Le droit de préférence légal de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce s’impose au bailleur, dans certaines conditions. La présente décision apprécie la marge de manœuvre dont celui-ci dispose lorsqu’il met en œuvre ce droit au profit de son preneur

Par l’arrêt du 27 mai 2020 rapporté, la Cour d’appel de Paris est venue préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, disposition déclarée d’ordre public par la 3e chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 28 juin 2018.  (Cass. Civ., 3ème, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739).   

Alors qu’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé était pendante devant le juge des loyers, la bailleresse notifia à son preneur une offre de vente, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018.  

L’offre était faite à un prix d’environ 5 millions d’euros (outre 300.000 € d’honoraires d’agence supportés par l’acquéreur). Le preneur contestait l’offre, le 29 octobre suivant. Le 9 novembre 2018, la bailleresse concluait avec un tiers acquéreur, une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence du preneur, prorogée à plusieurs reprises, pour in fine expirer le 31 décembre 2020. 

La bailleresse assigna alors à jour fixe le preneur devant feu le Tribunal judiciaire de Paris – anciennement dénommé Tribunal de grande instance de Paris – afin de voir confirmer que la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins. Par jugement du 28 mars 2019, les juges confirmèrent que la bailleresse avait régulièrement purgé le droit de préférence, relevant que la locataire n’avait pas accepté cette offre. La locataire interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui la débouta de l’ensemble de ses demandes.  

Cet arrêt mérite d’être relevé en ce qu’il apporte et rappelle plusieurs précisions pratiques s’agissant de la vente d’un local commercial assujetti à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. 

 

Point n° 1 : Les démarches relatives à la commercialisation du bien ne sont pas conditionnées à la mise en œuvre par le bailleur du droit de préférence légal 

C’est à notre sens, l’apport pratique le plus important de la décision rendue. S’agissant de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le droit de préférence du locataire prend naissance, au moment où « le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage » de le vendre. La difficulté tient à la définition du terme « envisager ». Selon le preneur, le droit de préférence doit préexister à toute initiative de la bailleresse quant à la vente de son bien. En d’autres termes, le preneur considérait que la bailleresse ne pouvait ni mandater un agent immobilier pour la mise en vente de son bien, ni même signer une promesse de vente sur ce bien. 

De manière particulièrement nette, la Cour d’appel a approuvé les juges du premier degré d’avoir rejeté cette argumentation, « le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, afin de déterminer sa valeur et de vérifier l’existence d’un marché ».  

 

Point n° 2 : La mention relative aux honoraires de l’intermédiaire immobilier dans la notification faite par le bailleur, n’entraîne pas la nullité de l’offre de vente 

Si le droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public, les erreurs relatives à son contenu ne sont pas toujours sanctionnées. En l’espèce, la bailleresse avait notifié le droit de préférence à son preneur, en faisant mention des honoraires de l’intermédiaire immobilier, mis à la charge de l’acquéreur. Si l’on sait de manière certaine que ces frais ne peuvent être imputés au preneur bénéficiant du droit de préférence, la bailleresse n’ayant nul besoin d’un agent immobilier pour réaliser cette vente, qu’en est-il lorsque la notification les fait figurer parmi les conditions financières de la vente projetée ? 

La position de la Cour est claire : « Le seul fait que l’offre de vente mentionne en sus du prix principal, le coût des honoraires de l’agent immobilier, sans introduire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente ».  

La Cour de cassation précise la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel sur le cumul de sanctions pénales et fiscales dans le cadre du délit de fraude fiscale

Par deux décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 1741 du Code général des impôts – texte d’incrimination des fraudes fiscales – qui prévoit, en sus des sanctions fiscales, la possibilité de prononcer des sanctions pénales, est conforme au principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines, tout en réservant cette possibilité de cumul aux cas les plus graves de fraudes par dissimulation de sommes soumises à l’impôt. 

Dans une décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel qui a étendu cette réserve aux cas les plus graves d’omissions déclaratives frauduleuses, a précisé que « cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ». 

La décision du 24 juin 2020 de la Chambre criminelle constitue une illustration intéressante de cette grille d’appréciation fixée par le Conseil constitutionnel.  

En l’espèce, le prévenu, gérant d’une société dont il était l’associé unique, était poursuivi des chefs d’omissions de déclarations de l’impôt sur les sociétés et de la TVA et avait été condamné par la Cour d’appel à une sanction pénale. 

Le prévenu, considérant, d’une part, que la Cour d’appel avait méconnu la réserve posée par le Conseil constitutionnel en considérant qu’elle ne s’appliquait qu’aux cas de fraudes par dissimulation des sommes soumises à l’impôt – et non d’omission -, s’est pourvu en cassation. 

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2018 susvisée, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en veillant toutefois à rappeler que la réserve d’interprétation constitutionnelle s’applique également aux cas les plus graves d’omission déclarative frauduleuse.  

D’autre part, le prévenu reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que les faits constituaient un cas grave d’omission déclarative, sans indiquer concrètement les motifs de cette interprétation au regard de la situation en cause.  

Sur ce point, la Chambre criminelle précise que « la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l’objet, en complément de sanctions fiscales, de sanctions pénales, ne s’applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale pour les mêmes faits ».  

En d’autres termes, pour que la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel soit applicable au cas d’espèce, il aurait fallu que le prévenu puisse justifier d’une condamnation sur le plan pénal et fiscal, à titre personnel, pour les mêmes faits ; tel n’était pas le cas. 

Par cet arrêt qui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Chambre criminelle a entendu rappeler aux juges du fond les contours de la réserve d’interprétation constitutionnelle sur le cumul des peines pénales et fiscales. 

Mise en demeure de plusieurs communes par la CNIL à raison d’une utilisation de la LAPI irrégulière

Ce 25 août 2020, la CNIL a publié sur son site internet, un article faisant état de la mise en demeure de plusieurs communes à raison d’une utilisation irrégulière de la LAPI (lecture automatisée des plaques d’immatriculation).  

A cette occasion, elle est venue rappeler que si la LAPI pouvait être utilisée, à ce jour, dans le cadre du contrôle du forfait de post-stationnement (et sous la condition de l’intervention d’une personne physique avant toute prise de décision conformément à l’article 22 du RGPD), son recours demeurait, en revanche exclu pour la recherche et la constatation d’infractions.  

La CNIL relève, en effet, que l’arrêté du 14 avril 2009 (NOR : IOCD0820014A), qui permet la mise en œuvre par les communes de traitements automatisés ayant pour objet la constatation et la poursuite d’infractions pénales, ne prévoit pas la collecte de fichiers photographiques 

Dans ces conditions, elle affirme, qu’en l’absence de modification de cet arrêté, il ne saurait être permis pour les communes de collecter et de traiter des photographies de véhicules -notamment en vue rapprochée de la plaque d’immatriculation – pour l’exercice de leur pouvoir de police (en lien avec la tranquillité publique ou la salubrité publique). 

Données personnelles : Publication d’un guide pratique sur les tiers autorisés

Au cours de l’été, la CNIL a diffusé sur son site internet un guide sur les tiers autorisés. 

Cette publication méritait, à notre sens, d’être signalée, dès lors qu’elle vient lever plusieurs incertitudes, à laquelle nombre d’acteurs publics se sont trouvés confrontés du fait de l’ambiguïté juridique de la notion de « tiers » telles que définie au sein du RGPD.  

Ce guide précise ainsi, de façon explicite, les points à vérifier, par un organisme, avant toute communication de données à un tiers autorisé, soit notamment : 

  • l’obtention d’une demande de communication écrite précisant le fondement légal de la demande ;  
  • le contrôle de la qualité du tiers autorisé à l’origine de la demande ; 
  • la vérification que le périmètre de la demande respecte les dispositions légales invoquées (notamment lorsque celles-ci écartent ou rappellent l’obligation de respect d’un secret professionnel) ; 
  • l’application de mesures de confidentialité afin de sécuriser l’échange ; 
  • la conservation d’une traçabilité des échanges et des vérifications réalisées. 

Ce faisant, la légitimité de la pratique d’une demande systématique d’un écrit intégrant la base légale de la saisine s’en trouve pleinement confortée. En cas de récalcitrante d’une autorité publique à s’y soumettre, les organismes pourront désormais utilement faire valoir ce guide.  

Au demeurant, la CNIL a pris soin, de façon également précieuse, de lister une centaine de demandes courantes autorisées.  

En cela, il constitue un document de référence directement opérationnel et pertinent dont nous recommandons vivement la lecture.  

Pas d’obligation d’informer les candidats de la pondération ou de la hiérarchisation des sous-critères de sélection des offres qui ne sont pas susceptibles d’exercer d’influence sur la présentation des offres par les candidats

Les faits de l’affaire ici commentée sont les suivants : la Commune de Midrevaux a engagé une procédure d’attribution d’un marché de renouvellement de son réseau d’eau potable et de collecte des eaux usées selon une procédure adaptée. A l’issue de cette dernière, la société Rémy Boulanger est classée en deuxième position.  

Afin de contester son éviction et obtenir la réparation du préjudice que celle-ci lui aurait fait subir, la société, après avoir adressé une demande indemnitaire préalable, forme un recours devant le Tribunal administratif de Nancy.  

Celui-ci, par un jugement du 28 septembre 2018, condamne la commune de Midrevaux à verser à la société Rémy Boulanger la somme de 32.915,12 euros.  

Estimant cette indemnisation insuffisante, la société requérante interjette appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Nancy en faisant notamment valoir que :  

  • L’information des candidats sur la pondération des sous-critères d’appréciation de la valeur technique de l’offre a été insuffisante en l’absence de mention de cette pondération et d’information des candidats sur l’ensemble des sous-critères d’appréciation dans le règlement de la consultation ;  

  

  • Le sous-critère relatif aux références antérieures des candidats pour des prestations similaires est illégal au regard de la nature des prestations demandées qui ne présentent aucune spécificité. 

  

Sur le premier point, la Cour commence par rappeler que pour assurer le respect du principe de liberté d’accès à la commande publique, le pouvoir adjudicateur est tenu d’indiquer dans les documents de la consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre. En revanche celui-ci n’est pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de ces critères.  

Par suite, lorsque pour mettre en œuvre lesdits critères, le pouvoir adjudicateur fait usage de sous-critères de sélection, il est tenu de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères seulement lorsqu’ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats. En effet, dans ce cas, ces sous-critères doivent être considérés comme des critères de sélection.  

Au cas présent, les 12 sous-critères utilisés par la commune de Midrevaux pour apprécier le critère de la valeur technique étaient pondérés de manière quasi-similaire[1], ce qui manifeste, selon la Cour, l’intention de la commune de ne pas accorder à l’un d’entre eux une importance particulière.  

Dès lors, ces éléments d’appréciation du critère valeur technique n’étaient pas de nature à exercer une influence sur la présentation des offres et ne constituaient donc pas des sous-critères pondérés ou hiérarchisés que le pouvoir adjudicateur était tenu de porter à la connaissance des candidats.  

Ainsi, la Cour considère que c’est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a estimé que la commune de Midrevaux a manqué à ses obligations d’information des candidats sur les modalités de mise en œuvre de l’appréciation du critère valeur technique.  

  

Sur le second point, la Cour considère que, dans le cadre d’une procédure de sélection adaptée, le pouvoir adjudicateur pouvait retenir, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur l’expérience des candidats et donc sur les références portant sur l’exécution d’autres marchés, si sa prise en compte répond à deux conditions :  

  • Premièrement, elle est objectivement nécessaire au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser ;  

  

  • Deuxièmement, elle n’a pas d’effet discriminatoire.  

  

En l’espèce, la Cour estime, d’une part, que ce critère constituait en réalité un élément d’appréciation pour la notation du critère de la valeur technique et non un critère d’attribution du marché ayant une influence sur la présentation des offres dont les candidats auraient dû être informés (cf. supra). D’autre part, ce même élément d’appréciation ne pouvait, au regard de sa pondération, présenter un caractère discriminatoire.  

Dans ce cadre, la Cour rejette également les arguments de la société requérante sur ce point et annule le jugement du Tribunal administratif de Nancy. 

[1] Ces 12 éléments d’appréciation sont affectés de 1 point pour l’un de ces éléments seulement à 5 points pour trois d’entre eux et de 2 à 4 points pour huit autre. 

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le contrôle de la pondération des critères de jugement des offres

Dans un arrêt du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat a précisé que l’acheteur public pouvait librement déterminer la pondération des critères de jugement des offres sauf à ce que celle-ci conduise à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, le juge se limitant à un contrôle restreint de la pertinence de la pondération retenue par l’acheteur. 

Dans cette affaire, le Ministère de la défense a lancé, selon une procédure adaptée, la passation d’un marché à bons de commande, en vue de la réalisation, notamment, de prestations de formation « achats publics ». A l’issue de l’analyse des offres, celles du groupement constitué des sociétés Erics Associés et Altaris ont été rejetées. Ces dernières ont formé un recours devant le Tribunal administratif de Rennes pour contester leur éviction, rejeté par la juridiction de première instance. 

Les sociétés évincées ont donc interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a quant à elle considéré que la pondération des critères de jugement des offres, de 90% pour la valeur technique et de 10% pour le critère prix, était « particulièrement disproportionnée », et qu’elle conduisait à « neutraliser manifestement le critère du prix ». Ce faisant, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Rennes.  

Saisi par le ministre des armées, le Conseil d’Etat ne suit pas le même raisonnement.  

D’une part, il rappelle, reprenant sa jurisprudence antérieure[1], que dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de procéder à une pondération des critères mais peut se contenter d’une simple hiérarchisation de ces derniers[2].  

D’autre part, il précise que « le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères du choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse ».  

La jurisprudence admettait déjà que le juge administratif contrôle la pertinence de la pondération des critères de jugement des offres[3]. Le Conseil d’Etat précise désormais dans cet arrêt que l’acheteur public détermine librement cette pondération, soumise à un contrôle restreint de la part du juge[4], qui devra seulement éviter qu’elle conduise à rejeter l’offre économiquement la plus avantageuse.  

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat estime qu’au cas présent, la pondération prévue par le règlement de la consultation, à savoir un critère valeur technique pondéré à 90% et un critère prix pondéré à 10%, n’est pas manifestement disproportionnée ni de nature à neutraliser manifestement le critère prix. Par suite, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes. 

[1] Voir en ce sens les conclusions de M. Bertrand DACOSTA, commissaire du gouvernement, sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 janvier 2009, ANPE, n° 290236 

[2] On rappellera que dans le cadre d’une procédure adaptée, l’acheteur public est libre de procéder à la pondération ou à la hiérarchisation des critères de sélection des offres, alors qu’en procédure formalisée, il est tenu de procéder à la pondération des critères sauf si celle-ci s’avère impossible (voir en ce sens l’article R. 2152-11 du Code de la commande publique). 

[3] Voir notamment en ce sens CE, 7 mai 2013, Département de Paris, n° 364833 

[4] Limité à contrôler les erreurs manifestes d’appréciation 

Rupture conventionnelle dans la fonction publique : l’accompagnement de l’agent par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative lors de l’entretien préalable est-il contraire à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 ?

1 – Aux termes des dispositions de l’article 72 alinéa 10 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique introduisant la possibilité d’une rupture conventionnelle dans la fonction publique, il ressort que : 

« Durant la procédure de rupture conventionnelle, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix ». 

Si cette possibilité offerte à l’agent de se faire assister à l’occasion de l’entretien obligatoire et préalable à la rupture conventionnelle apparaît comme une condition substantielle à la validité de la convention de rupture, la notion d’« organisation syndicale représentative » interroge. 

C’est d’ailleurs en ce sens que le Syndicat national des collèges et des lycées (S.N.C.L.) et celui des agrégés de l’enseignement supérieur (S.A.G.E.S.) ont saisi le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité. 

  

2 – A l’appui de leur recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret n°2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique, ils soutiennent que cette disposition serait contraire aux dispositions du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 lequel dispose que : 

« 6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». 

En d’autres termes, en limitant le choix des agents engagés dans une procédure de rupture conventionnelle aux seules organisations syndicales représentatives – excluant de facto les organisations syndicales non-représentatives auprès desquelles ils peuvent être adhérents – le S.N.C.L. et le S.A.G.E.S. estiment que le dixième alinéa de l’article 72 de la loi de transformation de la fonction publique n’est pas conforme à la Constitution. 

  

3 – Reprenant les trois conditions classiques nécessaires à la saisine du Conseil constitutionnel définies à l’article 23-2 de l’Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et tenant à l’application de la décision contestée au litige en cours, à son absence de déclaration de conformité à la constitution et au caractère sérieux de la question posée, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer ladite question au Conseil constitutionnel en jugeant que : 

« le moyen tiré de ce que les dispositions du dixième alinéa du I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d’égalité et les droits proclamés au sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux ». 

 

4 – Le Conseil constitutionnel a enregistré cette affaire sous le numéro 2020-860 QPC et dispose désormais d’un délai de trois mois à compter du 16 juillet 2020 pour statuer.

Dans quelles conditions le maître d’ouvrage peut-il exercer un recours subrogatoire à la suite de troubles anormaux de voisinage résultant de son chantier ?

« Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » est un principe consacré par la jurisprudence qui oblige, en présence d’un lien de causalité, l’auteur d’un trouble « anormal » à dédommager la victime de son préjudice, quand bien même son activité serait licite et qu’il n’aurait commis aucune faute (Cass. Civ., 2ème, 19 novembre 1986, n° 84-16379).  

La responsabilité du maître d’ouvrage est alors susceptible d’être engagée du fait des intervenants à son opération (Cass. Civ., 3ème, 22 juin 2005, n° 03-20068).  

La responsabilité du constructeur peut également être engagée s’il est démontré que le désordre est en relation directe avec les missions respectivement confiées aux constructeurs (Cass. Civ., 3ème , 28 avril 2011, n° 10-14516), bien que la victime fasse le plus souvent le choix de diriger son action à l’encontre du maître d’ouvrage.  

C’est exactement ce qui s’est produit dans cette affaire où le maître d’ouvrage a été condamné à indemniser les copropriétaires de l’immeuble voisin du fait notamment des bruits excessifs occasionnés par le chantier.  

Celui-ci a ensuite voulu exercer un recours subrogatoire contre les constructeurs et leurs assureurs, et plus particulièrement à l’encontre du maître d’œuvre chargé d’une mission « d’organisation et de suivi des travaux » ainsi que de « surveillance du chantier ».  

La Cour de cassation est venue confirmer le rejet des demandes formées contre ce dernier, en rappelant que « le maître de l’ouvrage, subrogé dans les droits des voisins victimes de troubles anormaux du voisinage, ne peut agir contre ses constructeurs que si les troubles sont en relation directe avec la réalisation des missions qui leur ont été confiées ».  

Or, en l’espèce, le maître d’œuvre n’était pas à l’origine des bruits excessifs ayant générés les préjudices de jouissance, financiers et économiques des voisins, de sorte que ces préjudices ne lui étaient pas imputables.  

Ainsi, comme tout voisin qui aurait fait le choix de rechercher directement la responsabilité du constructeur, le maître d’ouvrage doit, dans le cadre de son recours subrogatoire, faire la démonstration d’une relation directe entre les missions confiées et le préjudice subi.  

A titre de parallèle pour le maître d’ouvrage public, sa responsabilité peut évidemment être aussi engagée, même en l’absence de faute, pour les troubles provoqués par des travaux publics.  

A noter toutefois que par principe, la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation, alors même que ces dommages ne seraient ni apparents ni connus à la date de la réception (CAA Marseille, 21 mars 2019, n° 17MA04873).  

Maîtrise de la dépense publique locale : Annulation de l’arrêté préfectoral fixant le niveau maximal des dépenses réelles de fonctionnement de la Ville d’Ivry-sur-Seine pour la période 2018-2020

Par un jugement du 17 juillet 2020, le Tribunal a annulé l’arrêté pris par le Préfet du Val-de-Marne à l’égard de la Ville d’Ivry-sur-Seine fixant le niveau d’évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement – « DRF » – pour la période 2018-2020.  

Ces contrats de maîtrise de la dépense publique locale, applicables aux « grandes collectivités » françaises (notamment les régions, les départements et les communes et EPCI à fiscalité propre dont les DRF pour 2016 représentent plus de 60 millions d’euros) pour cette période triennale en vertu de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 du 22 janvier 2018, ont donné lieu à un certain nombre de mécontentements de la part des collectivités et de leurs associations représentatives, et conduit un certain nombre de collectivités à refuser leur signature.  

Ces collectivités se sont alors vu notifier un acte unilatéral (arrêté préfectoral) fixant le taux et le niveau d’évolution de leurs DRF pour la période, arrêté qui a été attaqué en l’espèce par la Ville d’Ivry-sur-Seine, laquelle contestait le défaut d’éligibilité à un critère légal de modulation à la hausse du taux d’évolution de ses dépenses (au titre du nombre de logements dont la construction a été autorisée sur la période 2014-2016).  

Le Préfet, prenant en compte les chiffres transmis par l’Etat issus de la base de données SITADEL, avait en effet considéré que la Ville n’y était pas éligible, alors qu’elle contestait les chiffres de cette base de données et produisait des éléments démontrant que n’avait pas été prise en compte, à tort, l’autorisation d’urbanisme portant sur la construction d’un centre d’hébergement d’urgence de plus d’une centaine de logements sur son territoire, et soutenait ainsi être éligible à ce critère de modulation à la hausse.  

Le Tribunal a considéré que les logements ayant fait l’objet d’un permis de construire à titre précaire (ce qui était le cas en l’espèce) entrent dans le calcul du critère de modulation prévu par la loi du 22 janvier 2018 et qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou règlementaire que les données devant être prises en compte pour le calcul à effectuer devaient exclusivement être issues du traitement de données SITADEL.  

Partant, le juge de première instance consacre le fait que le Préfet, dans le dialogue qu’il a la responsabilité de mener avec les collectivités locales dans le cadre du dispositif de maîtrise de la dépense publique locale, ne doit pas seulement s’appuyer sur les données étatiques officielles, mais également sur les éléments qui sont portés à sa connaissance par la collectivité au cours de l’instruction du dossier.  

En retenant que la Ville d’Ivry-sur-Seine n’était pas éligible au facteur de modulation du taux d’évolution de ses DRF relatif à la construction de logements, le Préfet du Val-de-Marne a ainsi méconnu les dispositions de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. 

Ce jugement est notable en ce qu’il s’agit a priori de la première décision favorable à une collectivité locale en la matière. Elle est également très intéressante en ce qu’elle vient affirmer avec force le devoir de l’Etat de prendre en compte l’ensemble des éléments portés à sa connaissance, notamment par les collectivités concernées elles-mêmes, pour fixer le niveau adéquat d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement et, partant, de ne pas se limiter à se baser sur des extractions de bases de données (pouvant être partiellement erronées ou incomplètes).  

Le dialogue local doit pleinement avoir lieu, ce qu’ont appelé de leurs vœux les élus locaux très tôt pour la mise en œuvre de ce dispositif. 

Offices publics de l’habitat rattachés à une même collectivité : quelles échéances ?

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après dénommée « loi ELAN ») contraint les organismes de logement social gérant moins de 12.000 logements sociaux, à se regrouper au 1er janvier 2021 et ainsi à « […] constituer entre eux, afin d’améliorer l’efficacité de leur activité, un groupe d’organismes de logement social »[1].  

Si ce dispositif s’applique à l’ensemble des organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés anonymes d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, certaines modalités dérogatoires ont été prévues par le législateur notamment pour les organismes exerçant principalement l’activité d’accession sociale ou pour les SEM dont le chiffre d’affaires moyen sur trois ans atteint un seuil de 40 millions d’euros hors taxes.  

Toutefois, les OPH ne bénéficient d’aucun dispositif d’exception spécifique.  

Bien au contraire, le législateur fait peser sur les OPH une obligation supplémentaire de regroupement dès lors qu’ils sont plusieurs à relever d’une même collectivité de rattachement, impliquant une application dans le temps différenciée.  

  

A l’obligation générale de regroupement, s’ajoute celle, pour les OPH, d’avoir à fusionner dès lors qu’ils sont rattachés à une seule et même collectivité de rattachement

  

Cette seconde obligation figure à l’article L. 421-6 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose que :  

« A l’exception de la métropole du Grand Paris, une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale, un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou la commune de Paris ne peut être la collectivité de rattachement de plusieurs offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 411-2 du présent code qui gèrent chacun moins de 12 000 logements sociaux. Dans ce cas, après mise en demeure, le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté la fusion des organismes rattachés qui gèrent moins de 12 000 logements sociaux ». 

En conséquence, une collectivité à laquelle sont rattachés plusieurs OPH, à compter du 1er janvier 2021, pourrait seulement : 

  • soit demeurer collectivité de rattachement de plusieurs OPH, à la condition que lesdits OPH gèrent chacun plus de 12.000 logements sociaux ;  
  • soit être collectivité de rattachement d’un seul OPH, qui n’aurait pas à se regrouper si et seulement si il gère au moins 12.000 logements locatifs sociaux. 

Certains ont pu considérer que l’article L. 421-6 dernier alinéa du Code de la construction et de l’habitation permettait de maintenir le rattachement à une même collectivité de deux OPH dont l’un détiendrait plus de 12.000 logements et l’autre détiendrait moins de 12.000 logements. 

A notre sens, cependant, une lecture stricte de l’alinéa concerné ne permet pas de tirer une telle conclusion. Au surplus, une telle interprétation viendrait à l’encontre de l’esprit général de la loi ELAN visant au regroupement des acteurs du logement social. 

  

  

Articulation des obligations en deux temps 

  

Ainsi, et pour exemple, au regard des dispositions initialement prévues au projet de loi, deux OPH de 5.000 logements locatifs sociaux rattachés à une même collectivité auraient été contraints au 1er janvier 2021 non seulement d’avoir à fusionner entre eux mais également de rejoindre un groupe d’organismes de logement social gérant plus de 12.000 logements.  

Afin d’atténuer les effets de cette « double peine », des parlementaires ont donc proposé différents amendements. On citera notamment celui qui aurait permis de maintenir au moins deux OPH rattachés à une même collectivité lorsqu’il existait au préalable (au 1er janvier 2019) sur le territoire de ladite collectivité plus de cinq OPH. 

La solution finalement retenue a été d’articuler en deux temps les cas des fusions-regroupements des OPH.  

Lors des débats en séance publique au Sénat portant sur l’amendement[2] présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques MEZARD a relevé que cette proposition « […] tend à régler un problème réel, qui se pose pour un petit nombre d’organismes contraints d’articuler l’obligation de regroupement avec l’obligation de fusion. Nous sommes favorables à ce délai supplémentaire, qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs sans difficulté. Sinon, ils n’auraient effectivement pas pu y arriver  […] ». 

 

Aux termes de cette discussion, le texte final a retenu à l’article 81 V de la loi ELAN la disposition suivante, dont la lecture reste, là encore, ardue : 

« Les articles L. 423-2 et L. 481-1-2 du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction résultant de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2021.  

Par dérogation au premier alinéa du présent V, l’article L. 423-2 du même code est applicable à compter du 1er janvier 2023 aux offices publics de l’habitat auxquels le dernier alinéa de l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, s’applique.  

Lorsqu’au 1er janvier 2021, les offices publics de l’habitat d’une même collectivité de rattachement appartiennent à un même groupe en application du I de l’article L. 423-2 du même code, l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, leur est applicable à compter du 1er janvier 2023 ». 

  

Autrement dit, l’article 81 V[3] de la loi ELAN a organisé cette articulation, en laissant le choix d’opter pour l’une ou l’autre des solutions proposées : 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont fusionné ensemble au 1er janvier 2021 et, dans ce cas, leur obligation de rejoindre un groupe d’organismes de logement social est reportée au 1er janvier 2023 ; 

A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils s’engagent en premier lieu dans un processus de fusion, ils ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour choisir le groupe d’organismes auquel appartiendra l’OPH résultant de la fusion. 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont constitué ensemble au 1er janvier 2021 une société de coordination, de sorte qu’ils appartiennent tous au même groupe d’organismes de logement social et, dans ce cas, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

 A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils constituent ensemble une société de coordination, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

  Par Anne-Christine Farçat, Avocate associée
Eglantine Enjalbert, Avocate directrice
Guillaume Van Houtte, Avocat

  – 

[1] Article L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation. 

[2] Amendement n°973 présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE et les membres du groupe Union Centriste et adopté lors de la séance publique du 19 juillet 2018 au Sénat à l’occasion notamment de l’analyse de l’article 25 du projet de loi ELAN. 

[3]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D61CDA9F0B6E3570334F0CF967A3151A.tplgfr28s_2?idArticle=JORFARTI000037639584&cidTexte=JORFTEXT000037639478&dateTexte=29990101&categorieLien=id

 

Les contours du service public de la performance énergétique de l’habitat

Les acteurs publics, encouragés dans cette voie par le législateur, s’impliquent de plus en plus en matière de transition énergétique.

Outre notamment la production d’énergies renouvelables, la réduction des consommations énergétiques – et a fortiori la lutte contre les passoires énergétiques – suscite, à juste titre, un intérêt renouvelé.

Des opérations, parfois d’ampleur, sont ainsi menées par les collectivités publiques et bailleurs sociaux afin de rénover leur patrimoine dans le cadre notamment de marchés globaux de performance.

Et, si des mécanismes contraignants existent déjà (voir par exemple récemment le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire), la rénovation énergétique du parc immobilier public et privé semble désormais devenir une véritable priorité nationale, à l’image de l’annonce du Président de la République, E. Macron, lors de son adresse aux Français du 14 juin 2020, de sa volonté de lancer un plan de modernisation axé, notamment, autour de la rénovation thermique des bâtiments, ou encore des propositions de la Convention citoyenne pour le climat visant à rendre obligatoire « la rénovation énergétique globale » des bâtiments publics et privés d’ici 2040.

Dans le cadre des réflexions menées par les collectivités territoriales sur ces sujets, le recours à un instrument questionne : le service public de la performance énergétique de l’habitat (ci-après « SPPEH »). Institué par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, et codifié aux articles L. 232-1 et L. 232-2 du Code de l’énergie, les contours exacts et la mise en œuvre du SPPEH demeurent encore à ce jour relativement délicats à appréhender.

 

Les activités couvertes par le SPPEH 

 

En créant le SPPEH, la volonté poursuivie est d’instituer un guichet unique, permettant de guider les consommateurs vers les acteurs compétents et les mécanismes d’aides existants en matière de rénovation énergétique[1].

Initialement, la consistance du SPPEH était définie uniquement à l’article L. 232-1 du Code de l’énergie selon trois missions : l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique, l’assistance des propriétaires et des locataires dans la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et la fourniture d’informations et de conseils personnalisés.

En complément, la loi nᵒ 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV) a ajouté un nouvel article L. 232-2 dans le Code de l’énergie au sein du chapitre relatif au SPPEH, lequel précise les activités incluses dans ce service public[2] et crée des missions facultatives comprenant l’information itinérante, la mobilisation et l’animation d’un réseau de professionnels du bâtiment et du secteur bancaire et la mise en place d’actions facilitant la montée en compétences des professionnels. A noter que ce même article indique aussi que « Les conseils fournis sont personnalisés, gratuits et indépendants ».

L’ensemble de ces missions renvoie donc à l’information, le conseil, l’accompagnement et l’assistance des consommateurs dans leurs démarches. C’est, par ailleurs, dans cette esprit que ce service public avait été initialement conçu comme cela ressort des travaux parlementaires dans lesquels il est fait mention d’« un service public du conseil en matière d’efficacité énergétique »[3], « un service public d’aide à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique des logements résidentiels »[4], « une aide personnalisée à l’amélioration de la performance énergétique de leur habitation »[5].

Le SPPEH intervient de ce fait en amont de la réalisation des travaux de rénovation.

A priori, il ne semble pas avoir vocation à aller, par exemple, jusqu’à la réalisation d’expertises ou audits, ni à couvrir une partie du financement. Pour autant, au regard des termes relativement larges utilisés pour le définir, un doute subsiste quant au périmètre exact des activités pouvant être prises en charge par les collectivités au titre du SPPEH.

En tout état de cause, il demeure la possibilité pour les collectivités de développer de telles activités en justifiant d’un intérêt local, qui peut résulter d’une carence de l’initiative privée, dans le respect du droit de la concurrence.

Cette carence peut intervenir notamment dans les aspects techniques de la rénovation[6] ou dans le financement des travaux.

 

 

Comment et par qui le SPPEH est-il mis en œuvre ?

 

L’article L. 232-2 du Code de l’énergie prévoit que ce service public « s’appuie sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique » (ci-après « PTRE ») qui ont vocation à être mises en œuvre, « prioritairement » à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Si ces derniers représentent donc le niveau privilégié pour la mise en œuvre des PTRE, les régions sont toutefois chargées, au titre de l’article L. 222-2 du Code de l’environnement, d’établir un plan pour l’efficacité énergétique[7], qui doit, entre autres, définir un plan de déploiement des PTRE et promouvoir leur mise en réseau[8].

Et ces PTRE peuvent être gérées, notamment, par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services territoriaux de l’Etat, les agences départementales d’information sur le logement[9] (ADIL), les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les espaces info énergie (EIE) ou les associations locales.

Aujourd’hui, les PTRE s’articulent avec le réseau FAIRE (Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Énergétique)[10], dont l’un des objectifs est de rassembler l’ensemble des acteurs publics et privés de la rénovation énergétique et des énergies renouvelables, réseau consolidé et complété par le programme SARE (Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique)[11].

Au-delà, les missions comprises dans le SPPEH devraient sinon pouvoir être prises en charge dans le cadre de structures locales sous forme sociétaire, voire être confiées à un tiers.

 

 

Les destinataires du SPPEH

 

Il ressort de la lettre du texte et de son esprit que les destinataires prioritaires de ce service public sont les particuliers.

Au vu des travaux parlementaires, le SPPEH a en effet été conçu comme devant venir au soutien des ménages, et en particulier ceux les plus en difficulté, face à la consommation énergétique de leur habitation[12].

Pour autant le texte vise les consommateurs, propriétaires ou locataires, qui souhaitent diminuer leur consommation énergétique et n’exclut donc pas par principe les personnes publiques de ce service. D’autant que la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est venue préciser, à l’article L. 232-2 du Code de l’énergie, que « Elles [les PTRE] orientent les consommateurs, en fonction de leurs besoins, vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et recommandent à tout maître d’ouvrage, public ou privé, de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, lorsque les conseils mentionnés au troisième alinéa du présent article n’ont pas été délivrés par l’un de ces organismes ».

Au total, les acteurs publics disposent ainsi, avec le SPPEH, d’un outil dont il convient toutefois de bien appréhender le champ d’application et le régime.

Et bien d’autres leviers sont sinon à la disposition des acteurs publics pour agir plus spécifiquement sur leur patrimoine.

Très récemment d’ailleurs, dans une communication du 1er juillet 2020, le Ministère de la Transition énergétique a annoncé la signature, par E. Wargon, ancienne secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, de la convention du programme d’Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique (ACTEE 2) qui « permettra d’accompagner les collectivités locales qui rénovent énergétiquement leurs bâtiments tout au long de leurs projets : sensibilisation, formation, diagnostics, conseils techniques ou financiers ou encore solutions de mutualisation »[13].

 

Par Christophe Farineau et Anaëlle Degrémont

 

[1] M. F. Brottes – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du lundi 11 mars 2013 : « il [le texte de la proposition de loi] met en place un guichet unique, accessible à tous, à travers un service public de la performance énergétique de l’habitat ».

[2] « Ces plateformes ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur. Elles fournissent à ce dernier les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation. » et « Elles orientent les consommateurs, en fonction de leurs besoins, vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et recommandent à tout maître d’ouvrage, public ou privé, de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, lorsque les conseils mentionnés au troisième alinéa du présent article n’ont pas été délivrés par l’un de ces organismes. » (article L. 232-2 alinéas 3 et 4 du Code de l’énergie).

[3] M. A. Chassaigne – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du 1er octobre 2012.

[4] Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, déposé à l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013.

[5] M. D. Raoul, rapporteur – Discussion en séance publique, Sénat, séance du 30 octobre 2012.

[6] Comme cela a été mené par certaines collectivités ou groupements de collectivités.

[7] « Un programme régional pour l’efficacité énergétique, définit les modalités de l’action publique en matière d’orientation et d’accompagnement des propriétaires privés, des bailleurs et des occupants pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique de leurs logements ou de leurs locaux privés à usage tertiaire » (article L. 222-2 du Code de l’environnement).

[8] Article L. 222-2 du Code de l’environnement, alinéa 3, a), b).

[9] Voir Conseil d’Etat, 4 mai 2016, ADILE de Vendée, n° 396590, qui a confirmé qu’une association, en l’espèce l’ADILE de Vendée, pouvait se porter candidate à l’octroi d’un marché public de prestations de conseil aux particuliers en matière de performance et de rénovation énergétiques de leurs logements.

[10] Ministère de la Transition écologique, 10 septembre 2018, « Rénovation énergétique des bâtiments – Lancement de la campagne de mobilisation « FAIRE » » et https://www.faire.gouv.fr/.

[11] Arrêté du 5 septembre 2019 portant validation du programme « Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique » dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Convention nationale de mise en œuvre du Programme SARE, signée le 7 mai 2020.

[12] M. F. Barbier – Discussion en séance publique, Assemblée nationale, séance du 1er octobre 2012 : « Il [le service public de la performance énergétique de l’habitat] aura pour mission d’accompagner les ménages dans ces différentes améliorations. ».

Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, déposé à l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013 : « Enfin, le service public de la performance énergétique de l’habitat aura pour priorité d’améliorer l’isolation des logements des personnes en état de précarité ».

[13] Ministère de la Transition énergétique, 1er juillet 2020, « Le Gouvernement accélère la rénovation énergétique des bâtiments publics et lance un programme de 100 millions d’euros pour soutenir les collectivités ».

Actualités en matière d’évaluation environnementale

L’actualité récente a permis d’apporter des précisions s’agissant de l’évaluation environnementale et notamment de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas (A) ainsi que de l’obligation de soumettre à évaluation environnementale tant les textes encadrant l’implantation des parcs éoliens (B) que tous les projets devant y être soumis, quand bien même ils feraient partie d’une opération plus vaste dont les autres éléments n’y seraient pas soumis.

 

Modification de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas en matière d’évaluation environnementale

 Décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

 

Un décret du 3 juillet 2020 modifie l’autorité compétente en matière d’évaluation environnementale s’agissant des projets relevant d’un examen au cas par cas.

Ce décret a ainsi pour principal objet d’appliquer l’article L. 122-1 V bis du Code de l’environnement relatif aux études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements, modifié à la suite de deux arrêts du Conseil d’Etat rendus en 2017 par lesquels la Haute juridiction avait annulé certaines dispositions réglementaires donnant compétence au Préfet de région pour exercer la fonction d’autorité environnementale.

Dès lors, ce décret a notamment pour objet de désigner l’autorité environnementale et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas d’un projet et de prévenir les possibles conflits d’intérêts entre ces deux autorités.

Ainsi, le décret modifie l’article R. 122-3 du Code de l’environnement relatif à la désignation de l’autorité chargé de l’examen au cas par cas et l’article R. 122-6 de ce même Code relatif à la désignation de l’autorité environnementale.

Il en ressort, premièrement, que le Ministre en charge de l’environnement est compétent en tant qu’autorité environnementale et en tant qu’autorité chargée de l’examen au cas par cas s’agissant des projets qui donnent lieu à un décret, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un ministre ou qui sont élaborés « par les services placés sous l’autorité d’un ministre ».

Deuxièmement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) est désignée autorité environnementale et autorité chargée de l’examen au cas par cas pour les projets élaborés par les services placés sous l’autorité du Ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce Ministre ou sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du Ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de ce dernier et pour les projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau. Il convient de noter que le Ministre chargé de l’environnement peut en outre déléguer à la formation d’autorité environnementale du CGEDD l’examen au cas par cas d’un projet ou d’une catégorie de projets relevant de sa compétence.

Troisièmement, le Préfet de région sur le territoire duquel le projet doit être réalisé reste compétent pour les projets ne relevant pas de l’une des autorités mentionnées ci-avant. Pour ces projets, ce sont les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) qui sont désignées autorités environnementales.

A ce titre, afin de prévenir les conflits d’intérêts, le décret crée deux nouveaux articles au sein du Code de l’environnement (R. 122-24-1 et R. 122-24-2), prévoyant pour l’un que l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale « exercent leurs missions de manière objective » et « veillent à prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêt » et, pour l’autre, la procédure applicable en cas de conflit d’intérêt.

 

 

Selon le CJUE, les textes encadrant l’implantation d’un parc éolien doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale

CJUE, 25 juin 2020, C-24/19, A e.a. contre Gewestelijke stedenbouwkundige ambtenaar van het departement Ruimte Vlaanderen, afdeling Oost-Vlaanderen

 

La Cour de justice de l’Union européenne, dans une décision du 25 juin 2020, a apporté des précisions quant à l’interprétation de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

La Cour estime dans cet arrêt que la notion de plans et programmes qui doivent être soumis à évaluation environnementale en application de cette directive doit être entendue largement, en comprenant les plans et programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, reprenant ainsi sa jurisprudence constante (voir notamment décision C-567/10).

Dès lors, la Cour retient que la directive doit être interprétée « en ce sens que relèvent de la notion de « plans et programmes » un arrêté et une circulaire, adoptés par le gouvernement d’une entité fédérée d’un État membre, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes » et que ces derniers doivent donc être soumis à évaluation environnementale.

Ainsi, les textes encadrant l’implantation d’un parc éolien sont ici qualifiés de plans ou programmes et doivent dès lors faire l’objet d’une évaluation environnementale.

 

 

Le Conseil d’Etat juge qu’une obligation d’évaluation environnementale pour un projet n’est pas remise en cause dans le cadre d’une opération d’aménagement incluant ledit projet

CE, 1er juillet 2020, n° 423076, Association Athéna

 

Par une décision du 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat a apporté des précisions s’agissant de l’obligation d’évaluation environnementale dans le cadre d’une opération d’aménagement incluant plusieurs projets.

La Haute juridiction retient que, dans le cadre d’une telle opération comprenant la construction d’un magasin d’une part et de places de stationnement extérieures d’autre part, cette circonstance ainsi que celle que le magasin projeté, du fait de sa superficie, ne relève d’aucune des rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement et ne devant dès lors pas faire l’objet d’une évaluation environnementale, ne sont pas de nature à faire échapper la réalisation des places de stationnement à l’obligation d’évaluation environnementale, dès lors que cette construction entre dans l’une des rubriques de ce tableau.

Ainsi, dès lors qu’un projet doit être soumis à évaluation environnementale, cette obligation ne peut être contournée du fait de l’exonération de cette obligation dont bénéficie les autres éléments de l’opération plus vaste dans lequel ledit projet s’inclut.

Des ajustements réglementaires relatifs à certaines installations réglementées

Modification des prescriptions relatives aux installations éolienne soumises à déclaration

Arrêté du 22 juin 2020 modifiant l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

 

L’arrêté du 22 juin 2020 de la Ministre de la transition écologique et solidaire modifie les prescriptions relatives aux installations éoliennes soumises à déclaration prévues à l’arrêté du 26 août 2011[1]. Ces modifications portent tant sur l’exploitation des parcs éoliens que sur leur renouvellement en fin de vie, leur démantèlement ou encore les conditions de calcul des garanties financières des nouvelles installations et des installations existantes modifiées.

La notice du décret précise ainsi qu’il introduit l’obligation de démanteler la totalité des fondations jusqu’à leur semelle sauf dans le cas où le bilan environnemental est défavorable, sans que l’objectif de démantèlement puisse être inférieur à 2 mètres. Il ajoute par ailleurs des objectifs de recyclage ou de réutilisation des aérogénérateurs et des rotors démantelés, progressifs à partir de 2022. Il fixe également des objectifs de recyclabilité ou de réutilisation pour les aérogénérateurs dont la déclaration est réalisée après le 1er janvier 2024 ainsi que pour les aérogénérateurs mis en service après cette même date dans le cadre d’une modification notable d’une installation existante. Il ajoute l’obligation pour les exploitants de déclarer les aérogénérateurs, aux étapes clés du cycle de vie de l’installation. Il ajoute des obligations renforçant l’encadrement des opérations de maintenance et de suivi des installations pour l’évaluation des impacts sur la biodiversité, ainsi que des conditions spécifiques dans le cas du renouvellement des aérogénérateurs d’un parc éolien en fin de vie.

 

 

Révision de la nomenclature IOTA

Décret n° 2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l’eau

Arrêté du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement

Arrêté du 30 juin 2020 modifiant l’arrêté du 9 août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 3.2.1.0 et 4.1.3.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement

 

Un décret et deux arrêtés du 30 juin 2020 réforment la nomenclature relative aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant une incidence sur l’eau ou le fonctionnement des systèmes aquatiques, dite nomenclature « loi sur l’eau » annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement, dans un objectif de simplification des procédures applicables.

La notice du décret précise que cette réforme clarifie les périmètres de plusieurs rubriques, aborde de façon plus globale les enjeux environnementaux des projets en regroupant des rubriques concernant une même thématique et modifie la procédure applicable à certains projets. Elle porte sur les thématiques suivantes : assainissement, stockage de boues, rejets, plans d’eau et création d’une nouvelle rubrique relative à la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques afin d’alléger la procédure pour les projets favorables à la protection des milieux. Le décret désigne également l’autorité compétente pour définir la liste des agglomérations d’assainissement au sens de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et institue un registre dématérialisé pour les propriétaires des systèmes d’assainissement destinés à collecter et traiter une charge brute de pollution organique, au sens de l’article R. 2224-6 du code général des collectivités territoriales, inférieure ou égale à 12 kg et supérieure à 1,2 kg.

L’entrée en vigueur des dispositions de ce décret est étalée dans le temps, certaines à compter du 3 juillet 2020, d’autres à compter du 1er septembre 2020 et d’autres encore seulement à compter du 1er janvier 2021.

Les deux arrêtés, quant à eux, modifient pour l’un la définition des travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature loi sur l’eau et, pour l’autre, les niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant des rubriques 2.2.3.0, 3.2.1.0 et 4.1.3.0 de cette même nomenclature.

Ces modifications entreront en vigueur à compter du 1er septembre 2020.

 

 

Modification de la composition du dossier d’autorisation environnementale en matière d’assainissement

Décret n° 2020-829 du 30 juin 2020 relatif à la composition du dossier d’autorisation environnementale prévu à l’article L. 181-8 du code de l’environnement pour les systèmes d’assainissement collectif des eaux usées de l’agglomération d’assainissement et les installations d’assainissement non collectif

 

Le décret n° 2020-829 du 30 juin 2020 a été pris en application de l’article L. 181-8 du Code de l’environnement relatif au dossier d’autorisation environnementale à fournir par le pétitionnaire afin de préciser les pièces et informations spécifiques à joindre au dossier.

Le décret modifie ainsi la composition du dossier d’autorisation environnementale pour les systèmes d’assainissement collectif des eaux ou les installations d’assainissement non collectif, ainsi que pour l’épandage, et le stockage en vue d’épandage, de boues produites dans un ou plusieurs systèmes d’assainissement collectif des eaux usées et installations d’assainissement non collectif.

Les dispositions de ce décret entreront en vigueur le 1er septembre 2020.

[1] Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

Modifications de la répartition de certaines compétences en matière d’environnement

Décret n° 2020-869 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique

Décret n° 2020-879 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la mer

 

 

Déconcentration des décision administratives individuelles dans les domaines de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement

 

Par une circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, le Premier Ministre a souhaité, d’une part, transférer l’ensemble des décisions qui pourraient être exercées au niveau déconcentré, en privilégiant le niveau départemental, voire infra-départemental afin de renforcer les marges de manœuvre des agents de terrain et, d’autre part, repenser l’organisation et le fonctionnement des administrations centrales.

C’est conformément à cette orientation que le décret du 19 juin 2020 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles dans les domaines de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement a été publié.

Ainsi, ce décret transfère à des autorités déconcentrées ou à un établissement public la compétence de prendre certaines décisions administratives individuelles relevant des ministres chargés de l’écologie, du développement durable, des transports, de l’énergie et du logement, en matière de sécurité ferroviaire, de sécurité des transports publics guidés et dans le domaine de l’eau et de la biodiversité. Il procède en outre à l’actualisation de la liste des dérogations au principe de déconcentration des décisions administratives individuelles.

 

 

Modification des attributions du Ministre de la transition écologique et création du Ministre de la mer

 

Le Ministre de la transition écologique a vu, avec le remaniement ministériel intervenu le 6 juillet dernier, outre un raccourcissement de son nom, ses attributions quelque peu modifiées.

Il convient ainsi notamment de noter que le Ministre perd ainsi une partie de la compétence en économie sociale et solidaire, et qu’il est chargé, en liaison avec le Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, de la politique du Gouvernement en matière d’urbanisme et d’aménagement.

Autre fait notable, le Ministre de la transition écologique partage désormais ses compétences sur la mer avec le nouveau Ministre de la mer, qui élabore et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses divers aspects, nationaux et internationaux, notamment en matière d’économie maritime, de rayonnement et d’influence maritimes.

Pollution de l’air : l’Etat sommé par le conseil d’Etat de respecter ses obligations

Le Conseil d’Etat a rendu, ce vendredi 10 juillet 2020, une décision historique en matière de lutte contre la pollution de l’air.

La Haute Juridiction constate que, malgré son injonction faite par sa décision du 12 juillet 2017 (CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254) de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, dans toutes les zones où les valeurs limites de concentration  en dioxyde d’azote étaient encore dépassées, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM 10 sous les valeurs fixées par l’article R. 221-1 du Code de l’environnement (transposition des règles de la Directive européenne du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe), le Gouvernement n’a pas encore pris de mesures adaptées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France (ZAS Grenoble et Lyon, pour la région Auvergne – Rhône-Alpes, Strasbourg et Reims, pour la région Grand-Est, Marseille-Aix, pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Toulouse, pour la région Occitanie et Paris, pour la région Ile-de-France, s’agissant des taux de concentration en dioxyde d’azote, et pour les ZAS Paris et Fort-de-France, s’agissant des taux de concentration en PM10). Pour le contraindre à prendre ces mesures, le Conseil d’Etat a ainsi prononcé une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, ce qui constitue le montant le plus élevé jamais imposé à l’Etat en vue de le contraindre à exécuter une décision prise par le juge administratif. Dans son communiqué le Conseil d’Etat explique cette astreinte compte tenu « du délai écoulé depuis sa première décision, de l’importance du respect du droit de l’Union européenne, de la gravité des conséquences en matière de santé publique et de l’urgence particulière qui en résulte ». En outre, le Conseil d’Etat précise que ce montant pourra être révisé à la hausse si l’Etat n’exécute pas pleinement la décision de 2017.

Nul doute que les mesures adoptées dans les prochaines semaines par le gouvernement seront examinées avec attention, notamment par les collectivités des 8 zones concernées.

Les déblais résultant des travaux sur la voie publique qualifiés de déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement

Par une décision du 29 juin 2020, n° 425514, mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat a précisé que les déblais résultant de travaux réalisés sur la voie publique constituent des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement et que les intervenants sous la maîtrise d’ouvrage desquels ces travaux sont réalisés doivent être regardés comme les producteurs de ces déchets.

En l’espèce, la communauté urbaine de Lyon – aujourd’hui métropole – avait adopté son règlement de voirie par une délibération du 25 juin 2012. La société France Télécom avait notamment sollicité l’abrogation des dispositions du règlement de voirie prévoyant que, si à l’occasion d’une fouille réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’intervenant, pour les besoins de travaux conduits sous sa maîtrise d’ouvrage, celui-ci découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, la gestion des déblais issus de l’excavation du sol sera à la charge de l’intervenant ; cette demande avait essuyé un refus de la Communauté.

La société Orange France venant aux droits de France Télécom a alors demandé au Tribunal administratif de Lyon d’annuler cette décision de refus d’abrogation et d’enjoindre à la Communauté urbaine d’abroger les dispositions litigieuses. Par une décision du 26 avril 2016, le Tribunal avait rejeté la demande de la société Orange France, qui a fait appel de ce jugement.

La société demanderesse soutenait notamment que le Tribunal aurait fait à tort application, pour rejeter sa requête, des dispositions relatives aux déchets et non de celles, qu’elle invoquait, relatives aux sites et sols pollués dans la mesure où la voirie comportait de l’amiante et qu’ainsi le risque pour la santé et l’environnement préexistait aux travaux.

Par un arrêt du 20 septembre 2018, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la demande d’annulation de la société Orange aux motifs que celle-ci avait la qualité de producteur de déchets et que la circonstance que la voirie comportait de l’amiante était sans incidence à cet égard.

La Société s’est alors pourvue en cassation et le Conseil d’Etat a tranché l’affaire dans une décision du 29 juin 2020.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la société Orange France et juge que la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit dans l’application de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement, précisant ainsi que les déblais résultant de travaux réalisés sur une voie publique sont des déchets au sens de cet article et que les intervenants qui réalisent les travaux sur la voie publique doivent être qualifiés de producteurs de ces déchets.

La consultation du public sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques dans les lieux de vie

Le Ministère de la transition écologique et solidaire a lancé une consultation du public sur un projet d’arrêté relatif aux mesures de protection de personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation et des lieux à usage collectif.

Pour rappel, la loi du 6 février 2014 dite « loi Labbé »[1] interdit, depuis le 1er janvier 2017, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques à l’exception des produits à faible risque. Cette interdiction a en outre été étendue par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte à l’acquisition et à l’utilisation de ces mêmes produits par les utilisateurs non professionnels à compter du 1er janvier 2019.

La consultation consiste à recueillir l’avis de toutes les personnes intéressées à partir du 2 juillet 2020 et jusqu’au 16 août 2020. A la suite de cette consultation, le gouvernement projette de modifier l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui fixe les conditions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

L’objectif est d’interdire l’utilisation de ces produits à compter du 1er juillet 2022 dans les zones d’habitation, comprenant notamment les jardins des copropriétés, les parcs et jardins privés dans les résidences hôtelières, les campings, les jardins familiaux, les parcs d’attractions, les zones commerciales, les lieux de travail, les cimetières, les établissements d’enseignement, et les établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux, les domiciles des assistants maternels.

Des dérogations pourront néanmoins être prévues jusqu’au 1er janvier 2025 s’agissant des équipements sportifs. Ces dérogations pourront en outre à titre exceptionnel être étendues pour certains usages au-delà de cette date pour les équipements sportifs de haut niveau lorsqu’aucune solution technique alternative ne permette d’obtenir la qualité requise dans le cadre des compétitions officielles.

Il convient de préciser que ces interdictions ne s’appliqueront pas pour les produits considérés à faible risque, les produits de biocontrôle et les produits autorisés en agriculture biologique.

Notons que ce projet d’arrêté, qui survient après les propositions de la Convention citoyenne sur le climat, va dans le sens demandé par nombre d’associations et de collectivités, au premier rang desquelles les nombreuses communes dont les Maires ont pris des arrêtés afin de d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur leur territoire.

[1] Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national

Actualités européennes et nationales en matière de responsabilité environnementale : de l’effectivité du contrôle institutionnel et juridictionnel en la matière

L’actualité récente a été marquée par l’adoption de plusieurs décisions relatives à la responsabilité environnementale, tant européennes (I) que nationales (II).

 

Décisions à l’échelle européenne

 

I – La Commission européenne met en demeure 16 Etats de respecter les dispositions de la directive sur la responsabilité environnementale

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/INF_20_1212

 

En premier lieu, la Commission européenne a adressé, le 2 juillet 2020, une lettre de mise en demeure à 16 Etats, dont la France, les invitant à faire en sorte que leur législation nationale mette correctement en œuvre la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. La Commission leur demande particulièrement de permettre à toutes les catégories de personnes physiques et morales mentionnées au sein de cette directive de demander à l’autorité compétente de prendre des mesures de réparation des dommages environnementaux.

En effet, cette directive prévoit que les dommages environnementaux peuvent être évités ou réparés, entre autres, en accordant à des personnes physiques ou morales le droit de demander que les autorités compétentes décident des mesures de prévention et de réparation à prendre par l’exploitant responsable des dommages.

L’exercice de ce droit à demander une action a été précisé par la Cour de justice dans l’affaire C-529/15 du 1er juin 2017 (Folk), qui a affirmé, en substance, que toutes les catégories de personnes physiques et morales visées au sein de la directive ayant un droit ou un intérêt à la prévention ou à la réparation du dommage doivent pouvoir s’adresser à cette fin aux autorités.

A la suite de cette décision, la Commission a procédé à une vérification de la bonne application de cette possibilité dans tous les Etats membres. Il en est ressorti que les 16 Etats mis en demeure n’ont pas intégralement couvert toutes les catégories susmentionnées de personnes habilitées.

La mise en demeure adressée à ces Etats leur confère un délai de 3 mois pour remédier à la situation, à défaut de quoi la Commission pourrait leur adresser un avis motivé.

 

 

II – La CJUE précise le régime de responsabilité environnementale instauré par la directive du 21 avril 2004

CJUE, 9 juillet 2020, C-279/19, Naturschutzbund Deutschland – Landesverband Schleswig-Holstein eV contre Kreis Nordfriesland

 

La directive du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, susmentionnée, a également fait l’objet d’une précision de la part de la Cour de justice, dans une décision du 9 juillet 2020, à l’occasion d’une question préjudicielle posée par une juridiction allemande.

Cette directive prévoit notamment que ne peuvent pas être qualifiés de dommages significatifs au sens de son article 2 les « variations négatives dues à des causes naturelles ou résultant des interventions liées à la gestion normale des sites telle définie dans les cahiers d’habitat, les documents d’objectifs ou pratiquées antérieurement par les propriétaires ou les exploitants ». La question préjudicielle portait alors sur l’interprétation de la notion de « gestion normale des sites ».

La Cour répond que cette « gestion normale des sites » doit être entendue comme couvrant :

  • d’une part, toute mesure d’administration ou d’organisation susceptible d’avoir une incidence sur les espèces et les habitats naturels protégés se trouvant sur un site, résultant des directives « Habitat » (directive 92/43/CEE du 21 mai 1992) et « Oiseaux » (directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009) ou, à défaut, compatible avec l’esprit et l’objectif de ces directives
  • d’autre part, toute mesure d’administration ou d’organisation considérée comme usuelle, généralement reconnue, établie et pratiquée depuis un laps de temps suffisamment long par les propriétaires ou les exploitants jusqu’à la survenance d’un dommage causé par l’effet de cette mesure aux espèces et aux habitats naturels protégés, l’ensemble de ces mesures devant par ailleurs être compatibles avec les directives « Habitats » ou « Oiseaux » susmentionnés, ainsi que, notamment, avec les pratiques agricoles couramment admises.

 

 

Décisions à l’échelle nationale

TJ Pau, 22 juin 2020, Sobegi contre Sepanso Pyrenées Atlantiques, n° 15259000020

 

En matière de peines prononcées à l’égard de responsables de dommages environnementaux le Tribunal judiciaire de Pau a condamné, dans un jugement du 22 juin 2020, la Sobegi, une filiale de Total chargée du traitement de gaz résiduaires, à verser 18 000 euros à titre de dommages et intérêts à une association de défense de l’environnement. Cette condamnation fait suite à un arrêté préfectoral du 13 février 2017, lequel mettait en demeure la société de respecter les valeurs autorisées de rejets atmosphériques de substances toxiques.

La société a reconnu avoir continué à exploiter pendant la période de prévention une installation sans respecter les prescriptions de l’arrêté préfectoral de mise en demeure et le juge estime alors que « Le dépassement de ce seuil a donc, de toute évidence, des conséquences sur l’environnement ».

Le juge retient que, « Sur la réalité de l’attente à l’environnement causée par le non respect de l’arrêté de mise en demeure par la société SOBEGI pendant la période de plus de seize mois retenue dans la prévention associée aux mesures des poussières rejetées dans l’atmosphère, […], cette atteinte est réelle même si les données scientifiques actuelles n’ont pas permis de la mesurer avec précision ».

La Sobegi a ainsi été condamnée à verser des dommages et intérêts à deux titres, en sus des frais exposés pour le litige, à savoir en réparation du préjudice écologique et en réparation du préjudice environnemental collectif.

Par ailleurs, il est à noter  que, pour sa part, le Tribunal judiciaire d’Agen a rendu le 10 juillet 2020 une décision en matière de responsabilité environnementale d’autant plus lourde qu’elle prononce, outre des amendes, des peines de prison ferme.

Dans cette affaire, relative au barrage de Caussade, la justice administrative s’était déjà prononcée sur l’illégalité du projet à plusieurs reprises, la construction ayant été entreprise sans autorisation administrative.

Devant le juge judiciaire, il était reproché aux commanditaires de cet ouvrage, dont les conséquences de l’illégalité n’avaient pas été tirées, d’avoir exécuté des travaux nuisibles à l’eau et aux milieux aquatiques et de les avoir pollués.

Le Président de la Chambre d’agriculture du département a été condamné à neuf mois de prison ferme et son Vice-Président à huit mois ferme et quatorze mois de sursis. Ils ont par ailleurs été condamnés à 7 000 euros d’amende chacun. La Chambre d’agriculture, quant à elle, maître d’ouvrage, a été condamnée à 40 000 euros d’amende, dont 20 000 avec sursis.

La demande de remise en état du site, et avec elle la destruction du barrage, présentée par les requérants, n’a toutefois pas été suivi par le Tribunal.

Les prévenus ont fait appel de ce jugement.

 

Tarifs réglementés de vente d’électricité : nouvelle hausse à venir

Une nouvelle hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité devrait être prochainement acté par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie à la suite de la délibération publiée par la Commission de régulation de l’énergie le 2 juillet dernier.

Il faut rappeler qu’en vertu de l’article 337-7 du Code de l’énergie modifié par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, les tarifs réglementés de vente d’électricité (ci-après les « TRVE ») bénéficient aux seuls consommateurs disposant d’une installation d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (consommateurs résidentiels et consommateurs professionnels qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros).

L’article R. 337-22 du Code de l’énergie prévoit que toute évolution des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité doit donner lieu à une modification des TRVE en vigueur pour prendre en compte cette évolution.

Or, par une délibération du 20 mai 2020, la CRE a fait évoluer les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) dans les domaines de tension HTA et BT au
1er août 2020.

En conséquence, la CRE propose une évolution des barèmes des TRVE, qui prend en compte les effets suivants :

  • la hausse de la composante d’acheminement de +3,4 % en moyenne (soit + 1,24 % sur les TRVE TTC) à la suite de l’évolution du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité au 1er août 2020 ;
  • la hausse de la contrepartie financière reçue par les fournisseurs au titre de la gestion des clients pour le compte du gestionnaire de réseau et qui vient en déduction des coûts de commercialisation (soit – 0.06 % sur les TRVE TTC) ;
  • la fin d’un rattrapage à la baisse lié à une sur-couverture des coûts par les TRVE au titre de l’année 2018 (soit + 0,37 % sur les TRVE TTC).

Relance de l’économie après l’épidémie de Covid-19 : les propositions pour le secteur de l’énergie

Ce rapport présente les propositions du groupe de travail composé de Mme Marie-Noëlle Battistel (Socialiste), M. Philippe Bolo (Modem) et M. Anthony Cellier (LaREM) dans le cadre du plan de relance de l’économie.

Les rapporteurs ont identifié six axes de réflexion, qui leur semblent prioritaires :

  • le renforcement et l’accélération de la rénovation énergétique ;
  • le développement des mobilités durables ;
  • le développement des énergies renouvelables ;
  • la sécurisation des réseaux et le renforcement de l’indépendance énergétique de la France ;
  • la place à accorder au nucléaire ;
  • enfin l’identification de financements solides et pérennes.

 

S’agissant du premier axe de réflexion, le rapport estime indispensable d’accélérer la rénovation des bâtiments publics et propose d’encourager l’installation d’unités de production d’énergies renouvelables dans les bâtiments neufs et au cours des rénovations pour promouvoir l’autoconsommation, tout en garantissant la contribution au réseau, afin de préserver les mécanismes de solidarité et de péréquation (proposition n° 19).

Concernant les mobilités durables (électrique et gaz), le développement des bornes de recharges pour véhicules électriques reste un chantier prioritaire.

Le rapport propose ainsi de rendre progressivement obligatoire l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les bâtiments résidentiels collectifs, en accompagnant cette mesure de soutiens financiers associés, en réduisant les délais de procédure et en clarifiant l’information en assemblée générale (Proposition n° 23). Le rapport propose également de développer les bornes de recharge communicantes permettant une modulation de la charge (notamment sur signal des gestionnaires de réseau) (Proposition n° 27).

S’agissant du soutien aux énergies renouvelables, le rapport met l’accent sur la nécessité d’accélérer l’instruction des projets d’ENR, alors que la France est l’un des pays où cette instruction est la plus longue, de dématérialiser les procédures, et d’y accorder les ressources humaines suffisantes, notamment pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets, via les DREAL et l’Ademe. 

S’agissant des réseaux d’énergie, le rapport fixe trois axes pour renforcer la résilience des réseaux : sécuriser les réseaux, renforcer les capacités de stockage et accroître l’indépendance énergétique par la relocalisation des activités en France et en Europe.

La sécurisation et le développement des réseaux est ainsi prioritaire dans la mesure où les programmes d’investissement ont été très affectés par la crise.

Le rapport pointe également plusieurs grands chantiers à mener : développer une filière industrielle autour des smart grids (Proposition n° 72), traiter l’augmentation de la précarité ; accélérer le déploiement de la mobilité électrique ; mieux utiliser les compteurs Linky tout en respectant la protection des données ; développer les innovations techniques, l’intelligence artificielle, la maintenance prédictive.

Il propose également de développer rapidement des schémas directeurs multi-énergie intégrant les énergies de réseaux (réseaux de chaleur, de froid, de gaz et d’électricité) et hors réseaux, tels que recommandés par l’Ademe (Proposition n° 73) et missionner l’une des instances existantes placées auprès du Premier ministre pour préparer et coordonner une stratégie en matière de réseaux, multisectorielle (réseaux d’énergie et de communication) et pluriannuelle (Proposition n° 74).

Sur la question du nucléaire, le rapport propose de revoir rapidement le cadre de régulation du secteur nucléaire et relancer, dès que possible, les discussions en France et avec la Commission européenne pour « réformer le dispositif de l’Arenh, dont la crise a montré l’obsolescence, en réinterrogeant plus largement la question de la concurrence face à la pertinence du service public de l’électricité ».

Sur ce même sujet, on soulignera que la Cour des comptes a adopté un rapport public thématique le 9 juillet 2020 relatif à « La filière EPR » dans lequel elle formule plusieurs recommandations à destination d’EDF, en particulier sur la conduite des grands chantier dans ce secteur. La Cour recommande en particulier de « conduire un exercice de retour d’expérience complet sur tous les EPR construits ou en cours de construction »

Enfin, le rapport préconise que la dimension de service public ait toute sa place dans la mise en œuvre éventuelle du projet « Hercule » de refonte d’EDF. Les rapporteurs souhaitent en particulier que soit prévue « une place spécifique au réseau de distribution via Enedis tout en s’assurant de la pérennité du service public de l’électricité, dont la crise a montré le caractère pertinent et indispensable ».