objectifs, les assujettis pourront mutualiser les résultats à l’échelle de tout ou partie de leur patrimoine soumis à l’obligation mentionnée à l’article L. 111-10-3, dans des conditions qui seront prévues par l’arrêté à paraître – ce qui devrait constituer une réelle souplesse.

 

Sanctions : amendes administratives

Alors que le décret de 2017 ne prévoyait aucune sanction en cas de non-respect de ses obligations, celui de 2019 octroie au préfet un rôle de contrôle et de sanction. Notamment, ce dernier pourra prononcer, après mise en demeure restée sans effet, une amende administrative au plus égale à 1.500 euros pour les personnes physiques et 7.500 euros pour les personnes morales qui ne respecteraient pas l’un des objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale.

Le succès du dispositif devrait assez largement dépendre du caractère intuitif de la plateforme numérique « OPERAT » et de son appropriation par les obligés. Un accompagnement des acteurs, publics comme privés, sera par ailleurs nécessaire pour que chacun prenne l’exacte mesure des obligations qui lui incombent et puisse correctement les satisfaire. Un guide d’accompagnement est à cet égard d’ores et déjà en cours d’élaboration par les services de l’Etat.

En tout état de cause, le mécanisme ne sera pleinement opérationnel qu’après la publication d’un arrêté, dont le premier projet fait actuellement l’objet d’une concertation.

Par Christophe Farineau

La maîtrise du loyer commercial : un gage de valorisation de l’actif immobilier

1 – Prévoir une clause d’échelle mobile = clause d’indexation automatique

  • nécessité d’une clause expresse dans le contrat de bail initial
  • automaticité de la variation (à la hausse comme à la baisse)
  • choix d’un indice licite au regard de l’article 112-1 du Code monétaire et financier
  • respecter une périodicité (le plus souvent annuelle)

 

2 – Mettre en œuvre la stratégie de l’article L. 145-39 du Code de commerce

Clause d’indexation automatique dans le bail initial = fixation du loyer à la valeur locative possible (avec lissage de 10% par an) si variation de plus de 25% par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou judiciairement.

 

3 – Prévoir une clause-recette =  clause de loyer binaire

  • une partie fixe / une partie variable
  • compétence du juge des loyers commerciaux

Cass. civ. 3ème, 29 novembre 2018, n°17-27.798, Publié au bulletin

 

4 – Prévoir une durée contractuelle supérieure à neuf ans

En application du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, lorsqu’un bail comporte une durée contractuelle supérieure à neuf, le loyer renouvelé est fixé à la valeur locative par application de paliers de 10% par an depuis la loi 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel.

 

5 – Utiliser la stratégie de la prorogation tacite depuis plus de douze ans

Déplafonnement d’office du loyer renouvelé avec une fixation à la valeur locative « one shot » dès la date d’effet du renouvellement. Autrement dit sans l’existence du lissage de « 10% » susmentionné.

 

Par Alexane Raynaldy

Indemnité de licenciement : conséquences d’une faute grave commise pendant le préavis

Le contexte juridique 

Une salariée, dix jours après avoir été licenciée pour insuffisance professionnelle, se voit notifier par son employeur la rupture immédiate de son contrat de travail pour faute grave pendant l’exécution du préavis.

Privée d’indemnité conventionnelle de licenciement à l’occasion de la rupture de son contrat de travail, elle saisie la juridiction prud’homale afin d’en obtenir le paiement.

La Cour d’appel fait droit à sa demande mais calcule cette indemnité sur la base d’une ancienneté prenant fin à la date de notification de la rupture de préavis pour faute grave.

La salariée se pourvoi en cassation et fait valoir que le montant de son indemnité de licenciement devait déterminer non pas sur cette base mais sur celle d’une ancienneté calculée à la date d’expiration du délai normal de son préavis de 6 mois, qu’il ait été exécuté ou non.

L’arrêt

La chambre sociale de la Cour de cassation réfute cette analyse et approuve les juges du fond : « si le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat ; qu’ayant constaté que la faute grave commise au cours de l’exécution de son préavis par la salariée, qui n’en était pas dispensée, avait eu pour effet d’interrompre le préavis, la cour d’appel a décidé à bon droit de prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement ».

Apport de l’arrêt

S’il est de jurisprudence constante que lorsqu’un salarié commet une faute grave pendant son préavis, il peut être mis fin à ce denier et que l’interruption du préavis n’entraine pas la perte du droit à l’indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle, qui naît à la date de notification du licenciement (Cass. Soc., 28 juin 1989, nº 86-40.764 ; Cass. Soc., 8 juill. 1992, n° 89-40.619), la Cour de cassation ne s’était pas prononcée sur le montant de ce denier !

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se basant sur le principe selon lequel le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où celui-ci est notifié et que son montant tient compte de l’ancienneté du salarié à l’expiration du contrat (Cass. Soc., 11 janv. 2007, n° 04-45.250), elle en déduit que dès lors que la faute grave a pour effet d’interrompre le préavis, cette interruption doit être prise en compte pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement.

L’évaluation du montant de l’indemnité de licenciement est donc faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat de travail, de sorte que l’interruption du préavis résultant d’une faute grave commise par le salarié pendant cette période est prise en compte pour déterminer le montant de cette indemnité.

Par Clara Bellest

Quand bon sens et droit font mauvais ménage

Le contexte juridique  

Un salarié meurt, pendant un déplacement professionnel, d’une crise cardiaque au cours d’une relation sexuelle qui se déroulait au domicile d’une femme totalement étrangère à l’entreprise.

L’employeur demandait à la Cour d’infirmer le jugement de première instance et de considérer que le salarié avait sciemment interrompu sa mission, qu’il n’était plus en mission au moment où il se rendait chez cette femme et que le malaise cardiaque n’était ainsi pas dû au travail.

L’arrêt

Les juges du fond confirment la décision de première instance et estiment donc que le décès devait être pris en compte au titre de la législation professionnelle car l’employeur « ne rapportait pas la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour accomplir un acte totalement étranger à celle-ci et que le fait que l’accident soit survenu à l’issue d’un rapport sexuel consommé dans un lieu autre que la chambre d’hôtel que la société X lui avait réservée ne permettait pas à lui seul de considérer que le salarié s’était placé hors de la sphère de l’autorité de l’employeur ».

Apport de l’arrêt

Ainsi, la Cour a une application très stricte de la présomption édictée par l’article L.411-1 du Code de la Sécurité sociale qui précise qu’est un « accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».

Est présumé accident du travail tout acte accompli pendant le temps de la mission accomplie par le salarié pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante sauf à rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

Un rapport sexuel étant un acte de la vie courante, le salarié étant en mission, l’accident intervenu pendant ce rapport est bien un accident du travail, l’employeur ne justifiant pas d’un emploi du temps auquel aurait été tenu son salarié ni qu’au moment où le malaise est survenu le salarié s’était placé hors de la sphère d’autorité de son employeur.

Une réflexion devra ainsi être menée pour limiter en cas de déplacement professionnel cette période pendant laquelle le salarié est « sous la sphère d’autorité » de son employeur pour éviter un surcoût de cotisation accident du travail !

Par Corinne Metzger

Remboursement à l’employeur des sommes trop versées au titre de sa faute inexcusable

Le contexte juridique :

Pour rappel, en application de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la majoration de rente, est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

 

L’arrêt

Dans cette affaire, en exécution de jugements assortis de l’exécution provisoire, la caisse primaire d’assurance maladie a versé directement aux victimes de maladies professionnelles la réparation de leurs préjudices et en a récupéré le montant auprès de leur employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue. Le montant de la réparation ayant été réduit par arrêts partiellement infirmatifs du 31 mars 2016, la société, pour avoir paiement du trop-versé, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à la caisse qui l’a contesté devant un juge de l’exécution.

C’est dans ces conditions que la Haute juridiction a eu à se demander si la caisse devait rembourser l’employeur en cas de diminution des réparations

Approuvant les juges du fond, la Cour de cassation décide que l’employeur qui s’est acquitté auprès de la caisse primaire du montant des sommes allouées à la victime de la faute inexcusable, tout en contestant la décision des premiers juges, est fondé à demander à l’organisme social la restitution des sommes qu’il a indûment versées et d’en poursuivre le recouvrement forcé en cas de diminution du montant des réparations par décision de la cour d’appel passée en force de chose jugée.

 

Apport de l’arrêt

Selon la Cour, dans la mesure où la CPAM est chargée de verser les indemnités réparant le préjudice au bénéficiaire et se retourne ensuite contre l’employeur pour être dédommagée de ce qu’elle a réglé à sa place, l’inverse est vrai : il appartient à la caisse de restituer les sommes excédentaires à l’employeur, quitte à demander ensuite au salarié le remboursement du trop-perçu.

Par Meriem Khelif

Extension du préjudice d’anxiété à tous les produits toxiques

 

Principe antérieur : Seuls les salariés justifiant d’une exposition à l’amiante pouvaient se prévaloir du préjudice d’anxiété, étant rappelé que par arrêt du 5 avril 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait déjà étendu l’ouverture d’un droit à réparation de ce préjudice à tout travailleur exposé à l’amiante. Jusqu’alors celui-ci était limité à ceux ayant travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Evolution jurisprudentielles : Par arrêt du 11 septembre 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation étend l’ouverture du droit à réparation du préjudice d’anxiété aux salariés exposés à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave.

 

Portée de l’arrêt : Désormais, tout salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Cependant, conformément aux règles de responsabilité de droit commun, dans cette hypothèse, la réparation du préjudice n’est pas systématique. En effet, il appartiendra au salarié de démontrer :

  • l’exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • un préjudice d’anxiété personnellement subi.

L’employeur pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir mis en œuvre les mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou d’organisation adaptés « au regard du risque connu ou qu’il aurait dû connaître » visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, notamment par la mise en place d’équipements de protection individuels et collectifs adaptées (Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

Reste que certaines interrogations demeurent :

  • sur les substances pouvant être concernées par cette solution, rendant ainsi le champ d’application du préjudice d’anxiété particulièrement vaste et continuellement extensible au gré des avancées de la science.

Pour autant, l’existence d’une faute de l’employeur est subordonnée à sa connaissance de l’existence d’un risque et à l’absence de prise en compte de celui-ci par la mise en œuvre de mesures de prévention. Pour être légitime et partant, opposable, cette méconnaissance du risque suppose néanmoins pour les entreprises de se tenir régulièrement informées des résultats des éventuelles recherches sur les incidences sur la santé des produits qu’elles utilisent dans le cadre de leur activité.

  • comme suite à la décision rendue le 5 avril 2019, sur les modalités d’appréciation :
    • du préjudice d’anxiété par hypothèse, subjectif, qui doit nécessairement être individualisé ;
    • de son lien avec l’activité professionnelle, problématique mieux connues des juridictions de sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, que des Conseils de prud’hommes,
    • ou encore du point de départ du délai de prescription de l’action du salarié qui auparavant courait à compter de l’inscription de l’établissement au sein duquel il travaillait sur la liste réglementaire.

 

En pratique : Ainsi, en cas de contentieux, dès lors que la responsabilité de l’employeur serait engagée au titre d’un manquement à son obligation de sécurité, trois points pourront utilement être débattus :

  • le cas échéant, le point de départ et la durée de prescription de l’action du salarié, étant précisé qu’initialement fixée à 30 ans, cette dernière a connu des réductions successives par les lois n°2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, dont les conditions d’application aux prescriptions en cours font l’objet de mesures transitoires ;
  • la preuve de l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • le quantum de l’indemnisation du préjudice dès lors que le juge considèrerait celui-ci comme étant démontré.

Par Marjorie Fredin

Les conventions d’occupation précaires : principaux points de vigilance

 

Principe : Les dispositions de l’article L. 145-5-1 du Code de commerce disposent que « n’est pas soumise [au statut des baux commerciaux] la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ». La convention d’occupation précaire (COP) offre ainsi la possibilité pour le propriétaire d’un bien immobilier d’en offrir l’occupation sans être assujetti au régime protecteur des baux commerciaux avec les obligations qu’il implique (durée 3, 6, 9 ; indemnité d’éviction). A priori très avantageuse, la validité de la COP ne demeure pas moins soumise au respect de deux conditions essentielles.

 

Points de vigilance : La validité d’une COP est en effet subordonnée au respect de deux exigences. La première est fixée par la lettre du texte de l’article L. 145-5-1 qui rappelle d’abord qu’elle doit être conclue qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. En d’autres termes, un motif objectif de précarité doit exister lors de la formalisation de la COP. C’est par exemple le cas lorsque le bien occupé fait partie d’une zone d’activité ou se situe dans l’emprise d’un projet foncier. La seconde exigence est quant à elle fixée par la jurisprudence, laquelle considère que la COP doit également prévoir une redevance d’occupation fixée soit inférieure au prix du marché. En effet, la redevance doit en effet tenir compte du caractère précaire de l’occupation. A défaut pour le bailleur de respecter l’une de ce deux obligations, alors la COP encourt un risque sérieux de requalification en bail commercial avec toutes les obligations y étant attachées.

 

En pratique : Le recours à la COP est envisageable lorsqu’il s’agit, pour le propriétaire d’un bien vacant, de valoriser son bien par une occupation qu’il sait être nécessairement temporaire, soit parce qu’il a pour objectif de vendre ledit bien libre de toute occupation dans un futur proche, soit parce qu’il se trouve dans le périmètre d’une intervention foncière incompatible avec une occupation pérenne conférée par un bail.

Par Romain Desaix

La nullité du contrat préliminaire de réservation est sans incidence sur l’acte de VEFA

Un particulier a conclu avec la société civile de construction vente Amandine un contrat préliminaire de réservation, puis un acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement, portant sur un appartement et un emplacement de stationnement dans un immeuble en copropriété.

Cette opération devait permettre à l’acquéreur de bénéficier d’un dispositif de défiscalisation.

Considérant que la rentabilité de l’investissement était inférieure à celle promise, l’acquéreur a assigné le vendeur, l’intermédiaire et la banque auprès de laquelle elle avait souscrit le prêt en annulation de l’ensemble des contrats qu’elle avait souscrits.

La Cour d’appel a toutefois rejeté sa demande d’annulation des contrats de vente et de prêt, ce que la Cour de cassation a approuvé, considérant que :

« […] le contrat de réservation étant facultatif, sa nullité est sans incidence sur la validité de l’acte de vente ».

Le fait que le contrat de réservation soit facultatif justifie de le dissocier pleinement de l’acte de vente définitif.

Ainsi, l’acte authentique de vente continue-t-il d’exister valablement malgré l’anéantissement rétroactif du contrat préliminaire.

Par Aliénor De Roux

L’immobilier face au RGPD

Principe : Comme tous les secteurs, celui de l’immobilier est envahi par l’informatique. Au-delà de la protection des systèmes d’information, avec l’entrée en vigueur le 25 mai 2018 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), les entreprises immobilières devront protéger les données à caractère personnel qu’elles détiennent. En effet, dans le cadre de leurs activités, les entreprises immobilières collectent, traitent des données personnelles et décident des finalités pour lesquelles elles sont collectées.

A titre d’exemple, la constitution d’un fichier clients/prospects est un traitement de données personnelles.

A ce titre, les entreprises immobilières sont des responsables de traitement et font ainsi l’objet d’une attention toute particulière. L’impact du RGPD est donc évident et cela implique de nombreux changements dans la gestion de leurs données clients.

Ainsi, en 2018, la CNIL avait annoncé son souhait d’axer sa stratégie de contrôle sur le secteur de l’immobilier et plus précisément sur la nature des pièces demandées par les entreprises immobilières.

 

Clarification : La CNIL a prononcé le 28 mai 2019, une amende d’un montant de 400.000 euros à l’encontre d’un promoteur immobilier, pour manquement à son obligation d’assurer la sécurité et la confidentialité des données à caractère personnel (système d’authentification des utilisateurs) d’une part (article 32 du RGPD), et le manquement à l’obligation de conserver les données pour une durée proportionnée d’autre part (article 5-15 (e) du RGPD).

 

Apport : Les professionnels de l’immobilier doivent concevoir des sites avec des procédures d’authentification et réagir rapidement lorsqu’ils sont alertés qu’il existe une vulnérabilité dans leur système. Plus encore, lorsque la finalité de la collecte des données est atteinte, les données doivent être supprimées ou archivées dans le respect des dispositions légales et réglementaires.

Par Samira Nina

Edification d’une résidence de tourisme par une SCI, placée sous le régime de la copropriété

Principe : La qualification des lots en parties privatives ou parties communes par le règlement de copropriété doit être respectée.

 

Clarification : En l’espèce, une SCI a fait édifier une résidence de tourisme, sous le régime de la copropriété avec un état descriptif de division et un règlement de copropriété, dont elle a commercialisé les lots en l’état futur d’achèvement (VEFA).

Cette SCI a conservé la propriété de plusieurs lots composés de locaux affectés à la fourniture de prestations collectives pour plus tard en céder certains à une société puis les vendre à une autre SCI, laquelle les a donnés à bail.

Le syndicat et le gestionnaire de cette résidence ont dès lors agi en requalification des parties privatives des lots vendus à ces sociétés en parties communes et en indemnisation de leur préjudice. Subsidiairement, ils ont invoqué l’impossibilité de commercialiser la résidence en offrant l’intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux copropriétaires et ont sollicité le constat de l’abandon des lots litigieux et l’attribution de leur propriété au syndicat.

La Cour d’appel de Chambéry a, par un arrêt du 6 mars 2018, rejeté leur demande en requalification des parties privatives de ces lots en parties communes aux motifs que les lots litigieux n’avaient pas la nature de parties communes dans le règlement de copropriété.

La Cour de cassation confirme

 

Apport : La Cour d’appel a retenu à bon droit que la notice descriptive indiquant les caractéristiques techniques tant de l’immeuble lui-même que des travaux d’équipement intérieur ou extérieur a pour rôle de déterminer les spécificités principales de la construction, la nature et la qualité des matériaux, sans pour autant définir davantage les droits de l’acquéreur ni primer sur les dispositions claires du règlement et de l’état descriptif de division établissant le titre conventionnel de copropriété auquel les acquéreurs ont adhéré.

La Cour d’appel a également et justement relevé que ces dispositions conféraient aux lots litigieux des tantièmes des parties communes générales, leur consistance précise, leur destination et leur caractère privatif exprès exclusif de toute partie commune.

La demande de requalification des parties privatives en parties communes est rejetée.

Par Charlotte Duvernois

La loi de simplification du droit des sociétés modifie les règles de comptage des abstentions

La loi de simplification du droit des sociétés apporte des modifications non négligeables aux règles de décompte des voix. Ces modifications s’appliquent à compter des assemblées générales réunies pour statuer sur le premier exercice clos après le 19 juillet 2019.

Ainsi, si une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile et réunissant une assemblée extraordinaire en janvier 2020, les nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas à cette assemblée (puisqu’elle se sera tenue avant l’assemblée annuelle 2020).

 

La majorité requise pour l’adoption des décisions des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de sociétés anonymes (SA) cotées ou non sera déterminée en fonction des seules voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés. Les abstentions, de même que les votes blancs ou nuls, ne seront ainsi plus comptabilisées comme des votes négatifs, mais seraient exclues du décompte.

Selon l’AMF, cette abstention ne sera pas dénuée de toute portée car elle pourra être interprétée comme un signal d’alerte pour les dirigeants et un nouvel outil de dialogue avec la société.

La loi donne également une définition des voix exprimées, en reprenant celle retenue par le règlement européen 2157/2001 du 8 octobre 2001 sur le statut de la société européenne (art. 57 et 58) : les voix exprimées ne comprendront pas celles attachées aux actions pour lesquelles l’actionnaire n’a pas pris part au vote, s’est abstenu ou a voté blanc ou nul.

Par Hakim Ziane

Une Commune ne peut s’approprier le projet d’un artiste malgré l’absence de démonstration de son caractère original

 

Principe : Selon l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, la protection d’une œuvre est subordonnée à la démonstration de son caractère original. Ce texte traduit le principe selon lequel « les idées sont de libres parcours ». L’absence de démonstration du caractère original d’une œuvre emporte l’inapplicabilité des sanctions attachées aux actes en contrefaçon.

Le parasitisme sanctionné par les dispositions de l’article 1240 du Code civil est classiquement entendu comme un comportement qui consiste essentiellement à tenter de profiter de la notoriété d’une entreprise ou d’un produit, de vivre dans son sillage, de créer une filiation fictive. La sanction du parasitisme par la responsabilité civile est fondée dès lors que trois conditions sont réunies ; l’existence d’un dommage, la constatation d’une faute et leur lien de causalité.

 

Clarification : Sans surprise, le Tribunal de grande instance a rejeté l’ensemble des demandes fondées sur l’action en contrefaçon, estimant que le projet de parcours artistique remis par l’Artiste à la commune ne contenait pas, en lui-même l’empreinte de la personnalité de l’auteur notamment en raison de l’absence de toute esquisse, ébauche, croquis ou dessin de surcroît il n’apporte aucune démonstration permettant d’expliquer que le choix de certaines façades ou la proposition du parcours seraient le résultat d’une scénographie originale.

Toutefois, les juges du fond viennent sanctionner lourdement les agissements de la commune sur le terrain du parasitisme. Ils considèrent que la reprise de certains éléments du projet de l’Artiste, a permis à la commune de profiter de ses investissements, de son travail, de sa notoriété et de son expérience.

Le Tribunal ajoute que cette reprise par le titulaire du marché est susceptible de faire naître une confusion dans l’esprit du public sur la paternité des fresques dès lors que l’artiste-peintre avait déjà réalisé des fresques semblables sur le territoire de ladite commune.

 

Apports : Le Tribunal de grande instance de Marseille en jugeant que l’absence d’originalité d’un projet n’exclut pas les sanctions issues des règles de la responsabilité civile s’inscrit dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation qui considère que si la reprise d’une scénographie ne constitue pas nécessairement une contrefaçon de droit d’auteur, elle peut néanmoins être qualifiée d’agissements parasitaires lorsqu’une confusion résulte de cette reprise. L’utilisation sans autorisation d’une idée peut donc engager la responsabilité civile de l’utilisateur en l’espèce une commune.

Par Manon Boinet

Adoption de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

Le 23 juillet 2019, l’Assemblée nationale a adopté sans modification, en deuxième lecture, la proposition de loi, adoptée avec modification par le Sénat en deuxième lecture.

La proposition de loi a été promulguée au Journal Officiel le 26 juillet 2019.

En adoptant cette loi, la France est devenue le premier pays à transposer la Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique dont l’ultime mouture a été définitivement adoptée le 26 mars dernier par le Parlement européen réuni en assemblée plénière à Strasbourg.

Rappelons que cette transposition n’est que partielle puisque la proposition de loi présentée par David ASSOULINE, Patrick KANNER, Marc DAUNIS et plusieurs de leurs collègues, ne traite que des droits voisins des éditeurs et des agences de presse relatif à l’exploitation numérique de leurs publications de presse. Le reste de la directive, notamment son très discuté article 13 (désormais article 17) qui reprend intégralement le régime de responsabilité des plateformes d’hébergement en ligne (YouTube, Dailymotion …), fera l’objet de la loi sur l’audiovisuel prévue pour le deuxième semestre 2020.

Les apports de la loi sont considérables et n’ont certainement pas terminé d’être acclamés par le milieu des agences et des éditeurs de presse.

 

En leur reconnaissant un droit voisin à part entière, au même titre que les artistes-interprètes ou les producteurs de phonogrammes, la loi leur confère une protection des plus opportune puisqu’elle était, jusqu’alors, quasi-inexistante.

En effet, les exigences d’une presse libre et pluraliste, indispensables pour garantir l’accès aux citoyens à une information de qualité, ont entrainé une multiplication des sources journalistiques (particulièrement avec le développement de la presse en ligne) et avec elle, l’émergence de nouveaux services en ligne tels que les agrégateurs d’informations ou les services de veilles médiatiques dont l’activité principale consiste à réutiliser des publications de presse. De leur côté, les éditeurs de publication de presse n’étant pas reconnus comme titulaires de droits, rencontraient beaucoup de difficultés pour l’octroi de licences d’exploitation et donc pour obtenir rémunération desdites réutilisations.

Cette pratique devrait désormais être bannie du paysage médiatique puisque le nouvel article L. 218-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que : « l’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise [moyennant rémunération] avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous forme numérique par un service de communication au public en ligne ».

 

En outre, la loi vient agrémenter l’actuel article L. 211-4 du CPI d’un paragraphe V. fixant la durée des droits patrimoniaux des éditeurs de presse et des agences de presse à deux ans, à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse.

 

Des amendements ont également précisé que la fixation du montant de la rémunération due au titre des droits voisins, prendra en compte « des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse », ainsi que « la contribution des publications de presse à l’information politique et générale » (article L. 218-4 al. 2 nouveau).

L’idée des rédacteurs est ici d’encourager une presse de qualité en rémunérant l’utilisation des publications de presse en fonction de leur contribution au débat public et au bon fonctionnement d’une société démocratique, et non du niveau d’audience atteint.

Cette disposition aurait toutefois mérité quelques précisions. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, on peut se demander si les contenus qui ne constitueraient pas de l’information politique et/ou générale entrent tout de même dans le champ de la protection et a fortiori, de la rémunération.

 

Du reste, la protection accordée aux éditeurs et agences de presse n’est, pas sans limites puisque le nouvel article L. 211-3-1 prévoit, en toute conformité avec l’article 15 de la directive, que ces derniers ne pourront interdire :

  1. Les actes d’hyperlien ;
  2. L’utilisation de mots isolés ;
  3. Ou l’utilisation de très courts extraits d’une publication de presse.

Ces exceptions permettent ainsi de préserver le principe de libre circulation de l’information et tracent, au demeurant, une frontière assez nette entre ce qui est autorisé et ce qui requiert l’autorisation préalable de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse.

Mais comme l’a souligné l’Association des Services Internet Communautaire (ASIC) dans son communiqué en date du 23 juillet, on peut ici aussi regretter l’absence de précision quant au sens de certains concepts comme la notion de « court extrait ».

Il reviendra donc aux juges de préciser les contours encore incertains de ce droit, et d’en expliciter plus concrètement la mise en œuvre.

Par My-Kim Yang-Paya et Clément Legrand

La consécration de l’intérêt social et de la raison d’être de la société par la loi PACTE

L’une des grandes ambitions de loi Pacte[1] était la redéfinition de la place de l’entreprise dans la société. Dans ce cadre, son article 169 complète la définition de l’objet des sociétés, qu’elles soient commerciales ou civiles.

Déjà, le projet de loi dite Macron du 6 août 2015[2] envisageait dans sa version initiale de compléter l’article 1833 du Code civil par une obligation que la société soit gérée « au mieux de son intérêt supérieur, dans le respect de l’intérêt général économique, social et environnemental ». Cette modification n’a pas été retenue.

Ce sont les recommandations du rapport Notat-Senard du 9 mai 2018 intitulé « l’entreprise, objet d’intérêt collectif » qui ont été consacrées par la loi Pacte.

Le rôle social et environnemental des entreprises a été renforcé par l’ajout d’un second alinéa à l’article 1833 du Code civil rédigé de la manière suivante « la société doit être gérée dans son intérêt propre en considérant des enjeux sociaux et environnementaux de son activité », mais également d’un second alinéa à l’article 1835 du même code selon lequel « l’objet social peut préciser la raison d’être de l’entreprise constituée ».

Mais la loi Pacte permet aux entreprises d’aller au-delà de la simple possibilité de se doter d’une raison d’être, en faisant publiquement état de leur qualité de « société à mission » [3].  

 

A. La prise en compte de l’intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux

Désormais, l’actuel article 1833 du Code civil prévoyant que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » est complété par un second alinéa au terme duquel : « La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Les mêmes principes sont ajoutés articles L. 225-35 et L. 225- 64 du Code de commerce relatifs aux sociétés anonymes.

La notion d’intérêt social consacrée par Pacte n’est pas inconnue en droit. La Cour de cassation emploie cette notion de longue date notamment pour contrôler la validité des actes accomplis par les dirigeants et les associés (appréciation de la révocation pour juste motif, responsabilité du dirigeant social).

On la retrouve également à l’article L. 221-4 du Code de commerce concernant les SARL, qui dispose que « Dans les rapports entre associés, et en l’absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant peut faire tous actes de gestion dans l’intérêt de la société ». Des dispositions similaires sont prévues à l’article 1848 du Code civil pour les sociétés civiles.

Cependant, aucune définition légale n’est donnée à cette notion d’intérêt social qui se veut être une notion flexible qui reste à l’appréciation des juges du fond.

Le rapport Notat-Sénard quant à lui ne définit pas l’intérêt social mais explique l’esprit de cette notion. L’idée était de faire en sorte que la société ne soit pas gérée en fonction des seuls intérêts particuliers des associés.

Soutenant la montée en puissance de la responsabilité sociale et environnementale, la loi Pacte a intégré dans le droit commun du droit des sociétés la notion d’enjeux sociaux et environnementaux sans plus la définir.

La prise en considération de ces enjeux devra se faire dans le cadre de la gestion de la société. Mais quelle est sa force obligatoire ?

La loi précise que la société « doit » être gérée dans son intérêt social, à la différence des enjeux sociaux et environnementaux qui doivent être « pris en considération ».

La mise en œuvre des enjeux sociaux et environnementaux serait donc qu’une obligation de moyen.

 

Sanction du non-respect de l’intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux

Le non-respect de l’intérêt social fait déjà l’objet de sanction. En effet, il est de jurisprudence constante que le dirigeant qui accomplit des actes en méconnaissance de l’intérêt de la société commet une faute de gestion qui est source de responsabilité civile et délictuelle.

De même la méconnaissance de l’intérêt social peut constituer un motif de révocation du dirigeant et être sanctionnée sur le terrain de l’abus de biens sociaux.

Une disposition similaire est prévue par l’article L. 241-3 du Code de commerce pour les sociétés à responsabilité limitée.

Concernant la sanction de la méconnaissance des enjeux sociaux et environnementaux, l’étude d’impact de la loi prévoit que « les nouvelles dispositions ne créent pas de nouveau régime de responsabilité délictuelle. Toute responsabilité, de la société comme de ses dirigeants, qui serait recherchée sur le fondement de l’absence de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux devrait s’inscrire dans l’une des hypothèses reconnues par le droit commun des sociétés (existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité) »[4].

C’est donc le régime de responsabilité de droit commun qui s’appliquera.

 

B. La raison d’être de la société

Dorénavant « les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » [5].

L’inscription dans les statuts n’est qu’une simple faculté, elle n’est donc pas obligatoire et peut aussi figurer dans un autre document (pacte d’actionnaires, règlement intérieur, charte…).

Tout comme la notion d’intérêt social, celle de la « raison d’être » ne fait l’objet d’aucune définition légale. Cette notion étant totalement nouvelle, aucun jugement n’y fait référence.

Néanmoins, l’exposé des motifs du projet de loi Pacte préconise que : « Ce projet d’article incite ainsi, sous la forme d’un effet d’entrainement, les sociétés à ne plus être guidées par une seule « raison d’avoir », mais également par une raison d’être, forme de doute existentiel fécond permettant de l’orienter vers une recherche du long terme ».

Et le rapport Notat-Sénard précise que « la raison d’être peut se définir comme l’expression de ce qui est indispensable pour remplir l’objet de la société ».

La raison d’être est un principe vertueux qui vise à inciter les entreprises à ne pas être animées que par la seule recherche de profit.

 

La sanction

Dès lors que les associés décideront d’intégrer une raison d’être dans leurs statuts, ils seront tenus de la respecter.

En tant que stipulation statutaire, son non-respect pourrait être sanctionné sur le fondement de l’article 1850 du Code civil qui dispose que « Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion ».

Mais également sur le fondement de l’article L. 225-251 du Code de commerce selon lequel : « Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ».

Il ressort de ces articles que l’insertion de la raison d’être dans les statuts peut être une source de responsabilité suppémentaire des dirigeants et son non-respect pourrait être invoqué par la société elle-même à l’encontre d’un dirigeant, mais également par des tiers ou même des actionnaires à l’encontre de la société.

 

C. La possibilité de faire état de la qualité de société à mission

Afin de renforcer la responsabilité sociétale des entreprises, la loi Pacte a créé « l’entreprise à mission » qui met sur un même pied d’égalité les performances économiques et la contribution au bien commun.

Le texte d’impact du projet de loi Pacte défini l’entreprise à mission comme une entreprise constituée par des associés qui stipulent, dans leur contrat de société, une mission sociale, scientifique ou environnementale qu’ils assignent à leur société en plus de leur objectif de profit.

C’est le nouvel article L. 210-10 du Code de commerce qui prévoit ce statut : « Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :
« 1° Ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du code civil ;
« 2° Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ;
« 3° Ses statuts précisent les modalités du suivi de l’exécution de la mission mentionnée au 2°. Ces modalités prévoient qu’un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l’article L. 232-1 du présent code, à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ;
« 4° L’exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2° fait l’objet d’une vérification par organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d’Etat. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3° ;
« 5° La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1° à 3°, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat ».

 

La sanction

La loi PACTE a introduit un nouvel article L. 210-10 dans le Code de commerce qui prévoit la sanction du non-respect des objectifs propres à la société à mission :

« Lorsque l’une des conditions mentionnées à l’article L. 210-10 n’est pas respectée, ou lorsque l’avis de l’organisme tiers indépendant conclut qu’un ou plusieurs des objectifs sociaux et environnementaux que la société s’est assignée en application du 2° du même article L. 210-10 ne sont pas respectés, le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal statuant en référé aux fins d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, au représentant légal de la société de supprimer la mention “ société à mission ” de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société ».

D’autres sanctions, notamment sur le champ des vices du consentement (l’erreur sur la qualité de la personne morale, dol) pourraient être invoquées par les parties prenantes, pour obtenir la nullité d’un acte conclu avec une société à mission ne respectant pas ses objectifs.

Les décrets en Conseil d’Etat sont très attendus sur ce sujet. A suivre donc.

 

[1] La loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises a été promulguée le 22 mai 2019 et publiée au journal officiel le 23 mai 2019

[2] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

[3] Article 176 de la loi Pacte

[4] Etude d’impact page 546

[5] Articles 1835 alinéa 2 du Code civil et L. 225-64 du Code de commerce

Par My-Kim Yang-Paya, Avocate Associée

100 Lettres d’actualités juridiques

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Chacun des secteurs du cabinet (contrats publics, vie des acteurs publics, foncier, urbanisme, aménagement , immobilier, logement social , ressources humaines (droit de la fonction publique et droit social), construction, intercommunalité, droit pénal, domanialité, aide économique, énergie, télécommunications, environnement, droit des entreprises publiques, droit des affaires, propriété intellectuelle, baux civils et commerciaux, transport, données, finances locales…) a apporté sa pierre à l’édifice.

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Les lettres d’actualités se sont enrichies de l’apport de nos partenaires, le cabinet Arbor-Tournoud pour le droit fiscal, Audrey Lefèvre en droit des contrats informatiques et le cabinet Garreau – Bauer-Violas – Feshotte-Desbois pour la cassation.

Cet effort de diffusion des connaissances juridiques nous a permis d’aller à votre rencontre et d’être aujourd’hui le premier cabinet d’avocats de l’action publique et de l’économie sociale et solidaire

Nous étions 28 avocats il y a 12 ans au lancement de la première LAJ, nous sommes aujourd’hui 80 et plus de 100 personnes implantés à Paris, Toulouse, Nantes, Lyon, Grenoble, Besançon et La Roche-sur-Yon.

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